Décision de télécom CRTC 2023-358

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Références : 2023-56, 2023-56-1 et 2023-56-2

Ottawa, le 6 novembre 2023

Dossier public : 1011-NOC2023-0056

Révision du cadre des services d’accès haute vitesse de gros – Accès temporaire aux installations de fibre jusqu’aux locaux des abonnés au moyen des services d’accès haute vitesse de gros groupés

Sommaire

Les Canadiens et les Canadiennes doivent avoir accès à des services Internet fiables, abordables et de haute qualité pour tous les aspects de leur vie quotidienne.

Le Conseil prend des mesures dans le cadre d’un certain nombre d’initiatives visant à améliorer les services Internet. Par exemple, il a créé le Fonds pour la large bande afin de soutenir des projets visant à apporter Internet à haute vitesse aux collectivités rurales, isolées et autochtones. Pour répondre aux besoins particuliers des Canadiens et des Canadiennes vivant dans le Grand Nord, le Conseil fait progresser l’instance en cours sur les services Internet et les services téléphoniques de résidence dans cette zone géographique. Et pour s’assurer que les services fonctionnent lorsque les Canadiens et les Canadiennes en ont besoin, le Conseil a récemment lancé une première consultation visant à améliorer la résilience et la fiabilité des réseaux de télécommunications du Canada.

Tout dernièrement, le Conseil a lancé la présente instance pour revoir son approche de la concurrence en matière de services Internet. Le Conseil a reconnu que son approche actuelle n’a pas atteint l’objectif d’encourager le choix et l’accessibilité.

Dans le cadre de la présente instance, le Conseil a lancé un processus accéléré afin de déterminer si les grandes compagnies de téléphone et entreprises de câblodistribution titulaires devraient fournir à des entreprises tierces (concurrents fondés sur les services de gros) l’accès à leurs réseaux de fibre jusqu’aux locaux des abonnés (FTTP). La présente décision se fonde sur les éléments de preuve reçus dans le cadre du processus accéléré.

Depuis plus de 20 ans, le Conseil exige des grandes entreprises de téléphonie et de câblodistribution titulaires qu’elles fournissent un accès de gros à leurs réseaux à l’échelle du Canada. Les concurrents fondés sur les services de gros se servent de cet accès pour vendre des services Internet aux consommateurs, en concurrence directe avec les plus grandes entreprises titulaires.

Ces dernières années, le Conseil a constaté une baisse de l’intensité de la concurrence dans ce secteur. Le nombre de Canadiennes et de Canadiens qui achètent des services Internet de concurrents indépendants fondés sur les services de gros a chuté de 40 %, même si le nombre total d’abonnés aux services Internet au Canada a augmenté. De plus, un nombre important de concurrents fondés sur les services de gros ont été rachetés par des entreprises titulaires. Quand des concurrents quittent le marché, les consommateurs canadiens se retrouvent avec moins d’options. Il est donc important que le Conseil révise son approche afin de promouvoir la concurrence et de protéger les intérêts de la population canadienne.

Le dossier de la présente instance montre que c’est en Ontario et au Québec que la présence des concurrents fondés sur les services de gros a le plus diminué. C’est dans ces provinces que les concurrents ont historiquement attiré le plus grand nombre d’abonnés et qu’ils perdent actuellement le plus d’abonnés. À la fin de 2022, les concurrents indépendants fondés sur les services de gros desservaient 47 % moins d’abonnés en Ontario et au Québec que deux ans auparavant.

En outre, les services Internet à vitesse supérieure, pour lesquels la demande continue de croître rapidement, sont un segment de marché dans lequel les concurrents fondés sur les services de gros ont pris du retard par rapport aux entreprises titulaires. Bien que les réseaux de câble leur ont donné accès à des services plus rapides, ils n’ont pas de moyen pratique de vendre des services Internet par l’intermédiaire de réseaux FTTP exploités par les compagnies de téléphone titulaires. Et ces réseaux continuent de se développer, 60 % des locaux desservis par les compagnies de téléphone titulaires ayant désormais accès aux réseaux FTTP. En revanche, moins de 5 % des locaux desservis par les entreprises de câblodistribution ont accès aux réseaux FTTP.

La présente décision fournit une solution temporaire et accélérée à ces problèmes. Plus précisément, le Conseil ordonne aux grandes entreprises de téléphonie titulaires de fournir un accès de gros fonctionnel à leurs réseaux FTTP en Ontario et au Québec dans les six mois suivant la date de la présente décision. Ceci permettra aux concurrents fondés sur les services de gros d’offrir des services FTTP à plus de cinq millions de ménages canadiens. Entre-temps, le Conseil continue de travailler avec diligence dans le cadre de l’instance en cours afin de s’assurer que tous les Canadiens et les Canadiennes bénéficient le plus rapidement possible d’une large gamme de services Internet à haute vitesse abordables.

En même temps, le Conseil reconnaît que les investissements continus des entreprises titulaires sont essentiels pour que la population canadienne continue de bénéficier de services Internet robustes et fiables. Pour ce faire, le Conseil a fixé des tarifs provisoires justes et raisonnables que les concurrents fondés sur les services de gros paieront aux entreprises titulaires pour l’accès. Ces tarifs garantiront que les grandes entreprises titulaires à travers le Canada continuent d’avoir un incitatif à investir dans leurs réseaux.

Le Conseil a mené la présente instance de manière opportune et a fondé ses conclusions sur des éléments de preuve solides et récents, tel qu’exigé par les Instructions de 2023Note de bas de page 1. La décision d’aujourd’hui ne devrait être en vigueur que jusqu’à la fin de l’instance élargie du Conseil concernant les mérites d’établir à plus long terme l’accès de gros aux réseaux FTTP à l’échelle du Canada. Le Conseil continuera d’être guidé par les Instructions de 2023 ainsi que par les objectifs stratégiques établis à l’article 7 de la Loi sur les télécommunications pour surveiller l’efficacité du cadre entourant l’accès de gros et faire des ajustements au besoin. Par conséquent, la nature et la portée de cet accès de gros pourraient s’étendre, diminuer ou être autrement modifiées selon les résultats de cet examen.

Contexte

  1. Les grandes entreprises de services locaux titulaires (ESLT) et les grandes entreprises de câblodistribution (collectivement les entreprises titulaires)Note de bas de page 2 doivent actuellement fournir les services d’accès haute vitesse (AHV) de gros dans les configurations groupées et dégroupées. Les services AHV de gros groupés (services AHV groupés) permettent aux concurrents de se connecter aux réseaux des entreprises titulaires à un point d’interconnexion centralisé. Les concurrents se servent ensuite de l’infrastructure de transport et d’accès des entreprises titulaires pour offrir des services Internet à tous les utilisateurs finals des territoires de desserte des entreprises titulaires. Les services AHV de gros dégroupés (services AHV dégroupés) sont semblables, mais les concurrents doivent obtenir séparément les installations de transport et établir l’interconnexion aux réseaux des entreprises titulaires à un plus grand nombre de points d’interconnexion pour fournir des services dans une partie ou dans l’ensemble du territoire de desserte d’une entreprise titulaire.
  2. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a effectué une évaluation du caractère essentiel de tous les services AHV de gros et a rendu les conclusions suivantes : i) les entreprises titulaires avaient le pouvoir de marché en amont portant sur la fourniture de services AHV de gros; ii) si l’accès à des services AHV de gros n’était pas disponible, il y aurait une diminution ou un empêchement important de la concurrence dans le marché des services d’accès Internet de détail en aval (marché des services de détail); et iii) les installations d’accès ne pouvaient pas être pratiquement reproduites alors que les installations de transport pouvaient l’être.
  3. Le Conseil a ensuite déterminé que les services AHV dégroupés étaient essentiels car ils permettaient de répondre aux préoccupations en matière de concurrence dans les marchés des services de détail en amont et en aval et permettaient un accès de gros aux installations d’accès qui ne pouvaient pas être économiquement reproduites. Parallèlement, le Conseil a déterminé que les services AHV groupés n’étaient pas essentiels parce que, même s’ils permettaient de répondre aux préoccupations en matière de concurrence dans les marchés des services de détail en amont et en aval, ils contenaient également l’accès à des installations de transport qui pouvaient être économiquement reproduites. De plus, tant qu’un service AHV dégroupé restait disponible, on répondait aux préoccupations en matière de concurrence dans les marchés des services de détail en amont et en aval.
  4. Compte tenu de ces conclusions, le Conseil a exigé la fourniture de services AHV dégroupés essentiels pour soutenir la concurrence dans la prestation de services Internet de détail. Simultanément, le Conseil a déterminé que les services AHV groupés ne seraient plus obligatoires et seraient éliminés progressivement une fois que les services AHV dégroupés seraient mis en œuvre. Des limites ont été imposées aux services AHV groupés afin d’encourager une transition vers le nouveau cadre des services AHV dégroupés, par exemple en restreignant l’accès aux installations de fibre jusqu’aux locaux des abonnés (FTTP) au cadre des services AHV dégroupés seulement.
  5. Il y a eu peu d’utilisation du service par les concurrents après la mise en œuvre des services AHV dégroupés en Ontario et au Québec. Le Conseil a donc lancé un examen pour savoir s’il serait possible de reconfigurer les services afin de faciliter le déploiement des services AHV dégroupés aux concurrents, y compris dans d’autres marchés au Canada. Dans la décision de télécom 2023-53, le Conseil a conclu qu’il n’y avait pas de moyen efficace de reconfigurer les services AHV dégroupés pour les rendre viables. Il a aussi conclu que les services AHV dégroupés obligatoires n’avaient pas permis d’atteindre un objectif essentiel du cadre des services AHV de gros, comme s’assurer que les consommateurs canadiens bénéficient d’un marché de services Internet plus concurrentiel.

Avis de consultation de télécom 2023-56

  1. Le Conseil a lancé l’examen actuel du cadre des services AHV de gros dans l’avis de consultation de télécom 2023-56 (Avis). Dans l’Avis, le Conseil a indiqué que bien que la réglementation des services de gros demeurait le moyen privilégié d’aborder les préoccupations concernant la concurrence dans le marché des services de détail, le cadre actuel n’atteignait pas efficacement cet objectif. Le Conseil a donc sollicité des observations sur des questions de politique générale dans le but de créer un cadre à jour et plus efficace.
  2. Le Conseil a lancé l’examen car il reconnaissait que les conditions du marché des services de détail évoluent rapidement. Comme les ESLT déploient de manière constante des installations FTTP dans leurs territoires de desserte, les consommateurs adoptent de plus en plus des services FTTP. Simultanément, les parts de marché des concurrents fondés sur les services de gros diminuent. Le Conseil a également reconnu l’asymétrie existante entre les ESLT et les entreprises de câblodistribution dans le nombre d’abonnés à leurs services AHV groupés. En particulier, le Conseil a fait remarquer qu’un grand nombre d’abonnés aux services de gros achètent les services AHV groupés des entreprises de câblodistribution qui fournissaient des vitesses plus élevées que celles qui pouvaient être possibles dans le cadre des services AHV groupés des ESLT. Dans ces circonstances, et compte tenu du déploiement limité des services AHV dégroupés, le Conseil craignait que l’asymétrie qui en résultait avait faussé le marché, limité le choix des concurrents et, ultimement, limité de façon générale la concurrence dans le marché des services de détail, affectant donc négativement les consommateurs canadiens. Le Conseil estimait donc, dans ces circonstances, qu’il n’était pas raisonnable d’attendre des concurrents qu’ils s’appuient sur un cadre qui ne fournit pas d’accès viable aux installations FTTP.
  3. Compte tenu de ces préoccupations, ainsi que du temps considérable qui serait nécessaire pour constituer un dossier suffisant pour régler les principales questions concernant les services AHV de gros, le Conseil a établi une partie distincte et accélérée de l’instance (processus accéléré). Dans le cadre du processus accéléré, le Conseil a sollicité des observations sur son point de vue préliminaire selon lequel la fourniture d’installations FTTP au moyen des services AHV groupés devrait être obligatoire sur une base temporaire et accélérée, jusqu’à la fin de l’instance plus large portant sur l’examen du cadre pour les services AHV de gros (examen élargi).
  4. Dans l’Avis, le Conseil a affirmé que toute conclusion de rendre obligatoire l’accès temporaire aux installations FTTP au moyen des services AHV groupés (ci-après appelé l’accès aux services groupés FTTP) n’était pas une mesure de redressement par voie d’injonction mais plutôt une question de politique générale. À ce titre, la question ne serait pas évaluée en fonction des critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 (RJR-Macdonald) [c.-à-d. le test RJR-MacDonald]Note de bas de page 3, mais plutôt en fonction des pouvoirs et des fonctions prévus par la Loi sur les télécommunications (Loi) et du mandat du Conseil d’exercer ses pouvoirs et ses fonctions de manière à favoriser la mise en œuvre des objectifs de la politique canadienne de télécommunication énoncés à l’article 7 de la Loi (objectifs stratégiques de la Loi) et des instructions applicables.
  5. Le Conseil a reçu des interventions concernant le processus accéléré des parties suivantes : Beanfield Technologies Inc.; Bell Canada; Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink); Campbell Patterson Communications; le Canadian Anti-Monopoly Project; le Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP); Cogeco Communications inc. (Cogeco); Community Fibre Company; Devtel Communications Inc.; IGS Hawkesbury Inc., Iristel Inc.; National Capital FreeNet; OpenMedia; les Opérateurs des réseaux concurrentiels Canadiens (ORCC); Québecor Média inc., au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron); Rogers Communications Canada Inc. (RCCI); Saskatchewan Telecommunications (SaskTel); SkyChoice Communications Inc.; TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy); TELUS Communications Inc. (TCI); Truespeed Internet Services Inc.; Vaxination Informatique; Vaxxine Computer Systems Inc.; WaveDirect Telecommunications; et plus de 300 particuliers.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Le Conseil est-il tenu d’appliquer le test RJR-MacDonald? Sinon, le Conseil a-t-il respecté l’équité procédurale dans la description de l’approche qu’il adopterait pour évaluer la question à l’étude?
    • Si le Conseil décide de rendre obligatoire l’accès temporaire aux services groupés FTTP, aura-t-il préjugé la question de savoir si un tel accès devrait être rendu obligatoire à plus long terme?
    • La dérogation du Conseil à l’égard du test RJR-MacDonald est-elle conforme aux Instructions de 2023?
    • Le Conseil devrait-il rendre obligatoire sur une base temporaire et accélérée l’accès aux services groupés FTTP jusqu’à ce que l’examen élargi soit terminé?
    • Si le Conseil rend obligatoire sur une base temporaire et accélérée l’accès aux services groupés FTTP, quelle devrait être la portée de cette obligation?
  2. Les autres questions soulevées dans l’Avis seront abordées après la conclusion de l’audience publique lancée dans l’avis.

Le Conseil est-il tenu d’appliquer le test RJR-MacDonald? Sinon, le Conseil a-t-il respecté l’équité procédurale dans la description de l’approche qu’il adopterait pour évaluer la question à l’étude?

Positions des parties

  1. Bell Canada et TCI ont argué que la mesure de redressement provisoire proposée par le Conseil dans son avis préliminaire dans le processus accéléré est une injonction interlocutoire obligatoire. Elles ont soutenu en ce sens que la mesure de redressement i) est censée durer jusqu’à ce que le Conseil tranche sur les questions énoncées dans l’Avis de manière définitive; et ii) exige que les parties visées agissent de façon positive en offrant un accès temporaire aux services groupés FTTP en attendant l’issue de l’examen. Bell Canada et TCI ont toutes les deux fait valoir que le Conseil doit utiliser le test d’injonction élaboré par les tribunaux dans l’affaire RJR-MacDonald pendant l’étude de la question soulevée dans le processus accéléréNote de bas de page 4. TCI a en outre soutenu que ne pas le faire constituerait une erreur de droit.
  2. Bell Canada et TCI ont argué que si le Conseil n’était pas tenu d’utiliser le test RJR-MacDonaldNote de bas de page 5, il devait alors, conformément aux exigences en matière d’équité procédurale, justifier sa dérogation à sa pratique conforme antérieure et informer les parties du test sur lequel il s’appuiera. Bell Canada, se référant à la doctrine d’attentes légitimes, a soutenu qu’il serait inéquitable pour le Conseil de ne pas appliquer le test RJR-MacDonald, a établi dans dans l’avis de pratique de 1997Note de bas de page 6 comme étant le test qu’il appliquerait dans de telles situations, sans indiquer clairement quel autre test le Conseil a l’intention d’appliquer et sans fournir aux parties la possibilité de formuler des observations sur la dérogation à un tel précédent.
  3. Bell Canada a indiqué que le Conseil n’avait fourni aucune directive utile quant au cadre qui serait appliqué, mais a plutôt suggéré qu’il tiendrait compte de ses fonctions, de ses pouvoirs et de son mandat généraux prévus par la loi. TCI a argué qu’il ne s’agissait pas d’un test mais plutôt d’un énoncé des facteurs dont le Conseil doit tenir compte pour prendre toutes les décisions.
  4. Le CDIP, le CORC, TekSavvy et Vidéotron ont contesté les arguments selon lesquels le Conseil avait manqué à l’équité procédurale en n’appliquant pas le test RJR-MacDonald et en ne définissant pas le test de rechange qu’il avait l’intention d’appliquer. En particulier, ils ont fait valoir que le Conseil n’est pas tenu d’appliquer le test RJR-MacDonald pour déterminer s’il doit accorder des mesures provisoires parce que l’avis de pratique n’est pas contraignant et que le législateur a rendu le Conseil maître de sa propre procédure.
  5. Les ORCC ont indiqué que le Conseil s’était entièrement conformé aux exigences relatives aux avis quand il a énoncé ses intentions d’évaluer la question à l’étude en ce qui concerne i) les pouvoirs et les fonctions prévus par la Loi, et ii) le mandat du Conseil d’exercer ses pouvoirs et ses fonctions de manière à favoriser la mise en œuvre des objectifs stratégiques de la Loi et des instructions applicables. Les ORCC ont soutenu que c’est ainsi que le Conseil prend la plupart de ses décisions réglementaires, et que procéder ainsi n’est pas une erreur de droit.

Analyse du Conseil

  1. Le Conseil estime que la question de savoir s’il faut imposer un accès temporaire aux services groupés FTTP est une question de politique axée sur la réalisation des objectifs stratégiques de la Loi. Le simple fait d’exiger d’une entreprise qu’elle fasse quelque chose ou qu’elle ne fasse pas quelque chose en utilisant les larges pouvoirs prévus par la Loi, même si c’est sur une base temporaire ou intérimaire, n’est pas en soi une mesure de redressement par voie d’injonction. Une telle mesure est plutôt un type de mesure plus restreint conçu pour aider à la capacité de plaider correctement et utilement une mesure de redressement juridique substantielle. Le test RJR-MacDonald, qu’il soit ou non modifié comme indiqué dans l’arrêt R c. SRC, reflète cet objectif.
  2. La question à l’étude dans le processus accéléré a des caractéristiques qui la différencient de celles qui déterminent la mesure de redressement par voie d’injonction interlocutoire. Le Conseil a établi le processus accéléré pour examiner une question en tant que tel. La question posée n’est pas de savoir si un accès temporaire doit être accordé pour préserver les droits des parties dans l’attente de l’issue d’une demande. Il s’agit plutôt de savoir si des mesures générales immédiates doivent être prises pour garantir la réalisation des objectifs stratégiques de la Loi. Le processus établi dans l’Avis a permis d’établir un dossier distinct à partir duquel rendre une décision. Ce processus a permis aux intéressés de faire connaître leur point de vue sur le bien-fondé de la question, de fournir des preuves à l’appui et de discuter des mémoires d’autres parties.
  3. Même si la question actuelle était de nature intrinsèquement injonctive, le Conseil estime qu’il n’est pas légalement tenu d’appliquer le test RJR-MacDonald dans toutes les situations impliquant une demande de suspension des ordonnances ou une mesure de redressement par voie d’injonctionNote de bas de page 7. Dans ce cas, le Conseil est d’avis qu’il n’est pas utile ou instructif de se concentrer sur la question de savoir si, par exemple, le fait de ne pas imposer un accès temporaire aux services groupés FTTP causera ou non un préjudice irréparable à une entreprise individuelle. Les considérations du Conseil sont plutôt axées sur la viabilité du marché concurrentiel dans son ensemble, et sur la disponibilité du choix et l’abordabilité pour la population canadienne à court terme.
  4. En ce qui concerne les préoccupations en matière d’équité procédurale liées à la manière dont le Conseil a décrit l’approche qu’il adopterait pour évaluer la question à l’étude, le Conseil estime qu’il n’est pas tenu d’établir et de définir un test officiel ayant des étapes distinctes et séquentielles. L’Avis a indiqué que le Conseil tranchera sur cette affaire en s’appuyant sur ses pouvoirs complets et ses fonctions prévus dans la Loi, de manière à mettre en œuvre les objectifs stratégiques et les instructions applicables. Cela est conforme à la pratique habituelle du Conseil.
  5. Le Conseil souligne qu’au paragraphe 159 de la politique réglementaire de télécom 2021-130, il a déclaré qu’il peut y avoir d’autres bases sur lesquelles on peut fonder une intervention réglementaire dans les marchés des services de gros, mais qu’« […] il convient, d’une manière générale, de considérer cette intervention réglementaire comme un moyen de régler des situations de préférence indue ou de discrimination injuste […]. » Les considérations qui permettent de déterminer si les préoccupations relatives à la préférence indue ou à la discrimination injuste selon le paragraphe 27(2) de la Loi sont certes variées, mais pas inconnues. Certaines d’entre elles sont présentées dans la politique réglementaire de télécom 2021-130, alors que d’autres sont indiquées dans d’autres décisions du Conseil. Des considérations semblables guideraient aussi le Conseil dans l’utilisation d’autres pouvoirs conférés par la loi, comme ceux énoncés aux articles 24 et 32.
  6. En outre, la question examinée dans le cadre du processus accéléré n’est pas étudiée dans un vide réglementaire. De nombreuses conclusions ont été tirées qui sont pertinentes à une décision sur la question. Le Conseil estime que plus de 20 ans se sont écoulés depuis qu’il a conclu qu’il y avait des problèmes sur le marché des services de détail qui justifiaient une intervention sur le marché des services de gros. Tout récemment, dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a conclu que l’accès imposé aux installations FTTP est approprié et nécessaire pour résoudre les problèmes cernés dans le marché des services de détail. Le Conseil a initialement soumis cet accès à des restrictions afin d’encourager la migration des services AHV groupés vers les services AHV dégroupés. Toutefois, après un certain nombre d’instances réglementaires, le Conseil a déterminé dans la décision de télécom 2023-53 que la mise en œuvre prévue et la migration vers les services AHV dégroupés ne réglaient pas les problèmes sur le marché des services de détail.
  7. Ces questions sous-jacentes continueront d’être examinées dans le cadre de l’examen élargi, mais le Conseil a évalué la question de l’accès temporaire aux services AHV groupés FTTP en tenant compte de ces conclusions antérieures.
  8. Finalement, en ce qui concerne l’équité procédurale, le Conseil n’estime pas qu’il soit exact de dire que ne pas appliquer le test RJR-MacDonald représente un écart par rapport à sa pratique déclarée qui est reflétée dans l’avis de pratique de 1997. Le Conseil fait remarquer que, par sa formulation même, l’avis de pratique s’appliquait aux « requêtes », alors que c’est le Conseil qui a publié l’Avis.

Si le Conseil décide de rendre obligatoire l’accès temporaire aux services AHV groupés FTTP, aura-t-il préjugé la question de savoir si un tel accès devrait être rendu obligatoire à plus long terme?

Positions des parties

  1. Bell Canada, SaskTel et TCI ont fait valoir que si le Conseil exige la mise en place d’un service provisoire avant que l’examen élargi soit terminé, cette exigence préjugera de la décision d’exiger ou non le service sur une base plus permanente. Bell Canada et TCI ont soutenu que, dans la mesure où le Conseil n’appliquerait pas le test RJR-MacDonald – la version initiale du test ou tel qu’il a été modifié dans l’affaire R c. SRC – la décision qui exigerait un accès temporaire aux services groupés FTTP présumerait le résultat des questions à l’étude dans le cadre de l’examen élargi. Bell Canada et TCI ont soutenu que, dans la mesure où le Conseil utiliserait la même approche générale pour répondre à la question à l’étude dans le cadre du processus accéléré que pour répondre à des questions semblables dans le cadre de l’examen élargi, il était peu probable que le Conseil tire une différente conclusion dans l’examen élargi.
  2. Les ORCC ont indiqué que tout argument selon lequel le Conseil préjuge les résultats de l’instance est non fondé, car rien n’empêche le Conseil d’imposer l’accès temporaire aux services groupés FTTP mais de décider plus tard, après avoir étudié plus d’éléments de preuve pendant l’examen élargi, de ne pas imposer l’accès à plus long terme.

Analyse du Conseil

  1. Le Conseil fait remarquer que, de manière générale, une personne qui allègue que l’issue d’une instance est déterminée à l’avance doit présenter de solides preuvesNote de bas de page 8.
  2. Le Conseil estime que la question à l’étude dans le processus accéléré et celles à l’étude dans l’examen élargi ne sont pas les mêmes. La question qui se pose dans le cadre du processus accéléré est de savoir si des considérations stratégiques justifient une obligation d’accès temporaire aux services groupés FTTP. L’examen élargi pose des questions fondamentales sur les fondements de l’ensemble du régime lui-même, y compris les services AHV groupés. Par exemple, dans le cadre de l’examen élargi, le Conseil pourrait imposer un service groupé FTTP à plus long terme qui serait plus large, plus étroit ou autrement différent de celui résultant du processus accéléré. Le Conseil pourrait également apporter d’autres ajustements au cadre des services AHV en plus de rendre obligatoire l’accès temporaire aux services groupés FTTP.
  3. Comme indiqué plus loin dans la présente décision, dans son analyse de la question de mettre en œuvre un accès temporaire aux services groupés FTTP, le Conseil se préoccupe explicitement de relever les défis qu’un tel accès temporaire impliquerait, et intègre des solutions qui limitent les incidences possibles dans l’examen élargi.
  4. Le Conseil étudie les différentes questions en fonction de leurs propres mérites et selon les dossiers de preuve distincts qui sont constitués. En outre, le Conseil estime qu’un avis préliminaire éclairé ne suggère pas qu’il est probable qu’on tranchera sur une question de façon particulière.

La dérogation du Conseil à l’égard du test RJR-MacDonald est-elle conforme aux Instructions de 2023?

Positions des parties

  1. Tant Bell Canada que TCI ont soutenu que renoncer au test RJR-MacDonald dans le processus accéléré serait contraire à l’article 3 des Instructions de 2023, qui énonce que le Conseil devrait veiller à ce que ses instances et ses décisions soient transparentes, prévisibles et cohérentes. Plus précisément, Bell Canada a argué que les procédures administratives comme le test RJR-MacDonald existent pour veiller à ce que les instances soient transparentes, prévisibles et cohérentes. De plus, elle a soutenu qu’exiger la mise en place d’un régime temporaire sans s’assurer de la conformité à ce test serait contraire à l’article 3 des Instructions de 2023. TCI a argué que même si le Conseil n’était pas tenu d’appliquer le test RJR-MacDonald, il devait quand même exercer son pouvoir discrétionnaire en vue de garantir la cohérence. TCI a ajouté que le Conseil est vulnérable à l’incohérence s’il ne justifie pas pourquoi il n’a pas appliqué le test.

Analyse du Conseil

  1. Le Conseil est d’avis qu’en indiquant l’approche selon laquelle il examinera la question, qui est une pratique habituelle et prévisible du Conseil connue par les parties, il a assuré la transparence de son processus décisionnel.
  2. De l’avis du Conseil, le processus accéléré établi dans l’Avis a permis une analyse complète de la question pertinente. On a compilé les renseignements pour un dossier complet, ce qui permet aux parties de faire connaître leur point de vue sur cette question, de déposer des éléments de preuve à l’appui et de répondre aux observations des autres parties.

Le Conseil devrait-il rendre obligatoire sur une base temporaire et accélérée l’accès aux services groupés FTTP jusqu’à ce que l’examen élargi soit terminé?

Positions des parties

  1. Les entreprises titulaires, à l’exception de Vidéotron, ont généralement soutenu qu’un accès temporaire aux services groupés FTTP ne devrait pas être imposé pour trois raisons principales :
    • l’avis préliminaire du Conseil est sans fondement et n’établit pas l’urgence de cette mesure, étant donné qu’il n’y a pas de preuve de préjudice important envers les concurrents découlant d’un manque d’accès aux services groupés FTTP;
    • les concurrents ont déjà accès à des services AHV groupés à plus haute vitesse sur les réseaux des entreprises de câblodistribution, et la demande pour ces services est faible;
    • une décision en vue d’imposer un accès temporaire aux services groupés FTTP ne tiendrait pas compte de l’incidence négative sur les investissements, surtout compte tenu de l’état actuel du déploiement de la fibre où les ESLT ont une grande couverture sans accès à la FTTP et où les services FTTP des entreprises de câblodistribution sont à leurs débuts.
  2. Bell Canada et RCCI ont soutenu que les parts de marché ne sont pas suffisantes pour démontrer une domination du marché, et que les renseignements sur les parts de marché nationales pour les services groupés ne sont pas concluants ou même suggestifs d’un pouvoir de marché. Elles ont argué qu’il serait prématuré d’imposer l’accès aux services groupés FTTP si on n’avait pas d’abord effectué une évaluation complète du caractère essentiel, y compris la définition des marchés pertinents et l’évaluation de l’offre et de la demande dans ces marchés.
  3. Bell Canada a argué que les acquisitions récentes de concurrents à des valorisations supérieures indiquent que le marché fondé sur les services de gros est solide, et que les entreprises acquises avaient une valeur pour favoriser l’entrée des entreprises titulaires dans de nouveaux segments de marché.
  4. Bell Canada et RCCI ont aussi soutenu qu’il était peu probable que les concurrents fondés sur les services de gros subiraient un préjudice important si des mesures de redressement n’étaient pas accordées de façon accélérée. Elles ont argué que les entreprises de câblodistribution fournissent des services AHV groupés à une vitesse allant jusqu’à 1,5 gigabit par seconde (Gbps) mais qu’il y a eu peu d’utilisation du service. Elles ont soutenu que les concurrents fondés sur les services de gros semblent se concentrer sur les segments de marché à plus faible vitesse.
  5. Bell Canada, RCCI et TCI ont argué que la mise en place de l’accès temporaire aux services groupés FTTP freinerait les investissements. Elles ont précisé que le Conseil doit maintenir les conditions nécessaires à la poursuite des investissements dans les réseaux à large bande afin que les entreprises puissent obtenir un rendement raisonnable du capital investi et éviter de creuser les écarts dans les petites collectivités rurales, où l’incitatif habituel pour des investissements privés n’est pas si important.
  6. Des concurrents, des groupes de défense des droits des consommateurs et Vidéotron ont généralement soutenu l’avis préliminaire du Conseil selon lequel l’accès temporaire aux services groupés FTTP de façon accélérée devrait être obligatoire. Ils ont argué que l’accès aux services dégroupés FTTP s’est avéré irréalisable et que, par conséquent, les concurrents n’ont pas la capacité efficace de desservir un nombre croissant de ménages desservis exclusivement par des installations FTTP. À l’appui de cet argument, ils ont souligné qu’on retire l’infrastructure AHV préexistante et que, dans les nouvelles constructions, les entreprises titulaires font seulement le déploiement d’installations FTTP.
  7. Des concurrents, des groupes de défense des droits des consommateurs et Vidéotron ont aussi indiqué que le marché des services de détail est confronté à un déclin continu de la vigueur concurrentielle. Ils ont fait remarquer que depuis 2019, la part de marché des petits fournisseurs de services Internet a diminué, alors que le nombre total d’abonnements aux services Internet de résidence a augmenté, et que la concurrence a encore diminué en raison de l’acquisition de concurrents par des entreprises titulaires.
  8. Des concurrents et des groupes de défense des droits des consommateurs ont fait part de préoccupations concernant le nombre d’acquisitions récentes de concurrents fondés sur les services de gros. Le Canadian Anti-Monopoly Project, les ORCC et TekSavvy ont soutenu que l’acquisition rapide des plus grands concurrents fondés sur les services de gros démontre un marché intenable où les concurrents fondés sur les services de gros ne sont pas suffisamment encouragés à croître et quittent plutôt le marché au détriment de la concurrence. Selon le CDIP, ces acquisitions laissent présager un risque d’échec imminent pour les fournisseurs de services Internet indépendants restants.
  9. Enfin, en ce qui concerne l’incitation à investir, des concurrents et des groupes de défense des droits des consommateurs, ainsi que Vidéotron, ont argué que les tarifs de gros établis par la méthode de la Phase II assurent une indemnisation adéquate et fournissent un taux de rendement qui motive des investissements continus. Ils ont soutenu que cela fait plus de sept ans que les entreprises titulaires n’ont pas de mandat efficace pour l’accès à des installations FTTP de gros dans lesquelles recouvrer leurs investissements, et que des fonds publics sont disponibles pour encourager des investissements dans des régions  où la FTTP n’a pas encore été déployée.

Analyse du Conseil

  1. En ce qui concerne le caractère essentiel, le Conseil reconnaît qu’après huit ans, il faut revoir le cadre défini dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 pour déterminer si des ajustements sont nécessaires pour refléter les conditions actuelles du marché. Pour cette raison, l’évaluation du caractère essentiel et les conclusions se rapportant au caractère essentiel indiquées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 font partie de la portée de l’examen élargi. Cela dit, compte tenu du besoin urgent d’une solution démontré ci-après, et de la nature temporaire du service à l’étude, le Conseil estime qu’il ne serait pas approprié d’effectuer une analyse séparée et prolongée du caractère essentiel, pendant le déroulement de l’examen élargi. Le Conseil continuera plutôt de s’appuyer largement sur les conclusions relatives aux conditions de marché qui sont énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2015-326.
Les services AHV dégroupés n’ont pas soutenu la concurrence
  1. Dans les années qui ont suivi la publication de la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a établi des configurations de service et des tarifs provisoires pour les services AHV dégroupés en Ontario et au Québec. Toutefois, la mise en place du service a été lente, et l’utilisation est minime depuis. Le service est offert depuis plus de cinq ans, mais le nombre total d’abonnés aux services AHV de gros dégroupés représente moins de 1 % de tous les abonnés à des services AHV, dont aucun n’utilise un service dégroupé FTTP. De plus, dans la décision de télécom 2023-53, le Conseil a conclu qu’il n’y avait pas de moyen efficace de reconfigurer les services AHV dégroupés pour accroître la demande. Pour ces raisons, le Conseil estime que les services AHV dégroupés ne sont pas une option viable pour soutenir largement la concurrence nécessaire pour répondre aux besoins de la population canadienne.
Les services AHV dégroupés ne sont pas viables et doivent être complétés
  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a conclu que les entreprises titulaires avaient un pouvoir de marché en amont et en aval en matière de fourniture de services AHV de gros. Tant les services AHV groupés que dégroupés étaient envisagés comme des solutions pour remédier à ce pouvoir de marché, mais on a d’abord imposé les services AHV dégroupés, car ils étaient considérés comme étant essentielsNote de bas de page 9. Toutefois, le Conseil fait remarquer que la décision de ne pas imposer les services AHV groupés dépendait en partie de la mise en place de services AHV dégroupés viables pour discipliner les marchés. Étant donné que les services AHV dégroupés ne sont pas une option viable, le Conseil estime qu’il serait conforme au cadre existant d’imposer la fourniture de services AHV groupés pour agir à l’égard du pouvoir de marché des entreprises titulaires.
Préoccupations concernant la discrimination injuste et la préférence indue ou déraisonnable
  1. Dans la décision de télécom 2021-130, le Conseil a conclu que lorsqu’une entreprise titulaire qui détient un pouvoir de marché tant en amont qu’en aval ne fournit pas un accès non négligeable aux services de gros essentiels, elle se confère à elle-même une préférence indue ou déraisonnable et elle assujettit ses concurrents à un désavantage déraisonnable.
  2. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a conclu que les entreprises titulaires possèdent un pouvoir de marché en amont. Par conséquent, si on devait refuser l’accès aux services AHV de gros, y compris aux services FTTP de gros, il y aurait une réduction de la concurrence dans le marché des services de détail en aval. Le Conseil estime donc qu’il est nécessaire de s’assurer qu’il y a un service de gros réalisable disponible pour répondre aux préoccupations concernant la discrimination injuste et la préférence indue ou déraisonnable.
  3. Le Conseil a initialement imposé les services AHV dégroupés de gros pour répondre à ces préoccupations, mais il a depuis déterminé que les services ne sont pas largement viables pour soutenir la concurrence. Il n’y a donc pas à l’heure actuelle un service de gros réalisable et disponible qui permet l’accès aux installations FTTP des entreprises titulaires d’une manière qui atténue efficacement les préoccupations liées à la discrimination injuste et à la préférence indue ou déraisonnable.
Nécessité d’un accès de gros réalisable aux installations FTTP des entreprises titulaires
  1. Dans l’Avis, le Conseil a relevé plusieurs tendances qui suggèrent que les concurrents fondés sur les services de gros sont confrontés à des conditions de marché difficiles. Plus la couverture par fibre des entreprises titulaires s’étendait, plus l’incidence de la concurrence sur le marché des concurrents fondés sur les services de gros baissait.
  2. Contrairement aux déclarations des entreprises titulaires, selon lesquelles il n’y a pas d’urgence ou de preuve de préjudice envers les concurrents, les renseignements sur le marché recueillis dans le cadre du processus accéléré démontrent que la base d’abonnés de concurrents fondés sur les services de gros a connu une forte baisse. Le nombre total d’abonnés desservis par des services fondés sur des services de gros, soit par des concurrents fondés sur les services de gros soit par des filiales ou des affiliées d’une entreprise titulaire, a diminué de près de 18,5 % depuis la fin de l’année 2020.
  3. Entre-temps, les entreprises titulaires ont récemment acquis plusieurs concurrentsNote de bas de page 10, ce qui limite davantage les choix concurrentiels. Avant 2020, les filiales des entreprises titulaires représentaient moins de 1 % des abonnements à des services fondés sur des services de gros. Aujourd’hui, près de 28 % des abonnés à des services fondés sur des services de gros s’y sont inscrits par l’un des plus de six anciens concurrents qui ont été acquis par des entreprises titulaires depuis 2022. Par conséquent, le nombre total d’abonnements à des services de concurrents fondés sur les services de gros qui ne sont pas affiliés à une entreprise titulaire a diminué de 40 % à l’échelle du pays depuis la fin de l’année 2020.
  4. Au cours des dernières années, les entreprises titulaires ont constamment augmenté le déploiement d’installations FTTP, de sorte que, à la fin de 2022, près de deux tiers des locaux canadiens couverts par les grandes entreprises titulaires à l’extérieur des territoires avaient accès aux services FTTP. Bien que les ESLT continuent d’avoir les déploiements FTTP les plus importants, les entreprises de câblodistribution continuent aussi d’investir dans la fibre. On le voit dans la croissance du nombre de locaux ayant accès à des installations FTTP appartenant à des entreprises de câblodistribution, qui a augmenté de 45 % entre la fin de 2020 et la fin de 2022.
  5. De plus, la demande des consommateurs pour des services à plus haute vitesse a continué de croître au cours des trois dernières années. Depuis 2020, la part d’abonnés ayant des vitesses de téléchargement d’un gigabitNote de bas de page 11 ou plus a plus que doublé, passant de moins de 9 % à plus de 18 % de l’ensemble des abonnés, et près de deux tiers de ces clients sont abonnés à des services FTTP offerts par une ESLT.
  6. Le Conseil reconnaît que les entreprises de câblodistribution fournissent des services de gros à des gammes de vitesses supérieures dans de nombreuses régions, et que dans ces régions, les concurrents ont la capacité d’offrir des services de détail à plus haute vitesse par des services AHV groupés existants. Toutefois, l’utilisation de ce service est limitée; il y a moins de 6,5 % des abonnements à des services fondés sur des services de gros à des vitesses de téléchargement de 300 mégabits par seconde ou plus à la fin de 2022, par rapport à plus de 43 % des abonnements d’entreprises titulaires à ces vitesses plus élevées. Étant donné que les réseaux des entreprises de câblodistribution permettent la disponibilité de services de gros à ces vitesses plus élevées, on ne sait pas pourquoi les concurrents fondés sur les services de gros n’attirent pas plus d’abonnés pour des services à vitesse plus élevée. Il s’agit d’une considération importante qui pourrait être examinée dans le cadre de l’examen élargi du cadre des services AHV de gros.
  7. De plus, le Conseil estime que si l’accès des concurrents aux services AHV de gros des entreprises de câblodistribution atténue certaines préoccupations, il y a quand même beaucoup de ménages où les options concurrentielles sont actuellement limitées par l’absence d’un accès viable à des installations FTTP, par exemple dans de nombreuses nouvelles zones.
  8. En même temps, il est clair pour le Conseil que la demande des consommateurs pour des services Internet à des vitesses d’un gigabit ou plus augmente rapidement. Tant les ESLT que les entreprises de câblodistribution ont beaucoup investi dans des améliorations du réseau et des déploiements de fibre, apparemment en vue de répondre à cette demande croissante. Dans ces circonstances, le Conseil est d’avis que le fait que les concurrents n’étaient pas en mesure de fournir des services au moyen de réseaux FTTP a grandement nui à leur capacité d’exercer une concurrence efficace. En outre, le Conseil craint que cette incidence négative sur la concurrence fondée sur les services de gros s’aggravera encore avec le temps. Sans intervention réglementaire, une véritable concurrence dans les services fondés sur les services de gros continuera de diminuer.

Conclusion

  1. Par le passé, le Conseil n’avait pas conclu que l’accès aux services groupés FTTP était essentiel et ne l’avait donc pas imposé. Toutefois, bien que les services AHV groupés comprenaient auparavant des éléments de transport duplicables, le Conseil est d’avis que ce service est actuellement le seul moyen viable pour fournir rapidement aux concurrents l’accès aux installations FTTP des entreprises titulaires. Un tel accès permettrait des solutions de rechange concurrentielles pour les Canadiennes et les Canadiens qui veulent des services Internet de détail à plus haute vitesse.
  2. Dans ces circonstances, le Conseil est d’avis qu’il est nécessaire d’appuyer la concurrence en obligeant un accès temporaire aux services groupés FTTP. Grâce à cet accès, les concurrents fondés sur les services de gros peuvent offrir plus efficacement aux consommateurs des services à des vitesses supérieures. Le Conseil estime qu’une telle obligation aiderait à stabiliser la concurrence et à répondre aux préoccupations concernant la discrimination injuste et la préférence indue ou déraisonnable pendant que le Conseil examine les questions soulevées lors de l’examen élargi. En même temps, le Conseil estime que cette obligation serait également entièrement conforme aux Instructions de 2023, qui lui ordonnent de rendre l’accès AHV groupé disponible jusqu’à ce qu’il détermine qu’une concurrence élargie, durable et significative perdurera même si la fourniture de l’accès AHV groupé ne sera plus obligatoire.
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine qu’il imposera l’accès aux services groupés FTTP, sur une base temporaire et accélérée, jusqu’à ce qu’il prenne une décision à savoir si un tel accès doit être offert à plus long terme.
  4. Ayant rendu cette conclusion, le Conseil doit maintenant établir les détails de l’obligation d’accès temporaire aux services groupés FTTP.

Quelle devrait être la portée de l’accès temporaire aux services groupés FTTP?

Positions des parties

  1. Les entreprises titulaires, à l’exception de Vidéotron, ont généralement laissé entendre qu’imposer un accès temporaire aux services groupés FTTP nuirait à la poursuite des investissements. Elles ont soutenu que cet effet serait particulièrement ressenti dans les régions moins densément peuplées, où l’analyse de rentabilité du déploiement révèle un faible rendement. Les entreprises de câblodistribution ont indiqué qu’une décision de rendre l’accès obligatoire risquerait de compromettre la poursuite des investissements dans leur déploiement FTTP, qui en est à ses débuts pour le moment. De nombreuses entreprises titulaires ont aussi prétendu qu’il y avait un risque d’investissements figés si le Conseil établissait un accès temporaire aux services FTTP à grande échelle, pour ensuite réduire la portée ou encore l’éliminer complètement.
  2. Les concurrents, ainsi que Vidéotron, ont soutenu que l’accès temporaire obligatoire aux services groupés FTTP ne nuirait pas aux incitatifs à investir des entreprises titulaires. Ils ont soutenu que les entreprises titulaires pourront recouvrer leurs investissements dans la FTTP par les tarifs de gros établis au moyen de la méthode de la Phase II.
  3. Les entreprises de câblodistribution ont indiqué que, contrairement aux ESLT, leurs déploiements de FTTP sont à leur début et représentent un petit pourcentage du nombre total de ménages ayant accès. Elles ont aussi fait remarquer qu’elles continuent d’offrir des services AHV groupés à des vitesses d’un gigabit ou plus sur leurs grands réseaux de fibre coaxiale hybride. Par conséquent, elles ont argué que les inclure dans une obligation d’accès temporaire à des services groupés FTTP n’apporterait qu’un avantage supplémentaire limité à la concurrence.
  4. Vidéotron a indiqué que le Conseil devait agir rapidement pour mettre en œuvre l’accès temporaire aux services groupés FTTP. Elle a soutenu que des retards indus créent de l’incertitude et peut influer sur les décisions d’investissement. Elle a également affirmé que la rapidité avec laquelle le Conseil agira aura une incidence directe sur le succès des objectifs commerciaux de Vidéotron en vue d’agir comme concurrent fondé sur les services de gros en dehors de ses territoires de desserte à titre de titulaire.

Analyse du Conseil

  1. Le Conseil estime que l’objectif de l’accès temporaire aux services groupés FTTP est de corriger le déclin continu et considérable de la concurrence fondée sur les services de gros dans le marché des services de détail. Cet accès répondra aussi aux préoccupations concernant la discrimination injuste et la préférence indue par rapport aux installations FTTP. Compte tenu des renseignements sur le marché recueillis dans le cadre de ce processus accéléré, le Conseil est d’avis qu’il doit agir rapidement pour stabiliser le marché concurrentiel.
  2. Des préoccupations ont été soulevées concernant l’incidence négative potentielle que l’accès temporaire obligatoire aux services groupés FTTP pourrait avoir sur les investissements dans des installations de fibre. Le Conseil est également conscient qu’il y a des coûts liés à la mise en œuvre de tout service de gros, et que certaines parties s’inquiètent d’engager ces coûts pour mettre en place l’accès temporaire où il y a peu de présence concurrentielle. Ces parties se demandent également de quelle façon ces coûts pourraient être recouvrés dans l’éventualité où l’accès temporaire aux services groupés FTTP était retiré en raison des conclusions tirées lors de l’examen élargi. Le Conseil estime que de telles préoccupations, si elles surviennent, ne sont pas insurmontables d’un point de vue réglementaire. Il est prêt à traiter ces questions plus tard au besoin.
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime qu’il serait prudent de réduire la portée de l’obligation d’accès temporaire aux services groupés FTTP, de sorte qu’elle ne s’applique qu’à des entreprises qui offrent des services dans des régions où la concurrence fondée sur les services de gros est le plus manifestement en déclin. Selon le dossier de la présente instance, le Conseil estime qu’un champ d’application plus restreint réduirait l’incidence potentielle sur les concurrents et les entreprises titulaires si le Conseil décidait ultérieurement que l’accès temporaire aux services groupés FTTP n’est pas nécessaire à plus long terme ou qu’il doit être fourni dans le cadre de différentes configurations de services. En même temps, un champ d’application plus restreint garantirait plus de choix et une plus grande abordabilité le plus rapidement possible, étant donné que le temps nécessaire pour établir les tarifs et les modalités de l’accès temporaire aux services groupés FTTP serait réduit.

Qui devrait mettre en œuvre l’accès temporaire aux services groupés FTTP?

Positions des parties

  1. Cogeco, Eastlink et RCCI ont indiqué que leurs activités de déploiement par fibre en sont encore à leurs débuts. RCCI a indiqué qu’elle n’avait pas encore entièrement déployé la fibre dans la majorité de sa zone de couverture des services filaires. Cogeco a fait savoir que la plupart de ses installations FTTP avaient été déployées au cours de la dernière année et qu’elle n’avait pas encore la masse critique de clients nécessaire pour commencer à amortir les coûts des installations. Eastlink a fait remarquer qu’elle a déployé la FTTH dans moins de 1 % des ménages de son réseau.
  2. Cogeco, Eastlink et RCCI ont aussi précisé qu’elles ne déploient généralement des installations FTTP que dans les régions où elles n’ont pas d’installations de fibre coaxiale hybride existantes.
  3. Cogeco, Eastlink, RCCI et TCI ont fait valoir qu’elles ne sont pas actuellement tenues de fournir des services FTTP de gros et ont soutenu qu’une obligation temporaire ne devrait pas s’appliquer à elles.
  4. Le CDIP, OpenMedia et les ORCC ont argué que toutes les restrictions proposées, y compris celles qui sont de nature géographique ou qui excluent les entreprises de câblodistribution, empêcheraient les concurrents fondés sur les services de gros d’accéder à des segments de marché mal desservis et limiteraient l’utilité de l’accès temporaire aux services groupés FTTP. Bien que TekSavvy soit généralement d’accord, elle reconnaît que le fait de donner la priorité aux ESLT pour des services groupés FTTP temporaires permettrait de gagner en rapidité.

Analyse du Conseil

  1. Le Conseil fait remarquer que les ESLT déploient presque exclusivement des installations FTTP, que ce soit dans de nouvelles constructions ou dans des locaux existants. À la fin de 2022, plus de 10 millions de locaux canadiens avaient accès à la FTTP, ce qui représente approximativement 60 % des locaux desservis par l’infrastructure d’ESLT à l’extérieur des trois territoires.
  2. Toutefois, comme les réseaux de fibre coaxiale hybride sont déjà en mesure de fournir des vitesses de téléchargement d’un gigabit ou plus, le Conseil fait remarquer que les entreprises de câblodistribution ont généralement concentré leurs déploiements FTTP dans de nouveaux développements. Par conséquent, la portée FTTP des entreprises de câblodistribution reste limitée, représentant environ 625 000 locaux canadiens ou moins de 5 % des locaux ayant accès à l’infrastructure d’entreprises de câblodistribution à l’extérieur des territoires à la fin de 2022.
  3. Le Conseil souligne que les entreprises de câblodistribution desservent déjà la majorité des concurrents fondés sur les services de gros sur leurs réseaux de fibre coaxiale hybride, ce qui représente plus de 75 % de tous les abonnements à des services de gros à la fin de 2022. Le Conseil estime qu’imposer les services groupés FTTP temporaires aux entreprises de câblodistribution n’affecterait qu’un nombre limité de locaux supplémentaires, dont beaucoup ont déjà accès à l’infrastructure FTTP appartenant aux ESLT. En même temps, imposer cet accès aux entreprises de câblodistribution entraînerait des coûts de mise en œuvre et ralentirait la capacité du Conseil d’établir des tarifs et des modalités pour l’accès temporaire aux services groupés FTTP. Cela serait contraire aux Instructions de 2023, qui mettent l’accent sur la nécessité que les processus du Conseil fonctionnent de manière opportune, particulièrement lorsque ces processus concernent des ajustements au cadre de réglementation entourant les services Internet fixes de gros.
  4. Le Conseil est donc d’avis qu’en raison de la nature temporaire de l’obligation d’accès aux services groupés FTTP envisagée actuellement, il ne serait ni efficace ni proportionnel d’imposer les entreprises de câblodistribution à la mettre en œuvre.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine que les ESLT seront tenues de fournir un accès temporaire aux services groupés FTTP sur des plateformes existantes de services AHV groupés. Cette conclusion est assujettie à ce qui suit.

Où devrait-on rendre disponible l’accès temporaire aux services groupés FTTP?

Positions des parties

  1. TCI a soutenu que tout accès temporaire aux services groupés FTTP devrait être limité à l’Ontario et au Québec, où l’accès aux services dégroupés FTTP est déjà obligatoire, et où la plupart des concurrents fondés sur les services de gros ont concentré leurs efforts de marketing par le passé.
  2. SaskTel a fait valoir que le Conseil ne devrait pas imposer les services groupés FTTP comme service de gros dans les régions du Canada où il y a un seul fournisseur de services par fibre ou par câble coaxial, ou aucun. Elle a suggéré que l’obligation d’accès temporaire aux services groupés FTTP à ces régions n’est pas nécessaire, car il n’y a pas d’installations auxquelles fournir un accès et qu’une telle politique serait préjudiciable car elle aurait tendance à avoir un effet modérateur sur les décisions d’investissement.

Analyse du Conseil

  1. Le Conseil estime que l’accès temporaire aux services groupés FTTP vise à fournir rapidement aux concurrents une plus grande capacité de concurrence, et qu’il serait prudent d’appliquer l’obligation là où elle aiderait le plus ces concurrents. Jusqu’à présent, les concurrents ont concentré leurs efforts commerciaux en Ontario et au Québec. Plus de 82 % des abonnés à des services fournis par des concurrents fondés sur les services de gros à la fin de 2022 étaient dans ces deux provinces, alors que seulement 62 % de l’ensemble des abonnés aux services Internet filaires de résidence se trouvaient dans ces provinces.
  2. De plus, la présence concurrentielle de concurrents fondés sur les services de gros a surtout diminué en Ontario et au Québec au cours de ces dernières années. À la fin de 2022, les concurrents fondés sur les services de gros desservaient 25 % d’abonnés en moins en Ontario et au Québec que deux ans auparavant. Entre-temps, dans l’Ouest canadien, les abonnés aux services fournis par des concurrents fondés sur les services de gros ont augmenté de 17 % depuis 2020, alors qu’au Canada atlantique, on a vu une augmentation de 44 % du nombre d’abonnés.
  3. Après avoir pris en compte les acquisitions de concurrents fondés sur les services de gros par des entreprises titulaires, le nombre d’abonnés à des services fournis par des concurrents fondés sur les services de gros en Ontario et au Québec a presque diminué de moitié depuis la fin de 2020 (plus précisément, une baisse de 47 %).

Conclusion

  1. Étant donné que l’Ontario et le Québec sont les marchés où les concurrents ont récemment connu le déclin le plus important, et où une obligation temporaire aurait le plus d’impact pour les concurrents, le Conseil détermine que les ESLT doivent offrir un accès temporaire aux services groupés FTTP dans leurs territoires de desserte à titre de titulaire en Ontario et au Québec. Par conséquent, la conclusion du Conseil ne s’applique qu’aux territoires de desserte de Bell Canada en Ontario et au Québec, ainsi qu’au territoire de desserte de TCI au Québec.

Quels devraient être les tarifs pour l’accès temporaire aux services groupés FTTP?

  1. Bell Canada et TCI, dans le cas de son territoire de desserte à titre de titulaire au Québec, ont déposé des tarifs proposés pour l’accès temporaire aux services groupés FTTP, ainsi que des tarifs pour certains frais de service. Outre les tarifs d’accès, TCI a déposé ses tarifs proposés pour l’interface réseau à réseau et les frais de service, ainsi qu’un tarif de facturation en fonction de la capacité à appliquer à ses services AHV groupés. Le Conseil a examiné ces propositions et a fait quelques rajustements pour établir rapidement des tarifs provisoiresNote de bas de page 12. Selon les rajustements figurant ci-dessous, les tarifs approuvés à titre provisoire sont énoncés à l’annexe de la présente décision. Le Conseil fait remarquer qu’il continuera d’étudier les coûts associés à l’accès FTTP pendant l’étude des questions soulevées dans le cadre de l’examen élargi avant de fixer les tarifs définitifs.

Facteur du coût initial des installations en place pour une installation d’alimentation partagée

Positions des parties
  1. Bell Canada a précisé qu’elle avait réparti les coûts de l’installation d’alimentation partagéeNote de bas de page 13 entre les utilisateurs, au moyen d’un facteur du coût initial des installations en place (CII) Note de bas de page 14 pour chaque tranche de vitesses de service, qui tenait compte du fait que les utilisateurs ayant des accès à plus haute vitesse utiliseront une plus grande part de la capacité du réseau d’alimentation. Bell Canada a réparti les coûts entre les tranches de tarif pour des vitesses précises selon l’utilisation de l’installation partagée dans ces tranches.
  2. Bell Canada a affirmé que les torons de fibre et le répartiteur dans l’armoire de raccordement optique sont fournis pour appuyer 32 utilisateurs finals, peu importe la vitesse à laquelle ils s’abonnent. Bell Canada a aussi précisé que le facteur déterminant pour la prochaine unité de demande est l’utilisateur (ou l’accès) supplémentaire, et non la croissance du trafic généré par les utilisateurs.
  3. TCI a proposé une répartition similaire pour ses installations de fibre partagées, répartissant les coûts pour les composantes de réseau partagées dans le réseau d’accès à l’échelle des vitesses selon les profils d’utilisation.
  4. TCI a indiqué que sa répartition ne dépend pas des dépenses en capital et a soutenu que, dans la décision de télécom 2021-181, le Conseil a reconnu qu’un tarif unique pour toutes les vitesses de service, tel que déterminé dans l’ordonnance de télécom 2019-288, pourrait modifier considérablement les habitudes d’utilisation prévues des utilisateurs finals des concurrents, puisqu’il n’y a pas d’incitatif de prix pour que les utilisateurs finals de services à faible vitesse, qui ont généralement une utilisation moindre, restent abonnés aux services offrant des vitesses moins élevées.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que la cause de l’inclusion des coûts différentiels à l’étude de coûts (et le tarif provisoire proposé) devrait être du rapport de capacité 1:32 de l’installation d’alimentation partagée, et non de l’utilisation consommée par chacun de ces 32 accès. Le Conseil est d’avis que l’incidence liée à l’utilisation d’un facteur de CII partagé pour une installation d’alimentation partagée pourrait nuire à la demande pour des services FTTP de vitesse plus élevée en raison de leurs tarifs plus élevés. Le Conseil est également d’avis que, puisque la répartition proposée a été effectuée en s’appuyant sur un mélange donné d’utilisateurs de services à faible vitesse et à vitesse plus élevée utilisant une seule installation de fibre, il pourrait y avoir un recouvrement excessif des coûts de la part de Bell Canada au fur et à mesure qu’un plus grand nombre d’utilisateurs migrent vers des services à des vitesses plus élevées.
  2. Le Conseil estime que les questions qu’il a examinées par rapport à l’approche de répartition de TCI sont semblables à celles examinées par rapport au facteur CII de Bell Canada.
Conclusion
  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse provisoirement la demande de Bell Canada à l’égard d’un facteur CII pour une installation d’alimentation partagée. Éliminer ce facteur donne un seul tarif provisoire pour tous les accès FTTP pour Bell Canada sur réseau optique passif gigabit (pour des vitesses allant jusqu’à 1,5 Gbps) et un seul tarif pour tous les accès FTTP pour Bell Canada sur réseau optique passif symétrique de 10 gigabits (pour des vitesses supérieures à 1,5 Gbps).
  2. En outre, le Conseil refuse provisoirement la méthode de répartition de TCI pour son installation partagée dans son territoire de desserte au Québec.

Majoration de la valeur de l’option pour les vitesses de plusieurs gigabits

Positions des parties
  1. Bell Canada a indiqué que les tarifs pour son accès temporaire aux installations FTTP de plusieurs gigabits devraient inclure une majoration supplémentaire de 33,2 % pour tenir compte du risque que l’entreprise assume lorsqu’elle accorde aux concurrents la capacité de demander l’accès à un tarif fixe et prédéterminé. Bell Canada a nommé cette majoration supplémentaire la majoration de la valeur de l’option réelle.
  2. Bell Canada a soutenu que la majoration de la valeur de l’option réelle est une majoration supplémentaire qui veillera à ce que les mesures incitatives économiques appropriées soient fournies à tous les participants du marché – tant les entreprises titulaires que les concurrents. Elle a aussi argué que pour soutenir des investissements efficaces dans le réseau, il faut appliquer la majoration à la partie des coûts de la Phase II qui ne peuvent pas être redéployés.
Analyse du Conseil
  1. Bell Canada n’a pas fourni suffisamment de preuves pour démontrer pourquoi la majoration de la valeur de l’option réelle devrait être appliquée aux actifs non redéployables pour l’accès FTTP de plusieurs gigabits, alors que les mêmes actifs ne sont pas attribués de la même façon dans le cadre d’un accès FTTP qui n’est pas de plusieurs gigabits.
Conclusion
  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse provisoirement la demande de Bell Canada à l’égard d’une majoration provisoire de la valeur de l’option réelle de 33,2 %.

Coûts unitaires du capital pour l’alimentation et la répartition et facteurs de coûts structurels pour les poteaux et les conduits

Positions des parties
  1. Bell Canada a précisé que les coûts unitaires moyens pour la fibre de distribution, les câbles de dérivation préalables au raccordement, les torons de fibre et les armoires de raccordement optique ainsi que les structures de soutènement (poteaux et conduits) ont été élaborés au moyen de ses dépenses d’immobilisations associées à des actifs précis extraits du système financier de l’entreprise de 2018 à 2022, et des prévisions propres à l’entreprise pour 2023 à 2027, divisées par la demande totale historique et prévue de ménages ayant accès associée à chacune de ces années.
Analyse du Conseil
  1. L’utilisation par Bell Canada des dépenses totales en immobilisations et de la demande (c.-à-d. données historiques des cinq dernières années et prévisions pour les cinq prochaines années) dévie de la méthode d’établissement des coûts standard, énoncée dans l’annexe B du manuel de la Phase II de l’entreprise, pour établir les CII pour l’équipement extérieur, y compris les structures de soutènement (poteaux et conduits). Le Conseil estime que la méthode utilisée par Bell Canada pour établir ses CII est difficile à valider en raison de la subjectivité de ses prévisions de construction de réseau (à la fois en termes de coûts et d’emplacement). Ces facteurs pourraient entraîner une variation importante des coûts unitaires. De plus, Bell Canada n’a pas indiqué comment les coûts pour les poteaux et les conduits ont été ajustés pour tenir compte du fait que les structures de soutènement sont un actif partagé pour plusieurs services.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil est d’avis que, provisoirement, il aurait été plus approprié que Bell Canada établisse les CII pour l’équipement extérieur (p. ex. fibre de distribution, câbles de dérivation préalables au raccordement, torons de fibre et armoire de raccordement optique) conformément à la méthode détaillée dans le manuel de la Phase II. Le Conseil estime qu’il est approprié à ce stade d’utiliser les renseignements historiques moyens sur cinq ans fournis par Bell Canada pour établir les coûts unitaires pour l’équipement extérieur dans le cadre de l’établissement des tarifs provisoires. Cela aidera à atténuer les variations potentielles des coûts unitaires au fil du temps, à compenser les problèmes potentiels liés à la composition du réseau et à établir des coûts unitaires sans risque d’inexactitudes dans les prévisions.
  3. En ce qui concerne les structures de soutènement (poteaux et conduits), le Conseil indique que les poteaux et conduits sont des actifs partagés et que la méthode figurant dans le manuel de la Phase II (section 3-44) indique qu’il faut utiliser les facteurs des coûts en immobilisations de Bell Canada, en particulier les facteurs liés aux coûts structurels, pour calculer les coûts de ces actifs partagés.
Conclusion
  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine que pour établir le tarif provisoire, il s’appuiera sur les renseignements historiques moyens sur cinq ans fournis par Bell Canada pour établir les coûts unitaires pour l’équipement extérieur. Cela aidera à atténuer les variations potentielles des coûts unitaires au fil du temps, à compenser les problèmes potentiels liés au mixte de développement de réseau et à établir des coûts unitaires sans le potentiel d’inexactitudes dans les prévisions.
  2. En ce qui concerne les structures de soutènement, le Conseil détermine qu’il appliquera provisoirement les facteurs de coûts structurels approuvés pour Bell Canada aux catégories d’immobilisations appropriées afin d’estimer les CII des poteaux et des conduits, conformément à la méthode énoncée dans le manuel de la Phase II.

Événements météorologiques (immobilisations et dépenses)

Positions des parties
  1. Bell Canada a indiqué que les tarifs d’accès temporaire aux services groupés FTTP proposés comprennent des coûts qui tiennent compte des conséquences inattendues d’événements météorologiques. Elle a argué que ces événements sont devenus courants ces dernières années et que ces répercussions devraient donc être incluses dans les tarifs proposés.
Analyse du Conseil
  1. Dans l’annexe 1 de la décision de télécom 2008-14, le Conseil a indiqué quelles dépenses devaient être considérées comme des dépenses irrécupérables et ne devaient donc pas être incluses dans les dépôts de la Phase II. Le Conseil estime que l’inclusion des « événements catastrophiques » visait à couvrir les événements météorologiques. Bien que la décision de télécom 2008-14 concerne strictement les dépenses et ne porte pas explicitement sur des questions liées aux immobilisations pour les activités non récurrentes, le Conseil estime que le même argument vaut pour les inclusions d’immobilisations.
  2. Le Conseil fait remarquer que Bell Canada a soulevé des arguments au sujet de l’inclusion de coûts que, dans la décision de télécom 2008-14, le Conseil avait déterminé comme devant être exclus. Dans la décision de télécom 2023-196, le Conseil a déterminé qu’il était important et nécessaire d’organiser une instance de suivi afin d’examiner et de déterminer si ses directives existantes étaient adéquates ou nécessitaient de nouvelles révisions. Comme l’inclusion de coûts liés aux événements imprévus équivaudrait à des changements à la politique du Conseil établie dans la décision de télécom 2008-14, le Conseil estime que cette instance future serait le forum approprié pour ce débat.
Conclusion
  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse provisoirement la demande de Bell Canada concernant l’inclusion de coûts pour des événements météorologiques dans les tarifs d’accès aux services FTTP.

Coûts non recouvrés

Positions des parties
  1. Bell Canada a proposé de recouvrer une partie des coûts initiaux et de développement non recouvrés liés à son service AHV de gros dégroupé (service large bande dégroupé [service LBD]) dans ses tarifs d’accès aux installations FTTP proposés.
  2. Bell Canada a indiqué qu’il était justifié d’inclure les coûts du service LBD non recouvrés dans les tarifs d’accès aux installations FTTP, car elle continuera de fournir le service LBD dans ses territoires de desserte en Ontario et au Québec, même si la demande est quasi inexistante.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil reconnaît que, selon ce qui est dans l’Avis, le service LBD n’a pas suscité la demande prévue. Toutefois, conformément aux paragraphes 1 à 8 des manuels de la Phase II des ESLT, les tarifs d’un service ne doivent pas servir à recouvrer les impacts croisés d’un autre service. Étant donné que le service LBD est un service séparé et distinct de l’accès temporaire aux services groupés FTTP, les coûts non recouvrés du service LBD ne devraient pas être recouvrés au moyen des tarifs provisoires de l’accès temporaire aux services groupés FTTP.
  2. Dans la décision de télécom 2023-53, le Conseil a déterminé que les services AHV dégroupés resteront en place en Ontario et au Québec, conformément aux configurations, aux modalités et aux tarifs existants. Dans l’Avis, le Conseil a invité les intervenants à formuler des observations sur leurs prévisions quant à l’avenir des services AHV dégroupés, y compris sur les changements aux tarifs existants. Si les parties veulent que le Conseil tienne compte des coûts non recouvrés des services AHV dégroupés, ils devraient être inclus dans les tarifs ajustés pour les services AHV dégroupés eux-mêmes, si ces tarifs doivent être examinés dans le cadre d’un examen élargi.
Conclusion
  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse provisoirement la proposition de Bell Canada de recouvrer les coûts du service LBD non recouvrés demandés au moyen des tarifs d’accès aux installations FTTP de l’entreprise.

Majoration

Positions des parties
  1. Bell Canada a fait valoir que, compte tenu de son investissement dans la FTTP et des décisions antérieures du Conseil liées aux services de fibre jusqu’au nœud (FTTN), une majoration standard de 40 % devrait s’appliquer à ses tarifs d’accès par FTTP.
  2. TCI a indiqué que des majorations entre 30 % et 50 %, selon la vitesse de service, devrait s’appliquer à ses tarifs d’accès par FTTP au Québec.
Analyse du Conseil
  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2011-703, le Conseil a autorisé une majoration de 30 % et une majoration supplémentaire de 10 % pour les services AHV groupés sur réseau FTTN des ESLT. Toutefois, les tarifs des entreprises de câblodistribution ont été déterminés sans tenir compte de la majoration supplémentaire de 10 %.
  2. La majoration supplémentaire de 10 % des ESLT a été retirée dans l’ordonnance de télécom 2019-288, et le retrait a été maintenu dans la décision de télécom 2021-181. Par conséquent, tous les tarifs des services AHV groupés en place, peu importe la vitesse ou la technologie d’accès, ont actuellement une majoration de 30 %.
Conclusion
  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil approuve provisoirement une majoration de 30 % pour les tarifs d’accès par FTTP de Bell Canada en Ontario et au Québec et à ceux de TCI au Québec et détermine qu’il appliquera un tarif provisoire concernant l’accès FTTP pour TCI dans son territoire de desserte au Québec.

Tarifs de facturation en fonction de la capacité

Positions des parties
  1. TCI, dans ses études de coûts concernant l’accès FTTP et FTTN pour les services AHV groupés, a proposé de séparer l’accès et les éléments tarifaires relatifs au trafic en un tarif d’accès et en un tarif de facturation en fonction de la capacitéNote de bas de page 15.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil fait remarquer que les tarifs de facturation en fonction de la capacité de TCI ont été calculés en s’appuyant sur les coûts historiques, qui ont ensuite été retraités en appliquant une combinaison du facteur d’augmentation des coûts en immobilisations et du facteur de productivité. Le Conseil fait également remarquer que dans la décision de télécom 2016-117, il a déterminé qu’un facteur de -26,4 % devait être appliqué à toutes les composantes liées au traficNote de bas de page 16.
  2. Par conséquent, le Conseil estime que, provisoirement, le facteur de -26,4 % devrait demeurer en place jusqu’à ce qu’il évalue si un changement est justifié, en fonction de renseignements précis sur les coûts différentiels fournis par les entreprises titulaires se rapportant à ces immobilisations.
Conclusion
  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine qu’il rajustera, provisoirement, le tarif de facturation en fonction de la capacité de TCI afin d’appliquer le facteur annuel de -26,4 % aux coûts de toutes les composantes liées au trafic. Le Conseil détermine qu’à titre provisoire, cela ne s’appliquera que dans le territoire de desserte de TCI au Québec.

Quels devraient être les délais pour la mise en œuvre de l’accès temporaire aux services groupés FTTP?

Positions des parties
  1. Les entreprises titulaires ont proposé plusieurs délais différents pour la mise en œuvre de l’accès temporaire aux services groupés FTTP. Ces délais s’appuyaient sur le besoin des entreprises de construire et de mettre à niveau des installations réseau à réseau à haute vitesse, à élaborer un service d’information et des systèmes de technologie de l’information et à les intégrer aux systèmes de facturation et aux outils de configuration, ainsi qu’à développer une capacité de service à la clientèle et de soutien technique. Bell Canada, Cogeco et RCCI ont indiqué que les délais de mise en œuvre seraient de neuf à douze mois, Eastlink a indiqué qu’ils seraient de six mois, et Vidéotron a indiqué qu’ils seraient de trois mois. SaskTel et TCI n’ont pas proposé de délais de mise en œuvre.
  2. Les ORCC, TekSavvy et Vidéotron ont indiqué que le Conseil devrait exiger la prestation de l’accès temporaire aux services groupés FTTP dans les 90 jours suivant l’approbation du service. Ils ont souligné la mise en œuvre rapide de services AHV groupés par radiofréquence sur verre par RCCI dans le complexe Bayview Mills (logements en copropriété) après que le Conseil a publié la décision de télécom 2016-446, et le fait que EBOX Inc. (EBOX) ait commencé à offrir des services FTTP de détail seulement quelques semaines après son fusionnement avec Bell Canada.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que les délais suggérés par les ORCC, TekSavvy et Vidéotron ne sont pas raisonnables pour appuyer la mise en œuvre d’un accès temporaire aux services groupés FTTP, mais que Bell Canada et TCI devraient pouvoir mettre en place le service plus rapidement que les dix mois proposés dans l’intervention de Bell Canada.
  2. Bell Canada a beaucoup d’expérience dans la fourniture de services AHV groupés par FTTP. Bell Canada est également tenue de fournir l’accès aux installations FTTP pour des services AHV dégroupés en Ontario et au Québec depuis 2015 et, bien que la demande pour des services AHV dégroupés a été limitée en général, le Conseil estime que Bell Canada pourrait tirer profit de son expérience pour mettre en œuvre l’accès temporaire aux services groupés FTTP plus rapidement que ce qu’elle a indiqué.
  3. Bell Canada a pu mettre en place les services FTTP pour sa filiale EBOX au Québec, et intégrer ses systèmes de facturation, dans un délai d’environ six mois. Le Conseil est d’avis que Bell Canada peut tirer profit de cette expérience pour mettre en œuvre efficacement l’accès temporaire aux services groupés FTTP en Ontario et au Québec.
  4. Le Conseil s’attend à ce que TCI puisse mettre en œuvre un accès temporaire aux services groupés FTTP dans des délais semblables à Bell Canada en raison de sa vaste expérience dans le déploiement de l’accès aux installations FTTN pour des services AHV groupés.
  5. Le Conseil détermine donc que l’accès temporaire aux services groupés FTTP doit être rendu disponible dans les six mois suivant la date de la présente décision.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil ordonne à Bell Canada et à TCI de fournir aux concurrents l’accès à des services AHV groupés FTTP, dans leurs territoires de desserte en Ontario et au Québec, au plus tard le 7 mai 2024. Les tarifs à appliquer, provisoirement, sont indiqués à l’annexe de la présente décision.

Instructions de 2023

  1. Le Conseil estime qu’imposer l’accès temporaire aux services groupés FTTP répond au besoin urgent de soutenir la concurrence fondée sur les services de gros face à un déclin de la présence concurrentielle. De l’avis du Conseil, cela favorise la réalisation des objectifs énoncés à l’article 2 des Instructions de 2023. À savoir, le service temporaire rendu obligatoire en raison de la présente décision :
    • est de portée réduite et, par conséquent, encourage toutes les formes de concurrence tout en réduisant au minimum les effets négatifs sur l’investissement [alinéa 2a)];
    • favoriserait l’abordabilité et des prix plus bas, notamment lorsque les fournisseurs de services de télécommunication exercent un pouvoir de marché [alinéa 2b)];
    • réduirait les obstacles à l’entrée sur le marché et à la concurrence pour les fournisseurs de services de télécommunication qu’ils soient nouveaux, régionaux, ou plus petits que les fournisseurs de services titulaires nationaux [alinéa 2e)].
  2. Le Conseil fait remarquer que l’article 10 des Instructions de 2023 exige que le Conseil rende obligatoire la fourniture de services AHV groupés jusqu’à ce qu’il détermine qu’une concurrence vaste, durable et significative perdurera même si la fourniture de tels services n’est plus obligatoire. Le Conseil estime que ses conclusions énoncées dans la présente décision sont entièrement conformes à ces instructions.
  3. De plus, le Conseil fait remarquer que tout au long des Instructions de 2023, il existe une emphase importante sur la nécessité pour le Conseil d’exercer ses activités au bon moment. Plus particulièrement, l’article 7 ordonne au Conseil de diriger des instances et de publier des décisions de manière opportune, en reconnaissant le besoin de donner des éclaircissements sur le marché. Le Conseil estime que ses conclusions dans la présente instance suivent ces instructions.

Secrétaire général

Documents connexes

Annexe à la Décision de télécom CRTC 2023-358

Tarifs approuvés provisoirement avec rajustement

Le Conseil approuve provisoirement les tarifs rajustés suivants pour l’accès temporaire aux installations de fibre jusqu’aux locaux des abonnés (FTTP) de Bell Canada au moyen des services d’accès haute vitesse (AHV) de gros groupés (accès temporaire aux services groupés FTTP) en Ontario et au Québec, pour l’accès temporaire aux services groupés FTTP de TELUS Communications Inc. (TCI) au Québec, et pour la facturation en fonction de la capacité (FFC) de TCI à utiliser dans le cadre de son accès temporaire aux services groupés FTTP au Québec.

Tarifs d’accès temporaire aux services groupés FTTP de Bell Canada – Ontario et Québec

Tarif d’accès temporaire aux services groupés FTTP de TCI – Québec

Tarif d’accès temporaire aux services groupés FTTP pour la FFC de TCI – Québec

Tarifs approuvés à titre provisoire sans rajustement

D’autres tarifs ont été proposés par Bell Canada (frais de service) et TCI (frais de service et frais d’interface réseau à réseau [IRR]) en lien avec l’accès temporaire aux services groupés FTTP. Le Conseil reconnaît que, pour que l’accès temporaire aux services groupés FTTP soit actif pour les clients des services de gros, et pour que les fournisseurs de services de gros puissent recouvrer les coûts, les tarifs doivent être approuvés provisoirement. Par conséquent, le Conseil approuve provisoirement les frais suivants :

Frais de service de Bell Canada – Ontario et Québec
Frais de service de TCI – Québec
Service IRR par ligne numérique à paires asymétriques de TCI – Québec
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