ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2003-26

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Décision de télécom CRTC 2003-26

  Ottawa, le 28 avril 2003
 

Demande présentée par Microcell concernant les présumées infractions de Rogers Wireless et de Bell Mobilité au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications

  Référence : 8622-M16-01/02
  Dans la présente décision, le Conseil rejette la demande présentée par Microcell Telecommunications Inc. (Microcell), en son nom et pour le compte de ses affiliées, dont Microcell Solutions Inc. (collectivement, Microcell) afin que le Conseil ordonne à Rogers Wireless Inc. et à Bell Mobilité Inc. de cesser de se livrer à des pratiques spécifiques dans le marché du sans-fil, pratiques qui, selon Microcell, allaient à l'encontre du paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications.

1.

Le Conseil a reçu une demande présentée en vertu de la partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications par Microcell Telecommunications Inc. (Microcell) le 30 août 2002, en son nom et pour le compte de ses affiliées, dont Microcell Solutions Inc. (collectivement, Microcell; la requérante), dans laquelle Microcell alléguait que Rogers Wireless Inc. (RWI) et Bell Mobilité Inc. (Bell Mobilité) avaient contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (la Loi). Microcell soutenait que les promotions et les pratiques de vente et de commercialisation afférentes de RWI et de Bell Mobilité établissaient une discrimination injuste parce que ces offres ciblaient les abonnés à des services postpayés de Microcell.

2.

Le 12 septembre 2002, le Conseil a reçu des réponses de RWI et de Bell Mobilité ainsi que des observations de la part de TELUS Communications Inc. (TCI). Le 17 septembre 2002, il a reçu des observations en réplique de Microcell. Il a en outre reçu des observations supplémentaires de RWI le 20 septembre 2002 ainsi que de Microcell, le 24 septembre 2002 et le 11 novembre 2002.
 

La demande

3.

Microcell a fait valoir que le ou vers le 15 juillet 2002, RWI a lancé une promotion de nouveaux services sans fil qui s'adressait exclusivement aux clients déjà abonnés à des services postpayés de Microcell (l'offre de RWI).

4.

Microcell a déclaré que l'offre de RWI comprenait les éléments suivants :
 

- des produits et services téléphoniques sans fil mobiles à des tarifs considérablement inférieurs à ceux fixés par l'entreprise;

 

- des contrats à long terme (deux ans) empêchant l'abonné de retourner chez Microcell avant la fin du contrat.

5.

La requérante a également déclaré que RWI accordait des incitatifs supplémentaires, tels que des commissions de vente et des fonds promotionnels, à ses préposés et agents qui réussissaient à vendre l'offre de RWI à des abonnés de Microcell.

6.

Microcell a fait valoir que les activités de vente et de commercialisation auxquelles RWI se livrait pour promouvoir son offre allaient à l'encontre des pratiques commerciales habituelles. Microcell a déclaré qu'à titre d'activités du genre, RWI faisait du télémarketing directement auprès des abonnés de Microcell, en les appelant au numéro de leur sans-fil, et que RWI présentait l'offre de façon erronée et trompeuse.

7.

De plus, Microcell a déclaré que le ou vers le 28 juillet 2002, Bell Mobilité, à son tour, a lancé une promotion (l'offre de Bell Mobilité) qui visait à offrir des produits et services sans fil à des tarifs réduits exclusivement aux clients abonnés à des services postpayés de Microcell.

8.

Microcell a allégué que RWI et Bell Mobilité, du fait qu'elles destinaient leurs offres directement et exclusivement aux abonnés à des services postpayés de Microcell, ont établi une discrimination injuste à l'endroit de Microcell et se sont accordé une préférence indue.

9.

Microcell a fait remarquer que dans des décisions antérieures, le Conseil s'était déjà penché sur des allégations de discrimination injuste dans le contexte de l'établissement de prix ciblés et qu'il avait indiqué, en gros, ce qu'il considérerait inacceptable. Microcell a tout particulièrement fait référence à l'ordonnance Télécom CRTC 97-958, 11 juillet 1997, et à la décision Plans de commission aux établissements hôteliers, Décision Télécom CRTC 95-2, 3 février 1995.

10.

Microcell a soutenu que RWI et Bell Mobilité, de par leurs offres respectives, s'étaient livrées à des pratiques concurrentielles qui dépassaient les limites d'une saine rivalité dans le marché et que ces pratiques visaient à limiter, voire à éliminer la concurrence. La requérante a fait valoir que si personne ne mettait un terme à un tel comportement, la concurrence dans ce secteur risquait de diminuer ou de disparaître, et ce, au détriment de l'intérêt public.

11.

Microcell a fait remarquer que dans la décision Réglementation des services de télécommunication sans fil mobiles, Décision Télécom CRTC 96-14, 23 décembre 1996 (la décision 96-14), le Conseil a établi qu'il y avait suffisamment de concurrence dans le marché des services téléphoniques mobiles publics commutés pour qu'il s'abstienne d'exercer bon nombre de ses pouvoirs de réglementation dans ce marché. Néanmoins, Microcell a fait remarquer que le Conseil ne s'était pas abstenu de réglementer en vue d'empêcher toute discrimination injuste et toute préférence indue, pouvoirs que lui confère le paragraphe 27(2) de la Loi.

12.

Microcell a fait valoir qu'à la fin de 2001, le marché national des services sans fil se répartissait comme suit : Microcell, 11 %; RWI, 28 %; et les affiliées des entreprises de services locaux titulaires (ESLT), 61 %. Microcell a fait remarquer que durant les années 1999 et 2000, l'industrie a assisté à l'éclatement de Mobilité Canada, alliance des exploitants de services sans fil affiliés aux ESLT. Toutefois, Microcell soutenait qu'il fallait considérer les ESLT comme un seul groupe dans le marché du sans-fil parce que l'entente d'itinérance conclue en octobre 2001, entente qui a été prolongée et élargie, est encore en vigueur.

13.

Microcell a demandé au Conseil d'ordonner à RWI et à Bell Mobilité :
 

- de cesser de se livrer à leurs pratiques discriminatoires et de mettre immédiatement fin à leurs offres respectives ainsi qu'aux incitatifs supplémentaires liés à la vente de ces offres;

 

- de fournir au Conseil les détails relatifs aux mesures qu'elles ont prises pour cesser leurs activités contrevenant à la Loi et éviter qu'une telle situation ne se reproduise;

 

- de contacter les abonnés qu'elles ont soutirés à Microcell afin de les aviser que la durée minimale du contrat a été supprimée et qu'ils peuvent donc retourner chez Microcell en tout temps, sans pénalité;

 

- de remettre au Conseil la liste des clients contactés, le texte du message et les détails relatifs aux moyens de communication utilisés.

14.

La requérante réclamait également que le Conseil déclare :
 

- qu'à l'avenir, toute offre ciblée du genre, y compris tout incitatif supplémentaire de vente et de commercialisation associé à une telle offre, serait, de prime abord, considérée comme établissant une discrimination injuste et accordant une préférence indue;

 

- qu'il prendrait des mesures supplémentaires, s'il le jugeait utile, dont consentir à une poursuite en justice aux termes du paragraphe 73(5) de la Loi.

 

Réponse de RWI

15.

En ce qui a trait aux allégations de discrimination injuste avancées par Microcell concernant les tarifs de détail, RWI a soutenu qu'elles n'étaient pas fondées et que, par conséquent, le Conseil devrait rejeter la demande de Microcell et le redressement réclamé.

16.

RWI a fait valoir qu'étant donné que le Conseil avait décidé de s'abstenir de réglementer les tarifs de détail et de ne conserver que des pouvoirs limités aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi, lesquels pouvoirs visaient essentiellement les questions d'accès aux réseaux, aucune des allégations de Microcell ne relevait de la compétence du Conseil. En ce qui concerne le marché du sans-fil, RWI a fait valoir que les pouvoirs conservés par le Conseil aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi portaient essentiellement sur les questions d'accès aux réseaux et de revente et non pas sur les tarifs de détail et les dispositions contractuelles offertes aux clients de services de détail.

17.

RWI a soutenu que le marché des services sans fil constituait le segment le plus concurrentiel chez les entreprises au Canada et que ce marché se caractérisait par la vive concurrence à l'égard des prix, la couverture et les fonctionnalités. RWI a fait valoir que nul concurrent ne détenait une emprise sur le marché ni n'était en mesure de dicter les tarifs ou les dispositions contractuelles du marché. RWI a déclaré que ce marché comptait quatre concurrents, dont RWI qui détenait environ 28 % du marché national. Reconnaissant que de tous les concurrents Microcell était celui qui détenait la plus petite part du marché national, environ 11 %, RWI a précisé que les autres entreprises de services sans fil détenaient des parts de marché sensiblement comparables, TELUS Mobility accaparant 24 % du marché, Bell Mobilité et Aliant Mobility (les entreprises de services sans fil affiliées de BCE) accaparant 35 % du marché. RWI a également déclaré que le marché des services sans fil connaissait un taux de désabonnement fort élevé, lequel s'établissait autour de 24 % par année par entreprise. RWI a fait valoir que les clients surveillaient attentivement les prix et les fonctionnalités et qu'ils changeaient régulièrement de fournisseur.

18.

De plus, RWI a déclaré que toutes les entreprises de services sans fil du marché menaient des campagnes de reconquête et tentaient d'élargir leur clientèle en ciblant autant les abonnés des concurrents que les nouveaux clients.

19.

RWI a soutenu que les tarifs qu'elle offrait aux abonnés de Microcell n'étaient pas plus avantageux que ceux de Microcell. Selon RWI, son offre n'avait pas été unique ou exceptionnelle puisque RWI avait présenté la même offre à trois autres groupes de clients, à savoir les anciens abonnés de RWI désormais admissibles aux promotions de reconquête, les clients d'affaires admissibles aux forfaits Affaires dont « Forfait Partage » de RWI et les clients de Rogers Cable désirant acheter un téléphone cellulaire de RWI.

20.

RWI a déclaré que toutes les entreprises disposent de nombreux plans tarifaires pour offrir un large éventail de groupes de services destinés à plaire à des catégories de clients selon leur utilisation des communications sans fil. RWI a d'ailleurs déclaré que dans l'industrie du sans-fil, il arrive très souvent que les programmes de commercialisation ciblent à la fois une région et une catégorie de clients spécifique. RWI a également déclaré qu'il arrivait aussi très souvent qu'une campagne de commercialisation cible une ou plusieurs catégories de clients dans une ou plusieurs régions du pays sans pour autant s'adresser à l'ensemble du marché public.

21.

RWI a soutenu que son offre concernant les combinés n'était pas plus avantageuse que celle de Microcell envers ses propres clients ou que celle des autres entreprises de services sans fil envers leurs clients. RWI a déclaré que l'offre concernant le combiné en question s'adressait à tous ses nouveaux clients et pas seulement aux clients de Microcell.

22.

RWI a fait valoir que ses pratiques de vente et de commercialisation ne contrevenaient aucunement à la loi et aux règlements d'application. RWI a soutenu que dans le marché des services cellulaires et des services de communications personnelles (SCP), le Conseil avait permis que le libre jeu de la concurrence dicte le fonctionnement de bon nombre d'aspects importants du marché, si bien que le Conseil détient des pouvoirs beaucoup plus limités depuis que des ordonnances d'abstention en matière de réglementation ont été prises. Compte tenu de cette réalité, RWI soutenait que désormais, les questions liées aux tarifs de détail et à la plupart des modalités et conditions de service touchant le secteur de détail étaient assujetties à la Loi sur la concurrence.

23.

Selon RWI, Microcell cherchait un moyen de fuir la concurrence et sa demande visant à faire réglementer de nouveau le marché des services sans fil n'était pas fondée.
 

Réponse de Bell Mobilité

24.

Bell Mobilité a fait valoir que la demande de Microcell n'était pas fondée et qu'il y aurait lieu de la rejeter.

25.

Bell Mobilité a fait valoir que le ou vers le 26 juillet 2002, elle avait lancé sa propre offre en réponse aux demandes de renseignements des clients de Microcell, d'une part, et en réaction au lancement de l'offre de RWI, d'autre part. Bell Mobilité a indiqué ne pas avoir publicisé son offre. Par contre, elle avait autorisé les employés de ses centres d'appels et ses distributeurs de services de détail à présenter l'offre aux clients de Microcell qui étaient en mesure de prouver que leurs frais d'appels excédaient 40 $ par mois. Bell Mobilité a indiqué que son offre comprenait un rabais de 30 $ du manufacturier sur un combiné, la suppression des frais de raccordement de 35 $ et un processus simplifié permettant au client d'obtenir la remise du manufacturier. De plus, aux termes de l'offre de Bell Mobilité, le client de Microcell devait signer un contrat d'un an ou de deux ans.

26.

Bell Mobilité a fait valoir qu'elle avait lancé son offre pour faire concurrence à l'offre de RWI, offre qui ciblait exclusivement les clients de Microcell et que RWI et ses détaillants avaient grandement publicisée. Selon Bell Mobilité, elle aurait fait preuve d'insouciance si elle n'avait pas réagi dans les circonstances. Bell Mobilité a déclaré que sa position dans le marché aurait été largement menacée si les clients de Microcell s'étaient vu offrir la chance de changer de fournisseur de services sans que Bell Mobilité n'ait une offre équivalente à leur faire. Bell Mobilité a déclaré ne pas avoir eu le choix que d'intervenir sur le plan de la concurrence puisqu'elle faisait face à un grand concurrent qui venait de mener une vaste publicité concernant une promotion.

27.

Bell Mobilité a soutenu que dans un marché où le libre jeu s'exerce comme il se doit, les concurrents cherchent toujours à se soutirer leurs clients, si bien qu'il était faux et naïf de la part de Microcell de croire, si tel était le cas, que le paragraphe 27(2) de la Loi servait à bloquer les campagnes de commercialisation qui répondent aux réalités du marché. Bell Mobilité a soutenu que plus un marché devenait concurrentiel, plus les concurrents risquaient de réagir et d'offrir des services ciblés en fonction des intérêts des clients.

28.

En ce qui concerne l'allégation de Microcell selon laquelle Bell Mobilité a contrevenu au paragraphe 27(2) de la Loi en établissant une discrimination injuste envers Microcell, Bell Mobilité a fait valoir que l'allégation n'était pas fondée. Bell Mobilité a déclaré qu'il aurait fallu que Microcell prouve que Bell Mobilité avait établi une discrimination injuste envers Microcell dans le cas d'un service de télécommunication que Bell Mobilité offrait à Microcell. Bell Mobilité a fait valoir que dans le marché des services sans fil, où la concurrence est vive, aucun élément de l'offre de BellMobilité n'établissait une discrimination injuste à l'endroit de Microcell.

29.

Bell Mobilité a déclaré que l'intense rivalité existant entre les entreprises de services sans fil était typique du marché des services sans fil. Bell Mobilité a ajouté que le Conseil avait d'ailleurs reconnu que ce marché était concurrentiel dans les décisions qu'il a prises de s'abstenir de réglementer les services sans fil ainsi que dans d'autres décisions.

30.

Bell Mobilité a déclaré qu'il était propre à la dynamique d'un marché de concurrence que les entreprises conçoivent des offres adaptées à des segments de marché spécifiques et qu'il était tout à fait acceptable pour ces entreprises de miser sur les avantages de leurs produits par rapport à ceux d'un concurrent. Bell Mobilité a d'ailleurs soutenu que toutes les entreprises de services sans fil élaboraient des offres ciblées qui tantôt étaient limitées sur le plan de la durée, de la localité ou des fins d'utilisation par les abonnés, tantôt faisaient suite à des plaintes spécifiques provenant des clients. Bell Mobilité a fait valoir que son offre visait à réduire les coûts payés par les abonnés qui souhaitaient quitter Microcell en faveur de Bell Mobilité. La compagnie a également fait valoir que les incitatifs supplémentaires afférents à son offre avaient été raisonnables.

31.

Bell Mobilité a fait valoir que le Conseil ne devrait pas intervenir, au risque de créer un malencontreux précédent qui limiterait la concurrence parce qu'un concurrent n'était pas financièrement solide ou au risque d'être perçu comme celui qui tente de protéger un concurrent contre les forces du marché.

32.

Bell Mobilité a également fait valoir que Microcell avait mal caractérisé le degré de concurrence dans le marché. Bell Mobilité a déclaré que les utilisateurs de services sans fil au Canada avaient bénéficié de l'intense rivalité qui existait entre les entreprises concurrentielles. Bell Mobilité a fourni des données révélant qu'au quatrième trimestre de 2001, les entreprises de services sans fil affiliées de BCE détenaient 32,4 % du marché des services sans fil, tandis que RWI, TELUS Mobility et Microcell détenaient des parts respectives de 28 %, 24,1 % et 11,3 %.

33.

Selon Bell Mobilité, le fait que Microcell ait tenu à ce que Bell Mobilité et TELUS Mobility soient combinées en une seule catégorie d'affiliées des ESLT a donné un faux portrait de l'industrie. Bell Mobilité a déclaré qu'elle et TELUS Mobility livrent une vive concurrence partout où elles offrent des services, et ce, tant entre elles qu'avec les autres entreprises de services sans fil. Bell Mobilité a soutenu que l'entente de revente et d'itinérance liant Bell Mobilité et TELUS Mobility a permis à chacune de livrer une meilleure concurrence dans le territoire de l'autre. Bell Mobilité a fait valoir que grâce à l'entente, les clients verraient une forte concurrence évoluer un peu partout, ce qui n'aurait pas été le cas sans l'entente.
 

Observations de TCI

34.

TCI a soutenu que Microcell avait tiré de fausses conclusions à l'égard de l'état de la concurrence dans l'industrie des services sans fil au Canada. TCI a déclaré que les entreprises de services sans fil affiliées des ESLT se livraient directement concurrence tout comme elles livraient concurrence à Microcell et à RWI.

35.

TCI a fait remarquer que dans son rapport de septembre 2001 sur l'État de la concurrence dans les marchés des télécommunications au Canada, le Conseil a déclaré que le marché des services sans fil était suffisamment concurrentiel pour qu'il s'abstienne de réglementer les tarifs des services mobiles.

36.

TCI a soutenu que la concurrence demeurait solide dans l'industrie du sans-fil, de sorte que le Conseil n'avait pas à envisager une intensification de la réglementation, contrairement à ce que suggérait Microcell.

37.

TCI a fait valoir que Microcell avait mal interprété l'objet de l'entente d'itinérance et que des ententes réciproques d'itinérance étaient monnaie courante dans l'industrie, tant au Canada qu'à l'étranger. TCI a déclaré que Microcell avait d'ailleurs bénéficié d'une entente semblable avec les membres de l'ancienne Mobilité Canada. Selon TCI, Microcell, qui avait aménagé ses propres installations en zones urbaines, profitait de dispositions convenues avec les membres de Mobilité Canada pour que ses clients puissent utiliser leurs services mobiles dans les zones rurales où les membres de Mobilité Canada disposaient d'installations, mais pas Microcell. TCI a déclaré que ces ententes étaient encore en vigueur.
 

Réplique de Microcell

38.

Microcell a fait valoir que l'offre de RWI comme celle de Bell Mobilité établissaient une discrimination injuste et qu'aux termes du paragraphe 27(4) de la Loi, il appartenait respectivement à RWI et à Bell Mobilité de prouver que la discrimination dont elles ont fait preuve n'était pas injuste et que la préférence qu'elles ont accordée n'était pas indue. Microcell soutenait avoir fourni des éléments prouvant que RWI et Bell Mobilité s'étaient livrées à des pratiques discriminatoires. Microcell soutenait également que les deux compagnies avaient admis s'être livrées à de telles pratiques.

39.

Microcell a soutenu que l'offre de RWI et celle de Bell Mobilité étaient anticoncurrentielles en soi et qu'elles semblaient viser à punir, voire à éliminer un petit concurrent.

40.

Microcell a soutenu que même si une entreprise avait décidé de présenter des offres spéciales à différentes catégories d'abonnés d'une entreprise, qu'il s'agisse des abonnés antérieurs ou existants de l'entreprise, cela ne signifiait pas pour autant qu'une offre destinée à des abonnés spécifiques d'un concurrent n'établissait pas une discrimination injuste. Selon Microcell, la discrimination pourrait être injuste à cause de la nature de l'offre et à cause du fait que l'offre était ciblée. Microcell a soutenu également que la préférence ainsi accordée à l'entreprise présentant l'offre était indue si cette préférence faisait subir un désavantage déraisonnable à un concurrent dans le marché.

41.

Selon Microcell, RWI n'avait pas fourni suffisamment d'information pour que le Conseil puisse vérifier si les autres offres que RWI faisait à ses autres catégories d'abonnés étaient identiques ou non à l'offre que RWI présentait aux abonnés de Microcell.

42.

Microcell a soutenu que RWI avait fait valoir à tort que le paragraphe 27(2) de la Loi ne pouvait être invoqué que dans les cas de discrimination injuste liée à l'accès aux réseaux. Microcell a soutenu qu'il était effectivement possible d'invoquer ce paragraphe dans d'autres contextes.

43.

Microcell a d'ailleurs fait valoir qu'elle demandait au Conseil non pas de la protéger pour ses erreurs, mais plutôt de faire appliquer les règles qui régissent actuellement la concurrence dans le marché des services sans fil.

44.

Microcell a soutenu que dans son mémoire, Bell Mobilité n'a pas justifié son offre ou établi la légitimité de son offre, comme le prévoit le paragraphe 27(4) de la Loi. Microcell a également fait valoir que la notion de nécessité sur le plan concurrentiel invoquée dans la défense de Bell Mobilité ne justifiait pas les actions de la compagnie.

45.

Selon Microcell, il est inadmissible pour une entreprise de présenter une offre qui cible exclusivement les abonnés existants d'un concurrent. Microcell a réitéré que si personne n'imposait un terme au comportement de RWI et de Bell Mobilité, de par leurs offres respectives, la concurrence dans le marché des télécommunications sans fil risquait de diminuer ou de disparaître, et ce, au détriment de l'intérêt public.
 

Analyse et conclusion du Conseil

46.

Les paragraphes 27(2), (3) et (4) de la Loi se lisent comme suit :
 

(2) Il est interdit à l'entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l'imposition ou la perception des tarifs y afférents, d'établir une discrimination injuste, ou d'accorder -- y compris envers elle-même -- une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature.

 

(3) Le Conseil peut déterminer, comme question de fait, si l'entreprise canadienne s'est ou non conformée aux dispositions du présent article ou des articles 25 ou 29 ou à toute décision prise au titre des articles 24, 25, 29, 34 ou 40.

 

(4) Il incombe à l'entreprise canadienne qui a fait preuve de discrimination, accordé une préférence ou fait subir un désavantage d'établir, devant le Conseil, qu'ils ne sont pas injustes, indus ou déraisonnables, selon le cas.

47.

En ce qui concerne les allégations d'infractions au paragraphe 27(2) de la Loi, le Conseil rend ses décisions au cas par cas en tenant compte des circonstances propres à chacun. Dans le cas présent, le Conseil estime que le fait d'avoir déjà établi que les services téléphoniques mobiles publics commutés (les services sans fil) constituent une catégorie de services à l'égard de laquelle il a dû s'abstenir de réglementer conformément au paragraphe 34(2) de la Loi est un facteur essentiel des conclusions qu'il tirera à l'égard de l'application du paragraphe 27(2).

48.

Aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi, le Conseil doit s'abstenir de réglementer s'il conclut que le cadre de concurrence d'une catégorie de services est ou sera suffisamment concurrentiel pour protéger les intérêts des utilisateurs. Dans la décision 96-14, le Conseil a établi que les services sans fil, autres que ceux offerts à l'interne par les ESLT, satisfaisaient à cette condition et il a indiqué qu'il s'abstiendrait d'exercer les pouvoirs que lui confèrent l'article 24 (en partie), les articles 25, 29 et 31 ainsi que les paragraphes 27(1), (5) et (6) de la Loi. Le régime réglementaire établi dans la décision 96-14 a par la suite été étendu aux services offerts à l'interne par les ESLT.

49.

En ce qui concerne le paragraphe 27(2) de la Loi, le Conseil note l'affirmation de RWI selon laquelle aucune des allégations de Microcell n'est du ressort du Conseil parce que celui-ci n'a conservé qu'une compétence limitée en ce qui a trait principalement aux questions d'accès au réseau. Le Conseil a établi dans la décision 96-14 que le libre accès aux réseaux de télécommunication était dans l'intérêt public et qu'il était nécessaire de s'assurer qu'à l'égard de l'accès à leurs réseaux ou dans d'autres contextes, les fournisseurs de services sans fil n'établissaient pas de discrimination injuste envers d'autres entreprises ou des abonnés ou ne conféraient pas de préférence indue ou déraisonnable. Par conséquent, le Conseil avait décidé qu'il continuerait d'exercer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent les paragraphes 27(2), (3) et (4) de la Loi à l'égard des services sans fil.

50.

Le Conseil note également l'affirmation de Bell Mobilité selon laquelle il faudrait, en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi, que Microcell prouve que Bell Mobilité a établi une discrimination injuste à son endroit en ce qui concerne un service de télécommunication que Bell Mobilité lui a fourni. Le Conseil estime que les pouvoirs que lui confère le paragraphe 27(2) de la Loi ne se rapportent pas seulement aux services de télécommunication fournis par une entreprise à une autre, comme le soutient Bell Mobilité, et que les pouvoirs en question sont suffisamment généraux pour tenir compte des allégations faites par Microcell dans cette demande.

51.

Selon le Conseil, le dossier de la présente instance permet de confirmer que l'offre de RWI de même que celle de Bell Mobilité ciblaient exclusivement les abonnés à des services postpayés de Microcell et qu'elles n'avaient pas été présentées à l'ensemble des abonnés de RWI et de Bell Mobilité, existants ou éventuels. En présentant leurs offres, RWI et Bell Mobilité ont établi une preuve de discrimination en ce qui concerne la fourniture d'un service de télécommunication, si bien qu'il leur a incombé d'établir que cette discrimination n'était pas injuste. De l'avis du Conseil, RWI et Bell Mobilité ont établi la preuve dans les circonstances du cas présent.

52.

Dans son Rapport à la gouverneure en conseil - État de la concurrence dans les marchés des télécommunications au Canada rendu public en décembre 2002, le Conseil a affirmé que l'industrie canadienne des services sans fil avait évolué considérablement depuis son avènement, au milieu des années 1980. Dans le rapport, il est indiqué que cette industrie ne comptait à l'origine que deux compagnies dans chaque marché, à savoir RWI et la compagnie de téléphone titulaire locale, alors qu'aujourd'hui, elle compte quatre entreprises nationales, en l'occurrence RWI, TELUS Mobility, Microcell et Bell Wireless Alliance, qui comprend Aliant Mobility, Bell Mobilité, MTS Mobility et SaskTel Mobility, ainsi que plusieurs entreprises régionales relevées en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique. Dans le rapport, il est également précisé que le Conseil n'a pas réglementé les tarifs des services sans fil puisque le marché était suffisamment concurrentiel.

53.

Dans le rapport à la gouverneure en conseil, le Conseil a fait remarquer qu'il n'y avait aucune entreprise de services sans fil dominante au Canada et que l'industrie offrait un large éventail de plans tarifaires. De plus, comme chaque entité offrait les mêmes services de base, les consommateurs fondaient leur choix sur d'autres éléments, tels que les plans tarifaires, les options et les accessoires (p. ex., les combinés).

54.

Le Conseil fait remarquer que Microcell, RWI et Bell Mobilité ont chacune fourni au dossier de l'instance des estimations relatives aux parts du marché. Les trois entreprises s'accordaient pour dire qu'en 2001, RWI et Microcell détenaient respectivement environ 28 % et 11 % du marché national. RWI et Bell Mobilité ont déclaré que la part du marché national de TELUS Mobility s'établissait à environ 24 % et que celle des entreprises des services sans fil affiliées de BCE se situait entre 32 % et 35 %.

55.

Le Conseil fait remarquer que Microcell soutenait que le Conseil devait considérer les entreprises de services sans fil des ESLT comme un seul groupe à cause de l'entente d'itinérance élargie intervenue en octobre 2001, entente qui est encore en vigueur. Microcell a déclaré que ce groupe détenait plus de 60 % du marché. Le Conseil fait toutefois remarquer que Bell Mobilité, dans ses arguments, a déclaré que les ententes de revente et d'itinérance entre elle et TELUS Mobility avaient aidé chacune des compagnies à livrer une meilleure concurrence dans le territoire de l'autre. Le Conseil fait également remarquer que selon TCI, les ententes d'itinérance et l'accès intersystème réciproque sont monnaie courante dans l'industrie. Le Conseil fait remarquer que les ententes de revente et d'itinérance permettent aux parties d'offrir des services dans les régions que leurs réseaux ne desservent pas. Le Conseil est donc d'avis que les ententes de revente et d'itinérance n'empêchent aucunement la rivalité entre les parties, si bien que TELUS Mobility et les entreprises de services sans fil affiliées de BCE doivent être considérées comme des concurrents distincts lorsqu'il s'agit d'établir le degré de concurrence qui existe dans le marché des services sans fil.

56.

Selon le Conseil, le marché des services sans fil se caractérise par une rivalité, dont des campagnes de commercialisation vigoureuses menées par les quatre fournisseurs concurrents nationaux. Le Conseil est également d'avis que les abonnés ont montré qu'ils aiment pouvoir changer de fournisseur et qu'ils sont en mesure de le faire. Par conséquent, le Conseil estime que le marché des services sans fil évolue dans un cadre de concurrence solide.

57.

Le Conseil fait remarquer que les entreprises de services sans fil se servent régulièrement d'offres ciblées pour élaborer, promouvoir et fournir des services. Comme Bell Mobilité l'a fait remarquer, de telles offres sont normalement établies soit en fonction des circonstances opportunes, des facteurs géographiques et des fins d'utilisation par les abonnés, soit en réponse à des intérêts spécifiques des abonnés. Le Conseil estime qu'il faut s'attendre à observer une telle rivalité dans les marchés hautement concurrentiels.

58.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que, dans le cadre de concurrence robuste du marché des services sans fil, les offres de RWI et de Bell Mobilité, même si elles sont discriminatoires, ne constituent pas des pratiques établissant une discrimination injuste au sens où l'entend le paragraphe 27(2) de la Loi.

59.

Par conséquent, le Conseil rejette la demande de Microcell.

60.

Parce que l'établissement d'une concurrence équitable et durable lui tient à coeur, le Conseil entend donc demeurer vigilant en ce qui concerne l'application du paragraphe 27(2) de la Loi. Le Conseil fait remarquer que dans d'autres circonstances, y compris dans des conditions de marché différentes, le genre de pratiques en cause dans la présente demande pourrait constituer une infraction au paragraphe 27(2) de la Loi.
  Secrétaire général
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