Décision de télécom CRTC 2011-28

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Ottawa, le 13 janvier 2011

Axia SuperNet Ltd. – Demande de révision et de modification de certaines conclusions tirées dans la décision de télécom 2010-639 concernant l’utilisation des fonds des comptes de report par la Société TELUS Communications

Numéro de dossier : 8662-A90-201015793

Dans la présente décision, le Conseil conclut qu’Axia SuperNet Ltd. (Axia) n’a pas réussi à démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé des conclusions formulées par le Conseil dans la décision de télécom 2010­639. Le Conseil rejette la demande d’Axia visant la révision et la modification de la décision de télécom 2010­639.

Contexte

1.      Dans la décision de télécom 2006­9, le Conseil a déterminé que les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) devraient principalement utiliser les fonds de leurs comptes de report[1] pour étendre les services à large bande aux collectivités rurales et éloignées de leurs territoires[2].

2.      Dans les décisions de télécom 2007­50 et 2008­1 (ces deux décisions et la décision de télécom 2006­9 sont ci­après appelées collectivement les décisions sur les comptes de report), le Conseil a approuvé, entre autres choses, des propositions de la Société TELUS Communications (STC) visant à étendre les services à large bande à certaines collectivités rurales et éloignées en Alberta, en Colombie­Britannique et au Québec (les collectivités approuvées) en utilisant des fonds de ses comptes de report.

3.      La mise en œuvre des décisions sur les comptes de report a été suspendue en attendant que la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada aient statué sur les appels concernant notamment les propositions d’expansion des services à large bande. Après le rejet des appels par la Cour suprême du Canada, la STC a présenté des plans révisés afin de fournir le service à large bande aux collectivités approuvées dans les décisions sur les comptes de report et les décisions connexes[3].

4.      Dans la décision de télécom 2010­639, le Conseil a approuvé un prélèvement de 99,4 millions de dollars à même les comptes de report de la STC, pour l’Alberta et la Colombie­Britannique, en vue d’étendre les services à large bande, puis a ordonné à la STC d’utiliser ces fonds pour desservir les collectivités approuvées.

5.      Dans cette même décision, le Conseil a approuvé la proposition de la STC de construire ses propres installations dans certaines collectivités approuvées où l’utilisation d’Alberta SuperNet (SuperNet) était moins coûteuse. Cependant, dans ces cas, le financement à même les comptes de report qui a été accordé se limite au montant des fonds qui auraient été nécessaires si elle avait utilisé le réseau de SuperNet.

La demande

6.      Le Conseil a reçu une demande d’Axia SuperNet Ltd. (Axia), datée du 22 octobre 2010, dans laquelle elle demandait au Conseil de réviser et de modifier la décision de télécom 2010­639 afin de rétablir l’exigence énoncée dans la décision de télécom 2008­1 voulant que la STC soit tenue d’utiliser les installations de SuperNet pour desservir les collectivités admissibles au financement provenant des comptes de report lorsque cette solution est la moins coûteuse, et que la STC soit tenue d’offrir des services aux concurrents à des taux tarifés. Axia demandait également au Conseil de surseoir à la mise en œuvre des conclusions en question, jusqu’à ce qu’il se prononce sur la demande de révision et de modification de la compagnie.

7.      Le Conseil a reçu des observations de la STC, ainsi que des observations étayant la demande d’Axia de la part de Shaw Communications Inc. et de Slave Lake Communications Ltd. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 19 novembre 2010. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques, ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci­dessus.

Positions des parties

8.      Axia a soutenu que, dans la décision de télécom 2010­639, le Conseil a infirmé l’exigence de la décision de télécom 2008­1 voulant que la STC soit tenue d’utiliser les installations de SuperNet pour desservir les collectivités admissibles au financement provenant des comptes de report lorsque cette solution est la moins coûteuse, et qu’il a ainsi omis de considérer les lignes directrices relatives à l’utilisation des fonds des comptes de report de la STC aux fins de l’expansion des services à large bande.

9.      Axia a également indiqué qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision de télécom 2010­639, puisque selon elle, le Conseil n’a pas justifié plusieurs conclusions tirées dans cette décision. Par exemple, Axia a indiqué que le Conseil (i) n’a pas précisé la ventilation du prélèvement de 99,4 millions de dollars pour l’expansion des services à large bande entre l’Alberta et la Colombie­Britannique, ni les collectivités admissibles au financement provenant des comptes de report et desservies par SuperNet, (ii) n’a pas désigné les collectivités où l’utilisation de SuperNet par la STC s’avérerait la moins coûteuse, ainsi que les données concernant les coûts acceptés par le Conseil, (iii) n’a pas fourni de directives sur la façon d’appliquer l’exigence voulant que la STC soit tenue de prélever de ses comptes de report des fonds qui reflètent les collectivités les moins coûteuses, et (iv) n’a pas justifié la façon dont il appliquerait l’engagement de la STC à ne pas entrer en concurrence avec SuperNet dans le domaine des services aux concurrents, alors qu’il a autorisé la STC à négocier des ententes sur des services aux concurrents.

10.  Enfin, Axia a soutenu que le Conseil n’a pas respecté les Instructions[4].

11.  La STC a indiqué que les conclusions tirées dans le cadre de cette décision sont conformes aux obligations énoncées dans les Instructions voulant que le Conseil se fie au libre jeu du marché et que, lorsqu’il a recours à la réglementation, il prenne des mesures efficaces et proportionnelles aux buts visés. La STC a fait remarquer que le fait de prendre des mesures différentes irait à l’encontre des Instructions, puisque le Conseil exigerait que la STC utilise les installations de SuperNet par ordonnance réglementaire.

Question

12.  En l’espèce, le Conseil estime qu’il s’agit de déterminer s’il existe un doute réel quant au bien-fondé des conclusions qu’il a tirées dans la décision de télécom 2010­639, puisque selon Axia :

a.       il a omis de considérer les lignes directrices relatives à l’utilisation des fonds des comptes de report de la STC aux fins de l’expansion des services à large bande;

b.      il n’a pas justifié plusieurs conclusions tirées dans la décision de télécom 2010­639;

c.       il n’a pas respecté les Instructions.

Résultats de l’analyse du Conseil

a.  Le Conseil a­t­il omis de considérer les lignes directrices relatives à l’utilisation des fonds des comptes de report de la STC aux fins de l’expansion des services à large bande?

13.  Dans la décision de télécom 2006­9, le Conseil a établi les lignes directrices relatives à l’utilisation des fonds restants dans les comptes de report des ESLT aux fins de l’expansion des services à large bande. Ces lignes directrices portaient notamment sur la neutralité concurrentielle, l’utilisation de la technologie la moins coûteuse et l’appui aux initiatives gouvernementales en vigueur. Le Conseil a ordonné aux ESLT de présenter des propositions pour l’expansion des services à large bande qui tiennent compte des lignes directrices. Conformément à la lettre du Conseil du 10 mars 2006[5], les ESLT devaient proposer des services à large bande comparables à ceux qu’elles offrent en zone urbaine en matière de tarifs, de modalités, de vitesses de téléversement et de téléchargement et de fiabilité.

14.  Dans la décision de télécom 2008­1, le Conseil a fait remarquer que les observations de la STC dans l’instance qui a mené à cette décision ne soutenaient pas un modèle de service à large bande qui fait appel à SuperNet pour les installations de transport de large bande, mais il a estimé qu’il n’existait aucun obstacle majeur à ce que la STC utilise les installations de SuperNet. Le Conseil a ordonné à la STC d’utiliser la solution la moins coûteuse dans chaque collectivité où l’interconnexion au réseau de base de SuperNet est possible (soit SuperNet, soit ses propres installations de base). Le Conseil a estimé que la STC devrait inclure les résultats de son analyse dans les études de coûts actualisées qui seront déposées à titre de suivi à cette décision.

15.  Dans l’instance qui a mené à la décision de télécom 2010­639, le Conseil disposait pour la première fois d’une analyse comparative des coûts liés à la construction des installations propres à la STC pour desservir toutes les collectivités admissibles au financement provenant des comptes de report, ainsi que des coûts de l’utilisation des installations de base de SuperNet par la STC pour desservir ces collectivités, lorsque c’est possible. En outre, bien que le Conseil ait ordonné d’utiliser les installations de SuperNet dans ces collectivités, la STC a déposé auprès de lui une demande qui lui permettrait de construire ses propres installations et de financer les travaux à même les comptes de report en se limitant au montant qui aurait été requis si elle avait utilisé le réseau de SuperNet.

16.  Après avoir examiné la preuve au dossier de l’instance ayant mené à la décision de télécom 2010-639, le Conseil est toujours d’avis que, bien qu’il soit souhaitable d’éviter d’avoir des installations en double dans certaines collectivités et pour appuyer certaines initiatives gouvernementales, l’approche adoptée dans cette décision constitue une position neutre sur le plan de la technologie et respecte les Instructions. De plus, le Conseil fait remarquer que, tel qu’il a été mentionné dans la décision de télécom 2010-639, le service fourni aux abonnés sera le même quelles que soient les installations que la STC utilise, et sera équivalent aux services à large bande de la STC fournis dans les zones urbaines, respectant ainsi les conclusions du Conseil tirées dans les décisions portant sur les comptes de report. En outre, le Conseil estime toujours qu’il y a des avantages à ce que la STC ait un réseau uniforme, car elle contrôle ainsi son réseau à large bande d’un bout à l’autre, ce qui lui permet de mieux gérer son réseau.

17.  À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime que ses conclusions autorisant la STC à construire son propre réseau dans les collectivités les moins coûteuses à desservir ne constituaient pas une révision et une modification de la décision de télécom 2008-1. Le Conseil se penchait toujours sur la question de l’utilisation des fonds des comptes de report de la STC et les conclusions définitives ne pouvaient être tirées sans la comparaison détaillée des coûts déposés, pour la première fois, au cours de l’instance ayant mené à la décision de télécom 2010-639. De plus, en ce qui concerne l’utilisation des fonds des comptes de report, la STC était autorisée à prélever uniquement la somme qui aurait été requise si elle avait utilisé les installations de SuperNet, ce qui respectait la directive selon laquelle les dépenses les moins coûteuses peuvent être acquittées au moyen des fonds cumulés dans les comptes de report.

18.  À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime qu’il n’a pas omis de considérer les lignes directrices sur l’utilisation des fonds des comptes de report de la STC aux fins de l’expansion des services à large bande.

b.  Le Conseil a-t-il omis de justifier plusieurs conclusions tirées dans la décision de télécom 2010-639?

19.  L’argument d’Axia selon lequel le Conseil a omis de justifier plusieurs conclusions tirées dans la décision de télécom 2010-639 a été examiné. Le Conseil expose ses conclusions dans les paragraphes ci-dessous.

20.  Le Conseil fait remarquer que les renseignements sur les coûts de la STC présentés par collectivité admissible au financement provenant des comptes de report sont confidentiels. Par conséquent, le Conseil n’a pas ventilé les 99,4 millions de dollars prélevés pour financer l’expansion des services à large bande. Toutefois, étant donné que la STC a un compte de report pour l’Alberta et la Colombie-Britannique, le Conseil a fixé le montant du compte de report de la STC pouvant être alloué à l’expansion des services à large bande en fonction des coûts pour toutes les collectivités admissibles au financement provenant des comptes de report et non en fonction des limites provinciales.

21.  Contrairement à l’allégation d’Axia, le Conseil a cerné, dans la décision de télécom 2010-639, les éléments de preuve relatifs aux coûts qui ont servi à établir que certaines collectivités étaient moins coûteuses à desservir pour la STC si cette dernière utilisait les installations de SuperNet. Dans cette décision, le Conseil a déclaré avoir examiné les coûts fournis par la STC et par Axia. Le Conseil fait également remarquer que la STC a déjà désigné dans le dossier public les collectivités qui sont les moins coûteuses. Dans ce contexte, une fois que le Conseil a établi que la STC était autorisée à construire ses propres installations, il n’y avait pas lieu pour le Conseil d’établir une distinction entre les collectivités quant à la manière dont le service à large bande devait être fourni.

22.  En ce qui concerne les préoccupations d’Axia liées à la mise en œuvre du prélèvement dans les comptes de report, le Conseil a ordonné à la STC de ne prélever que la somme reflétant les tarifs actuels que la STC devrait payer pour pouvoir utiliser les installations de SuperNet. Le Conseil a également fixé cette somme à 99,4 millions de dollars sans rajustement ultérieur afin de s’assurer que la STC ne prélèvera que le montant approprié. En outre, afin de garantir qu’il y aura construction d’installations dans les collectivités approuvées, la STC doit fournir au Conseil des rapports annuels qui rendent compte de ses progrès quant au déploiement des services à large bande à ces collectivités.

23.  En ce qui concerne l’allégation d’Axia selon laquelle la STC s’est engagée à ne pas entrer en concurrence avec SuperNet, le Conseil fait remarquer que dans la décision de télécom 2006-9, il a établi les paramètres pour les tarifs que les ESLT imposeraient pour les services du réseau de base aux concurrents (SRBC) et a déclaré que les tarifs seraient établis lors de l’approbation de chaque proposition d’ESLT visant l’expansion des services à large bande.

24.  Dans l’instance qui a mené à la décision de télécom 2010-639, la STC a proposé d’offrir ses SRBC uniquement aux autres fournisseurs de service à large bande (AFSLB) des collectivités approuvées et seulement sur une base contractuelle. En outre, la STC a proposé de classer ses SRBC comme des services non essentiels assujettis à l’élimination graduelle. Le Conseil n’était pas d’accord et a déterminé que les SRBC devaient être tarifés. Le Conseil a aussi classé les SRBC de la STC comme des services non essentiels prescrits et conditionnels, une classification qui, combinée aux tarifs, prévoit les ententes négociées versées au dossier public.

25.  Par conséquent, en exigeant la tarification des services et en les classant comme des services non essentiels prescrits et conditionnels, le Conseil s’assure que la STC fournit des SRBC à des tarifs appropriés. La STC a déposé ses tarifs pour les SRBC, et Axia a le droit d’intervenir dans le processus pour se prononcer sur les demandes relatives aux tarifs. En outre, Axia peut déposer une plainte ou des observations concernant toute entente négociée versée au dossier public.

26.  Pour les raisons susmentionnées, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis d’erreur puisqu’il a justifié plusieurs des conclusions qu’il a tirées dans la décision de télécom 2010-639.

c.  Le Conseil a­t­il respecté les Instructions?

27.  Axia a affirmé que, dans la décision de télécom 2008­87, en refusant sa demande de révision et de modification de la décision de télécom 2008­1, le Conseil s’est fié aux Instructions, déclarant que l’exigence voulant que la STC utilise la solution la moins coûteuse pour offrir ses services à large bande est efficace et proportionnelle aux buts visés. Axia a soutenu que si l’exigence d’avoir recours à SuperNet a été éliminée, les Instructions ne peuvent être respectées, à moins que de nouveaux éléments de preuve ou arguments soient présentés au Conseil.

28.  Le Conseil fait remarquer que les Instructions l’obligent notamment à :

29.  Le Conseil note que la STC ne doit prélever de ses comptes de report pour les collectivités les moins coûteuses que les montants qui reflètent les données mises à jour sur les coûts et les tarifs en vigueur qu’Axia exige de la STC pour l’utilisation de ses installations. De cette façon, le Conseil s’est assuré que les fonds des comptes de report de la STC seront utilisés de façon efficiente et efficace. De plus, le Conseil fait remarquer que le fait d’exiger de la STC qu’elle utilise les installations de SuperNet ne correspondrait pas à une position neutre sur le plan technologique. À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime que les conclusions qu’il a tirées dans la décision de télécom 2010-639 sont conformes à l’exigence des Instructions visant à utiliser des mesures de réglementation efficaces et proportionnelles aux buts visés.

Conclusion

30.  À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu’Axia n’a pas démontré qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé des conclusions qu’il a tirées dans la décision de télécom 2010-639. Par conséquent, le Conseil rejette la demande d’Axia.

31.  Compte tenu des conclusions qu’il a tirées dans la présente décision, le Conseil estime que la demande d’Axia de surseoir à la mise en œuvre des conclusions de la décision de télécom 2010-639 est sans portée pratique.

Secrétaire général

Documents connexes



Notes de bas de page :
[1]     En 2002, le Conseil a établi un cadre de plafonnement des prix, lequel comprenait notamment des règles régissant les tarifs exigés aux abonnés du service de résidence des ESLT. Le compte de report constituait un des éléments du régime de plafonnement des prix. En fait, les ESLT étaient tenues de verser dans leur compte de report respectif des montants équivalant aux baisses de revenus qu’elles auraient autrement connues si la formule de plafonnement des prix avait été appliquée.

[2]     Le Conseil a également autorisé l’utilisation des fonds pour financer des initiatives visant à améliorer l’accès des personnes handicapées aux services de télécommunication, puis a conclu que tout solde cumulé dans le compte de report d’une ESLT après déduction du financement des projets approuvés serait remis aux abonnés du service local de résidence de l’ESLT dans les zones autres que les zones de desserte à coût élevé.

[3]     Les autres décisions liées à l’approbation des collectivités comprennent les décisions de télécom
2008-5, 2008-29, 2008-87 et 2008-110.

[4]     Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006­1534, 14 décembre 2006

[5]     Au paragraphe 199 de la décision de télécom 2006-9, le Conseil a déclaré qu’il publierait une lettre indiquant les exigences relatives au dépôt de propositions d’expansion des services à large bande, dont notamment en quoi les services à large bande seraient comparables à ceux offerts en zone urbaine.

 
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