ARCHIVÉ -Décision de télécom CRTC 2010-637

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Référence au processus : Décision de télécom 2008-1

Ottawa, le 31 août 2010

Suivi de la décision de télécom 2008-1 – Proposition de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et de Bell Canada en vue d'utiliser le solde de leur compte de report

Numéros de dossiers : 8638-C12-200817505; 8638-C12-200817512; 8638-C12-200817520; avis de modification tarifaire 305 de Bell Aliant; et avis de modification tarifaire 7240 et 7242 de Bell Canada

Dans la présente décision, le Conseil approuve l'utilisation des fonds du compte de report de Bell Aliant et de Bell Canada pour que les compagnies étendent les services à large bande à 112 collectivités en Ontario et au Québec. De plus, le Conseil ordonne aux compagnies de remettre aux abonnés du service de résidence dans les zones autres que les zones de desserte à coût élevé le solde de leur compte de report. L'opinion minoritaire du conseiller Katz est jointe à la présente décision.

Introduction

1. Dans la décision de télécom 2006-9, le Conseil a déterminé que les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) devraient, dans la plus grande mesure possible, utiliser les fonds de leurs comptes de report pour améliorer l'accès des personnes handicapées aux services de télécommunication et pour étendre les services à large bande aux collectivités rurales et éloignées. Le Conseil a également conclu que tout solde cumulé dans le compte de report d'une ESLT après approbation de ces initiatives serait remis aux abonnés du service local de résidence de l'ESLT dans les zones autres que les zones de desserte à coût élevé (zones autres que les ZDCE).

2. Dans les décisions de télécom 2007-50 et 2008-1 (ces deux décisions et la décision de télécom 2006-9 sont ci-après appelées collectivement les décisions sur les comptes de report), le Conseil a approuvé, entre autres, une proposition de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite (Bell Aliant) et de Bell Canada (collectivement les compagnies Bell) visant à étendre les services à large bande à certaines collectivités rurales et éloignées en Ontario et au Québec (les collectivités approuvées) en utilisant des fonds de leur compte de report. Dans la décision de télécom 2008-1, le Conseil a également autorisé les compagnies Bell à utiliser certains autres fonds de leur compte de report pour mener à bien les initiatives visant à améliorer l'accès des personnes handicapées aux services de télécommunication. Finalement, dans la décision de télécom 2008-1, le Conseil a déterminé que le solde du compte de report des compagnies Bell après financement des plans de déploiement de la large bande et des initiatives liées à l'accessibilité devrait être remis aux abonnés du service de résidence dans les zones autres que les ZDCE figurant dans les dossiers à la date de cette décision, soit le 17 janvier 2008.

3. La mise en œuvre des décisions sur les comptes de report a été suspendue en attendant que la Cour d'appel fédérale et la Cour suprême du Canada aient statué sur les appels concernant les propositions d'extension de la large bande et les remises aux consommateurs[1]. Après que la Cour suprême du Canada a rejeté les appels, les compagnies Bell ont présenté des plans révisés afin de fournir le service à large bande aux 112 dernières collectivités approuvées dans les décisions sur les comptes de report et les décisions connexes[2].

4. Le Conseil a reçu des observations de Barrett Xplore Inc. et de Barrett Broadband Networks Inc. (collectivement Barrett); de Dryden Municipal Telephone System; de Execulink Telecom; de Globalive Wireless Management Corp. (WIND); de MTS Allstream Inc. (MTS Allstream); du Centre pour la défense de l'intérêt public et de Canada sans pauvreté (PIAC et autres); de Rogers Communications Inc. (RCI); et de Quebecor Média inc. et de Vidéotron ltée (collectivement Vidéotron). Le Conseil a également reçu des observations de représentants de certaines collectivités approuvées et d'un particulier. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l'instance, lequel a été fermé le 8 juin 2010. On peut y accéder à l'adresse www.crtc.gc.ca, sous l'onglet Instances publiques, ou au moyen des numéros de dossiers indiqués ci-dessus.

5. Le Conseil fait remarquer qu'il publie également d'autres décisions aujourd'hui dans lesquelles il approuve l'utilisation des fonds des comptes de report de la Société TELUS Communications (STC) et de MTS Allstream en vue d'étendre les services à large bande à d'autres collectivités approuvées dans leurs territoires d'exploitation et d'accorder des remises à leurs abonnés du service de résidence dans les zones autres que les ZDCE.

6. Dans la présente décision, le Conseil a établi qu'il devait se prononcer sur les quatre questions suivantes :

  1. I.  Quel est le solde cumulé dans le compte de report des compagnies Bell?
  2. Le plan de déploiement de la large bande que les compagnies Bell proposent est-il conforme aux conclusions formulées par le Conseil dans les décisions sur les comptes de report?
  3. La proposition des compagnies Bell de ne pas accorder une remise aux abonnés du service de résidence dans les zones autres que les ZDCE est-elle appropriée?
  4. Les tarifs des services aux concurrents que les compagnies Bell proposent sont-ils appropriés?

I.  Quel est le solde cumulé dans le compte de report des compagnies Bell?

7. Dans le cadre de leurs plans révisés, les compagnies Bell ont estimé que le solde de leur compte de report s'élevait à 487,9 millions de dollars au 31 mai 2007, ce qui comprend 25,4 millions de dollars pour financer les initiatives d'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées.

8. Le Conseil fait remarquer que l'estimation des compagnies Bell ne comprend pas l'intérêt couru au-delà du 31 mai 2006 ni certains montants récurrents qui auraient pu autrement s'accumuler dans leur compte de report jusqu'à leur élimination le 1er juin 2009, conformément à la conclusion du Conseil dans la décision de télécom 2009-213. Le Conseil fait remarquer de plus que les compagnies Bell se sont opposées à l'inclusion des intérêts au-delà du 31 mai 2006 et des montants récurrents au-delà du 31 mai 2007.

9. Le Conseil a examiné les mémoires de MTS Allstream et de la STC en ce qui concerne les intérêts et les montants récurrents au regard de leurs comptes de report. Le Conseil fait remarquer que MTS Allstream a appuyé la position des compagnies Bell, alors que la STC s'est opposée à l'accumulation des intérêts au-delà du 31 mai 2007, mais non à l'accumulation des montants récurrents jusqu'à ce jour.

Intérêts

10. Les compagnies Bell et MTS Allstream ont indiqué que ni dans la décision de télécom 2005-69 (qui prolongeait certains aspects du régime de plafonnement des prix), ni dans les décisions sur les comptes de report, ni ailleurs, le Conseil n'a ordonné ni donné avis d'ajouter des intérêts au solde cumulé au-delà du 31 mai 2006.

11. Plus précisément, les compagnies Bell ont indiqué que dans la décision de télécom 2006-9, le Conseil a ordonné aux ESLT de déposer des propositions sur l'utilisation des fonds qui se seraient accumulés à la fin de la quatrième année de la période de plafonnement des prix, mais qu'il ne leur a pas ordonné de tenir compte, dans la formulation de ces propositions, des intérêts qui auraient couru sur ces soldes au-delà du 31 mai 2006. En outre, les compagnies Bell ont fait remarquer que le Conseil n'a jamais contesté le fait que dans des dépôts ultérieurs, elles n'avaient pas inclus les intérêts dans le solde de leur compte de report au-delà du 31 mai 2006. Les compagnies Bell ont soutenu que l'obligation d'inclure les intérêts créerait une incertitude quant au montant qui devrait être alloué aux initiatives liées à l'accessibilité.

12. La STC a indiqué qu'une prolongation de la période d'accumulation des intérêts du 31 mai 2006 au 31 mai 2007 cadrerait avec la décision de télécom 2005-69 puisque cette décision prolongeait tout le mécanisme de comptes de report d'un an. Toutefois, la STC a indiqué qu'une prolongation au-delà de cette date irait à l'encontre de la décision de télécom 2007-27, dans laquelle le Conseil a déterminé que le mécanisme de comptes de report ne ferait pas partie du prochain régime de plafonnement des prix, car une telle prolongation aurait pour effet d'accroître plutôt que d'éliminer progressivement les comptes et les obligations des ESLT. La STC a indiqué en outre que le retard dans la mise en œuvre des programmes dont le financement à même ses comptes de report avait été approuvé était attribuable aux appels devant les tribunaux et a soutenu que les ESLT ne devraient pas être pénalisées par l'application de nouveaux intérêts en raison de ce retard.

Montants récurrents

13. Les compagnies Bell ont indiqué que le Conseil s'était déjà prononcé de façon définitive dans la décision de télécom 2006-9 concernant l'élimination des montants récurrents. Plus précisément, les montants récurrents présents après le 31 mai 2006 devaient être éliminés au moyen de réductions tarifaires prospectives, ce que les compagnies Bell ont déclaré avoir fait.

14. En revanche, la STC a inclus tous les montants récurrents dans son estimation du solde de ses comptes de report.

Résultats de l'analyse du Conseil

15. Concernant les intérêts, le Conseil fait remarquer que la décision de télécom 2002-34 précise bien que les montants des comptes de report porteront intérêt au coût de l'endettement à court terme des ESLT, qui doit être établi chaque année, et qu'aucune décision ultérieure n'a indiqué que cette pratique devrait cesser. De plus, le Conseil fait remarquer que dans la décision de télécom 2006-9, lorsqu'il a ordonné aux ESLT de déposer une mise à jour du tableau de leurs comptes de report, il a bien précisé que ces mises à jour devaient tenir compte de toutes les décisions qui ont une incidence sur le solde (ce qui comprendrait la décision de télécom 2002-34) et que les ESLT devaient fournir les hypothèses ou les explications utilisées, notamment le taux d'intérêt, pour en arriver à ces chiffres.

16. Pour ce qui est des montants récurrents, le Conseil fait remarquer que sa déclaration dans la décision de télécom 2006-9 concernant toute nouvelle accumulation de fonds dans les comptes de report s'expliquait par son souhait de voir les ESLT éliminer le solde récurrent accumulé dans leurs comptes de report respectifs. Le Conseil a plus précisément ordonné aux ESLT de déposer des projets de réductions tarifaires qui entreraient en vigueur le 1er juin 2006 et qui permettraient d'éliminer les soldes récurrents. Si les compagnies Bell avaient appliqué les réductions tarifaires à cette fin à ce moment-là, elles n'auraient pas eu à inclure les montants récurrents les années suivantes.

17. Le Conseil fait remarquer que dans la décision de télécom 2005-69, il a prolongé le régime de comptes de report dans son ensemble jusqu'au 31 mai 2007. Toutefois, le Conseil note que la prolongation n'a pas isolé certains éléments du régime en vue d'un traitement différent, comme le suggèrent les compagnies Bell. De plus, la décision de télécom 2007-27, qui a mis fin à l'application du mécanisme de comptes de report, n'a pas éliminé les obligations imposées à l'égard des comptes de report actuels, y compris l'accumulation des intérêts et des montants récurrents restants.

18. Le Conseil fait également remarquer qu'il n'a approuvé aucun solde particulier des comptes de report dans la décision de télécom 2008-1 pas plus qu'il n'a confirmé les estimations fournies par les ESLT dans l'instance qui a mené à cette décision. Lorsque les processus de suivi ont repris, le Conseil a demandé aux ESLT de mettre à jour le solde de leurs comptes de report, mesure qui aurait été inutile si les montants avaient été bloqués au 31 mai 2006 ou au 31 mai 2007.

19. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que les comptes de report des ESLT devraient continuer d'accumuler des intérêts et des montants récurrents au-delà de la date proposée par les compagnies Bell. Le Conseil estime que cette méthode reconnaît la valeur complète des fonds présents dans les comptes et que le fait d'autoriser une autre méthode permettrait aux ESLT de bénéficier en fait de prêts sans intérêts.

20. Par conséquent, le Conseil conclut que le solde du compte de report des compagnies Bell devrait être rajusté afin d'inclure les intérêts au-delà du 31 mai 2006 et que les montants récurrents comptabilisés entre le 1er juin 2006 et le 1er juin 2009 devraient être ajoutés au solde cumulé à la fin de chaque année applicable.

21. Le Conseil fait remarquer que les montants associés aux initiatives liées à l'accessibilité ont été répartis dans la décision de télécom 2008-1 et que leur utilisation n'a pas été retardée en raison des poursuites judiciaires. Par conséquent, dans son analyse, le Conseil n'a pas inclus le calcul des intérêts sur ces montants après le 17 janvier 2008, date de la décision de télécom 2008-1.

22. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil détermine que le solde cumulé dans le compte de report des compagnies Bell s'élevait à 583,3 millions de dollars au 31 mai 2010. Ce montant comprend les 25,4 millions de dollars déjà approuvés et répartis pour financer les initiatives visant à améliorer l'accessibilité des personnes handicapées.

II.  Le plan de déploiement de la large bande que les compagnies Bell proposent est-il conforme aux conclusions formulées par le Conseil dans les décisions sur les comptes de report?

23. Dans les décisions sur les comptes de report, le Conseil a ordonné aux compagnies Bell de déployer les services à large bande dans les collectivités approuvées en faisant appel à la technologie la moins coûteuse et d'offrir des services comparables à ceux qu'elles offrent dans les zones urbaines sur le plan des tarifs, des modalités, des vitesses de téléchargement en amont et en aval et de la fiabilité. Le Conseil a également estimé qu'il serait dans l'intérêt public que les ESLT offrent plusieurs vitesses.

Service à large bande proposé

24. Dans le cadre de leurs plans révisés, les compagnies Bell ont proposé d'offrir aux résidents des collectivités approuvées un service à large bande sans fil assorti d'une vitesse de téléchargement en aval allant jusqu'à 2 mégabits par seconde (Mbps) et d'une vitesse de téléchargement en amont allant jusqu'à 800 kilobits par seconde, ainsi que d'une limite d'utilisation mensuelle de 2 gigaoctets (Go) au tarif mensuel de 31,95 $. L'utilisation mensuelle de plus de 2 Go coûterait 2,50 $ par Go.

25. Les compagnies Bell ont indiqué que ce service serait suffisant pour répondre aux besoins de la majorité des clients, car la vitesse du service respecte les exigences minimales du Conseil et la limite d'utilisation mensuelle de 2 Go est représentative de l'utilisation mensuelle moyenne prévue par abonné dans toutes les collectivités approuvées. Les compagnies Bell ont déclaré que l'utilisation moyenne du service sans fil proposé par les abonnés des collectivités approuvées correspondra plus ou moins à l'utilisation moyenne actuelle de leurs abonnés au service sans fil Essentiel plus (Ontario) en raison de la similarité des deux services.

26. Les compagnies Bell ont proposé d'offrir ce service à large bande à l'aide de la technologie sans fil d'accès haute vitesse par paquets (HSPA+) en faisant remarquer que cela apporterait aux collectivités approuvées des services téléphoniques mobiles nouveaux ou améliorés.

27. RCI, Vidéotron et WIND ont soutenu que le service proposé par les compagnies Bell est inférieur au service à large bande qu'elles offrent actuellement dans les zones urbaines à la fois parce que la limite de 2 Go ne répondra pas aux besoins de la plupart des utilisateurs et parce qu'il n'existe pas d'autres options de service au-delà de celle des 2 Mbps/2 Go. Vidéotron a également soutenu qu'à moins que les compagnies Bell acceptent de fournir le service à l'aide de la technologie de lignes d'abonnés numériques (LAN), la totalité des fonds du compte de report devrait être remise aux abonnés.

28. La majorité des municipalités et des villes qui sont intervenues ont généralement appuyé la proposition des compagnies Bell, à condition que le service à large bande sans fil proposé soit de même niveau que le service à large bande que les compagnies Bell offrent actuellement dans les zones urbaines. Une personne a indiqué que le service proposé ne satisfait pas aux critères que le Conseil a établis voulant que les prix et les fonctions soient au même niveau que ceux des services sans fil dans les zones urbaines.

Résultats de l'analyse du Conseil

29. Le Conseil fait remarquer que selon leur proposition, les compagnies Bell offriront un seul service, contrairement à la diversité des options, y compris différentes vitesses et limites d'utilisation, qu'elles offrent dans les zones urbaines. Par exemple, le service à large bande le plus populaire dans les zones urbaines semble être leur service résidentiel Performance, assorti d'une vitesse de téléchargement en aval allant jusqu'à 6 Mbps et d'une limite d'utilisation mensuelle de 25 Go en Ontario, et d'une vitesse de téléchargement en aval allant jusqu'à 7 Mbps et d'une limite d'utilisation mensuelle de 60 Go au Québec.

30. Le Conseil fait remarquer en outre que selon les preuves déposées par les compagnies Bell, l'utilisation mensuelle moyenne des abonnés de tous les services actuels à large bande sans fil et filaires des compagnies Bell est bien supérieure aux 2 Go qu'elles proposent. À cet égard, le Conseil estime que les exigences relatives à l'utilisation moyenne des abonnés dans les collectivités approuvées correspondront davantage à l'utilisation moyenne de tous les abonnés dans les autres collectivités. Par conséquent, de l'avis du Conseil, la limite d'utilisation de 2 Go ne répondra pas aux besoins de l'utilisateur moyen de ce service dans les collectivités approuvées.

31. Le Conseil fait également remarquer que les abonnés du service de résidence des zones urbaines ayant de plus gros besoins disposent d'une option d'assurance qui permet une utilisation mensuelle supplémentaire de 40 Go moyennant 5 $ par mois. Le Conseil fait remarquer que la proposition des compagnies Bell ne contient pas d'option d'assurance comparable.

32. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que le service unique proposé par les compagnies Bell selon la proposition HSPA+ ne satisfait pas aux exigences qu'il a énoncées dans les décisions sur les comptes de report.

33. Le Conseil fait remarquer que les services téléphoniques mobiles existent déjà dans 93 des 112 collectivités approuvées, et que 90 des 93 sont déjà partiellement ou totalement desservies par des installations HSPA+ sans fil. Même si la proposition des compagnies Bell se traduisait par une extension des services téléphoniques mobiles dans toutes les collectivités approuvées, le Conseil fait remarquer que le premier objectif de sa conclusion sur les comptes de report est de faire en sorte que ces collectivités reçoivent des services à large bande comparables à ceux offerts dans les zones urbaines.

34. Dans le cadre de l'instance qui a abouti à la décision de télécom 2008-1, les compagnies Bell avaient proposé initialement d'offrir des services à large bande faisant appel surtout à la technologie LAN utilisée actuellement pour fournir divers services à large bande dans les zones urbaines. Dans le cadre de l'instance en cours, les compagnies Bell, à la demande du Conseil, ont présenté des renseignements sur les coûts associés à la fourniture des services à large bande au moyen de la technologie LAN. Le Conseil estime que les options de services offertes par la technologie LAN sont conformes à l'exigence énoncée dans les décisions sur les comptes de report selon laquelle les compagnies Bell doivent fournir des services à large bande dans les collectivités approuvées qui sont comparables à ceux offerts dans les zones urbaines.

35. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ordonne aux compagnies Bell de fournir des services à large bande à l'aide de la technologie LAN pour mettre en œuvre leur proposition à large bande. La diversité des services fournis doit être comparable à celle des services offerts dans les zones urbaines, utilisant la même technologie LAN, sur le plan des tarifs et des modalités.

Coûts du service à large bande proposé

36. Les compagnies Bell ont présenté leurs estimations de coûts associés à la fourniture du service à large bande aux collectivités approuvées à l'aide de la technologie HSPA+ (463,6 millions de dollars), de la technologie LAN (406,5 millions de dollars) et d'une combinaison des deux technologies (419,4 millions de dollars). Les compagnies Bell ont demandé à ce qu'un fonds de prévoyance équivalant à 10 % des fonds soit établi pour l'extension de la large bande afin de prévoir tout dépassement de coûts imprévus.

37. Barrett, PIAC et autres, RCI et Vidéotron ont soutenu que les coûts des compagnies Bell étaient surestimés. Vidéotron a fait remarquer que les estimations de coûts du HSPA+ des compagnies Bell ne sont pas crédibles par rapport aux coûts engagés par Vidéotron pour construire son réseau HSPA+ de 800 sites dans tout le Québec et l'est de l'Ontario. Barrett a indiqué que les coûts de 2010 des compagnies Bell seraient suffisants pour permettre à Barrett d'étendre un service plus fiable dans toutes les régions du Canada qui ne sont pas encore desservies.

38. RCI et Vidéotron ont indiqué que les compagnies Bell devraient être tenues de mettre en œuvre leur proposition initiale de 2006 faisant appel à la technologie LAN, puisque les estimations de coûts des compagnies Bell fondées sur la technologie LAN sont inférieures à leurs estimations fondées sur la technologie HSPA+. PIAC et autres ont soutenu que la subvention du compte de report devrait être limitée aux propositions de coûts initiales de 2006.

Résultats de l'analyse du Conseil

39. Le Conseil a examiné les estimations de coûts actuelles proposées par les compagnies Bell et fait remarquer que la solution faisant appel à la technologie LAN est conforme aux décisions sur les comptes de report car elle est la moins coûteuse des trois options. Toutefois, le Conseil fait également remarquer que les coûts des estimations actuelles sont sensiblement plus élevés que ceux proposés dans les études de coûts de 2006 pour les collectivités approuvées que les compagnies Bell ont présentées dans le cadre de l'instance qui a abouti à la décision de télécom 2008-1. Le Conseil fait remarquer en outre que les compagnies Bell ont expliqué en partie l'augmentation des coûts depuis 2006 au-delà de ce que justifieraient l'inflation et d'autres facteurs depuis 2006.

40. Le Conseil fait observer que des hausses de coûts sont intervenues depuis 2006; par exemple, il convient avec les compagnies Bell que l'utilisation de la technologie LAN, plutôt que le service sans fil fixe, dans certaines collectivités a fait augmenter certains coûts. Toutefois, le Conseil n'est pas convaincu que ces augmentations sont aussi importantes que ce que les compagnies Bell ont indiqué et estime que certaines de leurs estimations de coûts actuelles sont exagérées. Par conséquent, le Conseil a procédé à des rajustements aux coûts proposés comme suit :

41. En fonction de son examen des estimations de coûts actuelles des compagnies Bell, le Conseil conclut qu'il serait raisonnable d'approuver un montant de 306,3 millions de dollars pour l'extension de la large bande. Le Conseil estime que ce montant de financement devrait être plus que suffisant pour satisfaire à l'exigence relative à la fourniture des services à large bande à toutes les collectivités approuvées.

42. Le Conseil estime qu'il convient de fixer le montant alloué à l'extension de la large bande; par conséquent, aucun autre rajustement du total des coûts approuvés à cette fin ne doit être permis. Cela apportera un certain degré de certitude concernant les fonds disponibles et simplifiera le processus de suivi en évitant d'avoir à examiner les coûts au fur et à mesure du déploiement des services à large bande.

43. Par cette décision, le Conseil détermine de manière définitive la répartition du solde cumulé dans le compte de report des compagnies Bell. Comme il est indiqué ci-dessus, en déterminant les montants à répartir, le Conseil a calculé les intérêts accumulés dans les fonds jusqu'au 31 mai 2010. Le Conseil note que les intérêts qui s'accumulent entre le 1er juin 2010 et l'utilisation des fonds seront mis à la disposition des compagnies Bell. Dans ces conditions, le Conseil estime qu'il est inutile d'avoir un fonds de prévoyance pour couvrir les coûts imprévus de l'extension de la large bande, comme l'ont proposé les compagnies Bell. Le Conseil estime également qu'il sera inutile de procéder à de nouveaux rajustements du solde cumulé après le 31 mai 2010.

44. Par conséquent, le Conseil approuve le prélèvement de 306,3 millions de dollars du compte de report des compagnies Bell pour étendre les services à large bande et ordonne aux compagnies Bell d'utiliser ces fonds pour desservir les collectivités approuvées. Le Conseil note que, comme il l'a ordonné dans les décisions sur les comptes de report, cette extension des services ne devrait pas prendre plus de quatre ans et devrait se terminer à la fin d'août 2014.

  III.  La proposition des compagnies Bell de ne pas accorder une remise aux abonnés du service de résidence dans les zones autres que les ZDCE est-elle appropriée?

45. Le Conseil note que les compagnies Bell avaient initialement présenté une proposition visant à accorder des remises aux abonnés actuels des zones autres que les ZDCE, mais qu'elles ont retiré cette proposition du fait que leurs projets d'extension de la large bande indiquaient que les fonds cumulés dans leur compte de report étaient insuffisants pour accorder ces remises.

46. Toutefois, le Conseil estime qu'après avoir procédé aux rajustements ci-dessus au solde du compte de report des compagnies Bell et à leurs coûts d'extension de la large bande, il restera suffisamment de fonds pour permettre d'accorder une remise aux abonnés dans les zones autres que les ZDCE. Plus précisément, le Conseil note que le montant disponible pour la remise est de 251,6 millions de dollars et conclut que ce montant est suffisant pour fournir des remises aux abonnés des compagnies Bell dans les zones autres que les ZDCE.

47. Par conséquent, le Conseil estime qu'il doit aborder les questions suivantes :

Qui devrait bénéficier de la remise?

48. Comme il est indiqué ci-dessus, le Conseil a déterminé dans la décision de télécom 2008-1 que les fonds alloués à la remise dans le compte de report des compagnies Bell devraient être versés aux abonnés du service de résidence dans les zones autres que les ZDCE à la date de cette décision, soit le 17 janvier 2008.

49. Dans le cadre du processus actuel, les compagnies Bell ont proposé de fournir la remise aux clients qui étaient abonnés à leurs services le 17 janvier 2008 et dont les abonnements seront toujours en vigueur au début du programme de remise. Les compagnies Bell ont indiqué qu'elles sont également prêtes à inclure d'anciens clients qui ont mis fin à leurs services après le 17 janvier 2008, si le Conseil le juge nécessaire, tout en notant que cela ferait augmenter considérablement les coûts et le temps qu'il faudra pour la mise en œuvre.

50. PIAC et autres ont soutenu que la remise devrait être accordée aux clients figurant dans les dossiers à la date la plus proche possible du 17 janvier 2008, car c'est ce qui correspondrait le mieux aux clients qui ont payé des tarifs qui n'ont pas été réduits par la formule de plafonnement des prix à la suite de la décision de télécom 2002-34.

51. De l'avis du Conseil, les efforts déployés pour retrouver les abonnés figurant dans les dossiers au 17 janvier 2008 entraîneraient une complexité, des retards et des coûts indus que l'on pourrait éviter en accordant la remise aux abonnés actuels. Par conséquent, dans le meilleur intérêt des abonnés, le Conseil ordonne aux compagnies Bell d'accorder une remise à leurs abonnés du service de résidence figurant dans les dossiers dans les zones autres que les ZDCE à la date de cette décision.

Comment les fonds devraient-ils être remis?

52.  À l'origine, les compagnies Bell ont proposé d'offrir les options de remise suivantes :

53. Vidéotron et RCI ont indiqué que seule la remise unique est appropriée car la proposition d'offrir des promotions serait trop complexe et coûteuse à mettre en œuvre, et les promotions et crédits qui durent longtemps sont un mécanisme de marketing anticoncurrentiel. Vidéotron a également indiqué que la remise devrait prendre la forme d'un chèque plutôt que d'un crédit de facturation afin que l'abonné ne soit en aucune façon lié aux compagnies Bell.

54. PIAC et autres ont soutenu que les consommateurs devraient être crédités ou recevoir la remise au complet sans promotion.

55. Le Conseil estime que les compagnies Bell devraient bénéficier d'une certaine flexibilité dans les options qu'elles offrent à leurs clients concernant la remise. Toutefois, le Conseil note les préoccupations exprimées par les parties concernant la durée de la période de remise et la possibilité que les abonnés actuels soient liés aux compagnies Bell.

56. Par conséquent, le Conseil ordonne aux compagnies Bell de verser la remise au complet ou de créditer les fonds dans les six mois de la date de la présente décision. Le plan de remise pourrait comprendre des options pour les clients, notamment l'option d'accepter une promotion d'une valeur supérieure à celle de la remise, tant que la valeur totale de la promotion est fournie dans les six mois de la date de la présente décision. De plus, en communiquant avec leurs abonnés, les compagnies Bell doivent indiquer que la remise a été ordonnée par le Conseil.

57. Concernant les abonnés qui mettent fin à leurs services avant que la période de six mois ne soit écoulée et la remise au complet ne soit versée, le Conseil ordonne aux compagnies Bell d'appliquer tout crédit de remise cumulé à leur dernière facture associée aux services débranchés.

Les compagnies Bell devraient-elles être autorisées à recouvrer le coût des remises à même leur compte de report?

58. Les compagnies Bell ont proposé de recouvrer tous les coûts associés à la mise en œuvre de leur programme de remise proposé, y compris les promotions, à même leur compte de report.

59. Le Conseil estime que la méthode la plus simple et la plus rentable de fournir la remise consisterait en un crédit de facturation unique sur la facture mensuelle de l'abonné accompagné d'une explication. Les autres options de remise, que ce soit des promotions, un chèque ou des remises étalées sur une période supérieure à un mois, feraient augmenter le coût du plan. Le Conseil estime que le compte de report est un moyen approprié pour couvrir ce qu'il en coûte aux compagnies pour effectuer la remise aux clients. Toutefois, afin d'optimiser les avantages pour les abonnés, seuls les coûts associés à la solution la moins coûteuse, un crédit de facturation unique, devraient être recouvrés du compte de report.

60. Par conséquent, le Conseil approuve le prélèvement, sur le compte de report des compagnies Bell, d'un montant correspondant au coût du traitement d'un rajustement de facturation unique sur la facture mensuelle de chaque abonné. Le Conseil a déterminé que ce montant serait de 1,02 million de dollars, ce qui comprend les coûts de rajustement du système de facturation, les avis de facturation et l'augmentation de l'activité des centres d'appels.

  IV.  Les tarifs des services aux concurrents que les compagnies Bell proposent sont-ils appropriés?

61. Dans la décision de télécom 2006-9, le Conseil a ordonné aux ESLT de fournir à un tarif minimal les installations de base financées par les comptes de report à d'autres fournisseurs de services à large bande.

62. Dans l'avis de modification tarifaire 305 de Bell Aliant et dans l'avis de modification tarifaire 7240 de Bell Canada (avis de modification tarifaire 305 et 7240), les compagnies Bell ont déposé des projets de tarifs et des études de coûts à l'appui concernant leur service d'extension de la large bande à l'aide de la technologie HSPA+. Dans l'avis de modification tarifaire 7242 de Bell Canada (avis de modification tarifaire 7242), cette dernière a proposé de mettre en application l'article 5430 du Tarif général – Service à large bande sans fil de gros.

63. Le Conseil note que les avis de modification tarifaire 305, 7240 et 7242 ne sont pas conformes à sa conclusion selon laquelle les compagnies Bell doivent fournir la même diversité de services que ceux offerts à l'aide de la technologie LAN. Par conséquent, le Conseil rejette les avis de modification tarifaire 305, 7240 et 7242, et ordonne aux compagnies Bell de déposer, dans les 60 jours de la date de la présente décision, des projets de tarifs applicables à la fourniture de leurs services aux concurrents à l'aide de la technologie LAN, conformément aux conclusions du Conseil dans cette décision. Le Conseil estime que les services mentionnés dans ces avis de modification tarifaire doivent être classés comme des services non essentiels prescrits, conformément au mémoire des compagnies Bell.

Exigences permanentes relatives aux rapports

64. Dans la décision de télécom 2008-1, le Conseil a ordonné aux ESLT de déposer des rapports annuels, au plus tard le 31 mars de chaque année, et ce, à compter de 2009 et jusqu'en 2012. Ces rapports devaient notamment contenir des mises à jour annuelles des études de coûts et des hypothèses de revenus concernant le programme d'extension de la large bande et des rajustements annuels au solde des comptes de report à l'égard des activités reportées de l'année précédente. Étant donné que le Conseil a conclu dans la présente décision que le montant de financement affecté à l'extension de la large bande doit être fixé aux montants approuvés dans cette décision et qu'aucun autre rajustement ne sera autorisé, le Conseil n'exige plus pour ces rapports le niveau de détail précisé dans la décision de télécom 2008-1.

65. Par conséquent, le Conseil ordonne aux compagnies Bell de déposer un rapport annuel contenant une description de leur déploiement de la large bande pour l'année précédente, date à laquelle le service à large bande a été mis en œuvre dans les collectivités et leur plan de déploiement proposé pour les années qui restent à leur programme d'extension de la large bande. Ce rapport doit être déposé le 31 mars de chaque année, à compter de 2011 et jusqu'en 2015.

66. Les compagnies Bell sont également tenues de confirmer dans leur rapport annuel du 31 mars 2011 qu'elles ont terminé leur plan de remise et d'indiquer le calcul du montant total des fonds remis.

67. L'opinion minoritaire du conseiller Katz est jointe à la présente décision.

Secrétaire général

Documents connexes

Opinion minoritaire du conseiller Len Katz

Mon opinion minoritaire dans la présente décision concerne uniquement la position adoptée par mes collègues concernant l'exigence imposée à Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et à Bell Canada (collectivement les compagnies Bell) d'utiliser la technologie de lignes d'abonnés numériques (LAN) pour le déploiement des services à large bande dans les 112 collectivités approuvées pour les compagnies Bell dans les décisions de télécom 2007-50[3] et 2008-1[4] (ces deux décisions et la décision de télécom 2006-9[5] sont ci-après appelées collectivement les décisions sur les comptes de report) de même que dans des décisions connexes[6]. Plus précisément, je pense que la proposition des compagnies Bell visant le déploiement de la large bande au moyen d'autres technologies est conforme aux conclusions du Conseil dans les décisions sur les comptes de report, alors que mes collègues ont modifié la proposition des compagnies Bell en fonction de critères technologiques. Ayant imposé une « limite sévère » aux fonds à retirer du compte de report des compagnies Bell pour déployer les services à large bande dans les collectivités approuvées, la décision aurait dû se limiter à exiger des compagnies Bell qu'elles offrent des services à large bande comparables à ceux offerts dans les zones urbaines, conformément aux décisions sur les comptes de report.

Je suis d'avis que la décision de la majorité qui oblige les compagnies Bell à déployer la large bande dans les collectivités en cause au moyen de la technologie LAN uniquement :

  1. est contraire aux objectifs de la politique énoncés dans la Loi sur les télécommunications (la Loi),
  2. n'est pas conforme aux décisions et proclamations précédentes du Conseil portant sur le recours à une technologie en particulier,
  3. n'est pas conforme aux décisions et directives précédentes du Conseil concernant l'utilisation des fonds des comptes de report,
  4. n'est pas conforme aux exigences des Instructions[7] selon lesquelles le Conseil doit prendre des mesures qui sont efficaces et proportionnées aux buts visés.

(i)  Conclusion contraire aux objectifs de la politique énoncés dans la Loi

L'article 7 de la Loi énonce les objectifs de la politique canadienne de télécommunication. Ces objectifs, qu'ils concernent les zones urbaines ou rurales du Canada, partent du principe que tous les Canadiens doivent avoir accès à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité (alinéa 7b)). Il n'y est nulle part question de technologie particulière ni de l'obligation d'utiliser la même technologie dans tous les marchés. De plus, la mention « de qualité » associée à l'objectif de la politique consistant à stimuler l'innovation en ce qui touche la fourniture de services de télécommunication (alinéa 7g)) montrent que la Loi reconnaît la nécessité de s'adapter aux technologies nouvelles et innovatrices pour satisfaire aux besoins de tous les Canadiens. En limitant à la technologie LAN le déploiement des services à large bande dans ces collectivités, le Conseil a adopté une vision statique de la technologie et n'a pas tenu compte des changements dynamiques qu'apportent les nouvelles technologies en matière de fonctionnalité et de coûts.

(ii)  Conclusion non conforme aux décisions et proclamations précédentes du Conseil sur le recours à une technologie en particulier

Au paragraphe 19 de l'avis public de télécom 2004-2[8], reprenant une déclaration faite dans la décision de télécom 98-9[9], le Conseil a déclaré que « compte tenu de sa démarche globale à l'égard de la réglementation des télécommunications, il ne convenait pas de définir le marché des services de télécommunication en faisant référence à la technologie. À son avis, l'analyse devait plutôt porter sur les attributs du service ». D'autre part, dans le document de discussion du 17 août 2005 préparé pour le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications établi par le ministre de l'Industrie[10], le Conseil a déclaré :

130. Dans ce nouveau contexte, le Conseil a adopté pour politique la neutralité technologique afin d'éviter que les interventions de la réglementation dans le marché n'encouragent ou ne découragent, par inadvertance, le choix d'une technologie. Le régime de la concurrence locale est un bel exemple de l'application du principe de la neutralité technologique. Il permet autant aux ESLT [entreprises de services locaux titulaires] qu'aux nouveaux venus d'utiliser la technologie de leur choix pour se livrer concurrence dans la fourniture des services téléphoniques locaux. Grâce à cette politique, les concurrents utilisent aujourd'hui divers types d'accès sans fil, de fibres, de câble coaxial, de lignes d'abonnés numériques (LAN) sur paires de lignes de cuivre, de même que des paires de lignes de cuivre traditionnelles pour fournir les services téléphoniques analogiques, numériques et IP. [...] L'assise théorique de cette approche se trouve dans les objectifs de la politique de télécommunication, article 7 de la Loi, ainsi que dans la documentation sur l'économie, à savoir que la concurrence est le meilleur répartiteur des ressources financières et que les forces du marché stimuleront l'innovation et l'emploi efficient de nouvelles technologies mieux que ne le fera la réglementation.

Le Conseil a continué ensuite ainsi :

132. Le Conseil reconnaît également l'importance de la réglementation, laquelle incite de nouveaux investissements dans l'infrastructure des télécommunications canadiennes en vue d'améliorer la qualité des services et l'innovation dans les services fournis. [...]Dans le nouvel environnement concurrentiel, une politique de neutralité technologique ne signifie pas que le Conseil ferme nécessairement les yeux devant la technologie. Le rôle du Conseil, davantage subtil, est d'encourager la concurrence fondée sur les installations et de veiller à ce que ses politiques n'étouffent pas les nouveaux investissements. [Note en bas de page omise]

Pourtant, dans la présente décision, le Conseil s'est écarté de cette proposition et a obligé les compagnies Bell à utiliser une technologie particulière dans les 112 collectivités. Avec l'utilisation limitée à la technologie LAN, je me demande si le Canada va réellement suivre le rythme des progrès technologiques et si pendant les quatre ans prévus pour le déploiement des projets d'extension de la large bande approuvés, la technologie LAN sera la « meilleure » solution, la solution « la moins coûteuse » ou même la solution équivalente à celle qui sera disponible dans les marchés urbains au Canada. Je suis convaincu que dans de nombreux marchés actuels, la technologie LAN n'est pas la solution optimale.

(iii)  Conclusion non conforme aux décisions et directives précédentes du Conseil concernant l'utilisation des fonds des comptes de report

Dans le cadre de l'instance qui a abouti à la décision de télécom 2006-9, Bell Canada a indiqué que la large bande déployée :

utiliserait la technologie la moins coûteuse dans la mesure où cette technologie lui permet d'assurer la même qualité de service que celle qu'offrait alors son programme commercial d'expansion de la large bande, qui repose sur la technologie LAN.

Au paragraphe 197 de la décision 2006-9, le CRTC a accepté la proposition de Bell Canada à condition que la compagnie utilise la technologie la moins coûteuse et mette les installations à la disposition de tierces parties, notamment, mais n'est pas allé jusqu'à ordonner l'utilisation de la technologie LAN. Au paragraphe 199 de cette même décision, le CRTC a indiqué qu'il publierait une lettre indiquant les exigences relatives au dépôt des propositions d'expansion de la large bande, notamment la présentation d'un calendrier de déploiement et d'une description de la technologie. Le 10 mars 2006, une lettre de suivi à la décision ci-dessus a été envoyée à toutes les parties; dans la dernière partie de la Section 1, Plan de déploiement de la large bande, il est stipulé que :

L'ESLT doit fournir un schéma du réseau décrivant chacune des technologies dont elle se sert dans son plan. L'ESLT doit également fournir des cartes des zones de desserte, dans la mesure où elles sont disponibles.

Les services à large bande proposés devraient être comparables à ceux qui sont fournis dans les zones urbaines en ce qui a trait aux taux, aux modalités et aux conditions qui s'appliquent mensuellement aux abonnés, aux vitesses de téléchargement en vers amont et en aval, de même qu'à la fiabilité. La proposition de l'ESLT doit contenir des détails à cet égard.

Les ESLT doit se servir de la technologie la moins coûteuse qui permet de satisfaire aux exigences de service énoncées ci-dessus pour chacun des projets. Pour chacun des projets, l'ESLT a l'obligation de prendre en considération toutes les technologies appropriées, à savoir, la ligne d'abonné numérique (LAN), la fibre, la radio terrestre, la radio par satellite, etc. Si, pour satisfaire aux exigences susmentionnées, elle ne choisit pas la technologie la moins coûteuse pour un projet, elle doit fournir une justification détaillée.

Si, au cours du déploiement du programme, de nouvelles technologies permettant de fournir le service ou de nouvelles exigences en matière d'utilisation et de la technologie la moins coûteuse étaient introduites dans le marché, les ESLT pourraient repenser certains projets et en présenter les détails dans le cadre des processus liés aux exigences en matière de rapports.

La présente décision contredit les directives de la lettre mentionnées ci-dessus et qui découlent de la décision de télécom 2006-9. Alors que la décision de télécom 2006-9 et la lettre d'accompagnement sont de nature prospective et flexible en tenant compte de l'évolution probable de la technologie, la décision de la majorité n'est pas conforme à cette approche.

Je ne vois pas la logique de limiter la capacité des compagnies Bell à faire appel à d'autres technologies qui répondent aux exigences imposées dans les décisions sur les comptes de report ou les excèdent.

En outre, du fait que la décision plafonne le montant d'investissement à prendre du compte de report pour le déploiement de la large bande dans les 112 collectivités, la question de la technologie la moins coûteuse ne devrait plus importer. Si les compagnies Bell décident d'utiliser la technologie qui peut ne pas être la moins coûteuse, mais qui offre d'autres avantages et synergies, ce sont les compagnies Bell qui assumeraient les coûts supplémentaires sans dépendre des fonds « publics » pour financer ces avantages qui servent leurs propres intérêts.

Dans la décision de télécom 2007-111[11], dans laquelle le Conseil s'est prononcé sur une demande de Barrett Xplore Inc. visant à réviser et modifier la décision de télécom 2007-50, le Conseil a développé ses déclarations faites dans la décision de télécom 2006-9 et dans sa lettre du 10 mars 2006 sur la capacité des ESLT de redéfinir des projets appropriés d'expansion de la large bande en déclarant au paragraphe 13 que « Le Conseil estime que cette approche est conforme à la vision dynamique du marché des services à large bande ». La présente décision ne tient pas compte de cette vision dynamique.

Finalement, au paragraphe 41 de la décision de télécom 2008-1, le Conseil a pris note de la proposition des compagnies Bell d'utiliser un ensemble de technologies, y compris les technologies LAN et sans fil fixe. Dans ses conclusions au paragraphe 43, le Conseil a déclaré ce qui suit :

Le Conseil estime que les ESLT peuvent tirer parti des synergies que leur apportent leurs technologies et leurs infrastructures […et] les ESLT peuvent repenser certains projets d'expansion de la large bande et rendre compte des détails au Conseil si de nouvelles technologies qui satisfont aux exigences en matière de service et de technologie la moins coûteuse sont introduites pendant le déploiement du programme.

Là encore, la question de la technologie la moins coûteuse devient toute théorique étant donné le plafonnement imposé sur l'investissement à retirer du compte de report pour le déploiement dans les 112 collectivités.

Finalement, au paragraphe 44 de la décision 2008-1, le Conseil a reconnu la capacité d'autres technologies à offrir un service à large bande semblable, ou plus efficace et efficient, lorsqu'il a précisé :

certaines collectivités désignées dans les propositions des ESLT ne seront toujours pas desservies à la suite des déploiements proposés, en raison par exemple des limites de distance associées à la technologie LAN. Le Conseil estime que le satellite et d'autres technologies contribueront à combler ces lacunes.

(iv) Conclusion non conforme aux exigences des Instructions de 2006

À plusieurs reprises, comme il est indiqué plus haut, le Conseil a clairement énoncé les conditions dans lesquelles les ESLT seraient autorisées à accéder aux fonds des comptes de report pour desservir les marchés non desservis par la large bande. Sans limiter ces conditions, je serais d'accord avec les municipalités et villes représentées dans le cadre de cette instance (voir le paragraphe 28 de la présente décision) qui ont dit être en faveur de la proposition des compagnies Bell, à condition que le service sans fil à large bande proposé soit de même niveau que le service à large bande offert pas les compagnies Bell dans les zones urbaines.

Je pense que pendant les quatre ans prévus dans la présente décision pour le déploiement de la large bande dans les 112 collectivités en cause, il existera d'autres technologies que la technologie LAN et que les technologies continueront d'évoluer. Il me semble que l'obligation imposée aux ESLT de n'utiliser que la technologie LAN va au-delà de ce qui est nécessaire et est non seulement « disproportionnée » par rapport à son but, mais pourrait en fait aboutir à un service moins efficace dans les 112 collectivités que cela ne serait le cas si les compagnies Bell disposaient d'une flexibilité technologique.

Je soutiens que lorsque le Conseil aura établi le montant approprié d'allocation de fonds des comptes de report, les ESLT devraient être libres de déployer de technologies nouvelles et innovatrices tant qu'elles satisfont aux conditions de prix, de qualité, de fiabilité, de service et d'accès imposées par le Conseil.

Pour toutes les raisons ci-dessus, j'estime que la décision de la majorité concernant l'obligation d'utiliser la technologie LAN n'est pas un moyen permettant d'atteindre les objectifs de la politique énoncés dans la Loi, va à l'encontre des décisions et déclarations précédentes du Conseil et n'est pas conforme aux Instructions car cette obligation n'est pas une mesure réglementaire efficiente et proportionnée à son objectif.

Notes de bas de page


[1] Le financement des initiatives visant à améliorer l'accessibilité des personnes handicapées n'était pas visé par les appels et a été approuvé dans la décision de télécom 2008-1.

[2] Les décisions de télécom 2008-13, 2008-21, 2008-88, 2009-763 et 2010-60 font partie des autres décisions portant sur l'approbation des 112 collectivités.

[3] Avis public de télécom CRTC 2006-15 – Utilisation des fonds des comptes de report pour étendre les services à large bande dans certaines collectivités rurales et éloignées, Décision de télécom CRTC 2007-50, 6 juillet 2007, modifiée par la Décision de télécom CRTC 2007-50-1, 27 juillet 2007

[4] Utilisation des fonds des comptes de report pour améliorer l'accès des personnes handicapées aux services de télécommunication et pour étendre les services à large bande aux collectivités rurales et éloignées, Décision de télécom CRTC 2008-1, 17 janvier 2008

[5] Utilisation des fonds des comptes de report, Décision de télécom CRTC 2006-9, 16 février 2006

[6] La liste des décisions connexes se trouve dans la note de bas de page 2 de la décision majoritaire.

[7] Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006 (les Instructions)

[8] Cadre de réglementation régissant les services de communication vocale sur protocole Internet, Avis public de Télécom CRTC 2004-2, 7 avril 2004

[9] Réglementation en vertu de la Loi sur les télécommunications de certains services de télécommunications offerts par des « entreprises en radiodiffusion », Décision de télécom CRTC 98-9, 9 juillet 1998

[10] « Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications : Document de discussion », présenté par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes le 17 août 2005

[11] Barrett Xplore Inc. – Demande de révision et de modification de certaines conclusions dans la décision de télécom 2007-50, Décision de télécom CRTC 2007-111, 22 novembre 2007

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