Conclusions

Dans l’avenir, les Canadiens vont dépendre de plus en plus de l’Internet pour découvrir et consommer de la musique, du divertissement, des nouvelles et de l’information. Plus de deux tiers des données sur les réseaux fixes et plus d’un tiers des données mobiles servent déjà au divertissement audio et vidéo en temps réel, et cette quantité ne cesse d’augmenter. Bien que la télévision et la radio traditionnelles continueront à évoluer et à jouer des rôles importants, ces rôles seront moins importants que par le passé, car ils seront graduellement dépassés par les services en ligne.

Autrefois, ces services canadiens traditionnels ont fonctionné dans un système économique et réglementaire fermé, avec des frontières étroitement surveillées qui les protégeaient contre les concurrents à l’extérieur du Canada et, dans de nombreux cas, à l’intérieur même du pays. Ces frontières sont maintenant forcées de s’ouvrir, créant de nouveaux avantages et défis. Comme il est indiqué tout au long de ce rapport, les Canadiens ont accès à un contenu plus mondial que jamais auparavant. La création et la distribution de contenu a été démocratisée et les outils mis à la disposition des nouveaux créateurs; il y a une bien meilleure compréhension du contenu que les Canadiens veulent; et il y a plus d’acheteurs de contenu que jamais auparavant, ainsi que plus d’yeux qui regardent et d’oreilles qui écoutent dans le monde entier que ce qui était possible dans le système fermé.

Cependant, il existe aussi des défis bien réels. Il appert de ce rapport que les services traditionnels de radio et de télévision sont au mieux matures et que certains sont en déclin. Il ne s’agit peut-être pas d’un déclin abrupt, mais d’un déclin évident. La baisse des revenus d’abonnements et de publicité occasionnera probablement la perte de divers types de contenu national francophone, anglophone, autochtone ou d’autres langues, surtout le contenu qui est déjà moins rentable et plus coûteux à créer. Les rouages économiques du financement de projets de contenu canadien signifie qu’un système traditionnel en déclin pourrait ne pas être en mesure d’appuyer la production, la promotion ou la découvrabilité. Par conséquent, la culture, les idées et les valeurs des Canadiens pourraient avoir moins de visibilité. Bien que les attentes des Canadiens soient plus élevées que jamais en ce qui a trait au type de audio et video contenu qu’ils consomment ainsi qu’à la façon de le consommer et à l’endroit où en profiter, les services de radio et de télévision traditionnelles auront de plus en plus de difficultés à satisfaire à ces attentes. En même temps, la collecte de données auprès des Canadiens ou à leur sujet par les services en ligne permettra de mieux comprendre les différents publics, mais créera aussi un risque que ces données détaillées soient utilisées de manière malveillante.

Dans ce nouvel environnement, la promotion d’un esprit d’innovation et la contribution au développement d’un marché intérieur dynamique à l’avenir — y compris les nouvelles industries et les nouveaux emplois sur lesquels l’économie canadienne comptera — nécessitera des mesures et des investissements de la part des gouvernements et de toutes les parties prenantes. Les possibilités et les risques du nouvel environnement exigent de nouvelles stratégies et orientations. L’approche du passé ne sera pas suffisante pour surmonter les défis et exploiter les possibilités du nouvel environnement. L’approche devra être orientée de sorte à favoriser la participation à un système plus fort et plus large.

Il est évident que les Canadiens comptent déjà sur les services en ligne internationaux qui sont profondément intégrés dans notre système de radiodiffusion et que le rôle que jouent ces services ne peut être ignoré ou minimisé. Ce sont de nouveaux types de services avec différents modèles d’affaires, pas seulement d’autres services de télévision, de radio ou de distribution. Si nous abordons ceux-ci comme des services traditionnels, les Canadiens et le Canada ne parviendront pas à profiter des occasions qu’ils présentent. En même temps, les services en exploitation au Canada, comme dans toute autre nation, ont des responsabilités sociales envers les Canadiens qu’ils servent. De tels services profitent au Canada et aux Canadiens et, par conséquent, devraient également participer à l’enrichissement de notre tissu culturel, social, démocratique et économique.

Des éléments importants du système actuel demeureront néanmoins essentiels. Par exemple, des bases solides pour les précieux intervenants culturels, comme la Société Radio-Canada, le Fonds des médias du Canada, Téléfilm et le Fonds de la musique du Canada demeureront essentielles à l’avenir, mais cela ne doit pas empêcher le progrès par la proposition de nouvelles stratégies de financement audacieuses qui appuieront l’innovation dans l’intérêt des Canadiens et favoriseront son essor.

La plupart des Canadiens, des entreprises et des intervenants canadiens qui ont contribué à créer ce rapport étaient généralement d’accord avec les conclusions précédentes. Toutefois, ces mêmes participants ont soumis des propositions très variées quant aux approches législatives et réglementaires qui permettraient une progression optimale du Canada vers l’avenir. Ces propositions tendent à se classer dans quatre grandes catégories.

1. Conserver l’approche actuelle

Si nous conservons l’approche actuelle, l’augmentation des pressions exercées sur les diffuseurs et les créateurs de contenu pourrait faire accroître davantage la demande de soutien gouvernemental, ce qui pourrait imposer un stress insoutenable au système actuel.

L’approche législative et réglementaire actuelle est axée presque exclusivement sur les services de radio et de télévision traditionnels et devient moins efficace. À mesure que la consommation de ces services baisse, les revenus baissent. Ceci aura une incidence sur la production de contenu de haute qualité, notamment en ce qui a trait aux nouvelles et aux informations distribuées par ces diffuseurs, ainsi qu’aux emplois créatifs et fondés sur le savoir qui s’y rattachent. Les créateurs de contenu canadien demanderont une intervention gouvernementale de plus en plus importante pour compenser ces baisses, ce qui imposera de plus grandes pressions sur les diffuseurs, qui en retour auront plus de difficultés à concurrencer les nouveaux acteurs de services en ligne.

Le maintien des approches actuelles pourrait avoir pour effet que les services audio et vidéo traditionnels péricliteront, sans nécessairement disparaître, au fil du temps. Pendant ce temps-là, les pressions sur le système de financement et de soutien augmenteront et, si rien ne change, les opportunités d’emploi seront moins nombreuses pour les Canadiens et les créateurs canadiens. Le contenu important aux yeux des Canadiens, comme les nouvelles locales, le contenu accessible aux personnes handicapées, le contenu destiné aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, ainsi que les œuvres de fiction, les documentaires et les émissions pour enfants, seront de moins en moins possible à produire dans le système traditionnel. La baisse de la consommation des services de radio et de télévision traditionnels limitera aussi la capacité de promouvoir et de découvrir du contenu audio et vidéo canadien. En même temps, cette approche ne permet pas de profiter des opportunités offertes par les nouvelles technologies et les nouveaux services.

2. Déréglementer les acteurs traditionnels

L’économie de la production au Canada signifie que la création de contenu a besoin d’un soutien financier. Bien que la déréglementation puisse accroître la concurrence et la rentabilité pour certains, elle retirerait un soutien important pour les créateurs canadiens.

Les acteurs traditionnels fonctionnent selon des obligations législatives et réglementaires variées comme le devoir de contribuer financièrement à des fonds ou à des activités qui appuient la production de contenu audio ou vidéo, l’obligation d’acheter, de produire ou de diffuser un volume minimum de contenu canadien et de fournir un contenu de grande qualité afin de respecter les lois, règlements, codes, et autres normes. Ces mesures ont généralement bien réussi à veiller à ce que les Canadiens aient accès au meilleur contenu venant du Canada et du reste du monde. Il est évident que, sans ces exigences, les industries de la musique et de la télévision canadienne de langue anglaise distincte, de langues autochtones ou d’autres langues n’existeraient pas et les industries de langue française seraient moindres. À l’avenir, le facteur économique de la production canadienne ne changera probablement pas et la production de la majorité du contenu ne sera pas rentable sans soutien. Ce type de mesures est profondément remis en cause par les développements décrits dans le présent rapport et nécessitera des mises à jour, mais il pourrait encore jouer un rôle crucial pour maintenir un marché interne dynamique dans un avenir rapproché.

Il n’y a aucun doute que le fait de réduire ou d’éliminer les exigences réglementaires actuelles – et de faire confiance à la Société Radio-Canada pour qu’elle continue d’atteindre ses objectifs sans surveillance réglementaire – rendrait la tâche plus facile aux services de distribution et de programmation traditionnels pour s’adapter et concurrencer plus efficacement les nouveaux acteurs et ainsi maintenir ou accroître leur rentabilité. Cependant, les Canadiens pourraient perdre la diversité de contenu et les sources de contenu dont ils jouissent présentement et perdront probablement l’accès à de nombreux types de contenu, notamment les contenus dits à risque qui sont les moins rentables. Si l’on élimine des exigences réglementaires qui encouragent ou fournissent un soutien aux producteurs et créateurs canadiens de tous les types de contenu, les Canadiens se verront moins eux-mêmes à l’écran et verront moins de contenu représentant leurs valeurs, besoins et intérêts, ce qui aura des répercussions sur la société canadienne. Il y aura de lourdes répercussions néfastes sur les artistes, les créateurs et les producteurs canadiens. 

3. Appliquer l’approche réglementaire actuelle aux nouveaux acteurs

Les nouveaux modèles de contenu bouleversent notre compréhension traditionnelle de la diffusion. Cependant, il est peu probable que les Canadiens tirent un avantage optimal de l’application de approches élaborées pour la télévision et la radio traditionnelles à ces acteurs en ligne.

L’ensemble des outils législatifs et réglementaires actuels a été conçu afin d’être appliqué à des services de radio et de télévision traditionnels exploités dans un système fermé. La façon d’appliquer ces outils aux services numériques pose d’importants défis. Prenons par exemple l’obligation de contribuer financièrement à la production canadienne. Comment une telle exigence pourrait-elle être appliquée à un service qui ne perçoit aucun revenu de ce contenu audio et vidéo, mais qui plutôt, comme dans le cas de Amazon Prime, le diffuse gratuitement en le liant à des services qui n’ont rien à voir avec la radiodiffusion? Les quotas de diffusion étaient un outil de réglementation important appliqué à la radio et à la télévision linéaires traditionnelles, mais les quotas ne sont pas applicables aux services sur demande et promus par des algorithmes, comme Spotify et YouTube. Même un service comme Netflix, qui d’une certaine façon, ressemble aux services traditionnels, fonctionne selon un modèle opérationnel complètement différent et, en tant qu’entreprise mondiale, fonctionne de façon différente par rapport à ce qui était envisagé lorsque les outils réglementaires actuels ont été mis en place.

À de nombreux égards, ces services remettent en question les définitions actuelles de services de distribution et de programmation et la définition même de la radiodiffusion. L’application des approches réglementaires actuelles à ces acteurs en ligne selon ces définitions ne permettra pas d’optimiser les avantages pour les Canadiens. Les outils existants dans le système réglementaire et politique ne sont pas non plus suffisants ni suffisamment modifiables pour assurer ou solliciter la participation des nouveaux joueurs. L’actuel régime législatif et réglementaire est trop rigide pour englober le nouvel environnement médiatique. L’application des règles actuelles pourrait nuire à l’innovation, limiter le choix des Canadiens, créer des fardeaux réglementaires inéquitables, sans compter qu’elles s’avéreront difficiles à mettre en place. Mais surtout, s’agit-il vraiment de la meilleure approche?

4. Élaborer de nouvelles méthodes souples et innovantes qui mobilisent les nouveaux acteurs

Les Canadiens profiteront davantage de stratégies axées sur la découvrabilité et la promotion, de pair avec la production, qui établissent des rôles et responsabilités clairs, tant pour les acteurs traditionnels que pour ceux en ligne, et qui sont adaptées aux changements rapides et perturbateurs.

Les trois approches – le statu quo, la déréglementation et l’application des règles existantes aux acteurs issus du numérique – sont à courte vue, car elles supposent que le futur marché, et plus particulièrement la croissance et l’incidence des services en ligne, peut uniquement être envisagé avec le retrait ou l’application des méthodes et des outils actuels. Pour assurer un futur marché interne dynamique, de nouveaux outils et méthodes doivent être mis en place. Il est impératif d’innover pour tirer profit des possibilités de communication qu’offriront ces technologies et services en évolution. Il faudra des mesures incitatives qui mobiliseront tant les joueurs traditionnels que les nouveaux joueurs dans un système qui offre du contenu que les Canadiens veulent voir et écouter et des emplois fondés sur le savoir. La capacité d’adaptation est cruciale pour s’assurer que les avantages réalisés puissent être maintenus à l’avenir. Pour que le Canada et les Canadiens soient mieux outillés pour progresser, il faudra adopter des stratégies nouvelles et audacieuses.

Plus précisément, le CRTC propose que la future approche législative et réglementaireau contenu et à la distribution devrait :

i. Mettre l’accent sur la production et la promotion de contenu représentatif, informatif et/ou divertissant de haute qualité de Canadiens, qui peut être découvert par les Canadiens et le reste du monde.

« 78 % de Canadiens envisagent le contenu fait au Canada comme important ou modérément important personnellement. De plus, « [d]e nombreux participants aux groupes de discussion ont dit soutenir le rôle du gouvernement dans la création de contenu canadien. Certains estiment que le contenu canadien contribue à renforcer l’unité et l’identité partagée. D’autres ont fait remarquer que le soutien financier pour assurer la production de contenu canadien aide à développer le talent des acteurs, des écrivains et des producteurs et crée des emplois partout au Canada. »

Selon la recherche d'EKOS

Ce principe réunit plusieurs objectifs de la Loi sur la radiodiffusion actuelle et met l’accent sur la promotion et la découvrabilité du contenu. Même le meilleur contenu ne peut réussir s’il n’est pas présenté aux Canadiens et au reste du monde de la façon la plus efficace. Le fait de ne plus miser uniquement sur la production, mais aussi sur la promotion et la découvrabilité, sera un atout essentiel pour assurer un marché intérieur dynamique à l’avenir.

Ce principe reconnaît également que le contenu est important non seulement sur le plan économique, mais qu’il possède aussi une valeur intrinsèque en tant qu’élément de la culture canadienne.

« En tant que personne qui a abandonné le câble et qui est devenue entièrement numérique, je trouve que le contenu canadien me manque. »

Participant au groupe du discussion, Montréal (EKOS)

« Si tout le monde a accès à du contenu de partout dans le monde, il est possible que les gens regardent moins de contenu d’ici. Je pense que le contenu international est très important, mais cela signifie que je regarde moins de contenu canadien. Beaucoup de gens qui travaillent dans le domaine en souffriraient. »

Participant au groupe du discussion, Montréal (EKOS)

ii. Reconnaître les responsabilités sociales et culturellesNote de bas de page 1 associées à l’exploitation au Canada et veiller à ce que tous les acteurs qui profitent du Canada et des Canadiens s’impliquent de façon appropriée et équitable – sans nécessairement être identique – pour profiter aux Canadiens et au Canada.

Un marché intérieur dynamique n’est pas possible à moins que tous les intervenants dans le système ne soient impliqués et qu’il veille à une participation appropriée et équitable de tous. L’approche réglementaire actuelle en matière de contenu audio et vidéo établit les avantages réservés aux acteurs traditionnels ainsi que les obligations reliées. Ces avantages et obligations ne s’appliquent pas aux nombreux services internationaux en ligne aussi exploités au Canada, qui jouent un rôle de plus en plus important dans le système de radiodiffusion. Ces services engrangent d’importants revenus au Canada et, dans certains cas, contribuent de manière significative, mais ni leur rôle, ni leurs responsabilités, ni même leurs contributions ne sont reconnus – et ils ne sont certainement pas garantis. Dans la mesure où ces services ne sont pas identiques, leurs contributions au système ne peuvent être identiques. Leurs contributions devraient plutôt convenir à leur contexte, tout en étant les plus avantageuses pour les Canadiens. Ces contributions doivent toutefois être équitables, afin de s’assurer que tous les acteurs puissent se faire concurrence de manière juste et efficace, ce qui va également dans l’intérêt des Canadiens.

iii. Être agile, novatrice et toujours capable de s’adapter rapidement au changement

Alors que la société et les technologies changent, la législation et la réglementation doit aussi changer. Pour mieux faire face aux enjeux futurs et mieux profiter des possibilités qui en découlent, il est essentiel de s’adapter efficacement à ces changements et permettre aux plateformes et services de s’adapter aussi. Plutôt que de simplement réagir, l’objectif devrait être d’avancer au même rythme que le changement. Pour que le marché intérieur soit dynamique, il faut développer des approches et des systèmes novateurs afin d’offrir un environnement au sein duquel l’innovation qui bénéficie aux Canadiens peut se développer les créateurs peuvent s’épanouir et les possibilités d’emplois créatifs et fondés sur le savoir sont optimisées. Nos approches sur le plan législatif et réglementaire ont déjà du retard sur les réalités technologiques et sociales actuelles. Les outils que nous élaborons pour le futur doivent tenir compte du fait que les changements imprévus seront la norme et doivent être assez souples pour s’adapter continuellement.

Options potentielles

Il existe de nombreuses façons de donner suite aux conclusions énoncées ci-haut. Les sections suivantes présentent quelques options de politiques publiques que le gouvernement pourrait prendre en compte. Ces options potentielles ne se veulent pas prescriptives, mais plutôt des alternatives qui pourraient être considérées au moment d’apporter des modifications législatives afin de relever les défis plus efficacement à l’avenir. Ce qui paraît évident à la lumière des conclusions énoncées plus haut est qu’un changement à la fois audacieux et judicieux est nécessaire afin de mobiliser à la fois les acteurs traditionnels et de nouveaux joueurs dans un environnement législatif et réglementaire qui assurera un marché interne dynamique à moyen et long terme dont bénéficieront les Canadiens. 

Remplacer l’octroi obligatoire de licences par des accords de service détaillés et contraignants qui incluent les acteurs traditionnels et les nouveaux joueurs

Les modèles traditionnels d’octroi de licences ne reflètent ni la nouvelle réalité de la diffusion ni la façon dont les Canadiens consomment et créent du contenu. Des approches réglementaires souples, comme des accords contraignants qui énoncent clairement et en toute transparence les obligations, qui favoriseraient davantage une participation constructive, tout en obtenant des engagements essentiels de la part de tous les participants.

Pour assurer un marché interne dynamique et équitable pour tous, il sera essentiel d’élaborer de meilleures approches réglementaires afin de mobiliser tous les services audio et vidéo et que chacun d’entre eux participe de la façon la plus adéquate à la création et à la promotion de contenu produit pour et par les Canadiens. Ainsi, si des modifications législatives sont apportées, elles devront clairement et explicitement assujettir à la législation et intégrer dans le système de la radiodiffusion tout service audio ou vidéo offert en sol canadien ou percevant des revenus de la part de Canadiens. Cela devrait s’appliquer aux services traditionnels ou nouveaux, qu’ils soient canadiens ou non. De plus, toute législation, nouvelle ou révisée, devra être fondée sur le principe qu’il faut s’assurer que les Canadiens ont toujours accès à du contenu audio et vidéo de haute qualité, créé pour et par des Canadiens, ainsi qu’au meilleur contenu à l’échelle mondiale, à partir de n’importe quelle plateforme, appareil ou technologie qu’ils souhaitent utiliser. Ce principe est essentiellement semblable à un grand nombre des objectifs actuels de la Loi sur la radiodiffusion, mis à jour pour mieux illustrer l’avenir de la distribution du contenu au Canada.

Pour atteindre ces objectifs, de nouveaux outils stratégiques et réglementaires devront également être conçus : des outils facilement modulables à la réalité d’aujourd’hui et à celle de demain et qui permettent une même souplesse dans la façon d’interagir avec les services. L’approche actuelle d’octroi de licences, énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion, par exemple, est un système rigide fondé sur un ensemble de classes de licences uniformes assorties d’exigences similaires. Au fil des ans, cette approche a donné lieu à un système dans lequel des milliers de titulaires et autres entreprises doivent être gérés, et, souvent, surveillés et réglementés individuellement. Surtout, cette approche ne reflète pas la réalité quant aux façons dont les Canadiens utilisent le contenu ou les services, ni aux façons dont les entreprises leur offrent ces services et ce contenu.

La nouvelle législation ne devrait pas reposer sur la méthode traditionnellement utilisée pour l’octroi des licences, mais elle pourrait adopter une approche plus novatrice et souple dans le but de réduire le fardeau réglementaire pour les acteurs traditionnels et de mobiliser les nouveaux acteurs, tout en maintenant les obligations essentielles pour l’avenir du système. Les règlements et les politiques pourraient notamment être axés sur des accords générales faites sur mesure et établies avec quelques douzaines d’entreprises précises ou de groupes d’entreprises affiliés qui offrent individuellement ou collectivement une variété de services aux Canadiens (groupes de service). De telles accords, adaptées aux réalités technologiques et d’affaires des groupes de service, devraient être assujetties à un examen du public et décrire les engagements contraignants précis de ceux-ci. Les engagements pourraient inclure des mesures de rendement visant à atteindre des résultats de politique publique. Les groupes de service menant des activités en vertu de telles accords auraient accès à des mesures incitatives.

Certaines des mesures incitatives clés pourraient inclure :

  • l’accès à des incitatifs fiscaux à la production canadienne et à des fonds de production pour les productions canadiennes certifiées;
  • l’accès à des incitatifs fiscaux à la production canadienne et à des fonds de production pour le recours à des  particuliers canadiens dans des postes clés de création;
  • les annonceurs utilisant des services assujettis à un accord pourraient déduire leurs dépenses en publicité aux fins de l’impôt sur le revenu, alors que les dépenses en publicité liées à des plateformes audio ou vidéo non assujetties à un accord ne seraient pas déductibles;
  • une compensation pourrait être allouée aux entreprises canadiennes pour certaines des dépenses engagées conformément aux engagements prévus dans leur accord

Des accords contraignantes pourraient être établies de façon transparente avec chacun des groupes de service menant leurs activités au Canada et pourraient énoncer les engagements précis et appropriés pris par le groupe de service en question pour procurer des avantages aux Canadiens et au système canadien. Tous les engagements devraient être équitables, mais comme chaque groupe de service pourrait être composé de membres et de services très différents et offrir des services aux Canadiens dans différents lieux et de façon différente, chaque groupe de service devrait avoir l’obligation de contribuer au système en fonction de sa réalité technologique et d’affaires. Les engagements peuvent comprendre divers moyens qu’un groupe de service pourrait utiliser pour contribuer au système, par exemple :

  • soutenir la promotion du contenu auprès des Canadiens ou sa découvrabilité;
  • offrir divers types de contenu, comme des nouvelles, des émissions dramatiques, des émissions destinées aux communautés de langue officielle en situation minoritaire ou dans des langues autochtones, des émissions accessibles (p. ex. sous-titrage, vidéodescription, etc.);
  • faciliter un bon placement du contenu canadien, son exportation et l’attribution des sources canadiennes;
  • veiller à ce que le contenu soit de grande qualité et à ce qu’il respecte les normes canadiennes en matière de journalisme, de publicité, etc.;
  • assurer la protection de la vie privée des Canadiens et de leurs données;
  • apporter d’autres contributions financières directes plus traditionnelles. 

Bien que les engagements individuels puissent varier d’un groupe de service à l’autre, toutes les accords de rendement établies pour les groupes de service devraient reposer au moins sur des principes tels que ceux décrits ci-dessous.

  • Les groupes de service devraient contribuer de manière appropriée à la production et à la promotion du contenu conçu par et pour les Canadiens. Les groupes de service œuvrant dans les marchés de langue française, y compris les services de vidéo en ligne, devraient aussi effectuer des contributions spécifiques à la production et à la promotion du contenu original en langue française.
  • Les engagements devraient être équitables, sans être nécessairement identiques, en comparaison avec ceux des autres groupes de service qui offrent des services similaires, et ils devraient représenter les contributions maximales raisonnables que le groupe de service en question peut apporter sans entraîner de fardeau ou d’effets indus sur sa capacité d’innover et d’offrir des services concurrentiels aux Canadiens.
  • Le contenu audio et vidéo offert aux Canadiens devrait être de grande qualité, ce qui signifie que : le contenu d’information devrait respecter les codes et les normes du Canada en matière de journalisme; le contenu publicitaire devrait respecter les codes et les normes du Canada; les appareils et le contenu devraient être accessibles aux Canadiens vivant avec des handicaps.

Un accord simple et générique pourrait être établie pour les groupes de service de plus petite taille.

Enfin, les dispositions législatives nouvelles ou modifiées associées à l’adoption de l’approche  devraient prévoir des pouvoirs suffisants et nécessaires pour mettre en œuvre ces accords contraignantes de façon transparente, de même que pour veiller à la conformité avec ces accords et les engagements qui s’y rattachent. Ces outils pourraient inclure la capacité d’imposer des sanctions administratives pécuniaires dans les situations de non-conformité.  

Restructuration de la stratégie de financement

Le soutien financier durable demeure essentiel au contenu canadien, mais doit refléter les nouvelles réalités du marché actuel et futur, sans augmenter les coûts pour les Canadiens.

Un sujet de préoccupation clé dans l’avenir sera la façon de soutenir à la fois la production de contenu par les Canadiens et sa promotion et sa découvrabilité, compte tenu de la diminution de la capacité des services de radio et de télévision traditionnels d’offrir un tel soutien. Le gouvernement s’est engagé à maintenir le niveau de financement actuellement offert dans le cadre du Fonds des médias du Canada. Cela dit, il s’agit d’une solution à court terme qui n’élimine pas les répercussions actuelles et éventuelles sur des programmes de financement tels que le Fonds de la musique du Canada ou les nombreux fonds de production indépendants qui jouent aussi un rôle important dans le soutien financier durable du contenu. De façon similaire, le CRTC a établi son propre système de soutien financier pour la production de nouvelles par les stations de télévision généraliste, mais il s’agit aussi de solutions à court terme seulement.

Comme le démontre le présent rapport, à l’avenir, les fonds durables sont susceptibles de devenir encore plus cruciaux. La stratégie de financement à plus long terme devrait aussi mieux refléter les réalités du marché. Pour ce faire, elle devrait financer le contenu diffusé seulement en ligne ou d’abord en ligne, ainsi que les innovations futures. Elle devrait aussi mettre davantage l’accent sur le soutien de la promotion et de la découvrabilité du contenu et reposer sur des contributions équitables apportées par tous les secteurs de l’industrie qui procurent des avantages directs en offrant un accès à du contenu audio ou vidéo.

La restructuration de la stratégie de financement devrait reposer sur une structure de contribution générale, équitable et durable à long terme. Elle pourrait intégrer ou, au minimum, harmoniser les contributions existantes du gouvernement fédéral pour le contenu audio et vidéo. Elle pourrait aussi incorporer une partie des revenus découlant de la vente aux enchères du spectre et de l’octroi de licences du spectre, puisque la demande de spectre repose en grande partie sur la demande de contenu audio et vidéo.

De façon similaire, il existe de nombreux services au Canada qui relient les Canadiens au contenu, que ce soit par l’intermédiaire d’Internet ou de réseaux de diffusion, comme le câble ou le satellite. La demande pour ces services dépend presque entièrement de la demande pour du contenu audio et vidéo. Pourtant, le marché canadien associé à ce contenu est seulement soutenu par les EDR et les services de programmation de radio et de télévision. Un fonds intégré pourrait également être soutenu de façon plus générale par des contributions existantes de tous les services en matière de radiodiffusion et de connectivité à large bande (EDR, radio et services de télécommunications appropriés), qui profitent tous directement de la distribution de contenu audio ou vidéo. Un tel fonds pourrait soutenir la production, la promotion et la distribution de contenu sans réduire le soutien au développement de l’accès à large bande dans les régions mal desservies. Cela pourrait potentiellement être réalisé dans une large mesure grâce à la réaffectation des contributions existantes et sans entraîner de nouveaux coûts pour les consommateurs.

Les contributions de ces fournisseurs de services de connectivité pourraient reposer sur un pourcentage fixe de revenus pour les services de radio et d’EDR, ainsi que pour les services de télécommunications appropriés dont les revenus sont supérieurs à un seuil minimal d’exemption. Par exemple, un pourcentage total estimatif de 1 % des revenus entraînerait des contributions des fournisseurs de services de télécommunications un peu plus élevées que ce qui peut être attendu des engagements existants en matière de contributions, des contributions des radios un peu plus élevées que celles qui sont actuellement apportées au développement de contenu canadien, alors que celles apportées par les EDR seraient considérablement inférieures à leur contribution actuelle, soit jusqu’à 5 % de leurs revenus. Selon cette approche, le fardeau associé au soutien du contenu créé par et pour les Canadiens serait partiellement réaffecté à l’intérieur même du système en vue d’inclure les fournisseurs de services de télécommunications appropriés, tout en continuant à soutenir le déploiement de l’accès à large bande. Cette approche reconnaît le fait que la grande majorité de la demande pour les services de télécommunications et de la croissance de leurs revenus reposent sur le contenu vidéo et audio. Cela reconnaît aussi que la plupart des services de télécommunications au Canada font partie d’entreprises largement intégrées verticalement qui comprennent aussi des EDR et souvent divers types de services de programmation.

L’analyse préliminaire laisse entendre qu’un tel fonds intégré pourrait potentiellement être neutre au point de vue des revenus pour tout le système. En raison de la hausse des revenus dans certains secteurs des télécommunications, un fonds intégré pourrait aussi assurer l’apport d’un soutien continu au contenu audio et vidéo. Ceci inclurait tous les bénéficiaires des fonds existants sans entraîner de coûts supplémentaires pour les Canadiens, qui financent au bout du compte les contributions de tous les acteurs. Toute augmentation potentielle des coûts de détail serait atténuée par la concurrence dans les marchés de la connectivité.

« Il y a la volonté de protéger la langue et la culture françaises, mais aussi la culture canadienne. Dans le monde des médias et du divertissement, tout est dominé par les États-Unis, et si le gouvernement ne joue pas un rôle actif, nous perdrons ou diluerons le contenu canadien. »Participant d’un groupe de discussion de la firme EKOS – St. Boniface

Si un tel fonds est créé, la manière d’affecter le financement devrait faire l’objet d’une éventuelle discussion publique, mais un financement minimal devra être prévu pour :

  • la production, la promotion et la découvrabilité de contenu audio canadien;
  • le contenu audio et vidéo en français;
  • le contenu créé par et pour les peuples autochtones et les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
« Nous devons promouvoir le contenu dans d’autres langues, en particulier les langues autochtones, sans pour autant détruire tout le travail qui a été fait pour protéger la langue et la culture françaises. »Participant d’un groupe de discussion de la firme EKOS – St. Boniface

La discussion publique devrait aussi porter sur la possibilité éventuelle de financer les éléments qui suivent, qui ne sont pas financés actuellement ou qui ne sont pas susceptibles d’être financés adéquatement à l’avenir :

  • le contenu produit à l’interne par des services de programmation ou des producteurs affiliés;
  • la promotion directe du contenu audio et vidéo canadien;
  • le soutien direct des créateurs nouveaux et émergents;
  • le contenu audio et vidéo dans une langue autre que le français, l’anglais ou une langue autochtone.

Stratégies nationales

Les stratégies nationales doivent tenir compte des nouveaux impératifs dictés par un marché de contenu en évolution, comme les stratégies d’exportation de contenu, les technologies émergentes, l’inclusivité et la diversité du contenu ainsi que sa sécurité.

Afin de mieux réagir aux possibilités et aux risques futurs pour les industries responsables de la production, de la promotion et de la distribution de contenu au Canada, le gouvernement pourrait envisager d’élaborer, de concert avec les intervenants, des stratégies nationales et intersectorielles pour :

  • habiliter l’exportation du contenu audio et vidéo canadien de langue française et anglaise, en s’inspirant de la stratégie de développement des exportations, annoncée récemment par le ministère du Patrimoine canadien;
  • placer les Canadiens à l’avant-garde des nouvelles avancées technologiques, comme l’intelligence artificielle, la recherche, les algorithmes, la publicité numérique et l’utilisation de technologies de chaîne de blocs, grâce au développement et au financement de programmes académiques ou de recherche et d’investissements dans ces technologies nouvelles;
  • assurer le développement d’un leadership inclusif dans des postes de création clés, dans les marchés de langue française et de langue anglaise, qui sont équilibrés au niveau des genres et représentatifs de la nature multiculturelle du Canada;
  • mettre au point de meilleurs programmes de collecte de données pour le contenu audio et vidéo qui utilisent les technologies nouvelles pour mieux gérer et surveiller la vente et l’exploitation des droits relatifs au contenu.

Mesures à court et moyen terme

L’innovation dans les politiques et les stratégies se traduira par l’utilisation de modèles plus traditionnels aujourd’hui, dans l’optique de paver la voie pour les changements qu’imposeront à l’avenir.

Si le gouvernement retient l’une des options décrites dans ce rapport, l’apport des changements nécessaires à la législation et à la réglementation et prendra du temps. Peu importe si de tels changements se produisent ou non, le CRTC pourrait envisager de prendre certaines mesures préliminaires au cours des prochaines années afin de se pencher sur certains des enjeux décrits dans le présent rapport. Le CRTC pourrait notamment prendre les mesures suivantes :

  • réexaminer l’approche réglementaire par rapport à la radio (y compris, par exemple : la politique sur la propriété commune, les niveaux minimaux de contenu canadien, les exigences relatives à la musique vocale de langue française et le développement du contenu canadien) en vue d’innover, de manière à faire en sorte que ce secteur puisse continuer à apporter une contribution notable à la promotion et à la présentation de la musique et des artistes canadiens dans l’environnement numérique;
  • examiner des façons appropriées de soutenir la production de nouvelles télévisées en fournissant un accès accru aux revenus d’abonnement;
  • réexaminer le rôle et l’efficacité de l’approche réglementaire existante par rapport aux entreprises de distribution de radiodiffusion en ligne, y compris l’ordonnance d’exemption relative aux EDR, pour s’assurer que ces services procurent le plus d’avantages possible aux Canadiens et au système canadien;
  • envisager l’adoption d’approches par groupe par rapport à l’attribution de licences aux stations de radio et aux EDR – similaires à celles utilisées pour les services de programmation de télévision – de manière à maximiser les avantages aux Canadiens et aux créateurs du canadiens;
  • envisager de nouvelles approches et technologies pour l’identification et le suivi du contenu, de manière à mieux analyser les données et à supprimer la nécessité pour les services de programmation de radio et de télévision de tenir des registres traditionnels et de respecter les exigences connexes;
  • actualiser les définitions relatives aux dépenses en émissions canadiennes en fonction de l’environnement numérique.

Des activités supplémentaires pourraient être entamées en collaboration avec d’autres organisations, mais elles pourraient nécessiter des changements législatifs. Celles-ci pourraient inclure :

  • déterminer la meilleure façon d’éliminer les obstacles au financement de la production et de la promotion de contenu vidéo seulement diffusé en ligne ou de contenu vidéo diffusé d’abord en ligne;
  • examiner les définitions actuelles du contenu audio et vidéo canadien et du processus de certification dans le but de les actualiser afin qu’elles reflètent les nouvelles réalités de la production numérique et de s’assurer qu’elles fournissent la meilleure combinaison de mesures de soutien et de mesures incitatives pour l’environnement futur.