Décision de télécom CRTC 2023-53

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Ottawa, le 8 mars 2023

Dossier public :1011-NOC2020-0187

Configuration de réseau pour les services d’accès haute vitesse de gros dégroupés

Sommaire

Le Conseil conclut que le cadre de réglementation entourant les services d’accès haute vitesse (AHV) de gros dégroupés n’a pas atteint son objectif et qu’il nécessite un réexamen. Il détermine que la configuration de réseau pour les services AHV de gros dégroupés restera en Ontario et au Québec conformément aux tarifs existants et ne sera pas introduite dans d’autres marchés pour le moment.

L’objectif du Conseil demeure l’établissement d’un cadre des services AHV de gros afin que les consommateurs canadiens bénéficient d’un marché des services Internet davantage concurrentiel. À cette fin, parallèlement à cette décision, le Conseil publie l’avis de consultation de télécom 2023-56, qui lance un examen plus large des services AHV de gros.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a déterminé qu’il continuerait à rendre obligatoire la fourniture de services d’accès haute vitesse (AHV) de gros. La fourniture de services AHV de gros groupés ne serait plus obligatoire et serait éliminée progressivement en même temps que la mise en œuvre et l’adoption d’un nouveau modèle de services AHV de gros dégroupés. Par conséquent, le Conseil a ordonné à Bell Canada; à Cogeco Communications inc. (Cogeco); à Vidéotron ltée (Vidéotron); et à Rogers Communications Canada Inc. (RCCI), en Ontario et au Québec, de fournir un service AHV de gros dégroupé. Lorsqu’elle sera mise en œuvre et adoptée, l’obligation de fournir un service AHV de gros groupé (qui comprend les composantes d’accès et de transport) sera éliminée après une transition. Le Conseil a entamé le processus de mise en œuvre des nouveaux services AHV de gros dégroupés et prévoit étendre ultérieurement leur disponibilité à d’autres régions du Canada.
  2. Les entreprises susmentionnées ont par la suite déposé des propositions de configuration pour des services AHV de gros dégroupés. Le Conseil a examiné ces propositions et a établi des lignes directrices pour les configurations acceptables dans la décision de télécom 2016-379. Cela a conduit à l’adoption de configurations des services AHV de gros totalement dégroupés où aucun transport n’était inclus dans le service. Le Conseil a également demandé aux entreprises de déposer des propositions de tarifs accompagnées d’études de coûts pour leurs services AHV de gros dégroupés qui reflètent les directives du Conseil. Dans les ordonnances de télécom 2017-312 et 2017-312-1, le Conseil a fixé des tarifs et des modalités provisoires pour ces services en Ontario et au Québec.
  3. Dans une lettre datée du 6 juillet 2018 (ci-après instance de suivi), le Conseil a demandé que d’autres fournisseurs de services AHV de gros, à savoir Bell MTS Inc.; Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink); Saskatchewan Telecommunications (SaskTel); Shaw Cablesystems G.P. (Shaw); et TELUS Communications Inc. (TCI), soumettent des propositions de configuration, accompagnées d’une justification à l’appui, pour leurs services AHV de gros dégroupés dans leurs territoires de desserte respectifs. Bell Canada et RCCI ont également été invitées à soumettre des propositions de configuration pour les services dans leurs territoires de desserte respectifs en dehors de l’Ontario et du Québec. Après le dépôt des configurations proposées et d’une demande ultérieure par le Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc., maintenant les Opérateurs des réseaux concurrentiels Canadiens (ORCC) pour l’amorce d’autres processus, le Conseil a publié une lettre datée du 24 octobre 2018 dans laquelle il indiquait qu’il suspendait l’instance de suivi.
  4. Le 7 novembre 2018, les ORCC ont déposé une demande de la Partie 1 afin de réviser et de modifier la politique réglementaire de télécom 2015-326 et la décision de télécom 2016-379. Dans leur demande, les ORCC ont soulevé un certain nombre de questions liées à la mise en œuvre du cadre des services AHV de gros dégroupés, étant donné que sa mise en œuvre ne s’est pas déroulée comme prévu. Ils ont demandé, entre autres, que les services AHV de gros dégroupés de Bell Canada, et peut-être ceux de Cogeco, de RCCI et de Vidéotron, soient soumis à un niveau de dégroupement considérablement réduit, permettant ainsi d’inclure certains éléments de transport dans les services. La demande des ORCC a été fermée lors de la publication de l’avis de consultation de télécom 2020-187 et le Conseil a indiqué que la question de l’accès à des installations par fibre jusqu’aux locaux des abonnés (FTTP) par des services AHV de gros groupés serait reportée à une autre instance.

Avis de consultation de télécom 2020-187

  1. Le Conseil a publié l’avis de consultation de télécom 2020-187 afin de faciliter le déploiement de services AHV de gros dégroupés en réexaminant les configurations de ces services. Le Conseil a indiqué que son plan de transition concernant la transition des services AHV de gros groupés vers des services dégroupés, établi dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, pourrait ne pas être réalisé sans mesures supplémentaires. De plus, en établissant des configurations avec le niveau de dégroupement approprié pour tous les services AHV de gros dégroupés selon le niveau de dégroupement approprié pour tous les services AHV de gros dans toutes les régions du Canada, l’accès obligatoire à la FTTP commencerait pour tous ces fournisseurs. Cela rendrait ainsi les vitesses plus élevées accessibles aux concurrents sur les réseaux des entreprises de câblodistribution et des entreprises de services locaux titulaires (ESLT).
  2. Dans l’avis de consultation de télécom 2020-187, le Conseil a sollicité des observations afin de savoir si le cadre actuel des services AHV de gros dégroupés permet une transition ordonnée et rentable des services AHV de gros groupés vers les services AHV de gros dégroupés. Les parties ont été invitées à proposer des configurations pour les services AHV de gros dégroupés comprenant un niveau réduit de dégroupement (par opposition au dégroupement complet) en tenant compte de plusieurs facteurs.
  3. Plusieurs questions ont toutefois été explicitement exclues de l’examen. Le Conseil a également suspendu l’instance établissant les tarifs et modalités définitifs pour les services AHV de gros dégroupés en Ontario et au Québec. Il a également reporté à une instance ultérieure l’examen de questions comme celle de savoir s’il faut fournir l’accès aux installations FTTP plutôt qu’aux services AHV de gros groupés.
  4. Le Conseil a reçu les interventions de deux particuliers; de Bell Canada, de SaskTel et de TCI (collectivement les ESLT); de Cogeco, d’Eastlink, de RCCI, de Shaw et de Vidéotron (collectivement les câblodistributeurs); d’Allstream Business Inc. (Allstream); de la Community Fibre Company; de Distributel Communications Limited (Distributel); des ORCC; de TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy); d’Uniserve; et de Vaxination Informatique; ainsi que de la British Columbia Broadband Association; du Centre pour la défense de l’intérêt public; et du chapitre canadien de la Société Internet.

Positions des parties

  1. De nombreuses parties, dont Allstream, le Centre pour la défense de l’intérêt public, Eastlink, RCCI, Shaw, TekSavvy et les ESLT, ont argué qu’il est prématuré d’envisager de reconfigurer les services AHV de gros dégroupés, les configurations existantes ayant fait l’objet d’importants retards de mise en œuvre et d’une incertitude réglementaire. Ces parties ont suggéré que l’absence de demande pour les services dans les configurations existantes est imputable à ces facteurs plutôt qu’aux configurations des services eux-mêmes.
  2. Des parties, dont Eastlink, RCCI, SaskTel et TCI, ont fait valoir que le processus de l’avis de consultation de télécom 2020-187 contredit la politique actuelle du Conseil, telle qu’elle est énoncée dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, notamment que les services de transport ont déjà été jugés duplicables et donc exclus à juste titre d’un service de gros obligatoire en raison de leur nature non essentielle. Elles ont argué que le Conseil avait établi à juste titre un cadre en vue de réduire la dépendance des concurrents à l’égard de la réglementation des prix et à leur permettre de mieux contrôler leur structure tarifaire. Les parties ont généralement soutenu que le Conseil ne devrait pas abandonner cette approche de la réglementation fondée sur les installations qui permet davantage d’innovation et de choix tout en stimulant la concurrence et les investissements dans les réseaux.
  3. Bell Canada, Cogeco, Eastlink, RCCI et SaskTel ont fait valoir que les configurations entièrement dégroupées demeuraient appropriées et viables étant donné i) qu’elles ont été approuvées; ii) que les concurrents ont gagné des parts de marché au fil des ans; iii) que des coûts ont été engagés par Bell Canada, Cogeco, RCCI et Vidéotron pour déployer les configurations existantes; et iv) que certains fournisseurs de services Internet ont commencé la transition de services AHV de gros groupés vers des services AHV de gros dégroupés.
  4. SaskTel et TCI ont fait valoir que le cadre actuel des services AHV de gros dégroupés n’a pas été testé de manière équitable et que le Conseil ne devrait pas appliquer un tel cadre à d’autres marchés géographiques au Canada tant qu’il n’aura pas au moins été prouvé qu’il est un succès ou un échec dans les marchés cibles originaux de l’Ontario et du Québec.
  5. TekSavvy a fait valoir que les services AHV de gros groupés devraient être aussi dégroupés que possible, ce qui permettrait aux concurrents de gérer et d’échelonner leurs coûts basés sur l’utilisation à mesure que les besoins en bande passante augmentent. Elle a également argué qu’un niveau de groupement intermédiaire ne permettra pas de résoudre tous les problèmes liés au cadre actuel de services AHV de gros dégroupés. Par exemple, TekSavvy a fait remarquer que sa propre base d’abonnés aux lignes d’abonné numérique s’érode régulièrement depuis des années en raison des faibles vitesses offertes par les services AHV de gros groupés basés sur les lignes d’abonné numérique et de la mauvaise analyse de rentabilité associée aux services AHV de gros dégroupés de Bell Canada.
  6. Les ORCC ont fait valoir que le cadre actuel de services AHV de gros dégroupés ne fonctionne pas. Ils ont argué que les configurations entièrement dégroupées ne sont pas viables, notamment en raison des difficultés à obtenir des modalités raisonnables selon des tarifs fondés sur les coûts et des délais de déploiement qu’ils estiment être excessivement longs à l’échelle provinciale en Ontario et au Québec. Les ORCC ont fait valoir que des configurations révisées avec des niveaux de dégroupement considérablement réduits sont essentielles pour établir un cadre de gros plus ordonné et efficace.
  7. Plusieurs parties, dont Allstream, la British Columbia Broadband Association, la Community Fibre Company, Distributel et Eastlink, ont indiqué que les coûts de mise en œuvre associés aux services AHV de gros dégroupés sont élevés et que cela limite la capacité des concurrents à utiliser les services, en particulier en dehors des marchés urbains à forte densité.
  8. Des parties, dont la British Columbia Broadband Association, le Centre pour la défense de l’intérêt public, Distributel et les ORCC, ont indiqué que la fonctionnalité de transport n’est généralement pas disponible à la grande majorité des points d’interconnexion dégroupés, et ont suggéré que le transport ne peut pas être dupliqué de manière pratique ou raisonnable dans de nombreux cas.
  9. De nombreuses parties ont argué qu’une étude plus complète des questions doit être effectuée dans le cadre d’un examen plus large du cadre des services filaires de gros avant que le Conseil ne finalise son approche des services AHV de gros obligatoires.
  10. En ce qui concerne les propositions de reconfiguration, les ESLT, les câblodistributeurs et diverses autres parties ont recensé des configurations de réseau potentielles sensiblement différentes ou des recommandations dans leurs mémoires. Les approches comprenaient i) une mesure du marché potentiel de 30 000 ménages desservis par points d’interconnexion recensés par Bell Canada; ii) la proposition de TCI d’harmoniser les configurations avec son concept de sites centraux; iii) la proposition de Shaw d’harmoniser les configurations avec la transition en cours de son réseau vers une architecture d’accès distribué; et iv) une proposition d’Allstream, de Distributel et des ORCC de baser les configurations sur le modèle d’accès en tandem.
  11. Lors de l’examen de la viabilité des configurations utilisant un marché potentiel de 30 000 ménages desservis par points d’interconnexion, certaines parties, dont RCCI, n’ont pas soumis de propositions, tandis que plusieurs de celles qui l’ont fait, dont Shaw et TCI, ont indiqué qu’une telle approche serait inappropriée et ne cadrerait pas avec l’architecture du réseau et la démographie actuelles ou futures. En même temps, des parties telles que Distributel et les ORCC ont fait valoir qu’un marché potentiel de 30 000 ménages desservis ne produirait pas une analyse de rentabilité viable, Distributel faisant valoir que le marché potentiel pour chaque point d’interconnexion dégroupé devrait être supérieur à 200 000 ménages desservis.

Analyse du Conseil

  1. Le Conseil fait remarquer qu’il a entamé la présente instance pour répondre aux préoccupations de diverses parties, ainsi qu’aux siennes, concernant l’état du cadre réglementaire pour les services AHV de gros. En particulier, le Conseil n’avait pas la confirmation qu’il y avait eu une mise en œuvre de services AHV de gros dégroupés dans le cadre des configurations entièrement dégroupées existantes lorsqu’il a amorcé l’instance. Le Conseil a donc sollicité des observations sur la question de savoir si les configurations de services AHV de gros dégroupés devraient être soumises à un niveau de dégroupement réduit afin de garantir une transition efficace, ordonnée et rentable des services AHV de gros groupés aux services AHV de gros dégroupés.
  2. Le Conseil fait remarquer que tout au long de l’instance, les fournisseurs de services AHV de gros n’ont pas convenu d’une approche commune sur les configurations viables pour les services AHV de gros dégroupés afin de soutenir leur adoption et, en fin de compte, la transition vers un nouveau cadre des services AHV de gros. De manière similaire, les concurrents ne sont pas arrivés à une approche commune concernant les configurations viables.
  3. Les propositions des parties pour reconfigurer les services AHV de gros dégroupés variaient considérablement, les fournisseurs de services AHV de gros soutenant des degrés de dégroupement plus importants que la quasi-totalité des concurrents, qui proposaient généralement des services AHV de gros énormément groupés. Le Conseil estime que même parmi les fournisseurs de services AHV de gros, il y avait des variations importantes dans le niveau de dégroupement proposé. Le Conseil reconnaît que les variations dans la configuration des services AHV dégroupés entre les ESLT et les câblodistributeurs sont attribuables aux conditions du marché géographique de chaque fournisseur sur son territoire d’exploitation ainsi qu’au caractère unique de la conception et de l’évolution de son réseau. En outre, les entreprises titulaires font continuellement évoluer leurs réseaux en fonction des progrès technologiques et de l’évolution des conditions du marché.
  4. Sur la base du dossier de la présente instance, le Conseil estime que son cadre actuel de services AHV de gros dégroupés et ses tentatives d’imposer une reconfiguration posent problème et ne livrent pas rapidement d’avantages concurrentiels à la population canadienne. L’environnement présente des réseaux qui sont trop différents et l’évolution de la technologie et de la demande des consommateurs sont trop rapides pour que cette approche soit efficace.
  5. En plus de ce qui précède, il est clair que, même si l’une des diverses reconfigurations proposées était finalement adoptée, rien ne garantit que l’analyse de rentabilité des services serait substantiellement plus viable que les configurations existantes entièrement dégroupées qui suscitent déjà de vives préoccupations.
  6. Le Conseil est d’avis que les services AHV de gros dégroupés ont une capacité limitée pour soutenir la concurrence, quelle que soit leur configuration. Bien qu’il puisse y avoir une viabilité potentielle limitée dans certains marchés, à savoir les régions urbaines densément peuplées, le nombre d’abonnés aux services de gros ou les économies d’échelle sont largement insuffisants pour que les concurrents risquent l’investissement nécessaire pour justifier la migration vers des services AHV de gros dégroupés. La viabilité potentielle de ces services est considérablement réduite dans les régions moins urbaines ainsi que dans les régions rurales et éloignées du pays, car ces marchés nécessiteraient une base d’abonnés importante pour se développer dans le cadre du modèle des services dégroupés.
  7. Le Conseil estime également que la disponibilité des services de transport joue un rôle important dans la viabilité actuelle et future des services AHV de gros dégroupés. Il fait remarquer que plusieurs parties ont fait valoir que ces services de transport ne sont tout simplement pas disponibles en pratique dans de nombreux points d’interconnexion établis dans les configurations actuelles, y compris dans les marchés urbains plus densément peuplés. Le Conseil estime que si les services de transport ne sont pas disponibles en pratique sur une base de gros, ou ne peuvent pas être raisonnablement dupliqués, par des concurrents, cela limiterait sérieusement la viabilité du cadre plus large de services AHV de gros du Conseil.
  8. En outre, le Conseil estime que si la disponibilité de services de transport compétitifs est une préoccupation dans le contexte de marchés urbains densément peuplés, ces préoccupations ont une résonance encore plus forte dans les régions moins densément peuplées, y compris les régions rurales et éloignées. Bien que le Conseil reconnaisse que l’intérêt premier des concurrents se situe généralement dans les marchés à forte densité de population, il est important que les avantages de la concurrence soient accessibles à tous les Canadiens et Canadiennes, quel que soit leur lieu de résidence. Le Conseil fait remarquer que des préoccupations concernant la disponibilité de services de transport compétitifs avaient également été soulevées dans le cadre de l’avis de consultation de télécom 2019-406, où cette question a été définie comme étant un obstacle au déploiement des réseaux à large bande. Bien que cette question n’ait pas été au centre de la présente instance, le Conseil estime que la question plus large de la disponibilité de services de transport concurrentiels mérite d’être traitée et examinée plus en détail.
  9. Le Conseil estime que la période prolongée pendant laquelle les tarifs ont été laissés provisoires n’a pas été propice à une planification adéquate des activités par tous les intervenants. Le Conseil estime que, sans une plus grande certitude en matière de tarifs, les concurrents n’ont pas été en mesure de prendre des décisions commerciales pour investir dans des services AHV de gros dégroupés. À cet égard, toute reconfiguration des services existants nécessiterait un réexamen des tarifs associés – un processus qui prendrait sans aucun doute du temps et contribuerait à une plus grande incertitude.
  10. Le Conseil reconnaît que la mise en œuvre de son cadre des services AHV de gros de 2015 a été un long processus qui s’est prolongé bien au-delà de la date d’achèvement prévue. Il estime que le processus, qui dure depuis plus de sept ans, s’est prolongé au moins en partie en raison des positions divergentes et changeantes qui ont été adoptées par les parties. Par exemple, dans l’instance qui a mené à la politique réglementaire de télécom 2015-326, les parties ont adopté ce qu’il estime comme des positions polarisées, où les concurrents ont cherché à avoir accès aux services AHV de gros groupés et dégroupés, tandis que les ESLT et les câblodistributeurs ont soutenu qu’aucune réglementation des services de gros n’était nécessaire pour soutenir les intérêts des consommateurs.
  11. Selon le Conseil, un certain degré de jeu réglementaire a entravé les progrès et contribué à l’incertitude du marché tout en augmentant les défis associés à la mise en œuvre d’un cadre fondé sur des services AHV de gros dégroupés.
  12. En résumé, le Conseil estime que la complexité de la reconfiguration de services AHV de gros dégroupés pour des fournisseurs ayant des profils de configuration, des plans de réseau et de développement, des marchés géographiques et des besoins des clients de gros très différents, ainsi que les défis liés à l’établissement des tarifs, les problèmes potentiels d’accès au service de transport, et un certain degré de jeu réglementaire entre les parties, ont effectivement empêché toute nouvelle mise en œuvre de services AHV de gros dégroupés. Dans ces conditions, le Conseil estime que la demande future pour les services de gros dégroupés actuellement autorisés restera limitée.
  13. Pour ces raisons, le Conseil estime que le cadre des services AHV de gros dégroupés n’a pas rempli son mandat et doit être réexaminé. Bien que certains grands concurrents puissent encore avoir intérêt à adopter des services AHV de gros dégroupés dans un nombre limité de régions urbaines densément peuplées où les conditions du marché sont favorables, le Conseil estime que la mise en œuvre des services et le plan de transition associé ne favorisent pas la concurrence dans de nombreuses régions du Canada, notamment dans les régions rurales et éloignées, ou dans les zones où la concurrence provient de petits concurrents. Le Conseil estime donc que le cadre et le plan de transition n’ont pas soutenu de manière adéquate la croissance de la concurrence et n’ont pas été adaptés à temps pour répondre à l’évolution de l’environnement.
  14. Dans ces circonstances, le Conseil est d’avis qu’il ne serait pas approprié d’investir davantage de temps et de ressources pour tenter d’affiner, de donner plus de temps pour développer ou d’étendre le cadre des services AHV de gros dégroupés. Selon le Conseil, quelle que soit la configuration des services, le potentiel de marché pour les services AHV de gros dégroupés restera faible et, par conséquent, ces services ne constitueront pas une option viable pour soutenir largement la concurrence nécessaire pour répondre aux besoins des Canadiens.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil détermine qu’il n’introduira pas de services AHV de gros dégroupés en Ontario et au Québec avec un niveau de dégroupement réduit et que ces services ne seront pas mis en œuvre en dehors de ces provinces dans un avenir prévisible. Les concurrents de l’Ontario et du Québec qui souhaitent se prévaloir des services AHV de gros dégroupés peuvent continuer à le faire conformément aux modalités et tarifs provisoires existants.
  2. L’objectif du Conseil demeure l’établissement d’un cadre des services AHV de gros afin que les consommateurs canadiens bénéficient d’un marché des services Internet davantage concurrentiel. À cette fin, parallèlement à la présente décision, le Conseil publie l’avis de consultation de télécom 2023-56, pour amorcer un examen plus large des services AHV de gros. Ce réexamen permettra d’étudier plus avant l’avenir des services AHV de gros dégroupés, y compris un moyen de rendre définitifs les modalités et tarifs susmentionnés.

Instructions de 2023

  1. Le Conseil estime que le fait de continuer à tenter d’affiner le cadre des services AHV de gros dégroupés en introduisant des reconfigurations en Ontario et au Québec et en introduisant des services AHV de gros dégroupés en dehors de ces provinces ne répondrait pas au principe de réglementation efficace énoncé à l’article 4 des Instructions de 2023Note de bas de page 1, qui précisent que le Conseil doit s’assurer que les mesures qu’il impose par ses décisions sont efficaces et proportionnelles à leur objectif. Quelle que soit la configuration des services AHV de gros dégroupés, le Conseil estime que son potentiel de marché restera faible. Par conséquent, ces services ne constitueront pas une option viable pour soutenir largement la concurrence nécessaire pour répondre aux besoins des Canadiens.
  2. Le Conseil estime que la dynamique de la concurrence sur le marché des services d’accès Internet de détail est mieux abordée par l’ouverture d’une instance de révision de son cadre des services AHV de gros, car un tel accès favoriserait davantage la réalisation des objectifs énoncés à l’article 2 des Instructions de 2023, à savoir :
    • encourager toutes formes de concurrence et d’investissement [paragraphe 2a)];
    • favoriser l’abordabilité et des prix plus bas, notamment lorsque les fournisseurs de services de télécommunication exercent un pouvoir de marché [paragraphe 2b)];
    • faire en sorte qu’un accès abordable à des services de télécommunication de haute qualité, fiables et robustes soit disponible dans toutes les régions du Canada, notamment les régions rurales, les régions éloignées et les collectivités autochtones [paragraphe 2c)];
    • réduire les obstacles à l’entrée sur le marché et à la concurrence pour les fournisseurs de services de télécommunication qu’ils soient nouveaux, régionaux, ou plus petits que les fournisseurs de services titulaires nationaux [paragraphe 2e)];
    • permettre l’innovation dans les services de télécommunication, y compris de nouvelles technologies et des  offres de services différenciées [paragraphe 2f)].
  3. Le Conseil estime également que l’ouverture d’une telle instance est conforme au paragraphe 9c) des Instructions de 2023, qui exige que le Conseil adapte son cadre pour favoriser la concurrence dans le domaine des services Internet fixes au besoin et en temps opportun.

Secrétaire général

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