Décision de télécom et de radiodiffusion 2019-218
Ottawa, le 21 juin 2019
Dossier public : 8644-C282-201806986
Cloudwifi Inc. – Demande visant à empêcher Bell Canada de faire obstacle à l’utilisation par les clients du câblage intérieur de Bell Canada
Le Conseil rejette la demande de Cloudwifi Inc. (Cloudwifi) visant à obtenir une ordonnance selon laquelle Bell Canada ne peut faire obstacle à l’utilisation par le client du câblage intérieur de Bell Canada dans deux immeubles à logements multiples (ILM) situés à North York (ILM Northtown) et à Kitchener (ILM Spadina) [Ontario]. Toutefois, une fois que Cloudwifi deviendra une entreprise de services locaux concurrente (ESLC) inscrite, elle pourra se brancher au câblage d’immeuble de Bell Canada pour fournir des services de télécommunication dans les ILM Northtown et Spadina, et ce, peu importe le type de technologie qu’elle souhaite utiliser.
Bien que le Conseil estime qu’il serait raisonnable que les entreprises fournisseurs de services Internet (FSI) aient accès aux ILM et au câblage d’immeuble des entreprises de services locaux (ESL) à l’intérieur de ceux-ci, sans avoir à s’inscrire comme ESLC, il considère également que la demande de Cloudwifi visant à obtenir une ordonnance permettant à tous les FSI dotés d’installations d’accéder au câblage intérieur appartenant aux entreprises de télécommunication et aux entreprises de distribution de radiodiffusion ne peut être acceptée dans le cadre de la présente instance.
Le Conseil énonce l’avis préliminaire selon lequel : (i) la condition d’accès aux ILM et les obligations connexes devraient s’appliquer à toutes les entreprises FSI, et éventuellement à tous les fournisseurs de services de télécommunication (FST); (ii) toutes les entreprises FSI, et éventuellement tous les FST, devraient avoir accès au câblage d’immeuble des ESL et des autres FST dans des ILM au même titre que les ESLC inscrites, et ce, peu importe la technologie employée. Parallèlement à la publication de la présente décision, le Conseil amorce une instance, par l’intermédiaire de l’avis de consultation de télécom 2019-219, afin de poursuivre l’examen de ces questions.
Afin d’élargir le choix des consommateurs, et étant donné que la demande de Cloudwifi a été signifiée expressément à Bell Canada, le Conseil ordonne à Bell Canada, à titre de condition pour fournir des services de télécommunication dans toutes les ILM qu’elle dessert, de permettre à toutes les entreprises FSI, y compris Cloudwifi, d’accéder à son câblage d’immeuble. Le Conseil ordonne également à Bell Canada de déposer des pages de tarifs modifiées proposées reflétant les conclusions énoncées dans la présente décision dans les 30 jours suivant la date de la présente décision.
Contexte
- En mars 2018, Cloudwifi Inc. (Cloudwifi), un fournisseur de services Internet (FSI) qui dessert une clientèle d’entreprises et de résidences canadiennes, a commencé à fournir un service Internet par l’intermédiaire des installations de fibre de Bell Canada à environ 50 clients dans un immeuble à logement multiple (ILM) situé au 10, Northtown Way, à North York (Ontario) [ILM Northtown]. Cloudwifi n’a pas avisé Bell Canada avant d’utiliser ses installations.
- Le 20 juillet 2018, Bell Canada a informé Cloudwifi qu’elle déconnecterait ses clients des installations à l’ILM Northtown le 30 juillet 2018, ce qu’elle a fait. Selon Bell Canada, Cloudwifi a reconnecté ses clients aux installations de Bell Canada à l’ILM Northtown le 31 juillet 2018, ou aux environs de cette date, et, après avoir vu des clients être déconnectés par les techniciens de Bell Canada le 1er août 2018, elle les a reconnectés le 2 août 2018, ou aux environs de cette date.
- Le 8 août 2018, Cloudwifi a présenté une demande visant à s’inscrire comme entreprise de services locaux concurrente (ESLC)Footnote 1. Dans une lettre datée du 15 août 2018, le personnel du Conseil a informé Cloudwifi qu’elle satisfaisait aux exigences établies pour devenir une ESLC proposée et qu’elle était donc autorisée à conclure les arrangements nécessaires afin d’offrir des services commutés à titre d’ESLC.
- Le 13 août 2018, Cloudwifi a déposé une demande visant à s’inscrire en tant qu’entreprise de distribution de radiodiffusion (EDR) exemptéeFootnote 2. Le 17 octobre 2018, le personnel du Conseil a inscrit Cloudwifi en tant qu’EDR exemptée à Kitchener, à London et à Toronto (Ontario). Le nom de l’entreprise et les emplacements ont été ajoutés à la liste des services de radiodiffusion (radio, TV et câble) qui détiennent et qui ne détiennent pas de licence (la liste des EDR exemptées) le 1er décembre 2018.
- Selon Bell Canada, à la mi-août 2018, ses techniciens installant des boîtes P-3000 et d’autre câblage d’immeuble de Bell Canada au 270, route Spadina Est, à Kitchener (Ontario) [ILM Spadina], ont appris que des techniciens de Cloudwifi :
- installaient du câblage d’immeuble et d’autres équipements de Cloudwifi à l’intérieur de cet ILM;
- raccordaient du câblage et des prises pour transmission de données de Cloudwifi à l’intérieur des boîtes P-3000 de Bell Canada, sans qu’une entente, un contrat ou un consentement leur permettent d’accéder aux installations de Bell Canada situées dans l’immeuble ou aux installations de l’immeuble, y compris les boîtes P-3000, et de les utiliser.
Demande
- Le Conseil a reçu une demande de Cloudwifi datée du 27 août 2018 dans laquelle la compagnie demandait le redressement suivant :
- une ordonnance provisoire et une ordonnance définitive interdisant à Bell Canada de faire obstacle à l’utilisation par le client du câblage intérieurFootnote 3 aux ILM Northtown et Spadina;
- une ordonnance provisoire et une ordonnance définitive permettant aux FSI dotés d’installations d’accéder au câblage intérieur appartenant aux entreprises de télécommunication et aux EDR.
- Dans une lettre datée du 25 septembre 2018 adressée à Bell Canada et à Cloudwifi, le personnel du Conseil a déclaré, entre autres choses, qu’il s’attendait à ce que Bell Canada ne débranche pas les clients de Cloudwifi aux deux ILM concernés pendant que le Conseil examine les questions soulevées par la demande de Cloudwifi.
- Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de Cloudwifi de la part de Bell Canada, du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP), du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC), d’Iristel Inc. (Iristel), de Novus Entertainment et de 14 particuliers.
Questions
- Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
- Le Conseil devrait-il publier une ordonnance déclarant que Bell Canada ne peut pas faire obstacle à l’utilisation par un client de Cloudwifi du câblage d’immeuble dans les ILM Northtown et Spadina compte tenu de la réglementation existante?
- Le Conseil doit-il rendre une ordonnance autorisant les FSI dotés d’installation à accéder au câblage d’immeuble des entreprises de télécommunication et des EDR?
Le Conseil devrait-il publier une ordonnance déclarant que Bell Canada ne peut pas faire obstacle à l’utilisation par un client de Cloudwifi du câblage d’immeuble dans les ILM Northtown et Spadina compte tenu de la réglementation existante?
Positions des parties
Cloudwifi
- Cloudwifi a reconnu qu’elle n’avait pas communiqué avec Bell Canada avant d’utiliser le câblage d’immeuble de Bell Canada. Elle a fait valoir que, en se fondant sur les conclusions du Conseil énoncées dans la décision de télécom 2003-45, elle croyait qu’elle pouvait légalement accéder au câblage d’immeuble de Bell Canada sans avoir à aviser Bell Canada. D’après elle, elle a le droit d’accéder au câblage d’immeuble de Bell Canada en vertu de la réglementation et des politiques régissant actuellement la radiodiffusion et les télécommunications.
- Cloudwifi a fait valoir que Bell Canada exerce ses activités à titre d’EDR à l’ILM Northtown et qu’elle utilise du câblage en fibre optique pour fournir ses services. Elle a indiqué que tous les services de Bell Canada sont fournis à chaque logement au moyen d’un seul câble en fibre optique de Bell Canada et que Cloudwifi utilise le câble de Bell Canada pour fournir un service Internet à environ 50 logements.
- Cloudwifi a indiqué qu’elle fournit un service Internet à l’ILM Spadina au moyen de son propre câblage d’immeuble, qu’elle a installé conformément aux instructions du propriétaire de l’immeuble. Elle a précisé que le propriétaire avait installé pour chaque appartement un conduit unique raccordé à une boîte P-3000, et que le propriétaire de l’immeuble avait déclaré que Bell Canada, Rogers Communications Canada Inc, Cloudwifi et le service public d’électricité doivent tous raccorder leurs services à la boîte P-3000.
- Cloudwifi a fait valoir que le câblage en fibre optique à l’ILM Northtown et les boîtes P-3000 à l’ILM Spadina constituent du « câblage intérieur » au sens du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (Règlement).
- En s’appuyant sur l’article 10 du Règlement, Cloudwifi a fait valoir qu’en tant que titulaireFootnote 4, Bell Canada doit, sur demande, permettre aux abonnés et aux autres EDR d’utiliser le câblage intérieur à l’ILM NorthtownFootnote 5. D’après Cloudwifi, l’intention de l’article 10 du Règlement est que les titulaires puissent posséder le câblage intérieur, mais qu’ils ne puissent pas faire obstacle à son utilisation par le client.
- Cloudwifi a fait valoir qu’en s’abonnant à ses services, ses clients ont demandé l’utilisation du câblage intérieur de Bell Canada. À titre subsidiaire, elle a également précisé que si le Conseil adoptait une interprétation plus restrictive du terme « abonné »Footnote 6, tous les clients qui se sont abonnés à un ou à plusieurs services de Bell Canada à l’ILM Northtown, à n’importe quel moment, auraient le droit de demander l’utilisation du câblage intérieur.
- Cloudwifi a indiqué qu’elle avait signé une entente avec Atop Broadband Corp. (Atop) afin que les clients de Cloudwifi puissent obtenir les services d’EDR d’Atop sur leur connexion Internet. Elle a également noté qu’Atop avait demandé à Bell Canada d’utiliser le câblage intérieur de Bell Canada à l’ILM Northtown et ses boîtes P-3000 à l’ILM Spadina, mais que Bell Canada avait refusé d’autoriser Atop à utiliser le câblage (ce qui comprend les boîtes P-3000 à l’ILM Spadina). Selon Cloudwifi, une fois que Bell Canada a reçu les avis d’Atop, elle n’avait pas le droit de faire obstacle à l’utilisation du câblage.
- Cloudwifi a précisé que l’intention du Conseil dans l’avis public 2000-81 était d’adopter des règles concernant le câblage intérieur qui permettraient aux clients d’utiliser le fournisseur de services de leur choix. Toutefois, à son avis, Bell Canada utilise le fait qu’elle est propriétaire du câblage intérieur pour empêcher que les utilisateurs finals exercent ce choix. Cloudwifi a fait valoir que, par conséquent, Bell Canada s’attaque à une pierre angulaire des efforts du Conseil pour promouvoir la fourniture concurrentielle de tous les services de communication.
- Cloudwifi a fait valoir que, puisque Bell Canada utilise le câblage intérieur à l’ILM Northtown pour offrir des services d’EDR, locaux et Internet, le câblage intérieur est également assujetti à la Loi sur les télécommunications. Elle a également précisé que les règles d’accès au câblage d’immeuble de Bell Canada étaient énoncées dans une lettre du Conseil datée du 5 juin 2000 concernant des demandes présentées par Eastlink Telephone (Eastlink) et Norigen Communications of Toronto (Norigen) au sujet de l’accès aux installations de Bell Canada et de Maritime Telephone and Telegraph dans certains ILM (la lettre à Eastlink/Norigen)Footnote 7. Cloudwifi a aussi fait valoir que les ESLC doivent avoir accès au câblage d’immeuble de Bell Canada au point de démarcation situé dans la pièce de terminal principale.
- Cloudwifi a noté que les ESLC proposées sont autorisées à prendre des dispositions pour leur permettre de fournir des services commutés locaux à titre d’ESLC. Par exemple, les ESLC proposées peuvent obtenir des blocs de numéros auprès du Consortium de gestion de la numérotation canadienne Inc. Cloudwifi a fait valoir que les ESLC proposées devraient également être autorisées à avoir accès au câblage d’immeuble afin d’être prêtes à fournir des services locaux une fois toutes les conditions respectées. À son avis, il serait par conséquent approprié qu’une ESLC proposée soit considérée comme une ESLC aux fins de l’accès au câblage d’immeuble.
Bell Canada
- Bell Canada a indiqué que le redressement demandé par Cloudwifi était inapproprié et devrait être rejeté. À son avis, puisque Cloudwifi n’avait pas le statut d’entreprise de services locaux (ESL) ou d’EDR, elle n’avait aucun droit juridique, réglementaire ou autre d’utiliser les installations en cause ou d’y accéder.
- Bell Canada a argué que le statut réglementaire de Cloudwifi était celui d’un FSI de détail et qu’elle n’était pas autorisée à accéder au câblage d’immeuble et aux installations connexes de Bell Canada en vertu de l’article 10 du Règlement, parce qu’elle n’était ni une EDR autorisée ni une EDR exemptée. Elle a fait valoir que Cloudwifi était plutôt une entreprise de télécommunication ou un fournisseur de services de télécommunication (FST) au sens de l’article 2 de la Loi sur les télécommunicationsFootnote 8, ce qui signifiait qu’en vertu du paragraphe 4(4) de la Loi sur la radiodiffusion, la loi et les règlements relatifs à la radiodiffusion ne s’appliquaient pas à Cloudwifi.
- Bell Canada a fait valoir que les définitions de « câblage intérieur » et d’« abonné » minent l’interprétation que fait Cloudwifi de l’article 10 du Règlement. Elle a également indiqué que ses installations, que Cloudwifi cherchait à continuer d’utiliser, cesseraient de répondre à la définition de « câblage intérieur » si elles étaient utilisées uniquement aux fins proposées par Cloudwifi, à savoir fournir un service d’accès Internet en tant que FSI.
- Bell Canada a ajouté que les ménages des ILM que Cloudwifi cherchait à continuer de desservir en utilisant le câblage intérieur appartenant à Bell Canada ne répondraient pas eux non plus à la définition d’« abonné », telle que précisée dans le Règlement, une fois qu’ils auraient cessé de recevoir des services de distribution de radiodiffusion; ils auraient plutôt reçu le service Internet de Cloudwifi (c’est-à-dire un service de télécommunication). Bell Canada a fait valoir que l’article 2 du Règlement indique clairement qu’il « s’applique aux personnes autorisées à exploiter une entreprise de distribution », et que Cloudwifi n’est pas une telle personne.
- Bell Canada a indiqué que Cloudwifi installait son équipement dans les boîtes P-3000 de Bell Canada et raccordait à celles-ci son câblage et ses prises pour transmission de données. Elle a précisé que Cloudwifi n’avait conclu aucun accord ou contrat lui permettant d’accéder aux installations de Bell Canada à l’intérieur de l’immeuble ou des logements, y compris les boîtes P-3000, et de les utiliser, et qu’elle ne lui avait pas permis de le faire.
- Bell Canada a également indiqué que Cloudwifi ne semblait pas accéder au câblage intérieur ou aux boîtes P-3000 de Bell Canada dans le but de fournir des services de radiodiffusion d’Atop ou d’une autre EDR. Selon Bell Canada, rien ne prouve que le service d’EDR d’Atop est actuellement disponible, ou le deviendra sous peu, pour les clients de Cloudwifi.
- Bell Canada a argué que, comme Cloudwifi ne détenait pas le statut d’ESL, elle n’avait aucun droit d’accès ou de partage pour le câblage d’immeuble de Bell Canada en vertu de la Loi sur les télécommunications ou des règlements connexes sur les télécommunications. Elle a également fait valoir que même si Cloudwifi devait devenir une ESLC, la règlementation sur laquelle elle s’appuie n’annule ni ne déroge aux droits de propriété inhérents à la common law de Bell Canada, qui obligent Cloudwifi à obtenir le consentement de Bell Canada avant de raccorder et d’utiliser son câblage d’immeuble des ILM et d’autres installations.
- Bell Canada a précisé que la demande de Cloudwifi visant à empêcher Bell Canada d’« interférer » avec sa propre propriété suppose à tort que Cloudwifi détient un droit d’accès général, ou devrait le détenir, lui permettant d’accéder aux installations de Bell Canada sans d’abord obtenir son consentement. Bell Canada a également fait valoir qu’il n’existait aucun droit général de ce type, en vertu de la loi, de la réglementation ou de la common law, et qu’aucune loi, réglementation ou politique du Conseil n’a jamais dérogé aux droits reconnus par la common law de Bell Canada ni les avoir éteints de quelque manière que ce soit, en tant que propriétaire unique de sa propriété, obligeant Cloudwifi (ou toute autre partie interconnectée) à donner un préavis à Bell Canada et à signer une entente régissant son utilisation.
- Bell Canada a également précisé qu’il est difficile de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, l’obtention du statut d’ESLC enregistrée permettrait à Cloudwifi d’accéder au câblage d’immeuble de fibres noires dans un ILM.
- Bell Canada a indiqué que la pratique régulière de Cloudwifi concernant la connexion au câblage d’immeuble de Bell Canada consiste à utiliser de l’équipement inapproprié et incompatible sur le plan technique avec l’équipement de Bell Canada, et à effectuer ses installations avec une qualité d’exécution inférieure. Bell Canada a fait valoir que Cloudwifi avait l’habitude de raccorder la fibre de Bell Canada de façon imprudente et que Cloudwifi essaye de placer autant de câblage et d’autres installations que possible dans l’espace restreint des enceintes de service de Bell Canada, laissant les enceintes presque toujours tellement remplies que les portes et les revêtements de protection ne peuvent pas être fermés. Bell Canada a précisé que cela fragilise les délicates fibres à l’intérieur des enceintes et les expose à une déconnexion ou à des dommages, et ce, au détriment des clients actuels et futurs de Bell Canada susceptibles d’être desservis par ces installations.
Intervenants
- Le CORC a fait savoir qu’il appuyait l’octroi du redressement demandé par Cloudwifi en ce qui concerne l’accès au câblage d’immeuble par fibre. Il a également indiqué que le Conseil doit tenir une instance de suivi afin de créer un mécanisme de recouvrement des coûts qui permettrait aux propriétaires de nouveau câblage d’immeuble par fibre de recouvrer leurs coûts d’accès à de telles installations auprès des FST dotés d’installations. Selon le CORC, la mise en place d’un nouveau mécanisme de recouvrement des coûts ne s’inscrit pas dans le cadre de la présente instance et nécessiterait un établissement des coûts important, ainsi qu’une occasion pour toutes les parties concernées de formuler leurs commentaires.
Cloudwifi – Observations en réplique
- Cloudwifi a fait valoir que l’interprétation de l’article 10 du Règlement de Bell Canada est inexacte. Elle a indiqué que le sens du paragraphe 10(1) du Règlement signifie que l’abonné ou un autre titulaire peut utiliser le câblage à n’importe quelle fin; il ne signifie pas que l’abonné peut utiliser le câblage uniquement aux fins de radiodiffusion.
- Cloudwifi a indiqué qu’elle avait installé son propre câblage d’immeuble dans chaque logement de l’ILM Spadina et qu’elle a raccordé sa prise à la boîte P-3000 à la demande du propriétaire de l’immeuble, mais qu’à l’époque, contrairement aux règles du Conseil, Bell Canada n’avait pas affiché sur son site Web une entente d’accès concernant l’ILM Spadina. Selon Cloudwifi, il n’y avait donc aucune raison de penser que la boîte P-3000 appartenait à Bell Canada.
- Cloudwifi a fait valoir que le Conseil a plein pouvoir pour établir des règles d’accès et qu’il n’a jamais donné le droit à Bell Canada d’« accorder le consentement préalable », avant qu’un tiers puisse utiliser ses installations.
- Cloudwifi a indiqué que ses interconnexions n’ont pas endommagé l’équipement de Bell Canada ni compromis d’aucune autre manière les services de Bell Canada à ses clients ou sa capacité à connecter de nouveaux clients. Elle a aussi précisé qu’elle ne connaissait pas de meilleure façon de connecter ses installations au câblage intérieur appartenant à Bell Canada. Elle a en outre indiqué qu’elle avait communiqué avec Bell Canada et proposé une autre méthode pour connecter ses installations, mais que Bell Canada n’avait pas répondu. Cloudwifi a fait valoir que le Conseil devrait demander au Comité directeur du CRTC sur l’interconnexion (CDCI) de déterminer une méthode appropriée pour l’interconnexion le plus tôt possible.
Résultats de l’analyse du Conseil
Droit d’accès de Cloudwifi au câblage intérieur de Bell Canada en vertu des règlements relatifs à la radiodiffusion
- L’article 10 du Règlement exige qu’une EDR autorisée permette l’utilisation de son câblage intérieur uniquement lorsqu’une demande d’utilisation est faite par un abonné, une autre EDR autorisée ou une EDR exemptée.
- Dans le cas présent, Bell Canada exerce ses activités à titre d’EDR dans les marchés pertinents et est assujettie à l’article 10 du Règlement. Toutefois, le Conseil estime que l’utilisation par Cloudwifi de l’article 10 du Règlement pour justifier son utilisation du câblage intérieur de Bell Canada est non fondée. À cet égard, Cloudwifi n’était ni une EDR autorisée ni une EDR exemptée au moment où elle a utilisé le câblage intérieur de Bell Canada. De plus, en ce qui concerne l’utilisation par Cloudwifi du terme « abonné » en vertu de l’article 10 du Règlement, les politiques et les règlements du Conseil en matière d’accès au câblage intérieur qui ont été adoptés en vertu de la Loi sur la radiodiffusion visent à assurer que les utilisateurs finals sont en mesure d’utiliser le câblage intérieur pour accéder aux services de programmation par l’entremise du fournisseur de services de leur choixFootnote 9.
- Compte tenu de ce qui précède, et des renseignements disponibles dans le dossier de la présente instance, le Conseil conclut que Cloudwifi n’a pas démontré qu’elle peut se fonder sur l’article 10 du Règlement pour justifier son utilisation ou celle faite par ses clients du câblage intérieur de Bell Canada à l’ILM Northtown ou Spadina avant le dépôt de sa demande ou au moment où celle-ci a été déposée. De plus, le dossier de l’instance n’indique pas clairement si Cloudwifi était un revendeur de services d’EDR d’Atop avant le dépôt de sa demande ou au moment où celle-ci a été déposée.
Cloudwifi comme EDR exemptée
- Cloudwifi a indiqué qu’elle avait déposé un formulaire d’inscription auprès du Conseil et qu’elle attendait d’être ajoutée à la liste des EDR exemptées. Elle a été ajoutée à cette liste le 1er décembre 2018. Par conséquent, le Conseil conclut que, depuis cette date, Cloudwifi peut être exploitée à titre d’EDR exemptée dans les marchés mentionnés dans le cadre de la présente instance et peut se prévaloir de ses droits en vertu de l’article 10 du Règlement en sa capacité d’EDR exemptée.
- Selon le dossier de la présente instance et la définition de « câblage intérieur » énoncée dans le Règlement, le Conseil est d’avis que l’utilisation du câblage intérieur comprend l’accès aux boîtes P-3000.
- Toutefois, même si Cloudwifi peut justifier l’utilisation de l’article 10 du Règlement pour demander l’accès au câblage intérieur d’une EDR autorisée, le Règlement ne prévoit pas un accès inconditionnel. Par exemple, dans l’avis public 2000-81, le Conseil a rappelé à toutes les parties qu’elles doivent respecter l’intégrité de la propriété qu’elles ne possèdent pas ni ne contrôlent. Plus précisément, le libellé du paragraphe 10(1) du Règlement est tel que l’obligation qui y est imposée résulte d’une demande d’utiliser le câblage intérieur du titulaire. De plus, le paragraphe 10(2) stipule que le titulaire propriétaire d’un câblage intérieur peut exiger des frais justes et raisonnables pour l’utilisation du câblage intérieurFootnote 10. Par conséquent, l’accès à un câblage intérieur appartenant à une EDR, conformément à l’article 10 du Règlement, est conditionnel à la présentation d’une demande par une partie admissible et qu’il existe une entente relativement à des frais justes et raisonnables à imposer pour une telle utilisation.
Droit d’accès de Cloudwifi au câblage d’immeuble de Bell Canada en vertu des règlements de télécommunications existants
- Les politiques et les règlements du Conseil concernant l’accès au câblage d’immeuble et aux ILM pour la prestation de services de télécommunication sont énoncés dans plusieurs décisions, comme il est indiqué ci-dessous.
- Dans la décision de télécom 97-8, le Conseil a établi son cadre pour la concurrence dans le marché des services locaux. Il a établi un nombre de mesures pour faciliter l’entrée des ESLC dans le marché ainsi que leurs obligations à l’entrée. Il a aussi ordonné la formulation d’ententes d’interconnexion entre les ESL. Afin de promouvoir l’entrée de concurrents et de favoriser le choix des consommateurs, le Conseil a exigé, comme condition de la prestation d’un service, qu’une ESL « veille à ce que les utilisateurs finals qu’elle sert aient accès directement, selon des modalités raisonnables, aux services fournis par toute autre ESL qui dessert le secteur ».
- Dans la décision de télécom 99-10, le Conseil a déclaré que la mise en œuvre de sa politique relative au choix des utilisateurs finals dépendait de la capacité des ESLC à obtenir l’accès au câblage d’immeuble dans un ILM.
- Dans la lettre à Eastlink/Norigen, le Conseil a déterminé que dans la mesure où une ESLC se voit donner l’accès à la pièce de terminal principale d’un ILM par le propriétaire de l’immeuble et que Bell Canada reste propriétaire du câblage d’immeuble, cette dernière doit permettre à l’ESLC de se raccorder audit câblage d’immeubleFootnote 11.
- Dans la décision de télécom 2003-45, le Conseil a établi les conditions et les principes visant la prestation des services de télécommunication aux clients habitant dans des ILM. Cette décision traitait également d’autres questions connexes, dont les modalités d’accès aux ILM au moyen des installations des ESL. Notamment, le Conseil a renforcé la condition susmentionnée imposée dans la décision de télécom 97-8 en exigeant que
« la fourniture d’un service de télécommunication par une ESL dans un ILM soit assujettie à la condition voulant que les ESL qui souhaitent desservir des utilisateurs finals dans cet ILM puissent y avoir accès rapidement au moyen d’une revente, d’installations louées ou de leurs propres installations, selon leur choix, et selon des modalités et des conditions raisonnables ».
- Dans la décision de télécom 2005-33, le Conseil a élargi la condition d’accès aux ILM de manière à ce qu’elle comprenne un sous-groupe de FST dotés d’installations qui ne sont pas des ESLC qui fournissent des services aux utilisateurs finals dans les ILM – plus précisément les compagnies membres de la Coalition des fournisseurs de services de télécommunication du secteur hydroélectrique (la Coalition). Toutefois, les conclusions du Conseil dans cette décision se limitent à la Coalition et ne s’appliquent pas aux autres FST dotés d’installations qui ne sont pas des ESLC.
- Selon les conclusions du Conseil dans les décisions susmentionnées, les règles d’accès au câblage d’immeuble d’une ESL dans les ILM ne s’appliquent pas aux ESLC proposées. Le Conseil n’a pas fourni aux FSI qui ne sont pas des ESLC des droits d’accès généraux au câblage d’immeuble appartenant à une ESL. Un FSI qui souhaite se raccorder au câblage d’immeuble d’une ESL dans un ILM afin de fournir des services de télécommunication conformément à la décision de télécom 2003-45 doit d’abord s’inscrire comme ESLC. Dans le présent cas, Cloudwifi n’était pas inscrite comme ESLC au moment de son raccordement au câblage de Bell Canada dans les deux ILM en question.
- Par conséquent, le Conseil conclut que tant qu’elle ne sera pas devenue une ESLC inscrite, Cloudwifi n’aura pas le droit d’accéder au câblage d’immeuble de Bell Canada aux termes des règlements relatifs aux télécommunications.
- Le dossier de la présente instance indique que Cloudwifi n’a donné aucun préavis à Bell Canada quant à son intention de se connecter au câblage d’immeuble de cette dernière. Le Conseil estime qu’il est important de souligner que selon les procédures existantes de commande et de facturation pour le raccordement au câblage d’immeuble des ESLFootnote 12, les ESL qui effectuent le raccordement doivent d’abord aviser l’ESL qui possède le câblage et suivre les lignes directrices de l’industrie et de ladite ESL déterminant les procédures de raccordement.
Câblage d’immeuble par fibre
- Bien qu’il n’existe pas de règles précises concernant le raccordement à des installations de câblage d’immeuble par fibre dans un ILM, diverses règles et politiques connexes englobent ce genre d’installations. À cet égard, la condition d’accès établie dans la décision de télécom 97-8 n’est pas restreinte à une technologie en particulier.
- Qui plus est, même si, dans la décision de télécom 99-10, qui traitait de l’emplacement du point de démarcation pour le câblage d’immeuble dans les ILM, le Conseil a conclu que le dossier de l’instance n’était pas suffisant pour établir le point de démarcation pour les technologies du câble axial, des fibres optiques et du sans-fil fixe, il a réitéré que la politique relative au choix pour l’utilisateur final s’applique à toutes les ESL, peu importe la technologie utilisée.
- En outre, la condition d’accès aux ILM établie dans la décision de télécom 2003-45 est formulée largement et n’est pas restreinte à une technologie d’accès en particulier.
- Dans la décision de télécom 2008-85, le Conseil s’est abstenu de réglementer les services de fibres noires intracirconscriptions fournis par Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, Bell Canada, NorthernTel, Limited Partnership, et Télébec, société en commandite, dans leurs territoires de desserte. Le Conseil estime que cette décision ne s’applique pas au câblage d’immeuble, puisque ce dernier n’appartenait pas au marché de produits évalué dans cette décision.
- Par conséquent, le Conseil détermine que la connexion au câblage d’immeuble par fibre d’une ESL dans un ILM est prévue par les politiques et les règlements existants.
- Le tarif existant de Bell Canada associé au câblage d’immeuble est réservé aux installations d’accès par câbles de cuivre, et la compagnie n’a pas de tarif établi pour la fourniture d’accès au câblage d’immeuble par fibre. Par conséquent, la fourniture d’un accès au câblage d’immeuble par fibre appartenant à Bell Canada exigera des modifications au tarif existant de la compagnie.
Conclusion
- En ce qui concerne le droit de Cloudwifi d’utiliser le câblage intérieur de Bell Canada en vertu des règlements relatifs à la radiodiffusion, le Conseil conclut qu’étant donné que Cloudwifi n’était pas une EDR autorisée ni n’était inscrite pour être exploitée en tant qu’EDR exemptée, elle ne peut pas recourir à l’article 10 du Règlement pour justifier son utilisation antérieure du câblage intérieur de Bell Canada dans les ILM Northtown et Spadina. Toutefois, depuis la date de son inscription sur la liste des EDR exemptées, Cloudwifi peut se prévaloir de l’article 10 du Règlement à titre d’EDR exemptée aux emplacements où elle est autorisée à exercer ses activités en tant qu’EDR.
- Le Conseil réitère que l’accès au câblage intérieur appartenant à une EDR, conformément à l’article 10 du Règlement, est conditionnel à la présentation d’une demande par une partie admissible et qu’il existe une entente relativement à des frais justes et raisonnables à imposer pour une telle utilisation. En outre, les droits d’accès créés en vertu de cette disposition visent à appliquer la politique du Conseil établie pour veiller à ce que les utilisateurs finals soient en mesure de recourir au câblage intérieur pour accéder aux services de programmation par l’entremise du fournisseur de services de leur choix.
- En ce qui concerne le droit d’accès de Cloudwifi au câblage d’immeuble de Bell Canada en vertu des règlements de télécommunication existants, une fois que Cloudwifi sera inscrite à titre d’ESLC, elle pourra se raccorder à ce câblage pour fournir des services de télécommunication dans les ILM Northtown et Spadina, et ce, sans égard au type de technologie qu’elle souhaite utiliserFootnote 13. Toutefois, comme il est mentionné ci-dessus, les tarifs de Bell Canada devront être modifiés afin de permettre l’accès au câblage d’immeuble par fibre dans ses installations.
- Compte tenu de ce qui précède et des renseignements versés au dossier de la présente instance, il ne serait pas approprié que le Conseil rende une ordonnance énonçant que Bell Canada ne peut pas faire obstacle à l’utilisation du câblage d’immeuble par les clients de Cloudwifi dans les ILM Northtown et Spadina. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de Cloudwifi concernant une telle ordonnance.
Le Conseil doit-il rendre une ordonnance autorisant les FSI dotés d’installations à accéder au câblage d’immeuble des entreprises de télécommunication et des EDR?
Positions des parties
Cloudwifi
- Cloudwifi a fait valoir que peu importe que le Conseil conclue que les règles existantes lui permettent ou non d’accéder aux installations de Bell Canada, l’accès au câblage d’immeuble devrait être accordé à tous les FSI dotés d’installations. Elle a fait remarquer que la lettre à Eastlink/Norigen traite de la fourniture d’accès aux ESLC et que l’article 10 du Règlement aborde les demandes d’accès de la part des EDR. Selon Cloudwifi, il n’y a aucune raison pour laquelle d’autres fournisseurs de services, comme les FSI, ne devraient pas avoir le droit d’accéder au câblage d’immeuble au point de démarcation.
- Cloudwifi a indiqué que le fait d’autoriser les ESLC à utiliser ce câblage pour fournir un service d’accès Internet sans permettre aux FSI indépendants de faire de même constitue de la discrimination indue et va à l’encontre du paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunicationsFootnote 14.
- Cloudwifi a également souligné que la fourniture d’un service d’accès Internet est un secteur d’activité croissant d’une importance vitale aux entreprises et aux consommateurs canadiens, et qu’il n’y a pas meilleure façon d’améliorer la concurrence et de baisser les prix pour les consommateurs canadiens que d’éliminer les obstacles à l’entrée des FSI dotés d’installations. Elle a précisé que la fourniture d’un accès au câblage d’immeuble est une étape essentielle pour favoriser cette concurrence, de la même manière qu’elle l’a été pour la concurrence des ESLC et des EDR.
- Cloudwifi a fait remarquer que dans la décision de télécom 2005-33, le Conseil a élargi les droits d’accès aux ILM pour inclure la Coalition afin de stimuler la concurrence fondée sur les installations. Elle a fait valoir que, de la même façon, le Conseil devrait permettre aux FSI d’avoir accès au câblage d’immeuble pour aider les Canadiens à obtenir un accès à des services d’accès Internet plus rapides à coût modique.
Bell Canada
- Bell Canada a indiqué que rien ne justifiait l’adoption d’une nouvelle règle qui permettrait aux FSI d’accéder au câblage d’immeuble des entreprises et des EDR. À son avis, il serait inapproprié que le Conseil élargisse la portée de ses règles existantes, qu’elles soient prises en vertu de la Loi sur la radiodiffusion ou de la Loi sur les télécommunications, pour englober les FSI de manière à ce qu’ils puissent maintenir leur accès à toutes les installations des EDR et des ESL.
- Bell Canada a fait valoir que les dispositions de restriction des compétences prévues dans la Loi sur la radiodiffusion, plus précisément au paragraphe 4(4)Footnote 15 et à l’alinéa 10(1)k)Footnote 16, servent à limiter le pouvoir de création de règlements du Conseil relativement aux questions qui contribuent à l’exécution de sa mission. Par conséquent, le Conseil n’a pas le pouvoir d’adopter de nouvelles règles en vertu de cette loi et du Règlement qui donneraient aux FSI indépendants le droit d’accéder au câblage intérieur de radiodiffusion.
- Bell Canada a indiqué que Cloudwifi n’avait fourni aucune réelle justification en vertu de la Loi sur les télécommunications motivant la création de nouvelles règles de télécommunication concernant l’accès au câblage d’immeuble des ILM qui s’appliqueraient aux FSI indépendants. Selon la compagnie, les règles actuelles ne semblent pas avoir empêché la concurrence dans le marché des services Internet de détail au Canada; Bell Canada a présenté des données sur les revenus et les abonnés provenant du Rapport de surveillance des communications 2017 (RSC) du Conseil pour soutenir son opinion. Elle a précisé que les données du RSC suggèrent que le marché de détail des FSI est de plus en plus concurrentiel et marqué de rivalité, et que les règles régissant le câblage d’immeuble n’ont pas empêché les FSI de réaliser des gains impressionnants et d’accroître la vitalité générale de la concurrence des services d’accès Internet de détail.
Intervenants
- Le CDIP, le CORC, et Iristel ont généralement indiqué que le fait de permettre aux FSI dotés d’installations ou, selon le CORC, à tout FST doté d’installations, d’accéder au câblage d’immeuble permettrait une concurrence efficace et un plus grand choix et une meilleure abordabilité pour les consommateurs. Ils ont également indiqué qu’une telle modification serait conforme aux divers objectifs de politique prévus à l’article 7 de la Loi sur les télécommunications (objectifs de politique), aux InstructionsFootnote 17 ainsi qu’aux conclusions du Conseil dans la décision de télécom 2003-45, la décision de télécom 2005-33 et la politique réglementaire de télécom 2016-496.
- Le CORC a soutenu qu’en l’absence d’accès au câblage d’immeuble pour les FST dotés d’installations, le propriétaire du câblage en devient essentiellement son gardien : il peut décider auprès de quels fournisseurs de services les utilisateurs finals de l’immeuble en question pourront obtenir des services de télécommunication.
- Iristel a signalé qu’étant donné la transition évidente aux services à large bande dans l’industrie des télécommunications, qui est reflétée dans les décisions du Conseil, comme la politique réglementaire de télécom 2016-496, il n’y a aucune logique à exclure les FSI du même accès au câblage d’immeuble actuellement accordé aux ESLC et aux EDR.
- Iristel a fait valoir que le fait de ne pas permettre aux FSI dotés d’installations d’avoir un accès réglementé au câblage d’immeuble les poussera à s’inscrire à titre d’ESLC même si leur plan d’affaires ne prévoyait pas de prime abord la prestation de services vocaux. Elle a précisé que cette situation constitue une barrière à l’entrée pour les petits FSI et qu’elle est contraire à l’objectif de politique énoncé à l’alinéa 7c) de la Loi sur les télécommunications, qui vise à accroître l’efficacité et la compétitivité des télécommunications canadiennes. Elle a également soutenu que cette situation impose un fardeau onéreux sur le Conseil, sur les administrateurs de numérotation et sur toutes les entreprises en exploitation dans la même circonscription que le FSI. Iristel a indiqué que l’obligation de s’inscrire à titre d’ESLC va nettement à l’encontre de l’objectif prévu à l’alinéa 7f) de la Loi sur les télécommunications, qui consiste à « [...] assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire ».
- Selon le CDIP, le fait de permettre à Cloudwifi d’accéder au câblage d’immeuble de Bell Canada à titre de FSI continuerait de promouvoir les objectifs de politique de concurrence et de choix du consommateur définis par le Conseil dans la décision de télécom 2003-45, le tout tenant compte de la nouvelle importance de la promotion des services d’accès Internet à large bande. Le CDIP a également signalé qu’en raison de la croissance du service de télévision sur IP, les services de télécommunication et de radiodiffusion sont de plus en plus fournis au moyen de la même infrastructure, par les mêmes fournisseurs. En outre, il a soutenu que le fait de ne pas permettre l’accès au câblage d’immeuble dans les ILM, à notre époque, en raison d’une lacune réglementaire avantagerait les fournisseurs qui offrent tous ces services.
- Le CDIP a indiqué que le Conseil devrait encourager l’accès des FSI dotés d’installations au câblage d’immeuble détenu par les entreprises et les EDR afin de promouvoir la concurrence et de maximiser le choix offert aux utilisateurs finals en matière de service d’accès Internet à large bande et de tout autre service que les FSI pourraient offrir. Le CDIP a également fait valoir que l’adoption de cette approche globale serait raisonnable au vu des décisions précédentes du Conseil et des objectifs de politique.
Cloudwifi – Observations en réplique
- Cloudwifi a indiqué que bien qu’il y ait beaucoup de FSI indépendants au Canada, comme l’indiquent les données du RSC auxquelles Bell Canada a fait référence, la plupart de ces FSI sont des revendeurs. Selon Cloudwifi, le Canada a besoin de FSI dotés d’installations pour faire baisser les prix et amener des réseaux plus rapides au Canada, et ces fournisseurs doivent avoir accès au câblage d’immeuble.
- Cloudwifi a précisé que les Canadiens en ont assez de payer des prix gonflés pour obtenir des services d’accès Internet et que la concurrence fondée sur les installations est la solution. Cloudwifi a indiqué que pour y parvenir, les FSI doivent avoir droit au même accès au câblage intérieur que les ESLC et les EDR. Cloudwifi a également fait valoir que les services locaux et les services de distribution de radiodiffusion sont en baisse et que les services d’accès à Internet représentent l’avenir.
Résultats de l’analyse du Conseil
- Dans la décision de télécom 97-8, le Conseil a mentionné qu’un objectif important de la concurrence dans les services locaux était d’accroître le choix offert aux consommateurs. Le Conseil a déterminé que, pour faciliter ce choix, il était dans l’intérêt du public que les utilisateurs finals aient le droit et les moyens d’accéder aux services de l’ESL de leur choix dans toutes les situations. Comme il est indiqué ci-dessus, le Conseil a demandé, comme condition de la prestation d’un service, qu’une ESL veille à ce que les utilisateurs finals qu’elle sert aient accès directement, selon des modalités raisonnables, aux services fournis par toute autre ESL qui dessert le secteur.
- Dans la décision de télécom 2003-45, le Conseil a fait remarquer qu’il a conclu que la concurrence fondée sur les installations est le meilleur moyen d’assurer un service de qualité et abordable, de même que l’innovation et la différenciation des services, et que la concurrence fondée sur les installations serait finalement la forme de concurrence la plus efficace et la plus durable pour atteindre les objectifs de politique. Le Conseil a également noté que pour favoriser le développement de la concurrence, il a cherché à faire en sorte que les fournisseurs de services puissent accéder aux abonnés et les desservir de diverses façons, notamment par la revente des services, la location des installations de même que par la mise en place et l’exploitation de leurs propres installations. Il a fait remarquer que dans de nombreuses décisions, il a cherché à supprimer les obstacles qui limitent la capacité des fournisseurs de services à desservir les utilisateurs finals par l’un de ces moyens.
- Dans la décision de télécom 2005-33, le Conseil a estimé que les membres de la Coalition formaient un groupe de concurrents dotés d’installations qui était petit certes, mais en expansion. Le Conseil a convenu avec la Coalition que la gamme de services fournis aux utilisateurs finals a changé considérablement depuis l’arrivée de la concurrence locale, ce qui reflète une convergence des services vocaux et de données. Par conséquent, le Conseil a estimé que même si les services fournis par les membres de la Coalition n’étaient pas des services vocaux, les membres de la Coalition jouaient un rôle important dans le développement de la concurrence locale et plus particulièrement dans le développement de la concurrence fondée sur les installations et les choix qui s’offrent aux utilisateurs finals.
- Le Conseil a également estimé que les membres de la Coalition étaient confrontés à des obstacles à l’entrée dans les ILM qui les empêchaient d’y desservir les utilisateurs finals, que ce soit directement ou indirectement à titre de grossistes. Le Conseil a aussi estimé que, comme cela avait été le cas des ESL, ces obstacles à l’entrée limitaient le choix des utilisateurs finals et empêchaient les membres de la Coalition de livrer une véritable concurrence dans les marchés locaux de télécommunication. Le Conseil a estimé en général que lever les obstacles qui limitent le choix des utilisateurs finals et nuisent au développement de la concurrence locale et, en particulier, la concurrence fondée sur les installations, est essentiel à la mise à œuvre des objectifs de politique.
- Les services de télécommunication ont considérablement évolué depuis les années 2000. On a notamment constaté une migration vers des services d’accès Internet à large bande sans fil fixes et mobiles et loin des services traditionnels comme le service téléphonique filaire.
- Le Conseil estime que la présence d’obstacles qui nuisent à la capacité des entreprises FSIFootnote 18 de fournir un service d’accès Internet aux utilisateurs finals dans les ILM entrave le développement de la concurrence dans ce marché et, par conséquent, limite le choix des utilisateurs finals. Cette restriction du choix offert aux consommateurs est contraire à l’objectif du Conseil d’augmenter le nombre de fournisseurs parmi lesquels peuvent choisir les consommateurs, comme il est établi dans la décision de télécom 97-8, et ces obstacles et leurs effets vont à l’encontre des objectifs de politique prévus aux alinéas 7b), 7c), 7f) et 7h) de la Loi sur les télécommunicationsFootnote 19.
- Le Conseil estime également que le fait d’obliger des entreprises FSI qui n’auraient autrement pas l’intention de fournir des services locaux à s’inscrire en tant qu’ESLC pour relier leurs installations à celles d’une ESL dans les ILM impose un fardeau réglementaire inutile à ces FSI et à d’autres ESL. Ce fardeau va à l’encontre des quatre objectifs de politique susmentionnés et des sous-alinéas 1a)(ii)Footnote 20 et 1b)(ii)Footnote 21 des Instructions.
- En outre, le Conseil estime que l’exclusion des entreprises FSI qui ne sont ni des ESLC ni membres de la Coalition de l’accès au câblage d’immeuble d’une ESL dans un ILM est incompatible avec le sous-alinéa 1b)(iv) des Instructions. Plus précisément, le refus de l’accès ne garantirait pas des ententes d’interconnexion de réseaux ou des régimes d’accès neutres sur le plan de la technologie et de la concurrence et empêcherait les nouvelles technologies de faire concurrence.
- Enfin, le Conseil estime que le fait de rendre obligatoire l’accès au câblage d’immeuble des ESL dans les ILM pour les entreprises FSI qui ne sont pas des ESLC contribuerait à l’atteinte des objectifs de politique prévus aux alinéas 7b), 7c), 7f), 7g)Footnote 22, et 7h).
- Par conséquent, le Conseil estime qu’il serait raisonnable que les entreprises FSI aient accès aux ILM, ainsi qu’au câblage d’immeuble dans les ILM, sans avoir à devenir des ESLC inscrites.
- Le Conseil estime que la demande de Cloudwifi en vue d’obtenir une ordonnance autorisant toutes les entreprises FSI à accéder au câblage d’immeuble appartenant aux entreprises de télécommunication ne peut pas être acceptée dans le cadre de la présente instance, puisque la demande n’a pas été signifiée à tous les répondants potentiels et, par conséquent, ils n’ont pas reçu un avis suffisant.
- Toutefois, compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil a pour opinion préliminaire que : i) la condition d’accès aux ILM ainsi que les obligations connexes devraient s’appliquer à toutes les entreprises FSI, voire à l’ensemble des FST, de la même façon que la décision de télécom 2005-33 a appliqué la condition d’accès aux ILM et les obligations connexes aux membres de la Coalition; ii) toutes les entreprises FSI, voire tous les FST, devraient avoir accès au câblage d’immeuble des ESL et des autres FST dans des ILM au même titre que les ESLC inscrites, et ce, peu importe la technologie employée.
- Parallèlement à la publication de la présente décision, le Conseil a aujourd’hui publié l’avis de consultation de télécom 2019-219 en vue de se pencher davantage sur la question et de désigner les autres entités, le cas échéant, auxquelles devraient s’appliquer les conditions d’accès aux ILM et les obligations connexes, de même que les conditions d’accès au câblage par fibre.
- Puisque la demande de Cloudwifi a été signifiée expressément à Bell Canada, le Conseil ordonne à Bell Canada, à titre de condition pour fournir des services de télécommunication dans toutes les ILM qu’elle dessert, de permettre à toutes les entreprises FSI, y compris à Cloudwifi, d’accéder à son câblage d’immeuble.
- Comme il a été mentionné précédemment, le tarif existant de Bell Canada associé au câblage d’immeuble est réservé aux ESL et aux installations d’accès par câbles de cuivre, et la compagnie n’a pas de tarif approuvé établi pour la fourniture d’accès au câblage d’immeuble par fibre.
- Afin de donner effet à la décision du Conseil de fournir aux entreprises FSI un accès au câblage d’immeuble appartenant à Bell Canada, les tarifs de cette dernière devront être modifiés. Puisque Cloudwifi compte actuellement des utilisateurs finals qui sont branchés à son réseau au moyen d’un câblage d’immeuble appartenant à Bell Canada, le Conseil ordonne à Bell Canada de déposer des pages de tarifs modifiées proposées reflétant un tel accès dans les 30 jours suivant la présente décision.
- Parallèlement, des modifications tarifaires seront nécessaires pour fournir aux entreprises FSI et aux ESLC un accès au câblage d’immeuble par fibre appartenant à Bell Canada. Par conséquent, le Conseil ordonne à Bell Canada de fournir un tel accès dans le cadre de ses modifications proposées aux pages de tarif, qui devront inclure les modalités relatives à la connexion.
- Le Conseil note ce qui suit : (i) le Sous-groupe de travail du CDCI sur l’accès aux immeubles et le câblage intérieur (le Groupe de travail), dans le cadre d’une tâche découlant de la décision de télécom 99-10, n’a pas été en mesure de dégager un consensus sur un point de démarcation pour l’accès au câblage d’immeuble par fibre dans les ILM; (ii) le Conseil n’a pas établi l’emplacement d’un point de démarcation pour ces installations. Toutefois, le Conseil note également que dans une contribution présentée au Groupe de travail en novembre 1999, Bell Canada et MTS Communications Inc. ont donné leur point de vue concernant plusieurs détails importants à propos du point de démarcation des fournisseurs de services de fibres, renseignements qui pourraient orienter les tarifs proposés par Bell CanadaFootnote 23.
- Le Conseil estime qu’il ne serait pas dans l’intérêt du public que les clients existants de Cloudwifi soient débranchés en attendant que Bell Canada dépose ses pages de tarifs modifiées. Par conséquent, le Conseil ordonne à Bell Canada d’appliquer provisoirement ses dispositions existantes liées au câblage d’immeuble aux entreprises FSI, y compris Cloudwifi, en attendant qu’elle dépose ses pages de tarifs modifiées, et ce, à compter de la date de la présente décision.
- À l’heure actuelle, les tarifs de Bell Canada ne comprennent aucuns frais pour l’utilisation du câblage d’immeuble de cuivre, ce qui signifie que le taux en vigueur correspond à 0 $. Par conséquent, le Conseil fixe un taux provisoire, à compter de la date de sa décision, correspondant à 0 $ par abonné, par mois, qui sera facturé par Bell Canada pour l’utilisation du câblage d’immeuble par fibre.
- Le Conseil fait remarquer que le dossier de la présente instance ne comprend pas suffisamment de renseignements pour établir les coûts exacts du câblage d’immeuble par fibre. Si Bell Canada souhaite percevoir un tarif pour ces installations, elle doit déposer une étude de coûts en plus de ses pages de tarifs modifiées proposées.
- En ce qui concerne la question de savoir si les entreprises FSI devraient avoir accès au câblage intérieur des EDR, le Conseil note que toute modification apportée à l’article 10 du Règlement relatif aux EDR et à l’ordonnance d’exemption des EDR exigerait un processus particulier, notamment la publication d’un avis de consultation de radiodiffusion. Compte tenu de ce qui précède, des importantes difficultés que soulève cette solution (dont des enjeux de compétence) et du manque d’arguments et d’éléments de preuve sur ce point, le Conseil estime que la présente instance n’est pas appropriée pour étudier cette question.
- Le Conseil note i) la présence omniprésente de FSI dotés d’installations dans les ILM, et ii) que la plupart, sinon la totalité, des EDR qui possèdent un câblage intérieur offrent à la fois des services de radiodiffusion et des services Internet et, par conséquent, exercent aussi leurs activités en tant que FST. Dans la mesure où le Conseil détermine, à la suite de l’avis de consultation de télécom 2019-219, que des mesures de réglementation sont requises pour éliminer les obstacles à l’entrée dans les ILM auxquels sont confrontés les entreprises FSI, il est d’avis que les questions d’accès des FSI aux ILM que Cloudwifi a soulevées dans sa demande seraient résolues de manière satisfaisante. Par conséquent, le Conseil estime qu’aucune autre mesure n’est requise pour le moment pour donner aux entreprises FSI l’accès au câblage intérieur des EDR.
Secrétaire général
Documents connexes
- Applicabilité de l’avis préliminaire du Conseil énoncé dans la décision de télécom et de radiodiffusion 2019-218 à tous les fournisseurs de services de télécommunication, Avis de consultation de télécom CRTC 2019-219, 21 juin 2019
- Révision de l’ordonnance d’exemption relative aux entreprises de distribution de radiodiffusion terrestres desservant moins de 20 000 abonnés, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2017-319 et Ordonnance de radiodiffusion CRTC 2017-320, 31 août 2017
- Les services de télécommunication modernes : La voie d’avenir pour l’économie numérique canadienne, Politique réglementaire de télécom CRTC 2016-496, 21 décembre 2016
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- Décision CRTC 2001-362, 19 juin 2001
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- Emplacement du point de démarcation pour le câblage intérieur dans les immeubles multilocataires et questions connexes, Décision de télécom CRTC 99-10, 6 août 1999
- Concurrence locale, Décision de télécom CRTC 97-8, 1er mai 1997
- Nouveau cadre de réglementation pour les entreprises de distribution de radiodiffusion, Avis public CRTC 1997-25, 11 mars 1997
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