Politique réglementaire de télécom CRTC 2024-180

Version PDF

Références : 2023-56, 2023-56-1, 2023-56-2, 2023-56-3 et 2023-56-4

Ottawa, le 13 août 2024

Dossier public : 1011-NOC2023-0056

Concurrence sur les marchés canadiens des services Internet

Sommaire

Le Conseil prend des mesures afin que la population canadienne puisse bénéficier d’un accès abordable à des services Internet de haute qualité.

Au début de 2023, le Conseil a amorcé la présente instance pour renouveler son approche de la concurrence des services Internet. Depuis, le Conseil a constitué un dossier public solide avec des observations de plus de 300 parties et des éléments de preuve significatifs provenant d’experts. Le dossier intègre également les points de vue de 22 groupes, dont des fournisseurs de services Internet (FSI) principaux, des concurrents et des consommateurs, qui ont été fournis lors d’une audience publique d’une semaine en février 2024.

Grâce à ce dossier, le Conseil a compris l’importance d’agir rapidement pour améliorer les services Internet au Canada. Le Conseil s’efforce ainsi d’augmenter la concurrence tout en assurant des investissements continus dans des réseaux de haute qualité.

Le Conseil a agi rapidement pour atteindre ces objectifs et développer cette politique réglementaire. Elle offrira d’autres choix aux consommateurs tout en incitant les entreprises à investir pour connecter la population canadienne à des services Internet plus rapides.

Les plus grandes compagnies de téléphone du Canada, soit Bell Canada, Saskatchewan Telecommunications (SaskTel) et TELUS Communications Inc. (TELUS), devront fournir aux concurrents un accès de gros fonctionnel à leurs réseaux de fibre au plus tard le 13 février 2025.

Cet accès permettra aux concurrents de mettre sur le marché de nouveaux forfaits de services Internet novateurs. Plus de quatre millions de ménages au Canada achètent présentement des services Internet à des vitesses en gigabits, et la présente politique réglementaire leur ouvrira de nouvelles options lorsqu’ils choisissent un fournisseur. Une concurrence accrue crée plus de choix et des prix plus abordables.

La présente politique réglementaire prolonge le cadre d’accès de gros temporaire, en vigueur depuis mai 2024. Les concurrents utilisent déjà ce cadre pour offrir aux consommateurs de nouveaux forfaits de services Internet par fibre. La présente politique réglementaire offre aux concurrents la possibilité à plus long terme de desservir un plus grand nombre de Canadiens et de Canadiennes.

Le Conseil souhaite également que toute la population canadienne soit connectée à des services Internet plus rapides le plus rapidement possible. La présente politique réglementaire comprend deux éléments principaux pour soutenir l’investissement continu dans les réseaux des FSI :

Le Conseil établira des tarifs provisoires pour les services d’accès de gros par fibre d’ici la fin de 2024. Les tarifs définitifs suivront. Les tarifs des services de gros seront établis pour faire en sorte que les exploitants de réseaux recouvrent leurs coûts tout en offrant aux concurrents la possibilité de faire concurrence.

Le Conseil n’exigera pas des entreprises de câblodistribution qu’elles fournissent un accès de gros supplémentaire à leur fibre pour le moment. La quantité limitée de fibre construite par les entreprises de câblodistribution à ce jour, ne connectant que 5 % des ménages, ne justifie pas présentement l’exigence supplémentaire de fibre de gros. Toutefois, les entreprises de câblodistribution doivent continuer de permettre aux concurrents d’utiliser leurs réseaux de câble pour desservir les consommateurs à des vitesses plus élevées disponibles. Ceci assurera un accès équitable aux concurrents aux réseaux de vitesses en gigabits partout au Canada, que ces réseaux appartiennent à une entreprise de câblodistribution ou à une compagnie de téléphone.

La présente politique réglementaire est conforme aux objectifs établis dans la Loi sur les télécommunications et dans les Instructions de 2023Note de bas de page 1.

Le Conseil continuera de suivre de près les marchés des services Internet au Canada et adaptera son approche au besoin. Il s’agira notamment de décisions supplémentaires et d’instances de suivi pour traiter les questions soulevées au cours de la présente instance que le Conseil n’a pas abordées dans la présente politique réglementaire.

Contexte

  1. La majorité de la population canadienne est abonnée à des services Internet au moyen d’une connexion à large bande filaire fournie par la compagnie de téléphone locale (entreprise de services locaux titulaire [ESLT]) ou par l’entreprise de câblodistribution locale. Collectivement, ces fournisseurs de services Internet (FSI) principaux vendent des services Internet à plus de 80 % des ménages du pays.
  2. Les principaux FSI ont toujours occupé une position dominante sur ce marché. Collectivement appelées les titulaires, ces entreprises comprennent les ESLT (dans la présente politique réglementaire, Bell Canada, y compris Bell Aliant, une division de Bell Canada [Bell Aliant] et Bell MTS Inc. [Bell MTS]; Saskatchewan Telecommunications [SaskTel]; et TELUS Communications Inc. [TELUS]) et les entreprises de câblodistribution titulaires (Cogeco Communications inc. [Cogeco]; Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink [Eastlink]; Rogers Communications Canada Inc. [Rogers], et Vidéotron ltée [Vidéotron]).
  3. L’importante part de marché des titulaires leur donne la capacité d’exercer leur pouvoir de marché d’une manière qui pourrait nuire à l’atteinte des objectifs de la politique canadienne de télécommunication énoncée à l’article 7 de la Loi sur les télécommunications (Loi).
  4. Pour aborder ces préoccupations, le Conseil a toujours exigé des titulaires qu’ils offrent des services d’accès haute vitesse (AHV) de gros. Les services AHV de gros permettent aux concurrents d’utiliser les réseaux des titulaires pour offrir des services Internet de détail concurrentiels à la population canadienne.
  5. Les services AHV de gros permettent aux concurrents d’offrir de nouveaux forfaits sur le marché. La population canadienne bénéficie alors de cette concurrence accrue grâce à un plus grand choix de forfaits et de fournisseurs de services ainsi que des prix plus bas pour leurs services Internet.
  6. Les services AHV de gros ont été mis à la disposition des concurrents par l’utilisation de l’une des configurations suivantes ou des deux :
    • les services AHV de gros groupés (services AHV groupés) qui permettent aux concurrents de se connecter aux réseaux des titulaires à au moins un point d’interconnexion centralisé par province. Les concurrents utilisent alors l’infrastructure de transport et d’accès des titulaires pour offrir des services Internet à tous les utilisateurs finals dans les territoires de desserte des titulaires;
    • les services AHV de gros dégroupés (services AHV dégroupés) qui obligent les concurrents à s’interconnecter aux réseaux des titulaires en un plus grand nombre de points d’interconnexion que les services AHV groupés. Les concurrents obtiennent alors leur propre infrastructure de transport et utilisent l’infrastructure d’accès des titulaires pour offrir un service territoire de desserte de titulaires entier ou sur une partie seulement.
  7. Toutefois, ces dernières années, l’évolution rapide des conditions du marché a remis en question la capacité du cadre des services AHV de gros à promouvoir la concurrence. La demande des consommateurs pour des services Internet plus rapides a augmenté promptement et les ESLT ont vite déployé des installations de fibre jusqu’aux locaux des abonnés (FTTP). Toutefois, les concurrents n’ont pas réussi à utiliser les services AHV dégroupés FTTP (services dégroupés FTTP) et plusieurs ont eu du mal à faire concurrence pour gagner des clients à des vitesses plus élevées. Cette situation a contribué à l’instabilité du marché, et les FSI indépendants ont eu de plus en plus de mal à offrir des services attrayants sur le marché.

Avis de consultation de télécom 2023-56

  1. Le 8 mars 2023, le Conseil a publié l’avis de consultation de télécom 2023-56 (Avis) pour traiter ces questions. Le Conseil a reconnu dans l’Avis que son cadre actuel des services AHV de gros ne permettait pas de soutenir efficacement la concurrenceNote de bas de page 2.
  2. Dans le cadre de l’Avis, le Conseil a mis en place deux processus parallèles :


    i) un processus accéléré pour envisager de manière urgente de rendre obligatoires les services AHV groupés au moyen des services FTTP (services groupés FTTP) de façon temporaire jusqu’à ce qu’un nouveau cadre pour les services AHV de gros puisse être achevé (processus accéléré);

    ii) un examen plus large pour achever une mise à jour du cadre des services AHV de gros (examen élargi).

  3. Le processus accéléré a mené à la décision de télécom 2023-358, publiée le 6 novembre 2023. Sur la base du dossier de ce processus, le Conseil a ordonné à Bell Canada et à TELUS, en Ontario et au Québec, de commencer à offrir des services groupés FTTP. Ces services temporaires sont devenus accessibles le 7 mai 2024.
  4. À la suite de l’achèvement du processus accéléré, le Conseil a poursuivi son travail pour faire en sorte que toute la population canadienne puisse profiter le plus rapidement possible d’un large éventail de services Internet haute vitesse abordables.
  5. Plus de 300 parties représentant une vaste diversité de points de vue ont participé à l’examen élargi ayant mené à la présente politique réglementaire. L’examen comprenait une audience publique tenue à Gatineau (Québec), en février 2024, avec la participation des titulaires; des FSI indépendants et des organismes associés (y compris la Community Fibre Company, National Capital Freenet, TekSavvy Solutions Inc. [TekSavvy], Xplornet Communications Inc., la British Columbia Broadband Association, les Opérateurs de réseaux concurrentiels Canadiens [ORCC] et le First Mile Connectivity Consortium); des groupes de défense des droits des consommateurs (le Centre pour la défense de l’intérêt public [CDIP]; la coalition manitobaine et OpenMedia); d’une société d’État provinciale (Build Nova Scotia); du Bureau de la concurrence; de Vaxination Informatique; et de deux particuliers.
  6. Dans le cadre de l’examen élargi, le Conseil a compris l’importance d’offrir un plus grand choix aux consommateurs tout en assurant des investissements continus dans les réseaux de haute qualité. Le Conseil vise à atteindre ces objectifs en apportant à son cadre réglementaire les ajustements énoncés dans la présente politique réglementaire.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions principales suivantes dans la présente politique réglementaire :
    • Quels objectifs le Conseil devrait-il poursuivre au moyen de son cadre des services AHV de gros?
    • Le Conseil devrait-il revoir ses conclusions antérieures sur la question de savoir si les services AHV de gros sont essentiels, et dans l’affirmative, lesquels le sont?
    • Pour tout service AHV de gros obligatoire :
      • De quelle façon le Conseil peut-il soutenir les investissements continus dans les réseaux Internet plus rapides?
      • Quels sont les détails de la mise en œuvre associés?

Quels objectifs le Conseil devrait-il poursuivre au moyen de son cadre des services AHV de gros?

  1. En élaborant un cadre réglementaire, le Conseil établit généralement des objectifs afin de préciser la manière dont il analysera les questions étudiées. Lors de l’établissement des objectifs, le Conseil tient compte des objectifs stratégiques de la Loi et de tous les objectifs stratégiques applicables en vigueur à ce moment-là.
  2. Pour commencer, le Conseil fait remarquer que son cadre des services de gros précédent a été largement établi dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. Dans le cadre de cette politique réglementaire, les objectifs du Conseil étaient :
    • d’améliorer l’efficacité du cadre des services de gros pour favoriser une concurrence dynamique et durable pour les services de détail qui offre à la population canadienne des prix raisonnables et des services novateurs de grande qualité répondant à ses exigences sociales et économiques en évolution;
    • d’encourager des investissements efficaces dans le réseau afin de faire progresser le développement d’une concurrence fondée sur les installations;
    • de prendre en compte l’efficacité du réseau et la neutralité concurrentielle et technologique lors de l’établissement de la réglementation sur les services de gros;
    • de reconnaître les différences entre les marchés régionaux.
  3. Depuis, l’industrie a continué de se développer. Le Conseil fait remarquer ce qui suit :
    • Les consommateurs ont moins de choix lorsqu’ils achètent des services Internet. En effet, ces dernières années, la concurrence a diminué. À la fin de 2022, les FSI indépendants ont desservi considérablement moins de clients qu’au début de 2020. En même temps, plusieurs des principaux FSI indépendants ont été achetés par des titulaires.
    • Les titulaires utilisent des services AHV de gros. Plusieurs titulaires ou leurs affiliéesNote de bas de page 3 utilisent de plus en plus des services AHV de gros, à l’intérieur et à l’extérieur de leurs territoires de desserte traditionnels. Cette situation est différente de celle du passé, où les FSI indépendants représentaient la quasi-totalité de l’utilisation des services AHV de gros.
    • La population canadienne n’est pas toute connectée à des services Internet plus rapides. Alors que plus de 83 % des ménages et des entreprises atteints par les titulaires ont accès à une vitesse de connexion Internet d’au moins un gigabit, les FSI doivent poursuivre de déployer et de mettre à niveau les réseaux pour s’assurer que toute la population canadienne puisse profiter de ces services.
  4. Ces faits suggèrent que l’approche réglementaire antérieure du Conseil, qui accordait la priorité à la concurrence fondée sur les installations, n’a pas permis d’instaurer une concurrence durable offrant un plus grand choix et des services plus abordables à la population canadienne ni d’assurer un accès universel à des services Internet plus rapides. Le Conseil doit donc établir des objectifs qui continuent à promouvoir les investissements dans les réseaux et la concurrence fondée sur les installations, tout en favorisant un plus grand choix et un prix plus abordable pour la population canadienne.
  5. À cette fin, les objectifs stratégiques que le Conseil vise à atteindre dans le cadre de la présente politique réglementaire incluent :
    • soutenir une concurrence vigoureuse sur le marché des services Internet de détail afin de promouvoir des services plus abordables, un choix accru et des offres de services différenciées pour la population canadienne;
    • promouvoir des investissements dans des réseaux de haute qualité, en particulier dans les régions mal desservies;
    • appliquer la réglementation de manière efficace et proportionnelle fondée sur des éléments de preuve solides et récents, de manière à ce qu’elle représente une voie transparente, prévisible et cohérente pour l’industrie;
    • faire en sorte que le cadre des services AHV de gros assure un traitement réglementaire équitable.
  6. Ces objectifs sont fondés sur les objectifs stratégiques de la Loi, guidés par les Instructions de 2023Note de bas de page 4. La mise en œuvre de ces objectifs permettra d’offrir à la population canadienne des services Internet plus abordables et de meilleure qualité, en se concentrant sur l’aplanissement des obstacles à l’entrée sur le marché et en soutenant toutes les formes de concurrence et d’investissement. Ces objectifs favoriseront également l’innovation sur le marché en permettant le déploiement efficace de nouvelles technologies de réseau et en favorisant des offres de services différenciées.
  7. Pour atteindre ces objectifs, le Conseil doit d’abord déterminer s’il devrait revoir ses conclusions antérieures sur le caractère essentiel des services AHV de gros. Le Conseil doit ensuite établir les modifications nécessaires pour garantir que la population canadienne bénéficie i) d’une concurrence accrue lors de l’achat de services Internet; et ii) d’investissements et d’un déploiement solide des réseaux Internet partout au pays.

Le Conseil devrait-il revoir ses conclusions antérieures sur la question de savoir si les services AHV de gros sont essentiels, et dans l’affirmative, lesquels le sont?

Modifications requises pour accroître la concurrence
  1. Les mesures de gros constituent l’un des outils utilisés par le Conseil pour accroître la concurrence sur les marchés des services de détail. Les concurrents utilisent les services de gros pour accéder aux réseaux détenus par les titulaires afin d’offrir à la population canadienne des services de détail, en concurrence directe avec ces titulaires.
  2. Le Conseil s’appuie généralement sur l’évaluation du caractère essentiel afin de déterminer si les mesures de gros sont appropriées. Cette évaluation examine, entre autres, si la concurrence sera réduite ou empêchée considérablement sur les marchés en aval pertinents (c.-à-d. où les utilisateurs finals des services de détail obtiennent des services) si l’accès de gros est refusé. Une telle concurrence permet d’améliorer l’abordabilité, d’élargir le choix et d’innover davantage au profit des consommateurs.
  3. Dans l’Avis, le Conseil a indiqué que son analyse du caractère essentiel provenant de la politique réglementaire de télécom 2015-326 restait valide ou pouvait être appliquée de nouveau avec quelques ajustements. Le Conseil a sollicité des observations à savoir s’il y avait des développements majeurs qui justifieraient l’ajustement de ses conclusions précédentes.
  4. Après avoir examiné les observations des parties sur cette question, le Conseil confirme son point de vue selon lequel plusieurs de ses conclusions auxquelles il est parvenu en 2015 concernant le caractère essentiel restent valides. Par exemple, les titulaires détiennent encore un pouvoir sur le marché en amont (c.-à-d. lorsque les concurrents obtiennent des services des fournisseurs de services de gros) dans la fourniture de services AHV de gros, et refuser l’accès de gros aux concurrents nuirait à la concurrence sur le marché en aval.
  5. Le Conseil estime toutefois qu’il doit réexaminer un élément important de son analyse du caractère essentiel effectuée en 2015. Cet élément est axé sur la question de savoir si l’accès de gros devrait s’appliquer à toutes les parties des réseaux des titulaires. De tels réseaux peuvent être caractérisés en deux parties : i) la partie « accès », qui relie les locaux à des centres locaux qui groupent le trafic Internet de nombreux utilisateurs, et ii) la partie « transport », qui relie ces points de groupement locaux entre eux ou à d’autres parties plus centrales d’un réseau d’un titulaire.
  6. Bien que l’approche du Conseil en matière d’accès de gros vise en partie à réduire les obstacles à l’entrée sur le marché afin que les concurrents puissent offrir des options supplémentaires aux consommateurs, il ne rend généralement obligatoires que les aspects nécessaires d’un tel accès et s’appuie sur le libre jeu du marché lorsqu’ils sont suffisants pour créer de la concurrence. En 2015, le Conseil a conclu que la partie transport du réseau pourrait être reproduite efficacement par les concurrents. Par conséquent, il n’était pas nécessaire d’imposer une obligation sur cette partie du réseau.
  7. En réponse à ces conclusions, le Conseil a délaissé les services AHV groupés pour les services AHV dégroupés. Il a établi un plan de transition pour éliminer progressivement les services AHV groupés lorsque les services AHV dégroupés étaient disponibles. Toutefois, cela n’a pas offert de résultats concurrentiels pour les consommateurs. Les concurrents ont eu du mal à reproduire de manière efficace la fonctionnalité de bout en bout des services AHV de gros, qui nécessite des installations d’accès et de transport, pour être en mesure d’offrir des services de détail aux clients. À la fin de 2022, les concurrents avaient moins de 3 000 abonnés desservis par des services AHV dégroupés.
  8. Par conséquent, le Conseil doit adapter ses considérations relatives à la reproductibilité des services AHV de gros afin de s’assurer que son cadre est efficace pour favoriser une concurrence vigoureuse qui permettra une plus grande abordabilité, plus de choix et plus d’innovation. Par conséquent, le Conseil détermine que son analyse de la reproductibilité des services AHV de gros doit tenir compte de la fonctionnalité du service de bout en bout et non seulement des composantes individuelles de ce service. Dans cette optique, le Conseil estime que les concurrents ne sont pas en mesure de reproduire efficacement les services AHV de gros.
  9. Une évaluation détaillée des conclusions du Conseil sur le caractère essentiel et des considérations stratégiques associées est établie à l’annexe de la présente politique réglementaire. En fonction de cette analyse, le Conseil détermine que tous les services AHV de gros des titulaires, y compris les services AHV groupés et dégroupés fournis par ligne d’abonné numérique (LAN), câble hybride fibre optique-câble coaxial, fibre jusqu’au nœud (FTTN) et installations FTTP, sont essentiels et que les services AHV groupés devraient être obligatoires.
Les services AHV groupés sont obligatoires avec des restrictions
  1. Étant donné que les services AHV groupés, y compris les services groupés FTTP, sont considérés comme essentiels, le Conseil doit maintenant examiner quelles restrictions, le cas échéant, devraient s’appliquer à ces services.
  2. L’évaluation de cette question était fondée sur deux éléments importants du dossier de la présente instance : i) l’effet que les services AHV groupés pourraient avoir sur les investissements dans le réseau; et ii) les restrictions, le cas échéant, qui devraient être appliquées aux services AHV groupés afin de protéger ces investissements.

De quelle façon le Conseil peut-il soutenir les investissements continus dans les réseaux Internet plus rapides?

  1. Le Conseil reconnaît que toute la population canadienne doit avoir accès à des services Internet plus rapides le plus rapidement possible. On compte pas moins de 17 % des ménages canadiens qui ne sont pas encore connectés à un réseau en mesure d’offrir des vitesses Internet en gigabit. Le Conseil doit faire en sorte que ses décisions promeuvent les investissements continus dans le réseau.
  2. Les titulaires ont fait valoir qu’une décision du Conseil en vue de rendre obligatoires les services AHV groupés réduirait probablement les investissements dans les réseaux haute vitesse. Les éléments de preuve présentés dans les rapports d’experts commandés par plusieurs parties, incluant le rapport que Rogers a commandé de Brattle Group et le rapport que Bell Canada a commandé de Bates-White ont démontré comment une telle décision pourrait réduire les mises à niveau du réseau et empêcher le déploiement futur du réseau.
  3. Le Conseil reconnaît que les mesures réglementaires qui réduisent les revenus des titulaires peuvent remettre en question l’analyse de rentabilité du déploiement des réseaux des titulaires. Le Conseil doit donc appliquer des mesures appropriées pour inciter les investissements continus dans les réseaux haute vitesse des titulaires, en particulier en dehors des régions urbaines.
Pas d’utilisation des services AHV groupés par les titulaires dans leurs territoires de desserte des services filaires titulaires
  1. Le risque que l’utilisation de services AHV groupés par les titulaires peut faire peser sur les investissements dans les réseaux est l’une des principales préoccupations. Les parties ont généralement convenu qu’interdire aux titulaires et à leurs marques ou affiliées d’utiliser des services AHV groupés à des taux tarifés et à des modalités (services AHV groupés obligatoires) sur leurs territoires de desserte des services filaires traditionnels (à l’intérieur du territoire) permettrait de préserver l’incitation des titulaires à continuer d’investir. Le Bureau de la concurrence a convenu qu’une telle activité pourrait nuire à la concurrence à long terme.
  2. Les titulaires ont fourni des données démontrant qu’ils offrent déjà, en leur nom ou au nom de leurs marques et affiliés et en utilisant des services AHV groupés à l’intérieur du territoire, des services de détail à près de 150 000 ménages partout au Canada. De plus, Bell Canada a fait part de son intention d’avoir de plus en plus recours aux services AHV groupés à l’intérieur du territoire dans les zones où la FTTP n’a pas encore été déployée.
  3. Le Conseil estime que l’utilisation continue des services AHV groupés à l’intérieur du territoire pose un risque à savoir que les titulaires pourraient renoncer à mettre à niveau leurs réseaux traditionnels et à faible vitesse. Ils peuvent plutôt s’appuyer sur les services AHV groupés obligatoires offerts par le premier titulaire pour construire une infrastructure capable d’offrir des services Internet plus rapides. De tels forfaits peuvent également avoir pour effet stratégique de réduire ou d’éliminer les incitations pour tout titulaire à construire un réseau filaire dans des zones où un tel réseau n’existe pas actuellement.
  4. Le Conseil estime que la population canadienne bénéficie du fait que les titulaires sont incités à continuer d’investir dans leurs réseaux. De tels investissements permettront de mieux garantir l’accès à la population canadienne à de multiples réseaux filaires à haute vitesse, ce qui accroîtra la concurrence et les choix à long terme. Ils permettront également à la population canadienne de continuer de bénéficier de la résilience créée par les réseaux multiples.
  5. En plus d’affirmations selon lesquelles l’utilisation à l’intérieur du territoire pourrait nuire à l’investissement, plusieurs parties se sont dites préoccupées par le fait que toute utilisation des services AHV de gros par les titulaires pourrait nuire à la concurrence. Ces parties ont argué que l’utilisation par les titulaires des services AHV de gros, même en dehors de leurs territoires de desserte traditionnels (en dehors du territoire), permettrait aux titulaires d’offrir des prix inférieurs à ceux des FSI indépendants, en particulier lorsque les titulaires peuvent regrouper les services sans fil et les services filaires de détail. Toutefois, le CDIP, OpenMedia, TELUS et Vidéotron ont fait valoir que les titulaires qui peuvent entrer sur de nouveaux marchés peuvent, à leur tour, perturber ces marchés au profit des consommateurs.
  6. En établissant son cadre réglementaire, le Conseil vise à créer des occasions pour les concurrents novateurs de se différencier et d’offrir de nouveaux choix aux consommateurs. Cela n’équivaut pas à garantir qu’un type de concurrent puisse exercer une concurrence rentable sans risque. En ce qui concerne les services AHV de gros, le Conseil permet l’accès de gros à des tarifs justes et raisonnables, fondés sur les coûts. Il appartient alors aux concurrents de trouver des stratégies commerciales qui offrent une proposition de valeur attrayante répondant aux besoins des consommateurs.
  7. Le Conseil estime que lorsqu’un titulaire exerce ses activités en dehors de son territoire, il agit en tant que nouveau concurrent ayant le potentiel de perturber le statu quo au profit des consommateurs. Un tel accès permet aux titulaires d’offrir de nouvelles offres concurrentielles et fait pression sur tous les concurrents pour qu’ils offrent des avantages supplémentaires aux consommateurs.
  8. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine que les titulaires ne sont plus admissibles à utiliser des services AHV groupés obligatoires à l’intérieur du territoire. Il faut préciser que cela comprend les services de gros par câble hybride fibre optique-câble coaxial, LAN, FTTN et FTTP. Toutefois, les titulaires seront autorisés à utiliser les services AHV groupés obligatoires en dehors du territoire.
  9. De plus, les affiliées de ces titulaires ne sont plus autorisées à utiliser des services AHV groupés obligatoires dans les territoires de desserte des services filaires traditionnels de leurs titulaires affiliés, mais sont autorisées à utiliser des services AHV groupés obligatoires en dehors de ces zones.
  10. Les ORCC et TekSavvy ont suggéré que le Conseil interdise également aux titulaires de s’offrir mutuellement des services AHV de gros au moyen d’ententes hors tarif. Ces parties ont recommandé au Conseil d’envisager d’interdire les ententes hors tarif, ou, au moins, d’accroître la transparence de leur utilisation en mettant à jour son cadre relatif à ces ententes. Le Conseil estime qu’il ne dispose pas du dossier nécessaire pour modifier les conclusions d’abstention tirées concernant les ententes hors tarif des services AHV de gros ou pour prendre des décisions éclairées concernant les enjeux de transparence. Comme le Conseil l’a fait remarquer dans la décision de télécom 2023-317, il a l’intention de procéder à un examen distinct du cadre relatif aux ententes hors tarif après la conclusion de la présente instance.
  11. Par conséquent, les titulaires ne seront pas autorisés à utiliser les services AHV groupés obligatoires pour vendre des services de détail à des clients à l’intérieur du territoire. De plus, les affiliées des titulaires ne seront pas autorisées d’utiliser les services AHV groupés obligatoires pour vendre des services de détail sur les territoires de desserte de services filaires traditionnels de leurs titulaires affiliés.
Les entreprises de câblodistribution n’auront pas l’obligation d’offrir des services groupés FTTP
  1. Les déploiements FTTP par les entreprises de câblodistribution demeurent modestes par rapport à ceux des ESLT. Par conséquent, à la fin de 2022, la FTTP des entreprises de câblodistribution n’a atteint que 5 % des ménages desservis à l’échelle nationale, comparativement à plus de 60 % pour les ESLT. La quasi-totalité des investissements des entreprises de câblodistribution, qui se chiffrent en milliards de dollars, concerne les réseaux par câble hybride fibre optique-câble coaxial de nouvelle génération qui couvrent la majeure partie de leur territoire de desserte.
  2. Le Conseil estime que les quelques zones où les entreprises de câblodistribution fournissent des services FTTP sont généralement situées dans de nouveaux développements dans des zones densément peuplées. Ces zones sont généralement aussi couvertes par la FTTP d’une ESLT. Même sans avoir accès à la FTTP des entreprises de câblodistribution, les concurrents peuvent toujours compter sur la FTTP des ESLT pour offrir des services, de sorte que les avantages concurrentiels de l’accès de gros soient préservés.
  3. Obliger les entreprises de câblodistribution à offrir des services groupés FTTP serait coûteux à mettre en œuvre par rapport aux avantages pour la population canadienne. Cette obligation pourrait également réduire l’investissement des entreprises de câblodistribution. Selon le Conseil, cette perte d’investissement l’emporterait également sur les avantages concurrentiels qu’offriraient les services FTTP obligatoires des entreprises de câblodistribution (à condition que les services FTTP des ESLT soient accessibles et obligatoires).
  4. De plus, le Conseil reconnaît que son cadre actuel des services AHV de gros a entraîné une réglementation asymétrique des services de gros entre les ESLT et les entreprises de câblodistribution. Compte tenu des lacunes des services AHV dégroupés, les entreprises de câblodistribution ont été tenues d’offrir des services AHV plus rapides sur leurs réseaux par câble hybride fibre optique-câble coaxial, tandis que les ESLT n’ont pas été obligées de fournir un accès de gros fonctionnel à leurs réseaux de fibre. Les entreprises de câblodistribution sont donc les principaux fournisseurs de services AHV de gros et les seuls fournisseurs de services AHV de gros plus rapides. Le Conseil estime que, si les services FTTP des entreprises de câblodistribution ne sont pas obligatoires, les concurrents auraient encore largement le choix entre les services par câble hybride fibre optique-câble coaxial et les services FTTP des ESLT pour répondre à la demande des consommateurs dans la plupart des zones. De plus, une partie de la demande des services de gros des ESLT qui a été perdue lorsque les consommateurs ont résilié leur contrat de service FTTN reviendrait à leurs services FTTP. Cela donnerait lieu à un cadre pour les services AHV de gros qui s’applique plus équitablement tout en maintenant l’exigence pour tous les titulaires de rendre l’accès de gros largement accessible. En bref, les ESLT et les entreprises de câblodistribution seront tenues d’offrir des services AHV groupés plus rapides que ceux qu’elles offrent à leurs clients des services de détail, à travers presque toute leur couverture de réseau.
  5. Le Conseil détermine donc que Cogeco, Eastlink, Rogers et Vidéotron ne seront pas tenues d’offrir des services de gros groupés FTTP pour le moment. Une augmentation considérable du pourcentage des ménages desservis par la technologie FTTP des entreprises de câblodistribution peut déclencher un examen du Conseil sur la question de savoir si les entreprises de câblodistribution devraient commencer à offrir des services groupés FTTP.
  6. Le Conseil reconnaît que les restrictions susmentionnées pourraient entraîner une situation dans laquelle un concurrent perdrait l’accès à des services AHV groupés plus rapides dans les zones où une entreprise de câblodistribution titulaire met à niveau son réseau par câble hybride fibre optique-câble coaxial pour le rendre en fibre, mais où l’ESLT continue de dépendre des installations de cuivre traditionnelles. Bien que le Conseil estime que de telles circonstances seraient rares, l’interruption potentielle du service et la perte de choix concurrentiels pour la population canadienne soulèvent des préoccupations importantes. Le Conseil fait remarquer que, dans le dossier de la présente instance, plusieurs parties ont soulevé des questions relatives aux pratiques de mise hors service des entreprises de câblodistribution et des ESLT. Le Conseil abordera prochainement les questions liées aux pratiques de mises hors service au moyen d’un futur processus. Entre-temps, pour faire en sorte que les consommateurs ne soient pas affectés négativement, les parties doivent éviter les cas où les concurrents pourraient perdre accès aux services AHV groupés plus rapides. Dans une telle situation, le Conseil est prêt à les traiter rapidement au cas par cas.
Période d’exclusivité pour les futurs investissements dans la FTTP par les ESLT
  1. Plusieurs titulaires, dont Bell Canada, Cogeco, Eastlink et Rogers, ont argué qu’elles devraient être autorisées à récupérer leurs investissements dans la FTTP dans des conditions de marché normales avant d’être tenues d’offrir un accès groupé à ces réseaux. Selon ces entreprises, cela contribuerait à renforcer leur analyse de rentabilité pour le déploiement de nouveaux services FTTP. Par ailleurs, plusieurs de ces titulaires, dont Bell Canada, ont indiqué qu’une période temporaire d’exclusivité du réseau, ou une « longueur d’avance » compenserait au moins quelques effets négatifs d’une obligation d’offrir des services groupés FTTP. Les parties opposées à une période d’exclusivité ont généralement argué qu’une telle mesure limiterait le choix des consommateurs, en particulier dans les régions rurales et éloignées du Canada où les réseaux FTTP seront déployés à l’avenir, en empêchant les concurrents d’offrir des services FTTP dans ces régions.
  2. Le Conseil reconnaît le besoin de faire en sorte que les entreprises continuent d’investir dans toutes les régions du Canada. Bien que le Conseil fasse remarquer que son processus d’établissement des tarifs est conçu pour être compensatoire, il estime qu’une période d’exclusivité de cinq ans fournirait une incitation supplémentaire pour les titulaires à investir dans les zones où ils n’ont pas encore construit de FTTP, et ce, en leur offrant la possibilité de recouvrer plus rapidement leurs investissements initiaux. Cela stimulerait le déploiement futur du réseau, en particulier dans les régions du Canada où les titulaires n’ont pas encore déployé d’installations d’accès FTTP.
  3. Le Conseil reconnaît qu’en raison de cette restriction, les concurrents ne seraient pas en mesure de vendre des services au moyen des nouvelles constructions de FTTP des ESLT au cours de la période d’exclusivité de cinq ans. Le Conseil estime toutefois que les avantages à long terme du soutien de l’investissement et de l’accès de la population canadienne à des réseaux de plus haute qualité l’emportent sur les avantages à court terme d’options plus concurrentielles. Dit simplement, un ménage ne peut pas bénéficier d’une concurrence dans les services de gros haute vitesse tant et aussi longtemps qu’un FSI refuse de construire une connexion haute vitesse.
  4. La question de la mise en œuvre d’une telle restriction est complexe. Par exemple, le Conseil pourrait autoriser une période d’exclusivité individuelle de cinq ans pour chaque nouveau local raccordé à la FTTP. Toutefois, il serait difficile pour toutes les parties de surveiller périodiquement et d’appliquer cette mesure. Il serait plus approprié de mettre en œuvre une période d’exclusivité applicable à toutes les installations de réseau d’accès construites après la date de la présente politique réglementaire, pour une période fixe à compter de cette date.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil accorde aux ESLT une exemption à délai déterminé de l’obligation d’offrir des services groupés FTTP. Cette exemption s’applique à tous les locaux où les ESLT commencent à offrir des services Internet de détail au moyen de FTTP pour la première fois à la date de la présente politique réglementaire ou après cette date. Cette exemption restera en vigueur jusqu’au 12 août 2029, après quoi les ESLT doivent commencer à offrir des services groupés FTTP à tous les locaux précédemment exemptés.
  6. De plus, le Conseil ordonne aux ESLT, d’ici le 12 septembre 2024, de dresser une liste des emplacements dans leurs territoires de desserte de services filaires traditionnels titulaires où les services FTTP sont disponibles à la date de la présente politique réglementaire. De telles listes doivent être mises à la disposition des concurrents qui en font la demande et l’accès à ces listes peut être conditionnel à la conclusion d’une entente raisonnable de non-divulgation.

Quels sont les détails de la mise en œuvre associés?

  1. Le Conseil doit encore traiter deux questions pour assurer une transition rapide et efficace vers le nouveau cadre énoncé dans la présente politique réglementaire. La première concerne la rapidité avec laquelle les services groupés FTTP doivent être mis à la disposition des concurrents. Le second concerne les titulaires et leurs affiliés qui ne sont plus autorisés à utiliser les services AHV groupés obligatoires dans leurs propres territoires de desserte ou dans le territoire de desserte des services filaires de leurs entreprises affiliées. Il s’agit également d’établir un plan sur la manière de satisfaire les clients existants desservis par les services groupés FTTP.
La mise en œuvre des services groupés FTTP ne doit pas dépasser six mois
  1. Les ESLT ont proposé un échéancier de douze mois pour la mise en œuvre des services groupés FTTP en dehors de l’Ontario et du Québec. Elles se sont généralement concentrées sur la nécessité de créer des services d’information et des systèmes de technologie de l’information, de les intégrer à des systèmes de facturation et à des outils de configuration, de concevoir des aspects du service et d’acquérir l’équipement nécessaire, et de développer un service à la clientèle et des capacités de soutien technique. Les ORCC ont soutenu que lorsque les services groupés FTTP sont déjà accessibles en raison du mandat temporaire imposé dans la décision de télécom 2023-358, un délai de 30 jours serait approprié. Ils ont ajouté qu’il y a peu de différence fonctionnelle entre offrir les services AHV groupés au moyen de FTTN et les offrir au moyen de FTTP; suggérant ainsi que 60 jours seraient appropriés dans les zones où le service est nouveau. Le CDIP et OpenMedia ont argué qu’un échéancier de mise en œuvre maximal de six mois permettra aux concurrents d’avoir accès aux services FTTP le plus rapidement possible après une longue période sans intervention réglementaire.
  2. Selon la décision de télécom 2023-358, Bell Canada et TELUS sont tenues d’établir des services groupés FTTP en Ontario et au Québec dans les six mois suivant la date de cette décision. En établissant un échéancier de mise en œuvre de six mois, le Conseil a souligné la vaste expérience des ESLT dans le déploiement des services AHV groupés FTTN. Cette conclusion n’a pas changé.
  3. Par conséquent, le Conseil détermine que Bell Canada, Bell Aliant, Bell MTS, SaskTel et TELUS doivent commencer à offrir des services groupés FTTP dans leurs territoires de desserte de titulaires (où les services groupés FTTP ne sont pas actuellement accessibles sur une base temporaire) au plus tard le 13 février 2025. Bell Canada et TELUS doivent continuer à offrir des services groupés FTTP temporaires dans leurs territoires de desserte en Ontario et au Québec jusqu’à ce que les pages de tarif pour leurs nouveaux services FTTP groupés soient approuvées. Après cette approbation, ces entreprises doivent immédiatement commencer à offrir les nouveaux services groupés FTTP. Le Conseil s’attend à ce qu’il n’y ait pas d’interruption de service pour les utilisateurs finals qui sont déjà abonnés à des services utilisant les services groupés FTTP temporaires.
Un plan de transition pour protéger les clients existants desservis par les titulaires de services AHV de gros
  1. Le Conseil a déterminé que les titulaires et leurs affiliées n’ont plus le droit d’utiliser les services AHV groupés obligatoires dans les territoires de desserte des services filaires traditionnels de leurs entreprises affiliées. En date de la présente politique réglementaire, certains titulaires et leurs affiliées desservent actuellement des clients des services de détail dans ces zones en utilisant les services AHV groupés d’un autre titulaire. Par conséquent, afin de réduire au minimum les interruptions pour les consommateurs, le Conseil doit déterminer comment traiter ces clients.
  2. Bell Canada, Cogeco, les ORCC et Rogers ont fait valoir que si le Conseil limite l’admissibilité des titulaires à l’accès aux services AHV de gros à des taux et des modalités tarifés, il devrait établir un processus de transition afin de protéger les consommateurs. Rogers a également argué qu’une courte période de transition permettrait aux titulaires de négocier des ententes d’accès de gros ou de permettre à leurs abonnés dont les services utilisent des services AHV de gros de passer à un autre FSI.
  3. À la fin de 2022, des FSI indépendants, qui ont depuis été rachetés par les titulaires, desservaient environ 150 000 clients des services Internet de détail en utilisant les services AHV groupés des rivaux des titulaires à l’intérieur du territoire. Le Conseil estime que permettre aux clients de continuer à recevoir un service de leur FSI existant contribuera à réduire au minimum les interruptions de service.
  4. Bell Canada et les ORCC ont argué que les titulaires et leurs affiliées ne devraient pas être autorisés à ajouter de nouveaux abonnés en utilisant les services AHV groupés dans le cas où l’utilisation enfreindrait toute restriction d’utilisation des titulaires. Ces parties ont aussi indiqué que les utilisateurs existants devraient être protégés lorsque les nouvelles restrictions seront mises en place. Bell Canada a recommandé une période de transition de 30 jours pour permettre aux titulaires de traiter les commandes en cours et a suggéré que les utilisateurs existants soient autorisés à conserver leur service actuel et à modifier le profil de vitesse, mais pas à changer d’emplacement.
  5. Le Conseil estime que les propositions présentées par Bell Canada et les ORCC sont raisonnables. Par conséquent, il détermine que les titulaires et leurs affiliées ne peuvent utiliser les services AHV groupés obligatoires que sur leur territoire de desserte des services filaires traditionnel pour les clients qui sont déjà abonnés à des services utilisant des services AHV groupés obligatoires, ou qui ont déjà passé une commande pour de tels services. Les clients de ces services préexistants seront autorisés à modifier le profil de vitesse, mais ne seront pas autorisés à être desservis par des technologies d’accès améliorées ou à changer d’emplacement dans le cadre des tarifs des services AHV de gros obligatoires. Le Conseil estime également qu’une période de transition de 30 jours pour permettre tout traitement de commandes en cours est appropriée.

Directives

  1. Tel que discuté ci-dessus, le Conseil ordonne à Bell Canada et à TELUS de continuer à offrir des services groupés FTTP temporaires en Ontario et au Québec jusqu’à l’approbation et l’entrée en vigueur des pages de tarif de leurs nouveaux services groupés FTTP. Après cette approbation, elles doivent immédiatement commencer à offrir ces nouveaux services groupés FTTP. Le Conseil ordonne également à Bell Canada, à Bell Aliant, à Bell MTS, à SaskTel et à TELUS de commencer à offrir des services groupés FTTP dans leurs territoires de desserte de titulaires dans le reste du Canada d’ici le 13 février 2025. Le Conseil ordonne également à tous les titulaires de continuer à offrir des services AHV groupés par câble hybride fibre optique-câble coaxial, FTTN et LAN dans leurs territoires de desserte de titulaires.
  2. Les titulaires ne sont pas autorisés à utiliser des services AHV groupés obligatoires à l’intérieur du territoire. Toutefois, chaque titulaire peut continuer à utiliser les services AHV groupés obligatoires à l’intérieur du territoire pour offrir des services à ses propres clients des services de détail qui, d’ici le 12 septembre 2024, sont déjà abonnés ou ont passé une commande pour des services utilisant des services AHV groupés obligatoires. Les titulaires sont autorisés à modifier les vitesses de manière continue pour de tels clients à leur demande. Toutefois, ils ne sont pas autorisés à utiliser les services AHV groupés obligatoires pour continuer à desservir de tels clients si la technologie d’accès sous-jacente est mise à niveau ou si les clients changent d’emplacement. Ces conclusions s’appliquent également aux affiliées des titulaires lorsque le service de détail est offert sur le territoire de desserte des services filaires traditionnel des titulaires affiliés.
  3. Le Conseil ordonne à Bell Canada, à Bell Aliant, à Bell MTS, à SaskTel et à TELUS de déposer, au plus tard le 19 août 2024, des pages de tarif pour les services AHV groupés au moyen de FTTP dans toutes les régions, y compris l’Ontario et le Québec, qui tiennent compte des restrictions indiquées ci-dessus, notamment la période d’exclusivité de cinq ans. De plus, le Conseil ordonne aux ESLT, au plus tard le 12 septembre 2024, de dresser une liste des emplacements dans leurs territoires de desserte traditionnels de titulaires où la FTTP est disponible à la date de la présente politique réglementaire. De telles listes doivent être mises à la disposition des concurrents qui en font la demande. L’accès à ces listes peut être conditionnel à la conclusion d’une entente raisonnable de non-divulgation.
  4. Le Conseil ordonne également à tous les titulaires de publier, d’ici le 19 août 2024, les pages de tarif mises à jour pour les services AHV groupés par câble hybride fibre optique-câble coaxial, FTTN et LAN afin de tenir compte des restrictions susmentionnées. Toutes les restrictions qui ne sont plus en vigueur doivent être supprimées des pages de tarif.
  5. Le Conseil reconnaît qu’il n’a pas abordé la question de l’état des services AHV dégroupés dans la présente politique réglementaire. Pour l’instant, ces services demeureront obligatoires et soumis aux taux tarifés et modalités en vigueur. Le statut réglementaire à plus long terme des services AHV dégroupés, notamment la question à savoir si de tels services peuvent coexister avec les services AHV groupés, fera l’objet d’une décision ultérieure du Conseil.

Établissement des tarifs

  1. Le Conseil examine actuellement les études de coûts à l’appui des services AHV de gros. En cherchant un juste équilibre entre la certitude au sein du marché et la rapidité, le Conseil s’attend à rendre des tarifs et des modalités provisoires pour les services groupés FTTP obligatoires d’ici la fin de 2024, pour ensuite rendre des tarifs définitifs.

Reconsidération et suivi

  1. Le Conseil reconnaît l’importance de soutenir la certitude au sein du marché à des fins de planification commerciale et d’investissement dans le réseau. Par conséquent, le Conseil n’a pas l’intention de procéder à un examen approfondi de son cadre des services AHV groupés approuvé par les présentes avant cinq ans à compter de la date de la présente politique réglementaire. Toutefois, le Conseil reconnaît également que les conditions de marché peuvent changer rapidement et qu’il est nécessaire que le Conseil réponde à ces changements. Pour ce faire, le Conseil s’engage à faire le suivi des conditions de marché et est préparé à intervenir au besoin pour s’assurer que le cadre continue d’atteindre les objectifs stratégiques.
  2. Pour appuyer ce travail, le Conseil à l’intention de surveiller l’efficacité du cadre par la collecte de renseignements tels que i) les ménages desservis par diverses technologies (y compris par FTTP) pour les titulaires; ii) le nombre d’abonnés des services de détail par FSI et le nombre d’abonnés utilisant des services AHV de gros par FSI; iii) l’utilisation des services AHV de gros obligatoires par les titulaires en dehors de leurs territoires de desserte, y compris la demande des services de gros et de détail pour diverses technologies et vitesses; iv) les acquisitions de FSI indépendants par tout titulaire ou affiliée; et v) les prix de détail promotionnels et réels des services Internet payés par la population canadienne. Le Conseil peut exiger d’autres processus pour aider à établir un régime de surveillance efficace et robuste afin de soutenir le cadre des services AHV de gros.

Instructions de 2023

  1. Les conclusions du Conseil sont conformes à toutes les sections pertinentes des Instructions de 2023. Le Conseil reconnaît que certaines sections des Instructions de 2023 sont contestées devant les tribunauxNote de bas de page 5. Cependant, ses conclusions sont conformes aux autres sections pertinentes et resteraient valables indépendamment des sections contestées pour les raisons exposées ci-dessous.
  2. Le Conseil estime que son approche cadre avec les Instructions de 2023 en encourageant toutes formes de concurrence (alinéa 2e) et 8a)) tout en réduisant les obstacles à l’entrée sur le marché pour les plus petits FSI (alinéa 2a)). Cette approche permettra d’atteindre les objectifs du Conseil, à savoir d’améliorer l’abordabilité (alinéa 2b) et 8e)) et d’améliorer le choix des consommateurs (alinéa 8c)).
  3. De plus, le cadre des services AHV de gros priorise l’innovation et l’investissement afin de mieux faire en sorte que la population canadienne profite de services novateurs à des prix raisonnables (alinéa 2f) et 8d)) tandis que les titulaires continuent d’investir (alinéa 2a) et 8g)). En mettant en place une période d’exclusivité de la FTTP des ESLT et une exemption de la FTTP des entreprises de câblodistribution, les titulaires sont incités à investir rapidement dans les régions rurales et éloignées (alinéa 2c)).
  4. Les Instructions de 2023 précisent que, en vertu de l’article 4, les mesures imposées par le Conseil doivent être efficaces et proportionnelles à leur objectif, et que, en vertu de l’article 13, son cadre réglementaire s’applique équitablement à toutes les entreprises qui y sont assujetties. Le Conseil estime qu’il ne serait pas équitable, efficace ou proportionnel à son objectif d’obliger les entreprises de câblodistribution à offrir des services AHV groupés au moyen de leurs réseaux FTTP émergents, alors qu’ils deviennent graduellement les principaux fournisseurs de services Internet de gros utilisant des services AHV groupés au moyen de leurs réseaux par câble hybride fibre optique-câble coaxial.

Secrétaire général

Documents connexes

Annexe à la Politique réglementaire de télécom CRTC 2024-180

Conclusions concernant le caractère essentiel

  1. Le Conseil s’appuie généralement sur l’évaluation du caractère essentiel pour déterminer si les mesures de gros sont appropriées pour répondre aux préoccupations concernant le marché des services de détail. Cette évaluation examine, entre autres, si la concurrence sera sérieusement réduite ou empêchée dans le cas où l’accès de gros est refusé. Une telle concurrence permet d’améliorer l’abordabilité, d’élargir le choix et d’innover davantage au profit des consommateurs.
  2. L’évaluation du caractère essentiel consiste premièrement à définir les marchés pertinents, puis à évaluer trois aspects : la condition relative à l’intrant, la condition relative à la concurrence et la condition relative à la reproductibilité. Pour être considéré comme essentiel pour la concurrence, un service de gros doit remplir ces trois conditions telles que décrites ci-dessous. Chacune de ces conditions peut être décrite comme suit :
    • Condition relative à l’intrant : Un service ou une installation est-il nécessaire en tant qu’intrant pour que les concurrents puissent offrir des services de télécommunication dans un marché pertinent en aval (de détail)?
    • Condition relative à la concurrence : Un service ou une installation est-il contrôlé par une (ou plusieurs) entreprise qui dispose d’un pouvoir de marché en amont (de gros) de façon à ce que le retrait de l’accès au service ou à l’installation entraîne probablement une diminution ou un empêchement sérieux de la concurrence en aval?
    • Condition relative à la reproductibilité : Est-ce pratique ou faisable pour les concurrents de reproduire la fonctionnalité du service ou de l’installation?
  3. Le Conseil a déjà fait remarquer que l’évaluation du caractère essentiel n’est pas une procédure isolée. Elle représente plutôt une première étape dans la détermination à savoir s’il faut imposer des mesures de gros. L’évaluation du caractère essentiel fait appel à des critères économiques étroits et ne refléterait pas pleinement, en l’absence d’autres considérations, l’ensemble des questions que l’article 47 de la Loi sur les télécommunications (Loi) l’oblige à prendre en compte dans l’exercice de ses pouvoirs (en particulier, ceux en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi). Dans l’ensemble, ce cadre a été utilisé pour déterminer, le cas échéant, si le comportement d’un fournisseur de services de télécommunication de gros entraîne le fait de se privilégier ou de désavantager indûment un concurrent ou un groupe d’abonnés, en violation du paragraphe 27(2) de la Loi. À ce titre, ces critères guident une méthode précise d’évaluation de la conformité au paragraphe 27(2).
  4. Par conséquent, le Conseil peut utiliser une considération stratégique pour justifier une décision de rendre obligatoire la fourniture d’un service de gros qui ne satisfait pas à l’évaluation du caractère essentiel. À l’inverse, le Conseil peut utiliser une considération stratégique pour justifier une décision de ne pas rendre obligatoire la fourniture d’un service de gros qui satisfait à l’évaluation du caractère essentiel. Les considérations stratégiques suivantes ont été appliquées dans le passé par le Conseil :
    • Bien public : Faut-il prescrire le service pour des raisons de bien-être social, de bien-être des consommateurs, de sécurité publique ou de commodité pour le public?
    • Interconnexion : Le service favorisera-t-il le déploiement efficace de réseaux et facilitera-t-il les arrangements sur l’interconnexion des réseaux?
    • Innovation et investissement : La prescription ou la non-prescription de l’installation ou du service de gros pourra-t-elle influer positivement sur le niveau d’innovation et d’investissement dans les réseaux ou services émergents et avancés pour les titulaires, les concurrents ou les deux, ou sur le niveau d’adoption des services avancés ou émergents par les utilisateurs de services de télécommunication?
  5. En ce qui concerne les services d’accès haute vitesse (AHV) de gros, le Conseil a appliqué l’évaluation du caractère essentiel pour la dernière fois dans l’instance ayant mené à la politique réglementaire de télécom 2015-326. Dans l’avis de consultation de télécom 2023-56 (Avis), lequel a amorcé l’instance actuelle, le Conseil a fait part de son avis préliminaire selon lequel une grande partie de l’analyse du caractère essentiel de la politique réglementaire de télécom 2015-326 reste valide ou pourrait être appliquée de nouveau avec quelques ajustements. Après avoir tenu compte des observations des parties sur cette question, le Conseil confirme que, selon lui, plusieurs de ses conclusions qu’il a tirées en 2015 concernant le caractère essentiel restent valides. Les détails de cette évaluation sont présentés ci-dessous.

Conclusions inchangées concernant le caractère essentiel

Marchés de produits et marchés géographiques pertinents
  1. Définir les marchés de produits et les marchés géographiques pertinents est un outil analytique qui permet d’encadrer l’analyse de la concurrence. Il s’agit de déterminer si un monopoleur hypothétique ou un groupe de fournisseurs de services Internet (FSI) dominants, contrôlant un certain groupe de produits, pourrait imposer et maintenir de manière rentable une augmentation de prix modeste, mais significative et non transitoire (SSNIP).
  2. La définition du marché est axée sur les réponses des clients à une SSNIP. Il s’agit de savoir si un nombre suffisant de clients changeraient de produits du monopoleur hypothétique ou du groupe de FSI dominants, de sorte que la SSNIP ne serait pas rentable pour ces ceux-ci. Si tel est le cas, au moins un autre produit doit être inclus sur le marché pertinent. L’analyse se poursuit jusqu’à ce qu’elle trouve un groupe de produits pour lesquels un monopoleur hypothétique ou un groupe de FSI dominants imposerait et maintiendrait de manière rentable une SSNIP.
  3. Essentiellement, évaluer les réactions des clients aux modifications de prix est différent que de simplement évaluer si deux produits offrent la même utilisation finale. Il existe de nombreux produits différents qui connectent un utilisateur à Internet; ce qui est déterminant, dans le cadre d’un exercice de définition du marché, c’est si un nombre suffisant de clients optait pour un produit de remplacement s’il devait subir une SSNIP.
  4. Dans son évaluation du marché de produits pertinent dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a conclu que le marché de produits pertinent aux fins de l’application de l’évaluation du caractère essentiel était celui des services AHV de gros. Il s’agissait des services AHV de gros groupés et des services AHV de gros dégroupés offerts sur diverses technologies filaires, notamment la ligne d’abonné numérique (LAN) en cuivre ou sur câblage hybride de cuivre et de fibre connue sous le nom de fibre optique jusqu’au nœud (FTTN), le câble hybride fibre optique-câble coaxial et les installations par fibre jusqu’aux locaux de l’abonné (FTTP).
  5. En définissant les marchés aux fins de l’application de l’évaluation du caractère essentiel, le Conseil doit prendre en considération le groupe de services adéquat pour déterminer si l’accès de gros devrait être obligatoire. Dans la décision de télécom 2019-343, le Conseil a indiqué que les deux aspects du marché de produits sont généralement pris en considération, à savoir le marché en aval (c.-à-d. où des utilisateurs finals des services de détail obtiennent des services) et le marché en amont (c.-à-d. où les concurrents obtiennent des services auprès des fournisseurs de services de gros).
  6. Aux fins de l’évaluation du caractère essentiel, la question qui se pose est celle de la définition du marché en amont à laquelle l’évaluation devrait être appliquée. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, la qualification du marché en aval est également pertinente. Elle est donc abordée ci-dessous.
  7. Les parties qui ont formulé des observations sur la question ont généralement convenu que le marché de produits en amont, dans le contexte de la présente instance, comprend tous les services AHV de gros, sur une base groupée et dégroupée, offerts au moyen de diverses technologies. Le Bureau de la concurrence a indiqué que les types d’intrants de gros qui sont considérés comme des substituts sur ce marché peuvent varier, notamment, selon la technologie et la gamme de vitesses de détail.
  8. D’autres parties ont particulièrement fait référence au marché en aval. Elles ont généralement argué que la définition du marché de produits établie dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 devrait être élargie pour inclure d’autres technologies (p. ex. fixes et sans fil mobiles, et satellites). Rogers Communications Canada Inc. (Rogers), citant un rapport qu’elle a commandé au Brattle Group (rapport Brattle), a indiqué que les consommateurs canadiens tiennent compte de l’offre groupée vitesse-prix-données qu’ils achètent, et non de la technologie sous-jacente à l’offre. Certaines parties ont argué que les services sans fil mobiles et les services satellites sont des substituts suffisamment proches des services filaires pour être considérés comme faisant partie du même marché de produits pertinent, soutenant qu’il y a eu une convergence importante entre les technologies filaires, sans fil et satellites depuis 2015. Elles ont argué que les solutions sans fil fixes sont actuellement semblables aux services filaires en ce qui concerne la vitesse et le prix.
  9. La principale question qui se pose actuellement est de savoir si le marché de produits devrait être élargi pour inclure les technologies sans fil et satellites.
  10. Selon le Conseil, grouper les technologies sans fil mobiles et satellites dans le même marché de produits que les technologies filaires modifierait considérablement la structure du marché. Selon cette définition, le marché semblerait beaucoup plus concurrentiel, les concurrents dépendant des services de gros et les consommateurs ayant beaucoup plus d’options pour l’accès Internet. Cela aurait une incidence importante sur la décision du Conseil d’imposer ou non le service de gros en question.
  11. Le Conseil estime toutefois qu’il n’existe pas d’éléments de preuve convaincants démontrant que les services sans fil et satellites sont des substituts suffisamment proches des services Internet filaires dans l’esprit des concurrents qui utilisent des services de gros ou dans l’esprit des consommateurs, que ce soit sur les marchés en amont ou en aval. Bien que l’écart technologique entre les services filaires et les services satellites et sans fil mobiles puisse se réduire, le Conseil estime qu’il subsiste des différences importantes en ce qui concerne la capacité de service et le prix entre les services filaires et les services sans fil mobiles et satellites.
  12. De plus, bien que les services satellites soient largement disponibles, les consommateurs disposant d’un accès fixe aux services Internet de haute qualité (p. ex. dans les régions urbaines) ne les adoptent pas dans une large mesure. Aussi, la plupart des ménages à travers le Canada sont abonnés à la fois à un service sans fil mobile et à un service Internet fixe, ce qui laisse entendre que ces services répondent à des besoins différents, plutôt que d’être de proches substituts.
  13. Par conséquent, le Conseil conclut que le marché de produits pertinent en amont reste celui des services AHV groupés et dégroupés (services AHV de gros) offerts sur diverses technologies filaires, y compris par câble hybride fibre optique-câble coaxial, FTTN, FTTP et LAN. En ce qui concerne le marché en aval, le Conseil conclut que le marché pertinent ne comprend que les services Internet filaires.
  14. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a conclu que, bien que le marché géographique pertinent puisse être aussi détaillé qu’un ménage individuel, une analyse et une administration efficaces justifiaient le groupement du marché sur la base des territoires de desserte de titulaires.
  15. Bien que les parties aient déposé des propositions de marché géographique allant du ménage individuel au marché national, le Conseil conclut qu’un niveau de groupement supérieur à celui du ménage individuel, mais inférieur à celui du marché national est toujours nécessaire pour effectuer une analyse efficace et pour faciliter l’administration. Les territoires de desserte des grandes entreprises de services locaux titulaires (ESLT) et des grandes entreprises de câblodistribution titulaires (collectivement les titulaires) demeurent la base de groupement la plus appropriée pour la définition du marché géographique.
Condition relative à l’intrant
  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a conclu que les services AHV de gros remplissaient la condition relative à l’intrant de l’évaluation du caractère essentiel dans tous les territoires de desserte des titulaires.
  2. En évaluant la condition relative à l’intrant, le Conseil doit déterminer si l’installation associée au service de gros en question est un intrant nécessaire pour permettre à une autre entreprise d’offrir un service de détail en aval. Le Conseil prend en compte i) les marchés en aval pour lesquels le service de gros est un intrant; ii) les aspects techniques du service de gros; iii) la demande passée, actuelle et prévue pour le service de gros; et iv) les tendances de la demande pour évaluer s’il y a une croissance ou un déclin soutenu.
  3. La condition relative à l’intrant est remplie si le Conseil conclut que le service de gros en question est un intrant nécessaire pour permettre aux concurrents d’offrir des services de détail en aval, et s’il y a ou s’il y aura une demande suffisante pour le service de gros.
  4. Bien que les parties comme Bell Canada, Vidéotron ltée (Vidéotron) et des FSI indépendants n’ont pas contesté le fait que les conclusions antérieures du Conseil sur la condition relative à l’intrant restent vraies, plusieurs titulaires ont argué qu’elles ne sont plus vraies parce que les FSI indépendants peuvent faire concurrence sur le marché en aval en utilisant d’autres installations, y compris des installations sans fil et satellites. Toutefois, dans son analyse du marché de produits ci-dessus, le Conseil a déterminé que les services sans fil mobiles et satellites ne font pas partie du marché de produits pertinent. Ces arguments ne peuvent donc pas être déterminants.
  5. Le Conseil reconnaît que la demande pour les services AHV de gros des ESLT a diminué. Selon le Conseil, cette situation est due à l’incapacité du cadre actuel des services AHV de gros à s’adapter à l’évolution des conditions du marché. Au cours des dernières années, les consommateurs ont manifesté une préférence accrue pour les services de détail plus rapides qui ne sont pas pris en charge par les réseaux FTTN. Le nombre de ménages abonnés à des forfaits avec des vitesses de téléchargement de 300 mégabits par seconde ou plus a augmenté de plus de 40 % entre la fin de 2020 et la fin de 2022, tandis que ceux abonnés à des forfaits avec des vitesses de 1 gigabit par seconde ou plus ont plus que doublé.
  6. Durant cette période, les grandes ESLT n’étaient tenues d’offrir que des services dégroupés FTTP. Dans la décision de télécom 2023-53, le Conseil a conclu que ces services n’étaient pas viables pour soutenir une large concurrence. Par conséquent, les concurrents pouvaient seulement s’appuyer sur les services AHV de gros par câble hybride fibre optique-câble coaxial pour répondre à la demande des services de détail croissante pour des vitesses plus élevées. Le nombre d’abonnés aux services utilisant les services AHV de gros des grandes ESLT a baissé de plus de 40 % entre 2020 et la fin de 2022, tandis que le nombre d’abonnés aux services AHV de gros des grandes entreprises de câblodistribution est resté stable. Entre-temps, le nombre d’abonnements dépendant des services AHV de gros a diminué de 15 % en même temps que le marché des services de détail dans l’ensemble a connu une hausse de 5 % du nombre d’abonnés. Compte tenu de ces données, le Conseil est d’avis que les services AHV de gros par câble hybride fibre optique-câble coaxial ne suffisent pas à eux seuls pour garantir une concurrence vigoureuse. Par conséquent, il y a probablement une demande supplémentaire pour les services AHV de gros qui n’est actuellement pas satisfaite en raison de l’indisponibilité d’un accès FTTP de gros exploitable.
  7. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que les services AHV de gros continuent de remplir la condition relative à l’intrant de l’évaluation du caractère essentiel.
Condition relative à la concurrence
  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a conclu que les services AHV de gros remplissaient la condition relative à la concurrence de l’évaluation du caractère essentiel dans tous les territoires de desserte des titulaires.
  2. Lors de l’évaluation de la condition relative à la concurrence, le Conseil examinera deux éléments soit i) les conditions du marché en amont spécifiquement pour déterminer si une entreprise ou un groupe d’entreprises a un pouvoir de marché, et ii) l’incidence que tout pouvoir de marché en amont peut avoir sur les niveaux de concurrence sur les marchés des services de détail connexes en aval.
  3. La condition relative à la concurrence est remplie si le Conseil conclut qu’il existe un pouvoir de marché en amont et que la concurrence sur le marché en aval connexe pourrait être évitée ou considérablement atténuée en l’absence d’une obligation de fourniture du service de gros.
  4. La plupart des titulaires ont argué que les services AHV de gros n’ont pas rempli la condition relative à la concurrence de l’évaluation du caractère essentiel puisque le marché des services de détail est concurrentiel. Ils ont constaté une baisse des prix des services filaires et une augmentation des investissements dans le réseau dans l’ensemble du pays, ce qui témoigne d’une concurrence intense fondée sur les installations. Les titulaires ont présenté plusieurs rapports d’experts visant à démontrer que la concurrence sur le marché des services de détail est saine, soit :
    • le rapport de NERA Economic Consulting (NERA) commandé par TELUS Communications Inc. (TELUS), et le rapport d’Analysys-Mason commandé par Bell Canada sont principalement axés sur les comparaisons des prix à l’échelle internationale;
    • le rapport Brattle, lequel a argué que des améliorations récentes en matière de desserte et de vitesse, une augmentation du nombre de FSI disponibles et une diminution du prix des forfaits de services Internet de détail lorsqu’ils sont ajustés en fonction de la qualité et de la vitesse, indiquent que le marché des services de détail est concurrentiel;
    • le rapport Bates-White commandé par Bell Canada, qui approuve la conclusion du rapport Brattle selon laquelle la concurrence entre deux fournisseurs de services peut être suffisante, et qui cite à la fois des modèles théoriques et des précédents internationaux. Le rapport Bates-White souligne également les récentes baisses de la part de marché des entreprises de câblodistribution comme élément de preuve d’une intensification de la concurrence.
  5. Les ESLT ont également argué que la concurrence ne dépend pas des services AHV de gros offerts au moyen de FTTP, étant donné que les concurrents ont l’accès obligatoire aux services AHV groupés et, dans certains cas, dégroupés, fournis par les entreprises de câblodistribution au moyen du câble hybride fibre optique-câble coaxial.
  6. Le Conseil estime que ses conclusions de 2015 concernant le marché en amont restent vraies. Les titulaires demeurent les seuls fournisseurs de services de gros aux concurrents et contrôlent collectivement le marché en amont. Les services AHV de gros, en particulier les services FTTP de gros, n’ont volontairement pas été rendus largement disponibles par l’industrie sur le plan commercial. Enfin, on observe une tendance continue à restreindre la rivalité sur le marché des services de gros entre les titulaires afin de limiter le pouvoir de marché en amont. Bien que les ESLT et les entreprises de câblodistribution titulaires respectent leurs obligations réglementaires relatives aux services de gros, aucun élément de preuve n’indique que les titulaires déploient des efforts considérables pour acquérir les clients des services de gros d’autres titulaires. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine que les titulaires détiennent encore collectivement un pouvoir de marché en amont dans la fourniture des services AHV de gros et qu’il est peu probable qu’ils rendent ces services largement et économiquement disponibles en l’absence d’une obligation.
  7. En ce qui concerne la condition relative à la concurrence en aval, le Conseil a déjà conclu que le fait de ne pas rendre obligatoires les services AHV de gros entraverait la concurrence en aval au détriment des consommateurs. Le Conseil conclut que cela reste vrai. Si les services AHV de gros n’étaient plus obligatoires, les titulaires pourraient retirer l’accès de gros de leurs réseaux ou augmenter les tarifs des services AHV de gros à un point tel qu’ils ne permettraient pas, sur le plan économique, d’offrir des services de détail concurrentiels. La capacité des petits concurrents à offrir des services serait alors éliminée ou limitée, et le nombre de choix concurrentiels offerts à la population canadienne serait réduit. Dans la majeure partie du pays, la population canadienne ne disposerait que de deux options concurrentielles, ce qui mènerait à un duopole. En examinant le marché des services sans fil mobiles dans la politique réglementaire de télécom 2021-130, le Conseil a conclu que les trois entreprises nationales de services sans fil détenaient un pouvoir de marché sur la fourniture de services sans fil mobiles de détail dans la majeure partie du Canada. Même dans ces circonstances, avec trois options au lieu de deux, une solution pour les services de gros était nécessaire afin de protéger les intérêts des utilisateurs.
  8. De plus, le Conseil estime que les conditions du marché au cours de la période précédant la disponibilité des services groupés FTTP temporaires, lorsqu’il n’y avait pas d’accès fonctionnel aux réseaux FTTP des titulaires, démontrent clairement les résultats négatifs qui découlent de l’absence d’un accès de gros fonctionnel. Durant cette période, les titulaires n’ont volontairement pas fourni à grande échelle un accès de gros commercialement négocié à leurs installations FTTP. La demande du marché ayant passé vers des services plus rapides, les concurrents n’ont pas été en mesure de compter sur un accès fonctionnel aux services FTTP de gros pour offrir des services de détail. Ils ont plutôt offert des services principalement en utilisant l’accès par câble hybride fibre optique-câble coaxial de gros. Par conséquent, comme indiqué ci-dessus, alors que le nombre de clients desservis par les services AHV de gros par câble hybride fibre optique-câble coaxial est resté stable, le nombre de clients desservis par les services FTTN et LAN des ESLT a diminué. Cela a fait en sorte que les clients disposaient de moins d’options viables lorsqu’ils achètent des services Internet plus rapides. Les FSI indépendants ont eu du mal à conserver leurs clients et plusieurs d’entre eux ont été achetés par des titulaires.
  9. Comme indiqué ci-dessus, plusieurs titulaires ont déposé des rapports d’experts au cours de la présente instance, visant à démontrer que les prix au Canada sont alignés à ceux dans d’autres pays. Les titulaires se sont servis de ces rapports pour arguer que la condition relative à la concurrence de l’évaluation du caractère essentiel ne peut pas être remplie, car les marchés au Canada sont suffisamment concurrentiels. Le Conseil estime que les rapports d’experts n’ont fourni qu’un aperçu limité du comportement réel en matière de tarification dans différents pays, qui dépend de nombreuses variables, y compris le produit intérieur brut, la densité de la population, les caractéristiques d’un service et les préférences des consommateurs d’un pays donné. Bien que les rapports de NERA Economic Consulting et d’Analysys-Mason ont utilisé différentes techniques de modélisation pour tenter de s’ajuster à de tels facteurs, le Bureau de la concurrence a démontré que les choix en matière de méthodologie et de sélection des données peuvent rendre ces rapports peu fiables. Ce faisant, le Bureau de la concurrence s’est appuyé sur des rapports de la Federal Communications Commission, d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada/Wall Communications Inc. et de l’Organisation de coopération et de développement économiques qui ont démontré que les prix des services Internet de détail au Canada sont élevés par rapport aux prix dans d’autres pays. Le Conseil estime donc que ces conclusions divergentes suggèrent que les comparaisons des prix à l’échelle internationale déposées dans le dossier de la présente instance ne sont pas concluantes.
  10. Au-delà des comparaisons des prix à l’échelle internationale, les rapports Brattle et Bates-White ont soutenu, sur le plan théorique, qu’un marché comptant peu de fournisseurs peut encore être très concurrentiel. Ces rapports n’ont cependant pas démontré de manière concluante qu’une telle condition existe sur le marché des services Internet de détail au Canada. Comme l’a fait remarquer le Bureau de la concurrence, ni les services Internet de détail ne sont homogènes, ni les coûts marginaux des FSI, comme le démontrent les tarifs pour les services AHV de gros divergents. L’applicabilité du modèle théorique Bertrand sur lequel se sont appuyés les rapports Brattle et Bates-White est ainsi remise en question. Le rapport Brattle a argué que le nombre de choix offerts à la population canadienne en matière de fournisseurs de services à large bande a augmenté entre 2017 et 2023. Cependant, le Conseil fait remarquer que l’analyse comprenait les services satellites, qui ne font pas partie du marché de produits pertinent dans ce cas. De plus, selon le rapport Brattle, une évolution de la part de marché au profit des grandes ESLT pourrait indiquer une amélioration de la concurrence. Toutefois, le Conseil estime que cette évolution pourrait également indiquer que les réseaux FTTP des grandes ESLT regagnent le terrain qui a été précédemment perdu au profit des premiers déploiements de câble hybride fibre optique-câble coaxial.
  11. Enfin, selon les rapports Brattle et Bates-White, les récentes augmentations des vitesses des services Internet, associées à la baisse des prix des services de détail, suggèrent que le marché des services Internet de détail est concurrentiel et sain. Le rapport Brattle a indiqué que le revenu moyen par utilisateur par gigaoctet d’utilisation de données et par mégabits par seconde de vitesse a diminué. Cependant, Zhiqi Chen a indiqué dans un rapport commandé par les Opérateurs des réseaux concurrentiels Canadiens (ORCC), TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy) et Vidéotron que l’analyse ne tient pas compte de l’analyse comparative et pourrait également s’expliquer par des améliorations technologiques et par un comportement concurrentiel. Selon le Conseil, ces éléments de preuve ne permettent pas à eux seuls de conclure définitivement que la concurrence sur le marché des services de détail est saine.
  12. Le Conseil estime donc que les éléments de preuve ne sont pas suffisamment convaincants pour remettre en question ses conclusions antérieures selon lesquelles les titulaires possèdent collectivement un pouvoir de marché en amont, et il y aurait une diminution ou un empêchement important de la concurrence sur le marché des services Internet en aval, dans tous les territoires de desserte des titulaires, s’il refusait un accès efficace aux services AHV de gros.
  13. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que les services AHV de gros continuent de remplir la condition relative à la concurrence de l’évaluation du caractère essentiel.

Les conclusions sur la reproductibilité doivent être modifiées

  1. Le Conseil a établi un marché de produits dans la politique réglementaire de télécom 2015-326 qui était composé de l’ensemble des services AHV de gros. Cela incluait des services offerts au moyen des services AHV groupés et dégroupés. Il a ensuite appliqué les conditions relatives à l’intrant et à la concurrence de l’évaluation du caractère essentiel à ce marché de produits et a conclu que ces deux conditions étaient remplies.
  2. Dans son évaluation de la condition relative à la reproductibilité, le Conseil détermine s’il est pratique ou faisable pour les concurrents de reproduire la fonctionnalité d’une installation ou d’un service, par leurs propres moyens ou en recourant à ceux de tiers. La condition relative à la reproductibilité est remplie dans le cas où le Conseil conclut que la fonctionnalité d’un service de gros particulier ne peut pas être reproduite en pratique par un concurrent raisonnablement efficace à une échelle suffisante.
  3. Toutefois, le Conseil s’est écarté de cette approche lorsqu’il a appliqué la condition relative à la reproductibilité de l’évaluation du caractère essentiel dans la politique réglementaire de télécom 2015-326. Au lieu d’appliquer la condition relative à la reproductibilité à tous les services AHV de gros, il a examiné séparément la reproductibilité des composantes sous-jacentes des réseaux d’accès et de transport qui prennent en charge ces services. La conclusion en découlant était que les installations de transport étaient reproductibles, alors que les installations d’accès ne l’étaient pas. C’est ce qui a mené à la décision de rendre obligatoires les services AHV dégroupés et d’éliminer progressivement les services AHV groupés.
  4. Alors que de nombreuses parties ont soutenu que l’analyse de reproductibilité du Conseil reste appropriée, TekSavvy a fait valoir que la question de savoir si les installations de transport sont reproductibles ne devrait pas avoir d’incidence sur l’évaluation par le Conseil de la condition relative à la reproductibilité. TekSavvy a soutenu que cela s’explique par le fait que les concurrents ont besoin à la fois des installations d’accès et de transport afin de pouvoir utiliser les services AHV de gros. Le Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP) et OpenMedia ont ajouté que le Conseil doit imposer un service AHV de gros qui prévoit l’établissement d’une connexion entre le ménage d’un client donné et un lieu à partir duquel un concurrent peut efficacement offrir à ce client des services Internet de détail concurrentiels.
  5. Le Conseil estime que les concurrents ne sont pas actuellement en mesure de reproduire efficacement la fonctionnalité de bout en bout des services AHV de gros des titulaires. C’est ce qui a été démontré sur le marché au cours des six dernières années. Par exemple, les FSI indépendants n’ont généralement pas été en mesure d’utiliser les services AHV dégroupés pour créer une offre de services FTTP de détail pour leurs clients. Cela a été le cas même lorsque les vitesses les plus élevées offertes par FTTP sont devenues de plus en plus populaires auprès des consommateurs. Lorsque le Conseil a introduit les services AHV dégroupés en 2015, il s’attendait à ce que le service soit graduellement adopté par les concurrents et encourage l’innovation et des investissements accrus. Toutefois, dans la décision de télécom 2023-53, le Conseil a déterminé que les services AHV dégroupés ne pouvaient pas largement soutenir la concurrence nécessaire pour répondre aux besoins de la population canadienne. À la fin de 2022, il y avait moins de 3 000 abonnés aux services de gros dont leurs services utilisaient les services AHV dégroupés.
  6. Sur la base des éléments de preuve susmentionnés de l’expérience concrète des concurrents, le Conseil estime que les petits concurrents raisonnablement efficaces ne sont pas en mesure de reproduire les services de bout en bout pris en charge par les services AHV groupés et que cela est suffisant aux fins de la présente instance. En ce qui concerne les services de transport en général, il y avait peu d’éléments de preuve déposés dans le cadre de la présente instance pour évaluer la reproductibilité des réseaux de transport. Le Conseil a indiqué dans l’Avis qu’il examinera les questions liées à la disponibilité des services de transport concurrentiels dans le cadre d’une instance distincte à une date ultérieure.
  7. Par conséquent, le Conseil estime que c’est la fonctionnalité du service qui importe pour évaluer la reproductivité. Étant donné que les services Internet de détail des titulaires n’ont pas été et ne sont pas susceptibles d’être largement reproduits par les concurrents en l’absence d’un accès groupé, le Conseil conclut que les services AHV groupés remplissent la condition relative à la reproductibilité de l’évaluation du caractère essentiel.
  8. Compte tenu des conclusions ci-dessus, le Conseil estime que les services AHV groupés et dégroupés satisfont à l’évaluation du caractère essentiel.
Considérations stratégiques 
  1. Le Conseil doit maintenant évaluer si des considérations stratégiques éclaireraient, soutiendraient ou justifieraient l’annulation de la décision d’imposer la fourniture des services AHV de gros. Le Conseil estime que les considérations stratégiques en matière d’innovation et d’investissement est l’optique d’analyse appropriée pour déterminer si les services AHV de gros devraient ultimement être obligatoires.
  2. Les considérations stratégiques en matière d’innovation et d’investissement amènent un questionnement à savoir si rendre obligatoire l’installation ou le service de gros affectera positivement le niveau d’innovation et d’investissement dans les réseaux ou services avancés ou émergents pour les titulaires ou les concurrents ou aura une incidence sur le niveau d’adoption des services avancés ou émergents par les utilisateurs de services de télécommunication.
  3. Les titulaires ont généralement argué que la plus grande innovation découle d’une concurrence fondée sur les installations qui encourage l’investissement et permet au libre marché de prédominer. Toutefois, plusieurs autres parties ont souligné les avantages que les petits FSI indépendants peuvent apporter au marché. Le CDIP, OpenMedia, les ORCC et TekSavvy ont en général argué que si les FSI indépendants sont soutenus en aplanissant les obstacles à l’entrée, ils peuvent apporter l’innovation en matière de services et de prix sur le marché. OpenMedia et TekSavvy ont également cité plusieurs particuliers qui ont soutenu que promouvoir la concurrence favorise un plus grand choix, encourage l’investissement et l’innovation, et mène à des services Internet plus abordables.
  4. La British Columbia Broadband Association a fait valoir que la concurrence est mieux réalisée à un niveau de service grâce à l’innovation et à l’efficacité des prix. Vidéotron a souligné que le succès des FSI indépendants Oxio et VMedia, et leurs acquisitions ultérieures par Cogeco Communications inc. et Vidéotron, est la preuve d’une telle innovation. Les ORCC ont argué que si le Conseil offre aux petits fournisseurs un moyen efficace de faire concurrence, ils contribueront de manière positive à l’innovation et aux investissements futurs. 
  5. Le Conseil estime que les titulaires innovent au niveau du réseau en ce qui concerne les dépenses relatives à la recherche et au développement et au déploiement pour les mises à niveau techniques. Entre-temps, l’innovation peut également avoir lieu au niveau des services. On peut considérer que les entreprises innovent lorsqu’elles introduisent des produits différenciés qui répondent à un besoin du marché ou lorsqu’elles introduisent de nouvelles pratiques dans des domaines tels que la facturation, la mise en marché et le service à la clientèle. Pour optimiser le potentiel de l’innovation, il est important de faire en sorte que le marché comprenne un ensemble diversifié de concurrents fondés sur les installations et sur les services. À cet égard, le Conseil estime que les services AHV de gros obligatoires soutiennent un ensemble diversifié de concurrents et offrent de nouvelles possibilités d’innovation au profit de toute la population canadienne. De plus, les alinéas 2a), 2e) et 2f) des Instructions de 2023 expriment la valeur que tous les divers fournisseurs de services de télécommunication apportent à un marché.
  6. Plusieurs parties se sont toutefois dites préoccupées par le fait que l’utilisation des services AHV de gros par les titulaires pourrait leur permettre d’offrir des prix inférieurs à ceux des FSI indépendants. La capacité de Bell Canada, de Rogers et de TELUS à regrouper les services sans fil et filaires de détail et à les offrir à des prix concurrentiels a soulevé des préoccupations particulières. Rogers et TELUS ont cependant argué que les autoriser à continuer d’utiliser les services AHV de gros leur permettrait d’étendre leurs services et d’offrir aux consommateurs les avantages d’une concurrence accrue. Le CDIP, OpenMedia, TELUS et Vidéotron ont ajouté que les titulaires qui peuvent entrer sur de nouveaux marchés peuvent, à leur tour, perturber ces marchés au profit des consommateurs. Le Bureau de la concurrence a fait valoir que, bien que tout groupement par les titulaires puisse constituer un obstacle à l’entrée pour les petits FSI, les avantages concurrentiels d’un titulaire accédant à des services AHV de gros en dehors de son territoire de desserte l’emportent probablement sur les risques.
  7. En établissant son cadre réglementaire, le Conseil vise à créer des occasions pour les concurrents novateurs de se différencier et d’offrir de nouveaux choix aux consommateurs. Il est important de noter que cela n’équivaut pas à garantir qu’un type de concurrent puisse exercer une concurrence rentable sans risque. En ce qui concerne les services AHV de gros, le Conseil permet l’accès de gros à des tarifs justes et raisonnables, basés sur les coûts. Il appartient alors aux concurrents de trouver des stratégies commerciales qui offrent une proposition de valeur attrayante répondant aux besoins des consommateurs.
  8. Le Conseil estime que la capacité des entreprises à perturber le statu quo représente un aspect important d’offrir l’innovation sur les marchés des services de détail. Le dossier de la présente instance montre que les titulaires principaux ont tendance à utiliser les services AHV de gros pour s’étendre au-delà de leurs territoires de desserte traditionnels. Ce faisant, ces entreprises peuvent introduire de nouvelles offres de services qui font pression sur les autres titulaires pour qu’ils offrent une concurrence qui profitera à la population canadienne. En permettant aux titulaires de se livrer une concurrence sur de nouveaux marchés, les services AHV de gros obligatoires encourageraient l’intensification de la concurrence, entraînant un plus grand choix de forfaits de services novateurs, et une pression à la baisse sur les prix des services Internet pour la population canadienne. Par conséquent, le Conseil n’imposera pas de limites restreignant totalement l’accès des titulaires aux services AHV de gros.
  9. Bien que le soutien à l’innovation est une considération stratégique essentielle, le Conseil doit également garantir des investissements continus pour étendre les réseaux haute vitesse, ainsi que les investissements nécessaires pour la recherche et le développement de nouvelles technologies et leur déploiement. Le rapport Bates-White a expliqué que la réglementation des services de gros pourrait accroître le risque auquel sont exposés les fournisseurs de services dotés d’installations ce qui réduirait leurs incitations à investir. Le rapport Brattle a démontré les effets négatifs potentiels sur le flux de trésorerie de Rogers et la réduction potentielle des dépenses d’investissement prévues que l’obligation d’offrir des services AHV de gros pourrait entraîner. Selon les deux rapports, une obligation d’offrir des services AHV de gros pourrait donc avoir une incidence sur l’analyse de rentabilité du déploiement de la fibre optique dans les zones qui n’ont pas encore reçu la FTTP. Bien que le Conseil fasse remarquer que certains des risques liés aux incitations à l’investissement peuvent être atténués par des tarifs justes et raisonnables, il estime que les préoccupations soulevées dans ces rapports d’experts sont crédibles. Le Conseil reconnaît qu’il doit donc s’assurer que des services AHV de gros obligatoires n’ont pas d’incidence négative sur l’incitation des titulaires à investir dans leurs propres réseaux.
  10. Le Conseil doit aborder les considérations souvent contradictoires en matière d’innovation et d’investissement. Ce faisant, il doit mettre en œuvre des mesures appropriées pour protéger l’investissement continu des titulaires dans leurs réseaux haute vitesse, en particulier dans les régions rurales et éloignées, où la disponibilité des réseaux haute vitesse est comparativement plus faible. Par conséquent, le Conseil appliquera à son cadre des restrictions qui sont destinées à protéger l’investissement continu par les titulaires dans leurs réseaux, au profit de la population canadienne. En imposant des restrictions à ceux qui doivent offrir des services AHV de gros et à ceux qui les utilisent, le Conseil estime que le cadre permettra de répondre efficacement aux considérations en matière d’innovation et d’investissement et, en fin de compte, d’appuyer la décision d’imposer les services AHV de gros. 
  11. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que la considération stratégique en matière d’innovation et d’investissement soutient l’obligation d’offrir des services AHV de gros. Une telle obligation, avec certaines restrictions en vue d’atténuer les effets négatifs potentiels sur l’investissement, facilitera la capacité des petits FSI et des FSI principaux, à innover sur le marché au moyen d’une concurrence diversifiée et vigoureuse. La population canadienne profitera ainsi d’un choix accru et de prix plus abordables.

Mise à jour des conclusions sur le caractère essentiel et obligation d’offrir des services AHV de gros

  1. Le Conseil estime que les résultats de l’application actualisée de l’évaluation du caractère essentiel démontrent que tous les services AHV de gros sont essentiels. Le Conseil avait déjà conclu que les services AHV de gros utilisant des installations d’accès FTTP étaient essentiels et susceptibles d’être imposés. Il a simplement limité la disponibilité de cet accès aux services AHV dégroupés qui se sont finalement avérés non fonctionnels avec de l’expérience concrète. Les ajustements effectués aux conclusions relatives à la reproductibilité et aux considérations stratégiques de la présente politique réglementaire se traduiront par un traitement réglementaire garantissant aux concurrents un accès efficace aux services de gros. Ils font progresser les objectifs du cadre des services de gros et de la Loi sur les télécommunications et sont conformes aux Instructions de 2023Note de bas de page 6.
  2. À mesure que les marchés se sont développés, il est devenu clair que sans un accès groupé fonctionnel aux réseaux des titulaires, les entreprises qui dépendent des services de gros n’ont pas été en mesure de faire concurrence efficacement, d’innover davantage et d’offrir plus de choix aux consommateurs canadiens. Puisqu’ils peuvent également être utilisés pour offrir des services Internet concurrents, les services AHV dégroupés satisfont également à l’évaluation du caractère essentiel. Toutefois, les services AHV dégroupés ne suffisent pas à eux seuls à prévenir la discrimination injuste et la préférence indue s’ils sont obligatoires indépendamment des services AHV groupés. Bien que les services AHV dégroupés ne soient pas viables pour soutenir une large concurrence, il peut y avoir des cas d’utilisation pour de tels services s’ils sont obligatoires en conjonction avec les services AHV groupés. La présente politique réglementaire se concentre sur les services AHV groupés, compte tenu de l’urgence de fournir un accès viable à la fibre optique. Le Conseil rendra ses conclusions sur les services AHV dégroupés dans une décision ultérieure.
Date de modification :