ARCHIVÉ -Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2011-289

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Référence au processus : 2010-664

Ottawa, le 3 mai 2011

Ajout de FUEL TV aux listes des services par satellite admissibles à une distribution en mode numérique

Le Conseil refuse, par vote majoritaire, une demande en vue d’ajouter FUEL TV aux listes des services par satellite admissibles à une distribution en mode numérique.

Des opinions minoritaires de la part des conseillers Timothy Denton et Michel Morin sont jointes à la présente décision.

Introduction

1.      Le Conseil a reçu une demande de Rogers Communications Inc. (Rogers) datée du 16 juin 2010 en vue d’ajouter aux listes des services par satellite admissibles à une distribution en mode numérique (les listes numériques) le service par satellite non canadien de langue anglaise provenant des États-Unis, FUEL TV.

2.      Selon Rogers, FUEL TV est un service de programmation de langue anglaise dont la programmation axée sur les sports d’action décrit le style de vie et la culture associés aux sports d’action réservés à une minorité ainsi que les relations sociales et communautés d’intérêt pour les athlètes qui pratiquent ces sports.

3.      Dans l’avis de consultation de radiodiffusion 2010-664, le Conseil a sollicité des observations sur l’ajout proposé de FUEL TV aux listes numériques.

4.      Le Conseil a reçu un commentaire défavorable de High Fidelity HDTV Inc. (High Fidelity). High Fidelity détient radX[1], une entreprise de programmation spécialisée de catégorie b[2]. Le dossier public de la présente instance peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, sous « Instance publiques ».

Analyse et décisions du Conseil

5.      L’approche du Conseil quant à l’ajout des services non canadiens de langue anglaise ou française aux listes numériques est énoncée dans l’avis public 2000-173. En vertu de cette approche, le Conseil évalue ce type de demandes dans le contexte de sa politique générale qui écarte notamment toute possibilité d’ajouter un service par satellite non canadien pouvant faire concurrence en tout ou en partie avec un ou plusieurs services canadiens de télévision payante ou spécialisée. Le Conseil se base essentiellement sur les commentaires déposés pour déterminer quels services canadiens payants et spécialisés subiraient une concurrence partielle ou totale et devraient donc faire partie de l’évaluation de la concurrence du service.

6.      Le Conseil procède au cas par cas pour évaluer le risque de concurrence sur un service canadien autorisé que pose un service non canadien susceptible d’être ajouté listes numériques. Entre autres facteurs dont il tient compte dans son évaluation de la compétitivité d’un service, le Conseil examine la nature du service, sa langue d’exploitation, le ou les genres de programmation et l’auditoire cible. Le Conseil vérifie aussi dans quelle mesure le service non canadien peut fournir des émissions à un service canadien autorisé.

7.      Le Conseil évalue les critères ci-dessus afin d’établir le degré de chevauchement entre le service non canadien parrainé et les services canadiens concernés et, par conséquent, le degré de concurrence que le service non canadien risque d’exercer sur ces services canadiens. Plus le chevauchement est important, plus le Conseil tend à déterminer que le service non canadien présente un risque de concurrence élevé.

Commentaire de High Fidelity

8.      High Fidelity affirme que FUEL TV concurrence au moins partiellement radX et demande par conséquent au Conseil de refuser la demande de Rogers d’ajouter FUEL TV aux listes numériques.

9.      High Fidelity déclare à cet égard que la nature du service et la grille horaire de FUEL TV ne peuvent qu’inciter à conclure que la programmation de FUEL TV et de radX vise le même genre d’émissions et le même auditoire cible. Notant par exemple que Rogers décrit FUEL TV comme [traduction] « la destination télévision des passionnés des sports d’action de 13 à 34 ans », High Fidelity soutient que FUEL TV cible le même auditoire que radX, c’est-à-dire les auditeurs qui apprécient les émissions où des personnes ou des groupes pratiquent des activités ou des sports d’aventure, à haut risque et dangereux.

10.  High Fidelity fait aussi valoir que plusieurs émissions citées par Rogers comme des offres exclusives de FUEL TV sont soit identiques, soit très semblables à celles déjà offertes par radX.

11.  High Fidelity craint aussi que l’approbation de la demande de Rogers n’ait de graves conséquences financières sur radX et, en particulier, qu’elle affecte de façon importante la capacité de ce service à croître, à prospérer et à augmenter sa contribution au système canadien de radiodiffusion. High Fidelity ajoute qu’elle est tenue, par condition de licence, de diffuser au moins 35 % de contenu canadien alors que FUEL TV pourrait, si la demande est approuvée, être exploitée au Canada sans contribuer au système canadien de radiodiffusion.

Réponse de Rogers

12.  Rogers affirme que la comparaison des natures de service, des catégories de programmation, des grilles de programmation et des auditoires cible de radX et de FUEL TV démontre que ces deux services ne sont pas en concurrence. Rogers soutient que ce qui différencie le plus les deux services est que FUEL TV est un service axé sur les sports d’action et qui se consacre au style de vie et à la culture associés à six sports de base non traditionnels pratiqués par des jeunes, tandis que radX n’a pas le mandat de diffuser des émissions de sports et propose plutôt des émissions consacrées à l’imagerie haute définition d’aventures et d’activités qui défient les limites humaines. À cet égard, Rogers note que High Fidelity a, dans sa demande de licence de radiodiffusion en vue d’exploiter un service spécialisé de catégorie 2 déposée en 2005, insisté sur le fait que son service ne serait pas un service de sports afin d’éviter que le Conseil ne considère que soit en concurrence avec un service canadien spécialisé aujourd’hui disparu, X-treme Sports[3].

13.  Rogers conclut que l’ajout de FUEL TV aux listes numériques enrichirait la diversité du système canadien de radiodiffusion sans faire de tort à radX puisque les sports d’action, notamment les six sports présentés par FUEL TV, ne constituent qu’une fraction de la programmation de radX.

Analyse et décisions

14.  Le Conseil prend note de la position de Rogers qui indique que radX et FUEL TV sont différents parce que, contrairement à radX, FUEL TV offre une programmation axée sur le sport. Bien que cette affirmation soit en partie exacte, l’examen du Conseil révèle que les six sports de base qui occupent plus de 60 % de la grille horaire de FUEL TV constituent en réalité près de 20 % de la grille de radX.

15.  De plus, le Conseil constate que X-treme Sports a cessé ses activités en 2008 pour des raisons de rentabilité, et parce que ses possibilités de croissance étaient limitées. Par conséquent, le Conseil est préoccupé du fait que le marché canadien pour ce type de service puisse ne pas suffire pour accueillir un service canadien exclusivement consacré à ce genre de sports. Pour ce qui est de radX, qui diffuse ce genre d’émissions et d’autres sortes de programmation apparentées, le Conseil estime que l’ajout d’un service tel que FUEL TV risque de diminuer très sérieusement l’intérêt de sa programmation et, partant, de réduire la taille de son auditoire potentiel. Le Conseil estime donc que l’approbation de la demande de Rogers ferait en sorte que le niveau de concurrence entre FUEL TV et radX soit assez fort pour nuire de façon directe et importante aux activités de radX, avec pour résultat que ce service aurait encore plus de mal à respecter son obligation de contribuer au système canadien de radiodiffusion.

Conclusion

16.  Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse, par vote majoritaire, la demande de Rogers Communications Inc en vue d’ajouter de FUEL TV aux listes numériques.

17.  Toutefois, le Conseil fait remarquer à Rogers que si le marché peut, selon elle, accueillir un autre service de télévision consacré aux sports extrêmes, elle peut déposer une demande de licence en vue d’exploiter un nouveau service numérique canadien spécialisé de catégorie B. Toute demande de ce genre serait évaluée par le Conseil, selon ses mérites.

Secrétaire général

Documents connexes

Opinion minoritaire du conseiller Denton

  1. Dans un monde qui n’est pas celui de la réglementation de radiodiffusion, il est normal que les parties soucieuses des intérêts des consommateurs privilégient le renforcement de la concurrence et non sa diminution. Dans l’univers partiellement réglementé des télécommunications, les organismes de réglementation s’efforcent de calculer si le jeu des forces du marché peut à lui seul mieux promouvoir les intérêts des consommateurs ou s’il convient pour cela d’établir un certain degré de réglementation. Certaines questions font par exemple constamment surface. La réglementation des conditions d’accès aux installations sous-jacentes stimule-t-elle ou freine-t-elle la concurrence? Les petits FSI devraient-ils disparaître? Les grandes entreprises devraient-elles envisager une intégration verticale? Les organismes de réglementation devraient-ils intervenir et, si oui, comment? Toutes ces incertitudes quant aux meilleures façons de procéder expliquent que la réglementation des télécommunications fasse l’objet d’un débat serré et sans fin sur les meilleures mesures à prendre pour réaliser l’objectif de l’intérêt public.

  2. Le régime de radiodiffusion fonctionne cependant de façon complètement différente puisqu’il a pour mission de protéger et d’encourager les producteurs d’émissions canadiennes au détriment de tous les autres intérêts. À l’inverse du secteur des télécommunications où les débats se poursuivent, les points de discussion liés à la réglementation de la radiodiffusion ont été réglés une fois pour toutes, dans la loi même, en faveur des producteurs, et plus particulièrement des titulaires de licence canadiennes.

  3. Non seulement agissons-nous de manière à prévenir la concurrence, mais nous utilisons l’opinion des parties mêmes qui ont tout intérêt à nous aider à décider que leurs intérêts pourraient être compromis. Citons le paragraphe 5 de l’opinion majoritaire ci-dessus :

[…] En vertu de cette approche, le Conseil évalue ce type de demandes dans le contexte de sa politique générale qui écarte notamment toute possibilité d’ajouter un service par satellite non canadien pouvant faire concurrence en tout ou en partie avec un ou plusieurs services canadiens de télévision payante ou spécialisée. Le Conseil se base essentiellement sur les commentaires déposés pour déterminer quels services canadiens payants et spécialisés subiraient une concurrence partielle ou totale et devraient donc faire partie de l’évaluation de la concurrence du service.

  1. Imaginons l’utilisation de la même approche dans d’autres sphères de l’économie. Nous demanderions aux titulaires si elles redoutent une possible menace concurrentielle et leurs avertissements seraient pris en considération par l’organisme de réglementation lorsque celui-ci déciderait de refuser d’attribuer une licence à d’éventuels compétiteurs. Autrement dit, si la titulaire d’une entreprise de conserves de tomates estime que l’importation de purée de tomate risque de dévaluer sa licence, l’importateur du produit n’obtiendra pas sa licence à moins d’être parrainé par une titulaire canadienne. (Voir l’avis public CRTC 2000-1973). Si toute l’économie canadienne fonctionnait ainsi, nous vivrions la plus pure expression d’une économie planifiée. Pourtant, ce qui paraît furieusement dirigiste dans d’autres pans de l’économie n’est qu’une procédure de routine dans la réglementation en radiodiffusion. Et les conseillers que nous sommes sont priés et assez souvent obligés de faire appliquer cette règle.

  2. Le raisonnement qui justifie la protection des titulaires de licences de radiodiffusion est moins absurde que l’image que j’en donne. Bien des arguments fondés entre autres sur la population et les revenus publicitaires possibles d’un district donné étayent avec raison la limitation du nombre de titulaires de services de radio dans un marché donné. Il peut en exister d’autres, tout aussi raisonnables.

  3. Quoiqu’il en soit, je trouve profondément agaçant que nous soyons bien avertis et toujours tenus de réduire au minimum la réglementation nécessaire pour atteindre l’objectif de l’intérêt public dans le secteur des télécommunications alors qu’il semble n’y avoir aucune limite à la quantité et à l’intensité de la réglementation que nous sommes censés utiliser pour protéger l’industrie toujours fragile de la production canadienne de télévision et les entreprises de contenu de radiodiffusion, qui sont dans une situation un peu plus solide.

  4. Ainsi, je ne vois aucune valeur dans la poursuite de ce que le Conseil appelle « la protection des genres ». Il faut à un moment donné que les conseillers cassent les précédents, la position du personnel ou le consensus qui entourent certaines questions – quel que soit leur caractère apparemment raisonnable – et cessent de se conformer à la tradition. Puisque la mécanique toute entière de la réglementation canadienne de radiodiffusion est construite sur des politiques à première vue raisonnables, les conseillers doivent logiquement approuver des décisions aux conséquences de plus en plus absurdes. Certaines politiques, dont la protection des genres, n’évolueront que si les conseillers sont de plus en plus nombreux à refuser de souscrire aux politiques du passé.

  5. J’ai déjà appelé à la nécessité de repenser la Loi sur la radiodiffusion lorsque nous avons décidé, avec raison, de ne pas tenter d’appliquer les dispositions de la Loi et son système d’attribution de licences à l’internet. Je souhaite à nouveau que quelqu’un de plus haut placé au gouvernement entende ma prière. Entre temps, les conseillers que nous sommes pourraient commencer par cesser d’appliquer certaines politiques, notamment celle de « la protection des genres ».

Opinion minoritaire du conseiller Michel Morin

En refusant d’ajouter le service de sport spécialisé américain FUEL TV, propriété de Fox Cable Networks (Fox), à la liste des 98 services non canadiens autorisés par le Conseil et offerts par les entreprises canadiennes de radiodiffusion (EDR), le Conseil fait preuve d’une frilosité douteuse à l’égard d’un nouveau service étranger complémentaire à l’offre canadienne. La distribution de ce service unique axé sur les sports d’action aurait pu s’inscrire dans le prolongement de « l’ouverture plus générale du genre sportif », tels les services spécialisés TSN, RDS et Rogers Sportsnet, qui deviendront des services facultatifs sans accès ou distribution obligatoire pour les EDR le 1er septembre prochain.

À mon avis, la décision de ne pas ajouter FUEL TV aux listes des services admissibles à une distribution numérique va à l’encontre de la philosophie générale « d’éclatement du genre » qui avait incité le Conseil, en 2008, à ouvrir à la concurrence les services spécialisés de nouvelles et de sports. Depuis l’avis public de radiodiffusion 2008-100 (dont j’étais partie prenante à titre de membre du comité d’audition), je prends acte d’un piétinement du Conseil à l’égard de la déréglementation des genres dans notre système de radiodiffusion, qui est – et demeurera sans doute encore longtemps – le plus réglementé au monde.

LA DÉFINITION DU SERVICE

Le service qu’offrait FUEL TV s’adressait aux « passionnés des sports d’action de 13 à 34 ans ». C’était un service étranger unique qui se distinguait du service canadien de catégorie 2, radX (r pour Risk, a pour Adventure, d pour Danger et X pour Extreme), d’abord connu sous le nom Rush HD, offert par High Fidelity HDTV. Ces deux services auraient eu des programmations différentes, n’auraient bénéficié d’aucun droit d’accès au système et n’auraient été protégés par aucun genre particulier, comme c’est le cas des services de catégorie 1 dans le système actuel, qui deviendront des services de catégorie A à compter du ler septembre prochain. Par sa décision, le Conseil accorde ainsi à un service de catégorie 2 (catégorie 2 dans le système actuel, B dans le nouveau système), dont le contenu canadien est minimal, une plus grande protection contre la concurrence étrangère qu’il n’accordera, à compter de septembre, aux services de sport de catégorie C, qui diffusent en direct des matchs de sports traditionnels avec un contenu canadien et des risques financiers considérablement plus importants.

Nul besoin d’être un grand devin pour avancer que ce service étranger aurait pu potentiellement concurrencer tous les autres services de sports ou même marginalement attirer des téléspectateurs des autres services spécialisés ou d’intérêt général, qu’ils soient de catégorie A, B, C ou étrangers (nouvelles catégories à partir du ler septembre 2011). Plus l’offre est vaste, plus l’auditoire se fractionne et plus les consommateurs bénéficient d’une offre élargie à des prix raisonnables. C’est ce qui se produit lorsque le marché fonctionne; c’est le simple jeu de l’offre et de la demande.

Cela étant dit, le Conseil n’a jamais fixé de seuils pour établir qu’un service canadien ou étranger est « trop » concurrentiel pour des services déjà autorisés. Il jouit d’une discrétion absolue qui ne repose sur aucun critère ni sur aucune formule mathématique, comme je l’ai moi-même proposé avec ce qu’on a appelé le « modèle Morin ».

Or, qu’avons-nous devant nous? Afin d’éviter toute partialité, j’ai pris intégralement le tableau soumis par radX, qui est ici décliné pour les deux services et pour les onze catégories d’émissions définies par le Conseil. RadX, dont je ne partage pas les conclusions soit dit en passant, fut le seul intervenant du système canadien à s’opposer à la distribution par satellite de FUEL TV.

Catégorie d’émissions

FUEL TV

radX

1, 2a) et 3 – Nouvelles

5 %

11 %

2b) Documentaires

22 %

32 %

5b) et 11 – style de vie/intérêt général/récréation et loisirs

18 %

55 %

6 – Sports

22 %

0 %

7 – Drame/fiction/comédie

23 %

2 %

8 et 9 – musique/variété

5 %

0 %

12 – Interludes

5 %

0 %

Comme on peut le voir, même si les deux services s’adressent potentiellement aux mêmes auditoires, leur contenu, selon les catégories, est pondéré différemment.

Ainsi, les trois catégories porteuses des documentaires (2b)), du style de vie et de la culture associés aux sports d’action (5b) et 11)) accaparent seulement 40 % de la programmation du service américain FUEL TV, comparativement à près de 90 % dans le cas du service canadien radX. Voilà une première différence plutôt percutante! De là, il est facile de déduire que l’offre canadienne de radX, comparativement à l’offre de FUEL TV, ne peut être que minimale pour les huit autres catégories qui représentent en tout 60 % de la programmation du service américain! Avant même d’analyser le contenu des catégories (ce que nous ferons plus loin), nous pouvons déjà affirmer que nous sommes en présence de deux programmations différentes. On comprendra aisément qu’une programmation peut être d’une même nature sans être identique. À la lumière des renseignements qui précèdent, je n’arrive pas à comprendre comment le Conseil a pu justifier sa décision de refuser l’importation d’un service étranger pour le bénéfice de Rogers et du consommateur canadien sous le prétexte que la concurrence était « assez forte pour nuire de façon directe et importante aux activités de radX ».

Après ce premier survol, il m’est difficile de ne pas me ranger du côté de Rogers, qui parrainait, en conformité avec la politique 2000-173, l’importation de ce nouveau service américain au Canada. Rogers, tout comme High Fidelity HDTV, n’a identifié que quelques émissions semblables. En fait, seulement deux émissions, soit Drive (professionnels du skateboard) et Red Bull X-fighters (compétitions de cascades en motocross), sont distribuées par les deux services. Bien que je n’aie pas fait les calculs avec les répétitions, je présume que cela doit représenter moins de deux % de la programmation. Dans de telles conditions, il est difficile de soutenir que ces services sont « directement concurrentiels ». Et qui donc est le plus grand perdant dans cette décision du Conseil? Le consommateur canadien, bien sûr, qui aurait pu bénéficier, avec l’arrivée de FUEL TV, d’une offre plus diversifiée grâce à une programmation pour les sports d’action.

Favoriser la concurrence

Qui, en définitive, doit décider du service qui convient le mieux à ses besoins? Le consommateur, et non pas le Conseil! Depuis ma nomination en août 2007, je ne cesse de le répéter. Selon moi, aucun système ne peut survivre à moyen terme dans notre univers numérique s’il tente de protéger tous azimuts (comme c’est le cas ici) l’offre canadienne. L’avènement d’un nouveau concurrent ayant une offre différente n’aurait fait qu’inciter les dirigeants du service canadien concurrent à surveiller leurs affaires de près et, possiblement, à bonifier l’offre qu’ils apportent à leurs clients.

Après avoir analysé la programmation, catégorie par catégorie, de ces deux services jugés « trop concurrentiels » par le Conseil, voyons ce qu’ils offraient à l’abonné, du point de la vue de la diversité, pour deux semaines différentes de mai et d’octobre 2010.

FUEL TV

radX

Semaine du 3 mai 2010

Semaine du 25 octobre 2010

Au moins 60 % de la programmation traite de sports tels la planche à roulettes, le motocross, le surf, le vélocross, la planche à neige et la planche nautique, ou de personnalités reliées à ces sports.

Au moins 37 % de la programmation traite de sports ou de personnalités pratiquant le ski (15 %), la course automobile/de motos (12 %) et le vélo de montagne (10 %).

Moins de 5 % du reste de la programmation liée au sport présente des courses d’avions et des figures de voltige aérienne, des sauts extrêmes et d’autres sports extrêmes.

Le reste de la programmation touche divers sujets ayant trait aux sports et aux personnalités pratiquant le vélocross (5 %), le rodéo/l’équitation (5 %), la motoneige (5 %), le surf (4 %), la planche à neige (4 %), des sports de bateaux (4 %), le motocross (3 %), la voile (2 %), la course aérienne (2 %), la planche à roulettes et la planche nautique (<1 %) et d’autres sports (18 %).

Le matériel d’interlude comprend des vidéoclips, des astuces relatives à la planche à roulettes, des courts métrages inhabituels sur les sports et des situations sportives comiques.

Environ 10 % de la programmation est consacrée à des films d’action, à des documentaires épiques et à des films d’aventures.

À la lecture du tableau, on constate que les deux services offrent des programmations clairement distinctes. Je le répète : même si la programmation peut être associée à une catégorie donnée du Conseil, les sports en l’occurrence, elle ne s’attarde pas nécessairement aux mêmes sports. C’est ce qu’on voit ici. Les abonnés qui sont des adeptes du motocross ou de la planche à roulettes auraient été mieux servis par l’offre de FUEL TV, tandis que ceux qui préfèrent le ski ou le vélo de montagne auraient trouvé chaussure à leur pied en radX.

Enfin, lorsqu’on examine la dernière catégorie du tableau, on constate que 10 % de l’offre de radX (dix pour cent!) est consacrée aux films d’action et d’aventure, alors que cette catégorie n’existe pas chez FUEL TV. Que conclure, sinon que le radiodiffuseur canadien était en bonne posture pour résister à l’envahisseur? Évidemment, on ne saurait lui demander de souhaiter l’arrivée d’un nouveau concurrent!

Il appartenait au Conseil, dans l’intérêt non seulement du consommateur, mais aussi du système, de s’inspirer des mêmes principes qui l’avaient guidé en 2008 (avis public de radiodiffusion 2008-100) lorsqu’il avait décidé d’ouvrir les services spécialisés de nouvelles et sports à la concurrence. Dans la foulée de cette politique réglementaire, le Conseil avait retenu deux critères quantitatifs pour apprécier la protection à accorder ou non à un service spécialisé canadien : sa popularité et sa santé financière. Or, nous savons que radX a accueilli 135 000 abonnés dès sa première année d’exploitation en 2007, et qu’il en compte trois fois plus aujourd’hui. Quant à sa rentabilité, il a réalisé un BAII moyen de 16 % en 2008 et 2009. (Comparons-le à un BAII de 18 % pour TSN, à 16 % pour RDS et à 21 % pour Rogers Sportsnet en 2009.) Pas mal pour un service qui n’est offert que depuis trois ans et qui est déjà distribué par Bell, Rogers, Eastlink, Sasktel, Telus et des membres de la Canadian Cable Systems Alliance. En réalité, ce service a tout de l’histoire d’une réussite; il ne lui reste qu’à conquérir Shaw, Vidéotron et Cogeco.

Si, à défaut de mieux, nous appliquions les autres critères établis dans l’avis public de radiodiffusion 2008-100 qui, je le précise, ne visait pas spécifiquement les services étrangers, le service canadien radX n’a jamais évoqué dans son intervention que l’arrivée de FUEL TV raréfierait pour lui l’offre des émissions offertes aux États-Unis, non plus qu’elle provoquerait une surenchère des droits. Autrement dit, ces deux services, l’un de catégorie B et l’autre étranger, font partie d’un genre tout à fait propice à la concurrence, sans risque apparent que l’avènement du service américain précipite une ruée vers le centre (mainstream).

Depuis l’avis public de radiodiffusion 2008-100, il est clair que RDS, Rogers Sportsnet et TSN, ainsi que des services actuellement de catégorie 2 comme Fox Sports World Canada, Gol TV, HPItv et NHL Network, pour le soccer, le hockey, le baseball, le basketball et le football, seront placés sur un pied d’égalité à compter du 1er septembre 2011. Aucun ne jouira plus d’un accès réglementé au système; tout deviendra facultatif pour les distributeurs. Si le Conseil a décidé que la loi du marché devait prévaloir pour les sports traditionnels, pourquoi élever des barrières additionnelles dans le cas des sports d’action proposés par FUEL TV? Pourquoi cette peur viscérale de la concurrence étrangère pour un service de catégorie B qui n’a jamais joui des mêmes privilèges et dont le contenu canadien est d’à peine 35 %?

Parlant de service étranger, permettez-moi un aparté. Pourrait-on dire que nos services canadiens de nouvelles (CTV NewsNet, CBCNN Net, LCN, RDI et BNN) sont moins performants depuis l’avènement de la chaîne par satellite Al Jazeera, dont la couverture a, de l’avis général, tout simplement été exceptionnelle lors des récentes révoltes dans le Proche et Moyen-Orient? Pourtant, en 2004, le Conseil (dont je ne faisais pas partie à l’époque) avait rendu l’arrivée de ce nouveau concurrent extrêmement difficile. Ce n’est qu’en 2009 que la distribution de ce service, dont la devise est « l’opinion et l’opinion contraire », a été autorisée sans réserve. Les EDR canadiennes – contrairement à leurs homologues américaines – ont dès lors commencé à l’offrir. Et qui en profite pendant les crises qui secouent le monde arabe? Les consommateurs canadiens de chaînes étrangères! Le Conseil ne doit qu’être félicité pour avoir osé outrepasser les préjugés qui pouvaient entourer la distribution de cette chaîne. Elle a laissé aux consommateurs canadiens le soin de décider du choix de la couverture, qu’elle soit canadienne ou étrangère. L’exemple est énorme, j’en conviens, mais je l’ai choisi à dessein parce que jamais un service étranger n’avait fait l’objet d’une si grande opposition. Reconnaissons que le Conseil et les EDR (Bell TV, Vidéotron, Rogers, Shaw et Cogeco) ont vu juste et ont donné l’exemple à toute l’Amérique du Nord.

Mais revenons-en au sujet qui nous intéresse ici. Comme je le disais, les deux tableaux m’ont convaincu qu’il s’agissait de services bien différents. Et même si l’on avait retenu d’autres semaines pour l’échantillonnage, je doute fort que les résultats eussent été bien différents. Si j’ajoute à cela mon parti pris pour le consommateur (à l’appui, mes 13 opinions minoritaires totalisant plus de 250 pages de texte depuis le début de mon mandat en août 2007) et mon adhésion au contenu canadien (comme en témoigne le modèle Morin), je ne vois nullement le besoin – au stade où se trouve le système canadien – de protéger un service canadien de sports dont l’offre est différente de celle du service américain.

DES CRITÈRES MOUS ET NON CHIFFRÉS

Les critères qui ont motivé le refus d’ajouter FUEL TV à la distribution des services numériques sont flous et reposent sur des appréciations subjectives. Le Conseil n’avance pas de chiffres, de seuils ou de grilles d’analyse, mais « se base essentiellement sur les commentaires déposés », comme il l’indique lui-même au paragraphe 5 de sa décision. Or, comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, il aurait avantage à se donner des critères objectifs et non pas à se fier à sa seule « sagesse inhérente ». Dans l’intérêt des acteurs, il se doit d’être aussi transparent que possible dans ses décisions et de recourir prioritairement à des critères plus objectifs que dans la présente instance. Refuser aux abonnés des services qui offrent une programmation fondamentalement différente sous le prétexte qu’il faut protéger un service canadien m’apparaît carrément inacceptable.

Si l’intention du Conseil est de refuser tout service qui pourrait être concurrentiel à un service canadien, ne fut-ce que partiellement (l’avis public 2000-173 utilise bien le mot « partiellement »), il faudrait le dire clairement et informer les EDR de ne plus faire de demande pour l’importation de services étrangers. Considérant la maturité que notre système a atteinte, une décennie plus tard, je n’ai aucune difficulté à accepter une protection du contenu des services canadiens, comme le prévoit la Loi sur la radiodiffusion, lorsque des services étrangers leur font « directement » concurrence. Par contre, je ne puis adhérer à cette position lorsqu’il s’agit, comme c’est le cas ici, d’un service dont la programmation n’est pas directement concurrentielle, tel qu’il a été démontré ci-dessus, qu’elle est même substantiellement différente et qu’elle bonifie l’offre existante pour les consommateurs.

En d’autres mots, je crois qu’il est possible, dans le cadre d’un système réglementé, et ce sans compromettre les objectifs poursuivis par la Loi sur la radiodiffusion, d’accueillir prudemment des services étrangers qui ne rivalisent pas directement avec les services existants. En l’occurrence, un service de sports associé au style de vie et à la culture ne se compare en rien à un service « stratégique ou névralgique » auquel pourraient s’apparenter, par exemple, les services de documentaires ou de programmation pour enfants, qui sont au cœur de la fibre de l’« expression canadienne » telle qu’évoquée par la Loi sur la radiodiffusion.

N’oublions pas l’existence de la « règle rempart », cette règle hautement protectionniste que le Conseil a adoptée dans le cadre de l’avis public de radiodiffusion 2008-100, et qui oblige nos distributeurs terrestres et satellitaires à offrir à tous leurs abonnés, sur une base individuelle, une majorité de services canadiens (50 % + 1). Pour l’instant, ce contenu canadien n’a rien d’un contenu « imposé » ou « forcé » puisque, dans la pratique au quotidien, il s’avère que, même dans le marché de Toronto (peut-être la ville la plus multiethnique au monde), plus de 75 % des services retenus par les consommateurs sont des services canadiens, c’est-à-dire ayant une composante étrangère qui peut facilement atteindre le maximum de 65 %, dans le cas d’un service de catégorie B, comme le veut la définition du Conseil. C’est précisément le cas de radX qui se présente comme un « service canadien » conformément à la définition du Conseil, mais dont les deux tiers de la programmation est, DANS LES FAITS, importée! C’est dans le cadre de ce modèle adopté par le Conseil, avec des services mi-américains et mi-canadiens, que les services dits « canadiens » continuent à se développer et à accroître leurs parts de marché. Pour conclure, disons que la concurrence se joue ici entre un service américain (FUEL TV) ayant un contenu étranger à 100 % et un service « canadien », ayant un contenu étranger à 65 %.

Ajoutons à cela que les grands distributeurs par câble ou par satellite de ce pays ont maintenant des intérêts purement corporatifs à faire eux-mêmes la promotion du contenu canadien sur leurs plateformes. Vidéotron, avec le Groupe TVA, et Rogers, avec Citytv et ses autres services de diffusion, ne sont plus les seuls à être des partenaires aux premières loges du contenu canadien. Au cours des derniers mois, Shaw et Bell sont devenus des partenaires incontournables de contenu canadien, le premier à la suite de l’acquisition de Canwest, et le second, de CTV et de ses services spécialisés.

Bref, bien que nous soyons un « petit pays » avec une population équivalente à celle de la Californie, nous avons au fil des ans, dans le cadre d’un système réglementé, acquis nos lettres de noblesse. Nous avons de quoi être fiers de nos radiodiffuseurs qui connaissent des succès d’exportation de séries télévisées sur les marchés étrangers, dont les États-Unis. Dans ce contexte, je suis le premier à acquiescer à la nécessité de protéger des services dits « canadiens » de manière à ce que nos réalisateurs, nos artistes, nos scénaristes et les membres de tous les métiers associés à la réalisation et à la diffusion puissent trouver ici, chez nous, des plateformes de distribution qui leur permettront de s’attaquer un jour aux marchés mondiaux, individuellement ou dans le cadre de coproductions. Mais lorsqu’il s’agit de deux offres différentes apparentées au genre sportif que le Conseil a commencé à ouvrir à la concurrence, je pense qu’il ne faut pas hésiter à autoriser la distribution du service pour le consommateur. L’appétit vient en mangeant; plus l’offre sera abondante, plus le système canadien réglementé sera dynamique et mieux sa pérennité sera assurée.

Le Conseil n’a-t-il pas déjà autorisé d’autres services de sports, dont le contenu étranger est de 100 %, comme Speed Channel, NFL Network, College Sports TV, Eurosportnews, The Golf Channel et Big Ten Network? Cela m’apparaît comme deux poids, deux mesures, compte tenu de la maturité de notre système. Quant aux droits de programmation, Fox n’avait-il pas confirmé par écrit qu’il pourrait donner accès à sa programmation aux entreprises canadiennes, et ce, en dépit du fait que Fox n’hésite pas à présenter certaines de ses émissions comme étant « exclusives » sur le marché américain? Voilà en tout cas une intention qu’il aurait été opportun pour le Conseil de vérifier en toute conformité avec la politique mise de l’avant il y a 11 ans (avis public 2000-173).

Tantôt, j’écrivais que le nombre d’abonnés de radX s’est multiplié par trois au cours des trois dernières années, atteignant maintenant 450 000. Qui plus est, cela correspondrait à une écoute réelle, selon les derniers résultats obtenus par audimètres portables (PPM ou Portable People Meter), des appareils de mesure des cotes d’écoute d’une grande précision. Bien que la technologie de PPM soit différente de celle des BBM, les derniers résultats de PPM confirment néanmoins la croissance exceptionnelle du service radX par rapport aux autres services de sports, ainsi que l’existence d’une demande réelle pour le service, que l’on soit à la maison ou dans une brasserie. Fort de ces données, radX est en mesure de justifier et de négocier sa présence dans un assemblage thématique d’une EDR, pouvant aisément démontrer qu’il n’est pas à la remorque d’un forfait, que ses abonnés l’écoutent vraiment et que sa croissance est la plus forte de tous les services de sports confondus. Je le répète : radX est un cas exemplaire qui n’a pas besoin de protection, particulièrement vis-à-vis d’un service complémentaire comme celui de FUEL TV. J’ajouterai enfin que nous assistons actuellement à un déplacement général de l’intérêt des téléspectateurs vers les services de sports spécialisés. À preuve, TSN qui ajoute TSN2 à son offre de sports ou Sportsnet qui offre des services distincts pour l’est, l’Ontario, l’ouest (Manitoba, Saskatchewan, Alberta) et le Pacifique. Même si leurs cotes d’écoute n’ont rien de comparable, les services de créneau ne peuvent que profiter, grâce à des assemblages thématiques, de l’intérêt sans cesse croissant des consommateurs. Depuis trois ans, radX, en compagnie de HD Net, Treasure HD, Oasis HD et Equator HD dans le forfait de Rogers, prouve de façon éloquente que son service répond aux attentes des consommateurs.

AUDITOIRE MOYEN MINUTE (en miliers)
PAR SERVICE ET ANNÉE DE RADIODIFFUSION
TOUTES PERSONNES DE 2 ANS ET +, CANADA
LUNDI AU DIMANCHE, 2 H À 2 H

Services

Année de radiodiffusion

 

2006-2007

2007-2008

2008-2009

2009-2010

Augmentation

 

AMA(000)

AMA(000)

AMA(000)

AMA(000)

 

TSN+

98,3

96,4

108,7

187,1

90 %

RDS+

62,6

73,0

69,3

84,1

34 %

Sportsnet Ont+

2,2

28,9

26,3

46,1

58 %

The Score

22,9

22,2

20,9

32,0

 

Speed+

16,9

12,9

11,7

18,3

8 %

Sportsnet Pac+

16,4

13,2

13,9

23,0

40 %

Sportsnet West+

14,0

11,5

12,1

21,4

53 %

Sportsnet East+

7,4

8,5

8,6

17,5

136 %

Golf+

4,7

7,0

7,6

3,3

-30 %

Fox Sports Canada

3,3

2,1

1,2

1,0

-70 %

NFL Network

1,5

1,4

1,7

0,0

 

NHL Network+

1,0

1,4

0,7

2,5

150 %

Gol TV+

0,3

0,6

1,0

0,9

200 %

Horse Player Interactive

0,1

0,1

0,3

0,0

 

radX

0,0

0,0

0,1

0,3

200 %

Fox Sports US

Données non disponibles

 

Euro World Sport

 

Big Ten Network

 

Classic Sports Network

 

CBS College Sports Network

 

New England Sports Network

 

Empire Sports

 

Remarque : Les données pour l’année de radiodiffusion 2009-2010 étaient, pour la première fois, basées sur les résultats d’audimètres. Le marché anglophone canadien a adopté la technologie du panel audiométrique le 31 août 2009. Antérieurement, il préconisait la technologie Mark II (appareil lié à la télévision). Il est possible que ce changement ait causé des variations des données.

Sources : BBM Nielsen (2006-07 à 2008-09 - technologie Mark II)

                 BBM Canada (2009-10 - données audimètres) 

Pour les besoins de l’argument, j’ai soumis radX (Rush HD dans la classification ci-dessous) au modèle Morin afin d’en évaluer la « canadiennicité ». Et où le service qu’on tient à protéger s’est-il retrouvé avec les trois variables du modèle Morin? À la toute fin des services autorisés par le Conseil parmi les 119 services soumis au modèle; au 106ième rang! En effet, il a obtenu une note de -20, en raison de son prix d’abonnement de 35 cents par mois, de son faible contenu canadien de 35 % (très nettement désavantagé par rapport, par exemple, aux 60 et 65 % de TSN et RDS respectivement), et de ses dépenses extrêmement faibles en émissions canadiennes (DÉC) de 9 % (comparativement aux 44 et 50 % pour TSN et RDS respectivement). C’est le cas également des services populaires comme TSN et RDS, qui subissent l’effet négatif du prix élevé de leur service, parce que le modèle Morin met aussi de l’avant, parallèlement au contenu canadien, l’accessibilité au service. Voilà qui constitue, à mon avis, un critère objectif et mesurable : le modèle Morin classifie – comme jamais on ne l’a fait en 42 ans au Conseil – et positionne, en fonction de trois critères fondamentaux, l’ensemble des services du système canadien de radiodiffusion. RadX n’est pas précisément un exemple de contenu canadien et de DÉC, et, malgré son faible score, son prix d’abonnement reste dans la moyenne. Bref, c’est un modèle qui pourrait être appliqué avant qu’on décide de protéger, « au nom du contenu canadien », un service spécialisé. Pour l’instant, le Conseil n’en n’a aucun; tout est laissé au bon vouloir des conseillers et du personnel.

Type

Anglais

Français

Service

Contenu canadien
(%)

DÉC
(%)

Taux
(¢)

Résultat Morin

Revenus du marché

 

*

 

HPItv Canada

35

0

(e)

29

(e)

6,42

1 %

2

*

 

Raptors NBA

35

23

(e)

53

(e)

4,82

31 %

2

X

 

Wild TV

35

1

(e)

34

(e)

1,93

79 %

A

X

 

TSN

60

44

 

107

 

-3,00

45 %

A

 

X

RDS

65

50

 

121

 

-6,00

49 %

2

*

 

Silver Screen Classics (données : 2006)

35

13

(e)

65

(e)

-16,83

0 %

2

*

 

Rush HD

35

9

(e)

65

(e)

-20,97

0 %

2

*

 

Oasis HD

35

8

(e)

66

(e)

-22,59

0 %

2

*

 

Equator HD

35

4

(e)

65

(e)

-26,03

0 %

2

*

 

Treasure HD

35

4

(e)

66

(e)

-26,72

0 %

2

X

 

AOV Clips

35

9

(e)

99

(e)

-54,81

84 %

2

*

 

Discovery HD

35

48

(e)

198

(e)

-115,15

2 %

2

*

 

ATN Cricket Plus

15

20

 

166

(e)

-131,47

0 %

2

X

 

Red Light District

35

29

(e)

276

(e)

-211,57

87 %

2

*

 

The Hustler Channel

35

18

(e)

372

(e)

-318,69

26 %

(Pour obtenir de plus amples renseignements sur le modèle Morin, consultez mon opinion minoritaire sur les services 9(1)h) : http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2010/2010-629.htm. Pour obtenir une démonstration encore plus détaillée du modèle, consultez mon opinion minoritaire sur les règles des services de distribution : http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2008/pb2008-100.htm.)

À moyen terme, si le Conseil voulait se faire une tête quant à la protection à accorder aux services dits « canadiens », il pourrait (aux fins de l’exemple) fixer dans le modèle Morin un seuil de 30 points en dessous duquel aucun des services facultatifs ne serait protégé contre l’offre concurrentielle d’un service étranger. Il pourrait, à la suite d’audiences sur la question, accorder une période de grâce de trois ans à tous les services qui souhaiteraient conserver cette protection soit en augmentant leur contenu canadien ou leurs DÉC, soit en diminuant le prix au consommateur, comme le propose l’équation du modèle. La décision appartiendrait alors aux radiodiffuseurs. Dans la foulée, le Conseil pourrait ultérieurement porter ce seuil à 50 points. Si l’on voulait sérieusement envisager une déréglementation tout en favorisant une majoration du contenu canadien, c’est avec des critères mesurables, comme ceux-là, qu’on pourrait procéder. (Outre cet exemple qui vise à calibrer la protection contre les services étrangers, on pourrait aussi, après discussions et audiences, utiliser le modèle Morin pour l’accès (catégorie 1 ou A) si le service se mérite un score de 70 points, et une distribution obligatoire en vertu de l’article 9(1)h) s’il obtient un total, disons, de 100 points dans le marché anglophone.)

Si le Conseil de l’avenir veut se montrer moins timide quant au contenu étranger, il doit non seulement adopter des critères objectifs et mesurables, mais aussi être plus transparent quant à ceux qu’il invoquera pour protéger un service ou pour en approuver ou en refuser un, sans quoi ses décisions sembleront toujours teintées de subjectivité et hautement discrétionnaires.

Le défi pour un système réglementé

Il y a quelques mois, dans le cadre d’une opinion favorable à la déréglementation d’un genre consacré à un service de télévision payante en situation de monopole dans le marché francophone (avis de consultation de radiodiffusion 2010-860), j’écrivais :

[…] grâce aux nouvelles plateformes et à l’accès Internet haute vitesse, il n’est plus nécessaire d’être l’un des onze millions d’abonnés du système canadien de radio-diffusion pour avoir accès à des contenus culturels, télévisuels et cinématographiques. Un simple branchement Internet suffit! À preuve, les Playstation Video store de Sony (offert pour la Playstation 3), Zune Video Marketplace de Microsoft (offert pour la Xbox360), Netflix (compatible avec les deux consoles susmentionnées et les ordinateurs) et Apple TV qui permettent de télécharger des films et des émissions de télévision en toute légalité par le truchement de plateformes de distribution qui ne sont pas réglementées par le Conseil. À cette première liste non-exhaustive, on pourrait ajouter celle des Blink.TV et des consoles Boxee et Roku avec Google TV et Amazon TV.

Manifestement, l’offre sportive de notre système canadien réglementé est toute aussi menacée par d’autres plateformes accessibles par Internet. L’information est véhiculée à la vitesse Internet et avec le soutien de la bande passante. À titre d’exemple, le club de hockey des Maple Leafs vient de lancer une nouvelle application pour iPhone, iPod Touch et iPad en vertu de laquelle, pour seulement 19,99 $ par année, l’abonné pourra visionner dix parties pour lesquelles CBC et TSN n’ont pas acheté les droits. Autre exemple : CBC repasse sur son site les matchs diffusés à l’émission Hockey Night in Canada. Quand on considère le nombre croissant de téléviseurs branchés à Internet, on comprend pourquoi! En ce sens, il est dans l’intérêt des EDR d’agrandir la place qu’elles accordent à des services étrangers différents de ceux que nous avons chez nous, dont FUEL TV est un parfait exemple! Nous aurions dû nous montrer plus accueillants pour bonifier l’offre existante dans le système canadien.

Au cours de la dernière année, j’ai écrit pas moins de deux opinions minoritaires favorables à l’éclatement des services jusqu’ici protégés par nos règlements qui limitent la concurrence. Celle-ci est la troisième! La première concernait AUX TV, un service de catégorie 2 consacré à la musique émergente, alors que le Conseil avait décidé de protéger le service de Musique Plus d’intérêt général, propriété du Groupe Astral Media (voir http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2010/2010-223.htm). La seconde, plus récente, concernait Super Écran, le service de télévision payante protégé et fermé à la concurrence directe, mais aussi le plus rentable des services de télévision payante d’intérêt général au pays (voir https://crtc.gc.ca/fra/archive/2010/2010-860.htm). Heureusement, quelques semaines après sa décision dans ce dossier, le Conseil annonçait le 8 février une modification à son appel de demande pour un nouveau service de télévision payante (voir http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2010/2010-860-1.htm), dans laquelle il annonçait sa disposition à recevoir des commentaires sur son avis préliminaire selon lequel le nouveau service se devrait de ne pas être en « concurrence directe », avis qu’il avait exprimé dans l’appel du 19 novembre. Ce faisant, le Conseil clarifiait sa position à l’effet qu’il était disposé, si l’avis préliminaire ne pouvait être soutenu, à recevoir des demandes directement concurrentielles à Super Écran, un pas important vers la déréglementation du genre de la télévision payante dans le marché francophone. Il était temps! À mon avis, c’est avec le même esprit qu’il fallait aborder la demande de Rogers pour l’importation du service américain de nature sportive. La réglementation en faveur du contenu canadien ne doit pas être qu’une simple béquille qui vise davantage à protéger des services mi-canadiens, mi-américains plutôt qu’à inciter ceux-ci à développer leur contenu canadien par rapport aux contenus étrangers (voir la liste des services étrangers disponibles au Canada à https://crtc.gc.ca/fra/archive/2011/2011-65.htm).

Pour ce qui est de l’argument concernant l’obligation d’un contenu canadien à 35 % à laquelle radX est assujettie, mais pas FUEL TV, cela me laisse de glace. Si cette obligation est perçue comme un désavantage ou un fardeau pour un service spécialisé, cherchons l’erreur! Au contraire, elle devrait être considérée comme un avantage comparatif, comme une marque de commerce distinctive bien à nous, parce qu’elle traite de nos histoires plutôt que de celles de nos voisins. Je ne vois pas en quoi elle pourrait constituer un désavantage, une pénalité, puisque nous avons déjà établi que la programmation offerte est foncièrement différente de celle de FUEL TV, et qu’elle laisse les coudées franches pour offrir une programmation vraiment différente et concurrentielle. C’est cette façon de voir les choses, cette perception que le contenu canadien constitue une barrière (qu’on retrouve en filigrane dans l’opposition de radX) qu’il faut changer. Les radiodiffuseurs ne doivent pas utiliser le contenu canadien comme un instrument de chantage auprès du Conseil. Si la couverture de nos propres réalisations n’est pas un avantage, alors il sera de plus en plus difficile de justifier la protection des contenus canadiens. Le modèle que j’avais proposé visait précisément à encourager les réalisateurs à produire un plus grand contenu canadien dans le but ultime de se mériter une place sur le service de base. Je comprends mal la décision du Conseil, qui écrit : « High Fidelity (radX) ajoute qu’elle est tenue, par condition de licence, de diffuser au moins 35 % de contenu canadien ». Comme si le contenu canadien à un si faible taux (35 %) était un handicap! Loin de constituer un désavantage, le contenu canadien minimal devrait au contraire permettre à cette chaîne spécialisée dite « canadienne » de se rapprocher davantage de ses abonnés et de différencier son produit par rapport à une offre étrangère.

Conclusion

Je prends note du constat que tire le Conseil voulant « que le marché pour ce type de service puisse ne pas suffire pour accueillir un service canadien exclusivement consacré à ce genre de sports ». Je rappelle qu’en 2008, X-treme Sports, un service de catégorie B, propriété de Canwest, qui s’adressait précisément à ce marché, a cessé ses activités, faute de rentabilité. En revanche, radX – qui, en 2005, insistait sur le fait qu’il n’était pas un service de sports afin de ne pas concurrencer X-treme Sports – est en croissance et est distribué dans le forfait de 5,99 $ de HD Nature and Adventure Pack de Rogers à 1,20 $ la station, et dans le forfait de Bell TV de 10 $ par mois à 0,67 $ la station.

Aujourd’hui, alors même que FUEL TV s’intéresse au marché canadien, le Conseil doute de la capacité de ce marché de l’accueillir, compte tenu de l’échec de X-treme Sports. Pourquoi ne pas laisser les Américains et les distributeurs canadiens prendre les risques? Soit dit en passant, depuis la disparition de X-treme Sports, le marché lui-même a confirmé son manque d’appétit pour ce service : aucun service canadien n’a cherché à le remplacer en trois ans. Pourquoi attendrait-on un service canadien quand il existe un service américain offert à Dish Network dans le cadre d’un forfait de 44,99 $ à 0,38 $ la station, et à Direct TV dans le cadre d’un forfait de 64 $, à 0,32 $ la station? L’occasion était là, mais les radiodiffuseurs canadiens n’en ont pas profité pour proposer une programmation hybride à 65 % américaine et à 35 % canadienne pour ce genre de sports. Combien d’années faudra-t-il maintenant attendre pour qu’un nouveau service spécialisé à « six sports de base qui occupent plus de 60 % de la grille horaire de FUEL TV », contre « 20 % de la grille de radX », pour reprendre les mots du Conseil, soit proposé? Même aux États-Unis, aucun autre service télévisé en sports d’action semblable à celui de FUEL TV n’est offert aux abonnés du câble et du satellite. Comment et sur quelle base le Conseil pourrait-il prévoir à moyen terme l’avènement d’un service semblable au Canada? En tout cas, il est clair qu’à ce jour, personne ne s’est proposé pour offrir une programmation de même nature que X-treme Sports ou FUEL TV. Dans de telles conditions, pourquoi ne pas laisser la chance à un service américain comptant 30 millions d’abonnés d’offrir aux Canadiens une programmation complémentaire à nos services spécialisés et d’augmenter ainsi l’offre globale du système? Pourquoi rejeter l’occasion d’intégrer cette offre de programmation unique de notre voisin?

À la lecture des paragraphes 14 et 15 de la décision, on comprend la subjectivité inhérente qui a présidé à la décision du Conseil. Celui-ci écrit, au paragraphe 15 :

Le Conseil estime que l’ajout d’un service tel que FUEL TV risque de diminuer très sérieusement l’intérêt de sa programmation (radX) et, partant, de réduire la taille de son auditoire potentiel. Le Conseil estime donc que l’approbation de la demande de Rogers ferait en sorte que le niveau de concurrence entre FUEL TV et radX soit assez fort pour nuire de façon directe et importante aux activités de radX, avec pour résultat que ce service aurait encore plus de mal à respecter son obligation de contribuer au système canadien de radiodiffusion. 

-   Comment la programmation différente d’un service 100 % étranger pourrait-elle réduire l’intérêt pour une programmation complémentaire, également étrangère à 65 %? La programmation canadienne est-elle à ce point nulle? J’ai de la difficulté à souscrire à un tel argument.

-   Évidemment, comme dans de nombreuses autres décisions du Conseil, le mot « consommateur » est absent. Si le service canadien offre avec succès une qualité, une profondeur et une diversité à un prix concurrentiel depuis trois ans, pourquoi serait-il soudainement abandonné au profit de FUEL TV? Rien dans la présente décision ne répond à cette question.

-   Le texte ne contient aucun critère chiffré qui pourrait nous aider à prendre une décision objective. On estime (deux fois dans le texte), on avance un risque et on parle au conditionnel (aurait encore plus de mal).

Après 11 ans, ne serait-il pas opportun de revisiter notre politique, énoncée dans l’avis public 2000-173, qui « écarte la possibilité d’ajouter de nouveaux services par satellite non canadiens si le Conseil les considère soit totalement, soit partiellement concurrentiels avec les services canadiens de télévision payante ou spécialisée »? Je le répète, le Conseil a un devoir de transparence envers l’abonné canadien. Il ne doit pas se satisfaire de termes aussi vagues que « partiellement » et se baser « essentiellement sur des commentaires » comme il le fait dans ce cas-ci. Dans la présente opinion minoritaire, j’ai énuméré quantité de critères qui pourraient être formellement pris en considération dans la décision quant au bien-fondé d’accepter ou pas un service étranger. La comparaison des catégories d’émissions et de leur contenu, la popularité, la santé financière et la distribution des services existants, la disponibilité de contenus étrangers pour les services canadiens, l’épreuve des faits avec le modèle Morin pour les DÉC, la diffusion d’un tel contenu et le prix facturé aux consommateurs conduisant à une note globale au sein du système et le marché potentiel du service canadien sont autant de critères qui pourraient avantageusement remplacer le caractère hautement discrétionnaire de la politique actuelle du Conseil, politique qui ne sert ni les abonnés, ni le système.

Je n’ai jamais hésité à m’opposer à la distribution de services étrangers quand j’avais la conviction qu’ils faisaient directement concurrence à des services canadiens. Dans le cas présent, par contre, la concurrence m’apparaît trop éloignée pour que je puisse adhérer à la conclusion. Loin de deux programmations miroir, nous avons là deux services distincts et complémentaires.

Ainsi, j’inscris mon opinion minoritaire (la quatorzième depuis mon entrée en fonction) contre la décision du Conseil, qui refuse à Rogers le droit d’ajouter FUEL TV aux listes des services par satellite admissibles à une distribution en mode numérique. Comme dans mes treize autres dissidences (énumérées ci-dessous), j’ai été guidé dans mon opinion par les principes de concurrence, de transparence, d’intérêt du consommateur et du contenu canadien.

Liste des 13 opinions minoritaires

Notes de bas de page

[1] Ce service propose des émissions qui exploitent l'imagerie haute définition pour traduire les diverses limites ou risques élevés que défie l'activité humaine, ainsi que la façon dont chacun repousse ses limites physiques et mentales dans des situations intenses et parfois extrêmes. À l’origine appelé AHD, ce service a été autorisé dans la décision de radiodiffusion 2006-172, lancé l’année suivante sous le nom de Rush HD, et rebaptisé radX en 2010.

[2] Comme l’indique l’avis public de radiodiffusion 2008-100, les services de catégorie 2 seront renommés services de catégorie B à compter du 31 août 2011. L’expression « catégorie B » utilisée dans la présente politique réglementaire englobe les services de catégorie 2.

[3] X-treme Sports a obtenu sa première licence sous le nom d’Extreme Sports dans la décision 2000-566.

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