Conséquences et pertinence d'un système de compensation pour la valeur des signaux de télévision locale

Rapport préparé conformément à l'article 15 de la Loi sur la radiodiffusion

23 mars 2010

Table des matières



1.0 Introduction

Le Conseil présente ici sa réponse à la requête de la gouverneure en conseil énoncée dans le décret C.P. 2009-1569 (le Décret), en date du 16 septembre 2009, qui demande que le Conseil :

tienne des audiences sur les conséquences et la pertinence de la mise en oeuvre d'une compensation pour la valeur des signaux de télévision locaux et présente le plus tôt possible au gouvernement un rapport qui contient des recommandations à cet égard en tenant compte des éléments ci-après :

  1. les commentaires du public sur l'incidence d'une telle mesure sur le consommateur et, notamment, sur l'accès abordable à diverses émissions de nouvelles, d'information et d'affaires publiques locales et régionales;

  2. la façon dont l'application d'une telle mesure influerait sur les diverses composantes de l'industrie des communications au moment où celle-ci s'adapte au nouvel environnement des communications numériques et, notamment, les conséquences sur les modèles d'affaires actuels et nouveaux.

Dans le rapport, le Conseil établit tout d'abord le contexte en donnant des renseignements de fond sur le rôle de la télévision locale et sur les grandes tendances qui influencent l'industrie canadienne de la télévision en cette époque charnière. Il décrit ensuite le processus suivi par le Conseil pour répondre aux exigences du Décret et fait le point sur les questions clés suivantes :

Le conseiller Michel Morin se dissocie en partie des opinions exprimées dans le présent rapport. Il fournit donc son propre rapport minoritaire et une copie est jointe au présent rapport.

1.1 Le contexte

Les stations de télévision locale (souvent appelées stations de « télévision traditionnelle » ou de « télévision en direct » ) sont autorisées à desservir une région déterminée par le périmètre de rayonnement de leur émetteur. Présentement, les stations de télévision locale doivent exploiter un émetteur en direct et sont tenues de diffuser une quantité minimale de programmation localeNote de bas de page 1. Elles offrent un éventail de programmation, dont 60 % doit être canadienne. Ce contenu canadien doit aussi contenir une programmation locale, que le Conseil définit comme une programmation produite par des stations locales qui ont un personnel local, ou comme une programmation qui reflète les besoins et les intérêts propres à la population d'un marché, créée par des producteurs indépendants locaux. La programmation locale comprend entre autres les émissions de nouvelles, d'informations et d'affaires publiques. Le Conseil exige en général que les stations locales de langue anglaise des marchés métropolitains diffusent au moins 14 heures de programmation locale par semaine, tandis que celles des autres marchés sont généralement tenues d'en diffuser au moins sept heures par semaine. Les stations de langue française ont des exigences de contenu local variant selon l'exploitant et sa capacité financière. En créant de la programmation locale et en y contribuant, ainsi qu'à travers d'autres émissions canadiennes, ces stations figurent aux premiers rangs des entreprises qui contribuent à l'atteinte des objectifs du système canadien de radiodiffusion énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi).

À l'heure actuelle, les signaux de la télévision traditionnelle sont gratuits pour les téléspectateurs qui utilisent des antennes intérieures, communément appelées « oreilles de lapin » , ou des antennes extérieures, généralement attachées à un immeuble.

Lorsque les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) ont commencé leurs activités, elles ne distribuaient que les signaux de stations de télévision locale. Ce n'est pas avant la fin des années soixante-dix que la technologie a permis la distribution de signaux éloignés, y compris de signaux américains. Les EDR ont commencé à distribuer des services spécialisés dans les années quatre-vingt.

Le Conseil exige que les EDR intègrent des stations de télévision traditionnelle à leur bloc de base de services de télévision devant être fournis à tous les abonnés. Cela a pour but de veiller à ce que ces stations, tout comme les émissions qu'elles offrent, soient mises à la disponibilité du plus grand nombre possible de téléspectateurs.

Le Conseil a réglementé le prix du service de base avant 2001. Tenant compte de la concurrence toujours plus féroce sur le marché de la distribution de télévision et de la possibilité maintenant offerte à un grand nombre de consommateurs de choisir entre au moins trois fournisseurs de services dans leur marché local (habituellement, une EDR par câble et deux EDR par satellite), le Conseil a estimé qu'il n'était plus nécessaire de réglementer les tarifs du service de base.

Les EDR ne sont pas tenues de payer pour retransmettre les signaux des stations de télévision locale. Ainsi, au lieu de vendre de la publicité et de recevoir des paiements des EDR pour l'utilisation de leurs signaux, comme c'est le cas des services payants et spécialisés, les stations de télévision locale ne comptent que sur les ventes publicitaires pour accroître leurs revenus. Or la télévision traditionnelle a dû relever de nombreux défis ces dernières années : la concurrence possible des autres plateformes et la fragmentation de l'auditoire (due à la distribution d'un plus grand nombre de services canadiens payants et spécialisés et de services non canadiens) ont provoqué une baisse de leur part d'auditoire qui, combinée à la récession économique, a abouti à l'érosion des recettes publicitaires.

Plusieurs tendances fortes de l'industrie de la télédiffusion sont résumées plus bas.
Premièrement, la rentabilité de la télévision traditionnelle a nettement reculé ces dernières années à mesure que les consommateurs et les annonceurs se sont de plus en plus intéressés à la programmation spécialisée. En 2008, les services payants et spécialisés de télévision se sont accaparé 37,9 % de la part totale d'écoute du Canada (excluant le marché de langue française du Québec) comparativement à 29,3 % pour les stations traditionnelles commerciales privées de langue anglaise combinées à celles de la Société Radio-Canada (la SRC)Note de bas de page 2. De plus, l'écart entre l'écoute des services payants et spécialisés et celle des services de télévision locale s'est accru depuis 2005, alors que la part d'écoute des services spécialisés et payants, 35 %, n'était que légèrement supérieure à celle des services de télévision locale, 33,2 %. Dans le marché de langue française du Québec, la situation est légèrement différente, mais les tendances semblables. Même si la télévision locale a réussi à s'accaparer 49,4 % de l'écoute en 2008, comparativement à 40,9 % chez les services payants et spécialisés, elle n'en a pas moins subi une diminution progressive de sa part d'écoute depuis 2005, récoltant alors 55,5 % de l'écoute alors que les services payants et spécialisés récoltaient 32,7 %. Toutefois, bien que les services payants et spécialisés se soient progressivement accaparé les parts d'écoute de la télévision locale au cours des dernières années, l'écoute de la télévision spécialisée est partagée entre plusieurs services.

Le secteur de la télévision locale continue d'attirer des auditoires vastes et variés, alors que les services spécialisés ont tendance à attirer des auditoires de créneau. L'écoute des émissions les plus cotées de la télévision locale comparée à celle des services spécialisés ne laisse aucun doute quant à l'intérêt général de la télévision locale. À l'exception de la programmation sportive, l'écoute par émission de la télévision locale dépasse de loin celle des services spécialisés.
Par exemple, pour la période allant du 1er septembre 2008 au 31 août 2009, l'émission « non sportive » la plus cotée de la télévision locale a attiré un auditoire moyen par minute d'environ 4,1 millions de téléspectateurs dans le marché de langue anglaise du Canada (c.-à-d. l'ensemble du pays, moins les francophones du Québec). À titre de comparaison, au cours de la même période, l'auditoire moyen par minute de l'émission non sportive la plus cotée des services spécialisés a été d'environ 603 000 téléspectateursNote de bas de page 3.

Des résultats semblables ont été constatés dans le marché de langue française du Québec pendant la même période, alors que l'émission « non sportive » la plus écoutée sur la télévision traditionnelle a su glaner un auditoire moyen par minute de 3,1 millions de téléspectateurs. En comparaison, pendant la même période, l'émission « non sportive » la plus écoutée sur les services spécialisés a attiré un auditoire moyen par minute de 330 000 téléspectateursNote de bas de page 4.

Deuxièmement, les résultats financiers des radiodiffuseurs de télévision locale de langues anglaise et française présentent des écarts considérables. La fidélité de l'auditoire et partant, les tendances économiques du secteur de langue française restent relativement stables par rapport à celles du secteur anglophone.

Entre 2005 et 2009, les revenus totaux de la télévision traditionnelle privée de langue anglaise sont passés d'environ 1,7 milliard de dollars à 1,5 milliard de dollars, soit une diminution annuelle composée de 2,1 %, tandis que ses dépenses totales ont augmenté à un taux annuel composé de 3,3 %, passant d'environ 1,4 milliard de dollars à 1,6 milliard de dollars. En conséquence, le bénéfice avant intérêts et impôts (BAII) a progressivement chuté pour les stations privées, passant de 11,7 % en 2005 à - 9,1 % en 2009Note de bas de page 5.

À titre de comparaison, les revenus totaux du secteur de la télévision locale de langue française privée ont diminué d'environ 383 millions à 350 millions de dollars, une diminution annuelle composée de 2,2 % entre 2005 et 2009, qui se compare à celle du secteur de langue anglaise. En revanche, les télédiffuseurs du secteur de langue française ont compensé la baisse de leurs revenus en diminuant leurs dépenses de 1,3 %, ou environ 16 millions de dollars, réduisant ainsi les conséquences de leurs pertes sur la rentabilité du secteur. Par conséquent, le BAII des télédiffuseurs locaux du secteur de langue française est resté bien plus stable que celui de leurs homologues de langue anglaise puisqu'il s'est élevé à 10,4 % pour 2009, comparativement à celle de 13 % observée pour 2005Note de bas de page 6.

Troisièmement, alors que l'apparition de la distribution par satellite de radiodiffusion direct (SRD) a accéléré la concurrence au sein du secteur des EDR, certaines stations de télévision locale ont été incapables d'obtenir la distribution par les services SRD, surtout parmi les stations de régions moins peuplées du pays. Selon l'Association canadienne des radiodiffuseurs, environ le tiers des stations privées de la télévision traditionnelle ne sont pas distribuées par SRD. Selon l'industrie, la capacité des stations de télévision locale à rejoindre et à fidéliser l'auditoire requis pour vendre de la publicité de façon efficace est un des facteurs essentiels à leur pérennité. À cet égard, le Conseil note que, tel qu'annoncé dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-162, il entend procéder à un examen complet de ses politiques à l'égard de tous les services par SRD avant le prochain processus pour le renouvellement de licence pour de tels services.

Quatrièmement, les tendances négatives de la consommation et des dépenses publicitaires dues à la récente récession économique ont eu des répercussions désastreuses sur les médias. Apparue juste après que le secteur traditionnel ait vu sa rentabilité diminuer au profit du secteur spécialisé, la récession a exacerbé les problèmes de viabilité de la télévision locale. En outre, les coûts additionnels associés au passage de l'analogique au numérique ont alourdi la pression financière imposée aux services de télévision locale.

Cinquièmement, la distribution d'émissions de nouvelles locales s'est accompagnée, ces dix dernières années, d'une tendance vers un meilleur rendement économique qui n'est pas simplement le résultat de la réorganisation, de la centralisation et de la rationalisation des centres de production. Cette tendance se remarque aussi dans la création d'un plus grand nombre d'émissions et de centres de nouvelles régionaux, ainsi que dans la réduction de collectes d'informations et de centres de production purement locaux.

En 2008, le Conseil a créé le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale (FAPL) pour aider les stations de télévision locale à relever leurs défis et mieux soutenir la programmation locale qu'elles fournissent à l'extérieur des marchés principauxNote de bas de page 7. Le Conseil a aussi entrepris d'étudier d'autres pistes pour s'assurer que les stations de télévision locale et les émissions locales qu'elles distribuent continuent à être rentables.

De plus, dans l'avis public de radiodiffusion 2008-100, le Conseil a établi une politique à l'égard des signaux éloignés canadiens en vertu de laquelle les EDR sont généralement tenues d'obtenir l'accord des titulaires de services en direct avant de distribuer leurs stations locales dans un marché éloigné. Le Conseil note que des négociations basées sur le marché permettront aux télédiffuseurs de se voir compenser la « pleine valeur » de leurs signaux et des droits de programmation qu'ils ont acquis.

Dans l'avis de consultation de radiodiffusion 2009-411-3, le Conseil a sollicité des observations à l'égard du bien-fondé d'une solution négociée pour la compensation de la valeur marchande des signaux des stations locales de télévision traditionnelle. Le Conseil a aussi sollicité des avis sur les stratégies et procédures les plus susceptibles de favoriser et d'assurer un règlement opportun des négociations advenant l'échec d'une entente négociée.

Les EDR se sont opposés à toute forme de paiement pour les signaux locaux et ont indiqué qu'ils renverraient tous les nouveaux coûts associés à de telles négociations à leurs abonnés. Dans la mesure où toute nouvelle hausse de facturation serait le fruit d'une négociation, il n'existe aucun moyen de prévoir exactement la facture finale du consommateur. D'après les observations reçues au cours de la présente instance, les estimés vont d'aussi peu que 1 $Note de bas de page 8 par abonné par mois à autant que 10 $Note de bas de page 9 par abonné par mois.

1.2 Le processus

Dans l'avis de consultation de radiodiffusion 2009-614 (l'avis de consultation), le Conseil a annoncé qu'il tiendrait une audience publique à compter du 7 décembre 2009 dans la région de la Capitale nationale pour examiner les points énoncés dans l'avis de consultation portant sur la pertinence d'un système de compensation de la valeur des signaux de télévision locale et sur les conséquences d'un tel système.

Le Conseil a sollicité des observations du public sur les deux questions ayant fait l'objet du Décret, soit l'accès abordable et l'incidence. Dans l'avis de consultation, le Conseil a également noté que, outre les questions d'abordabilité soulevées dans le Décret, il avait reçu, dans de récentes audiences associées, des observations de plusieurs membres du public désireux de disposer d'un meilleur choix d'offres de services de programmation des EDR et inquiets d'un possible recul des stations de télévision locale dans leurs communautés.

Compte tenu de la portée de l'audience et des commentaires déjà exprimés par le public dans d'autres exercices du genre, le Conseil a estimé nécessaire d'aborder d'autres points étroitement liés à l'abordabilité des émissions, entre autres les choix offerts au consommateur, la disponibilité d'un service de base à prix modique, la composition de forfaits réduits de services payants et spécialisés, la possibilité de choisir des services payants et spécialisés individuels, ainsi que la transparence dans la facturation.

La transition au numérique est une autre question clé de l'adaptation au nouvel environnement numérique des communications identifiée par le Conseil. Le Conseil note que le coût de la mise en oeuvre des émetteurs numériques de télévision en direct, le climat économique actuel et la forte pénétration des EDR dans la plupart des marchés ont incité la majorité des radiodiffuseurs à annoncer qu'ils ne comptaient pas convertir tous leurs émetteurs analogiques en direct au numérique. Le Conseil a donc déclaré que les Canadiens devraient vraisemblablement composer avec une solution hybride, selon laquelle les grands marchés continueront de recevoir des signaux de télévision locale en direct tandis que les petits marchés devront recevoir les stations de télévision locales par le biais des fournisseurs par câble et satellite et d'autres distributeurs de services de télévision.

Tenant compte de l'ensemble de ce qui précède, dans l'avis de consultation, le Conseil a sollicité des observations en réponse aux questions suivantes :

1.2.1 Les réactions du public à l'avis de consultation

Le Conseil a reçu environ 190 000 commentaires du public à la suite de la diffusion de l'avis de consultation. Outre les commentaires directement envoyés au Conseil, près de 164 600 ont été soumis dans le contexte de deux campagnes de relations publiques qui ont été lancées par les EDR et par les radiodiffuseurs traditionnels pour rallier le public à leurs positions respectives. Ces observations comprennent entre autres :

1.2.2 La consultation en ligne sur les services de télévision

Dans le cadre du processus enclenché par l'avis de consultation, le Conseil a lancé une consultation en ligne sur les services de télévision, qui eut lieu du 30 novembre au 21 décembre 2009. Cet autre forum de discussion a permis aux Canadiens de faire valoir leurs opinions sur des questions telles que l'accès abordable aux émissions ou le choix et l'accès à la programmation locale dans l'environnement numérique.

Le Conseil a reçu plus de 11 000 observations du public par le biais de cette consultation en ligne. La transcription de cette consultation a été versée au dossier public et peut être consultée sur le site web du Conseil (LIEN). Un aperçu des observations reçues au cours de la consultation en ligne peut également être consulté sur le site web du Conseil (LIEN).
Le Conseil a tenu compte de ces observations dans la préparation de ce rapport.

1.2.3 L'audience

L'audience s'est déroulée la semaine du 7 décembre 2009, dans la région de la Capitale nationale, devant un comité d'audition dont faisaient partie les 13 conseillers du CRTC.
De nombreux Canadiens ayant demandé à être entendus, le Conseil a sélectionné au hasard un échantillon représentatif de l'ensemble du Canada et demandé à ces personnes de partager leurs points de vue à l'audience. De leur côté, les campagnes « Ma télé locale, j'y tiens » et « Non à la taxe TV » ont aussi chacune choisi six consommateurs parmi ceux ayant déposé des observations en appui à leurs campagnes et les ont priés de comparaître sur des panels. Outre ces consommateurs individuels, le Conseil a entendu des membres de l'industrie de la radiodiffusion, d'organismes culturels et communautaires, de syndicats, ainsi qu'une association de consommateurs.

Dans une lettre envoyée au ministre du Patrimoine canadien le 16 octobre 2009, plusieurs groupes de représentation de consommateurs ont exprimé leurs préoccupations devant le manque de financement nécessaire à la participation des consommateurs dans l'instance. Dans cette lettre, ces groupes ont déclaré que [traduction] « … le gouvernement a lancé un processus visant à évaluer les effets sur les consommateurs sans toutefois offrir les moyens d'une représentation citoyenne quant au traitement réglementaire approprié de cette éventuelle incidenceNote de bas de page 11 » .

La question de l'abordabilité des services de télévision pour les consommateurs a été au coeur de cette audience publique, et le Conseil trouve malheureux que ces groupes n'aient pas pu pleinement représenter leurs membres. Le Conseil est convaincu qu'il faut modifier la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes de façon à préciser clairement que les groupes de consommateurs qui participent à des audiences publiques en vertu de la Loi sur la radiodiffusion ont droit au remboursement de leurs frais. Le Conseil soumet une recommandation à cet égard dans la section 6.1 de ce rapport.

2.0 Les commentaires du public sur la télévision locale et sur un système de compensation pour la valeur des signaux

Ce qui suit résume les opinions des consommateurs concernant la possibilité que les frais associés à la mise en oeuvre d'un système de compensation pour la valeur des signaux soient absorbés par les abonnés.

2.1 Les campagnes de l'industrie

Tel que noté dans l'introduction de ce rapport, deux campagnes populaires de relations publiques ont été lancées par les EDR et par les télédiffuseurs locaux pour rallier le public à leurs positions respectives sur la question de la valeur des signaux.

Ces deux campagnes bien financées ont largement utilisé les plateformes multimédias et les stratégies de relations publiques. Elles ont fortement encouragé la population canadienne à exprimer son appui de toutes sortes de façons, dont la soumission de lettres type dans le cadre de la présente instance.

Ces deux campagnes n'ont pas été lancées simultanément. « Ma télé locale, j'y tiens » a été lancée par CTV et Global en mai 2009 sous le slogan Save Local TV. Elle a pris de l'ampleur et a été rebaptisée le 14 septembre 2009 avec l'arrivée de la SRC et d'autres nouveaux partenaires énumérés dans la section 1.2.1. Elle s'est prolongée tout le mois de novembre pour finalement durer cinq mois. Les EDR ont répondu le 5 octobre 2009 avec leur campagne « Non à la taxe TV » . Ainsi, comme des EDR l'ont noté lors de l'audience, tandis que la campagne « Ma télé locale, j'y tiens » a permis de recueillir davantage de lettres que la campagne « Non à la taxe TV » , celles-ci ont été recueillies sur une plus longue période de temps.

Le dossier d'audience du Conseil révèle que ces campagnes ont influencé l'opinion des participants relativement à la question de la valeur des signaux. Cette influence est manifeste dans les thèmes récurrents des soumissions des particuliers qui se superposent aux lettres types générées par la campagne.

Les commentaires des consommateurs révèlent deux grands thèmes. D'un côté, beaucoup se disent inquiets de l'avenir de la télévision locale. De l'autre, ils refusent de façon générale de payer plus cher la programmation qu'ils reçoivent actuellement. Certains, par exemple ceux qui ont des revenus fixes, déclarent qu'il leur est impossible d'absorber une nouvelle hausse de leur facture du câble.

La section qui suit résume les opinions des consommateurs sur le caractère abordable des émissions telles que présentées au Conseil par le biais de soumissions écrites, de présentations et des discussions à l'étape des comparutions de l'audience publique et dans le contexte de la consultation en ligne.

2.2 La valeur de la télévision locale

Ceux qui ont participé à l'audience semblent apprécier la télévision locale.

Ceux qui se sont prononcés sur la valeur de la télévision locale ont déclaré qu'ils s'attendaient à ce que la programmation locale soit de grande qualité (c.-à-d. professionnelle), à ce qu'elle comprenne un contenu vraiment local, à ce qu'elle comporte un nombre raisonnable d'heures de programmation par semaine et à ce qu'elle soit accessible. Toutefois, plusieurs ont observé que les changements apportés à la télévision locale avaient abouti à la confection d'une programmation qui ne répondait pas à leurs attentes et donné toutes sortes d'exemples, dont les compressions imposées aux stations et aux émissions locales, l'évolution d'un contenu local vers un contenu régional, l'homogénéité des genres de programmation offerte et, pour les stations de langue anglaise, la domination des émissions américaines.

Les parties ont aussi commenté le rôle appréciable de la télévision locale à l'égard de :

Étant donné que certains radiodiffuseurs ont affirmé que les stations de télévision pourraient cesser de diffuser si aucun système de compensation pour la valeur des signaux n'était adopté, beaucoup de participants à l'audience ont soulevé la question des répercussions culturelles sur les collectivités en pareil cas et parlé de perte de programmation pertinente, fiable et de grande qualité, même lorsque la quantité de programmation locale était peu élevée.

D'un autre côté, plusieurs consommateurs ont affirmé que la télévision locale qu'ils connaissaient n'était pas vraiment « locale » et souvent décrit leur « télévision locale » comme une télévision régionale produite dans des grands marchés et qui ne reflète pas la réalité de leur propre collectivité. Ainsi, plusieurs consommateurs qui avaient récemment perdu des stations dans leurs communautés (p. ex. : Red Deer, en Alberta) ont déclaré qu'ils avaient eu l'impression de perdre une station, mais pas la télévision locale, cette dernière ayant selon eux disparu avant la fermeture de la station, au fil de la régionalisation du contenu au cours des dernières années. Les tenants de cette théorie ont noté qu'il suffisait de laisser tomber ces stations locales qui n'en étaient pas vraiment afin d'offrir aux autres exploitants des occasions de faire renaître la télévision locale dans les secteurs où le marché de la TV locale est réellement viable. Plusieurs consommateurs ont cité le cas de la station CHCH de Hamilton, en Ontario, qui a récemment repris ses activités. 

Dix-huit soumissions écrites venant de représentants élus, dont des députés fédéraux et provinciaux et des maires, ont exprimé leur ferme soutien au rôle essentiel que joue la télévision locale dans le quotidien des Canadiens et des économies locales. La majorité a spécifiquement cerné l'importance de mettre en oeuvre un système de compensation pour la valeur des signaux tout en s'assurant de réglementer les tarifs de base du câble pour protéger les consommateurs. Toutefois, un représentant élu s'est dit inquiet du fait qu'aucun télédiffuseur ne se soit engagé à investir une partie de ses revenus dans un système de compensation pour la valeur des signaux en matière de programmation locale, ni à ramener les journaux télévisés annulés, ni à renverser les décisions de fermeture de stations locales.

2.3 Les réactions des consommateurs à l'égard d'un système de compensation pour la valeur des signaux

Quelle que soit leur position quant à la valeur de la télévision locale, les consommateurs canadiens qui ont participé à l'audience ont fortement réagi à la notion de la valeur des signaux par rapport à leur capacité de payer. Il vaut cependant la peine de signaler l'absence de consensus sur ce que serait un service abordable. L'opinion couramment exprimée a été que les factures de la télévision par câble et par satellite étaient trop élevées. Les tarifs cités à l'appui de ces arguments variaient selon les préférences d'abonnement et la situation de chaque abonné, la fourchette allant de 35 $ à 200 $ par mois.

Les personnes ayant commenté dans le cadre de la présente instance ont semblé tenir pour acquis que l'augmentation de tarif atteindrait 10 $ par mois, comme le suggérait la campagne « Non à la taxe TV » . Leur réaction face à cette hausse peut être qualifiée d'indignée, surtout compte tenu de l'hypothèse que celle-ci ne ferait que maintenir le statu quo sans améliorer les services existants, encore moins les nouveaux services. Par ailleurs, beaucoup ont demandé combien de temps cette hausse serait nécessaire pour stabiliser l'industrie ou si le but n'était pas plutôt d'imposer de facturer de nouveaux frais permanents que plusieurs assimilaient à une taxe ou à une subvention.

Plusieurs participants étaient sceptiques quant au besoin de tels frais et ont rappelé que l'état actuel de l'économie n'avait pas eu d'effets néfastes que sur l'industrie de la radiodiffusion, mais aussi sur de nombreuses autres industries et sur les Canadiens. Ces participants ont également mis en doute la viabilité du modèle d'affaires traditionnel de la télévision locale. Les consommateurs ont particulièrement contesté l'octroi de subventions à une industrie qu'ils considèrent « obsolescente » ou à des « modèles d'affaires manqués » , surtout compte tenu des technologies émergentes et de l'arrivée de nouveaux fournisseurs. Beaucoup ont attribué l'échec de certaines parties de l'industrie à une mauvaise gestion et souligné que certains télédiffuseurs locaux détiennent également des services spécialisés et payants rentables. Des participants ont indiqué être préoccupés par la possibilité que l'argent des abonnements ne serait pas réinvesti dans le système de radiodiffusion.

À l'audience, les consommateurs ont toutefois dit ce qu'ils pensaient de l'incidence sur l'abordabilité si le tarif éventuel lié à la valeur des signaux était inférieur à celui avancé dans la campagne « Non à la taxe TV » . La théorie du comité d'audition du Conseil qui interrogeait les parties était que des frais mensuels de moins de 10 $ étaient possibles. Se fondant sur un coût théorique de 0,25 $ par signal, celui-ci suggérait pour les besoins de la discussion que les hausses mensuelles pouvaient n'être que de 1 $ ou 2 $ par mois dans de nombreux marchés.

À ce sujet, la plupart des consommateurs présents à l'audience ont indiqué que les groupes de Canadiens qui disposaient de revenus modestes ou fixes seraient quand même touchés, que la hausse soit moins élevée ou non. Ils ont affirmé que des règles seraient nécessaires pour gérer les conséquences et protéger les groupes vulnérables, évoquant la fixation de plafonds ou de limites à la somme qui pourrait être facturée aux consommateurs.

Parlant des réactions des abonnés au cas où des frais se refléteraient sur leur facture, les réponses les plus courantes avançaient que, quel que soit le prix de référence, les consommateurs pourraient soit se tourner vers d'autres sources de programmation, soit réévaluer leur choix de forfaits pour réduire leurs frais, soit réévaluer la place de la télévision dans l'ensemble de leurs dépenses à l'égard des nouvelles et des loisirs. Pour certains, la simple idée d'une nouvelle hausse de leur facture (quelle que soit son utilité) était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase.

D'autres participants ont affirmé qu'ils n'avaient d'autre option que d'accepter de nouveaux frais. Ils estiment n'avoir aucun choix dans la mesure où il n'existe pas de solution de remplacement viable aux services offerts par le câble et le satellite, tant sur le plan de l'accès à une programmation locale que sur celui de la variété d'un autre contenu. Ils se disent frustrés par cette absence de choix lorsqu'ils paient leurs forfaits, particulièrement lorsqu'on leur demande de payer plus pour ce qu'ils reçoivent.

Beaucoup ont indiqué que les solutions de remplacement au câble ou au satellite n'étaient pas vraiment à la hauteur des services fournis par le câble, le satellite et la télévision locale. Ainsi, certains ont vanté les mérites de la télévision communautaire et son rôle dans un marché, mais d'autres ont affirmé qu'elle n'était pas d'un niveau professionnel sur le plan de la couverture journalistique des dossiers locaux ou de l'ampleur du contenu local et autre de la télévision locale.

Bien que vu comme un service précieux, Internet n'est pas considéré comme un service comparable, car le contenu de nouvelles en vidéo en ligne tend à être généré par la station de télévision locale. En outre, il s'agit d'une plateforme média différente qui pratique des approches de diffusion de contenu vidéo différentes. Par ailleurs, les consommateurs ont cité plusieurs obstacles à l'adoption d'autres technologies pouvant prendre en charge leurs besoins de programmation télévisuelle. Ils ont indiqué que l'accès fiable à large bande n'est pas universel, que des mises à niveau souvent onéreuses pourraient être nécessaires pour plusieurs afin de visionner des vidéos sur des ordinateurs personnels, que bien des consommateurs ne sont pas à l'aise avec l'informatique, ou que d'autres n'ont pas d'ordinateurs ou ne peuvent les utiliser.

La seule association véritablement axée sur les intérêts des consommateurs à avoir soumis des observations a été l'Union des consommateurs, qui a souligné que l'accès abordable était un objectif précis imposé aux EDR en vertu de l'article 3(1)t)(ii) de la Loi. L'Union des consommateurs a rappelé que les EDR avaient concrètement démontré, grâce à l'exemple du FAPL, qu'à moins d'une interdiction claire à cet effet, elles répercuteraient les frais de réglementation sur la facture des abonnés. L'association a allégué que le Conseil devait s'assurer que l'implantation d'un système de compensation pour la valeur des signaux n'ait pas pour effet d'augmenter les tarifs du service de base et que ces tarifs devaient être réglementés.

2.4 Les observations du Conseil sur l'abordabilité d'un système de compensation pour la valeur des signaux

Selon le dossier de cette instance, il est clair que la majorité des consommateurs refusent de payer plus pour les services de télévision.

D'après les commentaires, il est tout aussi clair que l'abordabilité est indissociable de la valeur. La valeur de la programmation télévisuelle dépend de plusieurs facteurs, comme les besoins et les intérêts des consommateurs, le lieu géographique, la langue ou la culture, pour ne nommer que ceux-là. La situation financière de chacun est tout aussi importante puisqu'elle régit l'ordre des besoins en matière de consommation.

Il est difficile de définir la valeur d'achat qu'accordent les Canadiens à la télévision locale en particulier. Bien des parties ont clairement dit qu'elles appréciaient la télévision locale, mais la valeur de cette appréciation n'est pas évidente. Est-ce une « nécessité » , équivalente à un service « essentiel » ? Est-ce un bien accessible, qu'il est agréable d'avoir, ou même un luxe?

Toutefois, il ne semble pas que la mise en oeuvre d'un système de compensation pour la valeur des signaux qui provoquerait de modestes hausses de prix puisse causer de grands problèmes d'abordabilité, puisque tant les niveaux d'abonnés que les revenus d'abonnement moyens par abonné des EDR ont augmenté de façon constante depuis 2002. Comme le démontre le graphique 1 ci-dessous, les revenus d'abonnement moyens par abonné (pour le service de base et les autres), en 2009, a atteint 53,22 $, une augmentation de 46,7 % par rapport à la moyenne de 36,28 $ de 2002. Cela représente un taux de croissance composé de 5,6 %. Au cours de la même période, le nombre total d'abonnés à des services de télévision d'EDR a augmenté chaque année sauf en 2004, passant ainsi de 9,3 millions à 10,9 millions d'abonnés, pour une augmentation totale de 17,2 %.

De tels résultats ne semblent pas démontrer, comme les EDR l'ont suggéré dans la présente instance, une baisse de la demande pour les services de télévision d'EDR lorsque les consommateurs font face à des augmentations de tarifs. En fait, au cours de l'instance, les EDR ont également indiqué que la grande majorité des consommateurs s'abonnent à des services facultatifs ne faisant pas partie du forfait de base, démontrant que ceux-ci dépensent à des niveaux supérieurs au niveau d'entrée le plus bas des services de télévision. Si le nombre d'abonnés avait connu une baisse en comparaison à des dépenses moyennes à la hausse, l'argument des coûts excessifs pour les consommateurs aurait pu être valide. Les données ne suggèrent toutefois pas qu'un tel seuil ait été atteint.

Les distributeurs ont également suggéré qu'ils avaient su maintenir et augmenter la valeur des services des EDR aux yeux des consommateurs en augmentant le nombre de canaux disponibles, en offrant de nouveaux services comme la vidéo sur demande (VSD) et, règle générale, en améliorant l'expérience télévisuelle, en grande partie grâce à la télévision numérique.

 

Graphique 1

Revenus d'abonnement moyens par abonné en comparaison

au nombre total d'abonnés (service de base et autre)

Ce graphique énonce les revenus d'abonnement moyens par abonné ainsi que le nombre total d'abonnés pour la période de 2002 à 2009. Au cours de cette période, le nombre d'abonnés à des services de télévision d'EDR (y compris le câble et le SRD) a augmenté de 9,3 millions à 10,9 millions. Au cours de la même période, les revenus d'abonnement moyens par abonné sont passés de 36,28 $ à 53,22 $. Après l'ajustement dû à l'inflation, les revenus d'abonnement moyens sont passés de 36,28 $ à 46,52 $

Source : base de données financières du CRTC.



Le revenu net est habituellement vu comme un facteur déterminant des dépenses des foyers consacrées aux biens et aux servicesNote de bas de page 12. Le Conseil note que, de 2002 à 2009, le taux de croissance annuelle composé (TCAC) de 3,7 % du revenu net des particuliers a été légèrement inférieur au TCAC moyen de 5,6 % des revenus moyens par abonnés des EDR.

Toutefois, comme l'illustre le tableau 1, les dépenses moyennes en services de télévision d'EDR ne comptent que pour une part relativement modeste (2,2 % en 2009) du revenu net moyen des particuliers.


Tableau 1

Revenus d'abonnement moyens par abonné en comparaison au revenu net par habitant

Ce tableau montre les revenus d'abonnement moyens par abonné en tant que pourcentage du revenu net par habitant pour la période de 2002 à 2009. Au cours de cette période, le revenu net annuel par habitant a augmenté de 22 168 $ à 28 527 $. Les revenus d'abonnement moyens par abonné comptaient pour 1,96 % du revenu net en 2002, augmentant à 2,24 % en 2009.

Source : Revenu net : Conference Board du Canada; Revenu moyen par abonné : base de données financières du CRTC

 

Il semblerait donc qu'une modeste hausse des tarifs de base du câble et du satellite résultant d'un système de compensation pour la valeur des signaux n'ait qu'une faible incidence réelle sur le pourcentage du revenu net consacré au paiement du service de base de la télévision. Toutefois, cette observation ne tient pas compte du fait que toute hausse à cet égard aurait des effets sur des segments précis de la population, comme sur les personnes ayant des revenus fixes ou limités ou ayant d'autres contraintes qui influencent leurs choix de consommation.

Le Conseil admet qu'une hausse de la facturation des services de télévision de base aurait des répercussions plus fortes sur des revenus nets peu élevés, mais il note aussi que le prix de tels services demeurerait relativement peu élevé pour la majorité des Canadiens comparativement à leur revenu net total. Cela l'incite à croire que de nombreux Canadiens peuvent absorber une hausse des tarifs même s'ils s'y opposent. Dans leur cas, la décision de conserver ou non de tels services repose sur un ensemble de facteurs qui dépasse la simple capacité de payer.

Certes, d'autres facteurs doivent être pris en considération. Premièrement, il n'est pas facile de prévoir à quel point les campagnes médiatiques très visibles des EDR et des télédiffuseurs ont sensibilisé les consommateurs aux augmentations tarifaires, ni de prévoir l'intensité de leurs réactions face à une nouvelle hausse. Deuxièmement, il faudrait savoir si une augmentation (même modeste) due à des frais pour la valeur des signaux, ajoutée aux augmentations annuelles découlant des frais des EDR et à la récente hausse due au FAPL, ne risque pas de faire pencher la balance de l'abordabilité chez certains abonnés. Troisièmement, les plateformes alternatives comme Internet offrent un accès toujours plus facile à des services de télévision attrayants et moins chers.

Un système de compensation pour la valeur des signaux, tel celui que suggèrent les télédiffuseurs, pourrait ne pas accroître la valeur qu'accordent les consommateurs à la programmation locale étant donné qu'un tel système ne garantit pas de programmation locale supplémentaire ou davantage de choix pour le consommateur. La possibilité d'une migration massive vers d'autres plateformes de l'ensemble des abonnés qui refuseraient une nouvelle hausse de leur facture de câble ou de satellite parait actuellement faible, car ces plateformes ne sont pas encore équivalentes à la télévision en ce qui a trait à la disponibilité de la programmation ou à la qualité de l'expérience télévisuelle.

3.0 L'incidence d'un système de compensation pour la valeur des signaux sur l'industrie des communications

Le Conseil note que, bien que le Décret lui demande de faire rapport sur les conséquences d'un système de compensation pour la valeur des signaux pour les modèles d'affaires actuels et émergents, les participants ont principalement restreint leurs commentaires aux modèles d'affaires, à l'exception de quelques EDR ayant commenté de façon générale l'incidence d'un système de compensation pour la valeur des signaux sur leur capacité de continuer à mettre à jour leurs réseaux afin de permettre la distribution en mode numérique, la distribution de services en haute définition (HD), et la VSD. Ainsi, le Conseil n'a aucune donnée lui permettant de se pencher sur l'incidence d'un système de compensation pour la valeur des signaux sur des modèles émergents comme Internet et la VSD.

3.1 L'incidence d'un système de compensation pour la valeur des signaux sur les télédiffuseurs locaux

Les télédiffuseurs locaux, en règle générale, appuient le système de compensation pour la valeur des signaux et considèrent que celui-ci représente une compensation adaptée à la distribution et à la revente des signaux de télévision locale. Ils soutiennent que les consommateurs paient en fin de compte la valeur marchande de ces services en payant le tarif du service de base mensuel et que les EDR obtiennent des gains financiers considérables grâce à la distribution des stations de télévision locale à leurs services de base du câble.

Les télédiffuseurs locaux estiment aussi que la majorité des Canadiens appuient fermement les services de télévision locale et que le système de compensation pour la valeur des signaux contribuerait à réduire le risque que les stations de télévision locale confrontées à de graves problèmes financiers ne ferment leurs portes ou ne cherchent à réduire considérablement leurs obligations réglementaires associées à la programmation locale et canadienne.
Les télédiffuseurs locaux rejettent l'allégation des EDR qui prétendent ne pas pouvoir absorber le coût d'un système de compensation pour la valeur des signaux. Ils s'opposent donc à une hausse des tarifs des services des EDR qui pourraient découler d'un tel système de compensation. La plupart d'entre eux sont également en faveur d'une série de mécanismes visant à régler les problèmes éventuels d'abordabilité. Ces mécanismes sont notamment la réintroduction d'une réglementation des tarifs et l'obligation pour les EDR d'offrir un forfait de base économique composé de services de télévision locale, de services éducatifs et de services à distribution obligatoire conformément à l'article 9(1)h) de la Loi.

Les EDR notent que, si les télédiffuseurs traditionnels de langue anglaise ne réduisent pas leurs dépenses à l'égard de la programmation étrangère, les revenus découlant d'un système de compensation pour la valeur des signaux n'offriraient qu'une solution à court terme pour leurs problèmes financiers.

3.2 L'incidence d'un système de compensation pour la valeur des signaux sur les entreprises de distribution de radiodiffusion

Dans l'ensemble, les EDR estiment que la rentabilité de leurs services de distribution de télévision ne leur permet pas d'absorber le coût d'un système de compensation pour la valeur des signaux tout en maintenant la qualité des réseaux existants et en satisfaisant aux exigences des innovations techniques. À ce titre, ils ont déclaré qu'un système de compensation pour la valeur des signaux nuirait aux investissements consentis dans l'infrastructure des réseaux qui ont permis d'innover, de créer des services avancés et d'accroître le choix concurrentiel des consommateurs canadiens.

Les petites EDR indépendantes ont fait valoir qu'elles étaient particulièrement exposées aux effets d'un système de compensation pour la valeur des des signaux puisque beaucoup luttent déjà pour rester à la hauteur des concurrents nationaux. Elles ont soutenu qu'un tel système limiterait davantage leur capacité à investir dans les mises à niveau d'installations et dans les nouveaux services requis pour rester dans la course.

La majorité des EDR ont affirmé qu'elles n'auraient pas d'autre choix que de transférer les coûts à leurs abonnés. Elles ont ajouté que cette décision inciterait de nombreux abonnés à quitter le système réglementé ou à réduire leurs abonnements à des forfaits facultatifs. D'après elles, la perte de revenus pour le système serait préjudiciable à la plupart des parties intéressées de l'industrie, y compris les télédiffuseurs locaux, étant donné le lien entre les revenus des EDR et les contributions de ces dernières à la programmation locale.

Quebecor a néanmoins observé qu'un système de compensation pour la valeur des signaux pourrait en fin de compte être absorbé sans trop d'incidence sur la capacité de payer des consommateurs canadiens. Quebecor propose de déduire des sommes payées aux services spécialisés un montant équivalent aux sommes qui devraient être versées aux stations locales. Cette suggestion, selon Quebecor, élimine l'obligation faite aux EDR de transférer le fardeau financier d'un système de compensation pour la valeur des signaux à leurs abonnés, ce qui règlerait les problèmes d'abordabilité.

Enfin, les EDR ont argué que l'approbation d'un système de compensation pour la valeur des signaux pourrait faire en sorte que les télédiffuseurs en direct américains exigent des modalités semblables à celles qu'auront obtenues les télédiffuseurs locaux du Canada.

3.3 L'incidence d'un système de compensation pour la valeur des signaux sur les services spécialisés

Les titulaires de services spécialisés ont déclaré être particulièrement vulnérables aux effets d'un système de compensation pour la valeur des signaux.

Premièrement, les services spécialisés estiment que la mise sur pied d'un système de compensation pour la valeur des signaux modifierait les habitudes d'achat des consommateurs, ayant comme corollaire une perte des revenus due à l'annulation de services ou à une baisse des abonnements aux services facultatifs en raison de la hausse des tarifs des services de base du câble.

Deuxièmement, les services spécialisés redoutent une éventuelle perte de revenus qui découlerait de la redistribution des paiements d'affiliation comme le suggère Quebecor.

Les services spécialisés craignent aussi un éventuel déclin de leurs revenus qui serait dû à la perte de distribution résultant de l'introduction d'un service de base réduit à prix modique ou d'un plus grand recours à un modèle à la carte. Ces deux propositions sont examinées dans les sections suivantes.

3.4 Les observations du Conseil sur l'incidence d'un système de compensation pour la valeur des signaux sur l'industrie des communications

Dans le cadre d'un processus public lancé par l'avis de consultation de radiodiffusion 2009-411, le Conseil a révisé le cadre de réglementation des titulaires de services de télévision des grands groupes. Dans le contexte de cette instance, le Conseil s'est penché sur les exigences appropriées à l'égard de la diffusion des émissions canadiennes et des dépenses à ce titre. Il a aussi examiné divers mécanismes visant à accroître les revenus de ce secteur important. Des mécanismes possibles comprennent notamment un système de compensation pour la valeur des signaux ainsi que d'autres moyens visant à protéger les droits acquis par les télédiffuseurs pour la programmation qu'ils distribuent. En outre, le Conseil a revu les plans de transition au mode numérique des émetteurs des télédiffuseurs à la lumière des dates d'échéance et des politiques précédemment annoncées.

Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-167, le Conseil énonce ses décisions à ces égards. La politique détaille des opinions exprimées par l'industrie dans le cadre de cette instance sur l'incidence de la mise en oeuvre d'un régime de compensation pour la valeur des signaux sur les divers segments de l'industrie des communications. Ces opinions correspondaient généralement à celles exprimées au cours de la présente audience. Les conclusions précises du Conseil à cet égard, qui sont également vraies aux fins de ce rapport.

En ce qui concerne un système de compensation pour la valeur des signaux, le Conseil a conclu qu'il demanderait à la Cour d'appel fédérale de préciser s'il lui incombait, conformément à son mandat en vertu de la Loi, d'établir un système devant permettre aux stations de télévision locale privées de décider de négocier avec les EDR une juste valeur marchande en échange de la distribution des services de programmation de ces stations de télévision locales.

4.0 Les autres mesures visant à améliorer l'abordabilité des services de radiodiffusion

Outre l'abordabilité d'un système de compensation pour la valeur des signaux, le Conseil a sollicité des observations sur les moyens qui permettraient d'élargir et de bonifier la gamme des choix de services de programmation offerts aux consommateurs tout en améliorant l'abordabilité des services. Ces mesures seraient par exemple la création d'un service de base à prix modique, ou « minimaliste » , ou des blocs réduits de services facultatifs.

Toutes les EDR proposent à leurs abonnés des services de programmation de télévision sous forme de forfaits à un prix donné. Chaque abonné à une EDR reçoit un service « de base » qui comprend des stations locales et régionales ainsi que d'autres services canadiens exigés par le ConseilNote de bas de page 13. Les EDR ajoutent la plupart du temps à ce service de base certains services spécialisés et des stations de télévision des réseaux américains.

Outre un service de base, les EDR proposent d'autres forfaits à des prix variés. Ceux qui proposent des services numériques offrent aussi la possibilité de souscrire à quelques services individuels ou à la carte.

Tel que noté plus haut, beaucoup de ceux qui ont participé à la fois à l'audience publique et à la consultation en ligne ont déclaré que le choix était au coeur de l'abordabilité. Les consommateurs acceptent de payer la programmation qu'ils choisissent, mais pas celle dont ils ne veulent pas. Pour eux, une programmation abordable est une programmation dont ils estiment que la valeur correspond au prix facturé.

Outre les commentaires d'ordre général énoncés plus haut, les consommateurs et les télédiffuseurs se sont concentrés sur la possibilité de s'abonner à une offre réduite et bon marché de services de base et sur la possibilité de choisir des services à la carte.

4.1 Le service de base minimaliste

Plusieurs télédiffuseurs et particuliers ont émis l'idée d'offrir un service de base « minimaliste » qui réunirait moins de services – une solution peut-être plus abordable pour les Canadiens. ien que toutes sortes de propositions aient été avancées quant aux services de programmation qui devaient faire partie de ce service de base minimaliste, le seul pont qui a fait consensus a été que celui-ci devait au moins comprendre les stations de télévision locale.

Les augmentations constantes des tarifs des services de distribution préoccupent bien des consommateurs, mais seule une minorité d'entre eux a manifesté un certain intérêt pour un service minimaliste. L'un des commentaires fréquemment entendus a été que ce service pourrait être plus abordable pour les particuliers qui souhaitent conserver leur service par EDR malgré un revenu peu élevé. Les consommateurs se sont montrés bien plus intéressés par la possibilité de choisir et de ne payer que certains services actuellement offerts au service de base, ainsi que d'autres services ne faisant pas partie du service de base.

La plupart des télédiffuseurs locaux croient qu'un service minimaliste et à prix modique serait une solution plus économique et plus abordable de conserver un service EDR, surtout dans le cas des consommateurs à faible revenu. Plusieurs ont indiqué que le prix d'un tel service devrait être réglementé.

Certains services spécialisés actuellement offerts au service de base de nombreuses EDR estiment qu'un service de base réduit serait peu avantageux pour le consommateur puisque celui-ci devrait, outre le tarif du service minimaliste, payer d'autres frais pour obtenir les services spécialisés et autres services qu'il recevait déjà au service de base.

Les EDR ont refusé toute obligation d'offrir un service de base minimaliste. Certains ont indiqué que ce type de service avait déjà été offert par le passé sans toutefois attirer grand monde. Diverses EDR ont apporté des preuves attestant que moins de 5 % de leur clientèle avait choisi de ne s'abonner qu'au service de base et ajouté que la majorité des consommateurs préféraient payer davantage pour recevoir d'autres services qui les intéressaient.

4.2 Le service à la carte

À l'heure actuelle, les EDR offrent la plupart des services sous forme de forfaits. Seuls certains services sont offerts individuellement, autrement dit à la carte.

La majorité des consommateurs ont affirmé que les forfaits existants des EDR comprenaient souvent des services qui ne les intéressaient pas. Puisque de nombreux services sont uniquement offerts dans des forfaits, les abonnés ont signalé qu'ils étaient obligés d'acheter des services dont ils ne voulaient pas pour recevoir ceux qui les intéressaient. Les consommateurs veulent pouvoir choisir les services et ne payer que ceux qu'ils souhaitent recevoir.

Les télédiffuseurs qui détiennent des stations locales et régionales ont refusé toute formule à la carte qui permettrait aux abonnés de refuser de recevoir leurs stations. Ils estiment que leurs stations doivent être distribuées pour s'assurer que le système canadien de radiodiffusion respecte les objectifs de la Loi.

Corus Entertainment Inc. a déposé une étude réalisée pour le compte du U.S. Federal Communications Commission qui décrit les éventuelles conséquences de la mise en oeuvre d'un système à la carteNote de bas de page 14. En gros, les conclusions de l'étude sont que l'adoption d'un tel système réduirait l'écoute des services facultatifs, ce qui forcerait ces derniers à augmenter la facture des distributeurs pour récupérer la perte de leurs recettes publicitaires. Ainsi, la combinaison tarifs d'abonnement plus élevés et nouvelles dépenses encourues par les distributeurs afin de promouvoir les services à la carte auprès de leur clientèle coûterait plus cher aux consommateurs.

Dans l'ensemble, les titulaires des services spécialisés observent que les forfaits des EDR offrent déjà une très grande souplesse même si les consommateurs ne disposent pas d'une liberté complète de choix. Elles soulignent que la diversité des services canadiens spécialisés disponibles est en partie due à l'assemblage de ces services.

Les EDR affirment aussi que l'assemblage est un avantage pour les abonnés et que les abonnés à des services numériques ont de plus en plus accès à des options à la carte.

4.3 Les observations du Conseil sur d'autres mesures liées à l'abordabilité

Les consommateurs qui ont participé à la présente instance ont en grande majorité demandé un plus grand choix parmi les services de télévision pour lesquels ils sont obligés de payer. Chacun refuse de payer autre chose que ce qu'il veut ou ce qu'il consomme. Certains se disent prêts à payer davantage pour obtenir exactement ce qu'ils veulent, admettant par là que la liberté de choix a un prix.

4.3.1 Le service de base minimaliste

Le Conseil note que le cadre de réglementation actuel permet aux EDR d'offrir un service de base relativement restreint. Les services de programmation offerts à ce titre sont avant tout les stations locales et régionales de télévision et les quelques services canadiens que le Conseil estime être essentiels à la poursuite des objectifs de la Loi. Le choix des EDR d'offrir un forfait de base beaucoup plus important, qui comprend par exemple des services étrangers, répond vraisemblablement à plusieurs facteurs indépendants des exigences de réglementation, dont les demandes des abonnés et les négociations de modalités de distribution avec les services de programmation.

D'après la preuve présentée au Conseil, les tarifs des services de base permettent aux EDR de récupérer une partie importante du coût de leurs investissements, c'est-à-dire les coûts de construction et de maintien de leurs réseaux. Par conséquent, les hausses de ces tarifs sont censées refléter, au moins en partie, des hausses des dépenses en immobilisations.

La plupart des services de programmation offerts au service de base, y compris les stations canadiennes de télévision locale et certaines stations américaines, ont actuellement peu d'effets sur la facture de l'abonné. Les droits payés par les EDR à ces services ne représentent pas une partie importante des tarifs même si certains autres services canadiens de programmation sont aussi couramment offerts au service de base. Rogers a par exemple prouvé que la suppression de ces services spécialisés qu'elle n'est pas tenue de distribuer dans son service de base n'en réduirait le prix que de 7 %. La suppression de l'un ou l'autre de ces services en vue de créer un service minimaliste ne réduirait donc probablement pas notablement la facture du consommateur.

Le seul moyen dont dispose le Conseil pour s'assurer que les EDR proposent un service minimaliste à un prix sensiblement inférieur au prix actuel du service de base passe par un retour à la réglementation du tarif du service de base. Une telle intervention irait cependant à l'encontre de l'orientation récente des grandes politiques de radiodiffusion du Conseil. 
Tout en soutenant qu'il soit à certains égards nécessaire de réglementer pour assurer la poursuite des objectifs de la Loi, le Conseil est d'avis que les solutions axées sur les forces du marché sont préférables lorsque ces dernières peuvent tout autant permettre l'atteinte de ces objectifs.

Quoi qu'il en soit, l'offre d'un service de base minimaliste à un prix considérablement inférieur à celui du tarif de base actuel – que celui-ci soit réglementé ou non – peut provoquer des réductions de revenus que les EDR voudront vraisemblablement récupérer en augmentant le prix des autres forfaits facultatifs et services de programmation.

Le Conseil a aussi entendu des témoignages indiquant qu'une offre de service de base minimaliste intéresserait peu de consommateurs puisque la grande majorité sont déjà abonnés à des services optionnels ou facultatifs en plus du service de base. Tel que noté plus haut, les EDR estiment que moins de 10 % de leurs abonnés ont choisi uniquement ce service, ce qui donne à penser qu'un service de base minimaliste n'avantagerait qu'un petit nombre d'abonnés.

Enfin, il faut noter que la plupart des câblodistributeurs offrent encore un service de base qui est acheminé avec l'ancienne technologie analogique et continueront probablement à les offrir ainsi pendant un certain temps. L'offre d'un service de base épuré entraînerait des coûts exorbitants, car il faudrait prévoir l'installation d'un filtre chez tous les clients qui choisiraient de recevoir ce service. Pour récupérer la valeur de ces coûts, les câblodistributeurs augmenteront les tarifs d'autres services et forfaits, avec le risque de rendre ces autres services moins abordables.

Les avantages et les inconvénients associés à une offre de service de base minimaliste peuvent considérablement évoluer à mesure qu'un nombre croissant de consommateurs choisiront de recevoir des services numériques et que le nombre de Canadiens qui dépendent des services analogiques diminuera.

4.3.2 Le service à la carte

Le Conseil note que les EDR qui utilisent une technologie analogique éprouvent des difficultés techniques à distribuer des services à la carte. Seuls les services en mode numérique peuvent être offerts individuellement aux abonnés.

Actuellement, il existe également quelques limites réglementaires concernant la façon dont les services de programmation sont assemblés par les EDR, qui empêchent ces derniers d'offrir certains services à la carte, particulièrement des services non canadiens. Les présentes règles de distribution et d'assemblage, adoptées à l'origine en vue de soutenir les services canadiens, énoncent une grande gamme de règles d'assemblage pour différents types d'EDR. Entre autres choses, ces règles précisent que pour chaque service spécialisé non canadien offert dans un bloc, il doit y avoir un service spécialisé canadien (la règle du 1 pour 1) et que, pour cinq services payants non canadiens offerts dans un bloc, il doit y avoir un service payant canadien (la règle du 5 pour 1).

Toutefois, le Conseil a annoncé dans l'avis public de radiodiffusion 2008-100 que ces restrictions d'assemblage seraient pour la plupart balayées avec les changements de réglementation qui doivent prendre effet le 31 août 2011. Ces changements offriront une plus grande souplesse d'assemblage et permettront aux EDR d'offrir plus facilement des services facultatifs à la carte. Les changements permettront de mieux répondre à la demande publique de services à la carte et d'envisager d'autres possibilités d'assemblage.

Selon la preuve soumise au Conseil, il appert que les consommateurs ne semblent pas voir le lien entre le choix et l'abordabilité de la même façon que l'industrie de la radiodiffusion, du moins pour ce qui est de l'assemblage des services de programmation.

Tant les EDR que les services de programmation ont fait valoir que les tarifs facturés aux consommateurs pour l'assemblage des services facultatifs étaient considérablement moins élevés que les frais fixés par les EDR pour l'achat de services individuels. Partant de là, les EDR et les services de programmation ont indiqué que l'assemblage rendait les services généralement plus abordables. À l'inverse, les consommateurs ont systématiquement rappelé que l'idéal serait qu'un abonné puisse choisir les services qu'il veut et qu'il peut s'offrir.

Le Conseil observe que les services de programmation et les EDR ont largement profité des méthodes actuelles d'assemblage de services de programmation et que celles-ci ont soutenu la production de programmation canadienne variée et de grande qualité.

Les services canadiens de programmation estiment que les règles d'assemblage soutiennent des services qui ne seraient peut-être pas viables s'ils étaient offerts à la carte. Ainsi, les pratiques actuelles d'assemblage – qui combinent généralement des services moins rentables à d'autres, plus rentables (c.-à-d. bénéficiant d'une meilleure écoute) – sont en partie responsables de la survie des services moins rentables et du maintien de la diversité de programmation au Canada. Les services de programmation s'inquiètent donc du risque que l'implantation d'un système entièrement à la carte ne produise d'importants effets négatifs sur plusieurs services d'attrait plus restreint, notamment ceux qui ne font pas partie de grands groupes de propriété.

L'évolution vers un environnement entièrement à la carte peut aussi avoir des répercussions sur les revenus des EDR si les consommateurs réduisent le nombre de services qu'ils reçoivent en général. La migration vers un modèle d'affaires à la carte pourrait aussi engendrer de nouveaux frais considérables liés aux changements d'infrastructure des EDR, aux activités des services à la clientèle, à la facturation et au soutien administratif.

Plusieurs EDR ont déjà réagi à la demande d'une plus grande liberté de choix des consommateurs en proposant à leurs abonnés en mode numérique une plus vaste gamme d'options, dont des services à la carte. Par exemple, Quebecor notait à l'audience qu'au cours des huit dernières années, elle a permis à ses abonnés au service numérique d'assembler leurs propres blocs de 15, 20 ou 30 services facultatifs. Selon Quebecor, la moitié de ses abonnés choisissent maintenant les services de cette façon plutôt que d'opter pour les blocs qu'offre Quebecor. Cependant, le choix des consommateurs est aussi limité par les ententes d'affiliation négociées entre les distributeurs et les services de programmation qui interdisent parfois précisément d'offrir un service à la carte, ou à tout le moins restreignent l'assemblage de services. D'une façon générale, le Conseil reste à l'écart de ces ententes à moins que les parties ne lui demandent intervenir.

Il est clair qu'il existe une demande importante des consommateurs pour une plus grande liberté de choix dans les méthodes de distribution des services de programmation et les tarifs facturés pour ces services, notamment pour d'autres options à la carte. Le Conseil continuera à rechercher le meilleur équilibre entre la demande de liberté de choix, le maintien d'une industrie de la radiodiffusion forte et variée et l'atteinte des objectifs de la Loi, dans le contexte de sa participation à l'élaboration des options d'assemblage offertes aux consommateurs. Toutefois, le Conseil prévoit que la façon dont les services de programmation seront offerts aux consommateurs sera de plus en plus fonction des forces du marché. Plus particulièrement, au fur et à mesure que des alternatives comme Internet et la VSD se développent, la pénétration numérique obligera de plus en plus l'industrie de la radiodiffusion à répondre à la demande des consommateurs et à offrir davantage d'options à la carte et de choix d'assemblage.

Cela étant dit, le Conseil note qu'il n'existe pas, pour les EDR, d'entité centralisée autoréglementée depuis la dissolution du Conseil des normes de télévision par câble (CNTC) en avril 2006. Le Conseil note également que suite à la décision de modifier le cadre réglementaire entourant l'abstention des services de télécommunication locaux, le Gouvernement a lancé un appel à la création d'une entité autoréglementée afin de traiter les plaintes des consommateurs en télécommunications, tel que mentionné dans le décret C.P. 2007-533. Il en a résulté la création du Commissaire des plaintes relativement aux services de télécommunications (CPST). Le Conseil estime qu'à la lumière de l'insatisfaction exprimée par les consommateurs dans le cadre de cette instance publique, il serait approprié de fournir aux consommateurs un forum semblable pour soulever des préoccupations et problèmes liés aux services de distribution de radiodiffusion. Une recommandation à cet effet est énoncée dans la section 6.2 du présent rapport.

5.0 L'incidence du passage au numérique des stations de télévision locale

5.1 Le contexte

Présentement, environ 98 % de la population canadienne a accès à au moins un service de télédiffusion analogique en direct. La réception de ce signal en direct est totalement gratuite, moyennant l'installation d'un téléviseur et d'une antenne de réception.

La télévision canadienne est en train de procéder à la conversion de ses émetteurs en direct vers une transmission numérique. La transition vers la télévision numérique (TVN) apportera de nombreux avantages pour les Canadiens. En plus d'offrir aux téléspectateurs une meilleure qualité visuelle et sonore, y compris de la programmation en HD, et de permettre un plus grand nombre de services par le biais du multiplexageNote de bas de page 15, elle permettra d'utiliser le spectre à des fins de sécurité publique et permettra une plus grande concurrence au niveau du sans-fil, ainsi que des innovations par le biais de changements de vocation des canaux 52 à 69.

Afin de s'assurer que le passage à la transmission numérique en direct se fasse en temps opportun, le Conseil a établi la date de fin de la transmission en mode analogique au 31 août 2011.

La question du passage au numérique doit être soulevée ici, car elle pourrait influer sur la capacité des téléspectateurs à préserver l'accès à une télévision locale gratuite.

5.2 Les observations à l'égard de l'accès à la télévision en direct

Les consommateurs ont indiqué au Conseil que tous les Canadiens doivent avoir accès à la télévision locale. Cette remarque a toute son importance dans la mesure où les télédiffuseurs publics et privés ne prévoient actuellement pas fournir de service numérique en direct dans toutes les régions du Canada en raison des coûts d'érection des émetteurs numériques destinés à desservir les petits marchés.

Les consommateurs ont fait valoir que la population des petits marchés devrait avoir accès à des services de télévision locale semblables à ceux des grands marchés, et que le multiplexage ou les propositions de distributeurs par satellite, discutée ci-dessous, de fournir un bloc de signaux locaux, pourraient garantir que les populations des petites villes continuent à avoir accès à la télévision en direct. En outre, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) a dit craindre que la SRC, fournisseur primaire de programmation en direct hors Québec, ne prévoit des émetteurs numériques que pour ses stations sources, avec le risque que les téléspectateurs des marchés de langue française n'aient plus accès aux signaux de langue française en direct de la SRC. Les télédiffuseurs ont affirmé qu'il était impossible de respecter la date du 31 août 2011 en raison des difficultés techniques et logistiques. Toutefois, les entreprises de services sans fil ont précisé qu'il était important de mettre fin à la transmission analogique à la date prévue, car des fréquences seraient alors libérées pour les services sans fil et les services de sécurité publique.

Les parties ont en général déclaré que les profits des futures ventes aux enchères de fréquences devraient servir à offrir aux radiodiffuseurs une compensation financière pour une partie de leurs frais de conversion.

Généralement, les parties ont recommandé que le gouvernement finance un programme d'achat de matériel de réception numérique par les consommateurs pour préserver l'accès aux stations de télévision locale des Canadiens qui dépendent actuellement des signaux en direct. Elles suggèrent de fournir des boîtes de conversion au numérique aux consommateurs qui ont un téléviseur analogique et du matériel de réception par satellite à ceux qui ne pourront plus capter les signaux de télévision en direct. FreeHD Canada Inc. préconise un programme en vertu duquel deux coupons de 75 $ seraient remis à chaque foyer canadien pour acheter du matériel de réception numérique.

Plusieurs parties pensent que le gouvernement devrait offrir une forme d'aide financière aux radiodiffuseurs pour faciliter leur conversion au numérique. En particulier, Corus Entertainment Inc. a affirmé que le gouvernement devrait prévoir une déduction pour amortissement accélérée pour le matériel de diffusion numérique. La Guilde canadienne des médias croit également que les fonds de l'État devraient encourager le multiplexage dans les petits marchés.

Les consommateurs qui ne reçoivent que les signaux en direct devront poser plusieurs gestes pour continuer à avoir accès aux stations de télévision locale une fois la conversion au mode numérique achevée. Un bon nombre de parties ont donc proposé, comme l'ont fait d'autres pays, de mettre sur pied un programme d'éducation des consommateurs qui serait piloté par le gouvernement fédéral et financé à même les profits des ventes aux enchères de fréquences afin d'informer la population des détails de la conversion, des étapes à suivre pour continuer à accéder aux services de télévision et d'offrir toutes les informations nécessaires.

5.3 Les observations du Conseil à l'égard du passage au numérique

Le Conseil a reconnu que les coûts élevés de cette transition risquaient d'empêcher les radiodiffuseurs de convertir leurs émetteurs dans les petits marchés. Il a par conséquent indiqué, dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-167 :

Le Conseil encourage les radiodiffuseurs à convertir tous leurs émetteurs analogiques pleine puissance au Canada. Cependant, en ce qui concerne les Canadiens qui risquent de perdre, à cause de la transition, l'accès à leurs services de télévision locale diffusant en direct, le Conseil a indiqué que les petits marchés pourraient être desservis grâce au multiplexage ou aux distributeurs par câble ou par satellite. Dans la décision de radiodiffusion 2010-61, le Conseil approuve en partie une demande par FreeHD Canada Inc. FreeHD Canada Inc. a indiqué sa volonté d'offrir un bloc gratuit de services de télévision locale aux Canadiens. Bell Canada, Shaw Communications et MTS Allstream ont déposé des propositions semblables auprès du Conseil.

Le Conseil veut s'assurer que les Canadiens risquant de perdre accès aux signaux en direct suite au passage au numérique conservent l'accès à des services semblables. Par conséquent, dans l'avis de consultation de radiodiffusion 2010-169, le Conseil a sollicité des observations sur son avis préliminaire à l'effet qu'il doive autoriser les EDR à fournir un bloc de signaux locaux et régionaux de télévision traditionnelle, pourvu que ce bloc soit offert sans frais, qu'aucun autre service de télévision payante ne soit fourni en conjonction avec le bloc local, et que l'accès au bloc local ne soit conditionnel à aucun frais ou à aucun achat de service.

Tel qu'indiqué dans l'avis de consultation de radiodiffusion 2010-169, le Conseil estime, selon des données de 2006, que les quelques 900 000 foyers canadiens dans les marchés à transition obligatoire qui dépendent présentement de la réception en direct pourraient avoir besoin d'un décodeur numérique afin de conserver accès aux services en direct sur des téléviseurs plus anciens. De tels décodeurs, dans de grands magasins canadiens, se vendent actuellement environ 75 $. Par conséquent, un programme de subvention pour les décodeurs des consommateurs visant à complètement défrayer l'achat de décodeurs pourrait coûter environ 67,5 millions de dollars, sans compter les frais d'administration d'un tel programme.

De plus, le Conseil estime qu'environ 44 000 foyers canadiens dépendent présentement de stations de télévision en direct pleine puissance exploitées sur les canaux 52 à 69 en dehors des marchés où la transition est obligatoire. Ces foyers pourraient devoir se tourner vers d'autres moyens, comme la distribution satellite, afin de conserver l'accès aux services qu'ils reçoivent présentement. Dans sa réponse à une lettre du Conseil, en date du 12 mai 2009, Bell Canada indique que l'équipement de réception satellite pour un téléspectateur Freesat coûterait 300 $, sans compter l'installation. FreeHD Canada Inc. a soumis des coûts d'équipements du consommateur comparables. Par conséquent, un programme de subvention visant à complètement défrayer l'achat d'équipement de réception satellite pourrait coûter environ 13,2 millions de dollars, sans compter les frais d'administration d'un tel programme.

Le Conseil estime également qu'un programme d'information des consommateurs est nécessaire afin que les Canadiens soient au courant des implications de la conversion au numérique et de ce qu'ils devront faire pour conserver l'accès à la télévision locale.

Dans l'avis de consultation de radiodiffusion 2010-169, le Conseil a sollicité des observations sur les points associés à la conversion au numérique ci-dessous :

6.0 Les recommandations au Gouvernement

Le Conseil a récapitulé dans ce rapport les informations et observations reçues dans le contexte de l'instance publique réclamée par le Gouvernement. Le Conseil a aussi proposé ses propres commentaires et fourni des données pertinentes pour aider le Gouvernement à mieux comprendre les questions soulevées dans le Décret.

Dans le nouveau cadre de réglementation de la télévision, énoncé dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2010-167 publiée précédemment et remise au Gouvernement en même temps que ce rapport, le Conseil a présenté l'approche qu'il recommande pour régler de nombreux problèmes soulevés dans le Décret. La recommandation primordiale est de fournir un effort constant compte tenu des changements technologiques toujours plus rapides afin de s'assurer que les principes énoncés dans la Loi soient respectés et de veiller à ce que chaque élément du système canadien de radiodiffusion contribue efficacement à l'atteinte de cet objectif. En se basant sur la présente instance et tel qu'exigé par le Décret, le Conseil énonce les recommandations suivantes. 

6.1 La participation d'intérêt public

Les services de radiodiffusion jouent un rôle important dans la vie des Canadiens. Le Conseil estime donc essentiel que les groupes de représentation des consommateurs puissent participer aux instances qu'il organise. Par conséquent, le Conseil recommande que le gouvernement modifie la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes pour préciser que le Conseil peut accorder des frais provisoires ou finals ainsi que des frais accessoires aux participants aux instances de radiodiffusion.

6.2 L'établissement d'une entité autoréglementée pour les entreprises de distribution de radiodiffusion

Tel que noté ci-dessus, il n'y a pas d'entité centralisée et autoréglementée pour les EDR depuis que le CNTC a cessé ses activités en avril 2006. Le Conseil estime qu'à la lumière de l'insatisfaction exprimée dans cette instance publique, il serait approprié de donner aux consommateurs un forum semblable afin de soulever des préoccupations et problèmes liés aux services de distribution de radiodiffusion.

Le Conseil note que la majorité des EDR fournissent un groupe de services qui comprennent tant des services de radiodiffusion que de télécommunications, et que les tarifs de ces services sont en temps normal mis en un forfait. Le Conseil est d'avis que les consommateurs bénéficieraient d'un point de contact unique pour l'ensemble des préoccupations quant à la distribution de la radiodiffusion et des télécommunications.

Par conséquent, le Conseil recommande au Gouvernement d'émettre un décret enjoignant le Conseil de voir à ce que les EDR établissent une entité indépendante et autoréglementée afin de se pencher sur les plaintes à l'égard des services de distribution de radiodiffusion, et que cette entité travaille de concert avec le CNTC afin de fournir aux consommateurs un point de contact unique pour la résolution de plaintes.

6.3 Le passage au numérique

La date de la conversion au numérique du 31 août 2011 approche à grands pas et le gouvernement doit prendre des mesures additionnelles pour préserver l'accès public des Canadiens aux stations de télévision en direct. Le Conseil soumet donc les recommandations ci-dessous.

7.0 Conclusion

Le Conseil désire remercier tous les gens qui ont contribué à ce processus par le biais d'observations écrites, de présentations à l'audience publique et dans le cadre de la consultation en ligne.

Secrétaire général

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Annexe 1

Marchés dans lesquels les télédiffuseurs doivent convertir au numérique l'ensemble de leurs émetteurs analogique pleine puissance

Colombie-Britannique : Vancouver, Victoria

Alberta : Calgary, Edmonton, Lethbridge, Lloydminster

Saskatchewan : Regina, Saskatoon

Manitoba : Winnipeg

Ontario : Toronto (Barrie et Hamilton puisque leurs stations sont concurrentes dans le marché de Toronto), London, Windsor, Kitchener, Thunder Bay

Québec : Montréal, Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, Rivière-du-Loup, Saguenay, Rouyn-Noranda/Val-d'Or

Nouveau-Brunswick : Saint John, Moncton, Fredericton

Nouvelle-Écosse : Halifax

Île-du-Prince-Édouard : Charlottetown

Terre-Neuve-et-Labrador : St. John's

Yukon : Whitehorse

Territoires du Nord-Ouest : Yellowknife

Nunavut : Iqaluit

Région de la Capitale nationale (Ottawa-Gatineau)

Rapport minoritaire du conseiller Michel Morin

Je ne peux qu'applaudir la décision du Conseil (la Décision), énoncée dans Conséquences et pertinence d'un système de compensation pour la valeur des signaux de télévision locale, qui reconnaît enfin aux télédiffuseurs généralistes privés le droit de négocier la valeur de leur signal. Par contre, je ne peux que déplorer le manque de volonté du Conseil d'établir un service de base minimaliste – squelettique, moins coûteux et concurrentiel – qui aurait donné aux consommateurs le choix de payer ou non les nouveaux tarifs d'abonnement qui pourraient découler des négociations entre les télédiffuseurs locaux et les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR). Je dis oui à la liberté de négociation des entreprises, mais oui aussi à la liberté de choix des consommateurs à l'égard des services généralistes, dont la gratuité est sérieusement menacée par la Décision du Conseil.

Les consommateurs : les laissés-pour-compte du système

Ce qui était impensable et tabou il y a à peine quelques mois est devenu réalité. Par sa Décision, le Conseil voudrait imiter le Retransmission Consent Regime du système américain qui fonctionne avec efficacité depuis plus de 19 ans : il voudrait désormais donner aux généralistes privés canadiens (comme il l'a toujours fait pour les services facultatifs) la possibilité de recourir à la compensation pour la valeur de leurs signaux.

Plutôt que de fixer lui-même la valeur du signal des généralistes, le Conseil laissera les forces du marché l'établir.

Laissant planer la menace de retirer leur signal des ondes, les stations de télévision locale privée se retrouveraient théoriquement à armes égales avec les EDR. Il ne reste plus qu'à voir si ce nouveau modèle économique, cette nouvelle avancée du système canadien tant souhaitée par les généralistes (dont CTV, le plus important radiodiffuseur privé au pays), se traduira dans les faits par de nouveaux tarifs d'abonnement des EDR.

Dans l'éventualité où cette solution sera mise de l'avant, chacun des onze millions d'abonnés du câble et des satellites devra-t-il verser 25 cents, 50 cents ou un dollar par mois pour chaque signal (CTV, Global, Citytv, TVA, V, etc.) qu'il va recevoir? Et dans trois ans, après la nouvelle série de négociations, passera-t-on à 75 cents, à un dollar ou à un dollar cinquante? Déjà, chez nos voisins du sud, les négociations sont amorcées sur la base d'un dollar par mois, par signal et par abonné. On l'a vu en décembre 2009 avec News Corp (Fox Broadcasting) et Time Warner Cable. On l'a vu en mars 2010 avec Walt Disney et Cablevision System. Comme on dit : « le présent est garant de l'avenir » .

Le cadre de négociation issu de la Décision laisserait aux EDR le choix de refiler la facture directement aux abonnés du service de base, la seule porte d'entrée du système de distribution. Aujourd'hui, demain et après-demain.

Selon moi, le Conseil n'a pas agi en « bon père de famille » dans les circonstances. Il a joué son va-tout avec les entreprises, sans tenir compte des répercussions que pourraient avoir sur le service de base de nouveaux tarifs d'abonnement réservés au secteur privé.

Lorsqu'on déréglemente (ce à quoi j'adhère entièrement, soit dit en passant), il faut toujours garder le consommateur à l'esprit. Ce principe fait d'ailleurs partie intégrante de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) du Canada, comme l'a souligné l'Union des Consommateurs au cours des audiences. En effet, le sous-alinéa 3(1)t)(ii) de la Loi stipule que les entreprises de distribution « devraient assurer efficacement, à l'aide des techniques les plus efficientes, la fourniture de la programmation à des tarifs abordables » . Rien ne saurait être plus clair dans un nouvel environnement numérique qui autorise toutes les permutations.

En 2006, quand le gouvernement a donné au Conseil des instructions relativement à la mise en oeuvre de la politique canadienne de télécommunication, les consommateurs n'ont pas été donnés en pâture aux entreprises. Au contraire, des critères ont été fixés afin de s'assurer qu'il y ait de la concurrence dans les marchés nouvellement déréglementés, et un poste de commissaire aux plaintes a été créé pour accueillir et traiter les doléances des consommateurs, aux frais de l'industrie.

Cette fois, rien de tel. Les conséquences des nouveaux tarifs d'abonnement au service de base ne seraient établies que par les négociations entre les parties. Le Conseil défend l'intérêt des entreprises au détriment des consommateurs qui, eux, n'auront aucun choix.
Ces consommateurs, ce sont les mêmes onze millions d'abonnés canadiens qui ont écopé, depuis septembre 2009, d'une première facture de cent millions de dollars suite à l'établissement du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale (FAPL) (1,5 % de la facture de l'EDR à l'abonné), sans garantie aucune en ce qui concerne l'augmentation du contenu. À combien s'élèvera la facture cette fois? 100, 200 ou 300 millions? Nous le saurons à l'issue des négociations, qui pourraient être rudes (et s'accompagner de coupures de signaux comme cela se produit parfois aux États-Unis) ou amicales, comme entre Vidéotron et TVA (toutes deux membres de la famille de Quebecor Média) ou avec Citytv (une entreprise du groupe Rogers) ou avec Canwest (qui pourrait bientôt devenir propriété de Shaw Communications). Une chose est sûre, ce sont encore les consommateurs qui écopent aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, il y a un risque certain que le consommateur canadien se voit imposer au bout du compte de nouveaux frais d'abonnement pour les services généralistes privés, sans qu'il n'y ait augmentation ou amélioration de la programmation, comme ce fut le cas avec le FAPL.

Bien qu'il soit le premier partenaire du système canadien de radiodiffusion, le consommateur est laissé-pour-compte dans la Décision.

Un service de base minimaliste, squelettique, moins coûteux et concurrentiel

Dans le décret C.P. 2009-1569, la gouverneure en conseil demandait notamment au Conseil d'évaluer « la pertinence de l'adoption d'un système de compensation pour la valeur des signaux de télévision locaux » . De manière plus précise, le décret soulevait deux points : l'accès abordable et l'incidence d'une telle mesure sur les diverses composantes de l'industrie des communications. À mon humble avis, il serait bien périlleux d'essayer de donner une réponse définitive à la seconde question; tout et son contraire a été dit lors des audiences de l'automne dernier.

Grandes gagnantes des luttes pour acquérir une plus grande part de l'auditoire au cours des 20 dernières années, les chaînes facultatives ont prétendu qu'en autorisant les généralistes à recevoir une compensation pour la valeur de leurs signaux, on fragiliserait l'offre des chaînes spécialisées, alors que plusieurs de ces chaînes spécialisées affichent des rendements à faire pâlir nos généralistes canadiens et alors que ces mêmes chaînes facultatives (avec la bienveillante complicité du Conseil) ont bénéficié de revenus d'abonnement, puis de revenus publicitaires jusqu'à lors réservés aux généralistes. Pourquoi devrait-on maintenant empêcher les généralistes de faire évoluer leurs modèles d'affaires en les faisant bénéficier à leur tour de revenus d'abonnement? N'aurait-ce pas été là un juste retour du balancier? Le Conseil avait l'obligation de prendre en compte la question d'un accès plus abordable soulevée par le gouvernement, ce qu'il n'a pas fait dans le présent rapport.

Pourtant, la solution était toute simple : il s'agissait d'établir un service de base minimaliste (un skinny basic service pour reprendre l'expression anglaise) comme il a d'ailleurs été proposé à plusieurs reprises par le passé, notamment par la CBC/SRC. Ce service de base limité aurait été défini uniquement par son contenu plutôt que par un prix réglementé, comme c'était le cas avant 2001. Rappelons que, dans la foulée de cette déréglementation au goût du jour, le Conseil accorda aux EDR le droit d'ajouter à leur service de base, en vertu des règlements du Conseil, autant de services facultatifs qu'elles le voulaient, sans égard aux tarifs. Du coup, la déréglementation stimula les services de base hybrides et les hausses de tarifs se multiplièrent (5,6 % par année de 2002 à 2009), sans même que les consommateurs ne puissent exercer « leur option de refus » , c'est-à-dire le choix de ne pas retenir les services facultatifs dont ils ne voulaient pas.

Aujourd'hui, les services de base qu'offrent Eastlink, Vidéotron, Cogeco, Rogers, MTS Allstream, Shaw, Bell Télé, Star Choice et Telus sont tous différents, tant au niveau des prix que du contenu. Suivant les marchés et l'offre, l'écart entre les différents services de base offerts au pays atteint 30 pour cent.

Un service de base minimaliste et squelettique – qui n'aurait compris que la CBC/SRC, les télévisions éducatives, quelques services spécialisés dont la distribution est obligatoire en vertu de l'article 9(1)h) de la Loi (comme The Weather Channel/MétéoMédia, CPAC, etc.) et, cela va de soi, les généralistes sans valeur négociée pour leur signal – aurait été moins onéreux pour les consommateurs. Voilà comment le Conseil, dans le contexte d'une reconnaissance de la valeur du signal, aurait pu régler le problème de l'accès abordable aux consommateurs!

Avec le service à prix modique tel que proposé, les EDR n'auraient pas eu la possibilité, comme c'est le cas actuellement, d'accroître l'offre de services facultatifs sur le service de base. Logiquement, le prix aurait été moins élevé pour le consommateur. De combien? Cinq, dix, quinze ou vingt pour cent? Difficile à dire. D'une part, les EDR n'ont pas toutes déposé des chiffres convaincants à cet égard. Quoiqu'il en soit, la Décision en fait les maîtres d'oeuvre de l'entrée dans le système. D'autre part, un service de base minimaliste, mais défini uniformément pour le marché francophone ou pour le marché anglophone, aurait stimulé la concurrence entre les EDR du fait de la nouvelle transparence (comme c'est le cas, quoiqu'on en dise, pour les prix de l'essence, que chacun connaît, que chacun peut voir). Aucune EDR n'aurait pu se vanter, comme on le fait maintenant, d'avoir une offre de services supérieure puisque, pour la première fois, le consommateur aurait pu comparer des pommes avec des pommes ou des prix avec des prix. Le contenu du service de base aurait été réglementé par le Conseil, sans que les EDR n'aient la possibilité d'y ajouter des services facultatifs ou des chaînes généralistes. Le consommateur aurait été en mesure de juger sur la base du prix parce que le contenu du service de base aurait été essentiellement réservé aux services gratuits de radiodiffusion publics ou privés et aux services dont la distribution est obligatoire en vertu de l'article 9(1)h) de la Loi.

Lors de l'audience de cinq jours en décembre 2009, j'ai demandé à cinq consommateurs ontariens triés sur le volet ce qu'ils pensaient d'un tel service de base squelettique et logiquement moins coûteux. Voici la transcription intégrale de cet échange qui clôtura la dernière journée d'audience du 11 décembre dernier.

TRADUCTION DE L'INTÉGRALE DE L'ÉCHANGE AVEC MME ET MM. Peter Lowry (Toronto), Doug Assis (London), Barb Johns (Oakville), Michael Peacocke (Ottawa), Denis Watson (Ottawa).

6793 CONSEILLER MORIN : Merci, Monsieur le Président.
6794 Je n'ai qu'une question et je demande à ceux qui veulent y répondre de bien vouloir le faire. C'est une hypothèse.
6795 Si le Conseil décide de mettre en place ou d'exiger que les EDR créent un service de base minimaliste – je veux dire que chaque province a déjà un service de base de luxe. Ce service est dit de base, mais ce n'en est pas un parce que chaque EDR peut y ajouter des chaînes et les faire payer.
6796 Mais si à la fin de l'audience on obtient un service de base minimaliste qui comprend, disons, TVO, Télé-Québec, les services 9(1)h) – la SRC/CBC, si le Conseil ne reconnaît pas la valeur de ce signal parce qu'il est financé par les contribuables – et que les télédiffuseurs en direct qui obtiennent quelque chose pour la valeur de leurs signaux ne font pas partie du service minimaliste, alors les consommateurs n'auront pas à payer notre service de base de luxe actuel parce que CTV, Canwest et les autres télédiffuseurs en direct finiraient par obtenir un prix pour leurs signaux sur ce service de base de luxe, donc le service de base minimaliste coûterait bien sûr moins cher que le service que nous avons aujourd'hui.
6797 Donc, que pensez-vous du service de base minimaliste que suggèrent de nombreux intervenants ici?
6798 m. LOWRY : Merci de la question, M. Morin.
6799 Je serais tout à fait d'accord avec vous.
6800 La façon dont vous l'avez décrit – Je ne pense pas qu'il verra le jour, mais d'après votre description, il semble très bien.
6801 m. ASSIS : Je suis d'accord. Je suis d'accord avec vous.
6802 Mme JOHNS : Je suis aussi d'accord. Je crois qu'un service de base minimaliste permettrait aux Canadiens qui ont des handicaps de regarder au moins un peu de télévision à un prix abordable, de faire des choix de consommation et de décider des émissions et des réseaux précis qu'ils pourraient ajouter à ce service minimaliste. Je crois que cela aiderait un peu à atténuer ce problème de capacité de payer qui m'inquiète.
6803 m. PEACOCKE : Je dirais deux ou trois choses.
6804 Sur un plan très concret, je pense qu'il faudrait que le Conseil et les distributeurs passent un temps fou à démêler ce qui rentre là-dedans dans chaque marché --
6805 UN INTERVENANT NON IDENTIFIÉ : C'est évident.
6806 m. PEACOCKE : -- à étudier les prix parce que si des frais doivent être adoptés pour la valeur des signaux, ces frais seraient sans doute incorporés au service de base minimaliste, alors il faut bien compter, sans doute que le reste du service de base doit rapporter un profit au distributeur, donc il faut bien comprendre l'ensemble du problème.
6807 Si les négociations finissent par modifier la valeur du service de base minimaliste, il faudra plus ou moins refixer les tarifs, et que fait-on alors de l'inflation et de ce genre de choses? Donc, sur un plan concret, je dirais que la situation est assez complexe comme ça pour le Conseil et pour les distributeurs, et je soupçonne que ces coûts seraient refilés aux consommateurs ou aux contribuables.
6808 C'est dur de dire de façon certaine s'il y a ou non un intérêt pour ça, mais j'ai l'impression que l'écoute des télédiffuseurs locaux réduit constamment depuis que les services spécialisés offrent aux Canadiens un nombre croissant de choix de programmation par câble et par satellite.
6809 Beaucoup de chaînes spécialisées bien sûr, canadiennes, et je crois que c'est un grand succès. Je regarde beaucoup de chaînes spécialisées canadiennes, History Channel, Discovery Channel, elles ont une super programmation. C'est canadien donc j'aime ça, mais honnêtement, est-ce que ça va remplacer le local pour beaucoup de monde? J'ai été frappé par – je crois qu'elle se nomme Marjorie Lemieux – qui a simplement dit quand elle était ici avec le groupe des EDR qu'elle ne regardait rien de local et qu'elle devrait payer plus cher ou réduire ses dépenses si elle devait s'abonner à un service minimaliste.
6810 CONSEILLER MORIN : Parce qu'elle n'était pas intéressée.
6811 m. PEACOCKE : Elle n'était pas intéressée. Donc je crois que si on suit cette voie – et là je pense à M. Asper qui donnait l'exemple d'EastLink qui propose un service de base relativement restreint à 22 $, donc il a dit qu'on pouvait faire un service canadien à 18 $ et y ajouter les 4+1 à 4 $ pour un total de 22 $. Mais d'après ce que je comprends, les 18 $ ne resteront pas 18 $, il monteront à cause du prix associé à la valeur des signaux.
6812 Donc si on veut revenir au point où on en était avec l'ancien service de base, on prend les 18 $ et plus, on ajoute les 4 $ et on obtient un chiffre plus élevé pour en revenir au point de départ. Selon moi, ce n'est pas la bonne façon de faire.
6813 LE PRÉSIDENT : D'accord.
6814 Merci beaucoup.
6815 LA SECRÉTAIRE : Veuillez ouvrir vos microphones.
6816 LE PRÉSIDENT : Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir présenter vos points de vue.
6817 Je crois que cela met fin aux débats
6818 Êtes-vous d'accord, Madame la Secrétaire?
6819 LA SECRÉTAIRE : Non.
6820 LE PRÉSIDENT : Vous avez des --
6821 m. WATSON : Est-ce que je peux répondre à cette question?
6822 LE PRÉSIDENT : Oh, toutes mes excuses. J'ai regardé et j'ai cru que tout le monde avait fini.
6823 Je vous en prie, allez-y.
6824 m. WATSON : Je me sens exclu.
--- Rires
6825 LE PRÉSIDENT : Vous ne l'êtes pas. La salle est à vous.
6826 m. WATSON : Conseiller Morin, pourriez-vous juste éclaircir un point?
6827 Avez-vous dit que votre service de base minimaliste comprenait les services en direct?
6828 CONSEILLER MORIN : Il comprendra les services en direct si ceux-ci n'ont pas de valeur ou ne sont pas facturés pour la valeur de leur signal aux EDR. Ils devront être distribués au service de base tel qu'il existe aujourd'hui, le service que nous connaissons, mais pour le nouveau service de base, le nouveau service minimaliste, si les EDR ne sont pas facturés pour la valeur des signaux en direct, ceux-ci seront distribués au service de base minimaliste parce que ce sera gratuit.
6829 m. WATSON : D'accord.
6830 De toute évidence ma proposition est le service le plus minimaliste possible parce qu'il n'y aurait que des frais de canalisation. Ensuite on ajouterait ce qu'on voudrait.
6831 Donc si je vous comprends bien, ce sont finalement les télédiffuseurs qui auraient le choix entre une distribution obligatoire ou des frais?
6832 CONSEILLER MORIN : Exactement.
6833 m. WATSON : D'accord.
6834 Je ne peux pas parler pour tout le monde, mais pour moi, cela apparaît raisonnable.
6835 CONSEILLER MORIN : Merci.

On l'a bien senti : la réaction à l'établissement d'un service de base minimaliste était unanime. La présentation d'introduction de Mme Barb Johns allait dans le même sens. Voici ce qu'elle a dit : [traduction] « […] en Ontario, un million d'adultes ont des handicaps ou du mal à trouver un emploi intéressant […] Que font ces personnes qui ne réussissent pas à trouver un emploi? Elles regardent la télévision. Pour la majorité de ce segment de population de l'Ontario, la télévision est leur seul moyen de divertissement ou de formation continue » . Elle dit aussi : « […] 4,4 millions de Canadiens, soit 14,3 pour cent de la population du Canada, ont des handicaps et environ 1,85 million de personnes en Ontario, soit 15,5 pour cent de la population de l'Ontario, ont des handicaps. Je voudrais parler au nom de ces citoyens de l'Ontario et du Canada qui ont des handicaps. » Et pour terminer, elle décrit sa situation ainsi : « Je suis une mère célibataire de quatre enfants dont trois ont des handicaps reconnus. Mes fils ont 14, 15 et 17 ans. Ils souffrent tous les trois des troubles envahissants du développement. Deux sont atteints du syndrome de Tourette, un a une déficience auditive, deux ont des troubles d'intégration sensorielle et deux ont des troubles obsessionnels/compulsifs. Tous les trois ont lutté contre la dépression et des troubles d'anxiété. Je reçois une aide financière pour les dépenses de ménage et j'en suis reconnaissante, mais je ne peux pas travailler parce que je prends soin d'un de mes fils à plein temps à la maison. Même avec ma subvention spéciale, notre revenu mensuel ne dure jamais plus longtemps que nos dépenses mensuelles. Mon revenu annuel imposable est d'environ 22 000 $. À l'heure actuelle, je paie environ 600 $ par an pour le câble – ce qui comprend le forfait de base et certaines chaînes éducatives. Je n'ai pas de chaînes de films ou de sport, pas de décodeur numérique. Cette somme représente plus de trois pour cent de mon revenu annuel. En Ontario, un adulte qui reçoit des prestations d'invalidité touche habituellement autour de 850 $ par mois. À Oakville où j'habite, le service de base par câble coûte aujourd'hui environ 35 $ par mois, soit au moins quatre pour cent du revenu mensuel de cet adulte type. Mettons les choses en perspective. En Ontario, 1,85 million de personnes qui ont des handicaps doivent payer leur loyer, les services publics, leurs factures de téléphone et de télévision ainsi que leurs transports et leur nourriture avec un revenu de 850 $ par mois. Pour elles, une augmentation du prix de la télévision ne serait-ce que de 1,20 $ - et là où j'habite, ce serait plus autour de 4 ou de 6 $ - pour les familles ayant des déficiences, les aînés disposant de revenus fixes et les nouvelles familles d'immigrés, ce n'est pas acceptable parce que cela représente un fardeau financier que beaucoup ne peuvent pas tolérer. À l'heure actuelle, beaucoup de ces citoyens canadiens sont déjà marginalisés et doivent recourir aux banques de nourriture simplement pour manger. Êtes-vous vraiment en train de nous dire qu'ils peuvent absorber n'importe quelle hausse de prix annuelle? »

Fait intéressant à noter, la dernière intervention des cinq consommateurs représentatifs de la plus grande province du pays était faite à titre personnel par un employé cadre du groupe CTV.

Un service de base minimaliste, c'est selon moi et selon ces consommateurs la réponse à la question de l'accès abordable soulevée par le gouvernement. Ultimement, avec un service de base réduit, c'est le consommateur qui aurait choisi de payer ou de ne pas payer pour la valeur du signal des généralistes privés.

En somme, le Conseil aurait dû tout simplement reconnaître que nous ne sommes plus dans la culture de la pression (push), mais dans celle de l'attraction (pull). Quand il s'agit de services qui étaient auparavant gratuits et qui risquent désormais d'êtres facturés aux consommateurs, il me semble évident que ceux de CTV, de Global ou de TVA ne sont pas ce qu'on pourrait appeler des « services essentiels » et qu'il appartient aux consommateurs de décider s'ils veulent s'y abonner ou non.

La Décision du Conseil fait en sorte que c'est le contraire qui risque de se produire.

Peut-on sérieusement envisager que si TVA obtient 50 cents par mois par abonné pour la valeur de son signal, Vidéotron retirera TVA de son service de base et laissera le choix à l'abonné?

Le modèle du service de base minimaliste s'inscrirait dans une tendance où le consommateur a plus de liberté (même dans notre système) pour choisir les services facultatifs qu'il désire, ce que le président et chef de la direction de Quebecor et Quebecor Média, M. Pierre-Karl Péladeau, a d'ailleurs fort bien rendu lors de sa présentation devant le Conseil, le 7 décembre dernier :

460 Monsieur le président, depuis huit ans Vidéotron offre à sa clientèle des forfaits sur mesure que nous appelons aujourd'hui le « Sur mesure 15 » , le « Sur mesure 20 » ou le « Sur mesure 30 » qui permettent à chacun de choisir 15, 20 ou 30 canaux à leur goût qui s'ajoutent au service de base. La croissance de ces forfaits a été progressive, mais au même rythme jusqu'en 2007.

461 Cependant, depuis deux ans, l'accélération nous montre la tendance. Aujourd'hui, 50 pour cent de nos nouveaux clients choisissent un forfait sur mesure plutôt qu'un forfait thématique. Avec une telle courbe d'accélération, nous prévoyons que plus de la moitié de nos clients numériques auront choisi une telle liberté que la technologie leur procure.

462 Très bientôt, le gros volet thématique qui impose les chaînes au consommateur ne sera plus que de l'histoire.

463 Cette tendance témoigne éloquemment de cette évolution du paysage audiovisuel qui n'attend pas la déréglementation de 2011 et qui se définit par un mode de consommation à la demande qui reflète justement le mode de consommation sur Internet.

Plus de choix pour le consommateur, voilà l'avenir que prédit M. Péladeau! Un service de base limité – moins coûteux parce qu'il comporterait un nombre réduit de chaînes facultatives imposées – se serait parfaitement inscrit dans cette tendance vers la culture d'attraction, celle du choix pour les consommateurs. Ce service réglait le problème de l'accès abordable en laissant au consommateur le choix de s'abonner, donc de payer, pour une chaîne généraliste privée qui, en raison d'une valeur reconnue pour son signal, ne lui serait plus offerte gratuitement.

Il me semble évident qu'une fois prises en compte les règles sur le contenu canadien, si l'on veut un système de radiodiffusion dynamique, il faut que le consommateur en soit le premier partenaire, que le consommateur soit libre de choisir plutôt que de se voir imposer, par le truchement de services de base hybrides plus coûteux, des services facultatifs ou des assemblages thématiques négociés par les grands radiodiffuseurs.

Actuellement, 5 à 10 pour cent des abonnés aux services des EDR se contentent du service de base. C'est énorme! Cela signifie que sur près de onze millions d'abonnés, environ 700 000 se limitent, par choix ou par nécessité, au service de base accessible dans leur région. Ajoutons à ce nombre les 900 000 foyers canadiens qui, selon le Conseil, sont « exclus du système » (soit parce qu'ils captent leur signal avec des antennes plus ou moins performantes, soit parce qu'ils le piratent carrément), et nous avons là plus ou moins trois millions de consommateurs pour qui le coût du service de base revêt une importance certaine, voire déterminante. Pourquoi devrions-nous tenir pour acquis les abonnés actuels aux services de distribution? Selon un sondage de Parks Associates, il y a encore 6 % des foyers canadiens et 8 % des abonnés du câble et des services par satellites aux États-Unis qui envisagent d'abandonner leur abonnement pour n'avoir éventuellement qu'un abonnement aux services Internet (voir le Globe and Mail du 10 mars 2010 et http://newsroom.parksassociates.com/article_display.cfm?article_id=5214).

En établissant un service de base moins coûteux et plus concurrentiel (parce qu'identique), le Conseil, dans le plus profond respect de la Loi, aurait pu non seulement apporter une solution au problème de l'accès abordable, mais aussi faciliter, par voie de réglementation, le maintien de gens moins fortunés dans le système ainsi que le recrutement de ceux qui refusent toujours de s'abonner aux services canadiens de télédistribution, pour des raisons monétaires ou autres. En outre, il aurait pu mettre les consommateurs canadiens à l'abri des hausses semblables à celles qu'ils ont connues pendant les dix dernières années et auxquelles le présent rapport fait allusion.

L'article 6.2 : une recommandation précipitée au gouvernement

À l'article 6.2 de son rapport, le Conseil demande au gouvernement de lui ordonner de mettre sur pied un organisme qui serait financé par les EDR et qui, à l'instar du Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunication (CPRST), recevrait les plaintes des consommateurs en ce qui a trait aux services de distribution ou de radiodiffusion. Le Conseil y voit certainement un moyen de rendre l'industrie plus imputable envers les consommateurs, ce qui est tout à son honneur. Cependant, un tel service auto-réglementé par l'industrie n'existe ni aux États-Unis, ni en Grande-Bretagne, ni en France – des pays qui ont pourtant une longue histoire réglementaire. Dans ces pays, les plaintes sont toujours traitées par les régulateurs, soit la Federal Communications Commission, l'Ofcom et la CSA, respectivement.

Qui plus est, dois-je le souligner, ce service, qui serait ultimement financé par les consommateurs, est déjà offert par le Conseil. Plus de 7 000 plaintes l'année dernière! Or, au cours des audiences, personne n'est venu se plaindre du service rendu par le Conseil. Personne n'a réclamé la résurrection du Conseil des normes de la télévision par câble (CNTC) qui a cessé ses activités suite à la dissolution de l'Association canadienne de télévision par câble (ACTC). Aucune association de consommateurs, ni aucune entreprise n'a même abordé la pertinence d'établir à nouveau un service semblable. Pis encore, aucun des treize conseillers, président ou vice-présidents du Conseil n'a évoqué cette possibilité au cours des trois semaines d'audiences confondues de novembre et de décembre dernier.

Dans les circonstances, la proposition du Conseil m'apparaît non seulement précipitée, mais aussi mal fondée. Lorsqu'un régulateur veut se décharger de certaines responsabilités, il se doit de le faire en toute transparence dans le cadre d'une audience publique. Dans l'affaire qui nous occupe, il n'existe aucun dossier public sur la nécessité de procéder à un transfert de compétence. Évidemment, comme c'est le cas avec le Commissaire aux plaintes dans l'industrie du téléphone, le Conseil conserverait une sorte de compétence « ultime » , de dernier recours, lorsqu'il jugerait nécessaire ou approprié d'entendre une plainte déjà traitée, ou non, par l'instance inférieure. Reste que, dans les faits, l'essentiel du volume des plaintes, pour ne pas dire la quasi-totalité, serait désormais traité par cet organisme auto-réglementé.

Contrairement à ce qui s'était produit lors de la déréglementation des entreprises téléphoniques en 2007, le gouvernement n'a pas évoqué dans son décret l'éventualité même d'une telle option.

Certes, des consommateurs et des associations de consommateurs se sont plaints du coût des services de base et des assemblages proposés par les EDR, mais personne n'a même fait allusion à la suggestion d'établir un nouveau service de plaintes qui serait financé par l'industrie et éventuellement facturé directement ou indirectement aux abonnés des EDR, comme ce fut le cas avec la mise sur pied du FAPL, dont le Conseil avait pourtant officiellement souhaité que le coût (équivalent à 1,5 % de la facture des services de l'abonné) soit entièrement absorbé par l'industrie. On connaît la suite de l'histoire. Comme l'avaient promis les EDR, la facture a carrément été imputée aux consommateurs. Pourquoi serait-ce différent cette fois-ci? Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce dossier public jamais annoncé souffre d'un sérieux déficit quant à sa justification. Il n'y avait pas péril en la demeure pour que le Conseil, fort de ses treize conseillers et quelque 400 employés, envisage seulement de cesser de traiter les plaintes formulées par les consommateurs à l'égard des EDR.

Et de quoi les consommateurs se sont-ils plaints au juste au cours des audiences? A-t-on bien entendu qu'ils parlaient de l'absence de choix, du coût trop élevé des services de base, des assemblages auxquels ils devaient s'abonner pour recevoir LE service facultatif qui les intéressait? De quoi se plaignent constamment les consommateurs au Conseil? De la même chose. C'était vrai hier, c'est toujours vrai aujourd'hui. Près de la moitié des 7 000 plaintes qu'a reçues le Conseil l'année dernière portaient justement sur la facturation des services de câble et de satellite aux abonnés.

Que répond le Conseil aujourd'hui? Que répondrait demain, un service auto-réglementé et financé par l'industrie? La même chose : les tarifs ont été déréglementés en majeure partie il y a près de dix ans et les entreprises ont eu les coudées franches pour facturer leurs services aux consommateurs, sans contraintes autres que celles que leur impose le marché. Une nouvelle structure pour recevoir les plaintes des consommateurs ne changerait rien.

Si l'enjeu était de réduire le nombre de plaintes formulées par les consommateurs à l'égard des EDR, le moyen le plus efficace à court terme aurait été l'établissement d'un service de base minimaliste, un service squelettique qui aurait été moins coûteux puisqu'il n'aurait pas inclus les services facultatifs privilégiés par les distributeurs.

Je me permets également de signaler qu'entre ces plaintes auxquelles il est fait allusion à l'article 6.2 et leur bien-fondé, il y a toute une marge. Lorsque j'ai demandé si les plaintes se traduisaient par des amendes, des remboursements ou des ordonnances, la réponse a été beaucoup plus courte que la question. Et vous l'avez devinée.

Dans ce cas-ci, le Conseil a fait le constat facile de l'avalanche des plaintes à l'égard des EDR, sans s'interroger véritablement sur la justesse et la nature de ces plaintes. C'est cette analyse qu'il aurait dû produire et porter au dossier public avant de suggérer la création d'un nouvel appareil bureaucratique, dont l'urgence n'est réclamée par personne, pas même par les consommateurs! Il aurait été mieux avisé de réduire l'ampleur du service de base des EDR et d'offrir plus de choix aux abonnés. C'eût été, à mes yeux, le meilleur moyen de réduire ce volume de plaintes formulées par des consommateurs excédés par l'ampleur des services de base hybrides des EDR qui n'ont plus leur raison d'être dans un environnement où les clients, grâce aux technologies numériques, gagnent en autonomie et en choix.

Soyons clairs : même avec l'établissement d'un service de base à prix modique, les câblodistributeurs n'auraient pas été privés de moyens pour offrir encore plus de services. Ils ne sont quand même pas les parents pauvres du système! Il y a toujours 900 000 foyers qui ne comptent que sur des récepteurs en direct pour obtenir leur signal. D'autre part, la capacité d'innovation des EDR ne cesse de nous étonner. Par exemple, au cours des dernières semaines, Rogers est devenue la première entreprise de câblodistribution au Canada à offrir la technologie dite « video mosaics » , un service révolutionnaire qu'offrent maintenant deux entreprises américaines, Time Warner Cable Oceanic (Hawaï), depuis 2006, et Cablevision, depuis octobre dernier. Lancée chez nous à l'occasion des Jeux olympiques de Vancouver, cette technologie est désormais offerte pour les émissions pour enfants et les nouvelles. Ce n'est sans doute qu'un début. Grâce à cette mosaïque, l'abonné peut voir simultanément, sur un même écran, des regroupements thématiques de six canaux généralistes ou facultatifs, les comparer et faire son choix en quelques secondes. Difficile de trouver l'équivalent en un si court laps de temps sur Internet! Ce service facilitera la navigation dans un univers numérique qui s'enrichit chaque jour davantage. À vrai dire, les entreprises de câble ajouteront d'ici peu à leur arsenal un nouvel outil pour nous convaincre d'acheter encore plus de canaux facultatifs.

Mais revenons au décret de la gouverneure en Conseil. Il ne faisait aucune allusion aux plaintes des consommateurs, fondées ou non, traitées par le Conseil. Je m'explique alors mal pourquoi le Conseil recommande précipitamment l'établissement d'une entité auto-réglementée, sans s'astreindre à démontrer publiquement la nécessité et les bienfaits du transfert à un nouvel organisme, surtout considérant que si le gouvernement retenait cette option, celle-ci se traduirait inévitablement, si les EDR voulaient conserver leurs marges bénéficiaires, par des coûts supplémentaires qui seraient facturés aux onze millions d'abonnés des EDR.

À cet égard, d'ailleurs, permettez-moi une parenthèse. Le Conseil suggère un nouvel organisme qui s'apparenterait au CPRST pour les services téléphoniques. J'aurais préféré qu'on fasse plutôt allusion au Conseil canadien des normes de la radio télévision (CCNR) qui connaît bien l'industrie de la radiodiffusion et qui jouit d'une crédibilité certaine. Plus de 70 pour cent de ses décisions sont rendues contre l'industrie, même si c'est elle qui le finance. En outre, le CCNR, avec ses 736 membres, est déjà doté d'une infrastructure et de ressources humaines. Il aurait été facile d'envisager publiquement d'élargir le mandat du CCNR pour traiter des plaintes des consommateurs à l'égard de leurs services de distribution. Le CCNR, qui a plus de 100 ans, sera aboli par l'Association canadienne des radiodiffuseurs en juin prochain. Le Conseil aurait pu faire usage des mesures réglementaires appropriées pour financer le CCNR, dont la mission s'est toujours limitée aux plaintes concernant le contenu de la programmation des diffuseurs. Pourquoi essayer de réinventer la roue en créant un autre organisme et encore plus de bureaucratie? Pourquoi ne pas considérer un guichet unique en ce qui a trait aux plaintes à l'égard des entreprises de radiodiffusion et de distribution, tant pour leur contenu que pour le prix et la nature de leurs services? Alors qu'on assiste en Amérique du Nord à une convergence quant à la propriété des services de télédiffusion et de télédistribution, pourquoi les consommateurs devraient-ils s'adresser à deux organismes distincts?

Et pour clore cet élément du rapport, j'aimerais rappeler que ce que j'ai entendu au cours des audiences – et je diffère en cela de la perception du Conseil –, ce sont des consommateurs qui veulent, non pas se plaindre devant un nouvel organisme, mais avoir plus de choix, plus d'options avec, à l'arraché, un service de base moins coûteux. Dans ce sens, un service de base minimaliste des EDR aurait répondu davantage à leurs attentes que l'établissement d'un autre commissaire aux plaintes semblable à celui qui existe déjà pour l'industrie du téléphone.

Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Le vrai problème, c'est le prix de l'accès au service de base et non pas l'entité qui traitera les plaintes des consommateurs.

Conclusion

Depuis la fin de l'audience publique de décembre dernier, mon opinion n'a pas changé. En février dernier, j'avais fait parvenir le courriel suivant à tous mes collègues du Conseil :

[traduction] L'essentiel de notre recommandation au ministre aurait dû être que nous avons fait nos devoirs et que nous avons examiné la question de la capacité de payer du consommateur.

  1. Pour la première fois, le CRTC reconnaîtra la valeur des signaux des télédiffuseurs en direct.
  2. À compter du 1er septembre 2011, chaque télédiffuseur en direct aura le droit d'obtenir un prix pour la valeur de son signal. Ce prix sera fonction du résultat de ses négociations avec les EDR.
  3. À l'instar de ce qui se fait depuis 19 ans aux États-Unis, tous les télédiffuseurs en direct auront le droit de retirer leurs signaux.
  4. Les télédiffuseurs qui ont obtenu un prix pour la valeur de leurs signaux ne seront plus distribués au service de base comme c'est le cas aujourd'hui. Les signaux qui sont déjà gratuits resteront gratuits, rien ne changera à cet égard.
  5. Le CRTC créera un service de base vraiment réduit qui comprendra une série limitée de chaînes (CBC, 9(1)h), chaînes éducatives, etc.). Ce service pourrait s'appeler « service de base minimaliste » , car il sera très différent des formules hybrides actuelles. Il appartiendra aux EDR de fixer le prix de ce nouveau service de base, mais ce prix devrait être moins élevé que celui des services actuels, car les EDR ne pourront pas gonfler leurs offres de service de base avec toutes sortes de chaînes.
  6. Les télédiffuseurs en direct qui veulent être distribués à ce service de base minimaliste n'obtiendront rien pour la valeur de leurs signaux.
  7. La capacité de payer du consommateur sera examinée.
    1. Le consommateur aura toutes les cartes en main et pourra choisir un service qui aura, ou non, obtenu un prix pour sa valeur.
    2. Le consommateur canadien bénéficiera donc d'un plus grand choix et d'un service de base moins onéreux pour les prochaines années.

Au lieu de saisir cette occasion historique de mettre sur pied un service de base minimaliste et moins coûteux pour le consommateur, tant aujourd'hui qu'à plus long terme, le Conseil a opté pour une fuite en avant en recommandant au gouvernement d'ordonner la mise en place d'une entité centralisée dont la mission serait de traiter les plaintes formulées par les consommateurs à l'égard des services des EDR. Compte tenu de l'état du dossier que j'ai évoqué longuement ci-dessus, j'ai bien peur que cette recommandation ne soit rien de plus que de la poudre aux yeux.

Aussi, avant que le gouvernement ne considère cette recommandation, je me permettrais de suggérer qu'il exige du Conseil qu'il lui présente un dossier plus étoffé sur l'opportunité d'établir un nouvel organisme qui, je le répète, n'a été suggéré par aucun des participants qui ont été entendus au cours des 15 jours d'audiences confondues des mois de novembre et de décembre dernier.

À mon avis, la meilleure façon pour le Conseil de prendre en compte « la mise en oeuvre d'une compensation pour la valeur des signaux de télévision locale » et de répondre aux attentes du décret gouvernemental était d'établir un service de base minimaliste, un bouquet de services publics, de services 9(1)h) et de généralistes privés n'ayant pas négocié de valeur pour leur signal.

Ainsi, les consommateurs – et plus particulièrement les personnes handicapées et à faible revenu ainsi que les retraités qui, plus souvent qu'autrement, doivent compter sur des revenus non indexés – auraient eu le loisir d'acheter ou de ne pas acheter, sur un étagement distinct du service de base, des services de programmation généralistes qui ne coûtaient rien jusqu'à présent, mais qui deviendront probablement facturables, sans aucune garantie d'amélioration de la qualité ou d'augmentation du contenu canadien de leur programmation.

Comme je n'ai pas participé à l'audience publique de novembre dernier et comme mes collègues et moi avons perdu il y a quelques mois le privilège vieux de 40 ans d'émettre une opinion minoritaire sur le contenu des audiences publiques dites « de politique générale » , je suis tenu de réserver mes commentaires à la seule audience de décembre dernier et de taire mon opinion sur l'audience de novembre dernier qui portait notamment sur une approche par groupe de propriété à l'égard de l'attribution des licences.

Donc, j'estime qu'au cours de cette audience publique de décembre, le Conseil, suivant le décret du gouvernement sur l'accès abordable aux services de télédistribution, aurait dû saisir l'occasion de répondre davantage aux intérêts bien compris d'un service de base à prix modique, unique dans chacun des deux marchés linguistiques. Une telle transparence au niveau des prix pour le même nombre de services offerts aurait facilité la concurrence entre les EDR. Ne nous étonnons pas que les EDR s'y soient unanimement opposées. Ce qui compte pour elles, c'est d'augmenter la valeur des actions des actionnaires - qui pourrait le leur reprocher?

En tant que régulateur, même si nous ne pouvons pas présumer de la facture finale du service hybride de base actuel à la suite des négociations, et encore moins de son évolution future, nous avions l'obligation de nous assurer, à la veille de la transition numérique et de la mise en oeuvre possible d'une compensation négociée pour le signal des télédiffuseurs locaux, que le consommateur canadien aurait le choix du menu et le choix de prendre l'addition ou pas.

Pour toutes les raisons qui précèdent et devant l'unanimité de mes douze collègues, j'exprime une nouvelle opinion minoritaire dans le cadre de mon mandat de cinq ans au Conseil, ma neuvième depuis ma nomination en août 2007. Toutes témoignent, à divers degrés, de ma volonté de faire une place grandissante à la concurrence dans le système canadien de radiodiffusion et, par le fait même, de multiplier les choix pour les consommateurs.

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