ARCHIVÉ -  Décision CRTC 96-730

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Décision

Voir aussi : 96-730-1

Ottawa, le 31 octobre 1996

Décision CRTC 96-730
Radiomutuel inc.
Chicoutimi (Québec) - 952355600
Renouvellement à court terme de la licence de CKRS
À la suite d'une audience publique tenue à Québec à partir du 9 juillet 1996, le Conseil renouvelle la licence de radiodiffusion de l'entreprise de programmation de radio CKRS Chicoutimi, du 1er novembre 1996 au 29 février 1998, aux condition stipulées dans la présente décision et dans la licence qui sera attribuée.
Le présent renouvellement d'une durée de 16 mois constitue le deuxième renouvellement à court terme consécutif que le Conseil accorde à CKRS en raison de sérieuses préoccupations concernant le rendement de la titulaire. Outre le récent renouvellement de deux mois accordé pour des motifs d'ordre administratif (décision CRTC 96-524 du 27 août 1996), le Conseil a renouvelé la licence de CKRS pour deux ans seulement dans la décision CRTC 94-665 du 23 août 1994. Le Conseil déclarait alors que cette période de deux ans lui permettrait d'évaluer dans un délai raisonnable la conformité de la titulaire aux dispositions du Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement) ainsi qu'aux attentes du Conseil relatives à la " Politique de Radiomutuel en matière de contenus " (la politique de Radiomutuel).
Une des préoccupations du Conseil en 1994 portait sur le fait que la titulaire n'avait pas été en mesure de lui soumettre des rubans-témoins complets et intelligibles de la programmation diffusée par CKRS. À cet égard, le Conseil a effectué une vérification des rubans-témoins de CKRS portant sur les émissions diffusées durant la semaine du 23 au 29 avril 1995 et les a trouvés conformes aux dispositions des paragraphes 8(5) et 8(6) du Règlement.
Le Conseil avait aussi convoqué la titulaire en audience publique en 1994 à la suite de plaintes et d'interventions à l'égard de propos tenus sur les ondes de CKRS par certains animateurs de cette station. Dans une lettre à l'un des plaignants, Radiomutuel avait alors reconnu le caractère " grossier, excessif et gratuit " de certains propos d'un des animateurs d'émissions de tribune téléphonique à CKRS, M. Louis Champagne. Elle avait aussi admis qu'il s'agissait là d'une violation évidente de la politique de Radiomutuel et, possiblement, d'une entorse sévère à l'exigence de haute qualité de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi).
En considération des modifications apportées à la politique de Radiomutuel à la suite de l'audience de 1994 et des engagements pris par la titulaire à cet égard, le Conseil a accepté la version datée du 29 juin 1994 de ladite politique. Conformément aux engagements de Radiomutuel, le Conseil s'attendait que la titulaire respecte fidèlement les exigences de sa propre politique au cours de la présente période d'application de sa licence. Dans ce contexte, le Conseil avait noté que la politique de Radiomutuel comprenait les trois nouvelles lignes directrices suivantes:
6.  L'utilisation des propos grossiers et/ou vulgaires n'ont pas leur place dans la programmation des stations;
8.  Les individus et les groupements ont droit au respect, ils ne devraient être ni harcelés, ni insultés, ni ridiculisés;
16.  Les stations AM de Radiomutuel diffuseront quotidiennement un message informant les auditeurs qu'ils disposent d'un droit de réplique permettant à toute personne, groupement, association, entreprise, etc. de répondre s'ils se sentent lésés par une observation, un commentaire, une entrevue, une affirmation, un reportage qui les concerne.
Dans son avis d'audience publique relatif à l'audience tenue à Québec à partir du 9 juillet 1996, le Conseil a avisé la titulaire qu'il souhaitait discuter lors de cette audience d'un certain nombre de plaintes soumises au Conseil depuis le dernier renouvellement de sa licence à l'égard de propos tenus sur les ondes de CKRS. Il a ajouté qu'il entendait également discuter de l'opportunité d'imposer, en tant que condition de licence, le respect par la titulaire de la politique de Radiomutuel. Le Conseil a aussi signalé que, lors de l'étude de certaines des plaintes en question à l'endroit de CKRS, il avait exprimé l'avis préliminaire que certains propos soulevés semblaient constituer des manquements graves à ladite politique.
Les plaintes
Le Conseil a reçu dix plaintes depuis le dernier renouvellement de la licence de CKRS dont six ont été traitées lors de l'audience publique du 9 juillet 1996. Les six plaintes en question sont les suivantes :
(1)  deux plaintes conjointes du CEGEP de Jonquière et de M. Jacques Vézina, directeur général du CEGEP de Jonquière, en date du 16 décembre 1994 et du 16 avril 1996 respectivement;
(2)  une plainte de l'Université du Québec à Chicoutimi (l'UQAC), en date du 16 décembre 1994;
(3)  une plainte de M. Lucien Gendron, professeur à l'UQAC, en date du 22 décembre 1994;
(4)  une plainte de Mme Doris Gagnon, présidente du conseil d'administration de la Radio communautaire du Saguenay (CHOC-FM), en date du 11 décembre 1995; et
(5)  une plainte conjointe de M. Aurélien Leclerc, professeur au CEGEP de Jonquière et de son épouse, Mme Christine Chabot, en date du 16 avril 1996.
Les plaignants qui ont comparu à l'audience sont l'UQAC, le CEGEP de Jonquière, M. Lucien Gendron, M. Jacques Vézina et M. Aurélien Leclerc. Quoique certaines des plaintes ont fait mention d'émissions diffusées peu avant le dernier renouvellement, la plupart portaient sur des émissions diffusées au cours de la présente période d'application de la licence. Les plaintes ont toutes trait à la même émission, soit une émission de tribune téléphonique quotidienne animée par Louis Champagne. Dans le contexte de ces plaintes, le Conseil a pu prendre connaissance de plus de 1 000 pages de transcription de propos tenus lors de cette émission à différents moments, s'étalant sur une période de près de deux ans.
Lors de l'audience publique, en raison du volume du dossier public portant sur les plaintes et les interventions reliées à celles-ci, le Conseil ne fut pas en mesure de soulever tous les propos de M. Champagne qui ont donné lieu aux plaintes, mais a été contraint de porter son attention sur certains seulement qui, entre autres, méritaient à son avis une attention particulière. En se concentrant sur un nombre limité de propos de M. Champagne, le Conseil entendait aussi donner à la titulaire tout le loisir possible de faire valoir son point de vue et de justifier les propos en question à la lumière, entre autres, des exigences de la Loi, du Règlement et de la politique de Radiomutuel.
Les dispositions qui ont formé le cadre de la discussion lors de l'audience publique sont les suivantes :
L'alinéa 3(1)g) de la Loi :
 "... la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devraient être de haute qualité".
Le paragraphe 3(e) du Règlement :
3.  Il est interdit au titulaire de diffuser :
e)  tout ou partie d'une interview ou conversation téléphonique avec une personne sauf si cette personne a :
(i)  soit consenti de vive voix ou par écrit au préalable à sa radiodiffusion,
(ii)  soit téléphoné à la station pour participer à une émission.
 Les dispositions suivantes de la politique de Radiomutuel :
6.  L'utilisation des propos grossiers et/ou vulgaires n'ont pas leur place dans la programmation des stations;
7.  Les participants à une tribune téléphonique ou à une émission ne devraient être ni harcelés, ni insultés, ni ridiculisés;
8.  Les individus et les groupements ont droit au respect, ils ne devraient être ni harcelés, ni insultés, ni ridiculisés;
9.  Les animateurs ne doivent pas utiliser leur émission pour diriger des attaques personnelles;
13.  En tout temps, les journalistes et/ou les animateurs devront procéder à une vérification raisonnable de l'exactitude des faits connus avant leur diffusion. Tout propos ne pouvant être soutenu par des preuves étayées ne doit pas faire l'objet de diffusion. L'exactitude présuppose une recherche détaillée qui ne contient pas d'interprétation tendancieuse ou erronée;
24.  Selon les circonstances, un animateur, un journaliste ou un invité pourra faire usage de caricature verbale à l'égard d'une personnalité publique.
Cinq des plaintes découlent de la remise en question et des critiques de l'animateur Champagne à l'égard du CEGEP de Jonquière et de l'UQAC, de ses administrateurs et de son corps professoral. Les plaignants s'opposent davantage au manque d'exactitude des allégations et des insinuations exprimées sur les ondes par M. Champagne, aux méthodes qu'il utilise pour poursuivre ses interrogations et à ses propos qu'ils caractérisent de grossiers, vulgaires et insultants et qui visent, selon eux, à offenser, à ridiculiser et à humilier certains individus, qu'au fait que M. Champagne ait choisi de critiquer le CEGEP et l'UQAC. Dans leurs interventions lors de l'audience publique, les plaignants en question ont demandé que diverses mesures soient prises contre CKRS, y compris la suspension temporaire de sa licence.
La sixième plainte découle de propos tenus par M. Champagne à l'endroit des dirigeants de la Radio communautaire du Saguenay et que la plaignante a caractérisé de dénigrants, faux, mensongers, vulgaires et vexatoires.
Les pages de transcription relevées au cours de l'audience publique révèlent, entre autres :
a)  que M. Champagne appelle le recteur de l'UQAC "le rectum" et que le vrai nom de M. Bernard Angers, recteur, est "St-Bernard"; que M. Collin, vice-recteur à l'UQAC est "vice-rectum" ou "rectarumtavitch"; et que l'UQAC est une "université de cul";
b)  que M. Champagne déclare que les administrateurs et les professeurs de l'UQAC sont des petits trous-de-cul, des téteux, des joueurs aux fesses qui abusent des fonds de l'institution;
c)  que M. Champagne se livre à plusieurs reprises à des insinuations à l'égard de la vie privée de M. Leclerc;
d)  la diffusion à maintes reprises (32 fois selon les pages de la transcription fournie et, souvent, plusieurs fois par émission), sans le consentement de M. Leclerc, d'un message téléphonique que celui-ci aurait laissé dans une boîte vocale;
e)  que CHOC-FM est dirigé par "le power granola femelle", une expression utilisée à maintes reprises par M. Champagne; et
f)  qu'il n'était pas clair que la titulaire avait obtenu le consentement d'individus dont les conversations téléphoniques avec M. Champagne avaient été diffusées.
En réponse à la position de la titulaire selon laquelle les plaignants auraient pu se prévaloir du droit de réplique prévu à la politique de Radiomutuel pour répliquer en ondes aux allégations de M. Champagne et désamorcer le débat, les plaignants ont relevé les propos de l'animateur à l'endroit de certains participants qui ont choisi d'émettre des opinions contraires à celles de M. Champagne au cours de son émission.
Parmi les propos examinés lors de l'audience publique figuraient les suivants:
 "Donnez moi votre nom, faites un homme de vous. Soyez un homme, vous êtes capable? Chieux! Peureux! Jaune!"
 "Vous êtes trop chieux pour donner votre nom. On flush ça. On donne son nom ou on ne parle pas..."
 "Mange de la marde celui qui m'écoute. T'es niaiseux. Regardez comment le CEGEP m'a montré encore une fois si c'est le cas comme ils sont tétons..."
 "Va donc chier. Comment ça se dit en angl.... ? Va chier. Oui. Un poste de radio privé, une entreprise privé [SIC]. Vas chier" [SIC];
 "Des trou-de-cul [SIC] comme vous, j'en ai pas besoin. On passe à un autre. Un autre appel";
 "Qu'elle aille donc se faire foutre";
 "Quel imbécile me parle ce matin? Qu'il est drôle le vilain garçon. Êtes-vous épais comme ça à la longueur de journée ou si de temps en temps ça raisonne";
 "Ben changez de poste monsieur, il y a des FM qui se fendent le derrière pour avoir des imbéciles comme vous"; et
 "Ah, sacre ton camp, vas-t-en [SIC] ailleurs. Bon, j'avais un Italien ce matin, un fidèle auditeur qu'on vient de perdre".
Position de la titulaire
Lors de l'audience publique, la titulaire a défendu avec vigueur sa position selon laquelle les propos soulevés par les diverses plaintes n'enfreindraient pas la politique de Radiomutuel, ni l'exigence de haute qualité, ni le Règlement. La titulaire a essentiellement repris les arguments soumis dans ses répliques écrites aux diverses plaintes, à savoir:
(1)  le vocabulaire "familier" ou le ton "musclé" qu'emploie de temps en temps l'animateur, M. Champagne, doit être apprécié dans son contexte et dans son ensemble. Or, dans son contexte, les propos auxquels s'objectent les plaignants ne constituent pas d'enfreintes à la politique de Radiomutuel. De plus, le fait que les plaignants aient cité les propos en question hors contexte porte préjudice à la titulaire;
(2)  les propos qui font l'objet de plaintes ou des interventions sont de la caricature verbale telle qu'autorisée par l'article 24 de la politique de Radiomutuel et représentent le langage de Monsieur ou de Madame Tout-le-monde;
(3)  les propos ne constituent pas des cas d'excès flagrant et le Conseil s'est déjà prononcé sur le fait que ce n'est que dans des cas d'excès flagrant qu'il entend conclure que la limite à la liberté d'expression a été franchie, et que pour toute situation pouvant se situer en zone grise, la liberté d'expression se trouvera favorisée;
(4)  les propos à l'égard du CEGEP, de M. Vézina et de l'Université sont dus, en partie, au manque de transparence de ces derniers face aux demandes de renseignements de la titulaire; et
(5)  la titulaire s'objecte à ce que le Conseil exige le respect de la politique de Radiomutuel par condition de licence, entre autres, parce que ceci irait à l'encontre de la déréglementation de la radio entreprise par le Conseil, remettrait en cause la base même des tribunes téléphoniques et porterait préjudice à la titulaire concernant les recours en droit civil intentés contre elle par les plaignants.
Conclusions du Conseil
De l'avis du Conseil, les problèmes soulevés par les plaintes ne résident pas dans la substance de la politique de Radiomutuel (que le Conseil a approuvée en 1994), mais, plutôt, dans l'interprétation que fait la titulaire de son application. Dans ce contexte, il est à noter que pratiquement tous les intervenants ont convenu que la politique de Radiomutuel exprimait d'une façon adéquate l'exigence de haute qualité requise par la Loi.
De l'avis du Conseil, il est clair que des propos tels que "chieux", "mange de la marde", "rectum", "trous de cul", tels qu'employés par M. Champagne, sont des expressions grossières qui constituent des entorses à l'article 6 de la politique de Radiomutuel et à la norme de haute qualité.
Le Conseil considère aussi que les expressions susmentionnées ainsi que d'autres employées par M. Champagne, telles que "power granola femelle", "université de cul", enfreignent l'article 8 de la politique de Radiomutuel. De plus, le Conseil est d'avis que les expressions citées plus haut à l'égard de certains participants pendant l'émission de M. Champagne portent atteinte à l'article 7 de la même politique.
Le Conseil est d'avis que la diffusion répétée du message téléphonique que M. Leclerc aurait laissé sur une boîte vocale constitue du harcèlement et une attaque personnelle à l'endroit de M. Leclerc qui vise à le ridiculiser et, par conséquent, une entorse aux articles 8 et 9 de la politique de Radiomutuel.
Le Conseil ne peut accepter les justifications apportées par la titulaire pour les raisons suivantes.
L'argument ayant trait à la caricature verbale, ou celui faisant valoir que le langage en question est permis parce qu'il représente le langage de Monsieur ou de Madame Tout-le-monde, viderait la politique de Radiomutuel de toute sa signification et donnerait à la titulaire tout le loisir possible de diffuser n'importe quoi sur les ondes. De plus, il est loin d'être évident que les personnes ciblées par M. Champagne soient des personnalités publiques, et le Conseil constate que d'après l'article 24 de la politique de Radiomutuel, la caricature verbale est envisagée seulement à l'égard de personnages publics. Il est aussi loin d'être évident que les propos en question représentent effectivement le langage de Monsieur ou de Madame Tout-le-monde. Bien que ces expressions crues soient utilisées dans certains contextes, elles ne font pas partie du langage courant. De plus, un animateur d'une tribune téléphonique qui, par le biais d'une station de radio, a le privilège d'avoir accès à des milliers d'auditeurs, n'est pas Monsieur Tout-le-monde.
Le Conseil partage l'argument des intervenants selon lequel le traitement accordé par M. Champagne aux participants à son émission avec qui il n'est pas d'accord rend illusoire le droit de réplique envisagé par la politique de Radiomutuel.
La titulaire a aussi allégué que le langage employé par M. Champagne n'est pas grossier, notamment parce qu'il est entendu à d'autres émissions où la caricature prédomine. Le Conseil est d'avis que le fait que des expressions semblables puissent être employées dans d'autres émissions n'enlèvent pas le caractère grossier des propos utilisés sur les ondes de CKRS. De plus, le Conseil considère qu'il y a une différence de contexte entre une tribune téléphonique, d'une part, et des émissions d'humour dont la raison d'être est la caricature de personnalités connues, d'autre part.
De plus, le Conseil note que la politique de Radiomutuel se donne comme objet d'encadrer les émissions, entre autres, les tribunes téléphoniques et les sketches humoristiques. Quant aux arguments de la titulaire à savoir que les propos relevés ont été cités hors contexte, le Conseil désire signaler que la titulaire a eu tout le loisir de situer le contexte des propos examinés lors de l'audience publique.
Pendant l'audience publique, la titulaire a justifié le langage de son animateur en raison du langage coloré utilisé par certains des participants. De l'avis du Conseil, même si des participants ont recours à des propos grossiers, ceci ne permet pas à la titulaire de déroger à ses propres normes, telles qu'énoncées dans sa politique.
Il appert aussi, selon le Conseil, que même si le CEGEP et l'Université avaient fait preuve de manque de transparence face aux critiques et aux allégations de M. Champagne (une question sur laquelle le Conseil n'est pas habilité à se prononcer), ceci ne justifierait pas, en soi, le langage utilisé par l'animateur.
La titulaire a nié la véracité de propos tenus sur les ondes par M. Champagne, à savoir que la direction de Radiomutuel aurait fait parvenir par télécopie à M. Champagne, le lendemain de la date de l'émission d'une injonction contre l'animateur, des félicitations pour son travail. Pendant l'audience, la titulaire a justifié les propos de M. Champagne comme étant, encore une fois, de la caricature verbale. Cependant, la titulaire a reconnu que M. Champagne n'avait pas vérifié l'exactitude des faits, tel que requis par l'article 13 de la politique de Radiomutuel. De l'avis du Conseil, en se prononçant ainsi, la titulaire a admis avoir enfreint l'article 13 de sa politique.
Le Conseil constate aussi que lors de l'audience publique, la titulaire a affirmé que M. Champagne a fait une vérification préalable relativement aux propos portant sur la vie privée de M. Leclerc. Dans les circonstances, en ce qui concerne ces propos, le Conseil n'est pas en mesure de se prononcer sur la conformité de la titulaire avec l'article 13 de la politique de Radiomutuel.
Pendant l'audience publique, la titulaire a insisté sur le fait que le Conseil doit exercer beaucoup de prudence avant de se prononcer sur les propos faisant l'objet des plaintes car autrement, selon elle, le Conseil supplanterait le rôle des tribunaux dans le contexte de diverses poursuites en diffamation en instance. De plus, la titulaire a allégué qu'il ne revient pas au Conseil, mais bien aux tribunaux, de trancher les questions soulevées par les plaintes. La titulaire a aussi notamment fait part de son désaccord avec la position du Conseil, énoncée dans sa lettre du 29 mars 1995, à savoir que des instances en diffamation ne pouvaient rendre impuissant ou contraindre le Conseil face à son devoir d'empêcher tout manquement aux lois et règlements qui relèvent de sa juridiction.
Le Conseil désire réaffirmer son désaccord profond avec la prise de position de la titulaire. La juridiction du Conseil est différente de celle des tribunaux civils. Tel qu'énoncé dans sa lettre du 29 mars 1995, la juridiction du Conseil lui donne le droit et l'obligation de surveiller le système canadien de radiodiffusion, y compris les politiques de radiodiffuseurs particuliers comme la politique de Radiomutuel, et d'empêcher tout manquement aux lois et aux règlements qui relèvent de sa juridiction. L'existence de litiges devant les tribunaux civils ne peut empêcher le Conseil de se prononcer sur des questions dont il est légitimement saisi.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil est d'avis que la titulaire a fait preuve de manquements graves à sa politique et que les plaintes examinées lors de l'audience publique s'avèrent bien fondées. Le Conseil déplore grandement la non-conformité claire et évidente de la titulaire à sa propre politique ainsi que la tolérance, sinon l'encouragement, manifesté à l'endroit d'une programmation nettement inférieure à la norme et à la qualité auxquelles on s'attendrait. Tel que mentionné précédemment, un renouvellement de 16 mois seulement s'impose dans les circonstances.
De plus, le Conseil constate que, malgré les engagements pris par la titulaire en 1994, la situation n'a fait que devenir plus problématique qu'elle ne l'était alors. Dans les circonstances, le Conseil considère qu'il est nécessaire d'imposer à la titulaire, et par la présente exige, comme condition de licence, le respect de sa Politique en matière de contenus.
Le Conseil partage l'opinion exprimée par la titulaire lors de l'audience, à savoir que la liberté d'expression est d'une importance capitale et que, conformément à ses décisions précédentes, le Conseil ne devrait limiter la liberté d'expression que dans des cas d'excès flagrants. Or, de l'avis du Conseil, dans la présente instance, la titulaire a fait preuve d'excès flagrants.
Le Conseil fait remarquer que, selon la Loi, une licence peut être suspendue ou révoquée, et que d'autres sanctions graves peuvent être encourues si le Conseil est convaincu, à la suite d'une audience publique, qu'une titulaire ne s'est pas conformée, entre autres, aux conditions rattachées à sa licence.
Le paragraphe 3 e) du Règlement
Lors de sa comparution, la titulaire fut questionnée au sujet de la diffusion de conversations téléphoniques avec deux employés du CEGEP et avec un représentant d'un hôtel au Maroc où logeait M. Leclerc. Le Conseil a demandé à la titulaire si elle avait obtenu le consentement de ces derniers en conformité avec le paragraphe 3 e) du Règlement.
La réponse de la titulaire fut que cet article ne s'applique que dans la mesure où il y a diffusion d'une conversation avec une personne qui exprime une opinion ou fait un commentaire, par opposition à un fait. De l'avis du Conseil, cette interprétation n'est pas conforme au libellé du paragraphe en question. Dans les circonstances, le Conseil conclut que la titulaire a enfreint le paragraphe 3 e) du Règlement. Le Conseil déplore la non-conformité de la titulaire à cette disposition du Règlement et s'attend que la titulaire la respecte à l'avenir.
Conformément aux engagements pris par la titulaire pendant l'audience publique, le Conseil s'attend que Radiomutuel:
(i)  l'informe dans les plus brefs délais de toute poursuite contre CKRS, ou tout jugement ou règlement hors cours résultant d'une poursuite contre CKRS ou les animateurs de CKRS portant sur des propos tenus en ondes; et
(ii)  remettre une copie de la politique de Radiomutuel aux animateurs de CKRS et à toute personne qui en fait la demande.
Dans l'avis public CRTC 1992-59 du 1er septembre 1992 intitulé "Mise en oeuvre d'une politique d'équité en matière d'emploi", le Conseil annonçait que les pratiques des radiodiffuseurs à cet égard feraient dorénavant l'objet d'un examen du Conseil. Dans ce contexte, le Conseil encourage la titulaire à tenir compte des questions d'équité en matière d'emploi lors de l'embauche du personnel et en ce qui a trait aux autres aspects de la gestion des ressources humaines.
La titulaire est tenue, par condition de licence, de verser des paiements à des organismes tiers voués au développement des talents canadiens dans les proportions indiquées dans les Lignes directrices de l'Association canadienne des radiodiffuseurs (l'ACR) relatives à la contribution de fonds au titre du développement des talents canadiens, telles qu'établies dans l'avis public CRTC 1995-196 ou modifiées de temps à autre et approuvées par le Conseil, et d'inclure, dans son rapport annuel, les noms des tiers associés au développement des talents canadiens ainsi que les montants versés à chacun. Les paiements requis par la présente condition de licence s'ajoutent à tout engagement en cours pris à titre d'avantages à l'égard du développement des talents canadiens dans le cadre d'une demande visant à acquérir la propriété ou le contrôle de l'entreprise.
Le Conseil a reçu deux interventions écrites qui s'opposaient à la diminution proposée du nombre d'heures de diffusion d'émissions locales sur les ondes de CKRS. Dans la décision CRTC 94-665, le Conseil avait pris note du projet de la titulaire de réduire ses émissions locales à 36 heures par semaine et de ses déclarations selon lesquelles il s'agissait d'un engagement minimum. Le Conseil fait remarquer que, lors de l'audience du 9 juillet 1996, la titulaire a signalé qu'elle diffusait présentement plus de 67 heures d'émissions locales sur les ondes de CRKS.
La présente décision devra être annexée à la licence.
Le Secrétaire général
Allan J. Darling

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