Décision de télécom CRTC 2018-82

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Ottawa, le 5 mars 2018

Dossier public : 8663-J64-201611913

Iristel Inc. – Demande concernant la mise en œuvre de la concurrence locale dans la circonscription d’Aylmer (Ontario)

Le Conseil conclut que la demande d’Iristel Inc. (Iristel) concernant la mise en œuvre de la concurrence locale dans la circonscription d’Aylmer (Ontario) a été faite de bonne foi. Par conséquent, le Conseil ordonne à Eastlink de déposer un plan de mise en œuvre de la concurrence locale auprès du Conseil dans un délai de 30 jours suivant la confirmation par Iristel de son intention de livrer concurrence dans la circonscription d’Aylmer à titre d’entreprise de services locaux concurrente de type I.

Les conclusions tirées par le Conseil dans la présente décision éliminent un obstacle à la mise en œuvre de la concurrence locale dans la circonscription d’Aylmer.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande d’Iristel Inc. (Iristel), datée du 17 novembre 2016, dans laquelle elle a demandé que le Conseil ordonne à Bragg Communications Incorporated, faisant affaires sous le nom d’Eastlink (Eastlink), de : i) mettre en œuvre la concurrence locale dans la circonscription d’Aylmer (Ontario); ii) d’établir des interconnexions avec Iristel par l’entremise d’une installation à coûts partagés et d’accomplir toute autre activité nécessaire pour permettre à Iristel de livrer concurrence dans cette circonscription.
  2. Iristel a fait valoir que sa demande pour la mise en œuvre de la concurrence locale dans la circonscription d’Aylmer a été faite de bonne foi, puisqu’elle est un fournisseur de services doté d’installations dans d’autres régions du Canada et qu’elle prévoit déployer des installations de transmission dans la circonscription d’Aylmer. Elle a également indiqué qu’elle compte livrer une concurrence vigoureuse afin d’obtenir la clientèle d’utilisateurs finals dans la circonscription d’Aylmer à titre d’entreprise de services locaux concurrente (ESLC) de type INote de bas de page 1 dotée d’installations et de fournisseur de services de communication vocale sur protocole Internet (VoIP).
  3. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande d’Iristel de la part d’Eastlink, de l’Independent Telecommunications Providers Association et de TELUS Communications Inc. (TCI)Note de bas de page 2.

Contexte

  1. En décembre 2015, Iristel a demandé à Eastlink de mettre en œuvre la concurrence locale dans la circonscription d’Aylmer, qui est située dans le territoire d’exploitation de la petite entreprise de services locaux titulaire (ESLT) Amtelecom Telco GP Inc. (Amtelecom)Note de bas de page 3.
  2. Cependant, Eastlink a rejeté la demande d’Iristel en février 2016. Eastlink estimait que la demande d’Iristel n’avait pas été faite de bonne foiNote de bas de page 4. Eastlink a soutenu qu’elle avait conclu cela parce qu’Iristel n’avait pas d’infrastructure dans la circonscription d’Aylmer, qu’elle ne prévoyait pas en établir et qu’elle ne comptait pas desservir la circonscription à titre de fournisseur doté d’installations. Eastlink a également dit craindre que les prévisions élevées relatives au service d’accès au réseau (SAR)Note de bas de page 5 d’Iristel ne soient pas raisonnables et soient liées à l’activité de grossiste prévue d’Iristel de vendre des numéros de téléphone de sélection directe à l’arrivée (SDA)Note de bas de page 6 à l’extérieur de la circonscription.
  3. Dans une lettre datée du 9 septembre 2016, Iristel a demandé que le Conseil tranche le différendNote de bas de page 7. Dans une lettre datée du 31 octobre 2016, le personnel du Conseil a fermé le dossier associé à la demande d’Iristel parce qu’il était d’avis que le différend ne devait pas être résolu au moyen d’un processus informel, mais plutôt dans le cadre d’une demande en vertu de la partie 1.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé que les questions suivantes devraient être examinées dans la présente décision :
    • Existe-t-il des questions réglementaires concernant la façon dont Iristel prévoit offrir des services locaux dans la circonscription d’Aylmer qui feraient en sorte que sa demande ne soit pas considérée comme ayant été faite de bonne foi?
    • Existe-t-il des questions réglementaires concernant le plan d’affaires d’Iristel et ses prévisions à l’égard des numéros de téléphone qui feraient en sorte que sa demande ne soit pas considérée comme ayant été faite de bonne foi?

Existe-t-il des questions réglementaires concernant la façon dont Iristel prévoit offrir des services locaux dans la circonscription d’Aylmer qui feraient en sorte que sa demande ne soit pas considérée comme ayant été faite de bonne foi?

Positions des parties

  1. Iristel a signalé qu’elle était inscrite auprès du Conseil à titre d’ESLC de type I en raison de l’importance de sa propriété et des activités de ses installations de transmission partout au Canada. Pour ce qui est de la circonscription d’Aylmer, Iristel a indiqué qu’elle avait l’intention de construire des installations de transmission par fibre connectant son commutateur aux commutateurs local et de transit d’Eastlink. Selon Iristel, cela constituerait une installation de construction conjointe avec Eastlink, selon les procédures du Comité directeur du CRTC sur l’interconnexion (CDCI) sur les constructions conjointes.
  2. Iristel a précisé que la définition du terme « installation de transmission » établie au paragraphe 2(1) de la Loi sur les télécommunications (Loi) indique clairement qu’une installation inclut tout fil ou câble utilisé pour la transmission d’information entre des points d’arrivée du réseau. Iristel a précisé que, par conséquent, son installation de construction conjointe de transmission par fibre connectant son commutateur aux commutateurs local et de transit d’Eastlink serait admissible à titre d’installation de transmission.
  3. Iristel a souligné qu’en plus de posséder la fibre, elle serait également responsable de son exploitation. Selon Iristel, cela prouve qu’elle est engagée à desservir les consommateurs dans la circonscription d’Aylmer à titre de fournisseur doté d’installations.
  4. Eastlink a fait valoir que la demande d’Iristel n’a pas été faite de bonne foi parce qu’Iristel n’est pas un fournisseur doté d’installations. En particulier, elle a soutenu que le fait d’exploiter quelques mètres de fibre ne faisait pas d’Iristel un fournisseur doté d’installations en vertu de la Loi ou du régime réglementaire du Conseil pour la concurrence locale, et que le plan d’Iristel de mener des activités à titre de fournisseur de services VoIP mobilesNote de bas de page 8 ne lui permettait pas de se qualifier à titre d’entreprise de services locaux (ESL) dotée d’installations admissible à la concurrence locale.
  5. Selon Eastlink, une demande de bonne foi est présentée par une partie qui est en processus de construire une infrastructure dans une circonscription, ou par une partie qui possède une infrastructure existante dans une circonscription. Eastlink a soutenu qu’il est essentiel que les avantages de l’interconnexion dotée d’installations soient réservés à ceux qui déploient une infrastructure moderne et concurrentielle dans une circonscription; autrement, il n’y aurait aucun incitatif pour un tel déploiement. Eastlink a précisé que le traitement différent entre les fournisseurs non dotés d’installations et les fournisseurs dotés d’installations est important pour s’assurer que les fournisseurs de services canadiens sont encouragés à établir des réseaux de calibre mondial, à étendre leurs réseaux dans les régions rurales et à adapter les technologies aux besoins changeants des Canadiens.
  6. Eastlink a indiqué qu’il serait inapproprié et incompatible avec les politiques du Conseil sur la concurrence locale qu’elle présente un plan de mise en œuvre de la concurrence localeNote de bas de page 9 pour un fournisseur de services VoIP mobiles par contournement comme Iristel. Eastlink s’est également dite préoccupée par la manière dont Iristel a prévu offrir le service 9-1-1, soit à titre de fournisseur de services VoIP mobiles plutôt qu’à titre d’ESLC de type I.
  7. Eastlink a ajouté que le Conseil devrait déterminer si le cadre de concurrence locale fondée sur les installations établi dans la politique réglementaire de télécom 2011-291 vise à permettre aux fournisseurs de services VoIP mobiles de lancer la mise en œuvre de la concurrence locale dans les circonscriptions d’une zone de desserte à coût élevé où aucune ESL n’a établi de réseau concurrentiel ou ne prévoit en établir.
  8. TCI a appuyé la demande d’Iristel, à condition que le Conseil accepte Iristel à titre de fournisseur de services de télécommunication (FST) indépendant doté d’installations qui peut être évalué pour déterminer s’il y a des concurrents présents dans une circonscription locale dans le but de répondre aux critères d’abstention locale.
  9. TCI a fait valoir qu’Iristel respecte peut-être le critère pour être considérée comme un concurrent local, mais elle ne serait pas considérée comme un FST de lignes fixes doté d’installations dans le cadre d’une demande d’abstention locale. TCI a donc demandé que le Conseil réexamine sa conclusion rendue dans la décision de télécom 2013-290 et accepte prospectivement la présence d’entreprises de services  VoIP indépendants de l’accès dans le critère d’abstention locale.
  10. Iristel a déclaré que le Conseil a approuvé le modèle d’exploitation des ESLC de services VoIP et qu’il n’exige pas qu’elle offre ses services sur le réseau téléphonique public commuté (RTPC) si elle préfère offrir ses services par l’entremise d’une application sur protocole Internet. Iristel a ajouté que son choix d’utiliser la technologie VoIP ne change pas le fait qu’elle est une ESLC de type I. Selon Iristel, il en est ainsi parce qu’elle fournira ses propres installations de commutation et qu’elle établira une interconnexion directe avec Eastlink plutôt que de dépendre des installations d’une ESL tierce à cette fin.
  11. Iristel a également précisé qu’elle ne s’opposait pas à la condition proposée par TCI et qu’elle était tout à fait disposée à livrer concurrence dans la circonscription d’Aylmer, de même que dans d’autres circonscriptions au Canada, qu’elles soient assujetties à une abstention ou non.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Dans la décision de télécom 2006-14, le Conseil a établi le cadre pour la concurrence locale dans les territoires d’exploitation des petites ESLT. Il a permis l’entrée en concurrence dans ces territoires en autorisant la revente des services locaux des petites ESLT. Toutefois, le Conseil a fait valoir que tous les avantages de la concurrence ne pourront se concrétiser qu’au moyen d’une forme de concurrence fondée sur les installations. En tenant compte des ressources limitées des petites ESLT, et puisque l’entrée en concurrence n’était pas prévue dans tous les territoires d’exploitation des petites ESLT, le Conseil a conclu que les petites ESLT n’auraient à déposer des projets de tarifs pour les services aux concurrents que si elles reçoivent une demande de bonne foi d’un concurrent. Le Conseil a ordonné à chaque petite ESLT de déposer un plan de mise en œuvre auprès du Conseil dans les 30 jours suivant une expression d’intérêt officielle signée d’une ESL ou d’une entreprise demandant à utiliser les services aux concurrents dans le territoire d’une petite ESLT.
  2. La décision de télécom 2006-14 ne définit pas explicitement ce qui est considéré comme une demande de bonne foi. D’après le Conseil, une demande de bonne foi est une demande véritable ou de bonne foi faite pour mettre en œuvre un certain degré de concurrence locale fondée sur les installations dans le territoire d’exploitation d’une petite ESLT. Même si la mise en œuvre de la concurrence locale dans les territoires d’exploitation des petites ESLT découle, à ce jour, des demandes des câblodistributeurs ou autres entreprises ayant plus d’installations dans les circonscriptions données qu’Iristel tente de construire, rien n’empêche le Conseil d’interpréter le cadre de façon plus large pour offrir les avantages de la concurrence locale aux abonnés dans les territoires d’exploitation des petites ESLT.
  3. Le paragraphe 2(1) de la Loi définit le terme « installation de télécommunication » comme suit : installation, appareils ou toute autre chose servant ou pouvant servir à la télécommunication ou à toute opération qui y est directement liée, y compris les installations de transmission. La Loi définit le terme « installation de transmission » comme suit : tout système électromagnétique — notamment fil, câble ou système radio ou optique — ou tout autre procédé technique pour la transmission d’information entre des points d’arrivée du réseau, mais ne comprend pas les appareils de transmission exclus, tel qu’ils sont définis au paragraphe 2(1).
  4. Le Conseil estime que le plan précis d’Iristel de déployer une installation de fibre connectant son commutateur aux commutateurs local et de transit d’Eastlink au point convenu mutuellement est admissible à titre d’installation de transmission. Cette installation de fibre sera alors également considérée comme une installation de télécommunication en vertu de la Loi, puisque la définition d’une installation de télécommunication comprend l’installation de transmission. Les commutateurs d’Iristel et d’Eastlink seraient considérés comme des points d’arrivée du réseau, et la fibre serait considérée comme un fil ou un câble, utilisé pour la transmission d’information, qui n’est pas un appareil de transmission exclu. Par conséquent, il est raisonnable pour le Conseil de conclure qu’Iristel mettrait en œuvre des installations de télécommunication, telles qu’elles sont définies au paragraphe 2(1) de la Loi.
  5. En outre, le Rapport de consensus sur les installations de construction conjointe du Groupe de travail Réseau du CDCI, qui a été approuvé par le Conseil, indique que les installations qui sont construites entre le point d’interconnexion d’une ESL et le point convenu mutuellement sont considérées comme des installations de transmission. Tant qu’Iristel cherche à pénétrer le marché dans la circonscription d’Aylmer à titre d’ESLC, Eastlink a l’obligation d’établir une interconnexion avec Iristel par l’entremise d’une installation de construction conjointe.
  6. De plus, Iristel serait considérée comme une ESLC de type I, ou un fournisseur doté d’installations dans la circonscription d’Aylmer, et devrait donc répondre aux conditions du Conseil pour l’accès de l’ESLC de type I à cette circonscription.
  7. En ce qui a trait à la déclaration d’Eastlink sur la nécessité de déposer un plan de mise en œuvre de la concurrence locale pour un fournisseur de services VoIP mobiles, le Conseil fait remarquer que dans la décision de télécom 2007-109, il a déterminé que les aspects du cadre réglementaire des services VoIP pour les grandes ESLT s’appliqueraient aux petites ESLT. L’élément principal de la décision, en lien avec l’instance actuelle, est le Conseil qui a ordonné à chaque petite ESLT de déposer auprès de lui un plan de mise en œuvre de la concurrence locale dans les 30 jours suivant la réception d’une expression d’intérêt officielle signée d’une ESL ou d’une entreprise demandant à utiliser les services aux concurrents dans le territoire d’une petite ESLT afin de fournir des services VoIP.
  8. Le Conseil estime que cette directive indique clairement que la petite ESLT doit déposer un plan de mise en œuvre de la concurrence locale lorsque cela est demandé par un fournisseur de services VoIP qui est également une ESL ou une entreprise. Comme il est indiqué ci-dessus, Iristel serait considérée comme une ESLC de type I dans la circonscription d’Aylmer tant qu’elle répond aux conditions du Conseil concernant le statut d’ESLC de type I.
  9. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’existe aucune question réglementaire concernant la façon dont Iristel prévoit offrir des services locaux dans la circonscription d’Aylmer qui feraient en sorte que sa demande ne soit pas considérée comme ayant été faite de bonne foi.

Existe-t-il des questions réglementaires concernant le plan d’affaires d’Iristel et ses prévisions à l’égard des numéros de téléphone qui feraient en sorte que sa demande ne soit pas considérée comme ayant été faite de bonne foi?

Positions des parties

  1. Iristel a fait valoir que son principal objectif est de livrer une vive concurrence afin d’obtenir la clientèle d’utilisateurs finals dans la circonscription d’Aylmer et qu’elle ne cherche pas à pénétrer le marché dans la circonscription d’Aylmer principalement pour accéder à des numéros de SDA en vue de les vendre dans le marché de gros, comme l’a laissé entendre Eastlink.
  2. Iristel a également indiqué qu’il ne serait pas logique d’accéder au marché dans la circonscription d’Aylmer à titre de fournisseur doté d’installations si son principal objectif était de vendre des services de SDA de gros. Elle a fait valoir que d’importants coûts seraient associés à la construction conjointe requise pour établir une interconnexion avec le réseau d’Eastlink, et qu’aucune analyse de rentabilisation n’a été réalisée pour aller de l’avant, comme l’a prétendu Eastlink.
  3. Iristel a également indiqué que les prévisions relatives au SAR deviennent un indicateur trompeur du nombre d’abonnés qu’une ESLC espère attirer, car de plus en plus de technologies avancées de l’Internet des objets (IdO) sont déployées dans le marché et celles-ci permettent de connecter une vaste gamme d’appareils ménagers à Internet à partir d’un numéro de téléphone.
  4. Eastlink a fait valoir que rien n’exige de mettre en œuvre la concurrence locale simplement pour permettre aux fournisseurs de services non dotés d’installations de vendre des services locaux de SDA de gros à l’extérieur de la circonscription. Elle a précisé que cette approche serait contraire au cadre réglementaire pour la concurrence locale, qui vise à promouvoir la concurrence fondée sur les installations dans chaque circonscription canadienne; la demande d’Iristel n’a donc pas été faite de bonne foi.
  5. Eastlink et TCI ont fait remarquer que la demande en vertu de la partie 1 présentée par Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) concernant la stimulation du traficNote de bas de page 10 et la commercialisation par Iristel de numéros de téléphone dans des zones de desserte à coût élevé à l’échelle internationale soulevaient de nouvelles préoccupations concernant l’intention d’Iristel relativement à la circonscription d’Aylmer. Eastlink a signalé qu’il en est ainsi parce que les tarifs de raccordement direct dans la circonscription d’Aylmer sont également supérieurs à la moyenne nationale, étant donné que la circonscription est située dans une zone de desserte à coût élevé.
  6. De plus, TCI a dit craindre que l’accès d’Iristel au marché dans la circonscription d’Aylmer soit motivé, au moins en partie, par les possibilités financières que procure la stimulation du trafic. Cependant, elle a fait valoir qu’elle n’aborderait pas ce sujet dans son intervention, car la présumée stimulation du trafic de la part d’Iristel fait l’objet d’une demande en vertu de la partie 1 distincte.
  7. Eastlink a indiqué que les numéros de téléphone ne sont pas nécessaires pour connecter les appareils des utilisateurs finals à Internet, qu’il serait inefficace sur le plan économique de recourir aux numéros de téléphone pour les milliards de connexions IdO prévues à l’échelle mondiale et que cela entraînerait un nombre extrême de contraintes de ressources. Elle a fait valoir qu’il n’est donc pas crédible qu’Iristel ait une demande si élevée pour des connexions IdO dans la circonscription d’Aylmer.
  8. Iristel a répliqué qu’elle n’a pas établi de prévisions du nombre de clients utilisant le service local qui devraient, selon elle, être situés physiquement à l’extérieur de la circonscription d’Aylmer. Elle a fait valoir qu’il lui serait impossible d’établir de telles prévisions, puisque les numéros de VoIP peuvent être utilisés partout et que les utilisateurs finals peuvent se déplacer à l’intérieur et à l’extérieur de la circonscription d’Aylmer.
  9. Cependant, Iristel a indiqué qu’elle est incroyablement optimiste à propos de l’avenir du marché de l’IdO et a prédit une croissance importante de ce marché au cours des prochaines années. Iristel a indiqué que, selon son expérience dans d’autres circonscriptions du Canada, ses prévisions étaient raisonnables, et elle a rejeté les allégations d’Eastlink et de TCI selon lesquelles l’intérêt qu’elle manifestait envers la circonscription d’Aylmer était motivé par un désir de participer à des activités de stimulation du trafic.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil estime que tant qu’Iristel respecte les règles relatives à l’utilisation et à l’attribution des numéros de téléphone, comme le format des numéros et le protocole relatif à la composition figurant dans le plan de numérotation téléphonique canadien et le plan de composition sérialisée du Consortium de gestion de la numérotation canadienne, elle n’enfreindrait aucune règle relativement à son utilisation des services de SDA. Par exemple, aucune règle n’empêche une ESL de revendre des numéros de SDA à d’autres fournisseurs de services de télécommunication ou de fournir des numéros de téléphone locaux à des personnes ou à des entreprises situées à l’extérieur d’une circonscription. Dans le présent cas, comme Iristel n’a pas encore accédé à la circonscription à titre d’ESLC, on ne peut pas considérer qu’elle a contrevenu à une règle dans cette circonscription.
  2. Le Conseil fait remarquer qu’Iristel prévoit effectuer un investissement financier dans la circonscription d’Aylmer en déployant des installations de fibre. Cet investissement indiquerait que la demande d’Iristel a été faite de bonne foi afin de mettre en œuvre une concurrence locale fondée sur les installations.
  3. Pour ce qui est de la stimulation du trafic, ces pratiques peuvent accorder à certaines parties une préférence indue et faire subir à d’autres un désavantage indu ou déraisonnable correspondant, en violation du paragraphe 27(2) de la Loi.
  4. Le Conseil note que le régime relatif à l’interconnexion des réseaux locaux inclut des mécanismes régulateurs afin de corriger les déséquilibres importants du trafic. Par exemple, dans la décision de télécom 2010-787, le Conseil a mis en œuvre un régime de compensation révisé dans les territoires d’exploitation de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et de Bell Canada (collectivement les compagnies Bell), dans le cadre duquel la compensation payable en raison d’un déséquilibre de trafic est réduite cumulativement lorsqu’il existe un déséquilibre de trafic important entre les ESL (régime de compensation révisé).
  5. Dans la décision de télécom 2014-60, le Conseil a déterminé qu’il serait approprié d’étendre le régime de compensation révisé aux territoires d’exploitation de TCI. Dans cette même décision, le Conseil a également fait remarquer que les ESL qui exercent des activités dans le territoire d’exploitation que dessert MTS Inc. à titre d’ESLT pouvaient aussi déposer une demande tarifaire pour réclamer la mise en œuvre du régime de compensation révisé dans ce territoire.
  6. Le Conseil estime que, dans l’éventualité où il recevait des éléments de preuve démontrant des problèmes de déséquilibre de trafic dans le territoire d’exploitation d’Amtelecom similaires à ceux ayant donné lieu à la décision de télécom 2010-787, il pourrait amorcer une instance afin d’examiner si le type de régime de compensation révisé établi dans cette décision devrait également s’appliquer dans le territoire d’exploitation d’Amtelecom.
  7. Bien qu’aucun mécanisme équivalent n’existe actuellement dans le régime d’acheminement des appels interurbains, le Conseil fait remarquer que dans la décision de télécom 2017-456, il a conclu qu’Iris Technologies Inc. et Iristel, en participant à des activités visées par l’arbitrage réglementaire, se sont accordées une préférence indue et en ont accordé une à plusieurs autres entités, et ont fait subir à RCCI un désavantage indu correspondant. Par conséquent, le Conseil a ordonné à Iris Technologies Inc. et à Iristel, ainsi qu’à leurs sociétés affiliées, de mettre fin à certains types d’ententes, de ne pas conclure de nouvelles ententes et de remettre un rapport au Conseil confirmant sa conformité à cette directive.
  8. Le Conseil estime que les conclusions qu’il a rendues dans cette décision ont envoyé un message clair à Iristel et à l’industrie concernant l’utilisation de pratiques de stimulation du trafic, et qu’il serait prématuré d’examiner les préoccupations précises soulevées dans le cas présent, étant donné que les services locaux de l’entreprise ne sont pas encore disponibles dans le territoire d’exploitation d’Amtelecom.
  9. Par conséquent, le Conseil conclut qu’il n’existe actuellement aucune question réglementaire concernant le plan d’affaires d’Iristel et ses prévisions à l’égard des numéros de téléphone qui feraient en sorte que sa demande ne soit pas considérée comme ayant été faite de bonne foi.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu’aucune question réglementaire n’indique que la demande présentée par Iristel concernant la concurrence locale dans la circonscription d’Aylmer n’a pas été faite de bonne foi. D’après le Conseil, il s’agit d’une demande véritable ou de bonne foi concernant la concurrence locale fondée sur les installations dans le territoire d’exploitation d’Amtelecom.
  2. Cependant, en raison du temps écoulé depuis le différend initial, il serait approprié qu’Iristel confirme d’abord qu’elle a toujours l’intention de livrer concurrence dans la circonscription d’Aylmer à titre d’ESLC de type I.
  3. Par conséquent, le Conseil ordonne :
    • à Iristel de confirmer à Eastlink et au Conseil, au plus tard le 15 mars 2018, son intention de livrer concurrence dans la circonscription d’Aylmer à titre d’ESLC de type I;
    • à Eastlink de lui présenter un plan de mise en œuvre de la concurrence locale dans les 30 jours suivant la confirmation de l’intention d’Iristel.
  4. Le Conseil fait remarquer qu’il a l’intention de prendre des mesures si des éléments de preuve démontrent que les parties participent à des activités visées par l’arbitrage réglementaire (comme la stimulation du trafic), en violation du paragraphe 27(2) de la Loi.

Autre question

  1. Dans ses interventions, TCI a demandé que le Conseil réexamine sa conclusion rendue dans la décision de télécom 2013-290 et qu’il accepte prospectivement la présence d’entreprises de services VoIP indépendants de l’accès dans le critère d’abstention locale.
  2. Le Conseil estime que l’instance actuelle ne constitue pas un cadre approprié pour aborder cette question. Le Conseil fait remarquer qu’il a indiqué dans son Plan triennal 2017-2020 qu’il a l’intention d’amorcer une instance en vue d’examiner ses politiques concernant les régimes de plafonnement des prix et d’abstention locale.

Secrétaire général

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