ARCHIVÉ -Décision de radiodiffusion CRTC 2011-56

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Référence au processus : 2010-146

Autres références : 2010-146-2 et 2010-146-4

Ottawa, le 28 janvier 2011

CKLN Radio Incorporated
Toronto (Ontario)

Audience publique à Toronto (Ontario)
12 mai 2010 et 8 décembre 2010

CKLN-FM Toronto – Révocation de licence

Dans cette décision, le Conseil révoque, par vote majoritaire, la licence de radiodiffusion de CKLN-FM Toronto, détenue par CKLN Radio Incorporated, en date du 12 février 2011. Pour en arriver à cette décision, le Conseil a tenu compte de la gravité et de la persistance de la non-conformité de la titulaire à de nombreuses obligations réglementaires, de l’incapacité de la station à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour observer les règles à l’avenir, et de ses propres doutes quant à la possibilité que de telles mesures soient mises en place dans un délai raisonnable. La titulaire doit cesser de diffuser le 12 févier 2011, au plus tard à la fin de la journée de radiodiffusion.

Une opinion minoritaire de la conseillère Louise Poirier est jointe à la présente décision.

Historique

1.      CKLN-FM Toronto est une station de radio de campus axée sur la communauté dont la titulaire est CKLN Radio Incorporated (CKLN Radio). Cette station dessert le campus de la Ryerson University à Toronto (Ontario). La licence de radiodiffusion de CKLN-FM a été renouvelée par le Conseil dans la décision de radiodiffusion 2007-292 pour une pleine période de sept ans, soit du 1er septembre 2007 au 31 août 2014.

2.      Donnant suite à des plaintes selon lesquelles CKLN Radio avait constamment eu des problèmes de structure de gouvernance, de gestion et d’exploitation au quotidien, de programmation et de maintien d’une présence en ondes, le personnel du Conseil a exigé, dans une lettre datée du 2 juillet 2009 (la lettre du personnel de juillet), des explications quant à ces plaintes ainsi que d’autres informations.

3.      Par la suite, le 14 septembre 2009, le personnel du Conseil a rencontré CKLN Radio pour évoquer avec elle la gravité de la situation et ses éventuelles conséquences. Après cette réunion, le personnel du Conseil a ordonné à la titulaire, dans une lettre datée du 17 septembre 2009 (la lettre du personnel de septembre), de lui fournir un rapport comprenant, entre autres, des détails et de la documentation sur les activités de CKLN-FM y compris sur sa gouvernance, son personnel, son financement, sa comptabilité, sa programmation et l’accès au site de son émetteur – ainsi que les demandes de renseignements déjà exprimées dans la lettre du personnel de juillet. La titulaire a déposé sa réponse le 6 octobre 2009 (le rapport d’octobre 2009).

4.      Le 10 février 2010, dans une lettre signée par le Secrétaire général (la lettre du Secrétaire général), le Conseil a avisé la titulaire qu’il apparaissait que CKLN Radio se trouvait en défaut de conformité relativement à certaines dispositions du Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement) et aux conditions de licence de la station. La titulaire a déposé sa réponse le 1er mars 2010.

5.      À la lumière de la preuve, le Conseil a annoncé dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2010-146 qu’il tiendrait une audience publique le 12 mai 2010 conformément aux articles 12 et 24 de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) et qu’il convoquerait CKLN Radio pour que celle-ci lui explique pourquoi :

6.      Le 12 mai 2010, en réponse à une demande de la titulaire, le Conseil a ajourné l’audience visant CKLN Radio. Dans une lettre de suivi, il a ordonné à la titulaire de lui remettre des rapports mensuels à compter du 14 juin 2010. Chaque rapport devait comprendre une description des mesures prises par la titulaire pour se conformer aux règles. Puis, tel qu’annoncé dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2010-146-4, le Conseil a repris l’audience plus tard, le 8 décembre 2010.

7.      Le Conseil a reçu plusieurs interventions pour les audiences publiques du 12 mai et du 8 décembre. Certaines appuyaient CKLN-FM, d’autres s’opposaient au maintien de sa licence alors que d’autres commentaient les préoccupations du Conseil à l’égard de cette station[1]. Le dossier complet de cette instance peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».

8.      Selon le dossier de l’instance, le Conseil a examiné deux aspects de la situation de CKLN Radio et de CKLN-FM, en ce qui a trait à ce qui suit :

9.      Après examen du dossier, le Conseil énonce ses décisions relatives aux mesures réglementaires qu’il convient de prendre.

Non-conformité

10.  Les questions relatives à la non-conformité apparente de CKLN Radio au Règlement et aux conditions de sa licence sont les suivantes :

Non-conformité pendant la période de lockout

11.  Jusqu’au mois de mars 2009, CKLN-FM a traversé une période marquée par des conflits de personnel, par des problèmes de gestion des fonds de la station, par des renvois d’employés et de bénévoles et par l’« élection » de « conseils d’administration » rivaux. Réagissant à ces conflits internes entre factions ayant toutes des intérêts dans CKLN-FM, la Palin Foundation[2] a interdit à toute personne censée avoir été élue à un conseil d’administration de CKLN Radio, de même qu’à tous les employés et les bénévoles, d’accéder aux installations de la station. Conséquemment, la titulaire a cessé la programmation normale de la station et ses activités quotidiennes en mars 2009.

12.  Cette « période de lockout » a duré jusqu’à la reprise de la programmation complète de la station, en octobre 2009. CKLN Radio a admis que la programmation diffusée au cours de cette période [traduction] « n’avait pas été conforme aux exigences du Conseil ».

13.  Pendant cette période, la titulaire a diffusé (de façon intermittente à cause de problèmes d’émetteur) une programmation de jazz préenregistrée entrecoupée d’émissions de créations orales mineures préparée avant la fermeture provisoire des portes. Conçue par un fournisseur pour tourner en boucle, cette programmation a remplacé les émissions régulières de la radio axée sur la communauté principalement produites par des bénévoles.

14.  De plus, la Ryerson Student Union (RSU) a retenu les contributions étudiantes pendant cette période et placé ces sommes en fiducie, assumant plutôt certains frais au nom de la titulaire. Quant à Brookfield Properties Ltd., administrateur de l’immeuble First Canadian Place, il a interdit à toute personne associée à CKLN Radio d’accéder à l’émetteur de CKLN-FM situé dans l’immeuble First Canadian Place. La titulaire a donc été incapable d’effectuer les réparations qu’exigeait alors son émetteur et le signal de la station a connu d’importantes défaillances au cours de cette période.

15.  Dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2010-146, le Conseil a noté qu’il apparaissait donc que CKLN Radio n’avait pas exploité l’émetteur de la station en conformité avec l’article 10.1 du Règlement. Le Conseil a également noté que les gestes posés à la fois par la RSU et par la Palin Foundation avaient pu modifier le contrôle de la titulaire et qu’ils auraient, à ce titre, peut-être dû être préalablement approuvés par le Conseil conformément à l’article 11(4)a) du Règlement. Le Conseil a ajouté qu’il était préoccupé du fait que la titulaire puisse ne pas exploiter CKLN-FM conformément aux politiques relatives aux stations de radio de campus axées sur la communauté, énoncées dans l’avis public CRTC 2000-12 (la politique relative à la radio de campus).

Analyse et décision du Conseil

16.  CKLN-FM a obtenu une licence de station de radio de campus axée sur la communauté en vertu de la politique relative à la radio de campus. Ce secteur se distingue des secteurs public et privé en raison du rôle unique et appréciable qu’il joue au sein des communautés desservies et de la participation des bénévoles à sa programmation et à d’autres aspects de l’exploitation de ses stations. La programmation des stations de campus diffère par son style et son contenu des émissions de musique et de créations orales et reflète la diversité et la richesse des nombreux groupes qui composent leurs communautés. Les stations de radio de campus sont censées associer des bénévoles de la population étudiante à tous les aspects de leur exploitation.

17.  Le dossier démontre que CKLN-FM a diffusé pendant la période de lockout (environ sept mois) sans participation ou représentation étudiante et sans surveillance, gestion ou contrôle apparent de la titulaire. Pendant cette période, la titulaire :

18.  Se basant sur ces faits, le Conseil conclut que la titulaire a contrevenu pendant la période de lockout à l’un des éléments fondamentaux de la licence de CKLN-FM, à savoir l’obligation d’exploiter la station comme une station de radio de campus axée sur la communauté.

19.  Par ailleurs, puisque la titulaire a continué à diffuser malgré le lockout et l’interdiction d’accéder à son émetteur, le Conseil conclut qu’elle n’a pas exploité son propre émetteur pendant cette période et qu’elle a donc contrevenu à l’article 10.1 du Règlement.

20.  Bien que le Conseil ne puisse déterminer, selon le dossier de l’instance, qu’il y a eu modification du contrôle effectif au profit du RSU ou de la Palin Foundation et, par conséquent, défaut de conformité à l’article 11(4)a) du Règlement, il conclut néanmoins que les gestes de ces deux groupes, combinés aux conflits internes susmentionnés, ont favorisé la cessation des activités normales et la situation de non-conformité réglementaire.

Dépôt de rapports annuels

21.  Dans la lettre du personnel de septembre et tel que réitéré dans la lettre du Secrétaire général, le Conseil a avisé la titulaire qu’elle n’avait pas remis les rapports annuels de CKLN-FM pour les années de radiodiffusion 2006-2007 et 2007-2008. Tel que l’énonce l’article 9(2) du Règlement :

Au plus tard le 30 novembre de chaque année, le titulaire fournit au Conseil, sur le formulaire de rapport annuel du titulaire d’une licence de radiodiffusion, un état de compte pour l’année se terminant le 31 août précédent.

22.  Le 1er mars 2010, la titulaire a avisé le Conseil qu’elle ne savait pas pourquoi les rapports n’avaient pas été remis et déclaré qu’ils le seraient « dans les prochains jours », précisant qu’ils seraient à l’avenir remis dans les délais prescrits.

23.  Le 14 septembre 2010, CKLN Radio a déposé dans le cadre de ses obligations de rapports mensuels ce qu’elle pensait être son rapport annuel pour l’année de radiodiffusion 2006-2007. En réalité, il s’agissait de la Déclaration de renseignements des organismes sans but lucratif exigée par l’Agence du revenu du Canada (ARC). Le 27 septembre 2010, le personnel du Conseil a informé la titulaire que le formulaire de l’ARC était différent du formulaire de rapport annuel du Conseil et joint le formulaire approprié.

24.  Le 13 octobre 2010, la titulaire a remis ce qu’elle pensait être ses rapports annuels pour les années de radiodiffusion 2006-2007, 2007-2008, 2008-2009 et 2009-2010. Le Conseil note que les documents pour les trois premières de ces années de radiodiffusion ont été déposés bien après les dates fixées et beaucoup plus tard que ce qui avait été promis par la titulaire le 1er mars 2010. De plus, les documents déposés pour les quatre années de radiodiffusion ne respectaient pas les exigences de l’article 9(2) du Règlement. Plus précisément, la titulaire a remis des données qui correspondaient à la période de déclaration se terminant le 30 avril des années en question au lieu du 31 août, tel qu’exigé. À l’audience, lorsque le Conseil lui a demandé d’expliquer pourquoi ces rapports se terminaient le 30 avril au lieu de correspondre à l’année de radiodiffusion, la titulaire a répondu qu’elle avait compilé ses rapports de cette manière selon les recommandations de ses vérificateurs. Le Conseil note également que CKLN Radio a indiqué dans sa réplique qu’elle serait en mesure de déposer les rapports annuels révisés d’ici un mois, ce qu’elle n’a pas fait.

Analyse et décision du Conseil

25.  L’exigence de dépôt de rapports annuels est clairement énoncée dans le Règlement qui précise tout aussi clairement la façon dont ceux-ci doivent être remplis et leur date de dépôt. Bien qu’elle ait assuré avoir compris ses obligations réglementaires à cet égard et qu’elle ait garanti l’imminence du dépôt de ces rapports, CKLN Radio n’a pas démontré qu’elle maitrisait cette exigence de base. Le Conseil conclut donc que la titulaire est en non-conformité relativement à l’article 9(2) du Règlement.

Fourniture des registres et enregistrements

26.  L’article 8(1)a) du Règlement prévoit que, sauf disposition contraire d’une de ses conditions de licence, la titulaire doit tenir, sous une forme acceptable au Conseil, un registre des émissions ou un enregistrement informatisé de la matière radiodiffusée par elle. Ces registres doivent contenir les informations précisées à l’article 8(1)c) du Règlement. L’article 8(5) du Règlement prévoit que la titulaire doit conserver un enregistrement magnétique clair et intelligible ou une autre copie conforme de toute matière radiodiffusée.

27.  Les articles 8(4) et 8(6) du Règlement prévoient que la titulaire doit remettre ces registres et enregistrements au Conseil lorsque celui-ci les lui demande.

28.  L’article 9(3) du Règlement prévoit que la titulaire doit remettre au Conseil une liste des pièces musicales et d’informations spécifiques lorsque celui-ci les lui demande.

29.  Dans la lettre du personnel de juillet, le personnel du Conseil a ordonné à CKLN Radio de déposer, au plus tard le 10 juillet 2009, les rubans-témoins, les registres de programmation et la grille horaire de la programmation diffusée au cours des semaines de radiodiffusion du 7 au 13 juin 2009 et du 21 au 27 juin 2009. La réponse de la titulaire ne lui est parvenue qu’après la réunion du 14 septembre 2009 avec CKLN Radio.

30.  Dans une lettre datée du 16 octobre 2009 (la lettre du personnel d’octobre), le personnel du Conseil a avisé CKLN Radio de ses conclusions à l’égard du matériel déposé. Il l’a informée qu’une partie des enregistrements était inaudible et que les rubans-témoins ne correspondaient pas aux semaines de radiodiffusion citées plus haut, mais plutôt aux périodes du 8 au 14 juin 2009 et du 22 au 28 juin 2009. Le personnel du Conseil a également constaté que les registres de programmation et la grille horaire demandés n’avaient pas été remis.

31.  Dans la lettre du personnel d’octobre, le personnel du Conseil a avisé CKLN Radio qu’il était possible qu’elle ait enfreint les articles 8(1) à 8(6) et 9(4) du Règlement. Il a aussi exigé de recevoir au plus tard le 28 octobre 2009 les rubans-témoins, les registres de programmation et la grille horaire de la semaine de radiodiffusion du 7 au 13 juin 2009.

32.  CKLN Radio a joint les rubans-témoins à sa réponse datée du 22 octobre 2009 et indiqué qu’il n’existait pas de registres pour cette période puisque tous les fournisseurs de programmation étaient alors en lockout et qu’aucune émission n’avait été diffusée. En revanche, elle a assuré avoir [traduction] « résolu tous ces problèmes » et s’est engagée à respecter toutes ses obligations en vertu du Règlement et de la Loi.

33.  Finalement, le Conseil a de nouveau avisé CKLN Radio dans la lettre du Secrétaire général qu’elle se trouvait en situation de non-conformité apparente relativement aux articles 8(4), 8(6) et 9(4) du Règlement. Le Conseil a aussi ordonné à la titulaire de déposer les rubans-témoins, les registres de programmation et la grille horaire du matériel diffusé par CKLN-FM au cours de la semaine de radiodiffusion du 10 au 16 janvier 2010. Seuls les rubans-témoins ont été déposés à temps, le 1er mars 2010. Le restant a été déposé le 12 mars 2010. Le 9 avril 2010, le personnel du Conseil a indiqué qu’il se pouvait que CKLN Radio ait à nouveau contrevenu aux articles 8(1), 8(2), 8(4) à 8(6) et 9(3) du Règlement. Il a notamment constaté que les registres de programmation qui avait été déposés n’étaient pas tenus sous une forme acceptable, que les catégories de teneur n’étaient pas inscrites et que les rubans-témoins étaient de mauvaise qualité – avec suffisamment de parasites pour les rendre inintelligibles et inécoutables. En outre, le ruban-témoin de la journée de radiodiffusion du 10 janvier 2010 et la liste des pièces musicales de cette journée présentaient des différences.

34.  Le Conseil note que CKLN Radio n’a contesté aucune de ses conclusions concernant ces trois périodes de surveillance.

Analyse et décision du Conseil

35.  Admettant que CKLN Radio avait pu connaître des difficultés dans la production des rubans-témoins et des documents exigés dans la lettre du personnel d’octobre, et se fiant à l’assurance que CKLN Radio avait réglé tous les problèmes cernés et s’engageait à observer les règles à l’avenir, le Conseil a laissé à la titulaire une nouvelle chance de démontrer, après une période d’environ cinq mois, qu’elle pouvait se conformer pendant une période d’exploitation stable aux exigences de base du Règlement. Non seulement cela n’a pas été le cas, mais lorsque le Conseil a exigé la seconde série de rubans-témoins et les documents associés, la plupart des informations connexes (en particulier, ce que la titulaire a nommé ses « registres de programmation ») ont été remises en retard. Lorsque le Conseil lui a demandé les motifs de ce retard, la titulaire a expliqué que la personne responsable de l’exécution de cette demande était alors dans les Caraïbes pour une durée d’un mois. Aucun plan de secours institutionnel systématique n’avait été mis en place pour pallier l’absence de cette personne.

36.  Tous les titulaires du secteur de la radio ont pour obligation fondamentale de conserver des rubans-témoins et les documents associés – des outils qui permettent au Conseil d’évaluer leur conformité au Règlement et à leurs conditions de licence, y compris aux exigences de contenu canadien, aux obligations de créations orales et aux limites publicitaires. Ces outils avaient une importante tout particulière dans le cas présent puisque des problèmes de programmation graves et persistants avaient été rapportés. Le Conseil conclut que CKLN Radio a contrevenu aux articles 8(1)a), 8(1)c), 8(4), 8(5), 8(6) et 9(3) du Règlement.

Réponse de la titulaire aux demandes d’information du Conseil

37.  L’article 9(4) du Règlement prévoit que la titulaire doit, à la demande du Conseil, lui fournir sa réponse à toute demande de renseignements concernant sa programmation, sa propriété ou toute autre question relative à son entreprise qui est du ressort du Conseil.

38.  Dans la lettre du personnel de juillet, le personnel du Conseil a rappelé à la titulaire qu’elle avait laissé plusieurs plaintes en suspens depuis février 2008 et lui a ordonné de communiquer dès que possible avec lui pour discuter du non-traitement de ces plaintes. Ce n’est que lorsque la titulaire a répondu à d’autres demandes de renseignements contenues dans la lettre du personnel de septembre qu’elle a fourni les renseignements exigés en juillet. En outre, le rapport d’octobre 2009 a été déposé en retard et n’a pas répondu à toutes les demandes des lettres du personnel de juillet et de septembre. Enfin, tel que noté ci-dessus, la titulaire a déposé en retard les registres et enregistrements exigés par le Conseil dans la lettre du Secrétaire général.

Analyse et décision du Conseil

39.  Le Conseil a pour mission de surveiller et d’administrer le système canadien de radiodiffusion. À ce titre, il doit en tout temps pouvoir communiquer avec les titulaires des entreprises de radiodiffusion autorisées pour s’acquitter correctement de ses tâches. L’incapacité ou le refus d’un titulaire de répondre à ses questions pose donc un sérieux problème. Le Conseil conclut que CKLN Radio a contrevenu à l’article 9(4) du Règlement.

Confiance du Conseil à l’égard du respect permanent des règles

Mesures prises depuis le lockout

40.  La titulaire a indiqué dans son rapport d’octobre 2009 qu’elle comprenait la gravité de la situation et l’importance de respecter ses obligations réglementaires. Elle s’est donc engagée à créer une structure de gestion stable pour la station, notamment à constituer un comité de programmation et à engager du personnel rémunéré – deux mesures qui lui devaient lui permettre de respecter ses obligations de conformité et de traiter les plaintes. Elle s’est aussi engagée à revoir ses politiques de programmation ainsi que d’autres mécanismes destinés à assurer sa conformité.

41.  À la reprise de sa programmation normale, la titulaire a pris les mesures suivantes :

42.  Contrairement à l’engagement formulé dans son rapport d’octobre, la titulaire a décidé de fonctionner avec un « conseil de travail », celui-ci représentant une mesure de surveillance temporaire. Elle n’a pas embauché d’employés pas plus qu’elle n’a instauré de procédure officielle de traitement des plaintes ou créé de structure formelle de gestion distinctes du conseil d’administration (tel un comité de programmation). De plus, les interventions déposées dans cette instance démontrent clairement que les conflits internes entre les différentes factions associées à CKLN-FM qui ont mené au lockout n’ont pas disparu.

43.  Après la reprise de sa programmation, la titulaire a reçu un nombre élevé de plaintes concernant le matériel diffusé par CKLN-FM. Ces plaintes démontrent que ce « conseil de travail » a eu du mal à contrôler le matériel diffusé par la station. Par exemple, le 7 juillet 2010, lorsque l’animateur de CKLN-FM ne s’est pas présenté, un fournisseur bénévole a remplacé une émission de jazz par le signal en provenance du site Web d’une station de radio de Seattle (Washington). La titulaire a admis que ce geste était inapproprié pour plusieurs raisons, entre autres parce qu’elle n’avait pas l’autorisation de la station de Seattle de diffuser sa programmation et que les listes des pièces musicales de l’émission n’étaient pas disponibles. Toutefois, il est clair qu’aucun membre du « conseil de travail » n’était au fait de la situation.

44.  La titulaire a aussi admis qu’elle avait constamment des problèmes relativement aux normes de contenu, notamment à l’utilisation d’un langage injurieux pendant les heures de jour. Bien qu’elle ait adopté une politique portant uniquement sur l’utilisation d’un mot problématique en ondes, celle-ci a été adoptée la veille de la date limite des répliques aux interventions fixée au 15 novembre 2010. De plus, elle répète les conséquences déjà citées dans l’entente de service bénévole en cas de violations plus générales des obligations réglementaires. Le Conseil note que la titulaire n’a fourni aucun exemple concret d’une situation où ces conséquences ont été appliquées.

45.  Outre la teneur des plaintes, le dossier démontre que la titulaire, qui ne disposait d’aucune procédure officielle de traitement de ces plaintes, a parfois traité les plaignants de façon cavalière ou inappropriée. Par exemple, répondant à une plainte de M. Sid Whittaker, un membre du « conseil de travail » a écrit dans un courriel qu’il voulait rencontrer M. Whittaker pour [traduction] « essayer d’éteindre les “feux” qu’[ils] pensent qu’[il] a pu allumer avec le CRTC » et qu’il espérait que [traduction] « [Sid Whittaker] aurait le cran » de les rencontrer.

46.  De plus, bien qu’elle ait pris l’engagement de réviser ses politiques, la titulaire a continué à utiliser un manuel de programmation périmé qui contenait des descriptions erronées des règles du Conseil relatives au contenu canadien et à la diffusion des grands succès.

Discussions à l’audience

47.  À l’audience du 8 décembre, la titulaire a admis que son « conseil de travail » n’avait pas l’expérience nécessaire pour s’assurer que la station respecte ses obligations réglementaires. Plus particulièrement, M. Ron Nelson a indiqué que [traduction] :

Personne ici [au conseil d’administration] n’est directeur de programmation. Nous n’avons jamais été directeurs de programmation dans une station de radio. Nous avons donc beaucoup consulté l’ANRÉC et d’autres stations de radio et leurs directeurs de programmation, par exemple CHRY et CIUT, pour savoir comment bien faire notre travail.

48.  Malgré cette affirmation, la titulaire a à nouveau admis l’importance d’une structure de gestion stable pour s’assurer de respecter les règles [traduction] :

Si [...] des systèmes adéquats sont en place pour surveiller activement la conformité aux règles du Conseil, les plaintes, la programmation, on obtient un système en boucle fermée et la dynamique est contrôlée et facilement gérée, ou bien il y a une possibilité de gestion. Avec le recul, ces mesures n’existaient pas.

49.  Toutefois, ce n’est qu’après des questions claires que la titulaire s’est engagée au cours de la phase de répliques de l’audience à embaucher d’ici le 28 février 2011 une personne pour surveiller la bonne gestion de la station. Malgré cet engagement, elle a confirmé qu’elle n’avait pas encore créé le comité de programmation et la procédure officielle de traitement des plaintes promis, et elle ne s’est engagée en ce sens que dans le contexte de ses buts à court terme.

50.  En expliquant pourquoi seulement certaines mesures avaient été prises, la titulaire a déclaré qu’elle s’était chargé des tâches les plus urgentes et que certaines responsabilités, y compris celle d’assurer la conformité, avaient parfois été mises de côté afin de régler ce qu’elle disait être d’autres urgences. Par exemple, M. Nelson a déclaré ce qui suit [traduction] :

L’autre jour, la priorité était la collecte de fonds. Cette activité a épuisé la plupart d’entre nous et l’audience du CRTC avait lieu la semaine suivante. Pouvions-nous être prêts pour les deux simultanément? Pas vraiment. Ce n’était pas possible, nous avons donc géré une priorité à la fois.

Analyse et décision du Conseil

51.  Le Conseil note que CKLN Radio a été prévenu à plusieurs reprises du sérieux de sa non-conformité apparente et de ses éventuelles conséquences. Par exemple, des mesures extraordinaires ont été prises pour que le personnel du Conseil assiste à une réunion de visu en septembre 2009 et pour convoquer la titulaire à une audience en vue d’expliquer pourquoi une ordonnance ne devrait pas être rendue avant la fin de la troisième année de sa période de licence. La titulaire a eu de nombreuses occasions de prouver qu’elle pouvait se conformer aux règlements à l’avenir, et elle a même bénéficié de sept mois supplémentaires pour prendre des mesures concrètes après l’ajournement de l’audience du 12 mai.

52.  Le Conseil estime qu’il est impossible d’écarter l’éventualité d’un nouveau lockout compte tenu de la preuve des conflits internes qui persistent et de l’absence de balises dans les ententes avec la Palin Foundation, la RSU et Brookfield Properties. Par ailleurs, le Conseil estime que la titulaire n’a pas mis en place les structures qui permettraient à la station de diffuser en conformité aux règles au cas où cette éventualité devait se reproduire.

53.  De plus, le dossier démontre que le « conseil de travail » n’a ni l’expérience, ni la capacité de surveiller adéquatement la programmation de la station pour s’assurer qu’elle diffuse selon les règles, et il n’a pas obtenu l’expertise de gestion qui serait nécessaire à cet effet. Le Conseil est sérieusement préoccupé par l’absence d’une structure de gestion stable et professionnelle, de procédures officielles visant à traiter les plaintes et à veiller au respect de la conformité, et de politiques de programmation en vigueur, claires et complètes. Dans les circonstances, le Conseil estime essentiel de disposer d’un encadrement de gestion stable et responsable, rémunéré ou non, pour s’assurer que la station puisse à l’avenir respecter les règles.

54.  En ce qui a trait au nombre important de plaintes sérieuses reçues, bien que la titulaire ait admis que certaines émissions avaient été inappropriées ou non-conformes aux règles, le Conseil estime que les mesures de suivi prises par CKLN Radio pour s’assurer que la programmation de la station respecte l’objectif de haute qualité énoncé dans la Loi ont été insuffisantes et incomplètes. L’absence d’efforts appréciables visant à offrir aux fournisseurs de programmation des conseils clairs et cohérents à l’égard de leur obligation de respecter cet objectif de haute qualité soulève de graves questions sur la capacité de la titulaire à atteindre cet objectif à l’avenir.

55.  Le Conseil est aussi sérieusement préoccupé par l’attitude de CKLN Radio à l’égard de ses obligations réglementaires. En effet, les mots et les actes de la titulaire ont démontré que d’autres priorités l’avaient empêchée de consacrer le temps et les ressources nécessaire au respect de ses obligations réglementaires. En outre, priée de dire comment elle réagirait à la publication d’une ordonnance ou à la suspension de sa licence, la titulaire a répondu croire qu’elle prenait toutes les mesures nécessaires pour agir en conformité. Elle a donc déclaré que la publication d’ordonnances ou la suspension de sa licence ne modifierait pas son approche à l’avenir.

56.  Le Conseil estime qu’une titulaire responsable aurait pris très au sérieux ses nombreux avertissements et priorisé le respect de ses obligations réglementaires. Il est aussi d’avis qu’une titulaire responsable aurait saisi le délai supplémentaire de sept mois obtenu après l’ajournement de l’audience du 12 mai pour agir concrètement et mettre en œuvre les mesures dont elle a reconnu le caractère essentiel pour régulariser sa situation avant l’audience du 8 décembre. Le Conseil note que, tel qu’indiqué dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2010-146, il incombait à la titulaire de lui démontrer pourquoi il ne devrait pas émettre d’ordonnance ou encore suspendre ou révoquer la licence de radiodiffusion de CKLN-FM.

57.  Le Conseil estime que la titulaire n’a ni la volonté ni la capacité de prendre les mesures qui s’imposent pour s’assurer d’exploiter la station conformément à ses obligations réglementaires et aux conditions de sa licence, et il doute qu’elle puisse à l’avenir diffuser d’une manière conforme.

Conclusion

58.  Le Conseil estime que les questions de non-conformité décrites ci-dessus, prises dans leur ensemble, sont extrêmement graves. La non-conformité pendant la période de lockout représente une abrogation totale des obligations réglementaires de CKLN Radio. Dans ce contexte, le dépôt des rapports annuels, des dossiers et des enregistrements d’émissions complets et précis, le traitement des plaintes et les réponses aux demandes du Conseil sont des outils incontournables, sans lesquels le Conseil ne peut surveiller la station. Ce sont également des indices importants permettant d’évaluer la stabilité et les connaissances dont la titulaire dispose pour parvenir à la conformité et la maintenir.

59.  La Loi affirme que les fréquences radiophoniques sont des biens publics. De plus, les éléments distincts du système de radiodiffusion que sont les stations de radio de campus axées sur la communauté ont un rôle particulier à jouer pour desservir leurs populations, y compris les étudiants qui fournissent la majorité de leur financement. Les titulaires ont donc la responsabilité de diffuser d’une façon conforme aux conditions fondamentales de leurs licences et à leurs obligations réglementaires.

60.  Le Conseil a envisagé toutes les mesures réglementaires à sa disposition, y compris l’émission d’une ordonnance et la suspension ou la révocation de la licence de radiodiffusion de CKLN-FM. Compte tenu de la gravité et de la persistance de la non-conformité, de l’incapacité de CKLN Radio de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour s’assurer d’agir en conformité et de ses propres doutes quant à la possibilité que de telles mesures puissent être ou soient adoptées dans un délai raisonnable, le Conseil conclut que la révocation de la licence est la seule mesure appropriée dans le présent cas.

61.  Par conséquent, le Conseil révoque, par vote majoritaire, la licence de radiodiffusion de CKLN-FM Toronto détenue par CKLN Radio Incorporated, en date du 12 février 2011. La titulaire doit cesser de diffuser à cette date, au plus tard à la fin de la journée de radiodiffusion.

Secrétaire général

Documents connexes

Opinion minoritaire de la conseillère Louise Poirier

Je m’oppose fermement à la décision majoritaire du panel de révoquer la licence de la station de radio de campus CKLN-FM Toronto, principalement parce que je considère qu’une ordonnance à caractère exécutoire, émise en vertu de l’article 12(2) de la Loi sur la radiodiffusion, aurait d’abord dû être utilisée comme première étape pour cette station qui avait vu sa licence renouvelée en 2007 pour une période de sept ans, et qui n’avait jamais connu d’épisode de non-conformité avérée auparavant. Rappelons que CKLN-FM est la première radio de campus de Toronto, qu’elle a reçu sa licence du Conseil en 1983 et qu’elle a toujours obtenu, depuis, des renouvellements complets. La révocation immédiate, sans l’application préalable d’une autre mesure réglementaire, va carrément à l’encontre de la pratique habituelle du Conseil. Il n’existe pas, dans les annales récentes du Conseil, de cas de révocation de licence traitée de cette façon. Elles ont toujours été précédées soit d’une ordonnance, soit d’un renouvellement de licence écourté. On crée donc un précédent au principe de la gradation dans les mesures règlementaires prises par le Conseil vis-à-vis une titulaire en situation de non-conformité. C’est injustifié et inéquitable.

Je m’y oppose aussi parce que lors de cette audience, la titulaire et les bénévoles présents ont raisonnablement fait la preuve et ont tous affirmé sous serment que CKLN-FM était présentement conforme à l’égard de nombreuses non-conformités qui lui avaient été reprochées entre 2009 et le début de 2010 pour la préparation de l’audience (de justification) prévue en mai 2010, puis reportée en décembre de la même année. Elle a aussi affirmé solennellement qu’elle corrigerait les non-conformités restantes dans les semaines à venir. On devait donc présumer de sa bonne foi et émettre une ordonnance tout en surveillant la station étroitement, comme on le fait dans de telles circonstances, et en l’informant qu’une autre audience pourrait être tenue dans les mois à venir advenant une nouvelle situation de non-conformité apparente. Je crois sincèrement que la titulaire avait fait des pas dans la bonne direction et qu’avec un peu de temps, elle aurait pu finir par se conformer totalement.

Finalement, je m’oppose à la révocation de la licence de CKLN-FM parce que le Conseil aurait d’abord dû laisser le soin à la Cour supérieure de justice de l’Ontario (la Cour supérieure) de régler le litige devant elle quant à la validité de l’actuel conseil d’administration. Une ordonnance aurait donné le temps à la Cour supérieure de se prononcer et d’éviter une contestation judiciaire potentielle de la présente décision, advenant un jugement qui trancherait que le présent conseil d’administration n’était pas le représentant légitime de la titulaire. Nous avions d’ailleurs suspendu l’audience de justification prévue le 12 mai dernier concernant CKLN-FM pour permettre la résolution du différend présentement devant la Cour supérieure. Le différend n’ayant pas encore été résolu, nous aurions dû continuer d’attendre, comme nous l’avions fait une première fois, tout en nous assurant de faire respecter notre réglementation.

Reprenons plus à fond les points problématiques que j’ai soulevés ci-dessus.

  1. Le principe de la gradation

Bien qu’il n’y ait pas de politique précise pour la révocation d’une licence alors qu’elle est toujours en vigueur, le Conseil a toujours respecté le principe de gradation dans les mesures réglementaires qu’il prend vis-à-vis des titulaires en situation de non-conformité. À ma connaissance et suite aux recherches effectuées, j’en conclus que le Conseil n’a jamais révoqué la licence d’une titulaire sans passer par une ordonnance ou une réduction de la durée de la licence lors de son renouvellement. La Circulaire 444, Pratiques relatives à la non-conformité d’une station de radio, reflète bien cette pratique de gradation bien établie et utilisée pour une multitude de cas. Pour étayer cette affirmation, voici quelques cas similaires à celui de CKLN-FM Toronto.

CFAR Flin Flon s’est retrouvée en situation de non-conformité à l’égard du Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement) et d’une condition de licence, et a d’abord eu droit à un renouvellement de quatre ans (décision de radiodiffusion 2004-334) puis, suite à une deuxième non-conformité, à un renouvellement de deux ans (décision de radiodiffusion 2008-149). Comme on le voit, on attend généralement les renouvellements de licence pour sévir vis-à-vis d’une titulaire en situation de non-conformité et on le fait généralement en réduisant la durée de la licence lors de son renouvellement. C’est la façon que le Conseil a de reconnaître qu’une licence est un bien précieux, un privilège. En contrepartie, le Conseil reconnaît aussi qu’il ne peut retirer ce privilège à une titulaire sans lui avoir donné les opportunités nécessaires et raisonnables pour revenir sur le chemin de la conformité et sans respecter un processus diligent et prévisible.

Un cas encore plus significatif est celui de la décision de radiodiffusion 2010-614 et de l’ordonnance de radiodiffusion 2010-615 concernant des licences détenues par Aboriginal Voices Radio Inc. (AVR Inc.). Ce cas est plus particulièrement révélateur de la pratique du Conseil parce que, lorsque convoquée à la même audience publique que CKLN-FM en mai dernier pour expliquer une non-conformité apparente, AVR Inc. a vu le Conseil renouveler les licences concernées pour deux ans en plus d’émettre une ordonnance. Cela s’est fait après que AVR Inc. ait dans un premier temps obtenu des renouvellements de trois ans seulement (décision de radiodiffusion 2007-121) avec ajout de conditions de licence. AVR Inc. a donc eu droit, jusqu’à présent, à deux renouvellements de licence et ce, malgré des instances répétées de non-conformité. Il importe de souligner qu’une des stations touchées par cette décision (CKAV-FM) opère, tout comme c’est le cas pour CKLN-FM, dans le marché torontois. La rareté des fréquences dans ce marché oblige à faire preuve de précaution avant de révoquer une licence.

Finalement, la décision de radiodiffusion 2008-223, dans laquelle CJMS St-Constant avait obtenu un renouvellement de deux ans suite à une deuxième non-conformité à l’égard du Règlement, est encore un exemple parmi tant d’autres. Cette titulaire a récemment vu sa licence renouvelée pour quatre ans (une dérogation à la pratique habituelle du Conseil) et ce, malgré une troisième non-conformité.

Concluons ce volet en mentionnant qu’aux paragraphes 40 et 41 de la présente décision, le Conseil reconnait des améliorations dans la conformité de CKLN-FM. Un simple encouragement accompagné par une ordonnance aurait été ce à quoi n’importe quelle titulaire se serait attendue plutôt qu’à une mesure réglementaire aussi irrémédiable que la révocation.

  1. La confiance en la titulaire

Exceptionnellement, cette audience s’est faite en assermentant ou en faisant promettre solennellement tous les participants de dire la vérité. On doit donc présumer que cet élément inhabituel a contribué à ajouter à la véracité des affirmations faites et ce, autant pour les membres du conseil d’administration que pour les bénévoles et les intervenants. En effet, bien des choses peuvent avoir changées depuis la semaine du 10 au 16 janvier 2010, dernière période pour laquelle le Conseil a demandé, entres autres choses, des registres de programmation à la titulaire. Celle-ci a affirmé à plusieurs reprises et sous serment qu’elle avait remédié à plusieurs de ses non-conformités, dont celles liées à ses registres. Elle a aussi dit que 25 de ses 170 bénévoles étaient des étudiants de la Ryerson University et juré qu’elle modifierait la date de remise des rapports annuels à la prochaine rencontre de son conseil d’administration. Elle a également indiqué avoir compris qu’il fallait embaucher un directeur général d’ici février pour mieux veiller à sa conformité à l’avenir. Ce ne sont là que quelques exemples.

Plusieurs de ces affirmations ont été corroborées sous serment par les bénévoles en place. Ils ont affirmé que tous étaient maintenant bien informés de la nécessité d’utiliser un langage approprié et respectueux en ondes, entre autres choses, et qu’ils recevaient une formation quant aux obligations réglementaires à respecter. De plus, la Ryerson Student Union (RSU) a maintenu sa subvention à CKLN-FM, principale source de financement de la station, signe que la RSU a confiance en sa radio. Dans un système démocratique où les étudiants sont l’équivalent des contribuables, ils ont choisi de lui faire confiance.

Dans la Circulaire 444, à la fin du paragraphe 6, on peut lire ceci :

Si le Conseil n’est pas convaincu que la titulaire a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter de se placer une nouvelle fois en situation de non-conformité, et s’il croit qu’un renouvellement à court terme ne servirait pas à corriger la situation de non-conformité, il peut alors émettre une ordonnance.

Sans pouvoir appliquer cette politique directement au cas présent, l’esprit de celle-ci aurait dû être, pour CKLN-FM, comme il l’a toujours été pour les titulaires avant elle.

Le Conseil s’appuie sur la Loi sur la radiodiffusion pour superviser et soutenir équitablement toutes les composantes du système de radiodiffusion, soit le privé, le public et le communautaire et de campus, et ce, dans le but de permettre à la plus grande variété de programmation possible d’être offerte aux canadiennes et canadiens. CKLN-FM Toronto a joué et continuait de jouer, jusqu’à maintenant et malgré un épisode plus problématique en 2009, un rôle important dans la réalisation de cet objectif. Le Conseil se doit de favoriser le dynamisme de notre système de radiodiffusion et, par conséquent, une démarche positive plutôt que coercitive aurait été plus appropriée dans ce cas-ci.

La révocation devrait être une mesure appliquée avec parcimonie, pour des raisons exceptionnelles dans des situations exceptionnelles et graves et seulement en bout de parcours, c.-à-d. après que toutes les autres mesures réglementaires raisonnablement susceptibles de mettre une titulaire non-conforme sur le chemin de la conformité aient été utilisées et aient échoués.

  1. La décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario

Les représentants de la titulaire qui se sont présentés devant nous en sont-ils les représentants légitimes? Nous n’avons pas encore la réponse à cette question, la cause étant toujours devant la Cour supérieure. Pourquoi ne pas avoir laissé ce tribunal décider de cette question avant d’adopter une position aussi sévère? Révoquer ainsi la licence crée un préjudice irréparable à la titulaire. Je ne veux pas m’aventurer dans des hypothèses farfelues, mais je considère que le principe de précaution aurait dû s’appliquer ici aussi. Est-ce que la révocation de la licence pourrait être déclarée invalide advenant une décision de la Cour supérieure à l’effet que les représentants qui se sont présentés devant nous ne sont pas légitimes? Et si, entre temps, un processus de réassignation de la fréquence était amorcé, quelles en seraient les conséquences? Il aurait donc été préférable d’attendre la résolution du différend présentement devant la Cour supérieure avant de considérer la possibilité de révoquer la licence accordée à CKLN-FM. D’ailleurs, certaines modifications aux règlements généraux de la titulaire souhaitées par le Conseil (représentation de l’institution d’enseignement au sein du CA) ne peuvent être mises en œuvre avant la conclusion du processus qui se déroule devant la Cour supérieure. Comment peut-on ainsi mettre la charrue devant les bœufs?

  1. Considérations additionnelles

Voici quelques autres arguments que je tiens à ajouter pour justifier ma position :

Conclusion

En conclusion, révoquer la licence de CKLN-FM à ce moment-ci crée un précédent que je ne saurais endosser. La mesure réglementaire adoptée est disproportionnée par rapport à la faute. Il aurait été plus transparent et plus respectueux des pratiques habituelles du Conseil d’émettre une ordonnance accompagnée d’une supervision étroite de la titulaire. CKLN-FM Toronto aurait alors été traitée équitablement, elle qui a servi sa communauté avec tant de crédibilité et de passion depuis 1983 et qui a toujours vu sa licence renouvelée pour une pleine période, laissant ainsi supposer que le Conseil, jusqu’à aujourd’hui, n’a jamais été préoccupé outre mesure quant à la conformité de la titulaire face à ses obligations règlementaires. Elle a clairement exprimé sa ferme intention de se conformer lors de l’audience.

La révocation de manière aussi expéditive de la licence d’une station de radio de campus dans le plus important marché du Canada, Toronto, n’enverra pas un bon message à la communauté des radios de campus, des organisations qui regroupent surtout des bénévoles qui ne comptent pas leur temps et leur énergie pour donner une voix à leur communauté. La présente décision ne respecte pas la pratique habituelle du Conseil, ni l’esprit de la Circulaire 444. Cette révocation, à ce moment-ci et avec la preuve devant nous, est donc selon moi une décision prématurée, disproportionnée et inéquitable.

Notes de bas de page

[1] Dans une lettre datée du 26 novembre 2010, le Conseil a retenu en partie les objections déposées le 8 novembre 2010 par CKLN Radio relativement à certaines interventions. En conséquence, certaines interventions ont été partiellement ou totalement supprimées du dossier.

[2] La Palin Foundation est l’administrateur de l’immeuble du Student Campus Centre où se trouvent les installations de CKLN-FM.

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