Décision de télécom CRTC 2021-398

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Ottawa, le 1 décembre 2021

Dossier public : 8662-T66-202007666

TELUS Communications Inc. – Demande de révision et de modification de la décision de télécom 2020-268

TELUS Communications Inc. (TCI) a demandé au Conseil de réviser et de modifier ses conclusions dans la décision de télécom 2020-268. Dans la présente décision, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis d’erreur de fait ou de droit dans cette décision et refuse la demande de TCI. Plus précisément, le Conseil conclut que TCI n’a pas réussi à démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de sa conclusion selon laquelle le paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications s’appliquait et que TCI a contrevenu à cette disposition.

Le Conseil publie l’avis de consultation de télécom 2020-269-2 en même temps que la présente décision pour reprendre la procédure de consultation en vue de déterminer s’il serait approprié d’imposer une sanction administrative pécuniaire à TCI et, dans l’affirmative, quel serait le montant approprié.

Contexte

  1. Le Conseil est chargé d’exercer ses pouvoirs dans le but de mettre en œuvre, entre autres, les objectifs qui consistent à favoriser le développement ordonné des marchés des télécommunications qui fournissent des services fiables, abordables et efficaces aux Canadiens. Lorsqu’il délibère sur des différends entre fournisseurs de services, quand il est approprié d’exercer ses pouvoirs, le Conseil peut avoir à déterminer si une intervention réglementaire est nécessaire pour atténuer les répercussions d’activités qui, autrement, auraient pu nuire au développement d’un marché des télécommunications efficace et concurrentiel et entraîner une augmentation des coûts de prestation des services aux consommateurs canadiens.
  2. En août 2018, le Conseil a reçu une demande de TELUS Communications Inc. (TCI), dans laquelle elle demandait une mesure de redressement pour de nouvelles activités alléguées de stimulation du trafic liées à des numéros de téléphone de l’indicatif régional (IR) 867 d’Iristel Inc. (Iristel)Note de bas de page 1. Le Conseil a ensuite reçu une demande d’Iristel alléguant que TCI avait réduit la capacité de certains circuits interurbains qui acheminent le trafic de TCI vers les numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel.
  3. En août 2020, le Conseil a publié la décision de télécom 2020-268 (décision), dans laquelle il a déterminé qu’en réduisant la capacité de certains de ses circuits interurbains, TCI a exercé une discrimination injuste à l’encontre d’Iristel, des clients d’Iristel et de ses propres clients, contrevenant ainsi au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (Loi). Le paragraphe 27(2) de la Loi interdit aux entreprises canadiennes d’établir une discrimination injuste ou d’accorder — y compris envers elles-mêmes — une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature. Le Conseil a estimé que bien que les appels au 9-1-1 n’aient pas été touchés par les actions de TCI, les appels interurbains d’urgence, les appels interurbains personnels, les appels à la famille et les appels professionnels auraient pu être touchés, d’autant plus que les habitants du Nord dépendent de services provenant d’ailleurs au Canada.
  4. Le Conseil a déclaré dans la décision que le fait qu’une entreprise s’est dite préoccupée par le fait qu’un client d’un service de gros n’utilise pas le service comme il est établi dans le tarif de l’entreprise ou aille autrement à l’encontre d’une disposition du Conseil ne lui donne pas le droit d’influer sur le trafic de son client. Le Conseil a ajouté que TCI n’avait pas la possibilité de prendre les choses en main; si les entreprises étaient autorisées à le faire, cela pourrait facilement être fait de manière anticoncurrentielle par les entreprises qui ont des tarifs en place uniquement parce qu’elles ont un pouvoir de marché.
  5. Le Conseil a également déclaré que, compte tenu de sa conclusion selon laquelle TCI avait contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi, il pouvait traiter de la conduite de TCI sans se demander si ses actions contrevenaient à l’article 36 de la Loi, qui interdit aux entreprises canadiennes de contrôler le contenu ou d’influencer le sens ou l’objet des télécommunications transmises au public, à moins que le Conseil ne l’approuve.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande le 6 novembre 2020 de la part de TCI afin que le Conseil révise et modifie la décision au motif que le Conseil avait commis une erreur dans sa conclusion selon laquelle le paragraphe 27(2) de la Loi s’appliquait dans les circonstances du différend.
  2. Précisément, TCI a argué qu’il existait un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale parce que :
    • le Conseil a commis une erreur de droit et de fait en concluant qu’en réduisant la capacité de ses circuits interurbains qui acheminent son trafic à Iristel, TCI a agi de façon discriminatoire à l’égard d’Iristel ou des clients d’Iristel. TCI a fait valoir que le paragraphe 27(2) de la Loi s’applique seulement à la fourniture de services de télécommunication, ou à l’imposition ou à la perception de tarifs afférents par une entreprise. Étant donné que TCI n’offrait pas de service à Iristel, il ne pouvait pas y avoir discrimination de la part de TCI à l’égard d’Iristel et de ses clients au sens du paragraphe 27(2) de la Loi;
    • le Conseil a commis une erreur en appliquant le paragraphe 27(2) de la Loi, car il n’a pas tenu compte des limites de l’application du paragraphe 27(2) de la Loi découlant d’ordonnances d’abstention antérieures;
    • même si le paragraphe 27(2) de la Loi s’appliquait, le Conseil a commis une erreur en concluant que TCI a exercé une discrimination à l’égard d’Iristel et des clients d’Iristel; et il a commis une erreur de droit en concluant que TCI a exercé une discrimination à l’égard de ses propres clients et que cette discrimination de minimis était injuste ou indue.
  3. TCI a demandé au Conseil de réviser et de modifier la conclusion qu’il a tiré dans la décision. Plus précisément, TCI a demandé que le Conseil :
    • invalider la conclusion selon laquelle TCI a exercé une discrimination injuste à l’égard d’Iristel, des clients d’Iristel et de ses propres clients et remplace la conclusion selon laquelle TCI a agi conformément au paragraphe 27(2) de la Loi;
    • examine la question plus générale des différends entre entreprises et la portée des entreprises à s’auto-assister au cours de la prochaine instance d’examen des services filaires de gros et de l’instance portant sur l’interconnexion;
    • mette en œuvre tout autre redressement qu’il estime approprié.
  4. Le Conseil a reçu une intervention d’Iristel.

Critères de révision et de modification

  1. Le Conseil a précisé, dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, les critères qu’il utiliserait pour évaluer les demandes de révision et de modification présentées en application de l’article 62 de la Loi. En particulier, le Conseil a déclaré que, pour qu’il puisse exercer sa discrétion en vertu de l’article 62 de la Loi, les demandeurs doivent prouver qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale, par exemple en raison : i) d’une erreur de droit ou de fait; ii) d’un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision; iii) du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale; iv) d’un nouveau principe découlant de la décision.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Le Conseil a-t-il commis une erreur en appliquant le paragraphe 27(2) de la Loi à cette situation?
    • Si le paragraphe 27(2) de la Loi s’applique, le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou de fait dans son interprétation et son application du paragraphe 27(2) de la Loi en concluant que TCI a exercé une discrimination indue à l’égard d’Iristel, des clients d’Iristel et des utilisateurs finals de TCI en réduisant la capacité de ses circuits interurbains qui acheminent son trafic vers Iristel?
    • Le Conseil devrait-il établir si TCI a contrevenu à l’article 36 de la Loi?

Le Conseil a-t-il commis une erreur en appliquant le paragraphe 27(2) de la Loi à cette situation?

Positions des parties
TCI
  1. TCI a fait valoir que lorsque le Conseil a indiqué dans la décision que TCI fournissait des services tarifés à Iristel, il a inversé la relation réelle entre les deux partiesNote de bas de page 2. L’accord de services de raccordement direct des appels conclu entre TCI et Iristel indique clairement que c’est Iristel qui fournit des services à TCI, et non l’inverse. TCI a fait valoir que la décision n’a pas indiqué le tarif du service de gros applicable de TCI que le Conseil estimait applicable parce qu’il n’y en avait pas.
  2. TCI a soutenu qu’étant donné que le paragraphe 27(2) de la Loi ne s’applique qu’à la fourniture d’un service de télécommunication ou à la facturation d’un tarif pour ce service par une entreprise, et que TCI recevait un service et payait un tarif, en droit, il ne pouvait y avoir de discrimination de la part de TCI envers les clients d’Iristel.
  3. TCI a ajouté que le Conseil n’a pas tenu compte de l’expression « en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l’imposition ou la perception des tarifs y afférents », ce qui peut avoir contribué à l’incompréhension par le Conseil de la nature de la relation entre TCI et Iristel.
  4. TCI a également fait valoir que le Conseil n’a pas tenu compte de la portée de l’abstention. Dans la décision de télécom 97-19, le Conseil s’est abstenu d’exercer les pouvoirs que lui confère le paragraphe 27(2) de la Loi à l’égard des services interurbains, sauf en ce qui concerne les services de gros fournis par les compagnies membres de Stentor et le service interurbain de baseNote de bas de page 3.
  5. Les circuits de TCI mentionnés dans la décision ne transportent que le trafic interurbain. TCI a argué que, dans la décision, le Conseil n’a pas reconnu qu’aucune des exceptions susmentionnées ne s’appliquait aux services interurbains qu’elle fournissait, et qu’il n’y avait aucun élément de preuve au dossier de l’instance permettant de conclure que les services étaient assujettis au paragraphe 27(2) de la Loi. TCI a soutenu que, par conséquent, le Conseil a commis une erreur critique dans l’application du paragraphe 27(2) de la Loi.
  6. En réponse à une demande de renseignements, TCI a déclaré que les circuits touchés par la réduction de capacité étaient en mesure d’acheminer les types de trafic suivants, bien qu’ils ne le fassent pas nécessairement : services interurbains de détail et de grosNote de bas de page 4, service interurbain de baseNote de bas de page 5, appels placés par les clients du service mobile sans fil de TCI, fournisseurs de services sans fil – service d’accès au réseau, et trafic de transit non obligatoire.
  7. TCI a argué que les seuls appels non assujettis à l’abstention en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi qui auraient pu être touchés par la réduction de la capacité des services interurbains auraient été les appels effectués par les clients de TCI abonnés à un forfait de service interurbain de base. Aucun élément de preuve ni aucun fait ne démontre que des clients du service interurbain de base ont eu des difficultés à effectuer des appels vers les numéros de téléphone de l’IR 867.
  8. TCI a fait valoir que sa réponse à la demande de renseignements ne permet pas au Conseil de savoir si des abonnés ont été touchés négativement, ni de connaître le type de service souscrit par ces clients, information nécessaire pour déterminer si elle a contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi à l’égard de ces services. Même si la réponse fournissait ces renseignements, le Conseil n’aurait pas la possibilité de confirmer sa conclusion initiale sur la base de ces éléments de preuve.
  9. TCI a soutenu que le Conseil a commis une erreur en fondant une conclusion relative au paragraphe 27(2) de la Loi sur un état de fait hypothétique, et a ajouté qu’il ne peut remédier à cette erreur en tirant de nouvelles conclusions de fait sur les répercussions sur les clients dans le cadre de la présente instance pour justifier la conclusion initiale. TCI a en outre argué qu’il serait également inapproprié de conclure que de telles répercussions concernaient une sous-catégorie particulière de service interurbain. En outre, le Conseil n’a pas la possibilité de demander des éléments de preuve de l’existence de différents types de trafic qui n’entraient pas dans le cadre des conclusions du Conseil dans la décision; cela reviendrait à réentendre l’affaire, ce qui n’est pas autorisé par l’article 62 de la Loi.
  10. Dans sa réplique aux observations d’Iristel, TCI a fait valoir qu’Iristel n’a pas contesté la description par TCI de la relation contractuelle entre les parties, TCI étant le client, ni le fait que TCI a agi conformément aux modalités de son contrat en réduisant son utilisation des services d’Iristel.
  11. TCI a réitéré les arguments avancés dans sa demande et a fait valoir que le Conseil devait rejeter la position d’Iristel selon laquelle il existait une discrimination injuste, que les clients de TCI aient ou non utilisé le service interurbain de base.
  12. TCI a reconnu qu’en vertu de l’article 62 de la Loi, les demandeurs peuvent tenter de démontrer des erreurs ou des changements fondamentaux dans les faits qui pourraient entraîner de nouvelles conclusions de fait de la part du Conseil, mais a fait valoir que le fondement de sa demande ne constituait pas un changement fondamental dans les faits. TCI a soutenu que le Conseil n’a pas entamé d’instance pour envisager une révision et une modification de la décision, et qu’il n’a pas non plus tenté de réentendre l’affaire avant de rendre la présente décision. Par conséquent, le Conseil ne peut pas introduire de nouveaux faits ou éléments de preuve i) qui n’ont pas été présentés aux parties dans l’instance initiale ni à aucun stade de la présente instance; et ii) que les parties n’ont plus la possibilité d’évaluer ou de commenter.
Iristel
  1. Iristel a fait valoir que l’argument de TCI selon lequel le paragraphe 27(2) de la Loi ne s’applique pas parce qu’elle recevait, plutôt que de fournir, un service de télécommunication d’Iristel n’est pas pertinent, étant donné que TCI fournissait un service à ses propres utilisateurs finals qui comptaient sur TCI pour effectuer des appels aux numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel. Iristel a signalé que même si cet argument était correct, il ne compromettrait pas la conclusion du Conseil dans la décision selon laquelle TCI a contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi dans sa conduite envers ses propres clients, pour lesquels ses actions ont eu des conséquences importantes.
  2. En ce qui concerne l’argument de TCI sur l’abstention, Iristel a argué que TCI a admis que l’une des exceptions où le paragraphe 27(2) de la Loi continue de s’appliquer est celle du service interurbain de base de TCI. Iristel a fait valoir que tout client de TCI aurait pu utiliser le service interurbain de base de l’entreprise pour essayer d’appeler l’un des numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel. Iristel a en outre soutenu que TCI n’a fourni aucun élément de preuve démontrant qu’aucun de ses clients touchés par sa conclusion de réduire la capacité des circuits interurbains n’a utilisé le service interurbain de base pour appeler les numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel. Par conséquent, la conclusion du Conseil selon laquelle TCI a contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi en réduisant la capacité de ses circuits interurbains d’une manière qui empêchait les appels d’aboutir de façon fiable était justifiée.
  3. Iristel a précisé que TCI avait tort en ce qui concerne la compétence du Conseil de tirer des conclusions de fait supplémentaires au cours d’une instance engagée en vertu de l’article 62 de la Loi. Iristel a avancé que si les arguments de TCI étaient acceptés, le pouvoir de révision et de modification du Conseil serait indûment limité d’une manière incompatible avec l’intention du législateur concernant l’article 62 de la Loi, et que la capacité des parties à exercer leurs droits en vertu de cet article serait limitée.
  4. Iristel a argué que le paragraphe 52(1) de la Loi habilite le Conseil à tirer toute conclusion de fait au cours d’une instance entamée en vertu de l’article 62 de la Loi, et que le paragraphe 52(1) de la Loi donne donc au Conseil la compétence d’émettre la demande de renseignements et de tirer toute conclusion de fait qu’il estime nécessaire en fonction de la réponse de TCI.
  5. Iristel a également soutenu que la démonstration d’une erreur de fait ou d’un changement fondamental des faits depuis la décision initiale, qui sont les deux motifs pour lesquels un demandeur peut démontrer que le Conseil devrait exercer ses pouvoirs en vertu de l’article 62 de la Loi, doit impliquer de nouvelles conclusions de fait. Iristel a fait valoir que le bulletin d’information de télécom 2011-214 constitue un argument supplémentaire en faveur de la proposition selon laquelle le Conseil a agi dans le cadre de sa compétence en émettant la demande de renseignements, et que le Conseil est en droit de procéder à toute nouvelle conclusion de fait qu’il estime nécessaire sur la base de la réponse de TCI.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil a examiné l’accord de services de raccordement direct des appels conclu entre TCI et Iristel et convient qu’en vertu de cet accord, TCI est le client d’Iristel aux fins du raccordement des appels des utilisateurs finals de TCI vers les clients d’Iristel ayant des numéros de téléphone de l’IR 867. Étant donné que TCI recevait un service d’Iristel et n’en fournissait pas, la déclaration du Conseil dans la décision selon laquelle « le fait qu’une entreprise s’inquiète de ce qu’un client de gros n’utilise pas le service comme il est établi dans le tarif » a été appliquée à tort à TCI dans les circonstances.
  2. Néanmoins, le Conseil n’accepte pas l’argument de TCI selon lequel la conclusion selon laquelle elle a exercé une discrimination à l’égard d’Iristel doit être révoquée parce qu’elle ne fournissait pas de service à Iristel. Le service obtenu d’Iristel était utilisé par TCI pour fournir des services de télécommunication à ses clients. La connexion d’un appel implique souvent d’innombrables services fournis par de multiples fournisseurs à la fois à leurs propres clients finals et entre eux. Plus précisément, TCI fournissait en fait un service de télécommunication à ses clients des services filaires et sans fil qui essayaient de joindre des clients d’Iristel ayant des numéros de téléphone de l’IR 867. Le Conseil et les tribunaux ont interprété le paragraphe 27(2) de la Loi (ou ses prédécesseurs) comme s’appliquant non seulement aux clients recevant le service de l’entreprise, mais aussi à toute autre personne qui est touchée par la conduite en question concernant ce serviceNote de bas de page 6.
  3. À plusieurs reprises, le Conseil a appliqué le paragraphe 27(2) de la Loi dans le contexte où les actions d’une entreprise, en fournissant des services à ses propres clients, avaient des répercussions négatives sur d’autres entreprises ou leurs clients. Par exemple, dans la décision de télécom 2003-26, le Conseil a confirmé que ses pouvoirs en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi étaient suffisamment larges pour prendre en considération les allégations faites dans cette instance selon lesquelles l’entreprise en question avait exercé une discrimination injuste à l’égard d’un concurrent relativement à un service de télécommunication fourni aux clients de l’entreprise. Dans cette conclusion, le Conseil a explicitement rejeté l’argument selon lequel il était nécessaire de démontrer que l’entreprise avait exercé une discrimination injuste à l’encontre du concurrent en ce qui concerne un service de télécommunication fourni par l’entreprise au concurrent.
  4. De même, dans la décision de télécom 2003-49, le Conseil a explicitement conclu que les entreprises de services locaux titulaires, dont TCI, exerçaient une discrimination injuste à l’égard de concurrents qui n’étaient pas eux-mêmes clients du service en question.
  5. Par conséquent, bien que le Conseil convienne que le paragraphe 27(2) de la Loi ne s’applique qu’à la fourniture d’un service par une entreprise, cela n’empêche pas le Conseil d’examiner les répercussions des actions d’une entreprise dans la fourniture d’un service de télécommunication sur toute personne, et non seulement sur ses clients. Le Conseil est donc d’avis qu’il n’a pas commis d’erreur en i) considérant l’incidence des actions de TCI sur Iristel et les clients d’Iristel, en plus de l’incidence sur les clients de son service; et ii) en appliquant le paragraphe 27(2) de la Loi aux faits du cas.
  6. En ce qui concerne l’argument de TCI sur la portée de l’abstention, le Conseil fait remarquer que dans la décision de télécom 97-19, il a déterminé qu’il s’abstiendrait de réglementer les tarifs du service interurbain de base. Toutefois, le Conseil a conservé ses pouvoirs en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi en ce qui concerne le service interurbain de base. Le Conseil a également conservé ses pouvoirs en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi afin de s’assurer que l’accès continu aux services interurbains et sans frais des compagnies de téléphone titulaires soit disponible sur une base non discriminatoire pour la revente et le partage. De plus, dans l’ordonnance de télécom 99-991, concernant l’abstention de la réglementation des services sans fil mobiles, le Conseil a conservé ses pouvoirs en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi relativement aux services téléphoniques mobiles publics commutés décrits dans cette ordonnance.
  7. TCI a soutenu que la conclusion de discrimination injuste du Conseil se rapportait à la fourniture de services interurbains à ses clients, services qui ne sont pas le service interurbain de base, et que le Conseil n’avait donc pas la compétence pour appliquer le paragraphe 27(2) de la Loi aux services interurbains. Le fait que le Conseil ait fait référence aux services interurbains, et non au service interurbain de base spécifiquement, ne signifie pas qu’il ne disposait pas de la compétence pour appliquer le paragraphe 27(2) de la Loi aux faits du cas. L’expression « services interurbains » est généralement comprise comme incluant tout type de service de télécommunications interurbaines, et le Conseil n’utilise pas cette expression pour faire référence à une catégorisation des services utilisée à des fins tarifaires. En effet, si le Conseil avait voulu exclure le service interurbain de base de son examen et de ses conclusions, il n’aurait fait référence qu’aux services interurbains à tarif réduit et aux services sans frais.
  8. De même, si le Conseil avait eu l’intention d’exclure les services mobiles sans fil de ses conclusions, il l’aurait déclaré et n’aurait fait référence qu’aux services filaires, d’autant plus que le dossier contenait des éléments de preuve que les services mobiles sans fil étaient concernés par les actions de TCI. Par exemple, l’intervention de
    Marc Lange concernant les problèmes qu’il a rencontrés en appelant un numéro de téléphone de l’IR 867 sur son téléphone mobile de TCI et l’intervention du Centre pour la défense de l’intérêt public (toutes deux spécifiquement mentionnées dans la décision) concernaient l’impact des actions de TCI sur les clients utilisant des services d’appels nationaux sans fil. Le Conseil fait également remarquer qu’en vertu de l’accord TCI-Iristel en question, qui figurait au dossier de l’instance, le trafic transporté était le « trafic de MRT [multiplexage par répartition dans le temps] », défini dans l’accord comme comprenant « les appels ou les minutes de service vocal interurbain automatiques [...] sur un réseau de MRT » [traduction]. Il peut s’agir aussi bien du trafic du service interurbain de base que du trafic du service mobile sans fil.
  9. Le Conseil refuse donc l’argument de TCI selon lequel le Conseil s’est abstenu d’exercer les pouvoirs que lui confère le paragraphe 27(2) de la Loi à l’égard de tous les services en question dans le cadre de l’instance qui a mené à la décision. Le Conseil a spécifiquement conservé le pouvoir d’appliquer le paragraphe 27(2) de la Loi en ce qui concerne le service interurbain de base et les services sans fil.
  10. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis d’erreur de fait ou de droit en exerçant sa compétence pour déterminer si TCI, en réduisant la capacité de ses circuits interurbains, a exercé une discrimination injuste à l’égard d’Iristel et de ses clients, ainsi que des propres clients de TCI.

Si le paragraphe 27(2) de la Loi s’applique, le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou de fait dans son interprétation et son application du paragraphe 27(2) de la Loi en concluant que TCI a exercé une discrimination indue à l’égard d’Iristel, des clients d’Iristel et des utilisateurs finals de TCI en réduisant la capacité de ses circuits interurbains qui acheminent son trafic vers Iristel?

Positions des parties
TCI
  1. TCI a soutenu que même si le paragraphe 27(2) de la Loi s’appliquait dans les circonstances, elle a agi dans le cadre de ses droits contractuels en prenant des mesures pour limiter les pertes subies en raison de la stimulation artificielle du trafic par Iristel. En vertu de l’accord de services de raccordement direct des appels, TCI était libre de livrer autant ou aussi peu de trafic qu’elle le souhaitait; par conséquent, elle avait le droit de configurer son réseau pour réduire le volume de trafic passant par ses circuits interurbains vers Iristel.
  2. TCI a fait valoir que les mesures qu’elle a prises pour limiter ses pertes étaient raisonnables et prudentes. Les mesures de rechange proposées par le Conseil dans la décision, notamment la révocation de l’accord ou la déconnexion d’un service, démontrent que le Conseil a mal saisi les faits qui lui étaient présentés. Plus précisément, elle souligne l’avis du Conseil selon lequel l’exercice des recours contractuels, même les recours extrêmes comme la révocation ou la déconnexion, est ouvert à une entreprise sans approbation préalable et, par conséquent, ne crée pas de problème en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi. Étant donné que les autres solutions qui s’offraient à TCI auraient eu des résultats pires pour les consommateurs (p. ex. l’augmentation des tarifs des services de détail pour compenser les coûts associés au trafic stimulé, l’exclusion des numéros de téléphone de l’IR 867 des forfaits d’appel, la résiliation pure et simple de l’accord de TCI avec Iristel), il est incongru que le Conseil conclue que TCI a exercé une discrimination injuste alors qu’elle a utilisé des solutions contractuelles valables, qui ont eu une incidence moindre sur les autres parties.
  3. TCI a indiqué qu’elle cherchait à se protéger d’un préjudice dans le cadre de son accord avec Iristel, et non à sanctionner Iristel pour sa violation de la loi. TCI a soutenu que la conclusion du Conseil selon laquelle il n’appartenait pas à TCI de prendre les choses en main est incompatible avec plusieurs décisions antérieures dans lesquelles le Conseil a approuvé les mesures d’auto-assistance des entreprises en vue d’assurer le respect des politiques du Conseil lorsque ces politiques sont sapées par des actions illégales de concurrents et de clientsNote de bas de page 7.
  4. TCI a argué que le dossier de l’instance ne contenait aucun élément de preuve permettant de conclure que son action avait un effet anticoncurrentiel. Le Conseil n’a pas défini le marché en cause et ne peut donc ni évaluer la concurrence sur ce marché ni tirer de conclusions sur l’effet d’une action censée avoir porté atteinte à la concurrence.
  5. TCI a fait valoir que le Conseil a commis une erreur de fait lorsqu’il a déterminé dans la décision que les entreprises qui ont des tarifs en place uniquement parce qu’elles ont un pouvoir de marché pourraient agir de façon anticoncurrentielle si on leur permettait de prendre les choses en main. Plus précisément, l’hypothèse selon laquelle l’existence d’un pouvoir de marché pourrait être déduite de l’existence d’un tarif est injustifiée dans cette situation, car il n’y avait en fait aucun tarif applicable.
  6. TCI a également fait valoir que le Conseil a également commis une erreur de droit en concluant que TCI avait exercé une discrimination injuste à l’égard de ses propres clients, en violation du paragraphe 27(2) de la Loi. TCI a argué que le Conseil a fondé sa conclusion sur des préoccupations concernant des résultats potentiels, plutôt que sur des conclusions de faits de discrimination réelle. L’entreprise a ajouté que même s’il y avait un effet sur les clients, il n’était pas le résultat d’une discrimination. En l’absence d’une conclusion selon laquelle des clients ont effectivement subi des répercussions négatives, le Conseil n’avait aucun fondement pour conclure que l’entreprise a contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi.
  7. TCI a soutenu que la discrimination ne peut se produire en droit que si une entreprise se livre à un acte ou à une pratique qui traite différemment des entités ou des personnes comparables. TCI a fait valoir que dans le cas présent, il n’y avait pas d’entités comparables. La réduction de la capacité des circuits interurbains n’a pas directement visé ou touché un client final ou un groupe de clients en particulier. Tous les clients qui ont effectué des appels vers les numéros de téléphone de l’IR 867 ont été touchés de la même manière, avec les mêmes chances d’aboutir à un appel à un moment donné; par conséquent, en droit, il n’y a pas eu de discrimination d’aucune sorte, selon TCI.
  8. TCI a également fait valoir que si un client avait été visé par la réduction de la capacité des circuits de TCI, il aurait simplement dû recomposer le numéro de téléphone qu’il appelait. Même si cela s’était produit, l’incidence sur le client est de minimis et ne peut donc pas être considérée comme indue ou injuste. Un impact mineur et insignifiant ne peut constituer une discrimination injuste. Selon un principe juridique de longue date, la loi ne s’occupe pas des futilités.
  9. TCI a fait valoir que le Conseil a également commis une erreur de droit concernant le motif pour lequel il a rejeté l’application du précédent relatif au détournement de modem. Plus précisément, l’hypothèse du Conseil selon laquelle les contrôles mis en place pour lutter contre le détournement de modems n’ont pas touché les appelants légitimes était incorrecteNote de bas de page 8. TCI a soutenu que les appelants légitimes ont été visés tant dans l’affaire qui a mené à la décision de télécom 2005-13 que dans l’affaire qui a mené à la décision. En rejetant la pertinence du précédent pour des motifs erronés, il existe des raisons substantielles de douter de l’exactitude des conclusions du Conseil dans la décision.
  10. TCI a argué que les préoccupations du Conseil concernant les mesures d’auto-assistance sont mieux traitées par l’intermédiaire d’une législation prospective, plutôt que par l’application du paragraphe 27(2) de la Loi. TCI a proposé que les préoccupations concernant les recours d’auto-assistance soient abordées au cours de la prochaine instance d’examen des services filaires de gros ou de l’instance relative à l’examen de l’interconnexion.
  11. TCI a fait valoir qu’elle n’avait aucune obligation d’acheminer le trafic stimulé vers Iristel en vertu d’une loi, d’un règlement ou d’un contrat, et a ajouté que le paragraphe 27(2) de la Loi ne devrait pas être interprété comme obligeant une entreprise à faciliter les actions illégales d’une autre entreprise. Enfin, TCI a fait valoir qu’en sanctionnant TCI, le Conseil cautionnerait le comportement illégal d’Iristel.
Iristel
  1. Iristel a argué que l’effet de la conduite de TCI sur les Canadiens vivant dans le Nord et sur ceux qui ont essayé de les contacter était très important et négatif, et non pas de minimis, comme l’a affirmé TCI. Iristel a mis en avant les éléments de preuve figurant au dossier de l’instance menant à la décision concernant des appels qui n’aboutissent pas, et a indiqué qu’elle avait reçu de nombreuses plaintes de ses clients incapables de recevoir les appels de clients de TCI. Il s’agissait notamment d’une situation dans laquelle un hôpital de l’Alberta n’avait pas été en mesure de contacter une patiente atteinte d’un cancer dans les Territoires du Nord-Ouest au sujet de sa chirurgie à venir.
  2. Iristel a fait valoir que le Conseil était justifié de conclure que TCI avait contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi en réduisant la capacité de ses circuits interurbains de telle sorte que ces appels ne pouvaient être acheminés de façon fiable. Étant donné que les clients de TCI auraient pu utiliser le service interurbain de base de l’entreprise pour appeler les numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel, la discrimination injuste existait indépendamment du fait que des clients aient effectivement utilisé ce service. Iristel a également fait valoir que TCI n’a pas fourni d’élément de preuve montrant que les clients concernés n’ont pas utilisé le service interurbain de base pour appeler les numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel.
  3. Iristel a également rejeté l’argument de TCI selon lequel cette dernière n’a pas exercé de discrimination injuste à l’égard de ses propres clients et qu’il n’y a pas eu de discrimination du tout puisque la réduction de la capacité de ses circuits interurbains s’appliquait à tous ses clients. Iristel a soutenu que les actions de TCI étaient clairement discriminatoires à l’égard des clients de TCI qui devaient appeler les numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel.
  4. Iristel a argué qu’elle ne faisait rien pour stimuler le trafic vers les numéros de téléphone de l’IR 867Note de bas de page 9, et que, par conséquent, l’argument de TCI selon lequel la réduction de la capacité de ses circuits interurbains était une réponse justifiée à la stimulation du trafic par Iristel était non valide.
  5. Iristel a fait valoir que les recours d’auto-assistance ne peuvent être utilisés s’ils contreviennent à la Loi, ce que TCI a fait lorsqu’elle a réduit la capacité de ses circuits interurbains. Iristel a suggéré un certain nombre d’autres mesures que TCI aurait pu prendre, selon elle, pour répondre aux préoccupations que lui inspiraient les comportements d’appel de ses propres clients, notamment i) construire des installations dans le Nord; ii) utiliser les services de Norouestel au lieu d’Iristel; iii) appliquer ses politiques d’utilisation acceptable; et iv) appliquer des frais supplémentaires au trafic des clients qui, selon elle, font des appels excessifs à des numéros de téléphone de l’IR 867.
  6. Iristel n’a pas convenu que les décisions citées par TCI étaient comparables à la situation actuelle, car dans aucun de ces cas, l’entreprise n’a agi unilatéralement, et dans tous les cas, les effets sur les clients étaient minimes et entièrement conformes à la Loi.
Résultats de l’analyse du Conseil
Discrimination
  1. TCI a argué qu’elle ne traitait pas les clients différemment parce que tous les clients qui effectuaient des appels vers les numéros de téléphone de l’IR 867 étaient touchés de la même manière, avec les mêmes chances de réussite de l’appel à tout moment. Le Conseil estime que le concept de discrimination de TCI est indûment étroit et incompatible avec les décisions antérieures du Conseil. Par exemple, le Conseil a constaté une discrimination lorsqu’un fournisseur ne permettait pas aux clients d’un fournisseur de services d’utiliser son réseau en itinérance, alors qu’il permettait aux abonnés d’autres fournisseurs de services de le faireNote de bas de page 10. Dans le cas présent, le Conseil estime que les actions de TCI en question ont effectivement entraîné un traitement différencié des clients de TCI se trouvant dans une situation similaire et qu’elles étaient discriminatoires : le comportement de TCI a nui à la capacité de certains clients d’acheminer régulièrement des appels à des clients d’Iristel ayant des numéros de téléphone de l’IR 867, par rapport aux clients qui pouvaient effectuer de manière fiable des appels vers des numéros de téléphone de l’IR 867 appartenant à des clients autres que ceux d’Iristel, et par rapport aux clients dont la capacité d’effectuer des appels à des clients d’Iristel ayant des numéros de téléphone de l’IR 867 n’était pas compromise.
  2. De plus, les actions de TCI visaient spécifiquement Iristel avec pour résultat dont Iristel, ses affiliées et ses clients ont fait l’objet de discrimination par rapport aux autres fournisseurs de services et aux clients des autres fournisseurs de services.
  3. Les éléments de preuve figurant au dossier de la décision selon lesquels le service vocal mobile sans fil a été affecté par la conduite de TCI sont suffisants pour étayer la conclusion de discrimination du Conseil. En outre, les clients effectuant des appels au moyen du service interurbain de base auraient également pu être touchés par le comportement de TCI, étant donné que ce type de trafic pouvait être acheminé sur les circuits en question. Le Conseil est donc d’avis qu’il a exercé correctement le pouvoir que lui confère le paragraphe 27(2) de la Loi, combiné à ses pouvoirs généraux en vertu de l’alinéa 32g) et des articles 48 et 51 de la Loi, de rendre des ordonnances pour prévenir la discrimination injusteNote de bas de page 11.
  4. Le Conseil fait remarquer que le paragraphe 27(2) de la Loi interdit à une entreprise canadienne de conférer une préférence ou un désavantage indu ou déraisonnable à des personnes, et qu’une préférence ou un désavantage n’implique pas nécessairement un traitement différent de personnes se trouvant dans une situation similaire. Le Conseil a déclaré que les termes « préférence » et « désavantage » font référence à la nature, à l’étendue et au résultat du traitement favorable ou défavorableNote de bas de page 12 par l’entreprise qui fournit le service. Le comportement de TCI visait Iristel et l’a désavantagée en tant que seul fournisseur de services de télécommunications visé par une capacité réduite. Le comportement de TCI a désavantagé les clients de TCI qui n’ont pas pu appeler des clients d’Iristel ayant des numéros de téléphone de l’IR 867, car ils ont dû soit continuer à recomposer le numéro, soit manquer complètement la connexion avec la partie appelée.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime qu’il n’a pas commis d’erreur de fait ou de droit en concluant que TCI a exercé une discrimination à l’égard de ses clients, ainsi que d’Iristel, de ses affiliées et de leurs clients.
Discrimination injuste
  1. TCI a soutenu que toute discrimination éventuelle à l’encontre d’Iristel n’était pas indue, car lorsque TCI a réduit la capacité de ses circuits pour limiter les pertes qui, selon elle, étaient dues à l’action d’Iristel pour stimuler le trafic vers les numéros de téléphone de l’IR 867, TCI a agi dans le cadre de son contrat avec Iristel. TCI a ajouté que le Conseil aurait dû accepter les actions de TCI comme une forme acceptable d’auto-assistance, conformément aux décisions antérieures. En outre, en ce qui concerne la discrimination à l’égard de ses propres clients, TCI a argué que toute discrimination de ce type était de minimis et n’était donc ni indue ni injuste.
  2. En vertu du paragraphe 27(4) de la Loi, il incombe à l’entreprise canadienne qui exerce une discrimination d’établir que cette dernière n’est pas injuste.
  3. Le Conseil estime qu’il n’a pas commis d’erreur de fait ou de droit en concluant que TCI n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de démontrer que la discrimination n’était pas injuste. TCI n’a pas démontré que sa mesure d’auto-assistance était justifiée dans les circonstances, d’autant plus qu’elle visait un concurrent et cherchait à remédier à ce que l’entreprise estimait comme une violation du contrat. Bien que le Conseil ait décrit de manière inexacte les actions de TCI comme étant celles d’une entreprise conformément à un tarif, la préoccupation reste la même. TCI a choisi de prendre des mesures qui ne lui étaient possibles que parce qu’elle est une entreprise fournissant un service à ses clients, afin de remédier à ce qu’elle estimait comme des fautes contractuelles ou prévues par la loi qui peuvent être réglées par les dispositions de l’accord ou par l’intervention du Conseil.
  4. Les décisions citées par TCI comme précédents soutenant sa conduite d’auto-assistance ne sont pas pertinentes, car elles ne sont pas analogues aux faits de la décision. En tout état de cause, elles n’ont pas créé de précédent contraignant pour le Conseil dans son processus décisionnel menant à la décision. Par conséquent, le Conseil estime qu’il n’a pas établi de principes concernant l’auto-assistance qu’il n’a pas appliqués dans la décision.
  5. En ce qui concerne la proposition de TCI d’examiner la question générale des recours d’auto-assistance dans le cadre d’une instance de politique, le Conseil estime que cette question dépasse le cadre de la demande de  révision et de  modification.
  6. En ce qui concerne l’argument de TCI selon lequel toute discrimination à l’égard de ses propres clients était de minimis et ne pouvait donc pas être injuste, le Conseil estime que TCI n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de son argument selon lequel toute discrimination était de minimis. En tout état de cause, le Conseil estime que la preuve d’un préjudice important pour les clients n’est pas nécessairement requise pour déterminer que la discrimination est injuste.
  7. Lorsqu’il examine des questions de discrimination, le Conseil peut prendre en compte de multiples facteurs ainsi que l’intérêt public en général. Le Conseil fait remarquer que les tribunaux ont confirmé que le paragraphe 27(2) de la Loi confère un large pouvoir discrétionnaire au Conseil pour déterminer, dans les circonstances de chaque cas, quelle discrimination est « injuste » ou quelle préférence ou quel avantage est « indu » ou « déraisonnable ». En outre, la Loi exige que le Conseil exerce ses pouvoirs et remplisse ses fonctions en vue de mettre en œuvre les objectifs de la politique canadienne de télécommunication. Les objectifs stratégiques généraux, qui soulèvent des questions de politique de nature polycentrique, appuient également une interprétation large du pouvoir discrétionnaire du Conseil de déterminer ce qui constitue une violation du paragraphe 27(2) de la LoiNote de bas de page 13.
  8. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil est d’avis qu’il avait le pouvoir de déterminer que la discrimination résultant de la conduite de TCI était injuste. Le Conseil estime donc qu’il n’a pas commis d’erreur de droit ou de fait en concluant que les actions de TCI ont indûment entraîné une discrimination envers Iristel, ses clients et les propres clients de TCI, en violation du paragraphe 27(2) de la Loi.
  9. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’existe aucun doute réel quant au bien-fondé de la conclusion dans la décision selon laquelle TCI a contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi. Toutefois, le Conseil confirme que ces conclusions ne concernent que la fourniture par TCI du service interurbain de base sans fil et de services mobiles sans fil.

Le Conseil devrait-il établir si TCI a contrevenu à l’article 36 de la Loi?

Positions des parties
  1. Iristel a fait valoir que, indépendamment de toute conclusion que le Conseil aurait pu tirer concernant le paragraphe 27(2) de la Loi, TCI a clairement contrevenu à l’article 36 de la Loi en n’obtenant pas l’approbation du Conseil pour réduire la capacité de certains circuits interurbains, ce qui a empêché le raccordement de certains appels vers des numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel. Iristel a fait valoir que l’article 36 de la Loi interdit clairement et sans ambiguïté à une entreprise canadienne de contrôler le contenu ou d’influencer le sens ou l’objet des télécommunications transportées pour elle par le public sans l’autorisation du Conseil. Le Conseil ne peut s’abstenir d’exercer les pouvoirs que lui confère l’article 36 de la Loi. Par conséquent, indépendamment des conclusions du Conseil concernant les arguments de TCI relatifs à la portée des ordonnances d’abstention antérieures concernant les services interurbains, le Conseil devrait examiner si la réduction de la capacité de TCI sur certains circuits interurbains a contrevenu à l’article 36 de la Loi.
  2. TCI a soutenu que l’article 36 de la Loi n’est pas pertinent pour les questions qu’elle a soulevées dans sa demande de révision et de modification, laquelle porte sur l’interprétation et l’application par le Conseil du paragraphe 27(2) de la Loi. L’article 36 de la Loi porte sur des questions distinctes, et il est inadmissible de les faire intervenir lors de l’examen du bien-fondé de la demande de TCI.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Dans la décision, le Conseil a déterminé qu’il n’était pas nécessaire de se pencher sur la question de conformité à l’article 36 de la Loi, comme il avait été déterminé que TCI avait contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi. Ni TCI ni Iristel n’ont déposé de demande de révision et de modification concernant la conclusion du Conseil selon laquelle il n’était pas nécessaire d’examiner l’article 36 de la Loi.
  2. D’après le Conseil, il avait le pouvoir discrétionnaire, dans le cadre de l’instance menant à la décision, de déterminer qu’il n’était pas nécessaire de se pencher sur la question de savoir si TCI avait contrevenu à l’article 36 de la Loi, étant donné que le Conseil avait conclu que l’activité en question contrevenait au paragraphe 27(2) de la Loi. Le Conseil estime qu’il n’est pas non plus nécessaire d’aborder la question de l’article 36 de la Loi dans le cadre de la présente instance.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil refuse la demande de TCI de réviser et de modifier la décision.

Instructions

  1. Les Instructions de 2019Note de bas de page 14 précisent que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique canadienne de télécommunication énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a) et 1b) des Instructions de 2019.
  2. Le Conseil estime que le refus de la demande de TCI de réviser et de modifier sa conclusion selon laquelle TCI a exercé une discrimination indue à l’égard d’Iristel, des clients d’Iristel et de ses propres clients lorsqu’elle a réduit la capacité de ses circuits interurbains pour les clients d’Iristel situés dans l’IR 867 contribuera à la réalisation de ses objectifs, qui sont les suivants : i) rendre accessibles aux Canadiens des zones urbaines et rurales de toutes les régions du Canada des services de télécommunication fiables, abordables et de haute qualité; et ii) accroître l’efficacité et la compétitivité, à l’échelle nationale et internationale, des services de télécommunication canadiens. De plus, les conclusions du Conseil favoriseront et protègeront les droits des consommateurs dans leurs relations avec les fournisseurs de services de télécommunication, y compris les droits liés à l’accessibilité. En refusant la demande de TCI, le Conseil confirme que les entreprises canadiennes ne sont pas autorisées à prendre des mesures d’auto-assistance non autorisées qui empêchent les consommateurs canadiens d’effectuer ou de recevoir des appels téléphoniques en provenance ou à destination de lieux situés au Canada, et qui compromettent donc la fiabilité, l’efficacité et la qualité des services de télécommunication au Canada.

Secrétaire général

Documents connexes

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