Décision de radiodiffusion CRTC 2021-274

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Référence : 2020-336

Ottawa, le 12 août 2021

Association canadienne des radiodiffuseurs
L’ensemble du Canada

Dossier public de la présente demande : 2020-0417-5

Allégement réglementaire pour les radiodiffuseurs canadiens privés dans le contexte de la pandémie de COVID-19

Sommaire exécutif

En juillet 2020, l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ARC), qui représente la grande majorité des services de programmation privés canadiens, y compris les stations de radio et de télévision, les réseaux et les services facultatifs et sur demande, a déposé une demande en vue d’obtenir un allégement réglementaire immédiat, concernant les exigences en matière de dépenses et de diffusion, pour les radiodiffuseurs canadiens privés dans le contexte de la pandémie actuelle de COVID-19.

Compte tenu des questions soulevées dans la demande de l’ACR et du nombre d’intervenants susceptibles d’être touchés par l’allégement demandé, le Conseil a lancé un appel aux observations sur la demande dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2020-336 (l’Avis).

Après avoir examiné la proposition de l’ACR à la lumière des quatre résultats attendus énoncés dans l’Avis, le Conseil détermine que la proposition ne respecte pas deux de ces résultats attendus, soit ceux visant à s’assurer que les parties qui profitent actuellement des exigences qu’impose le Conseil aux radiodiffuseurs ne soient pas déraisonnablement touchées par l’allégement réglementaire proposé, et à s’assurer que l’allégement réglementaire proposé soit le moins contraignant possible sur le plan administratif pour les entités qui cherchent à obtenir un allégement, mais qu’il soit facilement contrôlé et supervisé par le Conseil afin de garantir une responsabilisation appropriée. Par conséquent, le Conseil refuse la demande de l’ACR.

Dans la présente décision, le Conseil énonce son approche relative aux périodes de paiement prolongées, qui accordera un allégement réglementaire pour les radiodiffuseurs privés canadiens des secteurs de la télévision et de la radio dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Pour le secteur de la télévision, en ce qui concerne les exigences de dépenses en émissions canadiennes (DÉC) (qui comprennent les dépenses au titre des émissions d’intérêt national (ÉIN), au titre de la production indépendante et en émissions originales de langue française), le Conseil exige que :

De plus, en ce qui concerne les contributions requises à la FACTOR et Musicaction, le Conseil exige que les titulaires des grands groupes de propriété versent tout manque à gagner encouru en date du 31 août 2020, et ce, au plus tard le 31 août 2021.

En outre, à partir de l’année de radiodiffusion 2020-2021, les titulaires peuvent se prévaloir d’une  flexibilité de 10 % relative aux dépenses en moins en DÉC et en ÉIN, et ce, jusqu’à la fin de leur période de paiement prolongée respective, à l’exception de la dernière année. Toutefois, la  flexibilité pour les dépenses en moins allouées aux nouvelles de reflet local est maintenue à 5 %.

Pour le secteur de la radio, en ce qui concerne les contributions au titre du développement de contenu canadien (DCC) (contributions de base et excédentaires au titre du DCC et des avantages tangibles affectés aux initiatives de DCC), le Conseil exige que les titulaires qui ont encouru un manque à gagner à cet égard pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 :

De l’avis du Conseil, l’approche relative aux périodes de paiement prolongées, telle que précisée ci-dessus, respecte les quatre résultats attendus énoncés dans l’Avis.

La souplesse accordée dans la présente décision ne s’applique qu’aux dépenses et aux contributions qui auraient normalement dû être effectuées au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020 et ne s’applique pas aux dépenses et aux contributions qui étaient nécessaires pour combler des manques à gagner antérieurs ou pour réparer des préjudices causés antérieurement au système de radiodiffusion.

En outre, la présente décision ne dispense pas les titulaires de leurs obligations réglementaires pour l’année de radiodiffusion 2019-2020. Conformément à sa pratique habituelle, le Conseil évaluera la conformité lors des renouvellements de licence. Tout titulaire qui n’a pas versé ses manques à gagner d’ici la fin de la période de paiement prolongée pourrait se trouver dans une situation de non-conformité.

Afin de permettre au Conseil de surveiller et contrôler facilement le versement des manques à gagner, tous les titulaires ayant cumulé des manques à gagner au 31 août 2020 devront soumettre, dans le cadre de leur rapport annuel actuel, un nouveau formulaire qui portera sur l’évolution du versement des manques à gagner, et ce, jusqu’à la fin de leur période de paiement respective.

Contexte

  1. La pandémie de COVID-19, également connue sous le nom de pandémie de coronavirus, a débuté à la fin de l’année 2019 et ses impacts sur l’économie mondiale se sont fait sentir au début de l’année 2020. Au Canada, la première vague de la COVID-19 a débuté en mars 2020. Plus d’un an plus tard, la pandémie se poursuit, marquée par l’émergence de nouveaux variants du coronavirus et des mesures de santé publique variées et en constante évolution, mais aussi par une campagne de vaccination qui a permis de réduire le nombre de nouveaux cas dans tout le pays depuis le pic de la troisième vague en avril 2021.
  2. En raison de la pandémie, en juin 2020, il y a eu une croissance négative du produit intérieur brut (PIB) de -5,4 %Note de bas de page 1, une augmentation du taux de chômage à court et moyen terme et une baisse des dépenses de consommation et de la confiance des consommateurs.
  3. La pandémie a eu de profondes répercussions sur l’économie canadienne dans son ensemble et l’industrie de la radiodiffusion canadienne n’a pas été épargnée. Ces répercussions se traduisent notamment par une baisse importante des revenus publicitaires des diffuseurs canadiens et la fermeture des salles de concert, de studios d’enregistrement, de plateaux de tournage et d’installations de postproduction qui ont privé de revenus les créateurs de contenu ainsi que les artisans et employés du milieu culturel. Bien qu’il y ait eu une courte reprise de certaines activités musicales au cours de l’été 2020 et au cours de l’hiver 2021, les deuxième et troisième vagues de la pandémie ont remis sur pause la plupart des activités liées au milieu des arts et de la culture, et ce n’est qu’à l’été 2021 que ces activités commencent à être relancées. Le PIB des industries des arts, spectacles et loisirs a baissé beaucoup plus entre février et mai 2020 (-63 %) que le PIB total de toutes les industries au cours de la même période (-14 %)Note de bas de page 2.
  4. Le secteur de la radiodiffusion a vu ses revenus diminuer progressivement de 2015 à 2019, pour ensuite connaître une chute importante de revenus lors de l’année de radiodiffusion 2019-2020 résultant des impacts de la pandémie entre mars 2020 et août 2020, soit la fin de l’année de radiodiffusion. Dans le secteur de la télévision, les revenus des stations de télévision traditionnelle privées ont diminué de 14,3 % entre l’année de radiodiffusion 2018-2018 et l’année de radiodiffusion 2019-2020 (de 1,554 milliard de dollars à 1,332 milliard de dollars), alors que les revenus des services facultatifs ont diminué de 7,2 % au cours de la même période (de 4,234 milliards de dollars à 3,929 milliards de dollars). La pandémie a davantage touché le secteur de la radio : au cours de la même période, les revenus des stations de radio commerciale ont diminué de 20,9 % (de 1,450 milliard de dollars à 1,154 milliard de dollars).
  5. Dans le but d’appuyer les radiodiffuseurs canadiens ainsi que les différents acteurs du milieu des arts et de la culture directement touchés par les répercussions de la pandémie de COVID-19, les divers paliers gouvernementaux, incluant le gouvernement du Canada, ont mis en place une série de mesures d’allégements compensatoires immédiatsNote de bas de page 3, y compris le Fonds d’urgence pour soutenir les organismes chargés de la culture, du patrimoine et du sport. Les radiodiffuseurs ont également reçu une aide lorsque le gouvernement a renoncé au paiement des droits de licence de la partie I et de la partie II pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 (c’est-à-dire la période allant du 1er septembre 2020 au 31 août 2021). L’aide reçue s’élève à plus de 286 millions de dollars, dont 68 millions de dollars provenant de la renonciation totale des droits de licence de la partie I et de la renonciation partielle des droits de licence de la partie IINote de bas de page 4.

Demande de l’Association canadienne des radiodiffuseurs

  1. Le 13 juillet 2020, l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR)Note de bas de page 5a déposé une demande en vue d’obtenir un allégement réglementaire immédiat concernant les exigences relatives aux dépenses et à la présentation pour les radiodiffuseurs canadiens privés en raison de la pandémie de COVID-19. L’ACR indique que ses propositions constituent une solution simple et unique dont la portée est limitée, qui s’appliquerait uniquement aux exigences liées à l’année de radiodiffusion 2019-2020. Selon l’ACR, ses propositions permettrait d’atténuer les importantes difficultés financières que connaissent la plupart, voire la totalité, des radiodiffuseurs canadiens en raison de la pandémie et l’impact des difficultés qu’éprouve le secteur créatif canadien à produire de la programmation. Les trois types d’allégements réglementaires proposés par l’ACR sont détaillés ci-dessous.

Conformité présumée en ce qui concerne les exigences de dépenses

  1. L’ACR allègue que la pandémie a introduit deux obstacles distincts pour les radiodiffuseurs en ce qui concerne les exigences de dépenses, tant pour le secteur de la radio que la télévision. Le premier obstacle concerne la baisse des revenus pour la seconde moitié de l’année de radiodiffusion 2019-2020, qui a épuisé les ressources financières nécessaires aux radiodiffuseurs afin d’atteindre les niveaux de dépenses requis. Le deuxième obstacle concerne les annulations et les retards des productions télévisuelles (émissions autres que les nouvelles) ainsi que les événements admissibles au titre du développement du contenu canadiensNote de bas de page 6 (DCC) du côté de la radio, qui ont engendré des coûts significatifs et ont eu une incidence sur les priorités de la programmation des radiodiffuseurs.
  2. À cet égard, l’ACR propose que, pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 (c.-à-d. du 1er septembre 2019 au 31 août 2020), le Conseil considère que les titulaires, en l’absence de toute mauvaise foi de leur part, ont respecté les conditions de licence et les règlements relatifs aux dépenses (en particulier les exigences globales relatives aux dépenses en émissions canadiennes (DÉC), les exigences quant aux dépenses en émissions d’intérêt national (ÉIN) pour le secteur de la télévision et les exigences en matière du DCC pour le secteur de la radio), peu importe le niveau réel des dépenses versées. De plus, l’ACR propose que le Conseil n’exige pas que tout manque à gagner encouru au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020 soit comblé au cours des années de radiodiffusion ultérieures.
  3. À l’égard du secteur de la télévision, l’ACR note que les revenus publicitaires des télédiffuseurs ont chuté de près de 50 % entre avril et août 2020 et que, par conséquent, les exigences de DÉC pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 (qui sont basées sur les revenus de 2018-2019) sont tout simplement inatteignables.
  4. L’ACR mentionne que presque toutes les productions non-liées aux nouvelles (y compris les sports en direct et la production indépendante) ont cessé à la mi-mars 2020, pour ensuite reprendre en juin 2020, et qu’il ne faut pas s’attendre à ce que d’importants volumes de nouvelles émissions (autres que des émissions de nouvelles) soient disponibles avant au moins l’année de radiodiffusion 2020-2021 (qui a débuté le 1er septembre 2020), voire plus tard. Elle ajoute que la Canadian Media Producers Association (CMPA) a annoncé qu’en l’absence d’assurance pour couvrir les risques liés à la pandémieNote de bas de page 7 pour le secteur de production, la majorité des productions au Canada ne redémarreraient pas.
  5. Enfin, l’ACR souligne que sa proposition de « conformité présumée » permettrait aux télédiffuseurs de continuer à gérer prudemment leurs dépenses de programmation, y compris leurs DÉC, pendant le reste de la pandémie, tout en mettant l’accent sur les émissions de nouvelles et en offrant d’autres émissions canadiennes disponibles et dans les limites des moyens réduits des radiodiffuseurs.
  6. À l’égard du secteur de la radio, l’ACR souligne que les contributions au titre du DCC vont à des tiers et qu’une grande partie des dépenses discrétionnaires sont allouées dans la seconde moitié de l’année de radiodiffusion et plus particulièrement durant l’été. L’ACR allègue qu’en plus des pertes de revenus des radiodiffuseurs, les événements et les concerts qui auraient autrement reçu des fonds du DCC (beaucoup d’entre eux ont reçu des avances) ont été annulés. Dans ces cas, l’ACR indique que le personnel du Conseil a indiqué, entre autres choses, qu’il allait permettre le report des paiements de DCC pour les événements admissibles annulés à l’année de radiodiffusion suivante et être plus souple en ce qui concerne l’admissibilité des projets. L’ACR a toutefois ajouté que cela ne représente pas une baisse des exigences de DCC des radiodiffuseurs.
  7. L’ACR indique que sa proposition permettrait aux radiodiffuseurs de cesser tout paiement de DCC restant pour l’année de radiodiffusion 2019-2020. Elle indique aussi que les paiements de DCC déjà effectués pour des événements qui ont été annulés et qui sont reprogrammés pour l’année prochaine seraient reportés à l’année de radiodiffusion 2020-2021.

Exigences de présentation et toute autre exigence réglementaire « si les ressources le permettent »

  1. Selon l’ACR, en raison des répercussions de la pandémie, il est fort possible que certains de ses membres, surtout les plus petits radiodiffuseurs, ne puissent pas respecter les exigences en matière de diffusion de nouvelles de reflet local et de programmation locale.
  2. À l’égard de ces exigences, l’ACR demande que le Conseil s’abstienne d’évaluer la conformité des radiodiffuseurs en ce qui concerne les exigences de présentation en matière de nouvelles de reflet local et de diffusion de programmation locale pour la deuxième moitié de l’année de radiodiffusion 2019-2020. À titre subsidiaire, l’ACR propose que le Conseil traite ces exigences comme des attentes, sous réserve d’une condition « si les ressources le permettent », pour l’année de radiodiffusion 2019-2020.
  3. Finalement, l’ACR propose qu’en l’absence de mauvaise foi de la part des titulaires, le Conseil traite toute autre exigence réglementaire relatives à la présentation, à l’exception des exigences relatives à la présentation des nouvelles et de la programmation locale, qui sont applicables à l’année de radiodiffusion 2019-2020 (y compris les exigences relatives à l’accessibilitéNote de bas de page 8) comme des attentes, sous réserve d’une condition « si les ressources le permettent ».

Suspension de l’obligation d’approbation préalable du Conseil des conventions de gestion locale pour les stations de radio

  1. L’ACR indique que pour les petits radiodiffuseurs durement touchés par la pandémie, la capacité de travailler avec d’autres radiodiffuseurs locaux sur les ventes et d’autres questions opérationnelles par le biais de CGL – tout en respectant pleinement les exigences de la licence pour maintenir la propriété et le contrôle – peut être une bouée de sauvetage leur permettant de poursuivre leurs activités et de continuer à fournir un service local. L’ACR souligne toutefois qu’en raison de la durée du processus d’approbation préalable du Conseil à l’égard des CGLNote de bas de page 9 et des critères d’approbation très restrictifs, il s’agit d’un mécanisme hors de portée pour aider les stations de radio à haut risque à ne pas fermer leurs portesNote de bas de page 10.
  2. Par conséquent, l’ACR propose de suspendre, à compter du 31 juillet 2020, l’obligation d’obtenir l’approbation préalable du Conseil pour conclure des CGL, et ce, pour une période minimale de 18 mois.

Appel aux observations à propos de l’allégement réglementaire demandé par l’ACR

  1. Compte tenu des questions soulevées dans la demande de l’ACR et du nombre d’intervenants susceptibles d’être touchés par l’allégement réglementaire, le Conseil a lancé un appel aux observations sur la demande dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2020-336 (l’Avis).
  2. Dans l’Avis, le Conseil a reconnu que plusieurs des dépenses visées par l’allégement demandé par l’ACR représentent des éléments importants du financement de la programmation audio et audiovisuelle canadienne et que ce financement bénéficie directement aux communautés créatives et artistiques du Canada, qui ont elles-mêmes subi les effets négatifs profonds de la pandémie. De plus, le Conseil a noté que les exigences financières sont calculées en fonction des revenus de l’année de radiodiffusion antérieure et, comme dans le cas des exigences relatives aux DÉC, sont déjà visées par des assouplissements par rapport à l’année précédente qui, pour les télédiffuseurs, permettent de reporter les sommes non engagées à une année de radiodiffusion ultérieure. Le Conseil a ajouté que l’allégement demandé par l’ACR accentuerait l’impact sur les contributions aux secteurs créatifs et artistiques du Canada, qui diminueront probablement en valeur absolue durant l’année de radiodiffusion 2020-2021.
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil a établi que tout allégement réglementaire potentiel doit respecter les quatre résultats attendus suivants :
    1. la viabilité du secteur canadien de la radiodiffusion, dans la mesure où la pandémie de COVID-19 l’a atteinte, n’est pas pénalisée davantage par l’allégement réglementaire proposé;
    2. les parties qui profitent actuellement des exigences qu’impose le Conseil aux radiodiffuseurs ne sont pas déraisonnablement touchées par un éventuel allégement réglementaire;
    3. les émissions de nouvelles et d’information dans leur ensemble et les services qu’elles procurent aux Canadiens sont maintenus;
    4. toute mesure réglementaire qui en résulte et qui accorde un allégement potentiel puisse être très peu contraignante sur le plan administratif pour les entités qui demandent un allégement, mais facilement contrôlée et supervisée par le Conseil afin de garantir une responsabilisation appropriée.

Avis préliminaires du Conseil énoncé dans l’Avis

  1. Dans l’Avis, le Conseil a énoncé que la « conformité présumée » pour tous les radiodiffuseurs, telle que proposée par l’ACR, pourrait ne pas être l’approche appropriée, car il n’était pas convaincu que cela réponde aux résultats susmentionnés. Le Conseil a indiqué qu’il serait peut-être plus approprié d’adopter une approche, applicable à tous les radiodiffuseurs, selon laquelle il déterminerait la conformité d’un radiodiffuseur à l’égard de ses obligations réglementaires pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 en se fondant sur le fait que ce radiodiffuseur a respecté ou non ces obligations sur une période plus longue (en répartissant, par exemple, les exigences financières sur plusieurs années de radiodiffusion). Toutefois, le Conseil a reconnu qu’il pourrait y avoir d’autres approches, autres que celles proposées par l’ACR dans sa demande et par le Conseil, pour traiter les préoccupations soulevés par l’ACR dans sa demande, et a invité des personnes intéressées à proposer des mesures d’allégement réglementaire qui pourraient atteindre les quatre résultats attendus fixés par le Conseil. Ces propositions sont traitées plus bas dans la présente décision.
  2. À l’égard de l’accessibilité en radiodiffusion et des alertes publiques diffusées par le Système national d’alertes au public (SNAP), le Conseil a énoncé que l’assouplissement des exigences réglementaires ne devrait pas compromettre les services clés qu’offrent les radiodiffuseurs. Le sous-titrage codé, la vidéodescription et l’audiodescription jouent un rôle important en offrant aux personnes ayant une déficience visuelle ou aux personnes sourdes ou malentendantes une programmation adaptée à leurs besoins particuliers, leur permettant ainsi de participer pleinement à la société canadienne. Les alertes publiques diffusées par les radiodiffuseurs au moyen du SNAP contribuent à la sécurité publique générale et constituent un outil essentiel pour la réduction des risques de menaces environnementales et civiques pour les Canadiens et la reprise d’une vie normale après la COVID-19. Dans ces conditions, et compte tenu du contexte économique et sociétal actuel entourant la pandémie de COVID-19, le Conseil a indiqué ne pas avoir l’intention d’examiner toute proposition qui diminuerait le cadre politique et les mesures prises par le Conseil en ce qui concerne l’accessibilité de la radiodiffusion (sous-titrage codé, vidéodescription et audiodescription) et les alertes au public.
  3. Enfin, le Conseil a conclu qu’il serait plus approprié de traiter toute question relative à la modification de son approche actuelle en matière de CGL dans le cadre de l’examen du cadre réglementaire relatif à la radio commercialeNote de bas de page 11, plutôt que dans l’instance actuelle.

Interventions et répliques

  1. En réponse à l’Avis, le Conseil a reçu des interventions soumises par l’ACR, des radiodiffuseurs à titre individuel (membres de l’ACR ou non), des associations représentant le secteur créatif (producteurs, artistes et créateurs), des groupes d’intérêt public et de recherche, et des particuliers. L’ACR, ainsi que d’autres parties, ont déposé des répliques aux interventions.

Exigences relatives aux dépenses

Cadre réglementaire

  1. Le Conseil a l’autorité, en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), d’attribuer et de renouveler des licences pour les périodes maximales de sept ans et aux conditions liées à la situation du titulaire qu’il estime indiquées pour la mise en œuvre de la politique de radiodiffusion visée au paragraphe 3(1) de la Loi ainsi que de modifier les conditions de licence. Le Conseil a également l’autorité, en vertu du paragraphe 10(1) de la Loi, de prendre des règlements, dans l’exécution de sa mission, notamment en ce qui concerne la proportion du temps d’antenne à consacrer aux émissions canadiennes, les normes des émissions et l’attribution du temps d’antenne pour mettre en œuvre la politique de radiodiffusion, préciser les renseignements que les titulaires de licences doivent fournir au Conseil, et prendre toute autre mesure qu’il estime nécessaire à l’exécution de sa mission, qui comprend la mise en œuvre de la politique de radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1).
  2. Les alinéas 3(1)e) et s) de la Loi indiquent que tous les éléments du système canadien de radiodiffusion doivent contribuer, de la manière qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne et que les réseaux et les entreprises de programmation privés devraient, dans la mesure où leurs ressources financières et autres le leur permettent, contribuer de façon notable à la création et à la présentation d’une programmation canadienne.
  3. Conformément à ces dispositions, et en vertu des pouvoirs conférés par les paragraphes 9(1) et 10(1) de la Loi, le Conseil a élaboré divers cadres réglementaires exigeant que les titulaires des secteurs de la télévision et de la radio contribuent à la création et à la présentation d’une programmation canadienne.
Exigences de dépenses dans le secteur de la télévision
  1. De manière générale, les exigences de dépenses dans le secteur de la télévision visent à soutenir le financement et la production des émissions canadiennes et les principaux bénéficiaires sont les créateurs et les producteurs indépendants. La plupart des services de télévision sont assujettis à des exigences minimales de DÉC, qui ont pour objectif le maintien du niveau de dépenses consacrées aux émissions canadiennes par les radiodiffuseurs.
  2. Il existe aussi diverses exigences de dépenses qui sont des sous-catégories de DÉC :
    • Les dépenses au titre des ÉIN visent à assurer que les services continuent à offrir une vaste gamme d’émissions, particulièrement dans les émissions plus coûteuses à réaliserNote de bas de page 12, mais qui constituent le moyen principal de véhiculer les histoires des Canadiens.
    • Les dépenses au titre de la production indépendante visent à assurer que les radiodiffuseurs fassent appel de façon notable aux sociétés de production indépendante. Les dépenses exigées pour la production indépendante sont une sous-catégorie des dépenses en ÉIN;
    • Les dépenses consacrées aux nouvelles de reflet localNote de bas de page 13 visent à assurer que les Canadiens continuent à bénéficier d’une programmation de nouvelles locales qui intéresse et reflète les communautés et les marchés dans lesquels ils vivent;
    • Les dépenses au Fonds Musicaction ou à la FACTOR visent à assurer que des contributions notables soient faites à la création et à la présentation de musiqueNote de bas de page 14;
    • Les dépenses en émissions originales de langue françaiseNote de bas de page 15 visent à assurer que des contributions notables soient faites à la création et à la présentation d’émissions originales de langue française.
  3. Les exigences de dépenses sont exprimées en pourcentage des revenus bruts de l’année de radiodiffusion précédente et sont établies aux renouvellements de licence. En vertu de l’approche par groupeNote de bas de page 16, les grands groupes de propriété privés peuvent répartir leurs dépenses de programmation canadienne, d’ÉIN et de nouvelles de reflet local (s’ils détiennent des stations de télévision traditionnelle) entre les différents services faisant partie de leur groupe afin de répondre à leurs besoins de dépenses, le but étant de leur donner suffisamment de souplesse pour s’ajuster aux fluctuations du marché.
  4. Tous les titulaires ayant des exigences de dépenses au titre des DÉC, ÉIN et nouvelles de reflet local peuvent aussi bénéficier d’une certaine souplesse en ce qui concerne les dépenses en moins, ce qui leur permet de s’adapter aux fluctuations du marché. Précisément, au cours de chaque année de radiodiffusion d’une période de licence, à l’exclusion de la dernière année, un titulaire peut consacrer aux DÉC, ÉIN et émissions de nouvelles de reflet local un montant jusqu’à 5 % inférieur aux dépenses minimales requises pour cette année (ci-après appelé « la flexibilité de 5 % »)Note de bas de page 17. Si le titulaire se prévaut de la flexibilité de 5 %, le titulaire doit dépenser, pendant l’année de radiodiffusion suivante, le plein montant des dépenses en moins de l’année précédente en plus des dépenses minimales exigées pour cette année. Les titulaires doivent compenser tout manque à gagner encouru au cours d’une période de licence avant la fin de la période de licence.
  5. Puisque le Conseil n’a jamais imposé d’exigences sur les méthodes que les entreprises doivent employer pour amortir leurs dépenses, les pratiques d’amortissement des dépenses varient d’un titulaire à l’autreNote de bas de page 18. Selon les principes comptables canadiens généralement acceptés, les titulaires peuvent commencer à comptabiliser et amortir les dépenses d’émissions seulement lorsque l’émission est diffusée. Les titulaires peuvent également constater une perte au cours d’une année de radiodiffusion donnée s’ils radient les dépenses d’émissions qui ont été dépréciées, par exemple pour une émission qui ne sera pas diffusée.
  6. Des avantages tangibles sont également imposés aux titulaires dans le cadre de certaines transactions de propriété. Étant donné que le nombre de transactions de propriété dans le secteur de la télévision a été relativement faible au cours des dernières années, un nombre limité de radiodiffuseurs sont actuellement tenus de payer des avantages tangibles.
Exigences de dépenses pour le secteur de la radio
  1. Les exigences de dépenses dans le secteur de la radio visent à contribuer au développement et à la promotion de contenu musical et de créations orales canadiens, de façon à stimuler et soutenir la demande de musique et de créations orales canadiennes de haute qualité, et ce, dans une variété de genres. Les bénéficiaires de ces contributions sont en bonne partie les fonds qui soutiennent la production musicale, soit le Fonds Radiostar, le Radio Starmaker Fund, Musicaction, la FACTOR et le Fonds canadien de la radio communautaire (FCRC), ainsi que des initiatives admissibles (y compris certains coûts encourus pour des événements culturels tels que des festivals de musique locaux ou encore des concours) choisis à la discrétion des radiodiffuseursNote de bas de page 19
  2. Il existe trois sources de contributions au titre du DCC : contributions de base, contributions excédentaires et contributions au titre d’avantages tangibles.
  3. En vertu du paragraphe 15(2) du Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement)Note de bas de page 20, toutes les stations de radio commerciale et à caractère ethnique dont les revenus annuels dépassent 1 250 000 $ doivent verser une contribution de base au titre du DCC qui est fondée sur les revenus bruts de l’année de radiodiffusion précédente. Sirius XM Canada Inc. (Sirius), titulaires des entreprises nationales de radio par satellite par abonnement Sirius Canada et XM Canada, et Groupe Stingray inc. (Stingray), titulaire du service national sonore Stingray Musique, ne sont pas assujettis à cette exigence, mais elles sont tenues, par condition de licence, de verser 4 % de leurs revenus bruts de l’année de radiodiffusion précédente à des projets admissibles au titre du DCC.
  4. Un titulaire peut être tenu de verser une contribution excédentaire au titre du DCC (c.-à-d. une contribution qui s’ajoute à la contribution de base requise) s’il a pris des engagements à cet égard dans sa demande de nouvelle licence de radiodiffusion.
  5. En outre, le Conseil impose une contribution au titre d’avantages tangibles dans certaines transactions de propriété qui entraînent un changement dans la propriété et le contrôle effectif des entreprises de radiodiffusion. L’objectif derrière l’imposition d’avantages tangibles est d’apporter des améliorations quantifiables aux collectivités desservies par l’entreprise de radiodiffusion dont il se porte acquéreur, ainsi qu’à l’ensemble du système canadien de radiodiffusionNote de bas de page 21. Les paiements d’avantages tangibles relatifs aux entreprises de radio sont attribués aux mêmes fonds musicaux et initiatives admissibles auxquels sont attribuées les contributions du DCC.
  6. En plus de ce qui précède, un titulaire peut être tenu de verser une contribution additionnelle au titre du DCC si le Conseil a imposé l’exigence de verser une telle contribution à titre de mesure corrective dans le contexte d’une situation de non-conformité.

Manques à gagner cumulés dans les secteurs de la télévision et de la radio

  1. Au 31 août 2020 (c.-à-d. à la fin de l’année de radiodiffusion 2019-2020), les grands groupes du secteur de la télévision ont encouru des manques à gagner de DÉC s’élevant à 138 315 385 $. Les manques à gagner encourus spécifiquement pour les dépenses d’ÉIN s’élevaient à 12 863 284 $. Bien que les grands groupes n’aient pas encouru de manque à gagner en ce qui concerne les dépenses liées aux nouvelles de reflet local, des manques à gagner ont été cumulés en ce qui concerne les dépenses liées aux émissions originales de langue française, à la production indépendante, ainsi qu’aux fonds musicaux FACTOR et Musicaction.
  2. Pour l'année de radiodiffusion 2019-2020, un manque à gagner total de 12 980 175 $ a été encouru dans le secteur de la radio pour les contributions de base et les contributions excédentaires au titre du DCC, ainsi que pour les dépenses liées aux avantages tangibles.

Analyse du Conseil de la proposition de l’ACR à l’égard de l’allégement réglementaire

  1. De façon générale, les radiodiffuseurs appuient l’allégement réglementaire proposé par l’ACR et estiment que sa proposition répond aux quatre résultats attendus identifiés par le Conseil dans l’Avis. De sa part, le secteur créatif (les producteurs, créateurs, artistes, etc.), ainsi que des groupes d’intérêt public et de recherche s’opposent généralement à la proposition de l’ACR. Dans les sections suivantes, le Conseil traite les positions des parties à l’égard des quatre résultats attendus.
Résultat attendu 1: L’allégement réglementaire proposé par l’ACR garantirait-il que la viabilité du secteur canadien de la radiodiffusion, dans la mesure où la pandémie de COVID-19 l’a atteinte, n’est pas davantage pénalisée?
Position des parties
  1. L’ACR et les radiodiffuseurs ayant déposé des interventions à titre individuel ont soumis que la viabilité du secteur canadien de la radiodiffusion, dans la mesure où la pandémie l’a atteinte, ne sera pas pénalisée davantage par la proposition de l’ACR. En tant que preuve de cet impact, l’ACR a fourni des données tirées d’un rapport daté le 26 août 2020 et intitulé « The Crisis in Canadian Media and the Future of Local Broadcasting – CMI Report Backgrounder » (le rapport CMI). L’ACR note que selon des données de ce rapport, pour l’année de radiodiffusion 2019-2020, par rapport à l’année de radiodiffusion précédente, les revenus des stations de télévision traditionnelle ont diminué de 276 millions de dollars (18 %), tandis que les revenus des stations de radio privées ont diminué de 383 millions de dollars (27 %).
  2. Certains radiodiffuseursNote de bas de page 22, tout comme l’ACR, estiment que la plupart des radiodiffuseurs ne pourront pas compenser les pertes de revenus publicitaires encourues durant l’année de radiodiffusion 2019-2020, et que ces sommes sont perdues pour le système. Selon eux, il n’y aura pas d’argent excédentaire dans les années à venir pour compenser les montants qui auraient pu être dépensés dans le passé.
  3. De plus, les radiodiffuseurs allèguent que la suspension de la production interne, des émissions sportives en direct, des séries dramatiques et des productions indépendantes commandées ont entraîné le report ou le déplacement de certaines dépenses prévues durant l’année de radiodiffusion 2019-2020, et que la baisse du volume de production, combinée aux baisses de revenus, a causé les manques à gagner encourus durant l’année de radiodiffusion 2019-2020.
  4. Selon les radiodiffuseurs, en raison de l’incertitude autour de la pandémie et de ses conséquences sur le secteur de la production, le Conseil ne peut dire avec certitude que la production se poursuivra tout au long de l’année de radiodiffusion 2020-2021, et que les radiodiffuseurs seront en mesure d’amortir suffisamment leurs dépenses pour respecter leurs exigences, et ce, même à un niveau de DÉC comparativement plus faible. Ils ajoutent que l’aide gouvernementale qu’ils ont reçue n’est pas suffisante pour pallier les pertes encourues durant l’année de la pandémie.
  5. Des radiodiffuseurs du secteur de la télévision soulignent que la flexibilité de 5 % en ce qui concerne les dépenses en moins n’est pas suffisante dans les circonstances de la situation actuelle pour leur permettre de combler leur manque à gagner, puisque l’impact de la pandémie est de plus grande envergure et ne correspond pas aux fluctuations moyennes qui peuvent être corrigées dans le cadre de l’approche actuelle. Certains ont noté que le principe comptable de l’amortissement fait en sorte que les radiodiffuseurs doivent budgétiser non seulement les dépenses d’amortissement nécessaires pour respecter leurs exigences de dépenses pour l’année, mais aussi les paiements anticipés en espèces pour les émissions qui ne seront pas diffusées avant les années suivantes.
  6. De l’autre côté, le secteur créatif allègue que le cadre réglementaire actuel accorde une souplesse suffisante aux radiodiffuseurs pour qu’ils puissent amortir les baisses de production liées à la pandémie. Certains intervenants de ce secteurNote de bas de page 23 notent que le cadre réglementaire actuel pour le secteur de la télévision (en particulier, l’approche d’attribution de licences par groupe, l’élimination de la protection des genres et la réduction des exigences de présentation du contenu canadien) accorde déjà aux titulaires une flexibilité quant aux exigences de dépenses. Selon eux, la flexibilité de 5 % combinée aux pratiques comptables de l’amortissement atténue la volatilité des revenus et des dépenses d’une année à l’autre, et peut donc amortir les baisses de production liées à la pandémie.
  7. Certains intervenantsNote de bas de page 24 caractérisent la proposition de l’ACR comme une solution universelle qui, selon eux, n’est pas adéquate puisqu’elle ne reconnaît pas les différentes réalités des radiodiffuseurs (radio/télévision, marché linguistique, etc.) et l’impact qu’a eu la pandémie sur les radiodiffuseurs.
  8. À cet égard, le Forum for Research and Policy in Communications (FRPC) suggère que la Loi ne permet pas au Conseil d’accorder le même allégement réglementaire à tous les radiodiffuseurs, car le Conseil doit fixer des conditions de licence en fonction des particularités de chaque titulaire. Il ajoute que la Loi ne permet pas au Conseil de suspendre ou d’affaiblir son rôle de supervision, car le Conseil doit, en vertu des pouvoirs que lui confère la Loi, faire respecter les exigences qui découlent des objectifs de politique énoncés dans la Loi.
  9. Certains intervenants du secteur créatifNote de bas de page 25 font valoir que les baisses de revenus connues par les radiodiffuseurs ont pu être compensées, au moins en partie, par d’autres formes d’allégements du gouvernement liés à la pandémie. Ils ajoutent que l’ACR a également demandé le retrait des droits de licence de la Partie II du Conseil, ce qui n’était pas confirmé au moment de la période d’interventionsNote de bas de page 26.
  10. La Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) soulève également que la demande de l’ACR ne tient pas compte de l’exemption de l’exigence relative à la contribution de base relative au DCC pour les stations de radio dont les revenus annuels bruts sont en deçà de 1,25 millions de dollars.
  11. La CMPA et la Guilde canadienne des réalisateurs (GCR) notent que l’approbation de la proposition de l’ACR ferait en sorte que les radiodiffuseurs obtiendraient dans les faits deux années d’allégement. En premier lieu, ils seraient considérés comme étant en conformité avec les exigences de dépenses pour l’année de radiodiffusion 2019-2020, et ce, nonobstant les revenus de l’année de radiodiffusion 2018-2019 qui étaient plus élevés que les années précédentes et qui devraient dans les faits se traduire par des dépenses de programmation plus élevées en dollars absolus pour se conformer aux exigences imposées. En deuxième lieux, pour l’année de radiodiffusion 2020-2021, au cours de laquelle les revenus devraient augmenter, les radiodiffuseurs profiteraient d’un allégement naturel puisque les dépenses dépendraient des revenus bruts de l’année de la pandémie, et seraient donc nettement moins élevées qu’elles ne l’auraient été autrement.
  12. Finalement, des intervenants du secteur créatif soulignent que le rapport CMI commandé par l’ACR ne contient pas les renseignements financiers pertinents et nécessaires concernant les revenus réels des différents types de services, qui seraient nécessaires pour que le Conseil puisse confirmer les affirmations des radiodiffuseurs concernant l’impact de la pandémie.
  13. Dans sa réplique aux interventions reçues, l’ACR déclare que sa proposition ne constitue pas une solution universelle, car sa proposition de conformité présumée est fondée sur une évaluation de « bonne foi » qui s’appliquerait au cas par cas et tiendrait compte de la situation particulière de chaque titulaire au moment du renouvellement de la licence.
  14. En ce qui concerne l’argument du secteur créatif voulant que les radiodiffuseurs obtiennent dans les faits deux années d’allégement, l’ACR souligne que sa demande ne vise pour l’instant que l’année 2019-2020 et que donc, l’année de radiodiffusion de radiodiffusion 2020-2021 représenterait, à moins d’autres effets négatifs, un retour aux exigences réglementaires existantes, et non pas un allégement supplémentaire.
  15. L’ACR, Bell Média inc. (Bell) et Québecor Média inc. (Québecor) soutiennent que les arguments des intervenants comme quoi le cadre réglementaire actuel est suffisant ne prennent aucunement en compte l’ampleur des pertes de revenus publicitaires engendrées par la pandémie de COVID-19 et des projections alarmantes présentées dans le rapport CMI.
Analyse du Conseil
  1. La pandémie a eu impact indéniable sur les revenus des radiodiffuseurs du secteur de la télévision durant l’année de radiodiffusion 2019-2020. Cependant, selon le Conseil, il serait faux de dire que la pandémie a eu un impact similaire sur tous les radiodiffuseurs, ou que la viabilité de l’ensemble du secteur de la radiodiffusion est à risque. Bien que la pandémie ait eu un impact prononcé sur les revenus des stations de télévision traditionnelle (leurs pertes ayant plus que doublé durant l’année de radiodiffusion 2019-2020), les services facultatifs continuent d’être généralement rentables.
  2. Dans l’ensemble, les radiodiffuseurs du secteur de la télévision ont connu une baisse de rentabilité au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020, les revenus ayant diminué de 9,1 % (de 5,788 milliards de dollars à 5,261 milliards de dollars). Cette baisse des revenus a entraîné une diminution globale des bénéfices avant intérêts et impôts (BAII) de 26,3 % (de 962 millions de dollars à 709 millions de dollars) pour l’année de radiodiffusion 2019-2020, par rapport à l’année de radiodiffusion précédente. Les stations de télévision traditionnelle ont connu la plus forte baisse des BAII, soit 127 % (de -109 millions de dollars à -247 millions de dollars) pour l’année de radiodiffusion 2019-2020, par rapport à l’année de radiodiffusion précédente.
  3. En ce qui concerne le secteur de la radio, les stations de radio commerciale ont connu une baisse de rentabilité durant l’année de radiodiffusion 2019-2020, alors que leurs revenus ont chuté de 20,9 % (1,453 à 1,149 milliards de dollars). Bien que cette baisse ait été accompagnée par une diminution des dépenses de 10,6 % (de 1,158 à 1,035 milliards de dollars), les stations de radio commerciale ont subi aussi une diminution notable du BAII, qui est passé d’approximativement 251 millions de dollars à 62 millions de dollars.
  4. Le Conseil est d’avis que la proposition de l’ACR répond précisément aux besoins des radiodiffuseurs et aux enjeux qui les intéressent, en particulier les radiodiffuseurs qui subissent les effets de la pandémie de COVID-19. Si le Conseil approuve la proposition, l’allégement résultant pourrait permettre aux radiodiffuseurs d’éviter de verser jusqu’à 138 millions de dollars en DÉC, 13 millions de dollars en ÉIN et 13 millions de dollars en contributions au titre du DCC, sommes qui devraient autrement être versées au secteur créatif. Par conséquent, le Conseil conclut que l’approbation de la proposition de l’ACR ne nuirait pas davantage aux radiodiffuseurs et contribuerait à leur viabilité, ce qui répondrait au premier résultat attendu énoncé dans l’Avis.
Résultat attendu 2 : L’allégement réglementaire proposé par l’ACR garantirait-il que les parties qui profitent actuellement des exigences qu’impose le Conseil aux radiodiffuseurs ne sont pas déraisonnablement touchées?
Positions des parties
  1. Les radiodiffuseurs du secteur de la télévision soutiennent que le secteur de la production ne serait pas déraisonnablement touché par l’allégement réglementaire proposé par l’ACR. À cet égard, ils notent que le secteur de la production bénéficie actuellement d’une aide gouvernementale importante qui lui est dédiée. Ils ajoutent que le fait d’obliger les radiodiffuseurs à verser les manques à gagner de l’année de radiodiffusion 2019-2020 causés par les arrêts de production signifierait que le secteur créatif serait compensé deux fois pour les mêmes arrêts de production (par l’entremise des fonds d’aide et des exigences de dépenses qui leur sont versées).
  2. Les membres du secteur créatif ainsi que des groupes d’intérêt public et de recherche indiquent que le secteur créatif serait déraisonnablement touché par la proposition de l’ACR puisque qu’il a été grandement affecté par les conséquences néfastes de la pandémie. À cet égard, la CMPA a déposé une étude de NordicityNote de bas de page 27 (publiée le 8 avril 2020, au tout début de la première vague de la pandémie) qui prévoyait que, de la mi-mars à juin 2020, le volume de production subirait une perte de plus de 2,5 milliards de dollars et qu’il y aurait une incidence sur plus de 172 000 travailleurs.
  3. La communauté de la création œuvrant dans les secteurs de la télévision et de la radio souligne l’importance des exigences de dépenses comme pilier central du soutien réglementaire à la programmation canadienne. Elle note que dans le passé, le Conseil a indiqué que tout manque à gagner constitue une dette envers le système de radiodiffusionNote de bas de page 28.
  4. Le MCCQ souligne l’importance de ne pas négliger l’incidence potentielle de l’allégement proposé par l’ACR sur les exigences relatives à la production de programmation canadienne originale de langue française et au développement de la musique francophoneNote de bas de page 29. L’ADISQNote de bas de page 30, qui s’oppose à toute forme d’allégement réglementaire, abonde dans le même sens en soulignant l’importance de maintenir les exigences de dépenses (imposées tant au secteur de la radio que de la télévision) pour la production de musique. Selon elle, l’arrêt du versement de cette somme, dont le milieu musical a cruellement besoin, serait particulièrement problématique pour Musicaction, car l’organisme ne dispose pas d’un fonds de réserve suffisant lui permettant d’absorber des baisses temporaires ou des interruptions de financement.
  5. En ce qui concerne l’argument des radiodiffuseurs voulant que le versement des manques à gagner représenterait une double source de revenus pour le secteur créatif pour les arrêts de production, la Writers Guild of Canada (WGC) rétorque que les fonds d’urgence liés à la COVID-19 visent les individus et compagnies qui ne travaillent pas en raison de la pandémie, alors que les DÉC et les ÉIN génèrent du travail, et donc des revenus auprès du secteur de la production dans son ensemble. Selon la WGC, il s’agit de deux sources de revenus complètement différentes qui s’excluent mutuellement.
Analyse du Conseil
  1. L’approbation de l’allégement demandé par l’ACR établirait un précédent important, car le Conseil a rarement exempté un titulaire (ou groupe de titulaires) de ses exigences de dépenses, autant pour les titulaires en télévision qu’en radio.
  2. Pour le secteur de la télévision, le Conseil a maintenu les exigences de DÉC même dans des circonstances qui étaient hors du contrôle des titulaires. Un exemple porte sur la grève de la Ligue nationale de hockey (LNH) en 2004. Dans ce cas particulier, le Conseil avait maintenu les exigences relatives aux DÉC pour les titulaires des services de sports (SportsnetNote de bas de page 31, ainsi que TSN et RDSNote de bas de page 32) mais leur avait accordé une certaine souplesse en leur permettant de verser leur manque à gagner en DÉC pour l’année de radiodiffusion 2004-2005 au plus tard à la fin de leur période de licence.
  3. Dans le secteur de la radio, le Conseil a généralement maintenu les exigences de contribution, mais a accordé des prorogations pour le paiement des sommes dues.
  4. L’investissement dans la programmation canadienne est essentiel pour aider le système de radiodiffusion à atteindre les objectifs de politique liés à la création de contenu canadien, tels que décrits au paragraphe 3(1) de la Loi. Comme les intervenants le soulignent, cet investissement fluctue d’année en année en fonction des revenus des radiodiffuseurs.
  5. En ce qui concerne le secteur de la télévision, le Conseil estime qu’il serait injuste et déraisonnable que le secteur créatif ne puisse pas bénéficier des hausses de revenus qu’ont connues les radiodiffuseurs durant l’année de radiodiffusion 2018-2019. À cet égard, les grands groupes de propriété de langue anglaise auraient dû contribuer un total de 819 millions de dollars en DÉC et 209 millions en dépenses en ÉIN pour l’année de radiodiffusion 2019-2020, et les manques à gagner représentent respectivement 16,8 % et 6,2 % de ces sommes. De plus, l’arrêt de production du mars à juin 2020, de même que les divers fonds pour soutenir le secteur créatif en ces moments sans précédent, ne justifient pas en soi que ce secteur soit privé des sommes qu’il aurait dû recevoir. Ainsi, le Conseil ne partage pas l’avis des radiodiffuseurs alléguant que le fait d’obliger les radiodiffuseurs à verser les manques à gagner de l’année de radiodiffusion 2019-2020 causés par les arrêts de production signifierait que le secteur créatif serait compensé deux fois pour les mêmes arrêts de production. Le Conseil estime plutôt, tout comme la WGC, qu’il s’agit de deux sources de revenus différentes.
  6. Le Conseil conclut donc que l’approbation de l’allégement proposé par l’ACR ne garantirait pas que les parties qui profitent actuellement des exigences de dépenses ne seront pas déraisonnablement touchées par l’allégement réglementaire et, par conséquent, ne satisferait pas au deuxième résultat attendu énoncé dans l’Avis.
Résultat attendu 3 : L’allégement réglementaire proposé par l’ACR garantirait-il le maintien de la programmation de nouvelles et d’information dans son ensemble et les services qu’elles procurent aux Canadiens?
  1. Les radiodiffuseurs affirment que, tel qu’indiqué par l’ACR et ses membres, la proposition de l’ACR maintiendrait les émissions de nouvelles et d’information dans leur ensemble et les services qu’elles procurent aux Canadiens.
  2. Selon le Conseil, l’allégement réglementaire proposé par l’ACR garantirait le maintien de la programmation de nouvelles et d’information dans son ensemble puisque l’ACR indique clairement dans sa demande que les radiodiffuseurs privés ne demandent pas que le Conseil présume de la conformité des titulaires en ce qui concerne les dépenses liées aux émissions de nouvelles et d’information. À cet égard, le Conseil note que les titulaires des grands groupes de propriété ayant des stations de télévision traditionnelle ont généralement surpassé leurs exigences de dépenses en nouvelles de reflet local pour l’année de radiodiffusion 2019-2020. Bien qu’il n’y ait aucune exigence de nouvelles locales pour le secteur de la radio, les titulaires de stations de radio indiquent qu’ils ont maintenu leur offre de programmation et de nouvelles locales, certains indiquant même qu’ils ont réattribué des ressources pour ce faire. Par conséquent, le Conseil conclut que l’approbation de la proposition de l’ACR n’empêcherait pas le respect du troisième résultat attendu énoncé dans l’Avis.
Résultat attendu 4 : L’allégement réglementaire proposé par l’ACR serait-il peu contraignant sur le plan administratif pour les entités qui demandent un allégement mais facilement contrôlé et supervisé par le Conseil afin de garantir une responsabilisation appropriée?
  1. Selon l’ACR et les radiodiffuseurs qui ont déposé des interventions individuelles, l’évaluation de la « mauvaise foi » des titulaires à l’égard de la non-conformité concernant les exigences réglementaires serait peu contraignante sur le plan administratif, et si les titulaires agissent de mauvaise foi, ceci serait facilement contrôlé et supervisé par le Conseil afin de garantir une responsabilisation appropriée.
  2. Les membres du secteur créatif, ainsi que d’autres intervenants en opposition à la demande de l’ACR, font valoir que l’évaluation de la « mauvaise foi » des titulaires représenterait un lourd fardeau administratif, puisque cela impliquerait des enquêtes complexes sur les processus décisionnels et les motivations des radiodiffuseurs, et serait difficile à appliquer. La WGC et la CMPA indiquent que l’évaluation de la « mauvaise foi » proposée par l’ACR déplace le fardeau de la conformité réglementaire vers le Conseil et les intervenants.
  3. Dans le cadre des renouvellements de licence, tant dans le secteur de la télévision que de la radio, la pratique du Conseil est d’évaluer les situations de non-conformité en examinant les circonstances ayant mené à la non-conformité en question, les arguments fournis par le titulaire et les mesures prises pour corriger la situation. Même si, dans le passé, le Conseil a pris en considération si les titulaires agissaient de bonne foi lorsqu’il évaluait si la probabilité que la non-conformité se reproduise, cette démonstration relevait de la responsabilité du titulaire. Dans le cas présent, le Conseil estime que la proposition de l’ACR, soit de présumer que les titulaires sont en conformité à moins que le Conseil puisse déterminer au renouvellement que le titulaire ait agi de mauvaise foi, renverse le fardeau de la preuve vers le Conseil. Cette approche n’est pas conforme à la pratique actuelle du Conseil d’exiger que les radiodiffuseurs supportent le fardeau de la preuve de la conformité à l’égard des exigences réglementaires.
  4. Le Conseil note également que le concept de « mauvaise foi » est un concept subjectif n’ayant aucun fondement objectif pour l’évaluation et, par conséquent, il estime que la proposition de l’ACR serait difficile à mettre en œuvre. En particulier, l’analyse subjective nécessiterait des enquêtes complexes sur les processus décisionnels et les motivations des radiodiffuseurs, ce qui ne fait généralement pas partie du processus d’examen du Conseil. Compléter un tel examen pour chaque titulaire lors du renouvellement de licence créerait un fardeau administratif additionnel pour le Conseil et les radiodiffuseurs et changerait considérablement l’approche prise par le Conseil pour satisfaire à ses responsabilités en matière de surveillance et de supervision. Par conséquent, le Conseil conclut que l’approbation de la proposition du l’ACR ne satisferait pas au quatrième résultat attendu énoncé dans l’Avis.
Décision du Conseil à l’égard de la proposition de l’ACR
  1. Selon le Conseil, l’allégement réglementaire proposé par l’ACR concernant les exigences de dépenses imposées aux titulaires des secteurs de la télévision et de la radio ne respecte pas deux des quatre résultats attendus énoncés dans l’Avis. Précisément, il pénaliserait grandement les parties qui bénéficient des exigences de dépenses et créerait un lourd fardeau administratif pour le Conseil lors des renouvellements de licence. Par conséquent, le Conseil refuse l’allégement réglementaire proposé par l’ACR.

Propositions additionnelles de mesures d’allégement réglementaire relatives au secteur de la télévision

  1. Tel que noté ci-dessus, dans l’Avis, le Conseil a aussi invité les parties intéressées à formuler des propositions d’allégement additionnelles. En réponse, diverses parties ont fourni des propositions relatives uniquement au secteur de la télévision. Le Conseil traite des principales propositions ci-dessous.
Québecor – Modifications aux exigences de dépenses
  1. Québecor indique qu’en raison des reports de tournages causés par la pandémie, il se peut qu’elle éprouve de la difficulté à satisfaire pleinement ses exigences de dépenses en ÉIN pour l’année de radiodiffusion 2020-2021. Ainsi, elle demande au Conseil de diminuer de deux points de pourcentage les exigences en matière de dépenses en ÉIN pour l’ensemble des radiodiffuseurs (dans les deux marchés linguistiques) pour le reste de leur période de licence, ou à tout le moins pour l’année de radiodiffusion 2020-2021.
  2. L’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC) s’oppose à la proposition de Québecor en soulignant qu’il n’existe aucune justification possible à une telle baisse de pourcentage étant donné que le cadre réglementaire actuel prévoit déjà « une proportionnalité parfaite entre baisse de revenus et baisse des obligations de dépenses de l’année subséquente ».
  3. Enfin, et conformément aux commentaires de certains intervenants du secteur créatifNote de bas de page 33, le Conseil estime que le cadre réglementaire actuel accorde déjà aux titulaires une souplesse en ce qui concerne les exigences de dépenses (c.-à-d. la flexibilité de 5 % et la proportionnalité des exigences de dépenses selon les revenus de l’année de radiodiffusion précédente). Selon le Conseil, la proposition de Québecor est inappropriée étant donné que la majorité des grands groupes (y compris Québecor) devraient arriver à respecter leurs exigences de dépenses en ÉIN d’ici la fin de leurs périodes de licence grâce aux surplus qu’ils ont cumulé au cours des années de radiodiffusion précédentes.
Rogers – Modifications aux exigences de dépenses
  1. Rogers Media Inc. (Rogers) affirme qu’elle souhaite rediriger les sommes des manques à gagner relatifs aux dépenses en ÉIN et aux dépenses à la FACTOR de l’année de radiodiffusion 2019-2020 vers des émissions de nouvelles et d’information, et ce, d’ici la fin de sa période de licence (le 31 août 2022). À l’appui de sa proposition, Rogers explique que cela lui permettrait notamment de continuer à produire du contenu d’information et de nouvelles de qualité, ce qui satisfait au troisième résultat souhaité du Conseil (le maintien des émissions de nouvelles et d’information).
  2. La CMPA et la WGC s’opposent à la proposition de Rogers puisqu’elle privilégie injustement un important type de programmation par rapport à un autre. La WGC ajoute que Rogers bénéficie de la souplesse pour soutenir la programmation d'information, ainsi que des synergies d’une société verticalement intégrée, et a le plus faible seuil de dépenses en ÉIN de tous les groupes de langue anglaise (5 %).
  3. Le Conseil note que bien que la proposition de Rogers répondrait au troisième résultat attendu énoncé dans l’Avis (soit le maintien des émissions des nouvelles et d’information), elle se ferait au détriment du soutien à la production des ÉIN, lesquelles constituent le moyen principal de véhiculer les valeurs et les histoires des Canadiens. Accepter la proposition de Rogers laisserait sous-entendre que le Conseil priorise un certain type de programmation canadienne (les émissions de nouvelles) par rapport à un autre (les ÉIN), alors que les deux types, comme le mentionnent la CMPA et la WGC, sont importants et essentiels pour le soutien des objectifs de politique de la Loi.
  4. Par conséquent, le Conseil estime qu’il ne serait pas approprié d’adopter la proposition de Rogers.
Corus – Changement dans la méthode de calcul des exigences de dépenses
  1. Corus Entertainment Inc. (Corus) demande que le Conseil détermine la conformité des radiodiffuseurs à l’égard des exigences de dépenses (autres que les exigences de dépenses en nouvelles de reflet local) pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 en fonction des revenus de cette même année de radiodiffusion, plutôt que de se baser sur les revenus de l’année de radiodiffusion 2018-2019.
  2. La CMPA et l’APFC s’opposent à la proposition de Corus, puisqu’elle signifierait que les exigences de dépenses des années de radiodiffusion 2019-2020 et 2020-2021 seraient toutes deux basées sur les revenus inférieurs de l’année de radiodiffusion 2019-2020.
  3. Selon le Conseil, la proposition de Corus créerait un précédent important puisque la pratique générale du Conseil est de baser les exigences de dépenses des titulaires sur leurs revenus bruts de l’année de radiodiffusion précédente. De plus, le secteur créatif dans son ensemble serait déraisonnablement touché par la proposition de Corus, car l’ajustement à la méthode de calcul signifierait que les membres du secteur créatif ne bénéficieraient pas des hausses de revenus qu’ont connu la plupart des grands groupes au cours de l’année de radiodiffusion 2018-2019, mais recevraient plutôt des contributions selon les revenus inférieurs de l’année de radiodiffusion 2019-2020 pendant deux années de suite.
  4. De plus, le Conseil souligne que même avant l’année de radiodiffusion de la pandémie, Corus semblait éprouver de la difficulté à faire face à la volatilité de ses revenus et à gérer ses dettesNote de bas de page 34. Malgré ces défis, Corus était, pour les deux marchés linguistiques, le groupe le plus rentable de l’année de radiodiffusion 2019-2020. Enfin, tel que susmentionné, Corus bénéficie d’une flexibilité supplémentaire relativement aux autres groupes puisqu’il dispose d’une flexibilité de dépenses en moins de 10 % (contrairement à 5 % pour les autres groupes).
  5. Par conséquent, le Conseil estime qu’il ne serait pas approprié d’adopter la proposition de Corus.
Anthem – Soutien additionnel pour les services indépendants
  1. Anthem Sports & Entertainment (Anthem), soutenu par le Groupe de diffuseurs indépendants (GDI)Note de bas de page 35, fait des propositions qui permettraient aux services indépendants de générer des revenus supplémentaires. À cet effet, Anthem indique que le Conseil devrait :
    • retourner à son ancienne politique relative aux disponibilités localesNote de bas de page 36, au moins pour les services canadiens indépendants, pour soutenir davantage de possibilités de promotion supplémentaires;
    • supprimer la limite de temps publicitaire par heure d’horloge uniquement pour les services facultatifs canadiens indépendants – ce changement garantirait que les nouveaux revenus générés ne soient pas captés par les grands groupes, qui génèrent déjà la majorité des revenus publicitaires;
    • encourager ou exiger que les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) distribuent les services facultatifs indépendants dans les forfaits à haute pénétration pendant les deux à trois prochaines années pour atténuer les impacts de la pandémie;
    • modifier de façon permanente les règles entourant les services qui peuvent faire partie du service de base.
  2. Le Conseil note que certaines des propositions d’Anthem visent à améliorer la distribution des services indépendants et n’offrent pas précisément d’allégement réglementaire dans le contexte de la pandémie. Par conséquent, le Conseil conclut que cette question est hors de la portée de la présente instance.
CCSA et TELUS – Allégement pour les EDR
  1. La Canadian Cable Systems Alliance (CCSA)Note de bas de page 37, au nom de ses membres, demande un allégement des tarifs de gros pour les services facultatifs afin de refléter la valeur réduite du contenu fourni. Précisément, la CCSA note que les tarifs de gros pour les services facultatifs ne cessent d’augmenter, et plus particulièrement ceux des services de sport en direct des grands groupes, et ce, malgré le fait qu’aucun nouveau contenu sportif n’a été offert pendant la pandémie.
  2. Rogers indique qu’il ne serait pas justifié d’accorder aux EDR un allégement des tarifs de gros des services facultatifs, comme le propose la CCSA, et qu’un tel allégement ne ferait qu’aggraver une situation financière déjà intenable pour les radiodiffuseurs.
  3. TELUS Communications Inc. (TELUS) souligne que les retards et annulations de tournages ont également nui à la capacité des EDR de satisfaire à leurs exigences relatives aux dépenses en programmation d’accès et aux exigences de présentation. Ainsi, elle propose que tout allégement réglementaire devrait également s’appliquer aux EDR qui exploitent des canaux communautaires.
  4. Enfin, le FRPC s’oppose à la proposition de TELUS en soulignant que les EDR n’ont pas besoin d’un allégement réglementaire pour maintenir leur offre sur leur canal communautaire puisque celles-ci bénéficient de revenus stables.
  5. Le Conseil ne s’immisce pas dans la détermination des tarifs de gros, autres que ceux des services dont la distribution est obligatoire en vertu de l’alinéa 9(1)h) de la Loi (services 9(1)h)) et dans le contexte de l’arbitrage de l’offre finale puisque ceci relève généralement d’ententes privées entre les EDR et les radiodiffuseurs. Par conséquent, le Conseil estime que la proposition de la CCSA de s’immiscer dans ces relations à grande échelle n’est pas appropriée.
  6. Le Conseil estime aussi que la proposition de TELUS d’appliquer également tout allégement réglementaire aux EDR qui exploitent des canaux communautaires est hors de la portée de la présente instance. Précisément, la présente instance porte sur les services de radiodiffusion, et non sur les EDR, qui n’ont pas été mentionnées dans la demande de l’ACR.

Analyse et décision du Conseil concernant son approche de paiements prolongée proposée

  1. Tel que noté ci-dessus, dans l’Avis, le Conseil a exprimé l’avis préliminaire qu’il serait peut-être plus approprié d’adopter une approche, applicable à tous les radiodiffuseurs, selon laquelle il déterminerait la non-conformité d’un radiodiffuseur à l’égard de ses obligations réglementaires pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 en se fondant sur le fait que ce radiodiffuseur a rempli ces obligations sur une période plus longue. Selon cette proposition, les titulaires se verraient accorder plus de temps pour s’acquitter de leurs manques à gagner encourus durant l’année de radiodiffusion 2019-2020.
  2. Le Conseil réglemente et supervise le système canadien de radiodiffusion dans le but de mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion énoncée au paragraphe 3(1) de la Loi. Par l’entremise de ses politiques, conditions de licence et règlements, le Conseil s’assure que ces objectifs de politique soient atteintsNote de bas de page 38. Ce faisant, le Conseil a aussi un pouvoir discrétionnaire étendu lui permettant d’imposer des obligations réglementaires reflétant une situation au sein du système ou afin de répondre à la situation d’un titulaire ou d’une catégorie particulière de titulairesNote de bas de page 39. Ce pouvoir discrétionnaire inclut la capacité de réduire ou de modifier les obligations réglementaires existantesNote de bas de page 40.
  3. La Loi précise également que la réglementation et la surveillance du Conseil devrait être souple et, entre autres choses, faciliter la radiodiffusion à l’intention des Canadiens et la présentation d’émissions canadiennes aux Canadiens ainsi que de tenir compte du fardeau administratif qu’elles sont susceptibles d’imposer aux exploitants d’entreprises de radiodiffusionNote de bas de page 41.
  4. En outre, dans l’accomplissement de son mandat, le Conseil a un pouvoir discrétionnaire étendu sur la manière d’exercer son pouvoir et concernant les considérations dont il doit tenir compte. Dans le cas présent, les circonstances exceptionnelles entourant la demande de l’ACR et l’incidence de la pandémie sur l’ensemble de l’industrie, y compris la radiodiffusion et le secteur créatif, ainsi que l’intérêt public, ont été pris en considération. Conformément aux alinéas 3(1)e) et s) de la Loi, le Conseil a imposé diverses obligations réglementaires exigeant des entreprises de radiodiffusion qu’elles contribuent, de la manière qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne et, dans la mesure où leurs ressources financières et autres le leur permettent, contribuer de façon notable à la création et à la présentation d’une programmation canadienne. Ce sont ces obligations qui sont au cœur de la présente instance.
  5. Le Conseil note que les circonstances entourant la pandémie sont exceptionnelles. Ces répercussions touchent l’entièreté de l’industrie de la radiodiffusion, y compris les radiodiffuseurs et les créateurs, et non seulement certains secteurs ou acteurs. Par conséquent, le Conseil s’est efforcé de trouver une solution qui répond aux besoins exprimés par l’ensemble de l’industrie tout en respectant le cadre réglementaire au sein duquel elle opère et en minimisant le fardeau administratif sur les titulaires et le Conseil.   
Positions des parties
  1. Selon l’ACR, la proposition du Conseil tient compte uniquement des répercussions sur les parties qui bénéficient des exigences de dépenses; elle n’offre presqu’aucun allégement aux radiodiffuseurs et suppose qu’ils seront en mesure de trouver de l’argent pour verser les manques à gagner. Elle ajoute que la proposition du Conseil ne respecte pas deux des résultats attendus par le Conseil, car elle n’empêcherait pas de nuire à la viabilité des radiodiffuseurs, et pourrait faire en sorte que ces radiodiffuseurs détournent leurs dépenses en émissions de nouvelles et d’informations vers d’autres genres.
  2. Diverses parties du secteur de la radiodiffusion expriment aussi des préoccupations à l’égard de l’approche des de paiements prolongée proposée par le Conseil. Par exemple, le GDI soutient que la décision de reporter les obligations de dépenses de l’année de radiodiffusion 2019-2020 à des années futures ne devrait pas être prise alors que la pandémie persiste. Le GDI affirme qu’il n’y aura pas de fonds « excédentaires » dans les années à venir pour compenser des sommes qui auraient dues être dépensées dans le passé et que l’adoption de la proposition du Conseil compromettrait gravement la viabilité financière future des radiodiffuseurs et leur capacité à répondre aux exigences et aux défis qui se présenteront à eux et qui sont toujours inconnus à ce point-ci.
  3. Bell indique que l’obligation de rembourser les sommes manquantes de l’année de radiodiffusion 2019-2020 lors des années subséquentes fait abstraction des répercussions significatives de la pandémie sur les revenus. Pour sa part, Corus avance que les manques à gagner de cette année de radiodiffusion ne peuvent être reportés lors des années subséquentes sans avoir une incidence importante et discriminante pour les radiodiffuseurs.
  4. Selon Sirius, même avec un calendrier de paiement prolongé pour le paiement des manques à gagner de l’année de radiodiffusion 2019-2020, une responsabilité disproportionnée serait assumée par les radiodiffuseurs qui sont déjà aux prises avec des entreprises numériques concurrentes qui perturbent le marché, qui ne paient pas de contributions et qui sont à la recherche d’une part plus importante du marché canadien. Par contre, Sirius mentionne qu’elle supporterait toute proposition d’allégement qui permettrait de contribuer les sommes exigibles pour les années de radiodiffusion 2019-2020 et 2020-2021 de manière souple, sur plusieurs d’années.
  5. Plusieurs intervenants en opposition à la demande de l’ACR appuient la proposition du Conseil. Pour sa part, le MCCQ est d’accord avec les résultats attendus énoncés dans l’Avis, mais indique que si le Conseil juge nécessaire d’intervenir pour alléger le fardeau réglementaire des radiodiffuseurs, il devrait s’assurer que les mesures mises en place aient le moins d’incidence possible sur la disponibilité des contenus culturels ainsi que sur l’écosystème qui assure la création et la production des contenus.
  6. À l’égard du secteur de la télévision précisément, Bell, Corus et RogersNote de bas de page 42 allèguent que sous l’approche proposée par le Conseil, une période de paiement minimale de cinq ans (allant jusqu’à l’année de radiodiffusion 2024-2025) pour le paiement des manques à gagner encourus durant l’année de radiodiffusion 2019-2020Note de bas de page 43 serait nécessaire pour les grands groupes de propriété. À l’appui, les intervenants indiquent que les dépenses de programmation sont souvent amorties sur une période de quatre à cinq ans. Ils notent également que le Conseil a accordé une période de paiement de cinq ans à Rogers en 2005Note de bas de page 44 lorsque son service facultatif Sportsnet a encouru des sous-dépenses de DÉC en raison de la grève de la LNH. Selon eux, toute période de paiement inférieure à cinq ans créerait des difficultés financières supplémentaires pour les radiodiffuseurs, l’incidence de la pandémie sur leurs revenus s’étant ajoutée aux défis actuels de concurrence auxquels ils font face. Ces radiodiffuseurs ajoutent que le Conseil accorde une souplesse aux radiodiffuseurs afin qu’ils versent leurs manques à gagner comme ils l’entendent pendant la période de paiement en raison de la forte volatilité des revenus et dépenses prévue au cours des années de radiodiffusion 2020-2021 et 2021-2022.
  7. Le GDI, TV5 Québec Canada (TV5) et Blue Ant Media Inc. (Blue Ant) ajoutent qu’une approche unique pourrait ne pas être appropriée en raison des particularités des radiodiffuseurs, et plus particulièrement des radiodiffuseurs indépendants. Blue Ant reconnaît par contre qu’il ne serait pas pratique pour le Conseil de mettre en œuvre des solutions propres à chaque titulaire dans le cadre de la présente instance, et qu’il devrait donc accorder aux radiodiffuseurs autant de souplesse que possible pour leur permettre de prendre des décisions appropriées en matière de contenu.
  8. Certains membres du secteur créatifNote de bas de page 45proposent de permettre aux radiodiffuseurs de payer tout manque à gagner encouru au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020 d’ici la fin de leur période de licence, soit d’ici la fin de l’année de radiodiffusion 2021-2022 pour les grands groupes de propriété et d’ici la fin de l’année de radiodiffusion 2022-2023 pour les autres radiodiffuseurs privés. Pour sa part, le FRPC affirme que les radiodiffuseurs indépendants, lesquels ne bénéficient pas des mêmes synergies que les grands groupes de propriété, devraient se voir accorder plus de temps que les grands groupes pour verser leurs manques à gagner.
  9. Selon la CMPA, la viabilité du secteur canadien de la radiodiffusion ne serait pas davantage compromise par la proposition du Conseil, car les radiodiffuseurs privés se verront accorder un délai supplémentaire pour verser leurs dépenses en moins de l’année de radiodiffusion 2019-2020, et que les parties qui bénéficient de ces exigences ne seraient pas déraisonnablement affectées puisque les dépenses seront éventuellement versées.
  10. L’APFC propose que tout manque à gagner de l’année de radiodiffusion 2019-2020 soit versé d’ici la fin de la période de licence, en accordant dans certains cas un renouvellement administratif d’un an à certains diffuseurs plus durement touchés. Cependant, étant donné la possibilité que certains titulaires de langue française (plus précisément Bell Média, Québecor et TV5) ne puissent pas respecter leurs exigences de dépenses de l’année de radiodiffusion 2020-2021 en raison du confinement généralisé, des problèmes d’assurance et de fermeture des frontières, aussi bien interprovinciales qu’internationales, l’APFC a ajusté sa proposition initiale en suggérant que le Conseil accorde à tous les radiodiffuseurs un an de plus que leur période de licence actuelle pour verser les manques à gagner de l’année de radiodiffusion 2019-2020 ou 2020-2021, soit en maintenant leur période de licence inchangées ou en leur accordant un renouvellement administratif d’un an.
  11. Certains intervenants comme l’Association québécoise de la production médiatique (AQPM), la WGC et l’ADISQ s’opposent à toute forme d’allégement réglementaire, y compris celle proposée par le Conseil. L’ADISQ estime que les producteurs et les créateurs doivent déjà faire face à des pertes importantes, et qu’un décalage dans les contributions, comme le propose le Conseil, pourrait s’avérer désastreux, car cela viendrait amplifier ces pertes et nuirait à l’investissement dans le secteur. L’AQPM se questionne aussi sur la cohérence de la proposition du Conseil, alors que ce dernier avait très récemment refusé une requête de Corus de cumuler les dépenses en moins jusqu’à la fin de sa période de licence, en justifiant que le potentiel de volatilité concernant les exigences au titre des DÉC serait plus élevéNote de bas de page 46. De plus, l’AQPM souligne que toute mesure réglementaire qui accorderait encore plus de souplesse aux radiodiffuseurs nécessiterait un accroissement de la reddition de compte des radiodiffuseurs et une augmentation indispensable de la surveillance du Conseil, ce qui, selon l’AQPM, va clairement à l’encontre des résultats attendus du Conseil.
  12. Dans leurs répliques aux interventions du secteur créatif de télévision, Bell et Corus allèguent qu’une période de remboursement de deux ans pour le paiement des manques à gagner ne serait pas adéquate. À cet égard, Corus indique qu’elle amortit ses émissions en trois ans, selon un calendrier 50/30/20, et qu’une période de paiement de deux ans signifierait qu’il ne pourrait amortir que 80 % (50+30) des droits de licence des émissions qui n’ont pas été diffusées au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020. Corus indique qu’il serait très difficile de viser une répartition égale des manques à gagner, comme le proposent certains intervenants du secteur créatif, et que cela représenterait un lourd fardeau administratif.
  13. En ce qui concerne le secteur de la radio, l’ADISQ indique que tout allégement se ferait au détriment des producteurs et créateurs de contenus canadiens qui sont durement touchés par la pandémie. Elle est d’avis que l’incidence de la pandémie sur l’industrie de la musique est liée aux pertes encourues par les radiodiffuseurs, puisque les contributions au titre du DCC sont déterminées à partir d’un pourcentage des revenus des radiodiffuseurs pour l’année de radiodiffusion précédente, les contributions qui seront exigibles dans l’année de radiodiffusion 2020-2021 subiront une baisse proportionnelle à la baisse des revenus de l’année de radiodiffusion 2019-2020. Enfin, soulignant également l’importance du fonds Musicaction pour l’industrie de la musique et pour garantir la prévisibilité des contributions à ce fonds afin qu’il puisse continuer ses activités, l’ADISQ, appuyée par l’intervention de l’Alliance nationale de l’industrie musicale, note que ce fonds dispose pas d’un fonds de réserve suffisant pour lui permettre d’absorber des baisses importantes temporaires de contributions des radiodiffuseurs, ou des décalages de financement.
  14. Enfin, la Canadian Independent Music Association (CIMA) s’oppose à la proposition du Conseil d’accorder une période de temps supplémentaire pour respecter les obligations de dépenses pour l’année de radiodiffusion 2019-2020. Soulignant que les exigences de contributions au titre du DCC sont déjà souples, puisqu’elles sont calculées en fonction des revenus bruts de l’année précédente, elle indique que l’industrie de la musique a été grandement affectée par les contrecoups de la distanciation physique obligatoire, les directives relatives aux rassemblements et les préoccupations relatives à la santé des auditoires et des artistes en général en temps de pandémie. La CIMA craint que la reprise économique de cette industrie ne soit repoussée à plus de deux ans, et que la reprise ne survienne que lorsqu’il sera possible de tenir des événements en direct et de faire des tournées promotionnelles internationales.
Considération de l’approche du Conseil relative à l’allégement pour les secteurs de la radio et de la télévision en ce qui concerne les trois premiers résultats attendus énoncés dans l’Avis
  1. Comme il l’a fait pour la proposition de l’ACR, le Conseil a évalué si sa proposition d’accorder aux titulaires plus de temps pour s’acquitter de leurs manques à gagner encourus au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020 (c.-à-d. en date du 31 août 2020) respecte les trois premiers résultats attendus du Conseil énoncés dans l’Avis. Le quatrième résultat attendu, à savoir que toute mesure réglementaire accordant un allégement potentiel n’entraîne qu’un fardeau administratif minimal pour les entités qui demandent un allégement, mais qu’elle peut être facilement contrôlée et supervisée par le Conseil afin de garantir une responsabilisation appropriée, est abordé ci-dessous dans la section consacrée aux rapports, tant pour le secteur de la télévision que pour celui de la radio.   
Résultat attendu 1
  1. En ce qui concerne le premier résultat attendu, le Conseil estime que la viabilité du secteur canadien de la radiodiffusion, tant pour la télévision que la radio, ne serait généralement pas davantage pénalisée par le versement des manques à gagner sur une période prolongée. À cet égard, le Conseil note que, globalement, les services de télévision sont demeurés rentables pendant la pandémie et selon les prévisions, ils devraient demeurer rentables au cours des prochaines années, malgré le paiement des manques à gagner. Bien que les stations de radio aient subi un déclin plus prononcé de la rentabilité que les services de télévision, l’industrie de la radio dans son ensemble est demeurée rentable au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020.
  2. En plus d’offrir aux radiodiffuseurs une plus grande capacité de répondre à leurs obligations réglementaires, une période de paiement prolongée leur permettrait de mieux planifier leurs dépenses de programmation sur les prochaines années en fonction de l’offre du secteur de la production en télévision et de pouvoir contribuer à nouveau aux événements en direct et à d’autres occasions de mettre en valeur et de soutenir les artistes canadiens de la radio, ainsi que d’investir dans du contenu de qualité qui respecte la nature de leurs services et qui répond aux besoins et intérêts de leurs auditoires. Ceci réduirait aussi les obligations des radiodiffuseurs à court terme alors qu’ils sont toujours restreints en raison des répercussions de la pandémie. De plus, le paiement requis des manques à gagner serait prévu pour les années de radiodiffusion au cours desquelles les obligations de dépenses auront été réduites de façon considérable, les allégeant ainsi d’un fardeau financier déraisonnable.  
Résultat attendu 2
  1. En ce qui concerne le deuxième résultat attendu, l’approche du Conseil garantirait que les bénéficiaires des dépenses et des contributions ne seront pas déraisonnablement touchés, en assurant que le système de radiodiffusion reçoit l’entièreté des contributions financières qui sont dues, quoique sur une période plus longue. Bien que le fait d’échelonner le versement des manques à gagner sur une période plus longue accorderait un peu moins de prévisibilité au secteur créatif, cela permettrait néanmoins aux parties qui bénéficient des exigences de dépenses et de contributions de quand même recevoir toutes les sommes qui auraient été reçues pendant l’année de radiodiffusion 2019-2020 si la pandémie n’avait pas eu lieu. De plus, le report des dépenses et contributions qui devaient être payées au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020 permettrait de s’assurer que ces sommes seront disponibles lorsque les industries de la création au Canada retrouveront leur pleine capacité de production de contenu pour les services de télévision et les stations de radio. 
  2. La proposition du Conseil offrirait une approche plus équilibrée pour tous les intervenants des secteurs de la télévision et de la radio en veillant à ce que les bénéficiaires des contributions ne soient pas déraisonnablement touchés et que les radiodiffuseurs aient la latitude nécessaire pour satisfaire à leurs obligations spécifiques en matière de programmation. La clé pour s’assurer que l’incidence n’est pas déraisonnable est la période de temps pour rembourser les manques à gagner. L’approche du Conseil est décrite en détail ci-dessous.
Résultat attendu 3
  1. Enfin, en ce qui concerne le troisième résultat attendu, la période de paiement prolongée proposée par le Conseil pour les radiodiffuseurs du secteur de la télévision ne s’appliquerait pas aux exigences de dépenses de nouvelles pour les grands groupes puisque ces titulaires n’ont aucun manque à gagner à cet égard pour l’année de radiodiffusion 2019-2020. Ainsi, le Conseil estime que, dans l’ensemble, les émissions de nouvelles et d’information seraient maintenues.
  2. En ce qui concerne les radiodiffuseurs du secteur de la radio, la proposition du Conseil maintiendrait une offre de nouvelles locales et de programmation locale puisqu’elle ne compromettrait pas la capacité des titulaires ayant un manque à gagner à faire des dépenses sur ces types de programmation au cours des prochaines années. D’ailleurs, plusieurs des radiodiffuseurs qui sont intervenus dans le cadre de la présente instance ont pris les mesures nécessaires pour assurer le maintien de leur offre de nouvelles locales et de programmation locale. Une telle programmation joue un rôle important pour appuyer la diversité d’opinions et de points de vue, qui à son tour assure l’expression d’une saine démocratie canadienne. Le besoin pour les radiodiffuseurs de maintenir une offre adéquate de nouvelles locales et de programmation locale qui est pertinente pour leur auditoire est particulièrement important dans le contexte de la pandémie actuelle, pendant laquelle le besoin d’information pertinente et à jour sur les derniers développements relatifs aux restrictions et aux consignes en vigueur dans les provinces et régions des auditoires est toujours aussi en demande et important pour leurs auditeurs pour les Canadiens.
Analyse et décisions du Conseil concernant son approche proposée pour le secteur de la télévision
  1. Comme le mentionne l’AQPM, le Conseil a récemment refusé la demande de Corus de cumuler les dépenses en moins au titre des DÉC (flexibilité de 10 %) jusqu’à la fin de sa période de licence puisque le potentiel de volatilité serait plus élevé. Toutefois, le Conseil note que cette décision ne tenait pas compte du contexte de la pandémie de COVID-19 et a été prise en tenant compte des circonstances particulières de Corus. La présente instance vise justement à accorder une certaine souplesse réglementaire à tous les radiodiffuseurs dans le contexte de la pandémie maintenant que les manques à gagner sont connus, alors que lors de la demande de Corus, le versement annuel des manques à gagner auraient été incertains. Bien qu’accorder une période de paiement prolongée risque d’augmenter la volatilité des dépenses au cours des prochaines années, surtout au cours de la dernière année de la période de paiement, cette volatilité ne toucherait pas indûment le secteur créatif puisque celui-ci recevra ultimement toutes les sommes qu’il devait recevoir.
DÉC et dépenses en ÉIN
  1. Tel que susmentionné, en date du 31 août 2020, les grands groupes ont cumulé un manque à gagner en DÉC de 138 millions de dollars (dont 121 millions de dollars uniquement pour l’année de radiodiffusion 2019-2020) et un manque à gagner en ÉIN de 13 millions de dollars. Le Conseil note que certains grands groupes ont cumulé des manques à gagner relatifs à la production indépendante, aux émissions originales de langue française et aux contributions aux fonds pour la musique,  FACTOR et Musicaction).
  2. Selon le Conseil, une période de deux ans pour le paiement des manques à gagner, telle que proposée par plusieurs intervenants du secteur créatif, ne serait ni réaliste ni appropriée. Puisque la fin de la première année de paiement serait le 31 août 2021, les titulaires seraient tenus de dépenser à la hâte pour du contenu canadien, simplement pour répondre aux exigences du Conseil. De plus, comme le note Corus, le fait que les dépenses de programmation sont généralement amorties sur une période de trois ans et plus pourrait mener les radiodiffuseurs à prendre des décisions de programmation sous-optimales qui iraient à l’encontre de l’approche du Conseil privilégiant la qualité plutôt que la quantité.
  3. Pour tous les radiodiffuseurs, le Conseil a considéré le besoin de s’assurer que la période de paiement choisie représente un juste équilibre entre donner une certaine souplesse aux radiodiffuseurs et s’assurer que le secteur créatif ainsi que le système dans son ensemble reçoivent les contributions dans des délais raisonnables. Le Conseil note qu’en prenant sa décision sur la durée de la période de paiement, il a pris en considération les pratiques des titulaires de services de télévision en ce qui concerne les exigences de dépenses, ainsi que le volume de production disponible.
  4. En ce qui concerne les DÉC et les dépenses en ÉIN, le Conseil conclut qu’une période de trois ans pour verser les manques à gagner encourus en date du 31 août 2020 serait la plus appropriée pour les grands groupes. Selon les données agrégées pour les titulaires qui ont cumulé des manques à gagner de DÉC, les DÉC ajustées seraient alors environ deux points de pourcentage plus élevées que leur exigence actuelle. Le Conseil conclut que cette période de paiement prolongée n’aurait aucune incidence négative indue sur la viabilité des radiodiffuseurs, ce qui est conforme au premier résultat attendu énoncé dans l’Avis.
  5. De plus, le Conseil estime qu’il devrait y avoir un volume de production suffisant pour que les titulaires puissent verser leurs manques à gagner cumulés au 31 août 2020 sur trois années de radiodiffusion, en plus de continuer à verser les sommes exigées chaque année en fonction des revenus bruts de l’année de radiodiffusion précédente. Malgré les défis qui ont freiné la production télévisuelle au Canada pour une certaine période, le Conseil estime qu’un retour à la normale à court ou moyen terme semble probable, contrairement à ce que certains intervenants ont souligné dans les interventions déposées à l’automne 2020.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil accorde une période de de paiement de trois ans (allant jusqu’au 31 août 2023, soit la fin de l’année de radiodiffusion 2022-2023) aux grands groupes de propriété afin de leur permettre de verser les manques à gagner liés aux DÉC et aux ÉIN (y compris les manques à gagner relatifs aux dépenses requises pour la production indépendante et la programmation originale de langue française) qu’ils ont cumulés en date du 31 août 2020. Le Conseil rappelle à ces groupes qu’ils doivent aussi s’assurer de respecter leurs exigences de dépenses annuelles à partir de l’année de radiodiffusion 2020-2021.
FACTOR et Musicaction
  1. Le Conseil note que les exigences de dépenses à la FACTOR et Musicaction ont été imposées aux grands groupes comme mesure temporaire jusqu’à la fin leur période de licence en 2022Note de bas de page 47 et que ces dépenses ne bénéficient pas d’une souplesse relative aux dépenses en moins (autrement dit, les sommes doivent être complètement versées chaque année). À l’époque, le Conseil considérait que ces exigences de dépenses étaient le meilleur moyen de compenser les conséquences de la perte de financement subie par le secteur de la programmation musicale et d’assurer un soutien continu à ses créateurs. À cet égard, le Conseil note l’argument de l’ADISQ, qui souligne l’importance des sommes allouées à Musicaction, étant donné que ce fonds ne dispose pas d’un fonds de réserve suffisant lui permettant d’absorber des baisses temporaires ou des décalages de financement. De plus, le Conseil note que les sommes allouées à la FACTOR et Musicaction peuvent être versées relativement rapidement et ne nécessitent pas une planification pluriannuelle comme les exigences de dépenses de programmation qui dépendent du volume de production disponible et des stratégies d’amortissement retenues par chaque titulaire.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil exige que les grands groupes versent leurs manques à gagner en date du 31 août 2020 concernant les dépenses à la FACTOR et à Musicaction au plus tard le 31 août 2021 (soit la fin de l’année de radiodiffusion 2020-2021).
Services indépendants
  1. Après examen des niveaux de dépenses des services indépendants (et des services 9(1)h)), le Conseil note que les résultats agrégés montrent que ces services ont largement surpassé leurs exigences de DÉC au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020. Alors que les services 9(1)h) en particulier ont des exigences de DÉC considérablement plus élevées en raison de leur distribution obligatoire par les EDR, tous ces services ont respecté leurs exigences individuelles au cours des trois dernières années de radiodiffusion, y compris l’année de radiodiffusion 2019-2020.
  2. Toutefois, le Conseil note que les données agrégées des services indépendants, dont il est question ci-dessus, ne dressent possiblement pas un portrait représentatif de tous les services indépendants, étant donné que ceux-ci sont exploités selon divers types de programmation. De plus, certains services indépendants ont probablement été davantage touchés que d’autres par la pandémie. En outre, les licences des services indépendants ne sont pas toutes renouvelées au même moment et les services indépendants ne bénéficient pas des mêmes synergies que les grands groupes.
  3. Par conséquent, le Conseil conclut qu’une période de paiement de trois ans pourrait ne pas être suffisante pour certains services indépendants, et qu’il serait approprié de leur accorder une année supplémentaire pour payer leurs manques à gagner cumulés en date du 31 août 2020. Cette approche répond à la préoccupation des intervenants voulant que le Conseil tienne compte des particularités des radiodiffuseurs indépendants dans le cadre de la présente instance. De plus, cela donne une plus grande souplesse aux services indépendants dont les licences expirent à la fin de l’année de radiodiffusion 2022-2023. 
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil accorde aux titulaires de services indépendants (tout marché confondu) une période de quatre ans (allant jusqu’au 31 août 2024, soit la fin de l’année de radiodiffusion 2023-2024) afin de leur permettre de verser les manques à gagner au 31 août 2020.  .Selon le Conseil, une période de paiement de quatre ans ne déstabiliserait pas l’ensemble de l’industrie étant donné que les sommes des manques à gagner sont largement inférieures à ceux des grands groupes. Le Conseil rappelle aux titulaires de services indépendants qu’ils doivent aussi s’assurer de respecter leurs exigences de dépenses annuelles à partir de l’année de radiodiffusion 2020-2021.
  5. Le Conseil reconnaît que les périodes de licence actuelles de certains services indépendants se terminent avant la fin de la période de paiement de quatre ans, et que certains de ces services pourraient verser les manques à gagner au cours de leur prochaine période de licence. Cet enjeu sera abordé le cas échéant lors des renouvellements de licence.
Nouvelles de reflet local
  1. Étant donné la nature de service des stations de télévision traditionnelle indépendantes et que leur programmation est axée sur les nouvelles, et puisque leurs dépenses relatives aux nouvelles de reflet local ont possiblement augmenté dans le contexte de la pandémie, ces stations ont probablement respecté les exigences relatives aux dépenses à cet égard. Néanmoins, il a pu être plus difficile pour certaines stations de télévision traditionnelle indépendantes de respecter ces exigences. Le Conseil examinera toute instance de non-conformité possible ayant eu lieu au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020 pour les stations de télévision traditionnelle indépendantes relativement aux exigences en matière de dépenses sur les nouvelles de reflet local lors des renouvellements de licence.
Répartition des versements relatifs aux manques à gagner
  1. En ce qui concerne la répartition des versements relatifs aux manques à gagner, le Conseil reconnaît que les radiodiffuseurs préfèrent avoir la souplesse de verser les manques à gagner comme ils l’entendent sur la période de paiement, alors que les intervenants du secteur créatif souhaitent que les sommes soient réparties également. Bien qu’une répartition égale assurerait une certaine stabilité et prévisibilité au secteur de la production, une telle répartition pourrait nuire à la capacité des radiodiffuseurs à faire face aux défis actuels, à prendre des décisions de programmation optimales et à s’adapter aux fluctuations du marché et aux réalités de la production. De plus, une approche de répartition égale ne serait pas adéquate puisque selon une telle approche, les paiements des manques à gagner devraient être effectués avant le 31 août 2021 et puisque les dépenses de programmation doivent être planifiées bien à l’avance.
  2. Par conséquent, le Conseil conclut qu’il serait approprié de ne pas établir une répartition précise des manques à gagner devant être versés d’ici la fin de la période de paiement (trois ans pour les titulaires des grands groupes et quatre ans pour les titulaires des services indépendants), pourvu que les titulaires versent la totalité des manques à gagner d’ici la fin de cette période. Selon le Conseil, une période de paiement prolongée sans répartition précise représente, dans son ensemble, une mesure équilibrée qui répond aux besoins distincts du secteur créatif, qui souhaite obtenir les sommes d’ici la fin de l’année de radiodiffusion 2022, et des radiodiffuseurs, qui souhaitent obtenir la plus grande souplesse possible quant au paiement des manques à gagner.
Dépenses en moins pour les DÉC et ÉIN et flexibilité de 10 %
  1. Certains intervenants (comme TV5) indiquent qu’il pourrait être difficile pour eux de se conformer à leurs exigences de DÉC pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 ou sollicitent un allégement réglementaire pour les années de radiodiffusion après 2019-2020 (comme Québecor). Le Conseil reconnaît que la pandémie aura probablement un effet sur l’année de radiodiffusion 2020-2021 en raison, en partie, de certains retards de production qui sont survenus pendant l’année de radiodiffusion 2019-2020. Compte tenu de ceci, le Conseil s’est aussi penché sur la possibilité d’accorder à tous les radiodiffuseurs une flexibilité de 10 % en ce qui concerne les exigences de DÉC et de dépenses en ÉIN, et ce, jusqu’à la fin de la période de paiement. Selon une telle approche, les radiodiffuseurs pourraient se prévaloir d’une flexibilité de 10 % concernant les DÉC et les dépenses en ÉIN en moins durant les années de la période de paiement (commençant dans l’année de radiodiffusion 2020-2021), à l’exception de la dernière annéeNote de bas de page 48. Toutefois, ils devront verser la totalité des dépenses exigées, y compris les manques à gagner, d’ici la fin de leur période de paiement. Selon ce scénario, les titulaires des grands groupes seront autorisés à effectuer des dépenser en moins au titre du DÉC et des ÉIN jusqu’à un maximum de 10 % pendant les années de radiodiffusion 2020-2021 et 2021-2022. Pour les titulaires des services indépendants, cette flexibilité de 10 % se prolongerait jusqu’à l’année de radiodiffusion 2022-2023.
  2. Cette flexibilité additionnelle s’appliquerait uniquement aux exigences actuelles (c.-à-d. celles commençant à partir de l’année de radiodiffusion 2020-2021), et non aux manques à gagner cumulés en date du 31 août 2020, lesquels font l’objet des périodes de paiement prolongées énoncées ci-dessus.
  3. Selon le Conseil, offrir à tous les télédiffuseurs une flexibilité de 10 % en ce qui concerne leurs exigences de DÉC et de dépenses en ÉIN leur permettrait de s’ajuster aux fluctuations du marché, alors que la pandémie perdure toujours et que, comme le Conseil l’a souligné dans l’Avis, l’industrie s’adapte à une concurrence accrue des plateformes étrangères. De plus, la flexibilité de 10 % leur permettrait de mieux planifier leurs investissements en programmation et d’être plus compétitifs, conformément au premier résultat attendu énoncé dans l’Avis. En outre, l’utilisation de la flexibilité serait optionnelle pour les radiodiffuseurs  et ceux qui décident de s’en prévaloir pourraient le faire en tout ou en partie. Les titulaires pourraient donc utiliser cette flexibilité de façon différente, selon leurs besoins et leurs choix de programmation.
  4. En outre, cette souplesse additionnelle répondrait aux besoins de certains radiodiffuseurs (comme Québecor) voulant une souplesse réglementaire au-delà de l’année de radiodiffusion 2019-2020.
  5. Enfin, cette souplesse additionnelle ne toucherait pas déraisonnablement le secteur créatif, car les sommes seraient toutes ultimement versées d’ici la fin des périodes de paiement prolongées accordées par le Conseil, conformément au deuxième résultat attendu énoncé dans l’Avis.
  6. Toutefois, afin de maintenir les émissions de nouvelles et d’information offertes aux Canadiens, conformément à l’atteinte du troisième résultat attendu énoncé dans l’Avis, le Conseil estime que la flexibilité relative aux dépenses en moins pour les nouvelles de reflet local devrait demeurer à 5 %, et ce, autant pour les grands groupes que pour les stations de télévision traditionnelle indépendantes. Le Conseil estime que cette approche est appropriée puisque les dépenses relatives aux nouvelles de reflet local sont entièrement contrôlées par les titulaires et ne sont pas amorties.
  7. Compte tenu de ce qui précède, à l’exception des dépenses en moins pour les nouvelles de reflet local, le Conseil offre à tous les télédiffuseurs la possibilité de se prévaloir d’une flexibilité de 10 % relative aux dépenses en moins en DÉC et en ÉIN, et ce, jusqu’à la fin de leur période de paiement prolongée respective.
Analyse et décisions du Conseil en ce qui concerne son approche proposée pour le secteur de la radio
  1. Afin de déterminer dans quelle mesure la pandémie de COVID-19 a eu une incidence sur les revenus et les dépenses des titulaires de stations de radio commerciale au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020, le Conseil a examiné les données soumises dans les rapports annuels d’un échantillon d’entreprises détentrices de licences de stations de radio. Ces entreprises ont été regroupées en trois groupes distincts selon leurs revenus, comme suit :
    • Groupe 1 : Bell et ses filiales; Rogers Media Inc.; Corus Entertainment Inc.; Cogeco Média inc.; Groupe Stingray inc. Note de bas de page 49 (les cinq plus grands groupes de propriété privée);
    • Groupe 2 : Jim Pattison Broadcast Group Limited Partnership; Vista Radio Ltd.; Golden West Broadcasting Ltd.; Blackburn Radio Inc.; Harvard Broadcasting Inc.; Rawlco Radio Ltd. (les six plus grands groupes de propriété privée suivant le groupe 1);
    • Groupe 3 : –Tous les autres titulaires qui exploitent des stations de radio commerciale privées.
  2. SiriusXM ne se trouve dans aucun des groupes puisqu’elle n’exploite aucune station de radio commerciale. Toutefois, puisque SiriusXM verse des contributions au titre du DCC par l’entremise des activités de Sirius Canada et XM Canada, le Conseil a également pris en considération l’incidence de la pandémie sur ses contributions et a inclus tout manque à gagner dans ses calculs pour le secteur de la radio. Pour sa part, le service sonore Stingray Musique est exclu du groupe 1; cependant, le Conseil a aussi pris en considération l’incidence de la pandémie sur ses contributions et a donc inclus tout manque à gagner dans ses calculs.
  3. La pandémie de COVID-19 et les efforts subséquents déployés pour ralentir la propagation du coronavirus ont eu une incidence négative immédiate sur l’industrie de la radio commerciale. Par exemple, le télétravail a changé les habitudes d’écoute pendant les heures de grande écoute. De plus, une proportion plus élevée d’industries commerciales et professionnelles dans les principaux marchés qui exercent leurs activités dans des environnements principalement urbains a fait en sorte qu’il a été plus facile pour la plupart des travailleurs de ces marchés de travailler de la maison. En outre, l’incertitude financière qui prévaut depuis le début de la pandémie, combinée au fait que certains de grands marchés à travers le pays ont passé plus de temps en confinement, avec une fermeture obligatoire des entreprises locales, a nui aux ventes au détail de même que sur les dépenses publicitaires.
  4. De l’année de radiodiffusion 2015-2016 à l’année de radiodiffusion 2019-2020, les revenus totaux ont diminué dans les trois groupes d’entreprises. Toutefois, pour le groupe 1, dont une partie importante des stations de radio dessert les grands marchés grandement touchés, une importante baisse de revenus de 24,7 % a été observée. Les deux autres groupes ont éprouvé des diminutions des revenus totaux similairesNote de bas de page 50.
  5. De plus, les entreprises du groupe 1 ont connu la plus forte baisse de rentabilité, leurs BAII passant de 21,7 % au cours de l’année de radiodiffusion 2018-2019 à 6,6 % au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020. Néanmoins, en général, l’industrie de la radio commerciale est demeurée rentable au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020.
  6. Pour les années de radiodiffusion 2018-2019 et 2019-2020, le total des contributions de base au titre du DCC requises a diminué de plus de 20 % dans tous les groupes, diminution menée par les entreprises du groupe 1. Du manque à gagner total cumulé par les stations de radio commerciale en particulier pour l’année de radiodiffusion 2019-2020, la majorité est attribuable aux entreprises du groupe 1. En raison de la baisse des revenus du secteur de la radio commerciale, le Conseil s’attend à ce que le total des contributions de base requises au titre du DCC pour ce secteur soit inférieur pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 par rapport au niveau de l’année de radiodiffusion 2019-2020.
  7. Le secteur de la radio a aussi cumulé un manque à gagner à l’égard des contributions excédentaires au titre du DCC (c.-à-d. celles auxquelles les demandeurs de nouvelles licences de radiodiffusion s’engagent de manière volontaire dans leurs demandes) pour l’année de radiodiffusion 2019-2020. En fait, une diminution de ces contributions était déjà prévue dans les années précédant la pandémie de COVID-19. Le Conseil note que les engagements financiers soumis dans le cadre d’une demande de nouvelle licence deviennent plus rares, tout comme les demandes de licences pour exploiter de nouvelles stations de radio commerciale.
  8. Par le passé, le Conseil a maintenu une position ferme en reconnaissant qu’il est essentiel que les titulaires de stations de radio respectent leurs obligations relatives aux contributions au titre du DCC étant donné que les projets réalisés grâce à ces contributions favorisent le lancement de la carrière d’artistes émergents et la poursuite du développement de carrière d’artistes établis tout en augmentant l’offre de musique canadienne de haute qualité ainsi que la demande de musique canadienne par les auditeurs. Le non-respect des obligations relatives aux contributions au titre du DCC cause un préjudice au système de radiodiffusion. Par conséquent, le Conseil n’accorde généralement pas d’exceptions aux exigences de contributions au titre du DCC et cherche généralement à remédier à toute non-conformité par des mesures correctrices.
  9. Compte tenu de l’incidence importante que la pandémie a eue et continue d’avoir sur les activités des entreprises de programmation de radio, le Conseil estime qu’un certain allégement relatif aux exigences de dépenses permettrait aux radiodiffuseurs d’avoir plus de souplesse lors de prises de décisions stratégiques et de continuer à être en conformité face à leurs obligations respectives.
  10. Toutefois, compte tenu de l’importance des contributions au titre du DCC pour le système de radiodiffusion canadien dans son ensemble et de l’approche réglementaire du Conseil relative aux manques à gagner découlant de la non-conformité à l’égard des exigences de contributions et de programmation, le Conseil estime qu’il est important d’assurer que les manques à gagner pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 soient payés dans un délai raisonnable afin de limiter les incidences négatives à court et à moyen terme sur l’ensemble du système de radiodiffusion. Par conséquent, le Conseil conclut qu’un allégement qui implique l’obligation de verser les manques à gagner pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 lors des années subséquentes serait approprié.
  11. Certains intervenants du secteur de la radioNote de bas de page 51 suggèrent que le Conseil devrait mettre en place des critères spécifiques qui doivent être satisfaits, au cas par cas, avant qu’il n’accorde un allégement. Cependant, le Conseil estime que l’adoption d’une approche d’allégement au cas par cas constituerait un fardeau administratif pour les titulaires et le Conseil puisqu’elle nécessiterait le dépôt et le traitement de demandes de modifications de licences individuelles pour chaque titulaire.
  12. Bien que la vaste majorité des manques à gagner a été encourue par un nombre très limité de radiodiffuseurs, le Conseil estime qu’une approche unique applicable à tous les titulaires de stations de radio qui ont encouru un manque à gagner pendant l’année de radiodiffusion 2019-2020 serait plus appropriée. Cette approche minimiserait le fardeau administratif et faciliterait la surveillance et la supervision des paiements relatifs aux manques à gagner afin de garantir une responsabilisation appropriée des titulaires, ce qui répond au quatrième résultat attendu énoncé dans l’Avis.
  13. Le Conseil note que bien que la majorité des entreprises de programmation de radio commerciale ait respecté ses obligations de dépenses pour l’année de radiodiffusion 2019-2020, les manques à gagner pour le secteur de la radio s’élèvent à presque 13 millions de dollars. De plus, bien que la pandémie ait eu une incidence sur le rendement financier des titulaires qui exploitent des stations de radio, l’importance de la portée qu’ont les contributions financières liées aux obligations de dépenses des radiodiffuseurs est tout aussi importante. Néanmoins, le Conseil reconnaît que les répercussions de la pandémie se poursuivent et qu’elles ne peuvent être circonscrites avec justesse à ce point-ci.
  14. Par conséquent, le Conseil estime que qu’il serait approprié de reporter le paiement de tout manque à gagner des contributions annuelles de l’année de radiodiffusion 2019-2020 (contributions de base au titre du DCC, contributions excédentaires au titre du DCC et avantages tangibles) sur deux années de radiodiffusion (2021-2022 et 2022-2023), en plus de toute exigence existante de versements annuels au titre du DCC, dont 50 % des manques à gagner qui devront être versés au cours de chacune de ces années de radiodiffusion.
  15. Le Conseil note que le report des versements de tout manque à gagner ne devrait être applicable qu’aux contributions au titre de DCC qui devaient être versées pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 qui n’ont pu être payées en raison des répercussions financières de la pandémie de la COVID-19 sur les titulaires. Le Conseil estime qu’il ne serait pas approprié d’accorder le report des versements pour des manques à gagner précédents ou les contributions excédentaires au titre du DCC à titre de mesure corrective imposée à la suite de non-conformités puisque l’exigence de pour de telles contributions sont imposées afin de réparer les préjudices causés au système de radiodiffusion canadien.

Rapports

  1. Le quatrième résultat attendu énoncé dans l’Avis est que toute mesure réglementaire accordant un allégement potentiel doit être très peu contraignante sur le plan administratif pour les entités qui demandent un allégement, mais facilement contrôlée et supervisée par le Conseil afin de garantir une responsabilisation appropriée. Par conséquent, le Conseil a sollicité des observations sur l’établissement de rapports et le contrôle de la conformité. Compte tenu des différences entre les exigences pour les secteurs de la télévision et de la radio, le Conseil a traité cette question pour chaque secteur séparément. 
Secteur de la télévision
  1. L’ensemble des télédiffuseurs estime que les rapports annuels actuels déposés par les titulaires auprès du Conseil, ainsi que le rapport de production déposé par les grands groupesNote de bas de page 52 et les services 9(1)h), comportent toutes les données nécessaires permettant au Conseil de surveiller la conformité aux exigences à l’égard du paiement des manques à gagner. Selon eux, une nouvelle exigence de rapport représenterait un lourd fardeau administratif. Corus indique toutefois qu’une note explicative aux rapports annuels pourrait détailler comment les radiodiffuseurs s’efforcent de respecter leurs exigences relatives à leur période de paiement prolongée. Corus ajoute que si les notes explicatives soulèvent des questions, le Conseil pourrait clarifier le tout par l’entremise de demandes de renseignements additionnels.
  2. Des intervenants du secteur créatif estiment que toute mesure réglementaire du Conseil accordant plus de souplesse aux télédiffuseurs nécessiterait un accroissement de la reddition de compte des télédiffuseurs concernés et une augmentation de la surveillance du Conseil. À cet égard, l’APFC estime que les rapports annuels pourraient détailler l’évolution des versements. D’autres intervenants du secteur créatifNote de bas de page 53suggèrent que les radiodiffuseurs fournissent un nouveau rapport annuel qui identifie clairement le type de dépenses effectuées et les sommes impayées encourues durant l’année de radiodiffusion 2019-2020, et ce, jusqu’à ce que le manque à gagner soit comblé.
  3. Le Conseil est d’avis que les renseignements contenus dans les rapports annuels et actuellement fournis au Conseil ne sont pas suffisants pour évaluer la conformité à l’égard de la souplesse accordée dans la présente décision. Le Conseil estime donc qu’il serait approprié d’exiger que tous les titulaires du secteur de la télévision ayant cumulé des manques à gagner au 31 août 2020 déposent un nouveau formulaire dans le cadre du rapport annuel existant soumis auprès du Conseil, et ce, jusqu’à la fin de leur période de paiement. Ce formulaire permettrait au Conseil de suivre le progrès dans le versement des manques à gagner, détaillé pour chaque type d’exigence, et permettrait donc au Conseil de surveiller et contrôler facilement le versement des manques à gagner  durant la période de paiement prolongée. Selon le Conseil, l’exigence de déposer le nouveau formulaire pour les titulaires ayant cumulé un manque à gagner ne représenterait pas un lourd fardeau administratif pour eux.
  4. De plus, compte tenu de l’ampleur des manques à gagner encourus par les grands groupes, la publication des formulaires remplis sur le site Web du Conseil permettrait au public et à l’industrie de suivre l’évolution du paiement des manques à gagner et d’assurer un certain degré de transparence.
  5. Toutefois, pour les services indépendants, le Conseil est d’avis qu’il ne serait pas approprié de publier les formulaires soumis puisque par le passé, le Conseil n’a publié que les rapports agrégés pour les grands groupes. De plus, comme les services de télévision indépendants sont souvent de plus petite taille, il est difficile de compiler et de publier les renseignements tout en maintenant la confidentialité. Selon le Conseil, les risques à la confidentialité l’emportent sur les avantages qui pourraient être tirés de la transparence pour l’intérêt public.
  6. Par conséquent, le Conseil exige que les titulaires du secteur de la télévision ayant cumulé des manques à gagner en date du 31 août 2020 déposent, dans le cadre du rapport annuel qu’ils déposent actuellement auprès du Conseil, un nouveau formulaire sur les manques à gagner encourus et le paiement de ceux-ci de façon détaillée, et ce, jusqu’à la fin de leur période de paiement respective (2023 pour les grands groupes et 2024 pour les services indépendants). Tel que noté ci-dessus, seuls les formulaires des grands groupes seront publiés sur le site Web du Conseil.
  7. En ce qui concerne la flexibilité de 10 % dont les radiodiffuseurs peuvent se prévaloir à l’égard des dépenses en moins en DÉC et en ÉIN, les rapports annuels actuellement déposés par les radiodiffuseurs permettent au Conseil de déterminer si et comment ils utilisent cette flexibilité. Puisque cette flexibilité se rapporte aux exigences d’année en année et non pas au versement des manques à gagner, le Conseil estime qu’il ne serait pas approprié d’exiger que les radiodiffuseurs fassent rapport de leur utilisation de la flexibilité de 10 % dans le nouveau formulaire à déposer auprès du Conseil. Toutefois, les rapports agrégés publiés permettent actuellement aux parties intéressées d’évaluer l’utilisation de la flexibilité des grands groupes.
Secteur de la radio
  1. La CIMA soutient que pour assurer un processus transparent et équitable, les radiodiffuseurs devraient préciser, dans les rapports annuels qu’ils déposent auprès du Conseil, les types de dépenses effectuées et les sommes que ces dépenses représentent aux fins d’évaluation des paiements des manques à gagner encourus au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020. Pour sa part, le Groupe Radio Simard soutient qu’une nouvelle exigence de rapport ne devrait être applicable qu’aux radiodiffuseurs en non-conformité à l’égard de leurs exigences de dépenses.
  2. Toutefois, d’autres intervenants, y compris des radiodiffuseurs, s’opposent à toute augmentation de reddition de compte. Selon le GDI, les nombreuses exigences existantes en matière de rapports fourniraient suffisamment de renseignements au Conseil pour surveiller la conformité et en faire rapport. Corus et Sirius font valoir que l’obligation de déposer au Conseil des renseignements financiers supplémentaires en guise de rapport sur les contributions engagées et non engagées se traduirait par un fardeau réglementaire additionnel pour les radiodiffuseurs et préjudiciable aux intérêts commerciaux de ces derniers.
  3. Le Conseil estime qu’une exigence relative à la soumission d’un rapport pour les radiodiffuseurs qui est simple, efficace et qui ne représente pas un fardeau administratif indu pour les radiodiffuseurs permettrait au personnel du Conseil ainsi qu’aux intervenants du milieu de la radiodiffusion et de l’industrie de la musique canadienne d’évaluer la conformité des titulaires de radio à l’égard du paiement des manques à gagner pour l’année de radiodiffusion 2019-2020. L’utilisation d’un nouveau formulaire par les radiodiffuseurs pour ces fins, qui serait fait au niveau de chaque entreprise, simplifierait le fardeau administratif pour le Conseil à l’égard de la validation et la publication des renseignements reçus sur les versements des manques à gagner et représenterait un fardeau administratif minimal pour les radiodiffuseurs.
  4. Par conséquent, afin de permettre au Conseil de surveiller et contrôler facilement le versement des manques à gagner, tous les titulaires ayant des manques à gagner pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 devront soumettre un nouveau formulaire dans le cadre du rapport annuel existant qui ferait le suivi du versement des manques à gagner, et ce, jusqu’à la fin de leur période de paiement. Selon le Conseil, remplir ce formulaire ne représentera pas un lourd fardeau administratif pour les radiodiffuseurs et permettra au Conseil de suivre l’évolution du paiement des manques à gagner des titulaires.
  5. Puisque les rapports seront faits au niveau de chaque entreprise, et compte tenu de la nature confidentielle des renseignements à fournir et de l’incidence que la publication pourrait avoir sur les radiodiffuseurs, le Conseil traitera les formulaires comme confidentiels et ne les publiera pas sur son site Web. Toutefois, le Conseil vise publier sur son site Web une version agrégée de ces données financières fournies dans les formulaires afin d’assurer la confidentialité des données et grand niveau de transparence au bénéfice des intervenants du milieu de la radiodiffusion et de l’industrie de la musique canadienne. La publication de ces données sera faite selon les trois groupes d’entreprises notés ci-dessus qui détiennent des licences de radiodiffusion. Le groupe 1 inclurait aussi Sirius, qui détient une licence pour les entreprises nationales de radio satellite par abonnement Sirius Canada et XM Canada, et Stingray, titulaire du service sonore national payant Stingray Musique.
  6. Enfin, en ce qui concerne l’année pendant laquelle les titulaires devraient verser leurs contributions, le Conseil estime que les contributions au titre du DCC effectuées pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 devraient être comptabilisées lors de cette même année de radiodiffusion, que les initiatives aient été réalisées ou non avant la fin de cette année de radiodiffusion (c.-à-d. le 31 août 2020). Cette approche reflète la pratique générale du Conseil qui est de considérer les contributions aux initiatives admissibles lors de l’année où la contribution a été faite.

Exigences relatives à la présentation et au contenu

  1. Dans le secteur de la télévision, les exigences de présentation les plus couramment imposées concerne le contenu canadienNote de bas de page 54, la programmation localeNote de bas de page 55 et les nouvelles de reflet localNote de bas de page 56. Les exigences relatives au contenu pour le secteur de la radio relatives à la diffusion de pièces musicales canadiennes et de musique vocale de langue française sont énoncées à l’article 2.2 du Règlement. Les services nationaux de radio satellite par abonnement Sirius Canada et XM Canada, ainsi que le service national de programmation sonore payant Stingray Musique, ont également des exigences de diffusion de musique canadienne, lesquelles sont énoncées par condition de licenceNote de bas de page 57.
  2. Les titulaires ne sont généralement pas assujettis à des conditions de licence énonçant le seuil minimal de programmation locale qui doit être diffusée. Par contre, afin de pouvoir solliciter et accepter de la publicité locale, les titulaires de stations de radio FM commerciale exploitées dans des marchés desservis par plus d’une station de radio commerciale privée doivent consacrer au moins le tiers de leur semaine de radiodiffusion (c.-à-d., un minimum de 42 heures par semaine) à de la programmation localeNote de bas de page 58.
  3. En plus des types d’exigences de programmation ci-dessus, les titulaires des secteurs de la télévision et de la radio ont des obligations relatives à la distribution d’alertes au public et, dans le cas de la télévision, l’accessibilité (vidéodescription et audiodescription pour les personnes ayant une déficience visuelle et sous-titrage codé pour les personnes sourdes ou malentendantes).
  4. Tel que susmentionné, l’ACR propose que le Conseil n’évalue pas la conformité des titulaires à l’égard des exigences de présentation relatives à la programmation locale ou aux nouvelles de reflet local, et suggère de les traiter comme des attentes pour la deuxième moitié de l’année de radiodiffusion 2019-2020. L’ACR propose aussi que le Conseil, en l’absence de mauvaise foi de la part des titulaires, traite toute autre exigence réglementaire relative à la présentation pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 (y compris les exigences relatives à l’accessibilité) comme des attentes, sous réserve d’une condition « si les ressources le permettent ».
  5. Dans l’Avis, le Conseil a indiqué que la programmation de nouvelles locales, régionales et nationales permet aux Canadiens d’être informés sur les enjeux qui les préoccupent dans le contexte évolutif propre à la situation actuelle. Le Conseil a énoncé que toute souplesse considérée en ce qui concerne les dépenses et autres exigences liées aux nouvelles doit assurer, dans la mesure du possible, le maintien de la profondeur et de l’ampleur de l’information que fournissent actuellement les radiodiffuseurs aux Canadiens (c.-à-d. le troisième résultat attendu énoncé dans l’Avis).
  6. De plus, le Conseil a indiqué qu’il n’avait pas l’intention d’examiner toute proposition qui diminuerait le cadre de politique et les mesures prises par le Conseil en ce qui concerne l’accessibilité de la radiodiffusion et les alertes au public.
  7. Par conséquent, dans l’Avis, le Conseil a sollicité des observations sur la proposition de l’ACR relativement aux exigences de présentation et a demandé si la détermination de la conformité sur une période prolongée devrait s’appliquer aux exigences de présentation.

Positions des parties

Secteur de la radiodiffusion
  1. Corus soutient que le niveau actuel de nouvelles et de programmation d’information serait maintenu si la proposition de l’ACR est adoptée. Il note que les radiodiffuseurs, en général, ont dépassé leurs exigences relatives aux dépenses de nouvelles et leurs exigences de présentation au cours de la pandémie.
  2. Les télédiffuseurs expriment l’avis que les heures de programmation qui n’ont pas pu être produites durant la pandémie ne pourront pas être « rattrapées » au cours des années subséquentes puisque cela perturberait leurs horaires de diffusionNote de bas de page 59.
  3. Pour sa part, Québecor affirme qu’elle n’a pas été en mesure de produire de la programmation locale à Québec pendant plus de trois mois en raison de l’arrêt de production. Québecor demande donc au Conseil de présumer que TVA a respecté ses obligations en matière de programmation locale pour l’année de radiodiffusion 2019-2020, et que cet assouplissement s’applique aussi à l’année de radiodiffusion 2020-2021 si la deuxième vague de la pandémie devait aussi affecter les installations et la production locales.
  4. Le Groupe Radio Simard précise que ses stations de radio ont maintenu leur niveau de nouvelles locales et que certaines de ses stations ont embauché plus de ressources au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020.
Secteur créatif
  1. Certains intervenants du secteur créatif et des groupes d’intérêt public et de rechercheNote de bas de page 60 soulignent l’importance du maintien des nouvelles locales, particulièrement dans le contexte de la pandémie. D’autresNote de bas de page 61estiment que le Conseil ne devrait pas accorder de souplesse à l’égard des exigences de diffusion de programmation locale et de nouvelles locales. Le Conseil provincial du secteur des communications (CPSC) fait valoir que transformer les exigences en matière de programmation locale et de nouvelles locales des radiodiffuseurs en simples attentes non contraignantes ne garantirait pas le maintien de la programmation de nouvelles et d’information, ce qui serait contraire au troisième résultat attendu énoncé dans l’Avis.
  2. L’Alliance québécoise des techniciens et des techniciennes de l’image et du son, l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma et l’Union des artistes (collectivement, AQTIS-ARRQ-SARTEC) notent que la proposition du Conseil de déterminer la conformité d’un radiodiffuseur à l’égard de ses obligations réglementaires pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 en se fondant sur le fait que ce radiodiffuseur a respecté ses obligations sur une période plus longue devrait également s’appliquer aux exigences de présentation. Le CPSC est d’accord avec cette proposition et indique que les heures de présentation de programmation locale et de nouvelles locales qui n’ont pas été diffusées au début de 2020 devraient être diffusées au cours des prochaines années.
  3. Enfin, CIMA et le Music Managers Forum of Canada (MMF) sont d’avis que le Conseil ne devrait pas automatiquement juger que les titulaires du secteur de la radio sont en conformité, y compris à l’égard des exigences de contenu, alors que l’ADISQ s’oppose fermement à toute mesure qui entraînerait une diminution de la présence de la musique de langue française sur les ondes canadiennes.
Analyse et décisions du Conseil
  1. Selon le Conseil, la proposition de l’ACR voulant que le Conseil n’évalue pas la conformité des titulaires à l’égard des exigences de programmation locale ou de nouvelles locales pour la deuxième moitié de l’année de radiodiffusion 2019-2020 serait contraire au mandat du Conseil de réglementer et surveiller la radiodiffusion dans l’intérêt public.
  2. De plus, la proposition subsidiaire de l’ACR de traiter les exigences de nouvelles de reflet local et la programmation locale comme des attentes, sous réserve d’une condition « si les ressources le permettent », pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 est contraire au troisième résultat attendu de l’Avis puisqu’elle ne garantirait pas le maintien de la programmation de nouvelles et de l’information ainsi que des services qu’elles procurent aux Canadiens.
  3. De plus, la proposition de l’ACR voulant qu’en l’absence de mauvaise foi de la part d’un titulaire, le Conseil traite toute autre exigence réglementaire comme des attentes, sous réserve d’une condition « si les ressources le permettent », pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 est inappropriée. Tel que noté ci-dessus à propos des exigences de dépenses, l’indicateur de la « mauvaise foi » est problématique : non seulement la mauvaise foi serait difficile à évaluer compte tenu de sa nature subjective, l’évaluation de la mauvaise foi représenterait aussi un lourd fardeau administratif pour les radiodiffuseurs et le Conseil, puisque cela impliquerait des enquêtes complexes sur les processus décisionnels et les motivations des radiodiffuseurs.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse la proposition de l’ACR en ce qui concerne les exigences de présentation et de contenu imposées aux titulaires des secteurs de la télévision et de la radio.
  5. Bien que l’arrêt de production en 2020 dans le secteur de la télévision ait probablement eu des répercussions sur la livraison de la programmation, plus particulièrement de la programmation locale, les grands groupes ont tous surpassé leurs exigences de dépenses de nouvelles de reflet local durant l’année de radiodiffusion 2019-2020. Ainsi, le Conseil estime que ces groupes n’ont pas eu de la difficulté à respecter leurs exigences de présentation à cet égard.
  6. De plus, le Conseil convient avec les radiodiffuseurs que les heures de programmation qui n’ont pas pu être produites durant la pandémie ne pourront pas être « rattrapées » au cours des années subséquentes, car cela perturberait les grilles de diffusion, lesquelles sont limitées. À cet égard, le Conseil note qu’il n’a jamais exigé que des heures de programmation qui n’ont pas été diffusées au cours d’une année le soient au cours des années suivantes.
  7. En ce qui concerne le secteur de la radio, les titulaires indiquent avoir mis en priorité l’offre de programmation locale et de nouvelles locales depuis le début de la pandémie. Selon le Conseil, la plupart des titulaires de stations de radio n’ont pas eu de difficulté à respecter leurs exigences en ce sens.
  8. L’approche générale du Conseil pour l’évaluation des situations de non-conformité relative aux exigences de présentation est d’évaluer les situations de non-conformité en examinant les circonstances ayant mené à la non-conformité en question, les arguments fournis par le titulaire et les mesures prises pour corriger la situation. Dans le présent cas, le Conseil estime qu’il serait approprié d’examiner toute situation de non-conformité relatives aux exigences de présentation et de contenu au cas par cas lors des renouvellements de licence en tenant compte des circonstances particulières des titulaires, y compris les différents défis auxquels ils ont fait face au cours de l’année de la pandémie.
  9. À cet égard, le Conseil comprend et reconnaît que le report et l’arrêt de plusieurs tournages au Canada et à l’étranger ont pu rendre  difficile pour certains titulaires de se conformer à leurs obligations en matière de présentation pendant l’année de la pandémie (2019-2020) et l’année de radiodiffusion actuelle (2020-2021).
  10. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rappelle à tous les titulaires de tenir un registre des raisons de non-conformité pour justifier les non-conformités lors des prochains renouvellements de licence. Selon le Conseil, ceci ne créerait pas de fardeau administratif supplémentaire pour les titulaires de licence de radiodiffusion car ces derniers ont été obligés d’expliquer les circonstances de non-conformité même au cours des renouvellements de licence pré-pandémiques.
  11. Enfin, le Conseil rappelle aux titulaires des secteurs de la télévision et de la radio qu’il s’attend à ce qu’ils maintiennent les émissions de nouvelles et d’information dans leur ensemble, ainsi que les services d’accessibilité et les alertes au public par l’entremise du SNAP.

Conclusion

  1. Tel que noté ci-dessus, le Conseil a refusé la proposition d’allégement de l’ACR pour les radiodiffuseurs en ce qui concerne les exigences de dépenses et a plutôt adopté une approche selon laquelle il accordera une période de temps supplémentaire aux radiodiffuseurs pour le paiement des manques à gagner relatifs aux diverses dépenses et contributions sur plusieurs années de radiodiffusion.
  2. À des fins de références, le Conseil énonce ci-dessous ses conclusions concernant les exigences de dépenses et de contributions prises dans le contexte de la présente instance. Selon lui, ces conclusions prennent en considération les circonstances exceptionnelles de la pandémie de COVID-19 tout en assurant que les quatre résultats énoncés dans l’Avis sont respectés.
  3. En vertu de la pratique générale du Conseil, l’évaluation de conformité concernant les exigences de dépenses, de contributions et de présentation pour les titulaires de télévision et de radio sera effectuée au moment du renouvellement de la licence.
  4. Le tableau suivant réitère les exigences en ce qui concerne le paiement des manques à gagner encourus en date du 31 août 2020 pour le secteur de la télévision.
    Type de paiement de manques à gagner pour le secteur de la télévision Date limite du paiement
    Dépenses en émissions canadiennes (incluant les dépenses en émissions d’intérêt national, la production indépendante et la programmation originale de langue française) -
    Titulaires des grands groupes 31 août 2023
    Titulaires de services indépendants 31 août 2024
    Contributions à la FACTOR et à Musicaction – Services des grands groupes seulement 31 août 2021
  5. En outre, à partir de l’année de radiodiffusion 2020-2021, les titulaires de services de télévision peuvent se prévaloir d’une flexibilité de 10 % en ce qui concerne les dépenses en moins au titre des DÉC et des ÉIN jusqu’à la fin de leur période de paiement respective, à l’exception de la dernière année. Toutefois, la flexibilité relative aux dépenses en moins pour les nouvelles de reflet local est maintenue à 5 %.
  6. Le tableau suivant réitère les exigences en ce qui concerne le paiement des manques à gagner encourus en date du 31 août 2020 dans le secteur de la radio.
    Dates limites pour les paiements dans le secteur de la radio relatifs aux manques à gagner en matière de contributions au titre du développement du contenu canadien (contributions de base et excédentaires au titre du DCC et sommes relatives aux avantages tangibles versées aux initiatives de DCC)
    31 août 2022 50 % des manques à gagner au titre du DCC
    31 août 2023 50 % des manques à gagner au titre du DCC
  7. La souplesse fournie dans la présente décision ne s’applique qu’aux dépenses et contributions qui auraient dû normalement être effectuées au cours de l’année de radiodiffusion 2019-2020 et ne s’applique pas aux dépenses et contributions qui étaient requises pour compenser les manques à gagner précédents ou pour remédier aux préjudices causés au système de radiodiffusion auparavant.
  8. De plus, la présente décision ne dispense pas les titulaires de leurs obligations réglementaires pour l’année de radiodiffusion 2019-2020. Conformément à sa pratique habituelle, le Conseil évaluera la conformité au moment du renouvellement de licence. Tout titulaire qui n’a pas versé ses manques à gagner d’ici la fin de la période de paiement prolongée pourrait se trouver dans une situation de non-conformité.
  9. Afin de permettre au Conseil de contrôler et superviser facilement le paiement des manques à gagner, tous les titulaires de services de télévision et de radio qui ont encourus des manques à gagner en date du 31 août 2020 devront soumettre, dans le cadre de leur rapport annuel, un nouveau formulaire qui fera le suivi des paiements des manques à gagner, et ce, jusqu’à la fin de leur période de paiement.
  10. Tel que noté ci-dessus, le Conseil a refusé l’allégement proposé par l’ACR pour les radiodiffuseurs en ce qui concerne les exigences de présentation et de contenu imposées aux titulaires dans les secteurs de la télévision et de la radio.
  11. Le Conseil examinera plutôt les situations de non-conformité relatives aux exigences de présentation et de contenu au cas par cas au moment du renouvellement de licence, en tenant compte des circonstances propres à chaque titulaire, y compris les différents défis auxquels ils ont fait face au cours de l’année de la pandémie.

Secrétaire général

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