Décision de télécom CRTC 2020-268

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Ottawa, le 14 août 2020

Dossiers publics : 8663-J64-201806019 et 8663-T66-201805722

Iris Technologies Inc. et TELUS Communications Inc. – Demandes de redressement définitif concernant le raccordement du trafic vers certains numéros de téléphone dans l’indicatif régional 867

Le Conseil conclut qu’une intervention réglementaire est nécessaire pour réduire les activités de stimulation du trafic liées aux numéros de téléphone de l’indicatif régional (IR) 867 d’Iristel Inc. (Iristel).

Iristel s’est accordée un avantage indu, en violation du paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (Loi), en autorisant l’utilisation de numéros de téléphone de l’IR 867 pour certains clients se trouvant à des endroits éloignés, faisant augmenter les coûts de connexion des autres entreprises et leur causant un préjudice économique, et générant des revenus pour elle-même grâce aux frais de raccordement d’appels interurbains qui en résultent.

En conséquence, le Conseil modifie le tarif de raccordement d’appels interurbains d’Iristel, qui devient définitif 90 jours après la date de la présente décision, avec effet rétroactif au 23 novembre 2018. Le Conseil estime que cette modification réduira considérablement l’incitation à la stimulation du trafic liée aux numéros de téléphone de l’IR 867.

Le Conseil conclut également que les mesures prises par TELUS Communications Inc. (TCI) pour réduire la capacité de certains circuits interurbains, entre le 29 mai et le 28 novembre 2018 environ, étaient indûment discriminatoires à l’égard d’Iris Technologies Inc., de son affiliée Ice Wireless Inc. et de leurs clients, ainsi que de ses propres clients, et contraire au paragraphe 27(2) de la Loi, puisqu’elles visaient à réduire délibérément la capacité d’acheminer les appels aux numéros de téléphone de l’IR 867.

Iristel et TCI ont toutes deux agi de manière intéressée. Un tel comportement, qui compromet l’établissement d’un système de télécommunication ordonné au Canada ainsi que l’efficacité et la compétitivité de ce système, ne peut être toléré.

Comme TCI et Iristel ont toutes deux violé le paragraphe 27(2) de la Loi, le Conseil publie l’avis de consultation de télécom 2020-269 parallèlement à la présente décision afin d’examiner s’il serait approprié d’imposer des sanctions administratives pécuniaires (SAP) aux deux entreprises, et si tel est le cas, quels seraient les montants appropriés.

Contexte

  1. Dans la décision de télécom 2017-456, le Conseil a conclu qu’Iris Technologies Inc. (Iris Technologies) et Iristel Inc. (Iristel) avaient contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (Loi) en participant à des activités visées par l’arbitrage réglementaire concernant les numéros de téléphone de l’indicatif régional (IR)Note de bas de page 1 867.
  2. Dans cette décision, le Conseil s’est penché sur les éléments suivants :
    • les appels des clients de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) vers le service Call-to-Listen d’AudioNow étaient acheminés de manière très inefficace aux États-Unis au moyen de l’IR 867Note de bas de page 2;
    • il n’existait aucune raison manifeste expliquant pourquoi les numéros de l’IR 867 ont été utilisés, outre les ententes de partage des revenus entre Iris Tehnologies, Iristel et Free Conference Call Global (FCCG)Note de bas de page 3, et entre Yakfree LLC et AudioNow;
    • les parties impliquées dans les ententes de partage des revenus avaient un incitatif à stimuler le trafic vers le service Call-to-Listen d’AudioNow uniquement pour les revenus accrus que pouvait générer le raccordement d’appels.
  3. Dans la même décision, le Conseil a ordonné à Iris Technologies et à Iristel et à leurs affiliées i) de résilier toute entente attribuant à FCCG quelconques numéros dans l’IR 867 qui sont en fin de compte utilisés par AudioNow et de ne pas inclure de telles dispositions dans toute entente conclue avec FCCG et ses affiliées; et ii) de déposer un rapport auprès du Conseil confirmant sa conformité avec cette directive.
  4. Le Conseil a reçu une lettre d’Iristel, datée du 19 janvier 2018, dans laquelle l’entreprise a précisé avoir respecté les exigences établies dans la décision de télécom 2017-456. Plus précisément, Iristel a indiqué qu’elle a informé FCCG dans une lettre i) que la compagnie devait cesser de fournir à AudioNow des numéros de téléphone de l’IR 867 qui accorderaient au bout du compte une préférence indue à Iristel ou à une autre partie au plus tard le 19 janvier 2018; et ii) que le partage des revenus en lien avec les numéros de téléphone de l’IR 867 prendrait fin le 19 janvier 2018. Iristel a ajouté que FCCG a accusé réception de la lettre susmentionnée et a indiqué son intention de se conformer immédiatement à la décision de télécom 2017-456.

Demandes

  1. Le Conseil a reçu une demande de TELUS Communications Inc. (TCI), datée du 3 août 2018, dans laquelle elle demandait une mesure de redressement pour de nouvelles activités alléguées de stimulation du trafic liées aux numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel dans le territoire de desserte à titre de titulaire de Norouestel Inc. (Norouestel)Note de bas de page 4. TCI a soutenu que les activités de stimulation du trafic ayant mené à la décision de télécom 2017-456 n’ont cessé que brièvement après la publication de cette décision et que les nouvelles activités de stimulation du trafic accordaient une préférence indue à Iristel et imposait à TCI un désavantage indu.
  2. TCI a demandé au Conseil i) d’amorcer une instance publique pour examiner les nouvelles activités de stimulation du trafic impliquant les numéros de téléphone d’Iristel dans l’IR 867; et ii) d’ordonner à Iristel de déposer une demande tarifaire afin d’établir un nouveau tarif pour le raccordement d’appels interurbains pour ses clients dans le NordNote de bas de page 5. Entre-temps, TCI a demandé au Conseil de rendre provisoire le tarif actuel d’Iristel pour le raccordement d’appels interurbains dans le Nord.
  3. Le Conseil a par la suite reçu une demande d’Iris Technologies, datée du 7 août 2018, envoyée en son propre nom et au nom de son affiliée Ice Wireless Inc.Note de bas de page 6, alléguant que TCI avait réduit la capacité de certains circuits de transfert interurbain qui acheminent son trafic aux numéros de téléphone d’Iristel dans l’IR 867. Iristel a soutenu que la capacité réduite entraînait une congestion qui faisait en sorte que les appels des utilisateurs finals de TCI vers certains utilisateurs finals d’Iristel n’aboutissaient pas.
  4. Iristel a demandé au Conseil i) de confirmer que TCI doit entretenir son réseau de façon à ce que tous les appels vers des clients d’Iristel aboutissent et ii) d’ordonner à TCI de maintenir une capacité adéquate sur son réseau afin qu’Iristel raccorde convenablement les appels provenant d’utilisateurs finals de TCI, ou les appels qui passent par le réseau de TCI et se raccordent au réseau d’Iristel. Entre-temps, Iristel a demandé au Conseil d’ordonner à TCI de rétablir la capacité de son réseau à ce qu’elle était avant le 29 mai 2018 (date à laquelle TCI a réduit la capacité) et de prendre les mesures nécessaires, quelles qu’elles soient, pour faire en sorte que les appels des utilisateurs finals de TCI vers les utilisateurs finals d’Iristel soient correctement acheminés.
  5. Le Conseil a reçu des interventions concernant les demandes d’Iristel et de TCI de la part, du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP), des Opérateurs des réseaux concurrentiels Canadiens (ORCC) et de RCCI, ainsi que des réponses aux demandes de renseignements de FCCG, de Generic Conferencing LLC, de M. Marc Lange, de ZenoRadio et d’un client de gros d’Iristel dont le nom a été déposé à titre confidentiel.

Redressement provisoire

  1. Dans la décision de télécom 2018-432, le Conseil a répondu aux requêtes de redressement provisoire dans les deux demandes. Il a affirmé que, même si un processus supplémentaire et un examen exhaustif des mémoires devraient être entrepris pour traiter les demandes de redressement définitif, l’acheminement des appels qui n’aboutissent pas, devait être traité rapidement.
  2. Par conséquent, dans cette décision, le Conseil :
    • a approuvé en partie la requête de redressement provisoire d’Iristel et ordonné à TCI :
      1. de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, dans les 10 jours civils suivant la date de la décision, les appels des utilisateurs finals de TCI aux utilisateurs finals d’Iristel dans l’IR 867 ou que les appels qui passent par le réseau de TCI et se raccordent au réseau d’Iristel dans l’IR 867 atteignent le réseau d’Iristel de manière à ce qu’ils puissent être correctement et constamment acheminés;
      2. de déposer un rapport auprès du Conseil confirmant l’observation de cette directive et détaillant les mesures prises, dans les 10 jours civils;
    • a approuvé la requête de redressement provisoire de TCI et rendu provisoire, à compter de la date de la décision, le tarif applicable aux Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et au Yukon qui est énoncé à l’article 302.2.4 du Tarif des services d’accès d’Iristel – Accès aux raccordements spécialisés, Services de commutation et de regroupement.
  3. Le Conseil a également affirmé que pendant l’étude des demandes et lorsqu’il rendrait sa décision définitive à leur égard, il déterminerait s’il serait approprié d’imposer des sanctions administratives pécuniaires (SAP)Note de bas de page 7.
  4. Dans une lettre datée du 30 novembre 2018, TCI a confirmé qu’elle avait, le 28 novembre 2018, rétabli tous les circuits utilisés pour acheminer le trafic aux numéros de téléphone d’Iristel dans l’IR 867 à leur état d’avant le 29 mai 2018.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Une intervention supplémentaire du Conseil est-elle nécessaire pour réduire les activités de stimulation du trafic liées aux numéros de téléphone de l’IR 867?
    • Le tarif d’Iristel pour le raccordement d’appels interurbains dans l’IR 867 devrait-il être révisé?
    • Une autre instance devrait-elle être amorcée pour examiner de nouvelles activités potentielles de stimulation du trafic liées aux numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel?
    • Quelle décision le Conseil devrait rendre relativement à la demande de redressement définitif d’Iristel?
    • Le comportement de TCI ou d’Iristel a-t-il contrevenu à la Loi et, dans l’affirmative, quelles mesures le Conseil devrait-il prendre?

Une intervention supplémentaire du Conseil est-elle nécessaire pour réduire les activités de stimulation du trafic liées aux numéros de téléphone de l’IR 867?

Positions des parties
TCI
  1. TCI a soutenu que la directive contenue dans la décision de télécom 2017-456 était  restreinte, puisqu’elle ordonnait l’interruption de l’entente en vigueur à l’époque entre Iristel et FCCG, mais ne faisait pas de déclaration générale à propos de la stimulation de trafic dans le but d’empêcher la reprise de la stimulation du trafic au moyen d’autres ententes financières avec les mêmes parties, ou au moyen des mêmes ententes financières avec d’autres parties.
  2. TCI a fait remarquer que bien qu’Iristel ait allégué, dans sa lettre déposée au Conseil, avoir satisfait aux exigences de la décision de télécom 2017-456, Iristel n’a pas expliqué pourquoi elle a seulement interrompu son entente de partage de revenus avec FCCG plutôt que de se conformer à la directive clairement énoncée du Conseil de mettre fin à toute entente qui attribue à FCCG quelconques numéros dans l’IR 867 qui sont en fin de compte utilisés par AudioNow.
  3. TCI a fourni des données montrant le volume de trafic de TCI vers les numéros d’Iristel dans le Nord pour la période de janvier 2015 à août 2018. TCI a fait remarquer qu’au début de 2018, immédiatement après la publication de la décision de télécom 2017-456Note de bas de page 8, le trafic de TCI vers les numéros de l’IR 867 d’Iristel et la durée moyenne des appels sont revenus aux niveaux précédant la stimulation. Cependant, ce trafic avait commencé à augmenter, et en mai 2018, il était quatre ou cinq fois plus élevé que la normale et continuait d’augmenter.
  4. TCI a indiqué qu’elle n’a fait aucun changement à ses offres de détail ni à la population qui auraient pu contribuer à des augmentations aussi drastiques du trafic ou de la durée des appels. TCI a fait valoir que son trafic vers d’autres entreprises desservant le Nord était demeuré relativement stable au cours de la même période, et que l’augmentation du trafic vers Iristel n’était donc pas attribuable à la migration des clients. D’après elle, l’augmentation du trafic pouvait seulement être attribuée aux mesures prises par Iristel ou les utilisateurs des numéros d’Iristel.
  5. TCI a indiqué que ses enquêtes sur les numéros fréquemment composés ou les numéros ayant des temps d’attente anormalement longs avaient révélé les mêmes types de courbes d’appels aux mêmes types de services que ceux dans la décision de télécom 2017-456, comme suit (les numéros de téléphone ont été déposés à titre confidentiel) :
    • un numéro à Iqaluit est le numéro canadien à composer pour le site FreeConference.com, et un numéro à Whitehorse permet de joindre un autre service de téléconférence;
    • un numéro à Iqaluit et un numéro à Yellowknife permettent de joindre Lyft, un service de covoiturage qui, selon son site Web, ne dessert ni Iqaluit ni Yellowknife;
    • un numéro à Iqaluit permet de se connecter à un service en mode d’écoute seulement pour Punjabi Radio USA;
    • un numéro à Whitehorse permet de se connecter à Zeno Radio, un service de radio en mode d’écoute seulement de Zeno Media.
  6. TCI a fait valoir que le trafic actuel est différent de celui examiné dans la décision de télécom 2017-456, car les éléments de preuve suggèrent l’adoption d’un mécanisme de filtrage.
  7. TCI a fait remarquer qu’à l’époque où la décision de télécom 2017-456 a été publiée, n’importe qui pouvait composer les numéros auxquels étaient destinés des volumes élevés de trafic, ce qui a permis de déterminer la nature des services audio qui attiraient une partie de ce trafic, alors qu’à l’heure actuelle, les appels à bon nombre des numéros en question génèrent le message suivant : « Il n’est pas possible de joindre l’abonné que vous tentez d’appeler. » TCI a précisé que ça peut être le cas même si des appels d’autres parties sont effectués avec succès aux mêmes numéros, et que les appels d’une durée presque identique avaient été effectués à des numéros donnant lieu à ce message. TCI a indiqué que si tous les appelants avaient reçu ce message, aucun appel n’aurait duré plus de 30 secondes, tandis qu’il y a eu des centaines d’appels d’une durée de 45 minutes chacun. TCI a précisé qu’elle avait déterminé que les appelants de certains numéros ne recevaient pas le message et étaient plutôt connectés à une programmation radio, et a conclu que le client final ou l’un des fournisseurs de services de télécommunication (FST) participant à l’appel filtrait les appels en fonction de numéro de téléphone de l’appelant.
  8. Selon TCI, parmi les 59 numéros qu’elle soupçonnait être associés aux activités de stimulation du trafic, 30 sont utilisés pour la programmation audio pour écoute seulement qui sont situées aux États-Unis.
  9. TCI a indiqué que Punjabi Radio USA compte parmi ces programmes, et qu’une enquête a confirmé qu’elle est un client de Zeno Media, un service qui offre d’intégrer des radiodiffuseurs à l’éventail des services Call-to-Listen et partage les revenus de l’entreprise avec eux. TCI a fait remarquer que Zeno Media n’annonce pas les numéros à composer; elle attribue plutôt un numéro de téléphone à composer à chaque auditeur.
  10. TCI a fait valoir qu’elle soupçonne que les lignes générant le message de filtrage susmentionné connectent soit à Zeno Media soit à un autre fournisseur de services qui emploie la même pratique consistant à attribuer des numéros à composer uniques à chaque abonné, arguant qu’il serait facile pour un tel fournisseur de filtrer chaque numéro pour ne permettre qu’à l’abonné désigné d’être connecté. TCI a reconnu qu’il pouvait y avoir une raison légitime de filtrer les appels, mais qu’en raison de ce filtrage, il est difficile de déterminer si cela fait partie d’un service de stimulation du trafic, et que ce filtrage peut être utilisé pour décourager les enquêtes sur l’arbitrage réglementaire.
RCCI
  1. RCCI a indiqué qu’après la date d’entrée en vigueur de la décision de télécom 2017-456, soit le 20 janvier 2018, elle a observé une chute de son trafic destiné aux numéros de l’IR 867 d’Iristel à 5 % du niveau précédent, puis une augmentation de plus de 295 % entre février et août 2018.
  2. RCCI était d’accord avec l’évaluation de TCI selon laquelle, en raison de l’attribution de numéros de téléphone uniques aux appelants et du mécanisme de filtrage décrit dans le mémoire de TCI, il est devenu plus difficile de valider la source de ce trafic.
  3. Néanmoins, RCCI a déclaré que près de 90 % de son trafic destiné aux numéros de l’IR 867 d’Iristel était acheminé à des services d’écoute de radio et à des services de téléconférence qui, selon toute vraisemblance, ne se trouvent pas dans le Nord. RCCI a fait remarquer que l’un de ces services, ZenoRadio, est basé à New York.
  4. RCCI a fait valoir qu’elle croyait, tout comme TCI, que la méthode d’inscription décrite dans le mémoire de TCI vise à éviter la détection du mécanisme de stimulation du trafic. RCCI a précisé qu’il n’y a peut-être aucun mécanisme de partage des revenus formel entre Iristel et ses clients, mais que l’effet est le même.
  5. RCCI a de plus indiqué que, bien qu’Iristel ait mis fin à sa relation avec FCCG, elle semble effectivement continuer à faire affaire avec AudioNow, qui semble avoir été vendue à ZenoRadio en juin 2018.
  6. RCCI a fait remarquer qu’Iristel a 27 indicatifs de central dans l’IR 867, ce qui signifie qu’elle pourrait desservir jusqu’à 270 000 clients, soit le triple de la population des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. RCCI a également fait remarquer qu’en réponse à une demande de renseignements, Iristel a écrit qu’en ce qui concerne le trafic acheminé par Internet, elle n’a aucune information relative à l’emplacement physique de l’adresse protocole Internet de destination. RCCI a indiqué qu’Iristel n’a pas besoin d’une adresse physique dans le Nord et que, par conséquent, il n’y a aucune raison d’utiliser les numéros de téléphone de l’IR 867, à moins qu’ils ne visent à stimuler de façon artificielle le trafic vers cette destination à coût élevé.
Iristel
  1. Iristel a indiqué que ni elle ni ses affiliées ne participaient à des activités de stimulation du trafic vers ses numéros de téléphone de l’IR 867, et que ni elle ni ses affiliées ne sont des parties à une entente de partage des revenus. Elle a ajouté qu’aucune activité de stimulation du trafic en lien avec elle ne peut être effectuée, comme l’a affirmé TCI.
  2. Iristel a argué que les données montrent clairement qu’elle respecte strictement les conclusions du Conseil dans la décision de télécom 2017-456. Elle a soutenu qu’elle n’a pris aucune mesure concernant quelque service que ce soit fourni à ZenoRadio, étant donné que celle-ci n’était pas mentionnée dans la décision de télécom 2017-456. Iristel a également précisé que les niveaux de trafic actuels de TCI vers ses numéros de l’IR 867 sont plus bas qu’ils l’étaient au début de 2015. En outre, les niveaux de trafic de RCCI vers les numéros de l’IR 867 sur les circuits d’Iristel ne sont pas revenus près du niveau enregistré le 19 janvier 2018. À titre d’exemple, Iristel a fait remarquer que les niveaux de trafic de RCCI vers les numéros de l’IR 867 sur ses circuits le 19 janvier 2018 étaient plus élevés que ceux enregistrés par Iristel le 21 juin 2019Note de bas de page 9.
  3. Iristel a signalé que ni elle ni ses affiliées n’étaient conscientes dudit message de filtrage (qui, selon TCI, est utilisé pour filtrer les appelants) ou de son but. Iristel a soutenu qu’il ne serait pas approprié d’examiner les activités commerciales de ses utilisateurs finals selon le contenu du trafic. Toutefois, à son avis, dans la mesure où ce mécanisme de filtrage est simplement conçu pour empêcher les personnes qui n’ont pas payé pour le service en question d’y accéder, il s’apparente au processus de saisie d’un mot de passe pour utiliser un service de téléconférence, et il ne semblerait y avoir aucune intention malhonnête ou aucun enjeu réglementaire. Iristel a fait valoir que l’existence de ce mécanisme de filtrage est une autre preuve qu’elle et ses affiliées ne sont pas des parties à une entente de partage des revenus, et que sans une telle entente, les fournisseurs de services doivent trouver un moyen de recouvrer leurs coûts, notamment à l’aide d’un mécanisme d’abonnement qui exige l’authentification des clients abonnés.
  4. Iristel a signalé que TCI s’est fondée sur de mauvais exemples pour prouver l’existence de la stimulation du trafic, tandis que les données prouvent le contraire. Elle a soutenu que TCI semble croire qu’une entreprise utilisant un numéro dans l’IR 867 sans exercer d’activité dans la même zone est un exemple évident de stimulation du trafic. Par exemple, après avoir analysé l’un des numéros utilisés par Lyft mentionné par TCI à ce sujet, Iristel a constaté que du 1er janvier au 31 juillet 2018, la durée totale des appels effectués à ce numéro de toutes les sources (non seulement TCI) n’était seulement que quelques minutesNote de bas de page 10.
ORCC
  1. Le ORCC a précisé qu’il a eu l’occasion d’examiner la version abrégée de la réponse d’Iristel à la demande de TCI, et que, selon les données sur le trafic présentées, qui semblent être concluantes, rien de prouve qu’Iristel se livrait à des activités de stimulation du trafic.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Dans la décision de télécom 2017-456, le Conseil a conclu qu’Iristel participait à des activités visées par l’arbitrage réglementaire en contravention avec la Loi. Dans le dossier de la présente instance, TCI et RCCI ont allégué qu’Iristel se livre encore à des activités de stimulation de trafic liées à leurs forfaits d’appels illimités au Canada.
  2. TCI a présenté des données montrant que son volume de trafic vers les numéros d’Iristel dans l’IR 867 a chuté en février 2018 après la publication de la décision de télécom 2017-456 en janvier 2018, mais a ensuite commencé à augmenter. Jusqu’en mai 2018, le volume de trafic avait augmenté à des niveaux similaires à ceux qui existaient avant la date d’entrée en vigueur de la décision de télécom 2017-456. Les données soumises par Iristel l’ont confirmé.
  3. Il y a eu une forte chute du trafic de mai à juin 2018 parce que TCI a commencé à contrôler la quantité de trafic vers les numéros d’Iristel dans l’IR 867. Il semble que les volumes de trafic de novembre 2018 à septembre 2019 soient demeurés constants. Ils n’étaient pas aussi élevés que ceux de janvier 2018, mais plus élevés que ceux de février 2018. En ce qui concerne l’affirmation d’Iristel selon laquelle le volume de trafic de RCCI vers l’IR 867 sur le circuit d’Iristel était plus élevé le 19 janvier 2018 que le 21 juin 2019, le Conseil fait remarquer que sa directive dans la décision de télécom 2017-456 n’est entrée en vigueur que le 20 janvier 2018.
  4. Bien qu’Iristel et le FCCG aient indiqué, en réponse aux demandes de renseignements, qu’elles n’ont pas d’entente de partage des revenus entre elles, Iristel a précisé qu’elle avait une entente avec FCCG en vue de lui attribuer des numéros de l’IR 867. Iristel a également déclaré que ZenoRadio n’était pas mentionnée dans la décision de télécom 2017-456, et que par conséquent, elle n’a pris aucune mesure à l’égard des services fournis à ZenoRadio. En outre, elle n’a pas de contrat avec ZenoRadio. Selon le Conseil, il s’agit là d’une interprétation trop étroite de la décision de télécom 2017-456.
  5. TCI a signalé qu’AudioNow a depuis été vendue et est maintenant exploitée sous le nom de ZenoRadioNote de bas de page 11. TCI a fourni des éléments de preuve incontestés montrant que des appels sont passés à ZenoRadio. En raison de cela, le Conseil estime que l’interprétation d’Iristel de la décision de télécom 2017-456 va à l’encontre des directives énoncées dans cette décision, étant donné qu’Iristel devait mettre fin à toute entente qui attribue à FCCG des numéros de téléphone de l’IR 867 qui sont en fin de compte utilisés par AudioNow. De plus, l’interprétation d’Iristel de la décision de télécom 2017-456 n’est pas conforme aux objectifs de la politique de télécommunication canadienne énoncés à l’article 7 de la Loi, auxquels on fait référence dans cette décision, et est donc inacceptable.
  6. Le Conseil fait remarquer que parmi les 59 numéros que TCI soupçonnait d’être associés aux activités de stimulation du trafic, TCI a indiqué que 30 sont utilisés pour de la programmation audio en mode d’écoute seulement qui sont situées aux États-Unis, ce qu’Iristel n’a ni confirmé ni démenti. Dans la décision de télécom 2017-456, le Conseil a affirmé que les appels vers ces services de radio en mode d’écoute seulement, qui sont techniquement raccordés à l’IR 867 mais sont ensuite acheminés vers un emplacement dans un autre IR, sont acheminés de façon extrêmement inefficace.
  7. Il n’y a aucune restriction réglementaire quant à savoir à qui une entreprise de services locaux telle qu’Iristel peut attribuer des numéros de téléphone de l’IR 867. Toutefois, le Conseil est d’avis que l’approche d’Iristel qui consiste à fournir des numéros de l’IR 867 à des clients comme des fournisseurs de ponts de téléconférence qui revendent ensuite ces numéros à des utilisateurs finals qui pourraient les utiliser pour des services d’écoute audio et d’autres services qui attirent des appels unidirectionnels, ne correspond pas à ce qu’il envisageait lorsqu’il a établi les tarifs de raccordement d’appels interurbains. Le Conseil s’attendait plutôt à ce que le trafic interurbain se termine dans le territoire d’exploitation associé au numéro de téléphone de l’IR, et qu’il ne soit pas immédiatement réacheminé vers une circonscription éloignée ou un autre pays. De plus, le régime d’interconnexion intercirconscription a été établi avant l’arrivée des forfaits d’appels interurbains illimités.
  8. L’interprétation trop étroite qu’Iristel a faite de la décision de télécom 2017-456, combinée au fait qu’il y a eu une augmentation significative du trafic destiné à ses numéros dans l’IR 867 après une chute initiale marquée immédiatement à la suite de la publication de cette décision, suggère que les activités de stimulation du trafic ont toujours lieu. Le Conseil estime que si l’incitation financière à la stimulation du trafic n’est pas supprimée ou réduite, cette tendance se poursuivra. En outre, il est probable qu’elle s’étendra à d’autres services de même nature et incitera potentiellement d’autres fournisseurs de services à profiter des possibilités d’arbitrage dans les zones où les tarifs de raccordement d’appels interurbains sont élevés.
  9. Par conséquent, le Conseil conclut qu’une intervention réglementaire est nécessaire pour réduire les activités de stimulation du trafic liées aux numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel.

Le tarif d’Iristel pour le raccordement d’appels interurbains dans l’IR 867 devrait-il être révisé?

Positions des parties
TCI
  1. TCI a indiqué que le tarif d’Iristel de 0,038 $ par minute pour le raccordement d’appels interurbains dans le Nord est considérablement plus élevé que les coûts d’Iristel pour le raccordement de ces appels, ce qui l’incite à se livrer à des activités de stimulation du trafic, et qu’en réduisant ces tarifs au coût différentiel réel (plus la majoration normale pour les services d’interconnexion obligatoires), l’incitation aux activités de stimulation du trafic seraient éliminées. De plus, TCI a indiqué que le tarif actuel d’Iristel n’est ni juste ni raisonnable conformément au paragraphe 27(1) de la Loi, peu importe les conclusions du Conseil concernant les activités de stimulation du trafic.
  2. TCI a fait valoir que dans la politique réglementaire de télécom 2011-771, le Conseil a réaffirmé que le tarif des services d’accès aux entreprises « TSAE »Note de bas de page 12 de Norouestel, les frais qui s’appliquent à l’interconnexion des fournisseurs de services intercirconscriptions (FSI), doivent recouvrer les coûts de liaisons de raccordement interurbain par satellite. Dans cette décision, le Conseil a estimé qu’un TSAE de 0,038 $ par minute par extrémité (c-à-d. de départ et d’arrivée) était raisonnable pour Norouestel et a approuvé ce TSAE à compter du 1er janvier 2012. TCI a résumé comme suit l’établissement des coûts du TSAE de NorouestelNote de bas de page 13 :

    Raccordement interurbain (terrestre et par satellite) :  0,024 $

    Commutateur et égalité d’accès :                                   0,007 $

    Coût total :                                                                          0,031 $

    Majoration de 25 %
    (excluant la portion égalité d’accès) :                             0,007 $

    TSAE total :                                                                       0,038 $

  3. TCI a fait remarquer que lorsqu’Iristel, en tant qu’entreprise de services locaux concurrente (ESLC), a ajouté un tarif pour le raccordement d’appels interurbains dans le Nord dans son avis de modification tarifaire 11, faisant référence à l’article tarifaire du TSAE groupé de Norouestel.
  4. TCI a fait valoir que le TSAE groupé de Norouestel ne peut pas s’appliquer directement aux tarifs des ESLC, car il s’agit d’un tarif spécial établi dans le but précis d’appuyer Norouestel dans la prestation de services à ses clients. TCI a ajouté qu’il s’agit d’un tarif pondéré fondé sur l’hypothèse selon laquelle une certaine proportion d’appels interurbains serait destinée à des régions éloignées desservies par des liaisons de raccordement interurbain terrestres ou par satellite et le reste des appels seraient destinés à des régions moins coûteuses comme Whitehorse et Yellowknife. D’après TCI, le TSAE groupé serait seulement valide en tant que tarif d’ESLC si l’ESLC en question raccordait la même proportion d’appels vers des clients de régions éloignées que Norouestel.
  5. TCI a fait valoir que même si une ESLC fournit des services dans une circonscription éloignée desservie par Norouestel au moyen de liaisons de raccordement interurbain terrestres ou par satellite, l’ESLC pourrait ne pas engager des coûts de transport pour tous les appels associés à cette circonscription. TCI a fait remarquer, en particulier, que les services téléphoniques de détail offerts par Iristel sont des services de communication vocale par protocole Internet indépendants de l’accès, avec lesquels les clients d’Iristel peuvent se connecter au réseau d’Iristel par l’intermédiaire de leur propre accès Internet. Pour des appels vers ces clients, Iristel n’engage aucun coût lié au transport terrestre ou par satellite parce que ces clients payent des services d’accès Internet dans la circonscription éloignée. TCI a précisé que pour acheminer un appel vers un tel client, Iristel n’a qu’à acheminer l’appel au moyen d’une connexion Internet depuis un endroit pratique et n’engagerait aucun coût lié au transport vers la circonscription éloignée.
  6. TCI a indiqué que, de la même façon, une ESLC pourrait accepter d’acheminer tous les appels d’un client (y compris les appels vers des endroits desservis par satellite ou vers d’autres circonscriptions éloignées) vers un seul endroit, ce qui pourrait être le cas si le client maintient un réseau privé pour joindre tous ses emplacements. Dans ce cas, l’ESLC n’engagerait pas de coûts liés au transport par satellite pour le raccordement d’un appel vers les endroits desservis par satellite du client.
  7. TCI a fait valoir que le coût réel d’Iristel pour le raccordement d’appels interurbains dans le Nord est nettement inférieur à son tarif de 0,038 $ par minute, même pour une connexion au commutateur d’Iristel à Toronto. Pour démontrer cette affirmation, TCI a comparé i) les taux négociés entre Iristel et elle (comparaisons 1 et 2, déposées à titre confidentiel); et ii) les tarifs actuels ou leurs coûts sous-jacents (comparaisons 3 et 4, qui allaient de 0,0166 $ à 0,00088 $)Note de bas de page 14.
RCCI
  1. RCCI a fait valoir que le TSAE groupé de Norouestel ne devrait pas être utilisé comme substitut pour les coûts d’Iristel, parce que les réseaux des entreprises dans le Nord sont très différents. RCCI a fait remarquer que même un examen rapide du réseau d’Iristel dans le Nord permet de constater que celui-ci ne ressemble pas du tout au réseau de Norouestel. RCCI a ajouté que d’après le Guide d’acheminement des circonscriptions locales, le réseau d’Iristel n’a pas un seul commutateur dans le Nord et utilise ses commutateurs à Toronto pour acheminer le trafic dans le Nord.
  2. Selon RCCI, le coût réel d’un raccordement direct au commutateur d’Iristel pour le trafic destiné au Nord devrait s’élever à seulement 0,007 $ par minute, ou à environ 0,008 $ par minute à la suite d’une majoration de 25 %, et pas au coût total de 0,038 $ par minute.
Iristel
  1. Iristel a indiqué que le Conseil devait déterminer si les tarifs pour l’interconnexion des FSI dans le Nord étaient appropriés lors de l’instance ayant mené à la décision de télécom 2017-456. Iristel a déclaré que dans cette instance, RCCI a affirmé, de la même manière que le fait TCI dans la présente instance, que le tarif d’Iristel n’était pas juste et raisonnable, puisqu’Iristel n’engageait pas des coûts comparables à ceux engagés par Norouestel.
  2. Iristel a fait valoir qu’elle a réfuté entièrement cet argument en discutant en détail de ses coûts d’exploitation dans le Nord. Plus précisément, Iristel a fait référence à sa réplique à la demande de RCCI dans l’instance ayant mené à la décision de télécom 2017-456 que :
    • les tarifs de services de raccordement locaux tarifés comprennent les coûts qu’Iristel doit engager dans le territoire de desserte de Norouestel afin qu’Iristel puisse se permettre de fournir des services de détail dans ce territoire;
    • le réseau d’Iristel dépend principalement sur le service de raccordement de gros de Norouestel;
    • les autres coûts d’exploitation d’Iristel dans le territoire de desserte de Norouestel sont également très élevés, en raison du terrain accidenté, des conditions météorologiques extrêmes, des longues distances et du fait que ce territoire est peu peuplé.
  3. Iristel a indiqué que les coûts d’exploitation dans le Nord sont si élevés qu’aucune entreprise interconnectée avec elle n’a établi des points de présence locaux dans le Nord, qui permettraient la transmission du trafic selon le régime de facturation-conservation établi pour l’interconnexion localeNote de bas de page 15, évitant ainsi la nécessité de payer des frais de raccordement d’appels interurbains négociés commercialement.
  4. Iristel a indiqué qu’elle a utilisé le tarif de Norouestel comme substitut pour son propre tarif d’ESLC dans le Nord, conformément à la politique de longue date du Conseil établie dans la décision de télécom 97-8. Iristel a soutenu qu’il y a de bonnes raisons politiques pour lesquelles le Conseil a choisi de permettre aux ESLC d’utiliser les tarifs des entreprises de services locaux titulaires (ESLT) comme substituts, malgré le fait qu’il peut y avoir des différences dans les coûts exacts engagés par les ESLC et les ESLT. Iristel a ajouté qu’exiger de chaque ESLC à déposer ses propres tarifs appuyés par des études de coûts pour le territoire de chaque ESLT dans lequel elle souhaite offrir l’interconnexion des FSI serait un engagement réglementaire énorme qui aurait retardé la mise en place de la concurrence locale pendant des années. Iristel a précisé qu’une telle analyse dépasse les capacités de la plupart des ESLC et que les ressources en matière d’établissement des coûts sont extrêmement rares dans l’industrie des télécommunications. Néanmoins, Iristel a indiqué que sa structure de coûts dans le Nord est élevée et que l’utilisation du tarif de Norouestel comme substitut est donc raisonnable.
  5. Iristel a fait valoir que si le Conseil lui ordonne de déposer une demande tarifaire en vue de l’établissement d’un tarif pour le raccordement d’appels interurbains pour ses clients dans le Nord, cela pourrait ouvrir la barrière réglementaire pour que les ESLT demandent que les ESLC déposent des études de coûts chaque fois qu’elles détectent une légère différence entre leurs structures de coûts respectives. Un tel résultat ne serait pas une mesure réglementaire efficace et proportionnelle exigée par le sous-alinéa 1a)(ii) des Instructions de 2006Note de bas de page 16.
  6. Iristel a également fait valoir que si le Conseil ne tranchait qu’en la défaveur d’Iristel seulement, il renverserait une politique qui existe depuis la publication de la décision de télécom 97-8. Iristel a  argué que si le Conseil doutait des coûts d’exploitation dans le Nord, une mesure réglementaire bien plus efficace et proportionnelle serait d’exiger de Norouestel de déposer une nouvelle étude de coûts et de permettre à Iristel de continuer d’utiliser tout coût découlant de cette étude de coûts comme substitut pour son propre tarif.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Dans la section précédente de la présente décision, le Conseil a conclu que son intervention est nécessaire pour réduire les activités de stimulation du trafic liées aux numéros de téléphone de l’IR 867. Le Conseil estime que l’incitation à la stimulation du trafic est le tarif de raccordement intercirconscription d’Iristel de 0,038 $ par minute par extrémité (c-à-d. de départ et d’arrivée) pour les appels vers l’IR 867, ce qui offre une grande possibilité d’arbitrage. Si l’incitatif n’est pas éliminé ou considérablement réduit, il est probable que la stimulation de trafic se poursuive et se développe pour attirer d’autres services de la même nature et impliquant possiblement d’autres fournisseurs de services au comportement semblable.
  2. Dans la décision de télécom 97-8, lorsque le Conseil a autorisé une ESLC à se servir un tarif de raccordement d’appels interurbains d’une ESLT comme substitut, la concurrence locale n’était pas encore envisagée dans le territoire de desserte de Norouestel. Il a fallu attendre la politique réglementaire de télécom 2011-771 pour que le Conseil autorise une telle concurrence locale et établisse pour Norouestel un tarif de raccordement d’appels interurbains utilisant le TSAE groupé de 0,038 $ par minute par extrémité (c-à-d. de départ et d’arrivée).
  3. Le Conseil fait remarquer qu’Iristel n’a pas fourni d’éléments de preuve indiquant qu’elle dessert l’ensemble du territoire de desserte de Norouestel ou fournit un service comparable à celui de Norouestel. Compte tenu de la nature et de la croissance anormale du volume de trafic qui a émergé relativement aux numéros de téléphone d’Iristel de l’IR 867, le Conseil estime que le tarif actuel de raccordement intercirconscription d’Iristel de 0,038 $ par minute par extrémité (c-à-d. de départ et d’arrivée) n’est pas juste et raisonnable, non seulement parce qu’il surcompense clairement Iristel, mais également parce qu’il s’agit d’un incitatif à participer à la stimulation du trafic à ces numéros. Par conséquent, il est approprié et justifié à ce stade d’établir un différent tarif de raccordement d’appels interurbains pour Iristel dans l’IR 867. Si Iristel souhaite déposer un avis de modification tarifaire proposant un autre tarif, elle peut le faire en l’accompagnant d’une étude de coûts justifiant l’autre tarif.
  4. Bien qu’Iristel n’ait pas fourni de détails concernant précisément ce que pourrait constituer un nouveau tarif de raccordement d’appels interurbains juste et raisonnable, la question a été soulevée dans la demande de TCI, et Iristel avait donc l’occasion de le faire.
  5. Afin de déterminer ce que devrait être un tarif de raccordement d’appels interurbains juste et raisonnable pour Iristel dans le Nord, le Conseil a tenu compte des comparaisons de tarifs fournies par TCI. Selon le Conseil, aucun des tarifs dans ces comparaisons ne serait approprié, pour un certain nombre de raisons, notamment le fait de devoir se fonder sur des renseignements confidentiels et des hypothèses ou des implications qui rendent ces tarifs spécifiques inadaptés à la situation actuelle.
  6. Le Conseil estime que le TSAE groupé de Norouestel est un point de départ approprié pour établir un nouveau tarif de raccordement d’appels interurbains pour Iristel dans le Nord parce qu’Iristel et Norouestel ont toutes les deux une présence dans le Nord.
  7. Comme il est indiqué dans la demande de TCI, le TSAE de Norouestel de 0,038 $ par minute est composé de deux composantes, c’est-à-dire 0,007 $ et 0,024 $, plus une majoration de 25 %. La composante de 0,007 $ est composée de coûts de commutation et de groupement et d’égalité d’accèsNote de bas de page 17. Le Conseil estime qu’Iristel devrait avoir le droit de récupérer cette composante.
  8. La composante de 0,024 $ comprend le tarif de raccordement interurbain terrestre et par satellite. Le Conseil estime qu’Iristel n’a pas droit au montant total de cette composante, car elle ne dessert pas le Nord dans la même mesure que Norouestel. Norouestel dessert approximativement 36 collectivités éloignées par satellite et 60 collectivités éloignées au moyen d’installations terrestres, tandis qu’Iristel dessert seulement certaines de ces collectivités en utilisant ses propres installations.
  9. Par conséquent, le Conseil détermine que le tarif de raccordement d’appels interurbains d’Iristel doit être ajusté à 0,0098125 $ par minute par extrémité (c-à-d. de départ et d’arrivée). Cela représente i) les coûts de commutation et groupement et d’égalité d’accès de 0,007 $ par minute; ii) une partie des coûts de raccordement interurbain terrestre et par satellite qui est proportionnelle au nombre de collectivités qu’Iristel dessert actuellement; et iii) une majoration de 25 %, sauf pour les coûts d’égalité d’accès. Le Conseil estime que ce tarif est juste et raisonnable selon les renseignements fournis par Iristel au sujet des collectivités qu’elle dessert.
  10. Le Conseil détermine que le tarif révisé de raccordement d’appels interurbains d’Iristel s’appliquera à tout le trafic destiné aux numéros de téléphone d’Iristel de l’IR 867, qu’il soit raccordé dans l’IR 867 ou qu’il transite par celle-ci et soit raccordé à l’extérieur de celle-ci. Pour le trafic destiné aux clients de Norouestel ou d’autres FST et dont le raccordement est effectué dans l’IR 867, le tarif de 0,038 $ par minute par extrémité (c-à-d. de départ et d’arrivée) s’appliquera.
  11. En outre, le Conseil détermine que le nouveau tarif de raccordement d’appels interurbains d’Iristel sera provisoire pendant une période de 90 jours à compter de la date de la présente décision. Si Iristel ne dépose par un avis de modification tarifaire appuyé par une étude de coûts conforme avec les renseignements qui doivent être fournis pour appuyer les demandes de tarif de service de gros d’ici le 16 novembre 2020, le tarif de 0,0098125 $ par minute par extrémité (c-à-d. de départ et d’arrivée) sera définitif et rétroactif au 23 novembre 2018, date à laquelle le tarif actuel de 0,038 $ par minute a été rendu provisoire après la publication de la décision de télécom 2018-432.
  12. L’établissement d’un tarif de raccordement d’appels interurbains propre à Iristel dans le territoire de desserte de Norouestel représente un écart par rapport à l’approche habituelle du Conseil concernant l’établissement de tarif pour les ESLC. Cependant, le Conseil estime que sa conclusion est justifiée compte tenu des circonstances précises soulignées dans la présente instance : la tendance en matière d’acheminement inefficace, la croissance anormale du trafic et la nature du marché qui s’est développé et qui continue de se développer dans le Nord. De plus, le Conseil fait remarquer que bien que les ESLC aient été autorisées à faire référence aux tarifs des ESLT, sa politique dans la décision de télécom 97-8 a toujours été qu’une ESLC peut avoir un tarif distinct de celui d’une ESLT à condition qu’il soit justifié.

Une autre instance devrait-elle être amorcée pour examiner de nouvelles activités potentielles de stimulation du trafic liées aux numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel?

Résultats de l’analyse du Conseil
  1. En ce qui concerne la requête de TCI d’amorcer une autre instance publique pour examiner les activités de stimulation du trafic liées aux numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel, le Conseil estime qu’il possède les renseignements requis pour rendre une conclusion quant à la demande de TCI dans le cadre de la présente instance.
  2. En outre, le Conseil a l’intention, comme il est indiqué dans le document Prévisions du CRTC pour 2020-2021, d’entreprendre un examen des services filaires de gros et de l’interconnexion, au cours duquel la question plus vaste des mesures incitatives liées à les activités de stimulation du trafic pourrait être abordée, au besoin. Le Conseil estime donc qu’il n’est pas nécessaire pour le moment d’amorcer une autre instance.

Quelle décision le Conseil devrait rendre relativement à la demande de redressement définitif d’Iristel?

Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que, comme TCI s’est conformée aux directives énoncées dans la décision de télécom 2018-432 concernant la demande de redressement provisoire d’Iristel et a rétabli tous les circuits utilisés pour acheminer le trafic aux numéros de téléphone d’Iristel de l’IR 867 à leur état avant le 29 mai 2018, la question du redressement définitif pour Iristel est sans objet et aucune autre mesure n’est requise.
  2. Le Conseil rappelle aux FST qu’il s’attend à ce qu’ils travaillent ensemble pour résoudre les différends entre eux, notamment au moyen du processus informel de règlement des différends du Conseil, au besoin, plutôt que de prendre des mesures unilatérales qui contreviennent à la Loi ou aux politiques du Conseil.

Le comportement de TCI ou d’Iristel a-t-il contrevenu à la Loi et, dans l’affirmative, quelles mesures le Conseil devrait-il prendre?

Cadre réglementaire applicable
  1. Le paragraphe 27(2) de la Loi interdit aux entreprises canadiennes d’établir une discrimination injuste ou d’accorder — y compris envers elles-mêmes — une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature à quelconque personne.
  2. L’article 36 de la Loi prévoit que, sauf avec l’approbation du Conseil, il est interdit aux entreprises canadiennes de régir le contenu ou d’influencer le sens ou l’objet des télécommunications qu’elles acheminent pour le public.
  3. L’article 72.001 de la Loi crée un cadre dans lequel les personnes s’exposent à des SAP lorsqu’elles contreviennent à la Loi, à des règlements ou aux conclusions prises par le Conseil sous le régime de la Loi. Dans la décision de télécom 2018-432, le Conseil a avisé Iristel et TCI qu’il envisagerait d’utiliser ces pouvoirs au besoin pour promouvoir la conformité.
  4. Le Conseil intervient en cas de non-conformité en utilisant l’outil le plus approprié disponible. Les SAP constituent un outil dont le Conseil peut se servir pour promouvoir la conformité à la Loi, ou à ses règlements et conclusions. Comme il est indiqué dans le bulletin d’information de télécom de Conformité et Enquêtes 2015-111, les SAP ne visent pas à punir et sont utilisées si elles s’avèrent l’outil indiqué pour faire respecter les exigences réglementaires et décourager toute future situation de non-conformité.

TCI a-t-elle contrevenu à la Loi?

Positions des parties
Iristel
  1. Iristel a signalé que TCI a réduit intentionnellement la capacité de certains circuits de transfert interurbain qui acheminent le trafic de TCI aux numéros d’Iristel, ce qui a causé une énorme congestion qui a eu pour conséquence que la majorité des appels des utilisateurs finals de TCI à certains utilisateurs finals d’Iristel de l’IR 867 échouaient.
  2. Selon Iristel, le comportement de TCI consistant à bloquer les appels à ces numéros était un abus de sa position dominante et une violation du paragraphe 27(2) et de l’article 36 de la Loi et, par conséquent, le Conseil devrait imposer une SAP à TCI pour signaler son désaccord à l’égard de son comportement et pour décourager les autres FST d’utiliser des tactiques semblables.
  3. En ce qui concerne le paragraphe 27(2) de la Loi, Iristel a fait valoir que TCI fait indûment preuve de discrimination envers Iristel, ses clients et les utilisateurs finals de TCI en se servant de sa position dominante pour empêcher l’aboutissement des appels aux numéros de l’IR 867 d’Iristel sans crainte de représailles sur le marché. Iristel a fait remarquer que TCI ne bloque pas le trafic aux numéros de l’IR 867 qui n’appartiennent pas à Iristel.
  4. En ce qui concerne l’article 36 de la Loi, Iristel a indiqué que ce dernier interdit à une entreprise de régir le contenu ou d’influencer le sens ou l’objet des télécommunications qu’elle achemine pour le public. Elle a argué qu’en bloquant les appels, TCI fait réellement perdre toute signification au contenu de ces appels et, par conséquent, va à l’encontre de l’article 36. Iristel a fait remarquer que dans la politique réglementaire de télécom 2009-657, le Conseil a analysé la portée de l’article 36 et a conclu que si des pratiques de gestion du trafic Internet donnaient lieu au blocage pur et simple de la livraison du contenu à un utilisateur final sans l’approbation préalable du Conseil, elles seraient interdites conformément à cet article de la Loi. Iristel a fait valoir que même si l’objet de sa demande portait sur les appels vocaux, plutôt que sur le trafic Internet, l’application du principe est la même dans les deux cas.
CDIP
  1. Le CDIP était d’accord avec Iristel quant au fait que la limitation de la capacité des consommateurs d’appeler aux numéros sur le territoire de desserte d’Iristel représente un exercice de contrôle du contenu des communications contraire à l’article 36 de la Loi, qui exige le consentement préalable du Conseil.
  2. Le CDIP a ajouté que TCI a l’obligation contractuelle de connecter sans frais les appels des clients ayant des forfaits d’appels illimités au Canada à tous les numéros au Canada, y compris ceux sur le territoire de desserte d’Iristel. Le CDIP a fait remarquer que TCI n’a pas modifié ses modalités de service pour autoriser le ralentissement artificiel du trafic sur le territoire d’Iristel. Le CDIP a indiqué que TCI est limitée par les lois fédérales et provinciales quant à la façon dont elle peut modifier les modalités des ententes de services sans fil, si elle souhaite le faire, et au moment où elle peut le faire. En outre, conformément au Code sur les services sans fil du Conseil, les appels au Canada font partie des services inclus dans le contrat et, par conséquent, ne peuvent pas être modifiés sans le consentement éclairé et exprès des clients.
TCI
  1. TCI a fait valoir que les mesures de contrôle du trafic étaient justifiées, étant donné le renouvellement des activités de stimulation du trafic et les coûts connexes qui seraient engendrés si elle éliminait ces mesures.
  2. TCI a ajouté qu’Iristel n’a pas fourni d’explication quant à la nature de la discrimination alléguée à l’égard de ses propres clients, et qu’en l’absence d’une explication à laquelle TCI pourrait répondre, il faut faire fi de l’argument d’Iristel par souci d’équité procédurale. TCI a affirmé avoir traité tous ses clients équitablement et a ajouté qu’aucun de ses clients n’a allégué de discrimination de sa part.
  3. TCI a fait valoir qu’il serait absurde d’interpréter le paragraphe 27(2) de la Loi comme exigeant à une entreprise qu’elle facilite la violation du paragraphe 27(2) par une autre entreprise, ce qui est précisément ce que demande Iristel au Conseil en cherchant à empêcher TCI de prendre des mesures pour répondre aux activités de stimulation illégale du trafic.
  4. TCI a fait valoir que le fait de contrôler le trafic d’interconnexion et de gérer la capacité d’interconnexion est conforme aux règles pour l’interconnexion vocale ainsi qu’aux précédents réglementaires en ce qui concerne la gestion du préjudice causé par les activités de stimulation du trafic. TCI a ajouté que cela est particulièrement vrai pour les entreprises de services intercirconscriptions (ESI)Note de bas de page 18, au titre desquelles TCI achète des services de gros d’Iristel.
  5. TCI a indiqué i) que l’industrie des services interurbains est très concurrentielle; ii) que les ESI ont toujours été autorisées à équilibrer leurs coûts d’interconnexion avec la qualité du service qui les place dans la meilleure position possible pour livrer concurrence; et iii) qu’aucune exigence réglementaire n’oblige les ESI à atteindre un niveau de service donné, puisque les consommateurs décideront quel niveau de service ils jugent satisfaisant, en tenant compte des prix. En somme, le libre jeu du marché a rendu inutile l’examen par le Conseil des réseaux et des interconnexions des ESI. Selon TCI, s’il y avait eu de telles exigences pour les ESI, celles-ci n’auraient peut-être pas eu la liberté de faire l’expérience de développements qui ont permis d’accroître la concurrence et de réduire les prix pour les consommateurs. TCI a ajouté dans la décision de télécom 2017-456, que le Conseil s’était appuyé sur l’abstention de réglementation sur le marché des services interurbains pour justifier le fait de ne pas ordonner à Iristel de rembourser les ESI, malgré le fait qu’il ait conclu qu’Iristel violait la Loi.
  6. TCI a argué que la capacité d’une ESI de gérer ses capacités d’interconnexion au réseau est essentielle pour la concurrence et les avantages aux consommateurs qu’elle apporte. TCI a fait valoir que ses actions étaient par conséquent en conformité avec les droits d’une ESI dans des conditions de réseau normales, sans trafic stimulé artificiellement. Elle a soutenu qu’il est important que ces droits ne soient pas compromis, et que cela est encore plus important dans le cas d’un trafic stimulé artificiellement.
  7. TCI a fait valoir que les mesures de contrôle du trafic qu’elle a prises en réponse au plus récent cycle de stimulation du trafic vers les numéros d’Iristel de l’IR 867 étaient conformes à la pratique consistant à bloquer des indicatifs de pays, laquelle, selon elle, a été acceptée par le Conseil comme solution au problème de détournement de modems dans la décision de télécom 2005-13Note de bas de page 19. Tant dans le cas du détournement de modems que dans le cas présent de stimulation du trafic :
    • le trafic est stimulé artificiellement vers des zones ayant des tarifs de raccordement d’appels élevés au détriment des consommateurs et des fournisseurs de services;
    • le trafic vers la destination du trafic stimulé est contrôlé comme moyen d’atténuer le préjudice jusqu’à ce que le problème sous-jacent soit résolu;
    • les consommateurs sont temporairement incommodés, mais rien ne les empêche de passer des appels.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Dans la décision de télécom 97-19, le Conseil s’est abstenu de réglementer les services interurbains fournis par certaines compagnies de téléphone, mais a conservé certains de ses pouvoirs en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi, comme il était prescrit relativement aux entreprises non dominantes dans la décision de télécom 95-19, pour faire en sorte que l’accès continu aux services interurbains et services interurbains sans frais des compagnies de téléphone titulaires reste disponible sans discrimination pour fins de revente et de partage.
  2. Selon l’approche générale du Conseil à l’égard des allégations de discrimination injuste ou de préférence indue à l’encontre d’une entreprise, la partie qui avance les allégations doit d’abord établir la discrimination ou la préférence. Une fois que cela est fait, la responsabilité repose alors sur l’entreprise visée pour établir qu’il ne s’agit pas d’une discrimination ou préférence injuste ou indue, comme l’exige le paragraphe 27(4) de la Loi.
  3. Dans la décision de télécom 2018-432, en rendant ses conclusions concernant les demandes de redressement provisoire, le Conseil a fait remarquer que les éléments de preuve selon lesquels TCI a réduit la capacité de certains circuits utilisés pour transporter le trafic vers les numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel n’étaient pas contestés.
  4. Le Conseil estime qu’en réduisant la capacité de certains circuits interurbains, TCI a agi de façon discriminatoire à l’égard d’Iristel, des clients d’Iristel et de ses propres clients. En raison des actions de TCI, certains des clients de TCI qui ont passé des appels à l’IR 867 ont été en mesure de passer avec succès des appels, alors que d’autres ne le pouvaient pas, et certains des clients d’Iristel ont été en mesure de recevoir des appels des clients de TCI, alors que d’autres ne le pouvaient pas.
  5. En ce qui concerne l’argument de TCI selon lequel ses mesures de contrôle du trafic étaient conformes aux pratiques de blocage liées au détournement de modems, le Conseil estime que les deux types de cas ne sont pas pareils. Dans le cas du détournement de modems, des appels ont été passés de façon illégale à partir des téléphones des clients, alors que dans le cas des mesures de contrôle du trafic de TCI, les clients passaient des appels légitimes aux numéros de téléphone de l’IR 867.
  6. Le Conseil estime que les actions de TCI visant à réduire la capacité de certains circuits interurbains étaient injustes. Bien que les appels au 9-1-1 n’aient pas été touchés, les appels interurbains d’urgence, les appels personnels, à la famille et les appels liés au travail auraient pu être touchés, d’autant plus que les citoyens du Nord dépendent de services provenant d’ailleurs au Canada. Le fait qu’une entreprise s’inquiète de ce qu’un client de gros n’utilise pas le service comme il est établi dans le tarif ou viole autrement une disposition du Conseil ne lui donne pas le droit d’influer sur le trafic de ses clients. Le tarif contient des dispositions pour l’annulation d’une entente ou le débranchement d’un service, et il y a des avenues possibles pour obtenir une directive du Conseil pour que cesse l’activité contrevenante. Il n’appartient pas à TCI de prendre les choses en main. Si cela était permis, cela pourrait facilement être fait de manière anticoncurrentielle par des entreprises qui ont seulement des tarifs en place parce qu’elles ont un pouvoir de marché. Par conséquent, TCI ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir qu’une telle discrimination n’était pas injuste ou indue, comme l’exige le paragraphe 27(4) de la Loi. Le Conseil conclut donc que TCI a exercé une discrimination injuste à l’égard d’Iristel, des clients d’Iristel et de ses propres clients, en violation au paragraphe 27(2) de la Loi.
  7. Compte tenu des conclusions ci-dessus concernant une violation du paragraphe 27(2) de la Loi, le Conseil peut dans le présent cas aborder le comportement de TCI sans étudier l’article 36.

Iristel a-t-elle contrevenu à la Loi?

Positions des parties
  1. RCCI a indiqué que si le Conseil conclut qu’Iristel se livre à des activités de stimulation du trafic en violation des déterminations du Conseil dans la décision de télécom 2017-456 ou du paragraphe 27(2) de la Loi, ou si le Conseil détermine qu’Iristel a tenté de dissimuler ses activités de stimulation du trafic, des circonstances existent qui devraient donner lieu à l’imposition d’une importante SAP à l’encontre d’Iristel.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Comme l’a affirmé le Conseil dans la décision de télécom 2017-456, compte tenu du paragraphe 27(2) de la Loi et de certains objectifs stratégiques énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7c) et 7h) de la LoiNote de bas de page 20, il souhaite s’assurer que le trafic est bien acheminé et que les règlements du Conseil ne sont pas utilisés à des fins d’arbitrage, en violation de la Loi.
  2. Le Conseil estime, malgré l’absence d’éléments de preuve concernant des ententes de partage des revenus au dossier de la présente instance, que les appels des clients de TCI destinés à la diffusion en continu d’émissions de radio ou à d’autres services situés aux États-Unis ou ailleurs sont acheminés au moyen de l’IR 867. Cet acheminement inefficace du trafic dans le régime d’interconnexion des réseaux interurbains faisant l’objet d’une abstention de réglementation n’est pas conforme aux objectifs stratégiques mentionnés ci-dessus.
  3. Comme l’a affirmé le Conseil dans la décision de télécom 2017-456, la stimulation du trafic peut être acceptable; toutefois, selon les circonstances, elle peut plutôt accorder à certaines parties une préférence indue et faire subir à d’autres un désavantage indu ou déraisonnable correspondant, en violation du paragraphe 27(2) de la Loi. En ce qui concerne l’argument d’Iristel selon lequel il n’y avait rien de mal à ce qu’un utilisateur final choisisse d’avoir un numéro de téléphone de l’IR 867 d’Iristel, le Conseil fait remarquer qu’en autorisant l’utilisation de numéros de téléphone de l’IR 867 par des clients se trouvant à des endroits éloignés, Iristel fait augmenter les coûts de connexion des autres entreprises et leur cause un préjudice économique, et, en agissant de la sorte, génère des revenus supplémentaires pour elle-même grâce aux frais de raccordement d’appels interurbains qui en résultent. Selon le Conseil, Iristel s’accorde ainsi un avantage et faire subir aux ESI un désavantage déraisonnable correspondant. Ainsi, le Conseil estime qu’Iristel n’a pas fourni de justification pour s’acquitter de son fardeau d’établir qu’un tel avantage n’était pas indu, comme l’exige le paragraphe 27(4) de la Loi. Par conséquent, il conclut qu’Iristel s’accorde encore une fois un avantage indu, en violation du paragraphe 27(2) de la Loi.

Conclusion

  1. À la suite des violations du paragraphe 27(2) de la Loi par TCI et Iristel, le Conseil amorce une instance de suivi, dans l’avis de consultation de télécom 2020-269, afin d’examiner la pertinence d’imposer des SAP aux deux entreprises.

Instructions

  1. Pour tirer les conclusions de la présente décision, le Conseil a tenu compte des Instructions de 2006 et des Instructions de 2019Note de bas de page 21.
  2. Les Instructions de 2006 exigent que le Conseil s’appuie sur le libre jeu du marché dans toute la mesure du possible et qu’il réglemente, là où il est encore nécessaire de le faire, de façon à ne faire obstacle au libre jeu du marché que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs stratégiques de la Loi, et elles exigent également qu’il précise, lorsqu’il a recours à des mesures réglementaires, l’objectif que ces mesures visent. Le Conseil estime que les conclusions qu’il a tirées dans la présente décision favorisent la réalisation des objectifs stratégiques énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7c), 7f) et 7h) de la LoiNote de bas de page 22.
  3. En ce qui concerne les mesures réglementaires de nature sociale ou non économique, les Instructions de 2006 exigent que le Conseil, dans la mesure du possible, mette en œuvre les mesures de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence. Conformément au sous-alinéa 1b)(ii) des Instructions de 2006, le Conseil estime que les mesures énoncées dans la présente décision ne décourageront pas un accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement, ni n’encourageront un accès au marché qui est non efficace économiquement.
  4. Les Instructions de 2019 précisent que dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil devrait examiner comment ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation.
  5. Conformément au sous-alinéa 1a)(iii) des Instructions de 2019, le Conseil estime que la mesure réglementaire établie ci-dessus, à savoir l’établissement d’un tarif provisoire de raccordement d’appels interurbains pour Iristel, fait en sorte qu’un accès abordable à des services de télécommunication de haute qualité soit disponible dans toutes les régions du Canada et favorise l’atteinte des objectifs stratégiques mentionnés ci-dessus, et en outre, qu’un système de télécommunication ordonné qui permet d’acheminer tous les appels de manière efficace est dans l’intérêt public.

Secrétaire général

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