Décision de télécom CRTC 2020-41

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Ottawa, le 4 février 2020

Dossier public : 8662-J92-201808015

Independent Telecommunications Providers Association – Demande de révision et de modification de la politique réglementaire de télécom 2018-213

Le Conseil rejette la demande de l’Independent Telecommunications Providers Association (ITPA) de réviser et de modifier la politique réglementaire de télécom 2018-213 concernant le retrait progressif du régime de subvention du service local. L’ITPA n’a pas démontré qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de cette décision.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2016-496, le Conseil a déterminé que pour contribuer à l’atteinte de l’objectif de service universel (à savoir que les Canadiens, dans les régions urbaines ainsi que dans les régions rurales et éloignées, ont accès à des services téléphoniques et à des services d’accès Internet à large bande fiables, tant sur les réseaux fixes que sans fil mobiles), il commencera à orienter ses cadres de réglementation actuels non plus sur les services vocaux filaires, mais plutôt sur les services d’accès Internet à large bande. Par conséquent, le Conseil a annoncé son intention d’éliminer progressivement le régime de subvention du service local.
  2. Dans la politique réglementaire de télécom 2018-213, le Conseil a déterminé que la subvention du service local serait éliminée progressivement sur une période de trois ans (du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021) sous forme de réductions semestrielles. Le Conseil a conclu que le dossier de l’instance ayant mené à cette décision (ci-après appelé l’instance) ne contenait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que le retrait de la subvention du service local donnerait lieu à des tarifs qui n’étaient pas justes et raisonnables, de sorte qu’une certaine compensation serait nécessaire pour maintenir de tels tarifs. Le Conseil a également indiqué qu’en raison des revenus générés par d’autres services (p. ex. les services d’accès Internet à large bande) sur la même ligne locale, les montants de subvention étaient probablement surestimés.
  3. Les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) ont eu l’occasion, dans le contexte de l’avis de consultation de télécom 2018-214, publié en même temps que la politique réglementaire de télécom 2018-213, de présenter des éléments de preuve démontrant la nécessité d’offrir une certaine compensation.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande datée du 24 septembre 2018 de la part de l’Independent Telecommunications Providers Association (ITPA), au nom de ses entreprises membres, qui sont toutes des petites ESLT, dans laquelle l’ITPA a demandé au Conseil de réviser et de modifier certains aspects de la politique réglementaire de télécom 2018-213. Plus précisément, l’ITPA a demandé au Conseil d’infirmer sa décision d’éliminer la subvention du service local et de la maintenir pendant au moins 10 ans, ou jusqu’à ce qu’elle puisse être éliminée de manière organique.
  2. L’ITPA a fait valoir que le Conseil avait commis des erreurs de droit et de fait dans la politique réglementaire de télécom 2018-213. L’ITPA a également signalé qu’un doute réel existait quant à la justesse de la politique réglementaire de télécom 2018-213 en raison de certaines hypothèses du Conseil qui y sont formulées.
  3. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de l’ITPA de la part de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI), de Saskatchewan Telecommunications (SaskTel), de Shaw Cablesystems G.P. (Shaw), de SSi Micro Ltd. (SSi) et de TELUS Communications Inc. (TCI). En général, SaskTel et TCI étaient en faveur de la demande de l’ITPA, alors que RCCI, Shaw et SSi l’ont contestée.

Critères de révision et de modification

  1. Le Conseil a précisé, dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, les critères qu’il utilisera pour évaluer les demandes de révision et de modification présentées en vertu de l’article 62 de la Loi sur les télécommunications (Loi). En particulier, le Conseil a indiqué que les demandeurs doivent démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale, résultant, par exemple : i) d’une erreur de droit ou de fait; ii) d’un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision; iii) du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale; iv) d’un nouveau principe découlant de la décision.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait dans la politique réglementaire de télécom 2018-213?
    • Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit dans la politique réglementaire de télécom 2018-213?
    • Existe-t-il un doute réel quant au bien-fondé de la politique réglementaire de télécom 2018-213 en raison de certaines hypothèses formulées par le Conseil?

Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait dans la politique réglementaire de télécom 2018-213?

Positions des parties

  1. L’ITPA a indiqué que, dans la politique réglementaire de télécom 2018-213, le Conseil a commis une erreur de fait lorsqu’il a déterminé que les ESLT n’avaient pas fourni suffisamment de données financières dans le dossier de l’instance pour démontrer le besoin continu de la subvention du service local. Selon l’ITPA, le Conseil n’a pas tenu compte de la preuve de dégradation financière déposée par les petites ESLT et les autres entreprises concernées dans le cadre de l’instance. L’ITPA a fait valoir que les éléments de preuve qu’elle a présentés dans le dossier de l’instance soutiennent le maintien de la subvention du service local.
  2. L’ITPA a également fait remarquer que le Conseil n’a jamais amorcé une instance visant expressément à examiner la pertinence des renseignements sur les coûts des petites ESLT, sur lesquels est fondé le calcul de la subvention du service local. Le Conseil aurait pu amorcer une telle instance s’il avait eu de sérieuses préoccupations au sujet des coûts des petites ESLT. Le Conseil a plutôt continué d’approuver les versements de la subvention annuelle aux petites ESLT selon des montants de substitution, qui sont fondés sur les coûts établis dans la décision de télécom 2001-756.
  3. RCCI a indiqué que le Conseil avait reçu des éléments de preuve contradictoires quant à la question de savoir s’il y avait un besoin continu d’accorder une subvention pour le service local ou une compensation aux entreprises qui seraient touchées par le retrait de la subvention. L’entreprise a également fait remarquer que l’ITPA avait eu l’occasion, dans le contexte de l’avis de consultation de télécom 2018-214, de présenter des éléments de preuve à l’appui de la nécessité d’une compensation pour la perte de la subvention du service local.
  4. Shaw a signalé que le Conseil n’a pas négligé les éléments de preuve de l’ITPA, mais qu’il les a plutôt estimés insuffisants pour justifier la nécessité de maintenir la subvention du service local ou pour compenser la perte de la subvention.
  5. SSi a fait valoir que les éléments de preuve que le Conseil aurait prétendument négligés sont liés à la situation financière prévue des membres de l’ITPA, et non à la question de savoir si la perte de la subvention obligerait les membres de l’ITPA à ajuster leurs tarifs pour le service local de sorte que les tarifs ne soient plus justes et raisonnables.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. À ce jour, le Conseil n’a pas demandé aux petites ESLT de présenter des études de coûts à jour, et les petites ESLT n’ont fourni aucune information détaillée sur les coûts à l’appui de leurs exigences en matière de subvention du service local. Le Conseil a plutôt fait preuve de souplesse en ce qui a trait aux renseignements sur les coûts fournis par les petites ESLT au cours d’instances précédentes. Par exemple, dans la décision de télécom 2001-756, le Conseil n’a pas exigé des petites ESLT qu’elles déposent des études de coûts à l’appui de leur besoin de subvention du service local. Les petites ESLT ont plutôt été autorisées à utiliser une approche de substitution fondée sur les coûts engagés par les grandes ESLT pour la prestation du service local de base (SLB)Note de bas de page 1, calculés selon la méthode d’établissement des coûts de la Phase IINote de bas de page 2.
  2. Au cours de l’instance, l’ITPA a présenté plusieurs arguments concernant la nécessité de maintenir un régime de subvention du service local, y compris les investissements et les coûts permanents engagés par ses entreprises membres pour entretenir, améliorer et étendre leurs réseaux respectifs. Toutefois, l’ITPA a présenté des éléments de preuve à l’appui de seulement deux de ses arguments liés aux coûts : l’un portant sur les coûts associés à l’accessibilité permanenteNote de bas de page 3 et l’autre sur les tarifs de raccordement aux poteaux d’électricité en Ontario. De plus, cette preuve limitée ne concernait qu’un nombre restreint d’entreprises membres de l’ITPA. Par ailleurs, l’ITPA n’a pas présenté d’études de coûts connexes, soutenant que l’information était confidentielle et qu’elle ne contenait pas d’études de coûts qui pourraient être versées au dossier public. Le Conseil fait remarquer que l’ITPA a été partie à de nombreuses instances et qu’elle devrait savoir que ces renseignements auraient pu être déposés auprès du Conseil à titre confidentiel.
  3. En l’absence d’études de coûts, le Conseil n’est pas en mesure d’évaluer la validité des arguments de l’ITPA concernant les coûts et les tarifs susmentionnés, ni leur incidence sur le coût ultime de la prestation du service local.
  4. De nombreux éléments contribuent au coût de la prestation du SLB, tels que les coûts liés à l’achat, à l’installation et à l’entretien des installations requises. Le Conseil fait remarquer que l’ITPA n’a pas indiqué d’autres éléments de coût pertinents, qui peuvent permettre d’augmenter ou de diminuer le coût global. Par conséquent, les éléments de coût soumis par l’ITPA ne constituent qu’un petit sous-ensemble des données nécessaires au Conseil pour déterminer si une compensation pour la perte de la subvention du service local dans les zones de desserte à coût élevé (ZDCE)Note de bas de page 4 est nécessaire afin de maintenir des tarifs justes et raisonnables.
  5. Compte tenu des éléments de preuve limités fournis par l’ITPA pour justifier ses arguments à l’appui de la nécessité de maintenir un régime de subvention du service local, le Conseil conclut que l’ITPA n’a pas réussi à démontrer que le Conseil a commis une erreur de fait en déterminant, dans la politique réglementaire de télécom 2018-213, que les ESLT n’ont pas fourni suffisamment de données financières pour démontrer la nécessité de compenser la perte de la subvention du service local dans les ZDCE afin de maintenir des tarifs justes et raisonnables.

Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit dans la politique réglementaire de télécom 2018-213?

Positions des parties

  1. Dans sa demande, l’ITPA s’appuie en grande partie sur son point de vue selon lequel la subvention du service local représente, en fait et en pratique, le régime de réglementationNote de bas de page 5 contenu dans la réglementation canadienne sur les télécommunications. L’ITPA a indiqué que le régime de réglementation est un accord juridique bilatéral exécutoire entre le Conseil et une entreprise individuelle, qui a force de loi en vertu de l’article 27 de la Loi. Elle a en outre fait valoir que, dans le cas présent, il s’agit d’une situation particulière dans laquelle le régime de réglementation est le seul principe réglementaire permettant de fixer légalement les tarifs, et a fourni des cas qui, à son avis, soutiennent ce principe.
  2. Selon l’ITPA, le Conseil a commis les erreurs de droit suivantes dans la politique réglementaire de télécom 2018-213 :
    • Le Conseil a abrogé le régime de réglementationNote de bas de page 6 i) en éliminant la subvention du service local; ii) en confisquant aux petites ESLT et à d’autres entreprises des millions de dollars en revenus de subventions pour les services locaux, que ces dernières s’attendaient légalement à recevoir; iii) en n’offrant à ces entreprises aucune compensation pour la perte des subventions versées; et iv) en maintenant l’obligation de servir en exigeant que les entreprises continuent à offrir sans compensation un service téléphonique local non rentable aux clients de leur ZDCE.
    • En éliminant la subvention du service local sans compensation, le Conseil i) a accordé une importance égale ou plus importante aux objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi (et aux intérêts plus larges qui y sont décrits) dans l’exercice de ses fonctions en vertu de l’article 27 de la Loi qu’au droit des entreprises à un rendement équitable et raisonnable de leur capital investi; et ii) a mal interprété, a énoncé de façon inexacte et a généralement mal compris sa compétence légale.
    • Le Conseil a imposé à tort aux entreprises touchées le fardeau de démontrer, dans le cadre d’une autre instance (avis de consultation de télécom 2018-214), la nécessité d’être indemnisées pour la perte de revenus futurs découlant du retrait de la subvention du service local. Selon l’ITPA, le Conseil a l’obligation juridique de démontrer aux entreprises concernées qu’en échange de leur obligation continue de desservir leurs ZDCE, elles continueraient d’obtenir un rendement équitable et raisonnable des capitaux propres sans les revenus provenant de la subvention du service local.
  1. TCI a indiqué que la décision du Conseil d’éliminer la subvention du service local sans éliminer l’obligation correspondante de servir dans les ZDCE, ou sans offrir de souplesse suffisante au niveau tarifaire, ou encore sans effectuer d’autres modifications au cadre de réglementation n’est pas conforme au régime de réglementation, et donc contraire aux articles 27 et 47 de la LoiNote de bas de page 7.
  2. SaskTel a souscrit à l’argument de l’ITPA selon lequel le Conseil a commis une erreur de droit en abrogeant le régime de réglementation. SaskTel a fait valoir que le régime de réglementation exige que les ESLT aient la possibilité raisonnable d’obtenir un rendement équitable sur leur capital investi pour la prestation de services locaux dans les ZDCE.
  3. RCCI a indiqué que le Conseil n’a pas abrogé le régime de réglementation, puisque l’article 27 de la Loi ne l’oblige pas à subventionner les tarifs imposés par les ESLT au moyen de contributions perçues des entreprises de services de télécommunication. De plus, le paragraphe 27(5) de la Loi autorise le Conseil à établir des tarifs justes et raisonnables à l’aide de la méthode ou technique qu’il juge appropriéeNote de bas de page 8.
  4. RCCI a ajouté que le Conseil peut éliminer la subvention du service local en vertu de l’article 46.5 de la Loi et traiter séparément la question de savoir si la compensation est justifiéeNote de bas de page 9. Le retrait de la subvention du service local est donc différent du non-respect du régime de réglementation.
  5. RCCI a ajouté qu’il n’y a aucune preuve que le Conseil a accordé plus d’importance aux objectifs de la politique que ne l’exige l’article 47 de la Loi. Enfin, RCCI a fait remarquer que l’avis de consultation de télécom 2018-214 donnerait aux ESLT l’occasion de présenter des éléments de preuve démontrant la nécessité d’une certaine compensation afin d’établir des tarifs justes et raisonnables pour le service téléphonique local conformément au paragraphe 27(1) de la LoiNote de bas de page 10.

Résultats de l’analyse du Conseil

Régime de réglementation
  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2018-213, le Conseil a fait remarquer que le régime de réglementation, qui a force de loi en vertu des paragraphes 27(1) et 27(2) de la LoiNote de bas de page 11, est un principe fondamental régissant la relation entre les fournisseurs de services publics et les organismes de réglementation au Canada, et qu’il forme la base du pouvoir d’établissement des tarifs du Conseil.
  2. Toutefois, les articles 7 et 47 ainsi que le paragraphe 27(5) de la Loi élargissent la portée des considérations pertinentes à l’analyse de l’établissement des tarifs du Conseil au-delà de la notion de régime de réglementation. Ensemble, ces articles de la Loi obligent le Conseil à établir l’équilibre entre de nombreux intérêts et objectifs, en plus du régime de réglementation, lorsqu’il définit des tarifs justes et raisonnables.
  3. Le paragraphe 27(5) de la Loi dispose que pour déterminer si les tarifs sont justes et raisonnables, le Conseil peut utiliser la méthode ou la technique qu’il estime appropriée, qu’elle soit fondée ou non sur le taux de rendement par rapport à la base tarifaire de l’entreprise. Par conséquent, le Conseil n’est ni tenu de suivre une méthodologie particulière pour fixer les tarifs ni tenu de suivre la même méthodologie dans toutes les circonstances. La façon dont le Conseil s’acquitte de l’exigence de la Loi voulant que les tarifs soient justes et raisonnables revient au Conseil.
  4. Dans la décision Bell Canada c. Bell Aliant Communications régionales, 2009 CSC 40 (affaire des comptes de report), la Cour suprême du Canada (CSC) a conclu que l’article 47 de la Loi, qui oblige le Conseil à rendre ses décisions en vue d’atteindre les objectifs de la politique de la Loi ainsi que le paragraphe 27(5) lui confèrent un pouvoir décisionnel beaucoup plus large quant à l’établissement des tarifs que la loi antérieure, la Loi sur les chemins de fer. En conséquence, le Conseil n’est pas limité à l’approche « base tarifaire/taux de rendement »Note de bas de page 12 comme seule base pour établir des tarifs justes et raisonnables. La CSC a plutôt conclu que le Conseil a « la capacité de concilier les intérêts des entreprises, des consommateurs et des concurrents dans le contexte plus large de l’industrie canadienne des télécommunications »Note de bas de page 13.
  5. Dans la décision de télécom 2016-36, dans laquelle le Conseil a fixé les tarifs des services Internet de détail de Norouestel Inc., le Conseil a appliqué les principes de l’affaire des comptes de report pour déterminer si des tarifs non compensatoires peuvent être justes et raisonnables lorsqu’il examine l’incidence financière sur le fournisseur de services dans le contexte des objectifs stratégiques généraux de la Loi. Plus précisément, le Conseil a déterminé que la Loi lui confère un large pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de déterminer si un tarif donné est juste et raisonnable. Le Conseil a fait remarquer qu’il doit tenir compte d’une variété de groupes et d’intérêts cités dans les objectifs de la politique et n’est pas tenu de s’assurer que le tarif est compensatoire. Le Conseil a également fait remarquer que, bien que les coûts d’une entreprise pour la prestation d’un service soient des facteurs pertinents, ils doivent être conciliés avec des facteurs pertinents pour la réalisation des objectifs de la politique.
  6. En ce qui concerne l’argument de l’ITPA selon lequel la politique réglementaire de télécom 2018-213 est un cas unique dans le cadre duquel le régime de réglementation est le seul principe réglementaire permettant de fixer les tarifs de façon légitime, le Conseil estime que cela n’est pas étayé par une simple lecture de la Loi et que l’ITPA n’a pas non plus indiqué la jurisprudence précise appuyant ce point de vue. Les cas à l’appui sur lesquels l’ITPA s’appuyait dans ses observations sont différents, puisqu’ils se rapportent à une industrie différente, à savoir l’énergie. De plus, dans chaque cas cité, la cour interprétait la législation spécifique relative aux organismes de réglementation connexes.
  7. De plus, la CSC a clairement indiqué dans l’affaire des comptes de report que le taux de rendement n’est plus la seule considération prévue par la Loi pour fixer des tarifs justes et raisonnables et que le Conseil doit tenir compte de considérations stratégiques générales en plus de la notion de régime de réglementation.
  8. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine que, dans la politique réglementaire de télécom 2018-213, il n’a pas abrogé le régime de réglementation et qu’il a tenu compte des objectifs stratégiques généraux de la Loi.
Compétence légale
  1. En ce qui a trait à l’argument de l’ITPA selon lequel le Conseil a commis une erreur en interprétant généralement mal sa compétence légale, le Conseil fait remarquer que le paragraphe 27(1) de la Loi n’exige pas qu’il subventionne les tarifs au moyen d’un fonds. La subvention discrétionnaire pour les services locaux, établie en vertu de l’article 46.5 de la Loi, est un concept juridique distinct de celui de « tarifs justes et raisonnables » au paragraphe 27(1). Par conséquent, le retrait de la subvention n’entraîne pas inévitablement une violation du régime de réglementation.
  2. Cette interprétation est conforme à la politique réglementaire de télécom 2018-213, dans laquelle le Conseil a fait remarquer que le paragraphe 46.5(1) de la Loi prévoit que le Conseil peut créer un fonds en vue de soutenir l’accès continu des Canadiens aux services de télécommunication de base, mais qu’il n’est pas tenu de le faire. Le retrait progressif de la subvention du service local relève entièrement de la compétence du Conseil.
  3. De plus, lorsque le Conseil a décidé d’éliminer la subvention discrétionnaire du service local, il a examiné si les autres aspects de ses cadres de réglementation étaient conformes aux exigences de la Loi. Plus précisément, le Conseil s’est demandé si d’autres modifications devraient être apportées à ses cadres de réglementation pour s’assurer que toutes les exigences de la Loi, y compris l’exigence d’établir des tarifs justes et raisonnables, sont toujours respectées.
  4. Le Conseil a examiné l’effet du retrait de la subvention sur l’exigence d’établir des tarifs justes et raisonnables prévue au paragraphe 27(1). Le Conseil a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que les tarifs n’étaient pas justes et raisonnables, comme il a été mentionné ci-dessus. Néanmoins, le Conseil a donné aux ESLT une autre occasion, dans l’avis de consultation de télécom 2018-214, de faire valoir leur point de vue afin de justifier une compensation.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine qu’il n’a pas mal compris sa compétence légale dans la politique réglementaire de télécom 2018-213, en éliminant la subvention du service local.
Fardeau imposé aux entreprises
  1. Le Conseil estime que l’ITPA a confondu le fardeau imposé à l’organisme de réglementation en vertu du régime de réglementation avec le fardeau imposé aux entreprises. Les entreprises sont tenues de fournir les renseignements nécessaires pour établir des tarifs justes et raisonnables en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi, puisqu’elles sont les détentrices de ces renseignements. Par conséquent, il incombe aux entreprises de démontrer qu’une compensation pour la perte de la subvention du service local est nécessaire afin de maintenir des tarifs justes et raisonnables.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que, dans la politique réglementaire de télécom 2018-213, il n’a pas imposé à tort aux entreprises concernées le fardeau de démontrer la nécessité d’une certaine compensation.
Allégation d’erreurs de droit
  1. Compte tenu de ses conclusions ci-dessus, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis d’erreur de droit dans la politique réglementaire de télécom 2018-213 et que les motifs et les conclusions de cette décision sont maintenus.

Existe-t-il un doute réel quant au bien-fondé de la politique réglementaire de télécom 2018-213 en raison de certaines hypothèses formulées par le Conseil?

Contexte

  1. L’ITPA a fait valoir qu’il existe un doute réel quant à l’exactitude de la politique réglementaire de télécom 2018-213 en raison de deux hypothèses erronées formulées par le Conseil : l’une étant explicite, en ce qui concerne l’interfinancement; et l’autre implicite, en ce qui a trait à la possibilité d’augmenter les tarifs du SLB.

Hypothèse explicite

Positions des parties
  1. L’ITPA a allégué que le Conseil a commis une erreur dans la politique réglementaire de télécom 2018-213 en présumant explicitement que les petites ESLT peuvent recouvrer la perte de subvention du service local en détournant les revenus d’autres services, comme ceux à large bande, sans fil et de radiodiffusion, vers le maintien des réseaux téléphoniques. L’ITPA a indiqué que les marchés des autres services de télécommunication fournis par ses entreprises membres sont concurrentiels et qu’on ne peut s’attendre à ce que ses membres détournent les revenus qu’ils génèrent vers le service téléphonique local.
  2. TCI a fait remarquer qu’aucun profit n’est réalisé dans les cas où les tarifs sont fixés dans un marché concurrentiel. Ainsi, tout interfinancement obligerait les ESLT à subir une perte non compensée dans la prestation du service local.
  3. SaskTel a indiqué que la seule autre source importante de revenus pour les lignes de cuivre est l’accès Internet, puisque les services de radiodiffusion ne sont disponibles que pour un petit sous-ensemble de lignes dans les ZDCE. Dans certains cas, généralement à l’extérieur des petites villes et des villages qui sont desservis par de longues lignes, les installations filaires existantes ne permettent pas de fournir des services Internet ou de radiodiffusion. Quoi qu’il en soit, aucun de ces services ne génère des profits « excessifs », puisqu’ils sont fournis dans des marchés concurrentiels.
  4. RCCI a indiqué que l’ITPA interprète mal la décision du Conseil. RCCI a fait remarquer que l’industrie canadienne des télécommunications a beaucoup changé depuis que le montant de la subvention requis pour soutenir les tarifs des services locaux a été établi et que, compte tenu de ce fait et des autres facteurs mentionnés par le Conseil dans la politique réglementaire de télécom 2018-213, il était raisonnable pour le Conseil de conclure que les montants de subvention sont probablement surestimés.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Au paragraphe 85 de la politique réglementaire de télécom 2018-213, le Conseil a fait remarquer que plusieurs parties ont présenté des observations convaincantes lors de l’instance, selon lesquelles la méthode employée pour déterminer les montants de subvention et les coûts associés est probablement désuète, tout comme les coûts estimés pour la ligne locale utilisée pour fournir le service téléphonique local dans les ZDCE ne sont pas à jour. Le Conseil a indiqué que le dossier de l’instance démontre que les ESLT touchent actuellement, ou pourraient toucher, des revenus supplémentaires provenant d’autres services (p. ex. services d’accès Internet à large bande) qui utilisent la même ligne locale et pour laquelle elles reçoivent une subvention par ligne pour le service téléphonique local. Ces services n’étaient pas disponibles lorsqu’a commencé la subvention du service local et, toutes choses égales par ailleurs, en raison des revenus qu’ils génèrent, les montants de subvention sont probablement surestimés.
  2. Selon l’ITPA, ce paragraphe laisse entendre que les entreprises concernées pourraient assurer l’interfinancement d’une perte de revenus à la suite de la prestation d’un service téléphonique local au moyen des revenus générés par d’autres services fournis sur la même ligne locale.
  3. Le Conseil fait remarquer que lorsqu’il a établi le régime de subvention du service local dans la décision de télécom 2000-745, il a tenu compte des revenus générés par d’autres services locaux utilisés par les abonnés des services de résidence, y compris les services facultatifs comme l’afficheur et la messagerie vocale, dans le calcul de la subvention totale requise pour chaque ESLT.
  4. Le Conseil estime que le paysage des télécommunications a changé dans les ZDCE depuis la mise en place de la subvention du service local. Les titulaires sont maintenant en mesure de générer des revenus supplémentaires en offrant des services Internet et d’autres services sur les mêmes lignes de cuivre ou de fibre qui fournissent le service téléphonique local.
  5. Les montants de subvention initiaux ont été calculés à partir de données datant d’environ une vingtaine d’années. Si le Conseil devait tenir une nouvelle instance sur l’établissement des coûts pour déterminer le montant de la subvention qui serait approprié, le cas échéant, il serait raisonnable qu’il tienne compte des revenus supplémentaires générés par l’utilisation d’installations qui servent également à fournir le service téléphonique local. Cela entraînerait très probablement une réduction des subventions connexes.
  6. Nonobstant ce point de vue général, le Conseil a amorcé une instance par l’avis de consultation de télécom 2018-214 pour donner aux parties, y compris l’ITPA, l’occasion de présenter des éléments de preuve afin de valider ou de réfuter la nécessité d’une compensation pour toute perte de subvention du service local.
  7. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil détermine que l’ITPA n’a pas réussi à démontrer qu’il existe un doute réel quant à l’exactitude de la politique réglementaire de télécom 2018-213 en raison de toute hypothèse explicite formulée par le Conseil obligeant les ESLT à assurer l’interfinancement de la perte de revenus découlant de la prestation du service téléphonique local avec les revenus générés par les autres services fournis sur cette même ligne locale.

Hypothèse implicite

Positions des parties
  1. L’ITPA a fait valoir que le Conseil a commis une erreur dans la politique réglementaire de télécom 2018-213 en formulant l’hypothèse implicite que les augmentations des tarifs du SLB autonome constitueraient une source potentielle de revenus de remplacement pour la perte de la subvention du service local. L’ITPA a soutenu qu’il n’est pas possible d’augmenter les tarifs du SLB dans le marché actuel sans risquer de perdre des clients au profit des entreprises qui offrent des services sans fil dans leurs territoires de desserte.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2018-213, le Conseil n’a pas fondé sa décision d’éliminer progressivement la subvention du service local sur la question de savoir si l’augmentation des tarifs du SLB constituerait une forme de compensation pour le retrait de cette subvention. Il est démontré au paragraphe 86 de la politique réglementaire de télécom 2018-213, qui indique que même si le dossier de l’instance n’appuie pas la position selon laquelle une compensation pour le retrait de la subvention était alors requise, que les ESLT auraient la possibilité, dans le contexte de l’avis de consultation de télécom 2018-214, de présenter des éléments de preuve pour démontrer le besoin d’une certaine compensation.
  2. Dans l’avis de consultation de télécom 2018-214, le Conseil a indiqué qu’il déciderait dans le cadre de cette instance si une compensation était nécessaire étant donné le retrait de la subvention du service local et, le cas échéant, qu’il envisagerait une approche appropriée. Ainsi, le Conseil n’a formulé aucune hypothèse, explicite ou implicite, selon laquelle il était possible ou approprié d’augmenter les tarifs de SLB de l’ITPA ou de toute autre ESLT. En fait, le Conseil a indiqué explicitement qu’il n’avait pas le dossier nécessaire pour tirer des conclusions sur ce point et a d’ailleurs laissé ouverte la question à savoir si une compensation est nécessaire et, le cas échéant, les approches possibles en matière de compensation, dans l’avis de consultation de télécom 2018-214.
  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que l’ITPA n’a pas démontré qu’il existe un doute réel quant à l’exactitude de la politique réglementaire de télécom 2018-213 en raison de toute hypothèse implicite formulée par le Conseil selon laquelle l’augmentation des tarifs du SLB autonome constituerait une source potentielle de revenus de remplacement de la perte de la subvention du service local.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil rejette la demande de l’ITPA de réviser et de modifier la politique réglementaire de télécom 2018-213.

Secrétaire général

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