Décision de radiodiffusion CRTC 2020-220

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 3 octobre 2019

Ottawa, le 10 juillet 2020

Corus Entertainment Inc.
L’ensemble du Canada
Dossier public de la présente demande : 2019-0957-4

Services de télévision qui font partie du groupe de services de Corus – Modifications de licence

Le Conseil approuve en partie une demande de Corus Entertainment Inc. (Corus) en vue de modifier les licences de radiodiffusion des services de télévision de langue anglaise qui font partie du groupe de services de Corus afin de modifier la condition de licence de ces services relative aux dépenses en moins au titre des dépenses en émissions canadiennes (DÉC).

Plus précisément, le Conseil approuve la demande de Corus d’augmenter les dépenses en moins annuelles maximales autorisées de 5 % au titre des DÉC minimales requises pour chaque année de la période de licence à 10 % des DÉC minimales requises pour chaque année de la période de licence, mais refuse sa demande de cumuler les dépenses en moins de sorte que le paiement intégral de ses DÉC totales requises, y compris les dépenses en moins, soit effectué avant la fin de la période de licence. En ce qui concerne les dépenses en moins en émissions d’intérêt national, qui comprend des genres précis de programmation canadienne, le Conseil conclut par une décision majoritaire, que la souplesse accrue en découlant qui serait accordée à Corus à cet égard serait une approche raisonnable qui fournirait le plus grand degré de souplesse au titulaire pour ses services de langue anglaise.

La présente décision tient compte du dossier public de la présente demande qui a été complété avant le début de la crise actuelle au Canada liée à la pandémie de la COVID-19.

Demande

  1. Corus Entertainment Inc. (Corus) a déposé une demande de modification des licences de radiodiffusion pour les services de télévision de langue anglaise qui font partie du groupe de services Corus (le Groupe Corus) afin de modifier la condition de licence de ces services relative aux dépenses en moins au titre des dépenses en émissions canadiennes (DÉC) (condition de licence 12.a énoncé à l’annexe 2 de la décision de radiodiffusion 2017-150), qui se lit actuellement comme suit :

    Au cours de chaque année de radiodiffusion d’une période de licence, à l’exclusion de la dernière année, le titulaire, de concert avec les autres entreprises qui forment le Groupe Corus, peut dépenser en émissions canadiennes ou en émissions d’intérêt national un montant jusqu’à 5 % inférieur aux dépenses minimales requises pour cette année, calculées conformément aux conditions 11 a) et 11 b) respectivement. Dans un tel cas, le titulaire doit s’assurer que les entreprises qui forment le Groupe Corus dépensent au cours de la prochaine année de la période de licence, en plus des dépenses minimales exigées pour l’année, le plein montant des dépenses en moins de l’année précédente.

  1. Corus affirme qu’elle cherche une plus grande souplesse en ce qui concerne les exigences au titre des DÉCNote de bas de page 1 pour le Groupe Corus, de sorte que a) ses dépenses en moins annuelles maximales autorisées passent de 5 % à 10 %, et que b) ses dépenses en moins soient cumulatives, le paiement intégral au titre des DÉC totales requises, y compris les dépenses en moins, soit effectué avant la fin de la période de licence, plutôt que l’exigence de compenser les dépenses en moins de chaque années au cours de l’année qui suit l’année où les dépenses en moins ont eu lieu. Par conséquent, Corus demande que, pour les services du Groupe Corus de langue anglaise, la condition de licence ci-dessus soit remplacée par la suivante (changements en gras) :

    Au cours de chaque année de radiodiffusion d’une période de licence, à l’exclusion de la dernière année, le titulaire, de concert avec les autres entreprises qui forment le Groupe Corus, peut dépenser en émissions canadiennes ou en émissions d’intérêt national un montant jusqu’à 10 % inférieur aux dépenses minimales requises pour cette année, calculées conformément aux conditions 11 a) et 11 b) respectivement. Dans un tel cas, le titulaire doit s’assurer que les entreprises qui forment le Groupe Corus dépensent avant la fin la période de licence, en plus des dépenses minimales exigées pour la dernière année de la période de licence, le plein montant des dépenses en moins des années précédentes.

  1. Selon Corus, étant donné que les exigences au titre des DÉC sont basées sur les revenus bruts de l’année de radiodiffusion précédente, des fluctuations positives considérables des revenus survenues au cours des deux dernières années entraîneront une hausse imprévue au titre de ses DÉC pour l’année de radiodiffusion 2019-2020. Elle estime qu’en vertu de la souplesse réglementaire actuelle accordée à ses services, ses DÉC minimales pour l’année de radiodiffusion 2019-2020 sont supérieures de 23 millions de dollars à ce qui avait été initialement prévu dans ses projections budgétaires pour 2019. Selon Corus, le fait d’être obligée de dépenser, dans un délai aussi serré, un montant plus élevé que prévu en programmation canadienne entraverait la progression de sa stratégie de remboursement de la dette. Elle ajoute qu’une telle exigence l’amènerait à faire des investissements non optimaux dans sa programmation, ce qui entraînerait une offre excédentaire d’émissions diffusées pendant une seule saison, avec un potentiel d’exportation limité.
  2. Corus indique en outre que les investissements supplémentaires dans des émissions déjà en production n’entraîneraient pas nécessairement une amélioration de la qualité de la programmation. Selon elle, de tels investissements pour répondre aux exigences ainsi que mettre un frein au remboursement de sa dette la mettrait dans une position financière plus vulnérable dans les années à venir. Corus ajoute qu’elle ne peut pas bénéficier des mêmes synergies que les entités intégrées verticalement pour absorber les coûts et faire face aux fluctuations des revenus.
  3. Faisant remarquer que le cadre réglementaire actuel au titre des DÉC exige que les dépenses soient calculées sur la base d’un amortissement, Corus soutient que la charge de trésorerie liée à l’exigence supplémentaire au titre des DÉC découlant de l’augmentation des revenus imprévus est encore plus importante. Elle ajoute que, puisque l’amortissement se fait sur plusieurs années de radiodiffusion, seule une partie des dépenses supplémentaires serait considérée comme des DÉC admissibles au cours de la première année de diffusion des émissions. Corus indique que pour répondre aux exigences au titre des DÉC, il lui faudrait commander un volume de programmation nettement plus important (s’élevant à 67 millions de dollars) dans un délai très court et irréaliste.
  4. Enfin, Corus affirme qu’elle doit composer avec une industrie de plus en plus perturbée par les géants étrangers de l’Internet participant à la production de contenu et à sa distribution aux Canadiens, et que de nouvelles plateformes étrangères de vente directe aux consommateurs continueront à entrer au Canada dans les années à venir.
  5. Le Conseil a reçu plusieurs interventions à l’égard de la présente demande, dont certaines étaient généralement favorables à la demande de CorusNote de bas de page 2, tandis que d’autres s’opposaient à ses demandes de souplesse. Corus a répondu aux questions spécifiques soulevées dans certaines interventions. De plus, comme il est indiqué ci-dessous, afin de répondre aux préoccupations de certains intervenants, Corus a soumis des propositions révisées visant à exclure les émissions d’intérêt national (ÉIN) et les émissions de langue française de ses demandes de souplesse.

Questions

  1. Après avoir examiné le dossier de la présente instance compte tenu des règlements et des politiques applicables, le Conseil estime que les questions sur lesquelles il doit se pencher sont les suivantes :
    • L’approbation des demandes de Corus serait-elle conforme aux récentes considérations de politiques relatives aux dépenses en émissions canadiennes?
    • Quel serait l’incidence de l’approbation de la demande de souplesse supplémentaire de Corus sur les dépenses en émissions canadiennes?
    • L’approbation des demandes de Corus serait-elle conforme aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), en particulier ceux énoncés à l’article 3(1)s) de la Loi.

L’approbation des demandes de Corus serait-elle conforme aux récentes considérations de politiques relatives aux dépenses en émissions canadiennes?

  1. Afin de permettre aux radiodiffuseurs de mieux gérer leurs DÉC, en particulier lorsque les coûts de production s’étendent sur plus d’une année de radiodiffusion, le Conseil leur a traditionnellement accordé une certaine souplesse en ce qui concerne la comptabilisation des dépenses en émissions canadiennes. À titre d’exemple, dans la décision de radiodiffusion 2011-441, le Conseil a déterminé que tous les services admissibles d’un groupe de radiodiffusion seraient autorisés à reporter les dépenses en moins ou les dépassements jusqu’à 5 % des DÉC requises pour toute année de radiodiffusion de la nouvelle période de licence à l’année de radiodiffusion suivanteNote de bas de page 3. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2012-596, le Conseil a révisé son approche par groupe relative aux dépassements de dépenses minimales en émission canadiennes qui peuvent être déduits au titre des DÉC ou en ÉIN admissibles à un report à la prochaine année de radiodiffusion en supprimant la condition limitant à 5 % de ces dépenses les dépassements admissibles à un report ainsi que l’obligation d’utiliser ces dépassements au cours de l’année de radiodiffusion subséquentes. Cette même souplesse au titre des DÉC a ensuite été étendue aux petits groupes de radiodiffusion et à plusieurs radiodiffuseurs indépendants.
  2. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-86, pour appuyer la production d’une programmation de grande qualité, le Conseil a poursuivi la modification de son approche afin de privilégier une approche réglementaire basée sur les dépenses (les sommes consacrées à la programmation canadienne) plutôt que sur les quotas de présentation (le nombre d’heures consacrées à la diffusion de programmation canadienne). Le Conseil a également expliqué que cette approche avait pour but d’éviter la diffusion à répétition d’émissions et la diffusion de programmation peu coûteuse afin de répondre aux exigences réglementaires, plutôt que d’encourager la création de productions de haute qualité.
  3. Enfin, la compréhension de la nécessité de la souplesse réglementaire a constitué en partie le fondement du rapport du Conseil de 2018 intitulé Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au CanadaNote de bas de page 4 (le rapport). Dans ce rapport, le Conseil reconnaît que les services en ligne ont bouleversé l’écosystème des médias en offrant une accessibilité accrue, une plus grande souplesse et des bas prix et affirme que cette réalité a eu une incidence directe sur les radiodiffuseurs réglementés. À la suite de ces changements, le Conseil a également fait remarquer dans le rapport que les outils qu’il conçoit pour l’avenir doivent partir du principe que les changements imprévus seront la norme et doivent être suffisamment souples pour s’adapter continuellement à ceux-ci.
  4. Corus demande une souplesse supplémentaire en partie pour faire face aux changements susmentionnés dans l’environnement de la radiodiffusion, mais aussi pour éviter une stratégie non optimale en matière de dépenses qui entraînerait une augmentation de la quantité d’émissions, mais qui ne se traduirait pas nécessairement par une programmation répondant à ses stratégies de programmation et à ses stratégies commerciales à long terme. Selon le Conseil, le fait d’accorder à Corus une plus grande souplesse en ce qui concerne les dépenses en moins au titre des DÉC serait bénéfique à la fois pour Corus, car cela lui éviterait de devoir se presser d’investir dans des émissions de qualité potentiellement moindre, et pour les Canadiens en tant que consommateurs de contenu.
  5. De plus, l’approche actuelle en matière de DÉC exige des radiodiffuseurs qu’ils fondent leurs dépenses en émissions sur des revenus totaux qu’ils ne connaissent pleinement que plusieurs mois après le début de l’année de radiodiffusion. Pour cette raison, le Conseil a mis en place une mesure de souplesse des dépenses qui permet des dépenses en moins de 5 % au titre des DÉC au cours d’une année de diffusion, à condition que ces dépenses soient compensées l’année suivante. Une telle approche a pour objectif de s’adapter à certains marchés et à d’autres réalités, y compris les stratégies d’acquisitions pluriannuelles et de permettre aux diffuseurs d’atteindre leurs obligations réglementaires tout en étant conscient du besoin de souplesse. Compte tenu de cette approche, le Conseil est également d’accord avec Corus pour dire que les dépenses en émissions ne devraient pas être effectuées au hasard, étant donné que ces dépenses s’inscrivent dans une stratégie pluriannuelle plus large qui implique la planification de productions de qualité selon un cycle qui comprend souvent des séries qui doivent être commandées et diffusées sur plusieurs années.
  6. Par conséquent, le Conseil estime que la demande de souplesse de Corus est conforme aux récentes considérations de politiques en matière de dépenses en programmation canadienne.

Quelle serait l’incidence de l’approbation de la demande de souplesse supplémentaire de Corus sur les dépenses en émissions canadiennes?

  1. Le Conseil a pris en considération les éléments suivants en ce qui concerne la demande de souplesse supplémentaire de Corus au titre des DÉC :
    • l’incidence que l’approbation de la demande de Corus pourrait avoir sur ses DÉC;
    • la possibilité d’appliquer la souplesse demandée aux dépenses en ÉIN;
    • l’incidence que l’approbation de la demande de Corus pourrait avoir sur ses dépenses en émissions pour enfants de langue française.

Incidence sur les dépenses en émissions canadiennes

Interventions et réplique

  1. Dans leurs interventions, la Canadian Media Producers Association (CMPA) et On Screen Manitoba font valoir qu’il n’y a aucune preuve que la modification proposée est nécessaire à la viabilité financière du Groupe Corus. Selon la CMPA, Corus ne devrait pas reporter ses exigences relatives au titre des DÉC, aux dépenses en ÉIN et à la programmation produite par des producteurs indépendants en faveur de la réalisation d’autres priorités.
  2. En réponse à l’argument de Corus selon lequel elle ne bénéficie pas des mêmes synergies que les entités intégrées verticalement, On Screen Manitoba fait valoir que le fait que Corus est une société cotée séparément à la Bourse de Toronto (TSE), par choix de ses actionnaires, ne devrait en aucun cas influencer la manière dont le Conseil gère les DÉC ou toute autre condition de licence de Corus. Elle précise en outre que la décision de Corus de rembourser sa dette plutôt que de se concentrer sur les DÉC a conduit à la situation dans laquelle se trouve maintenant l’entreprise. L’intervenant ajoute que l’argument de Corus concernant les défis plus importants posés par l’émergence de services par contournement n’est pas pertinent, car ces services existent maintenant depuis des années.
  3. La Guilde canadienne des réalisateurs (GCR) fait écho à la position d’On Screen Manitoba concernant les lecteurs numériques et soutient que Corus n’a pas démontré en quoi elle a besoin de plus de souplesse. Selon la GCR, comme l’a fait remarquer la Writers Guild of Canada (WGC) dans son intervention, la politique en matière de DÉC et son approche pour l’octroi de licences de services par groupe offrent déjà suffisamment de souplesse aux radiodiffuseurs, comme la possibilité de déplacer les exigences relatives aux DÉC entre les services, et d’effectuer des dépenses jusqu’à 5 % inférieures aux DÉC requises. Elle soutient que la demande de Corus n’est pas isolée et s’aligne sur la recommandation de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) d’augmenter le niveau des dépenses en moins de 5 à 10 % dans le cadre de la consultation générale du Conseil sur sa politique en matière de DÉCNote de bas de page 5. La GCR fait remarquer que dans les deux cas, l’ACR et Corus n’ont pas réussi à démontrer en quoi cette souplesse supplémentaire, qui aurait un effet néfaste sur la production d’émissions canadiennes indépendantes, est nécessaire, et pourquoi la politique actuelle ne fournit pas déjà aux radiodiffuseurs les outils nécessaires pour gérer leurs conditions de licence.
  4. Enfin, la CMPA et la WGC estiment toutes deux que l’approbation de la demande de souplesse créerait un précédent. Selon la WGC, la demande d’un seul radiodiffuseur indique un traitement spécial qui pourrait créer un précédent et qui ne reflète pas l’esprit de l’approche pour l’octroi de licences par groupe (tel qu’énoncé dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-167). Pour sa part, la CMPA fait remarquer que Corus pourrait subir d’autres problèmes imprévus qui l’empêcheraient de réaliser ses prévisions ou faire face à d’autres fluctuations de ses revenus, et fait valoir que de permettre à Corus de compenser les dépenses en moins seulement à la fin de sa période de licence pourrait l’empêcher de respecter les exigences en matière de dépenses.
  5. Dans sa réponse, Corus indique que l’exercice de 2018 s’est avéré extrêmement difficile, ses revenus consolidés pour l’année ayant diminué de 2 % par rapport à l’année précédente, en raison d’une diminution de 4 % des revenus tirés de la publicité télévisée et des revenus d’abonnements fixes. De plus, elle fait remarquer que le Bureau de la concurrence l’a empêché de vendre deux services facultatifs de langue française à Bell Média, ce qui lui a fait perdre 200 millions de dollars en produit de vente et une importante possibilité de désendettement, et l’a contraint à réduire son dividende d’environ 80 %. Corus ajoute qu’en raison de ces ennuis financiers, elle estime qu’il n’est pas prudent d’augmenter les investissements au titre des DÉC au-delà des exigences au cours de l’année suivante, malgré les premiers signes de succès financier en 2019. À cet égard, Corus soutient que ses projections financières et l’utilisation préalable de l’outil de calcul des dépenses en moins au titre des DÉC sont prudentes et raisonnables.

Analyse et décisions du Conseil

  1. Dans l’éventualité où le Conseil approuve la demande de souplesse supplémentaire de Corus, le montant réel des dépenses de Corus destinées à remplir ses obligations en matière de création et de présentation d’émissions canadiennes ne changera pas. Comme Corus l’a indiqué dans sa demande, elle ne demande pas une réduction de son obligation au titre des DÉC, qui resterait à 30 % des revenus des années précédentes, mais demande plutôt une plus grande souplesse de la manière dont elle effectue les dépenses en programmation canadienne durant la période de licence.
  2. L’objectif premier d’avoir une limitation dans la souplesse de la sous-utilisation des crédits en ce qui concerne les exigences au titre des DÉC, les dépenses en moins devant être compensées l’année suivante, est essentiellement d’apaiser les inquiétudes concernant les revenus et la volatilité des DÉC. Si Corus était autorisée à dépenser 10 % de moins que les DÉC requises pour chaque année, au lieu de 5 % comme c’est le cas actuellement, mais demeurait tenu de compenser toute dépense en moins pour une année au cours de l’année suivante, la fluctuation annuelle maximale des dépenses, lorsqu’elle est considérée dans le contexte de l’industrie dans son ensemble, représenterait un peu moins de 1 % des DÉC annuelles globales de l’industrie, comme l’ont fait savoir au Conseil les diffuseurs autorisés du Canada. Cela représenterait un pourcentage encore plus faible si l’on tenait compte des productions canadiennes commandées par des services en ligne nationaux et étrangers.
  3. Si Corus se voyait accorder toute la souplesse qu’elle recherche (c’est-à-dire la possibilité de faire des dépenses en moins de 10 % et de combler tout manque à gagner qui en résulterait pour chaque année de la période de licence au cours de la dernière année de la période de licence, plutôt qu’au cours de chaque année suivante de la période de licence, comme l’exigent actuellement les conditions de licence), la fluctuation entre l’avant-dernière et la dernière année de la période de licence risquerait d’être considérable étant donné que les manques à gagner seraient autorisés à s’accumuler.
  4. Selon le Conseil, cela pourrait obliger Corus à dépenser de manière significative au cours de la dernière année de la période de licence afin de respecter ses obligations au titre des DÉC, plus particulièrement étant donné que, tel que déclaré par Corus, seulement une portion supplémentaire des dépenses en espèce serait comptabilisée comme dépense admissible au titre des DÉC dans la première année de radiodiffusion du contenu. Par conséquent, le Conseil détermine que s’il autorisait à la fois la flexibilité de 10 % de dépenses en moins et la capacité à Corus d’accumuler les dépenses en moins jusqu’à la fin de la période de licence, tel que recherchée par Corus, le potentiel de volatilité concernant les exigences au titre des DÉC serait plus élevé.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclu qu’il serait approprié d’approuver une augmentation des dépenses en moins annuelles maximales autorisées pour Corus, qui passeraient de 5 % à 10 % au titre des DÉC minimales requises pour chaque année de la période de licence, tout en maintenant l’exigence de compenser les dépenses en moins d’une année au cours de l’année suivante.

Possibilité d’appliquer la souplesse demandée aux dépenses en émissions d’intérêt national

  1. Dans son intervention, la CMPA fait remarquer que toute disposition concernant les dépenses en moins appliquée au titre des DÉC peut également être appliquée aux dépenses en moins au titre des ÉIN. Elle et d’autres intervenants ont exprimé leur inquiétude quant au fait que l’incidence de la demande de Corus sur ses dépenses en ÉIN n’était pas démontrée dans sa demande. À ce sujet, la CMPA signale que le Conseil aurait dû exiger de Corus qu’elle dépose des projections de ses dépenses en ÉIN et de sa programmation produite par des producteurs indépendants et donner aux intervenants la possibilité de formuler des commentaires supplémentaires sur ces nouveaux éléments de preuve avant de rendre une décision.
  2. Quant à elle, l’Association québécoise de la production médiatique (AQPM) dit craindre que, si elle obtient la souplesse recherchée, Corus pourra choisir de dépenser pour des émissions non canadiennes. Elle allègue que la demande de Corus s’inscrit dans une stratégie plus large visant à éliminer les exigences relatives aux dépenses en ÉIN et à la production indépendante.
  3. Dans sa réponse, Corus affirme que la présente demande ne fait pas partie d’un programme plus vaste et que la souplesse demandée ne réduirait pas les investissements en ÉIN. Toutefois, pour apaiser les préoccupations de certains intervenants, Corus a soumis une proposition révisée selon laquelle elle serait prête à exclure les ÉIN de sa demande de souplesse.
  4. Corus est tenue de consacrer 8,5 % des revenus de l’année précédente en ÉIN, dont 75 % doivent être alloués à de la programmation produites par des producteurs indépendantsNote de bas de page 6. Selon le Conseil, l’incidence relative qu’aurait l’approbation de la demande de souplesse supplémentaire de Corus concernant les dépenses en moins au titre des DÉC sur l’ensemble des dépenses en moins en ÉIN et sur le secteur de la production indépendante serait relativement faible, étant donné notamment que les dépenses globales en ÉIN ne changeraient pas. De plus, comme il est indiqué ci-dessus, continuer à exiger de Corus qu’elle compense toutes les dépenses en moins au titre des DÉC d’une année (et, par conséquent, toutes les dépenses en moins en ÉIN) avant la fin de l’année suivante permettrait d’atténuer toute volatilité inutile concernant les dépenses en ÉIN. À cet égard, comme il est indiqué ci-dessus, la souplesse recherchée par Corus n’aurait qu’une incidence très modérée à l’échelle de l’industrie sur l’ensemble des DÉC et, par conséquent, sur les dépenses globales en ÉIN, et ce, même si Corus utilisait cette souplesse au maximum.
  5. Enfin, le Conseil fait remarquer que les ÉIN sont généralement plus coûteuses et plus risquées à produire que d’autres formes de programmation canadienne étant donné qu’elle sont souvent en concurrence directe avec le contenu de grande qualité produit par des sources non canadiennes.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut, par une décision majoritaire, que la souplesse supplémentaire accrue qui serait aussi accordée à Corus en ce qui concerne ses dépenses en moins en ÉIN serait une approche raisonnable qui lui fournirait une plus grande souplesse pour ses services de langue anglaise.

Incidence sur les dépenses en émissions pour enfants de langue française

  1. Dans son intervention, la CMPA note que Corus n’a pas expliqué l’incidence potentielle que l’approbation de la souplesse supplémentaire demandée aurait sur la programmation canadienne de langue française. L’AQPM s’est fait l’écho de cette préoccupation, notant que les exigences actuelles en matière de dépenses et les dispositions connexes concernant la souplesse sont conçues pour assurer un soutien constant à la programmation canadienne, y compris aux identités culturelles particulières comme celles qui font partie du marché de langue française et à leur croissance et succès. Elle dit craindre qu’une telle souplesse puisse causer des préjudices à la création de programmation pour enfants de langue française, faisant remarquer que le financement et la production de cette programmation a atteint son niveau le plus bas depuis cinq ans, mais que la demande du public pour cette programmation a augmenté.
  2. Dans sa réponse, Corus indique que les modifications qu’elle propose ne réduiraient pas les investissements dans la programmation pour enfants de langue française. Toutefois, pour apaiser les préoccupations de certains intervenants, Corus a soumis une proposition révisée selon laquelle elle serait prête à exclure la programmation de langue française de sa demande de souplesse.
  3. Le service facultatif bilingue TELETOON/TÉLÉTOON de Corus est soumis à la condition de licence suivante au titre des DÉC, énoncée à l’annexe 3 de la décision de radiodiffusion 2017-150 :

    25. Dans le cadre de la condition 3Note de bas de page 7, le titulaire doit consacrer à l’investissement dans les émissions canadiennes de langue française ou à leur acquisition, au cours de chaque année de radiodiffusion, au moins 9 % des revenus bruts de l’entreprise pour l’année de radiodiffusion précédente. De plus, ces dépenses ne peuvent être comptabilisées aux fins de satisfaire aux obligations de tout autre service du Groupe Corus.

  1. Tel qu’énoncé dans cette condition de licence, toute dépense faite par Corus pour l’acquisition ou l’investissement dans de la programmation canadienne de langue française pour TELETOON/TÉLÉTOON ne pourra pas être comptabilisé envers l’atteinte des obligations de tout autre service du Groupe Corus. Par conséquent, le Conseil estime que la souplesse supplémentaire que Corus recherche serait d’une utilité limitée pour TELETOON/TÉLÉTOON et aurait peu ou pas d’incidence sur les investissements dans la programmation pour enfant de langue française.

L’approbation des demandes de Corus contreviendrait-elle à l’article 3(1)s) de la Loi?

  1. L’article 3(1)s) de la Loi stipule ce qui suit en ce qui concerne la programmation canadienne :

    3(1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion :

    s) les réseaux et les entreprises de programmation privés devraient, dans la mesure où leurs ressources financières et autres le leur permettent, contribuer de façon notable à la création et à la présentation d’une programmation canadienne tout en demeurant réceptifs à l’évolution de la demande du public;

  1. Dans son intervention, l’Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists fait valoir que l’approbation de la demande de Corus contreviendrait à cet article de la Loi, qui concerne spécifiquement la contribution notable des radiodiffuseurs à la création et à la présentation de programmation canadienne. Elle affirme que le Conseil devrait tenir compte de la capacité des Canadiens à voir des émissions de divertissement distinctives et de haute qualité sur leurs télévisions et autres écrans plutôt que des besoins financiers allégués par Corus, qui sous-tendent largement cette demande. Elle ajoute que Corus dispose d’un éventail considérable d’options facilement accessibles, car c’est elle qui décide comment dépenser l’argent supplémentaire dont elle dispose désormais pour les DÉC.
  2. Dans sa réponse, Corus indique que ses priorités et ses plans d’affaires ainsi que son soutien aux productions canadiennes sont conformes à la Loi.
  3. Si le Conseil approuvait la présente demande (en tout ou en partie), les dépenses totales de Corus au titre des DÉC et en ÉIN resteraient en fait inchangées pendant la période de licence; ce qui changerait serait le montant de dépenses en moins qui pourraient être reportées à une année de radiodiffusion subséquente. En outre, d’après le Conseil, la souplesse supplémentaire qui serait accordée (selon le scénario d’approbation partielle) devrait permettre à Corus d’organiser ses dépenses de manière à optimiser son offre de programmation de haute qualité en fonction des ressources financières et autres dont elle dispose, tout en ayant un effet minimal sur l’industrie. Par conséquent, le Conseil estime que l’approbation partielle de la demande de Corus, conformément à ses déterminations ci-dessus, ne contreviendrait pas aux objectifs énoncés à l’article 3(1)s) de la Loi.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil approuve en partie la demande de Corus Entertainment Inc. en vue de modifier les licences de radiodiffusion des services de télévision de langue anglaise qui font partie du Groupe Corus afin de modifier la condition de licence de ces services relative aux dépenses en moins au titre des DÉC. Plus précisément, le Conseil approuve la demande de Corus d’augmenter les dépenses en moins annuelles maximales autorisées de 5 % des DÉC minimales requises pour chaque année de la période de licence à 10 % des DÉC minimales requises, mais refuse sa demande de cumuler les dépenses en moins de sorte que le paiement intégral de ses DÉC totales requises, y compris les dépenses en moins, soit effectué avant la fin de la période de licence actuelleNote de bas de page 8. Par conséquent, cette condition de licence est désormais libellée comme suit :

    Au cours de chaque année de radiodiffusion d’une période de licence, à l’exclusion de la dernière année, le titulaire, de concert avec les autres entreprises qui forment le Groupe Corus, peut dépenser en émissions canadiennes ou en émissions d’intérêt national un montant jusqu’à 10 % inférieur aux dépenses minimales requises pour cette année, calculées conformément aux conditions 11 a) et 11 b) respectivement. Dans un tel cas, le titulaire doit s’assurer que les entreprises qui forment le Groupe Corus dépensent au cours de la prochaine année de la période de licence, en plus des dépenses minimales exigées pour l’année, le plein montant des dépenses en moins de l’année précédente.

  1. Le Conseil souligne que la décision ci-dessus ne s’appliquera pas aux dépenses en émissions pour enfants de langue française pour le service TELETOON/TÉLÉTOON. Ainsi, la condition de licence actuelle à cet égard (c’est-à-dire la condition de licence 25 figurant à l’annexe 3 de la décision de radiodiffusion 2017-150), restera en vigueur.

Avis de consultation de radiodiffusion 2019-91 – Appel aux observations sur la politique du Conseil relative aux dépenses en émissions canadiennes

  1. Dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2019-91 (l’Appel), publié en mars 2019, le Conseil a sollicité des observations sur la proposition de mettre à jour sa politique relative aux DÉC.Dans l’Appel, le Conseil a demandé des observations, entre autres, à savoir si la mesure relative aux dépenses en moins au titre des DÉC demeure appropriée (voir la question 17).
  2. Le Conseil a rendu sa décision concernant la demande de Corus en se fondant sur le dossier complet de l’instance relative à cette demande. En ce qui concerne les effets plus larges de la souplesse supplémentaire en matière de DÉC sur le système de radiodiffusion qui ont été soulevées par les intervenants relativement à la demande de Corus, le Conseil a l’intention d’aborder les questions à cet égard dans le contexte de l’instance amorcée par l’Appel et rendra ses décisions de politique sur la base du dossier déposé dans le cadre de cette instance.

Secrétaire général

Documents connexes

La présente décision doit être annexée à chaque licence.

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