Décision de télécom CRTC 2020-368

Version PDF

Ottawa, le 3 novembre 2020

Numéro de dossier : 8662-R28-202002971

Rogers Communications Canada Inc. – Demande de révision et de modification de la lettre du secrétaire général du 3 avril 2020 concernant la prolongation du délai de déploiement de circuits interurbains de Bell Canada

Le Conseil rejette la demande de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) de révision et de modification de la décision du Conseil dans la lettre du secrétaire général du 3 avril 2020, dans laquelle le Conseil a prolongé de 90 jours les délais prévus dans la décision de télécom 2019-390 pour que Bell Canada puisse déployer des circuits interurbains et déposer des pages de tarif révisées. En particulier, le Conseil conclut qu’il n’y a pas d’erreur de droit ou de fait qui soulève des doutes réels quant au bien-fondé de la lettre du secrétaire général. Le Conseil estime également que la demande de RCCI d’exiger de Bell Canada qu’elle déploie les circuits interurbains dans un délai de 30 jours à compter de la date de la présente décision est sans objet. Enfin, le Conseil rejette la demande de RCCI d’exclure, à partir du 19 mai 2020, le trafic sans frais du calcul du déséquilibre des circuits de facturation-conservation entre Bell Canada et RCCI.

Contexte

  1. Dans la décision de télécom 2019-390 (ci-après la décision), le Conseil a ordonné à Bell Canada de déployer, dans un délai de 150 jours, ou d’ici le 19 mai 2020, des circuits interurbains unidirectionnels entre son réseau et celui de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) sur le territoire d’exploitation de Bell Canada à titre de titulaire, afin de recevoir le trafic sans frais provenant du réseau de RCCI et destiné aux clients qui ont des numéros de téléphone sans frais de Bell Canada. Le Conseil a également ordonné à Bell Canada de déposer des pages de tarif révisées d’ici le 31 mars 2020, afin que RCCI puisse commencer à facturer le trafic en question à Bell Canada dès que les circuits interurbains auront été déployés, ou d’ici le 19 mai 2020.
  2. Le 20 décembre 2019, Bell Canada a déposé une demande de révision et de modification de la décision et a demandé une suspension de la décision jusqu’à ce que le Conseil se prononce sur la demande de la compagnie.
  3. Le 3 avril 2020, par une lettre du secrétaire général (lettre du secrétaire général), le Conseil a prolongé de sa propre initiative, compte tenu de la pandémie de la COVID-19, les délais prévus dans la décision de 90 jours pour le déploiement des circuits interurbains et l’obligation pour Bell Canada de déposer des pages de tarif révisées. Les nouvelles dates ont été fixées au 20 juillet 2020 pour le dépôt des pages de tarif révisées et au 17 août 2020 pour le déploiement complet des circuits interurbains.
  4. Dans la lettre du secrétaire général, le Conseil a reconnu que les fournisseurs de services de télécommunication, dont Bell Canada et RCCI, s’étaient efforcés de faire en sorte que leurs réseaux continuent de fonctionner au maximum de leur efficacité pour répondre aux fortes demandes de l’époque. Le Conseil a estimé que la pandémie de la COVID-19 représentait une situation de force majeure sans précédent, au cours de laquelle il ne serait pas approprié pour le Conseil de s’attendre à ce que Bell Canada ou RCCI apportent des modifications non essentielles à leurs réseaux. Enfin, le Conseil a indiqué qu’il continuerait à évaluer la demande de révision, de modification et de suspension de Bell Canada durant la période de prolongation.
  5. Le 15 juillet 2020, le Conseil a publié la décision de télécom 2020-226 concernant la demande de révision et de modification ainsi que de suspension de Bell Canada. La décision comprend :
    • le rejet par le Conseil de la demande de révision, de modification et de suspension de la décision déposée par Bell Canada;
    • une confirmation que les dates prescrites dans la lettre du secrétaire général pour la mise en œuvre de la décision restent en vigueur, soit le 20 juillet 2020 pour déposer les pages de tarif révisées et le 17 août 2020 pour achever le déploiement des circuits interurbains.
  6. Le 6 août 2020, le Conseil a approuvé le dépôt, par Bell Canada, des pages de tarif révisées à titre provisoire en vertu des avis de modification tarifaires 7616 et 7616A avec une date d’entrée en vigueur du 17 août 2020, conformément au délai de déploiement des circuits interurbains.
  7. Le 8 septembre 2020, le Conseil a envoyé une demande de renseignements à Bell Canada et à RCCI pour confirmer le déploiement réel des circuits interurbains. Le 9 septembre 2020, les deux compagnies ont confirmé que les circuits ne pourraient pas être déployés avant le 17 août 2020, étant donné le nombre de circuits nécessaires. Bell Canada et RCCI ont indiqué qu’elles ont commencé à collaborer à la suite de la publication de la décision de télécom 2020-226 et sont parvenues à un délai convenu d’un commun accord pour le déploiement des circuits interurbains  nécessaires entre leurs réseaux respectifs. Les deux compagnies ont confirmé qu’elles s’attendaient à ce que le déploiement soit achevé à la mi-septembre 2020. À la date de la présente publication, aucune des parties n’a soulevé d’autres questions à ce sujet.

Demande

  1. Le 20 mai 2020, RCCI a déposé une demande de révision et de modification de la lettre du secrétaire général, en vertu de l’article 62 de la Loi sur les télécommunications (Loi), ainsi que de la Partie 1 et des articles 7 et 71 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennesNote de bas de page 1.Cette demande fait l’objet de la présente décision.
  2. Dans sa demande, RCCI a argué que le Conseil avait commis une erreur de droit en ne l’informant pas de son intention de modifier la décision et en ne donnant pas aux parties la possibilité de présenter leurs observations. RCCI a également soutenu que le Conseil a commis une erreur de fait en ce qui concerne la prolongation du délai à Bell Canada pour le déploiement de ses circuits interurbains, qui serait injustifiée, même en tenant compte de l’impact de la pandémie de la COVID-19, ce qui crée un doute réel quant au raisonnement de la décision.
  3. RCCI a donc demandé au Conseil d’annuler la lettre du secrétaire général et d’exiger que Bell Canada déploie les circuits interurbains commandés dans un délai de 30 jours à compter de la date de publication de la décision du Conseil à ce sujet RCCI a également demandé de pouvoir déduire le trafic sans frais en question de son calcul du déséquilibre du trafic entre les compagnies sur leurs circuits bidirectionnels de facturation-conservation en suspendant l’application du tarif de Bell Canada à ce type de trafic à partir du 19 mai 2020, ce qui correspond à la date de déploiement des circuits interurbains de la décision.
  4. RCCI a argué que si le Conseil ne corrigeait pas la situation, RCCI supporterait la totalité des coûts du déséquilibre prolongé à la suite de la prolongation de 90 jours prévue dans la lettre du secrétaire général, et Bell Canada en tirerait injustement des avantages financiers.
  5. Le Conseil a reçu des interventions de Bell Canada et de Québecor Média inc. au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron) concernant la demande de RCCI.

Critères de révision et de modification

  1. En vertu de l’article 62 de la Loi, le Conseil peut, sur demande ou de sa propre initiative, réviser, annuler ou modifier quelconques de ses décisions, ou entendre à nouveau une demande avant de rendre une décision. Pour que le Conseil puisse exercer sa discrétion et, comme précisé dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, les demandeurs doivent démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale, par exemple en raison i) d’une erreur de droit ou de fait; ii) d’un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision; iii) du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale; iv) d’un nouveau principe découlant de la décision.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Y a-t-il un doute réel quant au bien-fondé de la décision du Conseil dans la lettre du secrétaire général en raison d’une erreur de droit?
    • Y a-t-il un doute réel quant au bien-fondé de la décision du Conseil dans la lettre du secrétaire général en raison d’une erreur de fait?
    • RCCI devrait-elle être autorisée à déduire le montant du trafic sans frais, à partir du 19 mai 2020, des coûts totaux du déséquilibre résultant des circuits de facturation-conservation?
  2. Étant donné que la date confirmée du déploiement des circuits interurbains du 17 août 2020, conformément à la décision de télécom 2020-226, est déjà passée, la demande de RCCI en vue d’exiger de Bell Canada qu’elle déploie les circuits interurbains dans les 30 jours à compter de la date de la présente publication est sans objet.

Y a-t-il un doute réel quant au bien-fondé de la décision du Conseil dans la lettre du secrétaire général en raison d’une erreur de droit?

Positions des parties

RCCI

  1. RCCI a fait valoir que le Conseil n’a pas le pouvoir de modifier le délai de mise en œuvre établi dans la décision sans donner aux parties la possibilité de présenter des observations sur la question, même si Bell Canada avait déposé une demande de révision et de modification en ce sens.
  2. RCCI a ajouté que le Conseil examine habituellement les demandes des fournisseurs de services de télécommunication dans le but de prolonger des délais de mise en œuvre qu’il fixe dans ses décisions lorsque les parties font la demande d’une prolongation, et que le Conseil donne à toutes les parties la possibilité de déposer des interventions sur la question. Ce type de processus sert à protéger le principe de droit administratif bien connu selon lequel une fois qu’un tribunal est parvenu à une décision définitive concernant la question dont il est saisi conformément à sa loi d’habilitation, cette décision ne peut être révisée parce que le tribunal a changé d’avis ou a commis une erreur de compétence ou parce qu’il y a eu un changement de circonstancesNote de bas de page 2, comme dans le cas de la pandémie actuelle de la COVID-19.
  3. RCCI a fait valoir que le Conseil a nécessairement affecté les droits des parties dans la conclusion du Conseil en modifiant le délai de mise en œuvre de la décision sans recevoir d’observations des parties conformément aux principes de droit administratif d’équité et de justice naturelle. Cette erreur de droit justifie donc que le Conseil révise la lettre du secrétaire général.

Bell Canada

  1. Bell Canada s’est opposée à la demande de révision et de modification de RCCI et a exhorté le Conseil de rejeter à la fois la demande de délai de 30 jours pour le déploiement des circuits interurbains et la demande de compensation concernant le déséquilibre résultant des circuits de facturation-conservation. Bell Canada a fait valoir que RCCI n’a pas droit à une compensation au titre de ce qui était en fait le choix du Conseil d’accorder une courte suspension à l’exécution de la décision, en particulier compte tenu des circonstances atténuantes associées à la pandémie de la COVID-19.
  2. En ce qui concerne les arguments de RCCI selon lesquels le Conseil n’a pas avisé les parties ou ne leur a pas permis de faire des observations sur la prolongation de 90 jours accordée dans la lettre du secrétaire général, Bell Canada a argué que le Conseil avait déjà reçu des avis de Bell Canada et de RCCI concernant le bien-fondé d’une suspension de cette durée, ou d’une suspension potentiellement plus longue, dans l’instance de révision et de modification de Bell Canada.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Lorsqu’il a publié la lettre du secrétaire général, le Conseil détenait les mémoires des parties en cause en ce qui concerne la demande de révision et de modification de Bell Canada et sa demande de suspension, incluant les mémoires concernant l’impact du retard de la mise en œuvre de la décisionNote de bas de page 3.
  2. Le Conseil reconnaît que la demande n’incluait pas d’avis qu’il pouvait retarder la mise en œuvre de la décision pour des raisons autres que la demande de Bell Canada, telles que les circonstances uniques engendrées par la pandémie de la COVID-19.
  3. Toutefois, comme il a été initialement indiqué dans la lettre du secrétaire général, la pandémie de la COVID-19 est un événement singulier qui s’apparente à une situation de force majeure quia considérablement perturbé non seulement l’industrie des télécommunications, mais aussi la vie quotidienne de tous les Canadiens. Elle a justifié des modifications importantes à un large éventail d’instances en cours au Conseil et ailleurs. Le Conseil estime que les répercussions de la pandémie de la COVID-19 n’étaient pas seulement bien documentées et prises en considération, mais aussi le principal facteur à l’origine de la prolongation de 90 jours du délai du déploiement des circuits interurbains accordée dans la lettre du secrétaire général.
  4. De plus, dans la mesure où il y avait de nouveaux éléments de preuve ou arguments concernant les implications spécifiques de la pandémie de la COVID-19 aux particularités du présent cas, RCCI a fourni de tels éléments de preuve et arguments dans le contexte de la présente demande de révision et de modification. Le Conseil a tenu compte de ces éléments de preuve et arguments dans la présente décision. Par conséquent, même si la nature perturbatrice de la pandémie de la COVID-19 signifiait que RCCI n’a pas eu l’occasion de déposer des observations à savoir si une prolongation devrait être accordée, le Conseil conclut que toute erreur de droit a été abordée par la présente décision.

Y a-t-il un doute réel quant au bien-fondé de la décision du Conseil dans la lettre du secrétaire général en raison d’une erreur de fait?

Positions des parties

RCCI et Vidéotron

  1. RCCI a argué que le Conseil a commis une erreur dans la lettre du secrétaire général dans le fait que la prolongation n’a été demandée par aucune des parties et n’était pas nécessaire pour alléger la charge de travail de Bell Canada pendant la pandémie de la COVID-19.
  2. RCCI a soutenu que les deux parties avaient la capacité d’augmenter le nombre de circuits d’interconnexion entre leurs réseaux respectifs sans avoir un impact sur l’ensemble de leurs services aux Canadiens, malgré la pandémie de la COVID-19. RCCI a fait valoir qu’elle avait déployé des circuits interurbains avec plusieurs autres entreprises, même au cœur de la pandémie de la COVID-19.
  3. RCCI a argué que la prolongation de la construction des circuits interurbains unidirectionnels par Bell Canada n’aurait pas posé de problème si elle n’avait pas également imposé à RCCI l’augmentation des coûts du déséquilibre qui en découle. RCCI a déclaré que les coûts totaux du déséquilibre représentaient pour elle une charge financière considérableNote de bas de page 4 que le Conseil aurait dû prendre en considération avant de publier la lettre du secrétaire général.
  4. Vidéotron a pleinement soutenu le mémoire de RCCI et a ajouté que les récents événements liés à la pandémie de la COVID-19 ont mis en évidence le besoin urgent pour Bell Canada de mettre en œuvre la décision. L’encombrement créé par l’absence de circuits interurbains unidirectionnels sur les circuits de facturation-conservation existants crée des problèmes de service importants qui font que les clients de Vidéotron subissent des d’appels interrompus.

Bell Canada

  1. Bell Canada n’était pas d’accord avec la déclaration de RCCI selon laquelle l’impact du trafic en provenance de RCCI et destiné aux clients de numéros sans frais de Bell Canada créerait des coûts de déséquilibre à hauteur du montant réclamé par RCCI uniquement pendant la période de prolongation de 90 jours. Bell Canada a fait valoir qu’une grande partie du trafic sans frais que RCCI envoie sur les circuits de facturation-conservation est destinée à un fournisseur de services sans frais autre que Bell Canada et ne relève donc pas du champ d’application de la décision.
  2. Bell Canada a également fait valoir que RCCI reproche injustement à Bell Canada un manque prétendu de soutien pendant la pandémie de la COVID-19 en affirmant que Bell Canada a refusé de tenir des discussions. RCCI a elle-même reconnu que les parties ont bien travaillé ensemble pendant cette période et ont ajouté des capacités sur et entre leurs réseaux afin de réduire l’encombrement du à l’augmentation soudaine du trafic.

Réplique de RCCI

  1. En réponse, RCCI a fait valoir que Bell Canada n’avait pas abordé l’argument de RCCI selon lequel la prolongation elle-même a entraîné un changement de circonstances pour les parties. RCCI a affirmé que l’extension i) aggravait le déséquilibre défavorable pour RCCI concernant les circuits de facturation-conservation, et ii) empêchait RCCI d’être en mesure de commencer à facturer à Bell Canada pour le trafic provenant de RCCI et destiné aux clients de numéros de téléphone sans frais de Bell Canada. Selon RCCI, Bell Canada a obtenu une prolongation pour installer les circuits en question alors qu’elle continuait à refuser de négocier le déploiement de ces circuits, et RCCI devait payer à Bell Canada des frais de déséquilibre du trafic en conséquence. Être obligé de payer pour ce retard constitue un changement fondamental de circonstances pour RCCI, auquel elle n’a pas eu la possibilité de remédier.
  2. RCCI a fait valoir que l’intervention de Bell Canada ne présente que des arguments,  que RCCI réfute et presse le Conseil de rejeter, concernant le montant que RCCI devra payer du fait de la prolongation de 90 jours, et non concernant la question de savoir si RCCI sera touchée négativement par cette prolongation.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Dans la lettre du secrétaire général, le Conseil a reconnu la position défavorable de RCCI concernant le déséquilibre résultant des types de circuits utilisés. Toutefois, le Conseil a mis l’accent sur les circonstances extrêmes créées par la pandémie de la COVID-19 et sur la nécessité pour l’industrie des télécommunications de se concentrer sur la fourniture de services aux Canadiens.
  2. Ayant considéré les documents de la demande de révision et de modification, le Conseil estime que Bell Canada et RCCI ont toutes deux eu une capacité raisonnable d’augmenter le nombre de circuits interurbains d’interconnexion entre leur réseau respectif malgré la pandémie de la COVID-19. Toutefois, la prolongation accordée dans la lettre du secrétaire général n’était pas due à une éventuelle incapacité des parties de déployer des circuits interurbains. Elle était plutôt due à une nécessité perçue, créée par une situation de force majeure, de permettre aux parties de prioriser des efforts plus importants, tels que la garantie de services aux Canadiens et le bien-être mental et physique du personnel des parties. Le Conseil fait remarquer qu’il a accordé de nombreuses prolongations pour d’autres délais de procédures et de rapports, tant sur demande que de sa propre initiative, au cours de la même période pour des raisons similaires.
  3. Le Conseil estime donc que RCCI n’a pas démontré qu’il a commis une erreur de fait en prolongeant de 90 jours le délai de déploiement des circuits interurbains.

RCCI devrait-elle être autorisée à déduire le montant du trafic sans frais, à partir du 19 mai 2020, des coûts totaux du déséquilibre résultant des circuits de facturation-conservation?

Positions des parties

RCCI

  1. RCCI a fait valoir que le retard du déploiement des circuits interurbains a créé une préférence indue en faveur de Bell Canada, car RCCI a dû payer à Bell Canada les coûts totaux du déséquilibre sur les circuits de facturation-conservation. RCCI a ajouté que les coûts totaux du déséquilibre ont été exacerbés par l’augmentation du trafic sans frais due à la pandémie de la COVID-19. RCCI a également expliqué que tant que Bell Canada n’aura pas achevé le déploiement des circuits unidirectionnels, RCCI ne pourra pas facturer à Bell Canada ses propres appels sans frais.

Bell Canada

  1. Bell Canada a répondu qu’une compensation n’est pas due à RCCI et que même si elle l’était, RCCI a surestimé le montant qu’elle devait payer.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Dans la décision, le Conseil n’a pas conclu que Bell Canada s’était accordée une préférence indue ou déraisonnable. Il a plutôt conclu que les accords d’acheminement sans frais des deux parties sur les circuits de facturation-conservation étaient pleinement conformes au cadre stratégique énoncé dans la décision de télécom 97-8 et au tarif de Bell Canada approuvé par le Conseil. Bien que cet accord ait été l’une des sources du déséquilibre payable à Bell Canada et de la situation défavorable qui en a résulté pour RCCI, il représente le statu quo, que les deux compagnies ont librement négocié conformément à la politique du Conseil en vigueur à l’époque.
  2. Toujours dans la décision, le Conseil a conclu que RCCI ne devait pas être autorisée à commencer à facturer Bell Canada rétroactivement comme RCCI l’avait demandé, mais plutôt que RCCI pouvait seulement commencer à facturer lorsque Bell Canada aurait achevé le déploiement des circuits interurbains commandés. Comme le Conseil n’a pas trouvé d’erreur de droit ou de fait dans la lettre du secrétaire général, RCCI ne devrait pas non plus être autorisée à facturer rétroactivement dans la situation actuelle.
  3. En d’autres termes, tant que Bell Canada n’aura pas déployé les circuits interurbains et que le Conseil n’aura pas approuvé les pages de tarif révisées conformément à la décision, la situation dans laquelle l’acheminement des appels sans frais est défavorable à RCCI représente le statu quo. La prolongation du délai de mise en œuvre de la décision dans la lettre du secrétaire général n’a fait que prolonger une situation résultant d’accords librement négociés par les deux parties et conformes au cadre stratégique en placeNote de bas de page 5. Ces accords sur l’acheminement du trafic ne devraient pas être maintenant modifiés rétroactivement pour s’aligner sur le changement de cadre stratégique.
  4. Le Conseil conclut donc qu’il ne devrait pas exiger que RCCI soit en mesure de déduire le montant du trafic sans frais, à partir du 19 mai 2020, du déséquilibre total résultant des circuits de facturation-conservation.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’existe aucun doute réel quant au bien-fondé de la décision dans la lettre du secrétaire général en raison d’erreurs de fait ou de droit. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de RCCI de révision et de modification des conclusions contenues dans la lettre du secrétaire général.
  2. En ce qui concerne les dates de déploiement des circuits interurbains, le Conseil estime que le problème est résolu. Dans la décision de télécom 2020-226, publiée le 15 juillet 2020, le Conseil a statué sur la demande de révision et de modification de Bell Canada avant les dates limites de dépôt des pages de tarif révisées et de déploiement complet des circuits interurbains établies dans la lettre du secrétaire général du 20 juillet 2020 et du 17 août 2020, respectivement. Par conséquent, le Conseil détermine que la demande de RCCI que le Conseil ordonne à Bell Canada de déployer les circuits interurbains dans les 30 jours suivant la présente décision est sans objet.
  3. Le Conseil rejette la demande de RCCI d’exclure, à partir du 19 mai 2020, le trafic sans frais du calcul du déséquilibre des circuits de facturation-conservation entre Bell Canada et RCCI.

Instructions

  1. Les Instructions de 2019Note de bas de page 6 prévoient que dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil devrait examiner comment ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation. De plus, dans ses décisions, le Conseil devrait démontrer sa conformité avec les Instructions de 2019 et préciser comment ces décisions, le cas échéant, peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation.
  2. Le Conseil conclut que son refus de la demande de RCCI est conforme aux sous-alinéas 1a)i), 1a)ii) et 1a)vi) des Instructions de 2019, qui prévoient qu’il devrait examiner la mesure dans laquelle ses décisions :
    1. encouragent toutes formes de concurrence et d’investissement;
    2. favorisent l’abordabilité et des prix plus bas, notamment lorsque les fournisseurs de services de télécommunication exercent un pouvoir de marché;
    1. permettent l’innovation dans les services de télécommunication, y compris de nouvelles technologies et des offres de services différenciées.
  3. Le Conseil estime que ses conclusions contribueront à mettre en œuvre les conclusions de la décision, lesquelles encouragent à la fois la concurrence et l’abordabilité en permettant à RCCI de tirer profit de son innovation de la façon dont elle achemine un trafic sans frais à Bell Canada. Ainsi, RCCI peut acheminer un trafic sans frais à Bell Canada à un coût moindre, ce qui i) peut entraîner une baisse des prix pour les clients de RCCI pour les services vocaux locaux, et ii) peut soutenir la concurrence sur le marché, en particulier contre les entreprises de services locaux titulaires.
  4. De plus, les Instructions de 2006Note de bas de page 7 exigent que le Conseil, dans la mise en œuvre des objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, se fie, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché comme moyen d’atteindre les objectifs de la politique de télécommunication. Par ailleurs, lorsqu’il a recours à la réglementation, le Conseil devrait prendre des mesures qui sont efficaces et proportionnelles aux buts et qui ne font obstacle au libre jeu du marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire afin d’atteindre les objectifs de la politique.
  5. Le Conseil est d’avis que le rejet de la demande de RCCI est conforme aux Instructions de 2006 en ce qu’il i) maintient l’obligation pour Bell Canada de déployer les circuits interurbains vers RCCI d’une manière qui est conforme aux pratiques actuelles de l’industrie pour l’acheminement du trafic interurbain entre les entreprises de services intercirconscriptions et les entreprises de services locaux, et ii) n’introduit aucune nouvelle mesure réglementaire.

Secrétaire général

Documents connexes

Date de modification :