ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2004-271

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Décision de radiodiffusion CRTC 2004-271

  Ottawa, le 13 juillet 2004
  Genex Communications inc.
Québec (Québec)
  Demande 2003-1399-0
Audience publique à Québec (Québec)
18 février 2004
 

CHOI-FM - Non-renouvellement de licence

  Dans la présente décision, le Conseil refuse la demande présentée par Genex Communications inc. en vue de renouveler la licence de radiodiffusion de la station de radio commerciale de langue française CHOI-FM Québec.
  Dans l'avis public de radiodiffusion CRTC 2004-49, également publié aujourd'hui, le Conseil lance un appel de demandes de licence de radiodiffusion visant l'exploitation d'une nouvelle station FM de langue française à Québec.
 

Introduction

 

Historique

1.

Le Conseil a reçu une demande présentée par Genex Communications inc. (Genex, la titulaire) en vue de renouveler la licence de radiodiffusion de l'entreprise de programmation de radio commerciale de langue française CHOI-FM Québec, qui expire le 31 août 2004.

2.

Dans Acquisition d'actif, décision CRTC 97-86, 27 février 1997, le Conseil a autorisé Genex à acquérir l'actif de CHOI-FM et lui a attribué une licence qui expirait le 31 août 2002. Dans l'avis d'audience publique CRTC 2001-14, 14 décembre 2001 (l'avis d'audience 2001-14), le Conseil a convoqué Genex en audience publique en constatant son état d'infraction présumé à se conformer au Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement) concernant la soumission de rubans-témoins et la diffusion de musique vocale de langue française. Le Conseil déclarait également avoir reçu, au cours de la période de licence, plusieurs plaintes qui soulevaient un certain nombre de préoccupations et entendait discuter à cette audience du contenu verbal de la programmation de CHOI-FM à la lumière du critère de haute qualité stipulé dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi). Le Conseil ajoutait qu'il s'attendait à ce que la titulaire démontre à cette audience les raisons pour lesquelles une ordonnance ne devrait pas être émise obligeant la titulaire à se conformer aux dispositions du Règlement.

3.

À la suite de l'audience de 2002, le Conseil a publié Renouvellement à court terme de la licence de CHOI-FM, décision de radiodiffusion CRTC 2002-189, 16 juillet 2002 (la décision 2002-189). Cette décision renouvelait la licence de CHOI-FM pour une période de 24 mois seulement, en raison des nombreuses infractions de la titulaire aux dispositions du Règlement concernant, entre autres, les propos offensants contraires à l'article 3b), la soumission des rubans-témoins et la diffusion de musique vocale de langue française, ainsi qu'à la condition de licence de CHOI-FM portant sur les stéréotypes sexuels. Le Conseil constatait également les manquements de la titulaire à l'objectif de haute qualité de la programmation prévu à l'article 3 de la Loi.

4.

Ces conclusions faisaient suite notamment à l'analyse par le Conseil de 47 plaintes, reçues depuis l'acquisition de CHOI-FM par Genex en février 1997. Ces plaintes concernaient la diffusion de propos et de concours offensants, d'attaques personnelles et de harcèlement au cours d'une émission quotidienne diffusée par CHOI-FM aux heures de grande écoute du matin.

5.

Compte tenu des explications et des mesures correctives proposées par Genex, dont entre autres le respect d'un code de déontologie, la formation d'un comité aviseur et la mise en place d'un système de sauvegarde des rubans-témoins pour une période de trois mois, le Conseil estimait qu'il n'était pas nécessaire d'émettre une ordonnance obligeant la titulaire à se conformer aux dispositions du Règlement. Le Conseil a plutôt assujetti la licence de CHOI-FM à des conditions de licence particulières, incluant le respect du Code de déontologie de CHOI-FM (le Code de déontologie), lequel était annexé à la décision 2002-189 et est reproduit en annexe à la présente décision, et la formation d'un comité aviseur. Le Conseil ajoutait toutefois :
 

Par ailleurs, s'il estime à l'avenir que Genex a contrevenu de nouveau au Règlement sur la radio ou à l'une des conditions rattachées à la licence de CHOI-FM, dont notamment le respect du Code de déontologie qui se trouve à l'annexe II de cette décision, le Conseil pourrait la convoquer à une audience publique afin qu'elle justifie les raisons pour lesquelles il ne devrait pas émettre une telle ordonnance ou recourir aux mesures d'exécution à sa disposition, dont la suspension ou la révocation de la licence.

6.

Dans sa demande de renouvellement datée du 7 octobre 2003, Genex demandait de modifier la licence de CHOI-FM afin d'être relevée des conditions concernant le Code de déontologie, le Comité aviseur et la conservation des rubans-témoins durant 90 jours. La titulaire était d'avis qu'elle s'était conformée de façon satisfaisante aux exigences de la décision 2002-189 et que le contenu des plaintes soumises au cours de la présente période de licence ne devrait pas inquiéter le Conseil.

7.

Le Conseil a effectué trois analyses de la programmation diffusée par CHOI-FM au cours de la présente période de licence, soit durant les semaines du 3 au 9 novembre 2002, du 25 au 31 mai 2003 et du 3 au 9 août 2003. Une non-conformité présumée aux exigences relatives à la musique vocale de langue française a été constatée durant la semaine du 3 au 9 novembre 2002. Cette question a fait l'objet d'un échange de correspondance entre le personnel du Conseil et la titulaire au sujet de la classification d'une pièce musicale contenant à la fois des paroles de langue française et de langue anglaise. Les analyses subséquentes faites en mai et en août 2003 ont révélé la conformité de la titulaire au Règlement en ce qui a trait à la musique vocale de langue française et au contenu canadien. Les analyses ont également démontré que la titulaire était en conformité avec ses conditions de licence relatives à la diffusion de pièces musicales de langue anglaise et aux montages de pièces musicales.

8.

La titulaire avait fait part de son intention de devenir membre du Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR) et y a adhéré en septembre 2002. Depuis le début de la présente période de licence, soit du 1er septembre 2002 à janvier 2004, le Conseil a reçu 45 nouvelles plaintes concernant le contenu verbal de la programmation diffusée par CHOI-FM, dont une douzaine ont été transmises au CCNR. Des plaintes restantes, cinq ont été regroupées en une seule plainte car elles étaient très semblables. Ainsi, 29 plaintes ont été examinées par le Conseil dans le contexte de l'audience publique du 18 février 2004. 1

9.

Dans l'avis d'audience publique de radiodiffusion CRTC 2003-11, 18 décembre 2003 (l'avis d'audience 2003-11), le Conseil constatait l'état d'infraction présumé de la titulaire de se conformer à plusieurs reprises à certaines dispositions du Code de déontologie de CHOI-FM, incluant notamment les articles 2, 3, 6, 17 et 18, au cours de la période de licence. Le Conseil constatait également l'état d'infraction présumé de la titulaire de se conformer à l'article 3 du Règlement. Le Conseil convoquait donc Genex à l'audience publique de Québec, en l'avisant comme suit :
 

Le Conseil s'attend à ce que la titulaire démontre à cette audience les raisons pour lesquelles une ordonnance ne devrait pas être émise en vertu de l'article 12 de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) obligeant la titulaire à se conformer au Règlement et à sa condition de licence qui l'oblige à respecter le Code de déontologie de CHOI-FM.

 

Le Conseil s'attend également à ce que la titulaire démontre à l'audience les raisons pour lesquelles il ne devrait pas suspendre ou ne pas renouveler la licence, et ce en vertu des articles 24 et 9, respectivement, de la Loi.

 

Interventions

10.

Le Conseil a reçu 9 468 interventions concernant la demande de renouvellement de la licence de CHOI-FM. On compte 9 417 interventions favorables, 38 interventions défavorables et 13 commentaires.

11.

Les intervenants favorables au renouvellement de la licence de CHOI-FM s'appuyaient principalement sur le principe de la liberté d'expression. Ils ont aussi souligné que la formule musicale de rock alternatif de langue française offerte par CHOI-FM est unique dans le marché de Québec et très appréciée par les jeunes auditeurs. Ils ont aussi signalé que la station contribue grandement à la mise en valeur de nombreux groupes musicaux rock alternatif. Des intervenants représentant plusieurs de ces groupes ont comparu à l'audience en appui à la station. Certains des intervenants ont signalé que des emplois seraient perdus si la licence de la station n'est pas renouvelée et ont aussi tenu à souligner l'implication de la station au sein de la communauté et les services qu'elle rend, notamment par la diffusion gratuite de messages relatifs aux grossesses non désirées et à la promotion de l'usage de condoms.

12.

Les intervenants défavorables s'opposaient pour la plupart au renouvellement de la licence de CHOI-FM aux mêmes modalités et conditions alors que 11 d'entre eux ont déclaré que la licence ne devrait pas être renouvelée. Autant dans les interventions écrites que dans celles faites de vive voix en opposition à l'audience, on a signalé les nombreuses infractions présumées de la titulaire en ce qui concerne le contenu verbal de la programmation et insisté sur les mesures correctives qui devraient être prises. Plusieurs de ces intervenants se sont aussi dits d'accord avec l'intervention soumise par le maire de la ville de Québec qui déclarait dans son commentaire que le Conseil devait assumer ses responsabilités, en fixant des conditions à l'utilisation du privilège d'exploiter les ondes publiques et en faisant respecter rigoureusement ses propres décisions, tant dans leur libellé que dans l'esprit qui les a dictées.

13.

Certains des opposants ont proposé au Conseil de prendre diverses mesures afin d'amener Genex à se conformer à ses obligations. Par exemple, l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) a déclaré qu'en raison des infractions de la titulaire et du nombre élevé de plaintes, le Conseil devrait, soit renouveler la licence pour une courte période de deux ans, combinée à l'émission d'une ordonnance obligeant la titulaire à se conformer au Règlement, soit révoquer la licence. Cogeco Diffusion inc. (Cogeco) a proposé pour sa part au Conseil de ne pas renouveler la licence de CHOI-FM, en raison notamment du fait que Genex continue à défier le Conseil par ses manquements aux règles et principes applicables en radiodiffusion et son comportement irresponsable, et du fait que la titulaire est loin de reconnaître l'importance des plaintes dont elle fait l'objet. Cogeco a ajouté que si le Conseil décidait de renouveler la licence, une suspension de celle-ci pour une période minimale de six mois serait pleinement justifiée.

14.

Certains des commentaires soumis au Conseil par les intervenants tentaient de concilier la notion de liberté d'expression dans une société libre et démocratique avec la nécessité d'empêcher les abus de certains tribuns de la radio qui se servent des ondes, une propriété publique, pour fouler au pied ces mêmes valeurs. Le Conseil de presse du Québec, tout en reconnaissant les efforts déployés par le CRTC afin de civiliser les ondes de CHOI-FM en les encadrant au plan déontologique, constatait que ces mesures n'ont pas toujours, ou même rarement, donné les résulats escomptés et que des mesures plus coercitives pourraient s'imposer. Le quotidien Le Soleil de Québec, tout en favorisant le renouvellement de la licence, constatait que Genex n'a pas respecté les conditions de sa licence visant à mieux baliser le contenu verbal diffusé par CHOI-FM et proposait notamment au Conseil de renforcer les dispositions de son Code de déontologie et de renouveler la licence pour une période limitée de 24 mois.
 

Requêtes préliminaires

15.

Le 22 janvier 2004, la titulaire a déposé une requête écrite demandant au Conseil de retirer du dossier de la titulaire les plaintes de M. Robert Gillet et la correspondance afférente ou de reporter l'audience publique. Dans une lettre datée du 3 février 2004, le Conseil a rejeté la requête écrite avec motifs à l'appui.

16.

Au début de l'audience publique du 18 février 2004, la titulaire a présenté une requête alléguant, entre autres, que le Conseil n'avait pas compétence pour traiter les plaintes, notamment celles de M. Robert Gillet et de Cogeco Radio-Télévision inc. (Cogeco Radio-TV), à l'égard de propos tenus par les animateurs, MM. André Arthur et Jean-François Fillion, sur les ondes de CHOI-FM, et ont demandé au Conseil de ne pas tenir compte des plaintes ou de permettre à la titulaire une plus ample défense. La requête présentée à l'audience reprenait certains des éléments de celle du 22 janvier 2004 mais ajoutait la question de compétence du Conseil.

17.

Le comité d'audition a statué qu'il avait compétence pour considérer les plaintes déposées au dossier de la titulaire et toute correspondance afférente, selon les pratiques habituelles du Conseil, tel que stipulé dans Plaintes et dossiers d'examen public, avis public CRTC 1982-36, 18 mai 1982 (l'avis public 1982-36). En se référant à la lettre du Conseil du 3 février 2004, le comité d'audition a également tenu compte des autres demandes préliminaires présentées dans la requête faite à l'audience et les a rejetées.
 

Cadre réglementaire pour le traitement de la demande

18.

Les dispositions suivantes de la Loi, du Règlement, des conditions de licence de CHOI-FM et de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) sont pertinentes à la considération de la demande de renouvellement de licence de CHOI-FM présentée par Genex.
  La Loi

19.

L'article 5(1) de la Loi stipule :
 

Sous réserve des autres dispositions de la présente loi [ . ], le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en oeuvre la politique canadienne de radiodiffusion.

20.

Les parties pertinentes de la politique canadienne de radiodiffusion prévue au paragraphe 3(1) de la Loi sont les suivantes :
 

3. (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion :

 

b) le système canadien de radiodiffusion, composé d'éléments publics, privés et communautaires, utilise des fréquences qui sont du domaine publicet offre, par sa programmation essentiellement en français et en anglais, un service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l'identité nationale et de la souveraineté culturelle;

 

d) le système canadien de radiodiffusion devrait:

 

(i) servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada,

 

(ii) favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes, qui mette en valeur des divertissements faisant appel à des artistes canadiens et qui fournisse de l'information et de l'analyse concernant le Canada et l'étranger considérés d'un point de vue canadien,

 

(iii) par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d'emploi, répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l'égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu'y occupent les peuples autochtones,

[ . ]

 

g) la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité;

 

h) les titulaires de licences d'exploitation d'entreprises de radiodiffusion assument la responsabilité de leurs émissions;

 

i) la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois:

 

(i) être variée et aussi large que possible en offrant à l'intention des hommes, femmes et enfants de tous âges, intérêts et goûts une programmation équilibrée qui renseigne, éclaire et divertit,

[ . ]

 

(iv) dans la mesure du possible, offrir au public l'occasion de prendre connaissance d'opinions divergentes sur des sujets qui l'intéressent [ . ]

21.

Les articles 2(3) et 3(2) de la Loi, respectivement, prévoient ce qui suit :
 

2. (3) L'interprétation et l'application de la présente loi doivent se faire de manière compatible avec la liberté d'expression et l'indépendance, en matière de journalisme, de création et de programmation, dont jouissent les entreprises de radiodiffusion.

 

3. (2) Il est déclaré en outre que le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d'atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome.

22.

L'article 9(1) de la Loi stipule :
 

9. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le Conseil peut, dans l'exécution de sa mission:

 

b) attribuer des licences pour les périodes maximales de sept ans et aux conditions liées à la situation du titulaire qu'il estime indiquées pour la mise en oeuvre de la politique canadienne de radiodiffusion [ . ]

 

c) modifier les conditions d'une licence soit sur demande du titulaire, soit, plus de cinq ans après son attribution ou son renouvellement, de sa propre initiative;

 

d) renouveler les licences pour les périodes maximales de sept ans et aux conditions visées à l'alinéa b);

 

e) suspendre ou révoquer toute licence [ . ]

23. L'article 10(1) stipule :

10.(1) Dans l'exécution de sa mission, le Conseil peut, par règlement :
 

c) fixer les normes des émissions et l'attribution du temps d'antenne pour mettre en oeuvre la politique canadienne de radiodiffusion;

[ . ]

 

k) prendre toute autre mesure qu'il estime nécessaire à l'exécution de sa mission.

 

Le Règlement

24.

En vertu de l'article 10 de la Loi, le Conseil a adopté le Règlement. L'article 3 du Règlement prévoit ce qui suit :
  3. Il est interdit au titulaire de diffuser: [ . ]
 

b) des propos offensants qui, pris dans leur contexte, risquent d'exposer une personne ou un groupe ou une classe de personnes à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge ou la déficience physique ou mentale;

 

Condition de licence

25.

En vertu de l'article 9 de la Loi cité ci-haut, et tel que déjà exposé dans la décision 2002-189, le Conseil a renouvelé la licence de CHOI-FM pour une période de deux ans seulement. Il a imposé à la titulaire, comme condition de licence, l'obligation de respecter le Code de déontologie qu'elle avait proposé dans l'instance menant à cette décision et qui se trouve en annexe à la présente décision.
 

La Charte

26.

Les dispositions suivantes de la Charte sont pertinentes à la considération de la présente demande : 
 

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

 

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes : [ . ]

 

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

 

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

 

27. Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens.

 

Équilibre entre la liberté d'expression et les objectifs de la Loi

27.

Le Conseil a eu l'occasion par le passé de se prononcer à quelques reprises sur la nécessité d'établir un équilibre entre la liberté d'expression et d'autres valeurs qui sont mentionnées dans la Loi. Dans Plaintes du Conseil tribal Nishga et de la bande indienne Musqueam contre CKNW New Westminster (C.-B.), avis public CRTC 1985-236, 4 novembre 1985, où il était question de propos offensants tenus en ondes à l'égard de groupes autochtones, le Conseil a déclaré que « la liberté d'expression dont jouissent les radiodiffuseurs ne constitue pas un droit absolu ». Il a réitéré ce qu'il avait précédemment déclaré dans Avis concernant une plainte faite par la Media Watch à l'égard de CKVU Television, Vancouver (Colombie-Britannique), avis public CRTC 1983-187, 17 août 1983 :
 

[.] le Conseil souligne que le droit à la liberté d'expression aux stations de radiodiffusion n'est pas absolu. [.] ce droit est expressément limité par diverses lois visant à protéger d'autres valeurs qui sont chères.

28.

Dans Les Entreprises de Radiodiffusion de la Capitale inc., décision CRTC 90-772, 20 août 1990 (la décision 90-772), le Conseil a fait les observations suivantes au sujet du traitement des plaintes à l'encontre de la programmation de la titulaire de CHRC Québec :
 

Il est bien clair, à la lumière de l'article 1 de la Charte, que celle-ci n'accorde pas un caractère absolu aux droits et libertés qui y sont énoncés et il n'en a d'ailleurs jamais été ainsi dans ce pays. La liberté d'expression au Canada n'est donc pas sans limite. Quant aux dispositions contenues dans la Loi telles qu'elles sont citées ci-haut, elles témoignent sans équivoque de la volonté évidente du législateur d'assurer, dans la gestion du domaine public que sont les fréquences dont le nombre est limité par le spectre radioélectrique, l'affirmation optimale du droit à la liberté d'expression sous réserve du respect de l'exigence de haute qualité de la programmation et d'une intelligente harmonie à établir avec l'exigence d'équilibre dans la discussion des questions d'intérêt public2.

29.

En traitant du dernier renouvellement de CHOI-FM dans la décision 2002-189, le Conseil a déclaré ce qui suit :
 

Le Conseil rappelle que tous les radiodiffuseurs sont assujettis aux exigences de haute qualité et d'équilibre de la programmation qui sont inscrites aux articles 3(1)g) et i) de la Loi. Le Conseil rappelle aussi que les titulaires sont seules responsables du choix de leurs journalistes, animateurs et invités.

 

Le Conseil reconnaît le droit d'une titulaire, par l'entremise de ses employés, de critiquer et de remettre en question en ondes les gestes d'individus, d'organismes et d'institutions qui oeuvrent dans la communauté. Toutefois, le Conseil estime que le droit de critiquer n'entraîne pas le droit de dénigrer et de faire preuve d'acharnement indu, ni de se servir des ondes pour faire des attaques personnelles, telles que celles constatées dans l'émission qui a fait l'objet de la plainte de l'ADISQ du 27 novembre 2001.

30.

Les titulaires de licences de radiodiffusion ont le privilège d'utiliser des licences attribuées par le Conseil afin d'exploiter des entreprises qui se servent de fréquences qui sont du domaine public. Ce privilège est accordé aux titulaires en contrepartie de la responsabilité des émissions qu'elles diffusent et est assujetti aux exigences découlant de la Loi, de la réglementation et de toute condition de licence pouvant être imposée par le Conseil en vertu de la Loi.

31.

Dans l'exercice de son mandat, le Conseil a reconnu l'importance du principe de la liberté d'expression qui protège à la fois ceux qui s'expriment et ceux qui les écoutent. La liberté d'expression des radiodiffuseurs est donc contrebalancée par le droit des auditeurs à une programmation qui est conforme à la Loi et à la réglementation afférente. Le Conseil est d'avis que l'emploi de propos offensants qui risquent d'exposer une personne ou un groupe de personnes au mépris ou à la haine contrevient aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncés à l'article 3(1) de la Loi.

32.

Cette politique stipule que la programmation doit être de haute qualité et que le système canadien de la radiodiffusion devrait, par sa programmation, refléter la condition et les aspirations des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l'égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu'y occupent les peuples autochtones. Ces principes sont renforcés par les articles 15 et 27 de la Charte.

33.

La diffusion de propos offensants qui risquent d'exposer une personne, un groupe ou une classe de personnes à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, la religion, la couleur, l'origine ethnique, le sexe, la déficience mentale ou d'autres motifs établis dans l'article 3b) du Règlement est incompatible avec les normes et les valeurs du système canadien de radiodiffusion et les valeurs de la Charte. Cette disposition a pour objectif de prévenir le préjudice réel que peut causer ce type de propos, préjudice qui porte atteinte aux objectifs de la politique de radiodiffusion énoncés dans la Loi et qui a été reconnu par les tribunaux.

34.

Un préjudice causé par des propos risquant d'exposer une personne ou un groupe à la haine ou au mépris est d'ordre émotionnel et peut entraîner de graves conséquences psychologiques et sociales à l'égard de la personne ou des membres du groupe cible. La dérision, l'hostilité et les injures qu'encourage ce type de propos ont des incidences négatives graves sur le groupe cible ou sur la confiance en soi, la dignité humaine et l'acceptation dans la société des individus qui le composent. Ce préjudice porte atteinte au droit à l'égalité des personnes concernées, alors que, selon la politique canadienne de radiodiffusion, ce droit devrait être reflété dans la programmation du système canadien de radiodiffusion.

35.

Le Règlement interdisant les propos offensants qui risquent d'exposer une personne ou un groupe à la haine ou au mépris est non seulement nécessaire pour éviter tout préjudice aux personnes visées, mais aussi pour assurer le respect des valeurs canadiennes au regard de tous les Canadiens. La diffusion de propos pouvant exposer à la haine ou au mépris peut attirer des personnes vers la cause dont ils sont l'écho et être par conséquent à l'origine de discordes importantes entre différents groupes de la société canadienne, et ce, au détriment de l'ensemble de cette même société. Ce préjudice porte atteinte à la structure culturelle, politique et sociale du Canada que le système canadien de radiodiffusion devrait expressément sauvegarder, enrichir et renforcer. Il porte également atteinte au caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne que devrait refléter la programmation du système canadien de radiodiffusion. La protection contre le préjudice causé par des propos offensants vise tous les Canadiens.

36.

Des considérations similaires s'appliquent en ce qui concerne les interdictions contenues au Code de déontologie, imposé en condition de licence à CHOI-FM, et notamment celles qui ont trait aux attaques personnelles, au harcèlement, aux propos ridiculisant les individus ou au respect de la vie privée.

37.

Les tribunaux ont aussi déclaré que bien qu'elle ne soit pas expressément mentionnée dans la Charte, la bonne réputation de l'individu représente et reflète sa dignité inhérente, un concept qui sous-tend tous les droits garantis par la Charte. La protection de la bonne réputation d'un individu est donc d'importance fondamentale dans notre société libre et démocratique.

38.

Le Conseil considère que la liberté d'expression ne justifie pas la diffusion de propos offensants en contravention à l'article 3b) du Règlement. Une interprétation du droit à la liberté d'expression qui donnerait la permission de diffuser n'importe quoi sur les ondes publiques ne serait absolument pas en concordance avec les autres objectifs établis dans la Loi.

39.

Le mandat du Conseil est de mettre en oeuvre les objectifs de la Loi, ce qui l'oblige à maintenir un juste équilibre entre ces objectifs. Chaque titulaire doit contribuer à l'atteinte de ces objectifs. Accepter qu'une titulaire ne remplisse pas les exigences de la Loi, du Règlement et de ses conditions de licence pourrait affaiblir l'intégrité du régime d'attribution de licences, entraîner une plus grande non-conformité des titulaires et miner les objectifs de la Loi.

Plaintes relatives au contenu verbal de CHOI-FM

 

Traitement des plaintes

40.

En ce qui concerne le traitement des plaintes, le Conseil a déclaré dans l'avis public 1982-36 qu'il tiendrait compte des plaintes et des réponses aux plaintes dans son appréciation du rendement global d'une titulaire, c.-à-d. au moment de traiter du renouvellement d'une licence. Depuis cet avis, et dans l'instance actuelle, le Conseil a suivi la pratique de verser les plaintes qu'il reçoit et la correspondance afférente au dossier d'examen public d'une titulaire et de les considérer au moment du renouvellement de sa licence dans le cadre de son évaluation du rendement de la titulaire.

41.

Conformément à sa pratique, le Conseil a déposé toutes les plaintes reçues concernant la titulaire dans son dossier d'examen public. Ce dossier comprend également toute la correspondance afférente à chacune des plaintes, incluant les réponses écrites de la titulaire et les lettres du personnel du Conseil en réponse, soit aux requêtes procédurales de la titulaire, soit aux plaintes.

42.

Tel que mentionné précédemment, durant la période précédente de licence de cinq ans allant de 1997 à 2002, le Conseil avait reçu 47 plaintes à l'encontre de CHOI-FM. Par comparaison, le Conseil a reçu 45 plaintes au sujet du contenu verbal au cours des 17 premiers mois de la période courante de licence de la titulaire. Douze plaintes ont été référées au CCNR3 et 29 ont été examinées par le Conseil. Les plaintes allèguent que la conduite des animateurs en ondes a entraîné la diffusion d'attaques personnelles et la tenue de propos offensants, vulgaires, blasphématoires, malicieux, mensongers, discriminatoires et portant au ridicule des individus.

43.

Préalablement à l'audience publique du 18 février 2004, le personnel du Conseil a soulevé de sérieuses préoccupations ou des infractions possibles dans le cas de 11 plaintes. En ce qui a trait à ces cas, lorsque, à la suite de l'analyse de la réponse écrite de la titulaire et de l'écoute des propos ou de la lecture des transcriptions sous forme de notes sténographiques accompagnant les plaintes (les notes sténographiques), des infractions possibles ou de sérieuses préoccupations étaient soulevées, une lettre était envoyée à la titulaire par le personnel du Conseil, avec copie au plaignant, afin qu'elle soit avisée que la plainte en question ferait possiblement l'objet de discussions à l'audience publique qui traiterait sa demande de renouvellement. Toutes ces lettres décrivent les éléments de la plainte en question et les arguments soulevés par la titulaire dans sa réponse écrite à la plainte et font également partie de son dossier d'examen public. À l'audience publique, la titulaire a eu l'occasion d'ajouter des éléments à ses réponses et de s'expliquer davantage devant les membres du comité d'audition.

44.

Tout comme c'était le cas dans la décision 2002-189, les plaintes concernent principalement le contenu verbal faisant partie de l'émission quotidienne matinale intitulée « Le monde parallèle de Jeff » animée par M. Jean-François ( « Jeff » ) Fillion et diffusée du lundi au vendredi. Cette émission comprenait également, depuis août 2002, un segment d'environ une demi-heure animé conjointement par MM. André Arthur et Jean-François Fillion. M. Arthur est animateur à la station CKNU-FM Donnacona, détenue et exploitée par Genex, et les deux stations diffusaient simultanément la demi-heure animée par ces deux personnes. L'émission matinale de la titulaire est diffusée de 6 h à 10 h le matin et la demi-heure était diffusée entre 8 h 30 et 9 h, soit lors de la période de grande écoute, alors que son auditoire potentiel dans la région de Québec est de plus d'un demi million de personnes.

45.

Le Conseil note que, pour toutes les plaintes notées ci-après, sauf celles de M. Robert Gillet, de Cogeco Radio-TV, de Mme Sophie Chiasson et celles à l'égard de l'incitation au piratage de signaux de radiodiffusion, la titulaire lui a envoyé des enregistrements complets contenant les discussions et les propos faisant l'objet des plaintes, tel que demandé par le Conseil. Les plaintes de M. Gillet, de Cogeco Radio-TV et de Mme Chiasson contenaient, pour leur part, des centaines de pages de notes sténographiques. De plus, Mme Chiasson et M. Gillet ont fait parvenir au Conseil des cassettes contenant des propos diffusés par CHOI-FM à leur égard. Des copies de ces cassettes ont été envoyées à la titulaire. À la suite de leur écoute, le Conseil est d'avis que ces cassettes n'ont soulevé aucun doute quant à leur fiabilité.

46.

En ce qui a trait aux notes sténographiques, la titulaire a mis en doute la valeur de ce genre de preuve, prétendant qu'il faut écouter les propos en question pour réellement en saisir la teneur et le contexte. Le Conseil constate que ces notes sténographiques ont été préparées par des entreprises spécialisées et reconnues dans le domaine et que la titulaire n'en a pas sérieusement contesté la fiabilité. Le Conseil estime que ces notes sont une preuve fiable de ce qui s'est dit en ondes.

47.

Le Conseil considère qu'il a reçu, dans tous les cas, le matériel qui lui a permis de tenir compte du contexte entourant les propos faisant l'objet de chacune des plaintes. Dans cette décision, le Conseil se penche en particulier sur 10 de ces plaintes.
 

Conformité à l'article 3b) du Règlement

48.

Il y a infraction à l'article 3b) du Règlement lorsque les propos diffusés comprennent les trois éléments suivants :
 

1- Les propos sont offensants.

 

2- Les propos offensants, pris dans leur contexte, risquent d'exposer une personne ou un groupe de personnes à la haine ou au mépris.

 

3- Les propos offensants visent la personne ou le groupe de personnes pour des motifs fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge ou la déficience physique ou mentale.

 
Plainte de M. François-Pierre Gauvin du 8 mai 2003

49.

Dans le cadre de commentaires traitant d'une nouvelle concernant les mauvais traitements subis par un patient d'un hôpital psychiatrique, l'animateur Fillion a mentionné ce qui suit à l'antenne de CHOI-FM le 8 mai 2003 : « Pourquoi un moment donné on tire pas sa plogue. Non mais il ne mérite pas de vivre. C'est un esti de paquet de troubles pour la société ce bonhomme là. » Quelques minutes plus tard, un intervenant travaillant dans le centre d'hébergement en question a téléphoné à l'animateur et indiqué que l'aile dans laquelle on garde les cas lourds, comme celui faisant l'objet de la discussion, est appelée le « zoo » par les employés du centre. Suite à cet appel, M. Fillion a ajouté : « Moi je pense que dans le zoo on devrait remplir les chambres pis que un moment donné, y a une switch pis que une fois par quatre mois, tu pèses sur le piton pis qui sort rien qu'un petit gaz pis que tu vas là pis tu ramasses ça dans des sacs. »

50.

Lorsque questionnée sur cette plainte à l'audience, la titulaire a réitéré la réponse écrite à sa plainte. Elle a refusé d'admettre qu'il y avait un problème avec ces propos et a argumenté qu'il fallait les prendre dans le contexte d'une discussion qui a duré 25 minutes et qui constituait un débat de société. La titulaire a mentionné qu'elle n'était pas d'accord qu'il s'agissait d'une violation du Règlement et que les propos n'exposaient pas du tout les personnes handicapées à la haine ou au mépris. La titulaire a ajouté que les propos étaient prononcés sous forme humoristique et que c'était une caricature exagérée d'une situation pour faire prendre conscience.

51.

À la fin de la période d'interrogatoire, lorsque le comité d'audition est revenu sur cette question, la titulaire a concédé au Président du Conseil que ces propos étaient totalement inacceptables et contraires au Règlement mais elle a ajouté qu'elle a tenté de les placer dans un contexte et dans des circonstances qui les rendent « un peu moins pires ».

52.

À la suite de l'écoute de l'extrait commentant cette nouvelle qui a duré environ une demi-heure entre 7 h et 7 h 35 le 8 mai 2003, le Conseil noteque les propos furent mentionnés dans le cadre d'un débat d'opinions sur un sujet d'intérêt public controversé, soit l'euthanasie et la dignité humaine. Les animateurs discutaient notamment des limites à la dignité humaine, de l'euthanasie et des qualités requises pour travailler dans des centres d'hébergement de personnes atteintes de déficience mentale. Le Conseil estime que de tels sujets méritent d'être traités de façon à présenter différents points de vue à la société.

53.

Cependant, quoique le débat d'opinions pouvait soulever d'importantes questions d'intérêt public, le Conseil considère les propos de l'animateur offensants, dégradants, irrespectueux et méprisants envers les personnes atteintes de déficience mentale. Le Conseil considère que, pris dans leur contexte, les propos risquaient d'exposer à la haine ou au mépris les personnes atteintes de déficience mentale. Il est même difficile d'imaginer un contexte qui pourrait justifier de tels propos.

54.

Pour ces motifs, le Conseil considère que ces propos constituent une violation à l'article 3b) du Règlement.De plus, ces propos sont loin de répondre à l'objectif de haute qualité énoncé dans la Loi et leur diffusion sur les ondes publiques ne constitue pas une programmation qui traduit les valeurs canadiennes. De l'avis du Conseil, le préjudice qui a pu être causé au groupe visé porte atteinte au droit à l'égalité reflété dans la politique canadienne de radiodiffusion et dans la Charte.

55.

Ceci est la deuxième plainte de cette nature au dossier de la titulaire. Le Conseil trouve inexcusable le fait qu'il s'agit d'un cas de récidive de la part de la titulaire puisque, dans la décision 2002-189, il avait trouvé la titulaire en violation de ce même article du Règlement lorsqu'elle avait comparé sur les ondes les enfants handicapés à des animaux, en référence à l'affaire Latimer, une cause judiciaire où un père était accusé du meurtre de sa fille handicapée.
 
Plainte de l'Université Laval reçue le 9 janvier 2004

56.

M. André Arthur a mentionné ce qui suit à l'antenne de CHOI-FM le 3 novembre 2003 :
 

À part de ça, on est toujours là à se vanter d'être international et d'accueillir à Québec à l'université des étudiants étrangers, notamment de l'Afrique du Nord. L'Université Laval est une des plus grandes universités d'Afrique du Nord.

 

Le problème, c'est qu'on oublie que, en Afrique, dans les pays musulmans et dans les pays d'Afrique Noire, ceux qui sont envoyés à l'étranger pour étudier, c'est les fils des écoeurants, c'est les fils de ceux qui possèdent le pays pour mieux le gouverner. C'est les fils des pilleurs, des cannibales qui dirigent certains pays du Tiers-Monde et qui eux ont les moyens d'envoyer leurs jeunes étudier au Québec si ce n'est de la corruption directe des compagnies désireuses d'avoir accès à des ressources naturelles en Afrique, vont payer des études à Québec pour les fils des écoeurants qui gouvernent ces pays-là.

 

Mais on est toujours fier, à Laval, de l'accueil qu'on fait des étudiants étrangers. On oublie de dire que ces étudiants étrangers-là sont, par définition, sauf exception, les enfants des plus écoeurants dirigeants politiques au monde, les gens qui écrèment leur pays, qui tuent pour prendre le pouvoir et qui torturent pour le garder. Ceux que, au sens de la langue française, on appelle des cannibales, c'est-à-dire des gens d'une extrême cruauté.

57.

La titulaire a soutenu qu'il fallait prendre les propos dans leur contexte et que l'animateur avait un « bagage culturel » qui lui permettait d'avancer que ces propos reflétaient la réalité et étaient d'intérêt public. Elle a allégué que ce que l'animateur voulait signifier était une exagération pour que les gens s'interrogent à savoir s'il y a dans nos universités des fils de tyrans, de dictateurs et de meurtriers.

58.

À la fin de la période d'interrogatoire, lorsque le comité d'audition est revenu sur cette question, la titulaire a concédé au Président du Conseil que les propos pourraient aller à l'encontre du Règlement. Par contre, à la suite de l'audience, la titulaire a envoyé un courriel au Conseil le 27 février 2004 qui citait des passages d'un intervenant à l'audience, M. Zylberberg, qui a affirmé, selon la titulaire, avoir eu des étudiants fils de dictateurs dans les cours qu'il a enseignés à l'Université Laval et qu'ainsi, les propos de l'animateur étaient fondés et donc acceptables.

59.

Le Conseil note que dans tous ces arguments, la titulaire n'a jamais traité de l'article 3b) du Règlement ou semblé comprendre son objectif. De l'avis du Conseil, il ne s'agit pas de savoir si les propos ont un quelconque fondement mais d'examiner s'ils sont offensants et si, pris dans leur contexte, ils risquent d'exposer les étudiants noirs ou musulmans de l'Université Laval à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, l'origine ethnique, la religion ou la couleur, indépendamment de leur pays d'origine.

60.

Le Conseil considère que la titulaire a contrevenu à l'article 3b) du Règlement en diffusant les propos mentionnés ci-haut, qui ne répondent pas en outre à l'objectif de haute qualité mentionné à l'article 3(1)g) de la Loi et ne reflètent pas l'égalité sur le plan des droits et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne, tel qu'énoncé à l'article 3(1)d)(iii). Les propos vont également à l'encontre des valeurs qui sous-tendent les articles 15 et 27 de la Charte.
 
Plainte de Mme Sophie Chiasson du 28 mai 2003

61.

La plaignante est animatrice à la télévision, à l'antenne du réseau de télévision TVA, et chez MétéoMédia et Canal Vie, deux services spécialisés de télévision. Dans sa plainte, elle a allégué que de nombreuses attaques personnelles la visant ont été tenues en ondes lors de l'émission matinale de la titulaire le 10 septembre 2002 et le 8 octobre 2002. À la suite de l'écoute des enregistrements contenant des propos tenus les 10 et 274 septembre et le 8 octobre 2002, et à la lecture des notes sténographiques, le Conseil a relevé plusieurs propos à l'endroit de la plaignante reliés à ses attributs physiques, et plus particulièrement sexuels. On fait référence à plusieurs reprises à la grosseur de ses seins, à sa « méchante paire de boules »; et on suggère que « la grosseur du cerveau n'est pas directement proportionnelle à la grosseur de la brassière » et que « dans ce cas-ci c'est peut-être inversement proportionnel, effectivement ». Les participants se sont même questionnés quant à la texture des seins de la plaignante et à savoir si on a « parlé au tâteux » et si « ça défie la gravité ». Selon l'animateur, « tout est dans les seins » et cette paire de seins-là « fait la job sur Alexandre Daigle », ce qui expliquerait pourquoi l'animateur a dit que ce dernier aurait quitté Sheryl Crow pour la plaignante.

62.

Les participants ont également traité la plaignante de « experte de la menterie », « chatte en chaleurs », « sangsue après Alexandre Daigle » et mentionné que « une cruche vide, ça a ben beau avoir des gros seins pis une tite taille pis un tit cul, ça ne fait rien », qu' « il y a plusieurs malades chroniques à MétéoMédia », que « des filles qui ont de l'allure pis qui paraissent ben, c'est toujours des connes », et « qu'un imbécile est capable de faire la météo ». Ils ont également mentionné que la plaignante « a fait le tour » et que « c'est en coulisse que ça se passe » et tenu plusieurs propos qui laissent croire qu'elle entretient des relations amoureuses et même sexuelles afin d'obtenir des contrats d'animatrice d'émissions de télévision.

63.

En réponse, la titulaire a allégué qu'il s'agissait d'une parenthèse faite dans le cadre d'une émission de « showbizz » qui est toujours faite sous le sceau de l'humour et que le tout était fait sur un ton humoristique et imagé et qu'en ce sens, il ne s'agissait pas d'attaques personnelles. Selon la titulaire, il est permis de critiquer le corps et la présentation d'une présentatrice météo dans le contexte d'un débat public car c'est quelqu'un qui gagne sa vie de cette façon, d'une manière publique.

64.

Le Conseil est d'avis que CHOI-FM a délibérément ridiculisé et insulté la plaignante, en diffusant plusieurs propos offensants sur ses attributs physiques sexuels et en prétendant qu'elle est populaire seulement à cause d'eux et qu'elle est autrement dépourvue de talent et d'intelligence. Ces propos ont été diffusés pendant plusieurs minutes, à plusieurs reprises. Ils visaient clairement à dénigrer et à rabaisser la plaignante aux yeux du public.

65.

Le Conseil considère que les propos diffusés au sujet de Mme Chiasson étaient offensants et risquaient d'exposer la plaignante, et les femmes en général, au mépris pour des motifs fondés sur le sexe, contrairement à l'article 3b) du Règlement. De plus, l'ensemble de ces propos ne répond pas aux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée dans la Loi. L'ensemble des propos n'était pas de la programmation de haute qualité, tel qu'exigé par l'article 3(1)g) de la Loi.

66.

Le Conseil considère que de tels propos ne servent pas à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale du Canada, ni à refléter la condition et les aspirations des femmes, notamment sur le plan de l'égalité des femmes, tel qu'exigé par l'article 3(1)d)(iii) de la Loi. Le Conseil rappelle que l'égalité des sexes est une valeur visée par l'article 15 de la Charte et il considère qu'une programmation qui mine très substantiellement cette valeur va à l'encontre des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion et n'est pas digne des ondes publiques.
 

Conformité au Code de déontologie de CHOI-FM

67.

Le Conseil a reconnu plus d'une fois5 le droit d'une titulaire, par l'entremise de ses animateurs, de critiquer et de remettre en question en ondes les gestes d'individus, d'organismes et d'institutions qui oeuvrent dans la communauté. Toutefois, tel que mentionné, entre autres dans la décision 2002-189, le Conseil considère que le droit de critiquer n'entraîne pas le droit de dénigrer ou de faire preuve d'acharnement indu, ni de se servir des ondes publiques pour proférer des attaques personnelles.

68.

Dans Politique en matière de tribunes téléphoniques, avis public CRTC 1988-213, 23 décembre 1988 (l'avis public 1988-213), le Conseil a affirmé ce qui suit :
 

Pour le Conseil, les attaques personnelles injustifiées contre des particuliers ou des groupes, les reportages non documentés ou inexacts et les comportements non professionnels en ondes sont des exemples d'incapacité de satisfaire à la programmation de haute qualité exigée de chaque titulaire.

69.

Ces principes sont reflétés dans l'article 6 du Code de déontologie de la titulaire imposé en condition de licence dans la décision 2002-189. Cet article prévoit expressément qu'un animateur ou un journaliste ne devrait pas utiliser les ondes pour diriger des attaques personnelles ou obtenir quelque faveur personnelle que ce soit. L'article 17 du Code de déontologie prévoit que les personnalités publiques, les auditeurs et les regroupements formels ou informels ont droit au respect et ne devraient pas être harcelés, ni insultés, ni ridiculisés.

70.

Le Conseil a reçu plusieurs plaintes qui démontrent que les animateurs de la titulaire ont continué à faire preuve d'acharnement indu dans leur utilisation des ondes publiques pour faire des attaques personnelles, harceler, insulter et ridiculiser les gens.
 
Plainte de Mme Sophie Chiasson du 28 mai 2003

71.

Cette plainte a été examinée plus haut sous le volet de l'article 3b) du Règlement. En plus de cette infraction, le Conseil est d'avis que le traitement de la plaignante en ondes et l'ensemble des propos mentionnés plus haut envers Mme Chiasson ont constitué des attaques envers sa personne. Le Conseil considère ces propos dénigrants et totalement gratuits, notamment ceux liés à ses attributs physiques par rapport à ses capacités intellectuelles. Ils ont servi à ridiculiser et à insulter la plaignante, dans un manque total de respect et dans un esprit d'acharnement à son endroit.

72.

Le Conseil considère que l'ensemble des propos et la conduite notés ci-haut vont à l'encontre des articles 6 et 17 du Code de déontologie de la titulaire.

73.

Le Conseil note que, dans la décision 2002-189, la titulaire a déjà été trouvée en violation de sa condition de licence qui l'oblige à respecter le Code d'application concernant les stéréotypes sexuels à la radio et à la télévision de l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR). Bien que la condition de licence qui exige le respect du code est suspendue tant et aussi longtemps que la titulaire en est un membre en règle, le Conseil note que les propos tenus en ondes à l'égard de Mme Chiasson qui enfreignaient l'article 3b) du Règlement et le Code de déontologie de CHOI-FM sont semblables à ceux qui ont entraîné la contravention à sa condition de licence au cours de la période de licence précédente.
 
Plaintes de Cogeco Radio-TV du 4 avril 2003 et de M. Robert Gillet du 3 mars 2003

74.

Dans un document contenant en annexe quelques centaines de pages de notes sténographiques, Cogeco Radio-TV a allégué que M. André Arthur avait tenu sur les ondes de la titulaire à plusieurs reprises des propos injurieux, insultants, méprisants et trompeurs envers Cogeco et ses dirigeants. Selon Cogeco Radio-TV, M. Arthur aurait mené, depuis le 18 décembre 2002, une campagne de dénigrement contre Cogeco, ses dirigeants et CJMF-FM, station détenue par Cogeco Radio-TV et qui fait concurrence à CHOI-FM dans le marché de Québec. Selon Cogeco Radio-TV, M. Arthur aurait incité les auditeurs à ne plus écouter CJMF-FM, incité les annonceurs et établissements commerciaux de Québec à ne plus annoncer sur les ondes de CJMF-FM ou de Télévision Quatre-Saisons (TQS), propriété de Cogeco Radio-TV, et incité les auditeurs à harceler CJMF-FM, TQS, leurs dirigeants, leurs employés et les commanditaires annonçant sur les ondes de CJMF-FM ou de TQS, le tout aux fins de ses propres intérêts et ceux de son employeur Genex. Cette plainte de Cogeco Radio-TV a également été reprise dans l'intervention de Cogeco au dossier public de la demande de renouvellement de la titulaire.

75.

Le Conseil note que les propos furent tenus à la suite de la première vague d'arrestations dans le cadre de l'enquête sur la prostitution juvénile à Québec et que M. Robert Gillet, animateur-vedette de CJMF-FM, fut mis sous arrêt à la fin de son émission à l'antenne de CJMF-FM le 17 décembre 2002 en rapport avec cette enquête.

76.

Dans une plainte concernant les mêmes faits que ceux de la plainte de Cogeco Radio-TV, M. Gillet a allégué que les animateurs de la titulaire ont tenu des propos mensongers et des insinuations vicieuses à son endroit et qu'ils ont propagé malicieusement des rumeurs en ondes, au mépris flagrant de la vérité et avant son procès. Il a allégué que cette conduite est du harcèlement issu d'un désir de vengeance avoué de M. André Arthur.

77.

La titulaire a soutenu, entre autres, que les propos de M. Arthur étaient des exemples d'interrogatoires de journalistes ou de policiers et non d'accusations ou de faits. Selon elle, les propos de M. Arthur concernant les voyages de M. Gillet dans des endroits réputés pour la prostitution juvénile et ses questions quant aux dirigeants de Cogeco face à ces voyages étaient une démarche journalistique faite dans le cadre d'un commentaire éditorial. La titulaire a également argumenté que M. Arthur avait divulgué son intérêt personnel dans la cause en expliquant avoir été congédié de CJMF-FM par Cogeco dans le passé à cause de M. Gillet. Selon la titulaire, M. Arthur avait le droit de parler dans les termes utilisés puisque le public savait qu'il avait un intérêt personnel dans ce dossier.

78.

Le Conseil a lu les notes sténographiques annexées à la plainte et contenant les propos tenus sur les ondes de CHOI-FM, notamment entre le 18 décembre 2002 et la mi-janvier 20036. Il a relevé les exemples suivants de propos problématiques tenus sur les ondes de CHOI-FM par M. Arthur : « Puis par la suite quand.je décide de m'en aller puis qu'eux [Cogeco] décident de me sortir puis que tout ça se termine au mois de novembre 2001 et que la vraie raison qui a été dite c'est que j'ai manqué de respect pour Robert Gillet, ben là, c'est pour ça que ce jeudi-là, si vous m'aviez enterré le soir.vous m'auriez retrouvé avec un grand sourire 1 000 ans plus tard. » et « Animé par mes mauvais sentiments. La vengeance est un sentiment méprisable que j'apprécie à tous les jours. »

79.

Selon le Conseil, CHOI-FM a utilisé les ondes publiques pour diriger à plusieurs reprises et avec acharnement des attaques personnelles et proférer des insinuations injustifiées de conduite répréhensible envers M. Gillet et certains actionnaires, dirigeants et employés de Cogeco, y compris M. Geoff Brown, le directeur général de CJMF-FM, et M. Michel Carter, le président de Cogeco Radio-TV. Quelques exemples de cette campagne qui ne peut se qualifiée que de dénigrement et qui s'est échelonnée sur plusieurs semaines suivent :
 

Autre question pour les dirigeants de Cogeco, que ce soit le petit monsieur Brown, que ce soit monsieur Carter, son évêque mormon de patron, que ce soit la famille Audet, pourquoi pas poser la question suivante : puisque la majorité des gens du milieu savent que Robert [Gillet] a des problèmes, comment se fait-il qu'on l'a défendu avec autant d'acharnement [.] Est-ce que quelqu'un dans la chaîne de commandement était obligé? Est-ce que quelqu'un dans la chaîne de commandement a fait des voyages avec Robert?

 

Regarde, bon, y'a-t-y quelqu'un au FM 93 qui ignorait que Robert [Gillet] faisait, et fait encore, régulièrement des voyages dans deux des endroits les plus populaires au monde en matière de prostitution d'enfants? Notamment la Thaïlande où Robert va régulièrement et la Tchécoslovaquie, Prague.

 

[M. Gillet n'était] plus capable de bander avec une femme adulte.

 

Qui protège Robert Gillet au FM 93? Est-ce que c'est Brown? Est-ce que c'est Carter? Qui au FM 93 peut pas dire non à Robert?

 

[...] à dire à Geoff Brown : t'es beau, t'es grand, t'es fin, puis tu sens bon, puis je m'en aperçois pas quand tu te grattes l'anus devant tout le monde?

 

[...] Tout le monde sait que Geoff Brown, quand il marche dans une route de gravelle, s'il pète ça fait un petit nuage de boucane, ça fait un petit nuage de poussière parce qu'il a le cul trop bas, bon.

 

Est-ce que les gens du FM 93 avaient le droit d'être surpris? D'après moi non. Ils savaient qu'il [Robert Gillet] allait en Thaïlande, ils sont allés avec lui.

 

[.] deuxièmement, Prague est la capitale mondiale . européenne de la prostitution des petites filles. Est-ce que la police de Québec ou les journalistes sont allés voir Voyages Paradis en disant : est-ce qu'il y avait des dirigeants du FM 93 dans les voyages de Robert Gillet? Est-ce qu'il y avait d'autres accusés [.]

 

Or. et maintenant je pose la question aux journalistes, comment ça se fait que Charles Paradis, qui organisait les voyages à Prague, n'a jamais été questionné par les autres journalistes sur le rôle de Robert Gillet? Robert était-il un démarcheur de clients? Est-ce qu'il était commissionné quand il amenait du monde? Est-ce qu'il amenait du monde personnellement là-bas? Est-ce qu'il y a des dirigeants du FM 93 qui ont fait ces voyages-là en Thaïlande ou à Prague? Et est-ce qu'il y a des vendeurs ou des dirigeants commerciaux du FM 93 ou de Cogeco qui ont fait ces voyages-là?

 

Ah, je le sais pas. Je pense qu'il y a des liens personnels. Je crois qu'il y a des amitiés véritables, mais il y a aussi le fait que je sais qu'il y a des dirigeants du FM 93 qui sont allés en Thaïlande avec Robert Gillet. Je sais qu'il y a des dits.qu'on a laissé annoncer à l'antenne du FM 93 des voyages à Prague, avec Voyages Paradis, voyages dans la capitale européenne de la prostitution des fillettes. Je sais que Robert à ce moment-là, a fait du rabattage de clients pour Voyages Paradis, ce qui était sa job. Je ne sais pas, mais je demande aux journalistes de Québec : quand est-ce que vous allez faire votre job? Que vous allez aller au FM 93? Que vous allez aller chez Voyages Paradis et que vous allez demander : c'est qui « icitte » qui voyageait avec Robert? Mais je sais qu'en Thaïlande, y'a des dirigeants de Cogeco qui sont allés en Thaïlande avec Robert Gillet. La Thaïlande, Bangkok, étant le pays au monde où la prostitution des enfants est la plus répandue.

80.

Pris ensemble et dans leur contexte, le Conseil considère que les propos mentionnés ci-haut ont constitué une attaque personnelle envers certains actionnaires, dirigeants et employés de l'ancien employeur de M. Arthur, Cogeco, contrairement à l'article 6 de son Code de déontologie. Ces propos manquaient de respect, étaient injurieux et tournaient au ridicule, contrairement à l'article 17 de ce Code. De plus, le Conseil considère que de telles paroles constituaient une façon insidieuse et inacceptable de s'attaquer avec acharnement, et pour des motifs personnels, à des personnes sur les ondes publiques, ce qui à son avis est incompatible avec l'exigence de haute qualité et les valeurs canadiennes que doit refléter la programmation radiodiffusée.

81.

Le Conseil note que la titulaire a lu un texte d'excuses en ondes le 12 mars 2003, lorsque Cogeco Radio-TV l'a menacée de poursuite civile. Ce texte préaprouvé par les deux parties a été assorti en ondes de remarques sarcastiques par l'animateur M. Arthur. Le Conseil est d'avis que lorsque les animateurs tiennent des propos inappropriés sur les ondes et sont ainsi entendus par des centaines de milliers d'auditeurs, les excuses ne peuvent pas réparer le tort qui peut déjà avoir été causé.

82.

Le Conseil reconnaît le droit du public à l'information, le fait que M. Gillet est une personnalité publique et le fait que les accusations des autorités policières à son endroit représentent un sujet d'intérêt public qui intéresse les auditeurs. Toutefois, tel que déclaré dans l'avis public 1988-213, cela ne justifie en rien une campagne de dénigrement à l'endroit de l'accusé, son employeur et ses collègues.

83.

Le Conseil estime que dans le cas présent, la conduite de M. Arthur est aggravée par le fait que celui-ci a mentionné expressément en ondes qu'il était animé par un esprit de vengeance.
 
Plaintes de Mmes Joncas/Brazeau du 14 avril 2003 et de M. Ricky Arsenault du 3 octobre 2003

84.

Le Conseil a également examiné deux autres plaintes soulevant des faits qu'il estime aller à l'encontre du Code de déontologie de CHOI-FM. Il s'agit des plaintes de Mmes Joncas/Brazeau et de M. Ricky Arsenault.

85.

Mmes Joncas/Brazeau ont participé, le visage voilé, à un reportage télévisé concernant un « tournoi de golf érotique ». Elles y ont mentionné que CHOI-FM avait commandité l'événement. Dans leur plainte, Mmes Joncas/Brazeau ont allégué, entre autres, que l'animateur Fillion avait violé leur vie privée lorsqu'il a réclamé en ondes, de la part des auditeurs de CHOI-FM, des informations personnelles les concernant afin de les retracer et lorsqu'il a, par la suite, divulgué leurs noms et adresses électroniques en ondes.

86.

En réponse, la titulaire a allégué que la recherche de commentaires de la part des témoins par l'animateur et le fait de tenter de communiquer avec les plaignantes s'inscrivaient dans une démarche journalistique reconnue. La titulaire a argumenté que le droit à la vie privée des plaignantes a été respecté et qu'en aucun cas les circonstances ne justifiaient que leur visage et identité soient cachés au public.

87.

Le Conseil considère que cette utilisation des ondes publiques est abusive et malicieuse et que le comportement de l'animateur Fillion a contrevenu à l'article 3 du Code de déontologie concernant le respect de la vie privée ainsi qu'à l'article 6 de ce même code concernant l'utilisation des ondes à des fins personnelles.

88.

La plainte de M. Ricky Arsenault portait sur un concours tenu sur les ondes de CHOI-FM qui incitait les auditeurs à dénoncer en ondes leurs voisins n'entretenant pas convenablement leur terrain et étant « crottés ». La titulaire s'était alors rendue chez une famille dénoncée par des auditeurs et avait diffusé en direct de chez elle, sans jamais révéler aux occupants la vraie nature du concours et le fait que les animateurs et des personnes appelant à la station ridiculisaient en même temps leur mode de vie sur les ondes de CHOI-FM.

89.

À l'audience, la titulaire a mentionné que lorsqu'elle s'est rendue compte que le concours prenait la forme d'une dénonciation puis que cela pouvait mener à des abus, elle a retiré le concours. La titulaire a néanmoins maintenu que la façon dont cette famille avait été traitée ne constituait pas une atteinte à la vie privée car les employés portaient des vestes identifiées en gros à la station et s'étaient présentés avec un gros camion identifié à la station.

90.

Le Conseil estime que la titulaire a enfreint l'article 3 de son Code de déontologie en étalant par le biais d'un subterfuge la vie privée de cette famille en ondes. Dans ce cas, comme dans celui de la plainte de Mmes Joncas/Brazeau, le Conseil note que le droit du public à l'information ou que des personnalités publiques n'étaient pas en cause.
 

Compréhension de la titulaire de ses responsabilités et sa façon de s'en acquitter

91.

Afin de vérifier la compréhension qu'a la titulaire de ses responsabilités, le Conseil a examiné et pris en considération la réaction et les réponses de la titulaire, faites par écrit ou lors de l'audience, aux plaintes reçues. Il a également tenu compte de la façon dont elle a donné suite aux plaintes traitées par le CCNR, qui est l'organisme d'auto-réglementation de l'industrie, de la responsabilité assumée par la titulaire face au comportement de ses animateurs et de la responsabilité assumée par l'actionnaire de contrôle, seul administrateur et président directeur général de Genex.
 

Réponses de Genex aux plaintes

92.

La titulaire a embauché un avocat interne en septembre 2002 pour traiter les plaintes, y répondre par écrit et s'acquitter d'autres tâches. Conformément à la pratique du Conseil, les réponses de la titulaire étaient envoyées au plaignant avec copie au Conseil. Tout au cours de la période de licence, la titulaire, par l'entremise de son avocat interne, a déposé une quinzaine de requêtes procédurales au Conseil concernant plusieurs des plaintes. Ces requêtes demandaient, entre autres, des précisions, une suspension de la plainte, un rejet de la plainte ou une déclaration d'irrecevabilité. Les demandes de rejet étaient notamment pour le motif que le plaignant utilisait une adresse électronique « hotmail » ou « yahoo » et que ce dernier n'était donc pas identifiable, pour le motif que les faits de la plainte faisaient l'objet d'un recours devant les tribunaux civils ou pour le motif que la titulaire ne détenait plus les enregistrements des émissions en question. Des lettres portant sur les opinions du personnel du Conseil ou sur les décisions prises par le Conseil concernant le bien-fondé de ces requêtes ont été envoyées pour chacune d'elles. Ces lettres réitéraient notamment le devoir du Conseil de traiter les plaintes et donnaient une nouvelle occasion à la titulaire de répondre à la plainte en question.

93.

En ce qui a trait aux plaintes reçues par courriels, le Conseil estime que le fait que l'adresse des plaignants ne soit pas complète ne signifie pas que la titulaire ou le Conseil puisse ignorer ces plaintes. En ce qui a trait aux plaintes faisant l'objet d'un recours civil, le Conseil a rappelé à la titulaire qu'il doit en vertu de la Loi traiter des plaintes portant sur la diffusion, même si les questions soulevées dans les plaintes font également l'objet de tels recours. Dans le cas des plaintes pour lesquelles les enregistrements de la programmation par la titulaire ne sont pas disponibles, le Conseil estime que les enregistrements et les notes sténographiques fournis par des plaignants peuvent être et, dans le cas de la présente instance, sont le reflet fidèle du matériel diffusé.

94.

Le Conseil estime que le nombre important des requêtes de la titulaire relatives au format approprié ou à la procédure n'ont eu pour effet que de reporter de plusieurs mois les réponses de la titulaire à la substance des plaintes ainsi que la possibilité pour le Conseil de traiter ces plaintes.

95.

Lorsque la titulaire a répondu en substance aux plaintes, ses réponses étaient beaucoup plus élaborées et détaillées que la lettre-type utilisée durant la période de licence précédente, mais elles n'admettaient que rarement la validité des préoccupations des plaignants si ce n'est pour fournir de longues explications sur les raisons pour lesquelles les plaintes n'étaient pas fondées ou la nature problématique des propos tenus en ondes.

96.

Lorsque le Conseil a soulevé à l'audience les plaintes qu'il considérait les plus sérieuses, le comportement de la titulaire était, dans presque tous les cas, de nier qu'il y avait un problème et de faire savoir son désaccord avec les états d'infractions présumées relevées par le personnel du Conseil avant l'audience. L'argument principal soulevé par la titulaire dans la plupart des cas était que le Conseil ne prenait pas les propos dans leur contexte et que le contexte justifiait les propos. La titulaire a également argumenté que le Conseil ne pouvait pas se baser seulement sur des notes sténographiques des propos en question pour déterminer le bien-fondé des plaintes. Elle a aussi fait valoir que le Conseil n'avait pas, dans plusieurs des cas, d'enregistrements lui permettant d'écouter les propos faisant l'objet des plaintes. Ainsi, la titulaire se servait de ces arguments pour refuser d'admettre que les plaintes étaient fondées et qu'il y avait un écart de comportement de sa part.

97.

Lors de l'audience précédente de 2002 portant sur le renouvellement de la licence, la titulaire avait admis que certains écarts de langage des animateurs n'avaient pas leur place sur les ondes, et avait concédé à plusieurs reprises le bien-fondé d'un certain nombre de plaintes et affirmé sa volonté d'améliorer son rendement. Cette fois-ci, la titulaire a, au contraire, tout simplement nié que les propos tenus en ondes et ayant fait l'objet des plaintes étaient inappropriés ou erronés. En fait, elle a prétendu avoir amélioré son rendement depuis le dernier renouvellement de sa licence.

98.

Par exemple, on a demandé à la titulaire si elle ferait les émissions diffusées entre le 18 décembre 2002 et le 13 janvier 2003 sur l'affaire Gillet de la même façon si c'était à refaire. Sans répondre directement, la titulaire a déclaré que tout ce qui a été diffusé durant ces émissions était justifié. En réponse à la plainte Joncas/Brazeau, la titulaire a ajouté qu'elle serait prête à divulguer en ondes à nouveau des coordonnées personnelles si « ça sert l'intérêt public ».

99.

Le Conseil estime qu'à la fois dans ses réponses écrites aux plaintes ainsi qu'aux questions posées à l'audience à ce sujet, la titulaire a adopté et maintenu une attitude inflexible et réfractaire. Le Conseil estime que les réponses faites par la titulaire au sujet des plaintes tout au long de la période de licence sont peu convaincantes en ce qui concerne sa façon de s'acquitter de ses responsabilités sur ce qui est diffusé en ondes, d'accepter ses responsabilités et de traiter des plaintes dans leur essence et avec respect.
 

Rôle du Comité aviseur

100.

Genex a mis en place un Comité aviseur composé de trois personnes. Le mandat de ce dernier était d'examiner les plaintes envers CHOI-FM et de faire des recommandations à la titulaire quant à l'application de son Code de déontologie et quant à toute autre obligation réglementaire. Le Comité aviseur devait également rédiger des rapports concernant les plaintes déjà traitées par le personnel du Conseil ou par le CCNR, incluant ses recommandations à la titulaire, et déposer ces rapports au Conseil. Avant l'audience publique, trois rapports ont été déposés au Conseil et ceux-ci font partie du dossier public de la titulaire.

101.

Les rapports démontrent que le Comité aviseur a examiné, jusqu'au 1er décembre 2003, 23 plaintes envers la titulaire traitées par le CCNR ou le Conseil. Ces rapports démontrent que le Comité aviseur a fait très peu de recommandations et qu'il appuyait souvent les réponses écrites de la titulaire aux plaintes. De plus, dans ses rapports faits à Genex, le Comité aviseur de la station avait prévenu la titulaire qu'elle devrait prendre plus de précautions dans la recherche factuelle et la présentation lors de ses émissions et utiliser un niveau d'esthétisme verbal supérieur lorsqu'il s'agit de sujets délicats ou tabous. Tout compte fait, le Conseil estime que le Comité aviseur n'a pas contribué à changer ou à restreindre le contenu verbal diffusé par la titulaire.
 

Décisions du CCNR à la suite de plaintes contre CHOI-FM

102.

Conformément à l'une des mesures correctives proposées par Genex lors du dernier renouvellement de sa licence et tel que mentionné dans la décision 2002-189, la titulaire est devenue membre du CCNR.

103.

Le Conseil note que le CCNR, à la suite d'une plainte qui lui a été soumise, a rendu la décision 02/03-0115 du 17 juillet 2003 trouvant la titulaire en violation du Code de déontologie de l'ACR. Le CCNR a déclaré ce qui suit :
 

Le Comité du Québec estime que l'animateur Fillion n'a aucunement fait preuve d'habileté. Au contraire, il s'est montré grossier et blessant. Il a lancé des épithètes méchantes et généralisées, dont on ne pouvait tirer qu'un fléau de malveillance; en effet, aucun auditeur sérieux n'aurait pu effectivement comprendre ce qu'avait fait son concurrent, le cas échéant, pour se mériter une telle critique. Ainsi, le Comité du Québec trouve par exemple que « hostie de prétentieux », « hostie de pas bon », « loser », « un vomi », « un chieur » et « un arbre avec des racines pourries » s'inscrivent dans cette catégorie alors que des commentaires ciblés comme l'accusation selon laquelle Jacques Tétrault était « un mauvais communicateur » qui avait perdu la plupart de ses auditeurs étaient de bonne guerre.

 

M. Fillion a fait preuve d'une totale insolence non seulement à l'égard de l'animateur concurrent mais aussi, et ce de manière plus importante, à l'égard du public qu'il devrait servir. [.] [Italiques dans le texte original]

 

Le Comité estime que les termes « hostie de prétentieux », « hostie de pas bon », « un vomi », et « un chieur » font clairement partie d'un langage soit grossier, soit injurieux et que la diffusion de ces propos par CHOI-FM constitue une violation de l'alinéa 9 c) du Code de déontologie de l'ACR.

104.

À l'audience, la titulaire a mentionné qu'elle n'était pas d'accord avec les conclusions du CCNR. De l'avis du Conseil, l'adhésion de la titulaire au CCNR n'a pas empêché la diffusion de propos jugés inacceptables en vertu des codes qui reflètent les normes auxquelles adhèrent les radiodiffuseurs canadiens.7
 

Responsabilité de la titulaire concernant les propos des animateurs sur les ondes

105.

L'article 3(1)h) de la Loi déclare :
 

Les titulaires de licences d'exploitation d'entreprises de radiodiffusion assument la responsabilité de leurs émissions.

106.

Le Groupe de radiodiffusion Astral inc., Bell ExpressVu Limited Partership (Bell ExpressVu) et Cogeco Radio-TV se sont plaints, en mars 2003, que l'animateur Jean-François Fillion avait fait de l'incitation au piratage en ondes en incitant ses auditeurs à pirater les signaux de Bell ExpressVu et de Vidéotron ltée et que l'animateur avait donc porté une atteinte grave et délibérée au système canadien de radiodiffusion. Plusieurs pages de notes sténographiques étaient annexées aux plaintes où on pouvait relever six commentaires de la sorte, tels que :
 

Combien de fois je vous ai dit : vous faites bien de pirater Bell ExpressVu [. ] c'est un message clair, net et précis.

 

Regarde, je vous répète ce que je vous ai dit hier : continuez de fourrer le système et de pirater les signaux, soit de Vidéotron ou encore de Bell ExpressVu. Ils n'ont pas compris le signal.

 

Continuez d'aller voir votre marchand que vous connaissez, qui vous fournit des affaires pour pirater Bell ExpressVu, vous faites bien.

107.

À l'audience, on a demandé à la titulaire, comme question générale, de donner des exemples de propos diffusés qui constituaient des écarts ou erreurs par rapport aux normes ou standards de diffusion. La titulaire n'a fourni qu'un exemple relié à l'incitation au piratage. Elle a toutefois mentionné que le débat de fond n'était pas d'inciter les gens au piratage, mais de critiquer des formules reliées à la distribution de canaux vidéo par satellite, un débat d'idées légitime. Tout en admettant que les paroles de son animateur étaient totalement inadéquates et même illégales, Genex a insisté sur le fait que les paroles de l'animateur n'étaient pas ce qu'il avait voulu dire et que Genex n'avait pas incité les auditeurs au piratage.

108.

Le Conseil considère que ce cas est un exemple du comportement de la titulaire qui est de dire que c'est bien ce que l'animateur a dit mais ce n'est pas ce que l'animateur a voulu dire. Le Conseil note que l'intention de l'animateur importe peu; c'est ce qui est dit sur les ondes publiques et ce que des milliers d'auditeurs entendent qui importent. La titulaire ne peut pas se disculper de propos diffusés en disant plus tard que ce n'est pas ce que l'animateur a voulu dire.
 

Responsabilités statutaires et réglementaires devant être assumées par la titulaire

109.

Interrogé à l'audience au sujet des responsabilités devant être assumées par la titulaire en vertu de la Loi, M. Patrice Demers a tenté de se soustraire à ces responsabilités, comme le démontrent les extraits suivants de la transcription :
 

.vous semblez me faire porter la responsabilité personnelle, totale et complète.

[.]

 

Mais, cette responsabilité-là qui est dévolue à Genex, je la partage avec plusieurs personnes.

[.]

 

.vous semblez me prendre personnellement toujours responsable, c'est Genex qui en est titulaire, des licences. C'est Genex qui exerce cette responsabilité-là. . C'est une responsabilité que je ne peux assumer seul, puisqu'elle repose aussi sur la bonne foi puis la bonne volonté de nos dirigeants de toute l'entreprise.

[.]

 

Ça ne peut pas reposer sur une seule personne. . Ça repose sur tous les individus qui sont impliqués.

110.

Comme c'est habituellement le cas, le Conseil reconnaît que la titulaire de CHOI-FM est Genex, une société ou une personne légale et que les employés de la société détiennent certaines responsabilités à l'égard de l'exploitation de l'entreprise. Cependant, c'est M. Demers qui est l'actionnaire de contrôle, le seul administrateur et le président directeur général de Genex. Par conséquent, sa responsabilité première, sinon unique, consiste à s'assurer que les obligations statutaires et réglementaires de la titulaire sont remplies. Selon le Conseil, M. Demers a non seulement échoué à assumer sa responsabilité à l'égard du contenu verbal de CHOI-FM mais ne semblait pas prêt à accepter ou même à comprendre cette responsabilité.
 

Mesures correctives proposées par Genex

111.

À l'audience, la titulaire a affirmé que la situation à la station CHOI-FM s'était considérablement améliorée à la suite des mesures correctives qu'elle a prises au cours de la présente période de licence, que le contenu des plaintes ne devrait pas inquiéter le Conseil et que Genex s'était conformée en tout point aux exigences du Conseil. Comme exemples du succès de ses efforts, la titulaire a souligné sa conformité à des aspects plus techniques qui faisaient problème dans la décision 2002-189 comme la diffusion de pièces musicales en version courte, la diffusion de montages musicaux, les rubans-témoins incomplets, l'incitation à consommer des boissons alcooliques et l'utilisation de la langue anglaise en ondes.

112.

Genex a soutenu que les mesures qu'elle a prises ou qu'elle compte prendre à l'avenir seraient suffisantes pour mieux encadrer son émission du matin et éviter des problèmes reliés au contenu verbal. Ces mesures sont les suivantes :
 
  • l'embauche d'un avocat interne en septembre 2002;
 
  • l'embauche d'un directeur des programmes;
 
  • l'embauche, dans la semaine précédant l'audience, d'un nouveau directeur de l'information qui est notamment responsable de l'émission du matin;
 
  • l'embauche, dans les semaines précédant l'audience, d'un deuxième avocat interne qui est responsable des questions corporatives, ce qui permettrait à l'autre avocat interne de se concentrer davantage sur la programmation;
 
  • la mise en place d'une boîte vocale et d'une adresse courriel afin de permettre aux auditeurs de répliquer au quotidien;
 
  • la réimposition, par condition de licence, du Code de déontologie, avec les modifications proposées;8
 
  • l'obligation, par condition de licence, de faire usage d'un mécanisme de délai de diffusion des émissions, allant jusqu'à un délai de 8 secondes.

113.

La titulaire a déclaré notamment qu'elle n'essayait pas de censurer, baillonner ou de museler les animateurs et que seuls l'encadrement et la formation des animateurs sont des mesures efficaces pour gérer le contenu verbal de ses émissions. Le Conseil constate cependant que, d'après les déclarations à l'audience, la titulaire n'a pris aucune mesure disciplinaire à la suite des nombreuses préoccupations et infractions présumées qui ont été portées à son attention par le personnel du Conseil et en réponse aux nombreuses plaintes reçues du public.

114.

Le Conseil note qu'il n'est pas en mesure d'évaluer l'effet à long terme qu'aura sur l'émission du matin l'embauche récente de nouveau personnel à la station CHOI-FM. Il constate toutefois que malgré l'embauche en septembre 2002 d'un avocat interne à temps plein pour voir à l'application des exigences légales et réglementaires, Genex n'a pas réussi à encadrer le travail de ses animateurs de façon à prévenir la diffusion de propos allant à l'encontre du Règlement et de son Code de déontologie. Le Conseil conclut que cette mesure n'a pas été suffisante pour prévenir d'autres manquements à ses obligations réglementaires. De plus, les cas de récidives révélés par les plaintes et le comportement de la titulaire à l'audience, qui consistait à argumenter que tous les propos tenus en ondes étaient appropriés et justifiés et à refuser d'admettre le problème à l'égard de ces propos, laissent peu d'espoir que l'embauche de nouveau personnel puisse prévenir de nouveaux propos du même genre à l'avenir. Il en reste que le Conseil n'a aucune assurance que ces mesures resteraient en place, puisqu'il ne réglemente pas les décisions relatives au personnel d'une station de radio.

115.

En ce qui a trait à la mise en place d'une boîte vocale et d'une adresse courriel afin de permettre aux auditeurs de répliquer, le Conseil a déclaré dans la décision 2002-189 que l'offre par Genex d'un droit de réplique aux personnes qui font l'objet de critiques constituait une mesure appropriée. Le Conseil constate toutefois qu'il s'agit d'un mécanisme a posteriori qui survient une fois qu'un tort a été causé. Tel que signalé dans Renouvellement de la licence de CKRS, décision CRTC 94-665, 23 août 1994, le Conseil estime que l'on ne saurait justifier des propos offensants ou un contenu contraire à la Loi ou au Règlement par l'offre de temps d'antenne aux personnes lésées. Par exemple, le Conseil ne peut accepter la diffusion de propos à teneur raciste, contrairement à l'article 3 du Règlement, du seul fait que du temps de réplique soit offert.

116.

Une autre des mesures correctives proposées par Genex à l'audience était la réimposition de son Code de déontologie, par condition de licence, avec certaines modifications. La titulaire proposait le retrait des articles 4, 18, 19 et 20, alléguant qu'ils sont difficiles d'application. Elle proposait aussi l'ajout de cinq nouveaux articles et certaines modifications à d'autres articles. Quoique le Conseil n'aurait pas d'objection en principe à certaines des modifications proposées, le Conseil estime que la plupart d'entre elles, dont notamment l'ajout des cinq nouveaux articles, auraient pour effet de diluer les exigences du Code de déontologie et de diminuer les obligations de la titulaire.

117.

Interrogée lors de l'audience au sujet de l'utilisation d'un mécanisme de délai pour contrôler les propos des animateurs de son émission du matin, Genex a déclaré à plusieurs reprises que cet exercice serait très difficile, voire impossible. Elle a signalé que beaucoup de contenu de son émission du matin repose sur l'interaction directe avec les auditeurs ou des intervenants de l'extérieur et qu'un mécanisme de délai rendrait impossible cette interaction en direct. La titulaire a aussi souligné la difficulté d'application d'un tel mécanisme, qui exigerait de la personne responsable un jugement impeccable et une attention extraordinaire pour être en mesure d'intervenir efficacement dans le délai permis.

118.

Le Conseil a aussi discuté avec la titulaire à l'audience de l'efficacité de délais dont la durée pourrait aller de 8 secondes à 8 minutes ou plus. En ce qui a trait à la possibilité d'imposer un délai de 8 minutes, Genex a soutenu que cette mesure affecterait le caractère immédiat des discussions sur ses ondes, ce qu'elle considère crucial. De plus, selon ses dires, la technologie permettant un délai de 8 minutes ne serait pas disponible actuellement.

119.

Genex a proposé à l'étape de sa réplique finale d'ajouter l'obligation, par condition de licence, d'utiliser un mécanisme de délai de diffusion durant son émission du matin, mais après avoir soutenu à l'audience que cette mesure serait inefficace et très difficile d'application.

120.

Dans une lettre au Conseil en date du 27 février 2004, la titulaire confirmait que l'appareil qu'elle a actuellement en sa possession ne permet qu'un délai de 8 secondes et non de 16 secondes, tel que mentionné à l'audience publique. Elle soutenait dans cette lettre que le délai de 8 secondes serait suffisant pour empêcher la diffusion de propos allant à l'encontre de la réglementation. Genex précisait aussi qu'il s'agirait d'un outil additionnel et qu'elle comptait avant tout sur la responsabilisation des animateurs et l'efficacité de l'encadrement assuré par son personnel de direction.

121.

Le Conseil constate que le délai de 8 secondes proposé par la titulaire ne servirait qu'à supprimer quelques mots considérés comme vulgaires ici et là. Cette solution ne saurait être efficace dans le cas de longs passages problématiques comme ceux qui ont suscité les plaintes soumises par l'Université Laval, Mme Chiasson et M. Gauvin.

122.

Le Conseil note que la pratique habituelle en radio est d'utiliser un mécanisme de délai pour contrôler les appels des auditeurs durant les émissions de tribune téléphonique ou lors d'entrevues. Le Conseil note également que les réserves soulevées à l'audience par Genex concordent avec celles exprimées par d'autres titulaires, qui sont aussi d'avis qu'un mécanisme de délai ne peut suffire à contrôler les propos tenus en ondes par les animateurs, parce que la personne en charge du mécanisme ne peut avec efficacité supprimer les propos de ces animateurs. D'après les déclarations de la titulaire à l'audience, elle aurait en sa possession un appareil permettant un délai de diffusion depuis près de deux ans mais s'en serait très peu servi.

123.

Lors de l'audience, on a demandé à la titulaire, à au moins trois reprises, s'il y aurait d'autres mécanismes ou conditions de licence, autres que ceux déjà discutés, qui pourraient être mis en place afin de contrôler le contenu verbal des émissions, avant leur diffusion. La titulaire a répondu qu'elle avait mis en place les meilleurs mécanismes qu'elle pouvait envisager pour encadrer les animateurs et qu'il n'y avait pas de condition spécifique que l'on pouvait imaginer à ce stade. À la suite de cette affirmation, il relevait du Conseil de juger de l'efficacité des mesures proposées par la titulaire ou discutées avec celle-ci. Tel que déclaré ci-haut, le Conseil a conclut qu'il ne pouvait faire confiance à ces mesures.

124.

Compte tenu du comportement affiché par la titulaire tout au long de la période de licence, y compris le processus de renouvellement de sa licence, le Conseil n'est pas convaincu que la titulaire a démontré une compréhension ou une acceptation de ses responsabilités ni une volonté ferme d'intervenir en temps opportun.
 

Les conclusions du Conseil

125.

Le contenu verbal diffusé par CHOI-FM depuis le dernier renouvellement de la licence de CHOI-FM en 2002 ainsi que la conduite affichée par la titulaire à l'égard de ses obligations réglementaires tout au long de la période de licence et tout au cours du présent processus de renouvellement de sa licence de radiodiffusion laissent peu de marge de manouvre au Conseil.

126.

Le Conseil note qu'à plusieurs reprises, il a pris des mesures destinées à prévenir Genex des conséquences possibles de ses gestes. Des avertissements fermes et non équivoques des mesures réglementaires pouvant être prises étaient contenus dans l'avis d'audience 2001-14. Dans la décision 2002-189, le Conseil a renouvelé la licence de CHOI-FM pour une période de deux ans seulement, ce qui est beaucoup moins que la période maximale de sept ans permise par la Loi. Il se disait grandement préoccupé par les nombreuses infractions de la titulaire aux dispositions de la Loi, du Règlement et de ses conditions de licence. Le Conseil ajoutait qu'au cours de la période de renouvellement de deux ans, il surveillerait de près le respect par la titulaire de ses obligations, dont notamment le respect du Code de déontologie qui était annexé à la décision 2002-189 comme condition de licence. Tel que noté précédemment, le Conseil prévenait Genex qu'en cas de nouvelles contraventions, il pourrait la convoquer à une audience publique afin qu'elle justifie les raisons pour lesquelles il ne devrait pas émettre une ordonnance ou recourir aux mesures d'exécution à sa disposition, dont la suspension ou la révocation de la licence de CHOI-FM.

127.

À la suite de la réception d'un nombre important de plaintes au cours des 17 premiers mois de la courte période de renouvellement accordée dans la décision 2002-189 et du constat de nouvelles infractions présumées quant au contenu verbal diffusé par CHOI-FM, le Conseil a décidé de convoquer Genex à l'audience publique de Québec en février 2004. Dans l'avis d'audience 2003-11, le Conseil a prévenu à nouveau la titulaire qu'elle devrait démontrer à cette audience les raisons pour lesquelles il ne devrait pas émettre une ordonnance ou suspendre ou ne pas renouveler la licence de CHOI-FM.

128.

Le Conseil note également que dans les lettres échangées avec Genex au cours de la présente période de licence, plusieurs infractions apparentes ont été portées à l'attention de la titulaire et celle-ci a été prévenue, conformément à la pratique établie du Conseil pour le traitement des plaintes, que Genex devrait être prête à en discuter à l'audience.

129.

Le Conseil note que le contenu verbal qui était le sujet des plaintes reçues ne reflète pas des incidents isolés mais semble faire partie d'un comportement de la titulaire qui s'est poursuivi et a même empiré au cours de deux périodes de licence consécutives et malgré des rappels à l'ordre clairs et sans équivoque de la part du Conseil, du CCNR et même à l'occasion, par son propre Comité aviseur.

130.

Après un examen minutieux du dossier de renouvellement de la licence et de l'ensemble du contexte entourant les émissions faisant l'objet des plaintes soumises, le Conseil conclut que les propos tenus sur les ondes de CHOI-FM durant l'émission du matin constituaient de nouveaux manquements graves et répétés à la Loi, au Règlement et à une condition de licence de la titulaire.
131. Le Conseil ne peut miser non plus sur la bonne volonté de la titulaire de mettre en oeuvre les autres mesures proposées, notamment le respect du Code de déontologie révisé, dont elle proposait de diluer certaines exigences, ainsi que le mécanisme de délai dont la titulaire a elle-même remis en question l'efficacité.
132. Le Conseil note qu'à peine un mois après la publication de la décision 2002-189, dans laquelle il exprimait de grandes préoccupations et prévenait la titulaire que de nouvelles infractions pourraient entraîner la suspension ou la révocation de sa licence, Genex concluait une entente avec M. André Arthur9 pour obtenir sa collaboration à l'émission quotidienne du matin de CHOI-FM. Cette décision de M. Demers a fait l'objet d'une discussion sur les ondes de CHOI-FM le 16 août 2002.10 Invité à expliquer les raisons de son geste, M. Demers a déclaré notamment sur les ondes de CHOI-FM :
 

.je pense que les cotes d'écoute qui ont été générées par André Arthur au fil de sa carrière, et celles que CHOI génère, doivent être ce qui compte réellement.

133.

Le Conseil estime que tout ce qui précède remet en question la crédibilité de Genex et de son actionnaire de contrôle, seul administrateur et président directeur général, M. Patrice Demers, à l'égard de la capacité de Genex de comprendre et d'exercer les responsabilités qui lui sont confiées par la Loi à titre de titulaire d'une licence de radiodiffusion. La gravité et la fréquence des infractions relevées, le fait qu'il s'agit de récidive, le comportement de dénégation générale affiché par la titulaire, les mesures dilatoires qu'elle a utilisées dans le traitement des plaintes tout au long de la présente période de licence ont convaincu le Conseil que Genex n'accepte pas ses obligations réglementaires et n'a pas la volonté de s'y conformer.

134.

Le Conseil a examiné les diverses mesures dont il dispose pour amener les titulaires de licence de radiodiffusion à se conformer à leurs obligations lorsqu'il constate leur état répété d'infraction. Celles-ci vont d'un renouvellement de licence à plus court terme, à l'émission d'une ordonnance ou à la suspension, révocation ou non-renouvellement de la licence. Ces dernières mesures sont rarement utilisées et, de l'avis du Conseil, ces mesures ne devraient être utilisées de façon générale que dans les cas où il est convaincu qu'aucune des autres mesures à sa disposition ne donnera les résultats escomptés.

135.

Interrogée lors de l'audience au sujet des mesures additionnelles que pourrait prendre le Conseil pour l'amener à se conformer à l'avenir à ses obligations, Genex s'en est tenue à soutenir qu'elle avait fait tous les efforts possibles et que les mesures correctives qu'elle a mises en place ou proposées sont suffisantes. Ainsi, quant à la possibilité de l'émission d'une ordonnance, la titulaire a déclaré : « .le fait de mettre une ordonnance ou pas, ne changera pas notre point de vue de l'équation, qui est qu'on met tous les efforts pour respecter nos conditions de licence ».

136.

Le Conseil note que l'émission d'une ordonnance ne viserait qu'à obliger la titulaire de se conformer aux exigences qui se retrouvent déjà dans le Règlement ou dans ses conditions de licence. Toutefois, pour que cette mesure soit efficace, le Conseil doit être convaincu de la compréhension de la titulaire de ses obligations et de sa volonté de s'y conformer. Le Conseil considère que dans le cas présent, Genex n'a pas manifesté de compréhension de ses obligations, de volonté de s'y conformer et n'a pas démontré un désir réel de changement. L'émission d'une ordonnance dans les circonstances ne serait pas, de l'avis du Conseil, une mesure efficace pour atteindre l'objectif visé.

137.

Le Conseil n'a accordé qu'un renouvellement à court terme à Genex dans la décision 2002-189. Cette mesure n'a pas contraint la titulaire à prendre les moyens nécessaires pour corriger les infractions constatées dans le contenu verbal de la programmation diffusée à son antenne. L'échec de la titulaire à encadrer suffisamment ses animateurs et l'inefficacité des nouvelles mesures correctives proposées amènent le Conseil à conclure qu'un autre renouvellement à court terme de la licence de CHOI-FM n'atteindrait pas non plus l'objectif visé.

138.

La suspension de la licence serait aussi une mesure pouvant être considérée. La titulaire a mentionné à l'audience qu'une suspension de la licence aurait des conséquences directes sur plusieurs employés. Elle a ajouté qu'une suspension en période de sondages aurait un impact néfaste à long terme sur la station et engendrerait une perte d'auditoire. Elle a conclu sur la question en mentionnant qu'il s'agissait d'une question d'argent.

139.

Le Conseil estime qu'une suspension aurait pu être efficace si des éléments de preuve avaient donné raison de croire qu'il en résulterait un changement éventuel de comportement de la titulaire. Le Conseil considère que, dans les circonstances, il est raisonnable de croire que les problèmes identifiés dans la décision 2002-189 et dans la présente décision continueront, même si cette mesure était imposée pour une certaine période. Il estime qu'on ne peut conclure dans ce cas que cette mesure aurait l'effet correctif souhaité de faire respecter la Loi et les exigences réglementaires. En effet, les déclarations de M. Patrice Demers à l'audience, ses réticences et son incompréhension apparente des responsabilités qu'il doit assumer en vertu de la Loi laissent plutôt croire le contraire.

140.

Le Conseil reconnaît les mesures concrètes prises par Genex afin de répondre aux autres préoccupations soulevées dans la décision 2002-189 à l'égard de la diffusion de pièces musicales en version courte, la diffusion de montages musicaux, les rubans-témoins incomplets, l'incitation à consommer des boissons alcooliques et l'utilisation de la langue anglaise en ondes. Il reconnaît également l'apport de la titulaire à la diversité musicale, par sa formule rock alternatif, sa contribution à la mise en valeur des groupes musicaux offrant ce genre de musique et son implication dans la communauté. Le Conseil reconnaît également que la station emploie un certain nombre de personnes. Le Conseil estime néanmoins que ces facteurs sont loin de contrebalancer la gravité des contraventions répétées de Genex au Règlement et à sa condition de licence à l'égard du contenu verbal, et de son incapacité de reconnaître ou d'accepter la responsabilité de ces contraventions et d'apporter les correctifs requis.

141.

Somme toute, étant donné le comportement inflexible affiché par la titulaire, son refus d'accepter ses responsabilités et le manque de tout engagement ferme de corriger la situation, le Conseil ne peut raisonnablement conclure que Genex se conformera à la Loi, au Règlement et à son Code de déontologie advenant un renouvellement de sa licence. Le Conseil en conclut également que les mesures à sa disposition, tel un autre renouvellement à court terme, l'émission d'une ordonnance ou la suspension de la licence ne seraient pas efficaces pour contrer les problèmes constatés. Par conséquent, le Conseil refuse la demande présentée par Genex Communications inc. en vue de renouveler la licence de l'entreprise de programmation de radio CHOI-FM Québec. La diffusion à l'antenne de CHOI-FM devra donc cesser au plus tard le 31 août 2004.

142.

Dans l'exercice de son mandat, le Conseil doit veiller à l'intégrité du régime d'attribution de licences et au droit du public de recevoir une programmation conforme à la Loi et à la réglementation. Il ne peut permettre la diffusion de propos offensants qui vont à l'encontre du Règlement ou d'une programmation qui ne reflète pas la politique de radiodiffusion énoncée à l'article 3(1) de la Loi. Le Conseil ne peut non plus permettre à quiconque d'utiliser les ondes publiques pour poursuivre ses propres objectifs sans égard aux droits des autres.

Appel de demandes de nouvelle licence de radio à Québec

143.

Dans l'avis public de radiodiffusion CRTC 2004-49 , également publié aujourd'hui, le Conseil invite les personnes intéressées à lui soumettre une demande en vue d'exploiter une nouvelle entreprise de programmation de radio de langue française à Québec qui saurait maintenir la diversité des services radiophoniques dans la région de Québec tout en respectant la Loi et les règlements qui en découlent.

144.

Cette invitation est lancée à toute personne désirant exploiter une entreprise de radiodiffusion et capable de démontrer qu'elle est en mesure d'assumer pleinement les responsabilités de titulaire d'une licence de radiodiffusion qui exploite une fréquence publique, y compris le respect intégral des dispositions de la Loi et de la réglementation.
  Secrétaire général
  La présente décision est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant : http://www.crtc.gc.ca 
 

Annexe à la décision de radiodiffusion CRTC 2004-271

 

Code de déontologie de CHOI-FM

  En tant qu'entreprise de radiodiffusion oeuvrant au sein du système canadien de radiodiffusion, Genex Communications inc. (Genex) reconnaît les responsabilités qui lui incombent et les obligations qui lui sont imposées par la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), le Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement) et les conditions auxquelles sa licence est assujettie.
  Les principes qui sous-tendent l'information à Genex touchent l'exactitude, l'objectivité, et l'impartialité de l'information, l'intégrité des employés et l'équilibre par rapport à la présentation de divers points de vue.
  Genex reconnaît qu'elle est responsable du produit radiophonique qu'elle met en ondes, du respect de la liberté d'opinion et de la liberté d'expression de ses employés et de son auditoire.
  Aucun article de ce Code de déontologie et des politiques internes de Genex, dans leur formulation ou leur interprétation, ne doit être perçu comme une entrave ou une quelconque restriction aux libertés et droits fondamentaux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits de la personne.
 

♦ ♦ ♦ ♦ ♦

 

1. En conformité avec la Loi, le Règlement et ses conditions de licence, Genex s'assurera que sa programmation soit, dans la mesure du possible et de manière équilibrée et raisonnable, un lieu d'expression de points de vue divergents sur des sujets d'intérêt public.

 

2. Genex mettra tout en ouvre pour assurer que sa programmation soit de haute qualité et qu'aucune personne, classe de personnes, association, groupe formel ou informel, ne soient exposés au mépris ou à la haine pour des motifs liés à l'origine ethnique ou nationale, à la race, la couleur, la religion, l'âge, les handicaps physiques ou mentaux, le sexe, l'orientation sexuelle ou la situation de famille.

 

3. Genex reconnaît que toute personne a droit au respect de sa vie privée. Si ce droit venait en conflit avec le droit du public à l'information, le droit à l'information sera privilégié lorsqu'il s'agit d'une personnalité publique, ou qui exerce une fonction publique et que des éléments de sa vie privée sont utiles à une meilleure compréhension de l'exercice de cette responsabilité, ou du comportement de cette personne. Le droit à l'information sera privilégié lorsqu'une personne donne elle-même à sa vie privée une dimension publique ou que des faits privés se déroulent dans un endroit public.

 

4. Genex visera à mettre en ondes des émissions d'information, des points de vue, des commentaires et des textes éditoriaux qui font preuve d'intégrité, d'exactitude, d'objectivité et d'impartialité.

 

5. Les animateurs, journalistes et invités devront en tout temps, divulguer leurs intérêts personnels de quelque nature qu'ils soient sur une question qui fait l'objet de discussions ou commentaires dans le cours d'une émission. L'engagement à une cause ne doit en aucune circonstance avoir pour effet de déformer les faits ou de les présenter de façon non objective ou partiale.

 

6. De la même façon, un animateur ou un journaliste ne devrait pas utiliser les ondes pour diriger des attaques personnelles ou obtenir quelque faveur personnelle que ce soit.

 

7. L'animateur peut faire part de ses opinions sur des sujets abordés en ondes et même défendre ses opinions. L'animateur peut exprimer ses opinions même si elles sont à l'encontre de celles d'un invité, d'un participant à une tribune téléphonique ou d'une personne publique présente ou non, en autant que cela soit fait avec respect.

 

8. L'animateur ou le journaliste peut, et dans certaines circonstances doit dans l'intérêt public, soulever le bien-fondé des propos d'intervenants prenant la parole dans le cadre d'une émission, pour assurer l'équilibre et la représentativité.

 

9. Les auditeurs disposent d'un droit de réplique permettant à toute personne, groupement, association, entreprise, etc. de répondre s'ils se sentent lésés par une observation, un commentaire, une entrevue, une affirmation ou un reportage qui les concerne. Toute personne souhaitant se prévaloir de ce droit de réplique peut s'adresser au directeur général de la station qui déterminera avec le demandeur la pertinence et le bien-fondé de la demande de réplique et établira les modalités d'intervention du demandeur. Ces modalités porteront notamment sur la forme de la réplique, le moment de sa diffusion, et sa situation dans la grille horaire.

 

10. Par la mise en ondes d'émissions de tribunes téléphoniques ou de toute autre émission qui permet la participation des auditeurs, Genex souhaite offrir au public la possibilité de participer aux débats de l'actualité et de présenter des points de vue diversifiés sur des sujets d'intérêt public. Afin de permettre la présentation d'émissions de qualité, Genex mettra en place des équipes de production qui assument la responsabilité des choix de sujets, des angles de traitement, du recours à des invités s'il y a lieu et des autres moyens susceptibles de soutenir le dynamisme de ces émissions.

 

11. Les animateurs et journalistes sont membres de l'équipe de production et à ce titre, en endossent les choix. Ils sont de plus conjointement responsables d'assurer le respect des présentes règles.

 

12. L'équipe de production sera tenue de vérifier les intentions et l'intérêt des invités ou des participants (auditeurs) à une émission.

 

13. Sans limiter la liberté d'expression et la libre circulation des idées et des opinions, l'équipe de production devra effectuer les vérifications nécessaires pour éviter la prise de contrôle d'une émission par des groupes organisés.

 

14. Lors d'une émission ou d'une tribune téléphonique, l'équipe de production devra procéder à un triage des appels avec, pour critères principaux, le sérieux et l'intérêt du propos, le respect de l'ordre public et des normes de la radiodiffusion, ainsi que l'équilibre et la diversité des points de vue exprimés.

 

15. Par ses politiques internes et ses choix de programmation, Genex visera l'équilibre à l'intérieur des émissions mises en ondes et dans l'ensemble de sa programmation.

 

16. Les animateurs et journalistes devront démontrer un respect de l'intégrité et de la véracité de l'information qu'ils diffusent et devront procéder à une vérification raisonnable des faits avant leur diffusion.

 

17. Les participants à une émission ou à une tribune téléphonique, les personnalités publiques, les auditeurs et les regroupements formels ou informels ont droit au respect et ne devront pas être harcelés, ni insultés, ni ridiculisés.

 

18. L'utilisation de propos grossiers ou vulgaires n'ont pas leur place dans la programmation.

 

19. Les concours produits et diffusés devront répondre aux mêmes normes que les contenus verbaux diffusés par la station.

 

20. L'animateur, journaliste et autre participant à une émission d'information devront s'assurer que leur propos, commentaires ou reportages n'interfèrent pas sur le droit de toute personne à un procès juste et équitable.

 

Notes de bas de page :
1 Dans l'avis d'audience publique de radiodiffusion CRTC 2003-11, 18 décembre 2003, le Conseil faisait état d'une audience publique devant commencer le 16 février 2004 à Québec afin d'étudier plusieurs demandes. Le Conseil a tenu une audience publique à compter du 16 février 2004, avec un comité d'audition composé de trois conseillers qui ont examiné plusieurs demandes. Le 18 février 2004, le Conseil a tenu une seconde audience publique, avec un comité d'audition composé de cinq conseillers qui ont examiné la demande de renouvellement de la licence de CHOI-FM.

2  Dans Les Entreprises de Radiodiffusion de la Capitale Inc., décision CRTC 90-772, 20 août 1990, le Conseil examinait les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion (1985) Lois révisées du Canada, chapitre B-9. La Loi sur la radiodiffusion actuelle comprend des dispositions qui sont substantiellement semblables.

3 Au cours de la période précédente de licence, la titulaire n'était pas membre du CCNR.

4 Les rubans témoins incluaient aussi la diffusion de propos tenus lors de l'émission matinale du 27 septembre 2002.

5 Voir Avis en matière de tribunes téléphoniques, avis public CRTC 1988-213, 23 décembre 1988, Les Entreprises de Radiodiffusion de la Capitale Inc., décision CRTC 90-772, 20 août 1990, Renouvellement à court terme de la licence de CKRS, décision CRTC 96-730, 31 octobre 1996 et Renouvellement à court terme de la licence de CHOI‑FM, décision de radiodiffusion CRTC 2002-189, 16 juillet 2002.

6 Pour rendre sa détermination dans la plainte de Cogeco Radio-TV et dans celle de M. Gillet, le Conseil a pris en considération seulement les propos tenus sur les ondes de CHOI-FM et non ceux tenus sur les ondes de CKNU-FM, également propriété de Genex.

7 Le Conseil note également que dans une décision plus récente (décision 03/04-0018, 22 avril 2004), le CCNR a de nouveau trouvé Genex en infraction au Code de déontologie de l'ACR à la suite d'une plainte. Plus précisément, le CCNR a jugé que pendant l'émission du matin animée par M. Fillion et diffusée le 3 septembre 2003, soit durant la période de licence en cours, CHOI-FM a contrevenu à la disposition du code qui interdit tout contenu indûment sexuellement explicite à la radio.

8 Dans sa demande de renouvellement de licence, Genex avait demandé le retrait de la condition de licence exigeant le respect de son Code de déontologie. Cependant, lors de l'audience publique, la titulaire a consenti à la reconduction de cette condition de licence, avec certaines modifications du code qu'elle a proposées.

9 Le Conseil a déjà eu à traiter à plusieurs reprises de propos problématiques proférés sur les ondes de stations de radio par cet animateur. Voir à ce sujet Les Entreprises de Radiodiffusion de la Capitale Inc., décision CRTC 88-888, 23 décembre 1988, Politique en matière de tribunes téléphoniques, avis public CRTC 1988-‑213, 23 décembre 1988, Les Entreprises de Radiodiffusion de la Capitale Inc., décision CRTC 90‑-772, 20 août 1990, et décision CRTC 91-434, 8 juillet 1991 et Métromédia CMR Montréal inc., décision CRTC 99-93, 29 avril 1999.

10 Cette discussion est incluse dans les notes sténographiques attachées à la plainte de Cogeco du 4 avril 2003.

Mise à jour : 2004-07-13

Date de modification :