Décision de télécom CRTC 2013-71

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Ottawa, le 21 février 2013

Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et Bell Canada – Demande de révision et de modification de la politique réglementaire de télécom 2011-703

Numéro de dossier : 8662-B54-201202259

Dans la présente décision, le Conseil rejette une demande présentée par Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et Bell Canada dans le but de faire revoir et modifier certains éléments de la politique réglementaire de télécom 2011-703 en ce qui concerne le rajustement par le Conseil des coûts utilisés pour l’établissement de services d’accès haute vitesse de gros de résidence.

Le Conseil fait remarquer que la politique réglementaire de télécom 2013-70, laquelle présente une série de décisions concernant les services AHV de gros, accompagne la présente décision.

Demande

1. Le Conseil a reçu une demande présentée par Bell Aliant Communications régionales, société en commandite (Bell Aliant) et Bell Canada (collectivement les compagnies Bell), datée du 1er mars 2012, dans laquelle elles demandaient au Conseil de réviser et de modifier les tarifs qu’il a établis dans la politique réglementaire de télécom 2011-703 en ce qui a trait à l’élément du tarif d’accès de services d’accès haute vitesse (AHV) de résidence de gros offerts au moyen de la technologie de type fibre jusqu’au nœud (FTTN)[1]. (Par souci de simplicité, les services AHV de gros offerts au moyen de la technologie FTTN seront nommés services AHV de gros dans les paragraphes qui suivent.)

2. Les compagnies Bell ont fait valoir l’existence d’un doute réel quant au bien-fondé des rajustements de coûts apportés par le Conseil aux études de coûts effectués pour les services AHV de gros dans la politique réglementaire de télécom 2011-703. Elles ont donc demandé que les tarifs d’accès pour ces services varient selon les coûts établis en renversant certaines décisions de coûts de la politique réglementaire de télécom 2011-703.

3. Le Conseil a reçu des observations concernant la demande des compagnies Bell de la part du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC), MTS Inc. et Allstream Inc. (collectivement MTS Allstream)[2], Primus Telecommunications Canada Inc. (Primus), Shaw Cablesystems G.P. (Shaw) et Vaxination Informatique (Vaxination). On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 12 avril 2012. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

4. Dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, le Conseil a énoncé les critères qu’il utilisera pour examiner les demandes de révision et de modification qui seront déposées en vertu de l’article 62 de la Loi sur les télécommunications (la Loi). En particulier, le Conseil a déclaré que les demandeurs doivent démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale, résultant, par exemple : i) d’une erreur de droit ou de fait; ii) d’un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision; iii) du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale; ou iv) d’un nouveau principe découlant de la décision.

5. Le Conseil a déterminé qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes :

I. Le Conseil a-t-il commis une erreur en excluant certains coûts engagés avant juillet 2011?

II. Le Conseil a-t-il commis une erreur en établissant le changement dans le coût unitaire annuel de l’équipement lié aux multiplexeurs d’accès de ligne d’abonné numérique (MALAN)[3] de technologie FTTN? (Par souci de simplicité, les MALAN de technologie FTTN seront nommés MALAN dans les prochains paragraphes.)

III. Le Conseil a-t-il commis une erreur en rajustant les coûts liés aux MALAN?

IV. Le Conseil a-t-il commis une erreur en utilisant une période d’étude de dix ans?

I. Le Conseil a-t-il commis une erreur en excluant certains coûts engagés avant juillet 2011?

6. Les compagnies Bell ont soutenu que le Conseil a commis une erreur en excluant les coûts antérieurs liés au développement du service[4] et au conditionnement du réseau FTTN[5] des études de coûts des services AHV de gros. Elles ont ajouté que le fait que ces coûts aient été engagés avant juillet 2011 n’avait rien à voir avec la détermination de la causalité liée à la prestation des services AHV de gros.

7. Les compagnies Bell ont fait valoir que la mise en place de la technologie FTTN dans leurs réseaux locaux était nécessaire pour offrir des services d’accès de plus en plus rapides à leurs clients. Du point de vue des compagnies Bell, la solution la plus rentable consiste à développer le service et à conditionner le réseau dans l’ensemble d’un secteur de distribution. Les compagnies Bell ont ajouté qu’à l’exception de Bell Aliant dans son territoire de desserte du Canada atlantique, elles étaient punies financièrement pour avoir conditionné les accès avant d’offrir des services AHV de gros par rapport aux autres entreprises de services locaux titulaires (ESLT) qui conditionnent leurs réseaux et engagent les dépenses nécessaires lorsque la demande le justifie, et qui peuvent inclure ces coûts dans leurs études de coûts.

8. Le CORC, MTS Allstream, Primus et Vaxination ont fait valoir que les coûts en question n’étaient pas attribuables à l’offre de services AHV de gros puisque ces coûts sont historiques et constituent des coûts irrécupérables[6]. Primus a avancé que d’après le dossier de l’instance qui a mené à la politique réglementaire 2011-703, les coûts de développement du service et de conditionnement du réseau des compagnies Bell ont été pleinement et explicitement pris en compte. Le CORC, MTS Allstream et Primus ont également déclaré que les compagnies Bell n’avaient pas justifié une exception au principe établi depuis longtemps selon lequel de tels coûts sont exclus des études de coûts de la Phase II.

Résultats de l’analyse du Conseil

9. Comme les coûts historiques en question, engagés par les compagnies Bell avant juillet 2011, ne sont pas des coûts prospectifs, ni des coûts connexes à l’introduction de services AHV de gros, le Conseil a conclu, dans la politique réglementaire de télécom 2011-703, que ces coûts devaient être retirés des études de coûts réglementaires se rapportant aux services AHV de gros.

10. Le Conseil estime que les compagnies Bell n’ont pas prouvé lors de cette instance que les coûts en question ne devaient pas être traités selon la méthodologie établie dans leurs manuels d’études économiques réglementaires approuvés (manuels d’études)[7]. Le Conseil estime donc que les coûts en question constituent des coûts irrécupérables et qu’ils doivent être exclus des études de coûts pertinentes.

11. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’a commis aucune erreur en excluant les coûts de développement du service et de conditionnement du réseau FTTN des compagnies Bell engagés avant juillet 2011 des études de coûts réglementaires liées au service AHV de gros des compagnies Bell. Le Conseil conclut que les compagnies Bell n’ont pas démontré qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de cette décision.

II. Le Conseil a-t-il commis une erreur en établissant le changement dans le coût unitaire annuel pour l’équipement lié aux multiplexeurs d’accès de ligne d’abonné numérique (MALAN)?

12. Les compagnies Bell ont fait valoir que le Conseil a erré en établissant le changement dans le coût unitaire annuel[8] à moins cinq pour cent pour les coûts liés à l’équipement axé sur l’accès[9]. Elles ont avancé les raisons suivantes : i) il a utilisé les changements de prix historiques pour l’équipement comme indicateur des changements de prix futurs; ii) il a utilisé des changements dans les coûts unitaires annuels différents des facteurs liés aux catégories d’immobilisations énoncées dans les manuels d’études des compagnies Bell; iii) il a calculé une réduction du prix de l’équipement qui n’est pas raisonnable; iv) il n’a pas tenu compte des répercussions des changements de coûts causés par l’utilisation d’équipement lié aux MALAN de capacité moindre par rapport à l’équipement traditionnel lié aux MALAN (équipement traditionnel).

13. Les compagnies Bell ont avancé qu’il n’était pas approprié d’utiliser les changements de prix de l’équipement traditionnel de capacité supérieure comme indicateur pour les MALAN de capacité moindre parce que les changements de prix à l’équipement traditionnel ne devraient pas être similaires à ceux des MALAN. Les compagnies Bell ont ajouté que lorsqu’il a établi le changement dans le coût de l’équipement à moins cinq pour cent, le Conseil n’a pas tenu compte du fait que la mise en place des MALAN de capacité moindre qui remplacent l’équipement traditionnel devrait provoquer une augmentation du coût unitaire moyen de l’équipement au fil du temps.

14. Les compagnies Bell ont fait valoir qu’il n’était pas raisonnable que le Conseil établisse le changement dans le coût annuel de l’équipement à moins cinq pour cent afin de refléter les réductions de prix futures car ce calcul contredit les prévisions des compagnies Bell. Ces prévisions relatives aux changements dans le coût unitaire annuel de l’équipement sont documentées dans les manuels d’études des compagnies Bell.

15. Primus et le CORC ont affirmé que les rajustements du Conseil étaient raisonnables compte tenu des changements historiques dans les coûts de l’équipement et de l’augmentation prévue de la capacité de l’équipement combinée à la possibilité de réductions additionnelles substantielles dans les coûts unitaires de l’équipement au fil du temps.

16. Primus a également fait observer que les manuels d’études des compagnies Bell n’établissent pas, explicitement ou implicitement, que le Conseil ne peut pas rajuster les données d’entrée documentées dans les manuels d’études. Primus a ajouté que le Conseil approuve la méthodologie documentée dans les manuels d’études et que les données sont mises à jour selon les besoins afin de refléter les conditions actuelles. Primus a souligné que le Conseil peut réviser les entrées proposées dans une étude de coûts et apporter les changements qu’il considère appropriés.

Résultats de l’analyse du Conseil

17. Comme il a été observé dans la politique réglementaire de télécom 2011-703, le Conseil estime qu’il existe des différences substantielles entre les changements historiques dans le coût unitaire annuel associé à l’équipement lié aux MALAN et les prévisions de changements dans le coût unitaire annuel moyen pour les catégories d’immobilisations correspondantes telles qu’établies dans les manuels d’études des compagnies Bell et proposées dans leurs études de coûts. Le Conseil fait remarquer que les pratiques actuelles en matière d’établissement de coûts lui permettent de déroger à l’application des changements dans les coûts unitaires annuels moyens établis par les manuels d’études des compagnies Bell lorsque des renseignements plus appropriés sur les coûts, portant en particulier sur une pièce d’équipement à l’étude, sont disponibles. Par conséquent, le Conseil estime qu’il est approprié en l’espèce d’utiliser les renseignements propres à l’équipement traditionnel plutôt que les données moyennes des catégories d’immobilisations tirées des manuels d’études des compagnies Bell.

18. Le Conseil estime que contrairement aux affirmations des compagnies Bell, les entrées de coûts unitaires associées à l’équipement lié aux MALAN de moindre capacité ont été utilisées comme point de départ initial dans l’analyse du Conseil. Subséquemment, des rajustements de coûts ont été appliqués pour tenir compte des changements dans les coûts unitaires annuels anticipés associés à l’équipement lié aux MALAN. En outre, le Conseil estime qu’aucun élément de preuve n’a été fourni à l’instance initiale ou à la présente instance pour démontrer que les changements dans les coûts unitaires suivant l’exercice initial d’établissement des coûts unitaires ne seraient pas similaires à ceux établis par le passé pour de l’équipement traditionnel. Par conséquent, le Conseil demeure d’avis qu’en l’absence de preuve du contraire, les changements historiques dans les coûts unitaires annuels fournissent une estimation raisonnable des réductions de coûts unitaires des MALAN pour la période visée par l’étude.

19. De plus, le Conseil fait remarquer que l’information sur les coûts historiques indique qu’en quatre ans, Bell Canada a observé une diminution de ce coût unitaire total supérieure aux cinq pour cent établis par le Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2011-703. Le Conseil estime par conséquent que son utilisation d’un changement de moins cinq pour cent dans les coûts unitaires annuels de l’équipement lié aux MALAN est conservatrice et permettrait le recouvrement des coûts engagés par les compagnies Bell.

20. À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime qu’il n’a pas commis d’erreur en utilisant un changement de moins cinq pour cent dans le coût unitaire annuel de l’équipement MALAN utilisé pour la prestation de services AHV de gros par les compagnies Bell. Le Conseil conclut que les compagnies Bell n’ont pas démontré qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de cette décision.

III. Le Conseil a-t-il commis une erreur en rajustant les coûts liés aux MALAN?

21. Les compagnies Bell ont fait observer que le Conseil a commis une erreur lorsqu’il a apporté des rajustements aux coûts des MALAN en plafonnant l’élément main-d’œuvre[10] et en haussant les durées de vie estimatives pour la partie concernant les travaux de génie civil[11] de leurs coûts de main-d’œuvre. Elles ont ajouté que les coûts utilisés pour établir les tarifs en question devraient plutôt être fondés sur les coûts qu’elles ont présentés dans leurs études de coûts.

22. En ce qui concerne le plafonnement de l’élément main-d’œuvre des coûts, les compagnies Bell ont fait valoir que les plafonds imposés par le Conseil sont inappropriés parce qu’il a formulé les hypothèses erronées suivantes : i) les coûts de main-d’œuvre liés aux MALAN engagés par Saskatchewan Telecommunications (SaskTel) et la Société TELUS Communications (STC), qui sont les fournisseurs de services AHV de gros dont les coûts sont les plus bas, sont plus appropriés que les coûts de main-d’œuvre proposés par les compagnies Bell, qui sont fondés sur des hypothèses détaillées d’établissement de coûts et des méthodes établies dans le domaine, ii) les coûts de main-d’œuvre devraient être similaires d’une ESLT à l’autre, ce qui n’est pas fondé puisque plusieurs facteurs propres à une entreprise doivent être pris en compte, iii) les coûts proposés étaient fondés sur l’avis d’experts dans le domaine des estimations de temps, pour lesquelles les compagnies Bell ont affirmé qu’elles n’étaient pas conformes à la réalité.

23. En ce qui concerne la hausse de la durée de vie estimative pour la partie génie civil des coûts de main-d’œuvre, les compagnies Bell ont fait valoir que les durées de vie rajustées par le Conseil ne sont pas justifiées parce que le Conseil a formulé les hypothèses erronées suivantes : i) il a utilisé une durée de vie estimative différente des durées de vie estimatives par catégorie d’immobilisations précisées dans les manuels d’études des compagnies Bell, ii) les durées de vie estimatives des compagnies Bell pour la partie génie civil de l’équipement lié aux MALAN devraient être comparables aux durées de vie estimatives de MTS Allstream pour des activités similaires, iii) la durée de vie utile de la partie génie civil des coûts de main-d’œuvre liés aux MALAN est similaire à la durée de vie utile du fil de cuivre. Les compagnies Bell ont fait valoir que la durée de vie estimative de l’équipement lié aux MALAN ne devrait pas être égale à celle du fil de cuivre car les changements technologiques peuvent rendre les emplacements des MALAN désuets, et rien ne garantit que les plateformes cimentées et les épissures seront encore utilisées lorsque les compagnies Bell ne pourront plus placer de pièces d’équipement additionnelles ou les remplacer avec des pièces de taille différente dans certains emplacements urbains.

24. Primus et le CORC ont affirmé que lorsqu’une entreprise fournit de l’information sur les coûts de l’équipement lié aux MALAN au dossier d’une instance, il est approprié pour le Conseil de comparer ces renseignements aux coûts d’équipement lié aux MALAN présentés par d’autres ESLT et de rajuster les coûts proposés par l’entreprise lorsque les estimations d’une autre ESLT sont plus raisonnables.

25. Primus a ajouté que la preuve présentée par les compagnies Bell pendant l’instance initiale montre qu’elles se sont fiées en grande partie sur des experts en la matière pour estimer les coûts d’ingénierie et d’installation de l’équipement lié aux MALAN et élaborer les estimations de temps associées. Primus a également affirmé que le Conseil n’a aucune obligation d’accepter la méthodologie utilisée dans les manuels d’étude.

26. Le CORC a de plus fait valoir que les allégations des compagnies Bell selon lesquelles la partie génie civil des coûts de main-d’œuvre associés aux MALAN ne dépassera probablement pas la durée de vie estimative de l’équipement lié aux MALAN n’est que pure spéculation et ne cadre aucunement avec les allégations présentées par les autres ESLT dans une situation similaire.

Résultats de l’analyse du Conseil

27. Le Conseil remarque que le plafond relatif à la main-d’œuvre qu’il a établi pour l’équipement lié aux MALAN et qui s’applique aux compagnies Bell et à MTS Allstream tenait compte des hypothèses de coûts détaillés des MALAN de chacune de ces ESLT et qu’il ne reflétait pas seulement les coûts de main-d’œuvre liés au MALAN de SaskTel et de la STC. Le Conseil estime que le plafond relatif à la main-d’œuvre établi tenait compte des hypothèses de coûts de chaque ESLT et a été établi à un niveau substantiellement plus élevé que ceux proposés et approuvés pour SaskTel et la STC.

28. En ce qui concerne la position des compagnies Bell selon laquelle l’avis des experts en la matière n’a pas été utilisé pour déterminer les coûts de main-d’œuvre liés aux MALAN, le Conseil observe qu’à l’instance initiale, elles avaient fait valoir que leurs estimations de dépenses d’ingénierie étaient fondées sur un échantillon d’emplois représentatifs et sur l’avis d’experts en la matière. De plus, dans leur demande, les estimations de coûts d’ingénierie reflétaient le temps associé à l’installation initiale de l’équipement lié aux MALAN par les compagnies Bell.

29. En établissant le plafond de main-d’œuvre, le Conseil tient compte des gains d’efficacité potentiels que les ingénieurs des compagnies Bell ou les fournisseurs tiers pourraient réaliser en acquérant de l’expérience dans l’installation de MALAN au fil de la période d’étude.

30. Par conséquent, le Conseil est d’avis que le plafond de main-d’œuvre établi pour l’équipement lié aux MALAN demeure approprié en l’absence de nouveaux éléments de preuve.

31. Le Conseil estime que les questions soulevées par les compagnies Bell dans la présente instance relativement à la partie génie civil des coûts de main-d’œuvre liés aux MALAN ont été débattues à l’instance initiale et qu’aucun nouvel élément de preuve n’a été présenté lors de la présente instance. Le Conseil estime de plus que les pratiques actuelles en matière d’établissement de coûts permettent que des changements soient apportés à l’utilisation des durées de vie estimatives des catégories d’immobilisations du manuel d’études des compagnies Bell lorsque des renseignements plus appropriés, propres à une pièce d’équipement à l’étude, sont disponibles. Le Conseil souligne que les compagnies Bell n’ont pas prouvé que les remplacements futurs de l’équipement lié aux MALAN amèneraient les compagnies Bell à changer l’emplacement de l’équipement dans un avenir prévisible, ni que la vie utile des activités associées à la portion travaux de génie civil des coûts de main-d’œuvre des MALAN (c’est-à-dire ceux qui, selon les compagnies Bell, sont liés à des activités comme l’épissure de câbles de cuivre, l’excavation de tranchées, le déblaiement de sites, la construction de plateformes cimentées, l’installation de l’électricité et les inspections) ne pourraient pas être la même que la durée de vie utile du fil de cuivre auquel le MALAN est rattaché.

32. À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime qu’il n’a pas commis d’erreur en plafonnant l’élément main-d’œuvre de leurs coûts liés au MALAN de technologie FTTN ou en rajustant la durée de vie estimative de la partie travaux de génie civil des coûts de main-d’œuvre liés aux MALAN de technologie FTTN. Le Conseil conclut que les compagnies Bell n’ont pas démontré qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de cette décision.

IV. Le Conseil a-t-il commis une erreur en utilisant une période d’étude de dix ans?

33. Les compagnies Bell ont fait valoir que le Conseil a commis une erreur en utilisant une période d’étude de dix ans parce que i) le Conseil aurait pu atteindre ses objectifs en utilisant une période de cinq ans; ii) le Conseil n’a pas réussi à soutenir sa position; iii) le fait d’utiliser une période d’étude de dix ans mine leur capacité de recouvrer les coûts engagés.

34. Les compagnies Bell ont fait remarquer que les entreprises de câblodistribution[12] ont proposé une période d’étude de dix ans, que la plupart des ESLT[13] ont proposé une période de cinq ans et que la STC a proposé une période de 3 ans. Elles ont fait valoir que l’objectif du Conseil visant à utiliser la même période d’étude pour les entreprises de câblodistribution et les ESLT aurait pu être atteint s’il avait choisi une période d’étude de cinq ans.

35. Shaw appuie la demande des compagnies Bell visant à utiliser une période d’étude de cinq ans, faisant valoir que les taux d’accès des services d’accès Internet de tiers (AIT) ont été présentés avant la fin d’une période d’étude de dix ans et que des révisions des taux d’accès des services AIT avaient tendance à se dérouler à des intervalles d’environ cinq ans (c’est-à-dire 2000, 2006 et 2011). Par conséquent, Shaw a fait valoir que les entreprises de câblodistribution n’ont pas été capables de recouvrer leurs coûts d’introduction associés au service d’AIT.

36. Le CORC a fait valoir que l’utilisation d’une période d’étude de dix ans était appropriée. Il a également indiqué qu’il appuyait des examens annuels des tarifs pour assurer que les prévisions concernant les tendances en matière de pics de trafic ainsi que les coûts associés demeurent appropriés à l’avenir. Primus a observé que les compagnies Bell ont présenté les mêmes objections et arguments à l’instance initiale et qu’elles n’ont présenté aucune nouvelle information prouvant que le Conseil a commis une erreur.

37. Les compagnies Bell ont observé que dans les études de coûts passées, elles avaient utilisé des périodes d’étude de cinq ans dans des situations où les coûts d’introduction du service représentaient un pourcentage significatif des coûts totaux.

38. Les compagnies Bell ont fait valoir qu’il n’était pas raisonnable d’approuver des taux fondés sur des coûts élaborés à partir d’une période d’étude de dix ans puisque cette hypothèse ne tient pas compte des changements technologiques qui se produisent rapidement, ni des pressions des concurrents qui amènent les fournisseurs de services à changer leurs offres de service, notamment la vitesse de ces services.

Résultats de l’analyse du Conseil

39. Le Conseil estime que la durée de la période d’étude doit être déterminée en équilibrant la durée de vie anticipée du service, l’exactitude des données liées aux coûts au fil du temps, et le recouvrement des coûts de démarrage substantiels tout au long de la durée de vie du service, assurant ainsi que les flux nets de trésorerie liés au service sont inclus dans l’étude de coûts.

40. Dans la politique réglementaire de télécom 2011-703, le Conseil a conclu qu’une période d’étude plus courte ne permettrait pas aux coûts de démarrage élevés du service d’être répartis sur une durée de vie appropriée et qu’une période d’étude plus longue, soit de dix ans, reflèterait les réductions potentielles en matière de coûts unitaires d’immobilisation au fil des années en raison des avancées technologiques et de l’utilisation accrue du réseau.

41. Le Conseil fait remarquer qu’il a traité de la question des coûts d’introduction non recouvrés dans la politique réglementaire de télécom 2009-274. Dans cette décision, le Conseil a conclu que les titulaires pouvaient recouvrer tous les coûts d’introduction non recouvrés lorsque la mise à jour d’une étude de coûts associés aux services de gros obligatoires est nécessaire avant la fin de la période d’étude. Le Conseil estime que si une révision du service AHV de gros devait se produire avant la fin de la période d’étude de dix ans, la question des autres coûts non recouvrés, notamment ceux qui auraient pu être engagés lorsqu’un service AHV de gros est retiré, pourrait de la même manière être traitée dans le contexte d’une étude de coûts future.

42. À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime qu’il n’a commis aucune erreur en utilisant une période d’étude de dix ans pour les services AHV de gros de technologie FTTN des compagnies Bell et leurs coûts associés. Le Conseil conclut que les compagnies Bell n’ont pas démontré qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de cette décision et aux décisions liées à l’établissement des coûts associés.

Autres questions

43. Le Conseil observe que, dans le dossier associé à la demande présentée le 2 mars 2012 par le CORC de revoir et modifier les politiques réglementaires de télécom 2011-703 et 2011-704, les compagnies Bell ont proposé certains changements aux coûts mensuels d’accès au service AHV de gros de technologie FTTN, et ces changements ont été acceptés. Le Conseil ajoute que ces rajustements de coûts sont reflétés dans les tarifs AHV de gros révisés approuvés dans la décision de télécom 2013-73, également publiée aujourd’hui.

Instructions

44. Les Instructions mentionnent que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), 1b) et 1c) des Instructions.

45. Le Conseil estime que les conclusions tirées dans ladite décision contribuent à l’atteinte des objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, notamment aux alinéas 7a), 7b), 7c), 7f) et 7h)[14]. Le Conseil estime que les tarifs approuvés pour les services AHV de gros de technologie FTTN des compagnies Bell ont été établis de manière à assurer que les concurrents paient des tarifs correspondant aux coûts de la Phase II[15] plus un supplément raisonnable, alors que les fournisseurs titulaires recouvrent de façon légitime les frais engagés, dans un délai raisonnable. Par conséquent, le Conseil estime que, conformément aux sous-alinéas 1a)(ii) et 1b)(ii) des Instructions[16], les tarifs de ces services a) sont efficaces et proportionnels au but visé et ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs de la politique susmentionnés; b) ne découragent pas un accès au marché qui est propice à la concurrence et qui est efficace économiquement, et n'encouragent pas un accès au marché qui est inefficace économiquement.

46. À la lumière de ce qui précède, le Conseil rejette la demande des compagnies Bell.

Secrétaire général

Documents connexes


Notes de bas de page :

[1]   La technologie FTTN améliore la performance du réseau d’accès de la compagnie de téléphone en étendant les installations de fibre optique près des locaux des clients, ce qui permet des vitesses accrues.

[2]   MTS Allstream Inc. était l’entité qui a participé à l’instance ayant mené aux politiques réglementaires de télécom 2011-703 et 2011-704. Cependant, depuis le début de janvier 2012, MTS Allstream Inc. est divisée en deux entités distinctes : MTS Inc. et Allstream Inc.

[3]   Un MALAN est un élément de réseau qui relie plusieurs interfaces clients à un canal de transmission numérique à haute vitesse grâce à des techniques de multiplexage.

[4]   Les coûts de développement du service FTTN sont les coûts liés aux activités telles que la normalisation et la mise en place de l’équipement.

[5]   Les coûts de conditionnement du réseau FTTN sont les coûts engagés dans le retrait des branchements de dérivation dans les installations de cuivre situées entre le MALAN et l’utilisateur final.

[6]   Les coûts irrécupérables sont des coûts qui ont déjà été engagés et qui ne peuvent être changés en raison d’une mesure prise plus tard. Ils sont donc exclus des études économiques réglementaires (consulter le paragraphe 1-10 du Manuel d’études économiques réglementaires de Bell Canada pour une définition plus étoffée).

[7]   Consulter la décision de télécom 2008-14 et l’ordonnance de télécom 2008-237.

[8]   Les changements dans le coût unitaire annuel reflètent les prévisions de changement annuel des niveaux de coûts pour l’équipement, excluant les gains de productivité (par exemple, gains d’efficacité estimée dans l’approvisionnement d’équipement avec le temps); ces changements sont également appelés « facteurs d’augmentation des coûts nets en immobilisations » dans les politiques réglementaires de télécom 2011-703 et 2011-704.

[9]   Des pièces d’équipement telles que les MALAN des compagnies de téléphone sont axées sur l’accès. Pour ce type d’équipement, la capacité est répartie entre les clients des services de détail et est exprimée en nombre d’accès.

[10] L’élément main-d’œuvre reflète les coûts des activités d’ingénierie et d’installation associés à la mise en place de l’équipement MALAN de technologie FTTN.

[11] L’élément travaux de génie civil des coûts de main-d’œuvre du MALAN de technologie FTTN comprend des activités comme l’épissure de câbles de cuivre, l’excavation de tranchées, le déblaiement de sites, la construction de plateformes cimentées, l’installation de l’électricité et les inspections.

[12] Dans la présente décision, les entreprises de câblodistribution sont : Cogeco Câble inc., Rogers Communications Partnership, Shaw Cablesystems G.P. et Vidéotron s.e.n.c.

[13] Les compagnies Bell, MTS Allstream et SaskTel

[14] Les objectifs de la politique cités de la Loi sont les suivants :

7a) favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions;

7b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunications sûrs, abordables et de qualité;

7c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

7f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire;

7h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication.

[15] L’établissement des coûts de la Phase II est une méthode d’établissement de coûts différentiels que le Conseil utilise pour évaluer les coûts que l’entreprise titulaire assume pour fournir des services de gros aux concurrents.

[16] Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

 
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