Décision de télécom CRTC 2017-456

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Ottawa, le 20 décembre 2017

Dossier public : 8622-R28-201611781

Rogers Communications Canada Inc. – Allégation de stimulation du trafic par Iris Technologies Inc. et Iristel Inc.

Le Conseil conclut qu’Iris Technologies Inc. et Iristel Inc. (collectivement Iristel), en participant à des activités visées par l’arbitrage réglementaire, se sont accordées une préférence indue et en ont accordé une à plusieurs autres entités, et ont fait subir à Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) un désavantage indu correspondant. Par conséquent, le Conseil ordonne à Iristel et à leurs sociétés affiliées, dans un délai de 30 jours suivant la date de la présente décision : a) de mettre fin à toute entente qui attribue à Free Conference Call Global (FCCG) des numéros dans l’indicatif régional 867 qui sont en fin de compte utilisés par AudioNow, et de ne pas conclure de nouvelles ententes avec FCCG et ses sociétés affiliées; b) de remettre un rapport au Conseil confirmant sa conformité à cette directive.

Demande

  1. Le 16 novembre 2016, le Conseil a reçu de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI) une demande alléguant qu’Iris Technologies Inc. et Iristel Inc. (collectivement Iristel)se sont livrées à des pratiques de stimulation du trafic. RCCI a indiqué qu’Iristel, en utilisant la stimulation du trafic pour générer un trafic excessif d’acheminement d’appels interurbains, se sont accordées une préférence indue ou déraisonnable et ont fait subir à RCCI et à ses clients un désavantage indu ou déraisonnable, ce qui contrevient au paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications (Loi).
  2. RCCI a allégué qu’Iristel avaient conclu des ententes avec d’autres entreprises, y compris une compagnie appelée AudioNow, dont les activités visent à bénéficier du service d’appels illimités dans l’ensemble du Canada offert par RCCI et d’autres entreprises afin de profiter des frais de raccordement plus élevés applicables dans certaines zones de desserte à coût élevé (ZDCE), notamment dans les Territoires du Nord-OuestNote de bas de page 1.
  3. RCCI a réclamé au Conseil les mesures de redressement suivantes :
    • ordonner à Iristel de ne plus fournir de services de téléphonie locale ou de numéros de téléphone locaux pour le service sur appel (Call-to-Listen)Note de bas de page 2 fourni par AudioNow et pour les autres services d’appels entrants;
    • interdire aux entreprises de services locaux (ESL) de rembourser ou de payer aux clients une part des revenus des services d’interconnexion (p. ex. dans le cadre d’une entente de partage des revenus) en échange de services sur appel dans leurs circonscriptions locales;
    • ordonner à Iristel de rembourser à RCCI la différence entre les frais de raccordement du trafic interurbain dans les Territoires du Nord-Ouest et les frais de raccordement de ce même trafic à la destination finale des appels.
  4. De plus, RCCI a demandé au Conseil qu’il réduise les tarifs des entreprises de services locaux concurrentes (ESLC) pour le raccordement du trafic d’Iristel payables par les entreprises de services intercirconscriptions (ESI)Note de bas de page 3 et les fournisseurs de services de télécommunication (FST) pour le trafic interurbain destiné à l’acheminement local des numéros de téléphone desservis par Iristel.
  5. RCCI a également demandé au Conseil de publier une ordonnance afin de rendre provisoires les tarifs facturés par Iristel pour le raccordement du trafic intercirconscriptions dans les Territoires du Nord-Ouest, en attendant l’issue de l’instance. RCCI a ajouté que si le Conseil réduit les tarifs facturés par Iristel comme elle l’a demandé, il devrait veiller à ce que les nouveaux tarifs soient appliqués rétroactivement à partir de la date de son ordonnance provisoire.
  6. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de RCCI de la part d’AudioNow; de Bell Canada et Norouestel Inc. (collectivement les compagnies Bell); de Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink); du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC); de Free Conference Call Global (FCCG); de Freedom Mobile Inc. (Freedom Mobile); d’ISP Telecom Inc. (ISP Telecom); de Kepler Communications Inc. (Kepler); de Québecor Média inc., au nom de Vidéotron s.e.n.c. (Vidéotron); de Shaw Telecom G.P. (Shaw); de TELUS Communications Inc. (TCI)Note de bas de page 4; et de Yakfree LLC (Yakfree).
  7. De plus, les compagnies Bell ont déposé une demande auprès du Conseil le 31 janvier 2017, fondée sur la demande de RCCI dans la présente instance, dans laquelle elles proposaient d’établir un cadre de réglementation concernant la stimulation du trafic pour l’interconnexion des réseaux locaux. Les conclusions rendues par le Conseil à l’égard de cette demande sont établies dans la décision de télécom 2017-457, publiée en même temps que la présente décision.

Contexte

  1. Un appel interurbain est un appel téléphonique effectué par un utilisateur situé dans une circonscription à un utilisateur dans une autre circonscription qui n’est pas locale. En règle générale, l’appel est acheminé depuis la compagnie de téléphone de l’appelant par une ESI vers la compagnie de téléphone du destinataire.
  2. Dans la décision de télécom 97-19, le Conseil a établi l’actuel régime d’interconnexion des réseaux interurbains, en s’abstenant de réglementer les tarifs des services interurbains au motif que de tels services étaient suffisamment concurrentiels pour protéger les intérêts des usagers. Le Conseil s’est abstenu d’exiger des entreprises de services locaux titulaires (ESLT) [c.-à-d. les compagnies membres de StentorNote de bas de page 5] qu’elles obtiennent l’approbation du Conseil pour les tarifs et les taux des services interurbains, aux termes de l’article 25 de la Loi. De plus, les compagnies non membres de Stentor n’étaient pas tenues d’obtenir l’approbation du Conseil avant de donner effet à tout accord ou à toute entente, aux termes de l’article 29 de la Loi.
  3. Dans ses décisions et ordonnances subséquentes, le Conseil a précisé le régime d’interconnexion des réseaux interurbains. Il s’est abstenu de réglementer les services interurbains et d’exiger l’approbation préalable d’ententes d’interconnexion entre des entreprises, et a élargi ses conclusions afin d’inclure d’autres types d’entreprises, comme les petites ESLT. Ainsi, bien que des mécanismes réglementaires continuent d’exister dans le régime d’interconnexion locale, les tarifs et les ententes concernant le régime d’acheminement des appels interurbains sont négociés commercialement entre les compagnies. Le Conseil ne s’est toutefois pas abstenu de la possibilité d’imposer des conditions aux termes de l’article 24 de la Loi, ou de continuer à réglementer les entreprises canadiennes aux termes de l’article 24 et des paragraphes 27(2) à 27(4) de la Loi.
  4. La stimulation du trafic, aussi appelée « pompage de la circulation », est une pratique par laquelle un fournisseur de services téléphoniques provoque l’augmentation, ou permet l’augmentation, du volume ou des minutes d’appels au-delà du seuil prévu. De telles pratiques peuvent être acceptables; toutefois, selon les circonstances, elles peuvent plutôt accorder à certaines parties une préférence indue et faire subir à d’autres un désavantage indu ou déraisonnable correspondant, en violation du paragraphe 27(2) de la Loi. Le Conseil ne reçoit pas souvent de demandes alléguant qu’il y a une stimulation du trafic; le cas échéant, ces demandes sont traitées au cas par cas.

Contexte

  1. RCCI offre un forfait d’appels illimités dans l’ensemble du Canada, qui comprend les appels vers les ZDCE (p. ex. Territoires du Nord-Ouest et Yukon), où les frais de raccordement des appels sont plus élevés que dans les zones autres que les ZDCE (comme Toronto). RCCI et Iristel ont négocié commercialement une entente sur le raccordement du trafic sortant, en vertu de laquelle Iristel acheminent et raccordent les appels interurbains des clients de RCCI vers l’indicatif régional (IR) 867 dans le Nord du CanadaNote de bas de page 6. L’IR 867 est situé dans une ZDCE.
  2. Certains numéros de téléphone de l’IR 867 d’Iristel sont attribués afin d’être utilisés par AudioNow par l’intermédiaire de deux autres entités, soit FCCG et Yakfree. AudioNow offre à ses auditeurs l’accès à des audiodiffusions par l’intermédiaire de sa plateforme « Call-to-Listen », qui est située en Virginie aux États-Unis, laquelle leur permet de se connecter au radiodiffuseur de leur choix en effectuant un appel téléphonique.
  3. Par conséquent, lorsqu’un client de RCCI ayant un forfait d’appels illimités à Toronto, par exemple, compose le numéro du service Call-to-Listen d’AudioNow en Virginie, l’appel est acheminé à l’adresse associée au numéro composé dans l’IR 867 et le client est ensuite connecté au service de diffusion en continu d’AudioNow en Virginie. Iristel facturent RCCI à la minute pendant que l’appel est actif (c.-à-d. aussi longtemps que l’appelant de Toronto utilise le service de diffusion en continu d’AudioNow).

Questions

  1. Le Conseil a déterminé que les questions ci-après devraient être examinées dans la présente décision :
    • Iristel ont-elles contrevenu à une mesure réglementaire du Conseil?
    • Dans l’affirmative, quelles mesures, le cas échéant, le Conseil devrait-il prendre pour aborder la violation d’Iristel?
    • Le Conseil devrait-il modifier les tarifs de raccordement du trafic d’Iristel?

Iristel ont-elles contrevenu à une mesure réglementaire du Conseil?

  1. RCCI a fait valoir qu’Iristel, en concluant des ententes avec deux autres entités, avaient pris des mesures délibérées pour stimuler artificiellement le trafic interurbain vers l’IR 867 en acheminant les appels vers le service Call-to-Listen d’AudioNow dans cette zone afin de tirer profit du tarif élevé pour le raccordement du trafic interurbain dans cette zone. RCCI a fait remarquer qu’Iristel avaient révélé que FCCG était la partie à laquelle elles avaient fourni les numéros de téléphone dans l’IR 867 en question. RCCI a soutenu que ce raccordement était insensé du point de vue de l’efficience du réseau et qu’il avait pour effet de faire « descendre » le trafic dans l’un des lieux d’arrivée d’appels interurbains les plus coûteux au Canada.
  2. De plus, RCCI a fait remarquer que même si elle avait fait appel à une autre ESI plutôt qu’à Iristel, le trafic en question aurait tout de même été raccordé au réseau local d’Iristel situé dans l’IR 867, et que l’autre ESI aurait quand même dû payer Iristel, et que c’est RCCI qui aurait dû payer le montant en définitive.
  3. RCCI a indiqué que son trafic interurbain raccordé à certains numéros de téléphone attribués à Iristel dans l’IR 867 avait commencé à considérablement augmenter en 2015 : entre septembre 2015 et septembre 2016, ce trafic avait augmenté de 24 246 %.
  4. RCCI a fait valoir que les courbes de trafic des appels des clients destinés au service Call-to-Listen d’AudioNow étaient très différentes de celles des autres appels destinés à d’autres numéros de l’IR 867. Elle a noté que la durée de certains appels destinés au service Call-to-Listen dépassait 450 minutes, et qu’en janvier 2017, sept clients individuels avaient généré chacun plus de 10 000 minutes. RCCI a fait remarquer qu’en janvier 2017, un de ses clients avait passé 37 212 minutes au téléphone sur un total possible de 43 200 minutes. RCCI a également noté des appels simultanés apparents à plus d’un numéro d’AudioNow; par exemple, un client a généré 1 288 minutes durant une période de 840 minutes.
  5. RCCI a indiqué qu’à son avis, le partage des revenus était à l’origine des activités alléguées de stimulation du trafic. RCCI a soutenu que le profit est le seul incitatif logique pour lequel AudioNow et les autres compagnies touchées avaient utilisé des numéros de téléphone dans le Nord du Canada pour accéder à son service situé en Virginie. RCCI a donc proposé au Conseil d’interdire aux ESL de rembourser ou de payer aux clients une part des revenus des services d’interconnexion avec les clients (p. ex. dans le cadre d’une entente de partage des revenus) en échange de services sur appel dans leurs circonscriptions locales.
  6.  Freedom Mobile et TCI ont également fourni des éléments de preuve démontrant des courbes d’appels inhabituelles concernant AudioNow. TCI a fait valoir que, compte tenu de ces courbes, l’un de ses clients de détail semblait se livrer à une pratique continue et délibérée pour générer artificiellement des minutes aux numéros d’AudioNow.
  7. Les compagnies Bell ont fait part de préoccupations concernant l’utilisation de la stimulation artificielle du trafic dans le régime d’interconnexion des réseaux locaux pour générer des revenus de raccordement d’appels. Elles ont fait valoir que, de façon générale, la stimulation du trafic compromettait l’efficacité des systèmes de télécommunication puisqu’elle ajoutait des frais inutiles, gonflait artificiellement la demande dans les régions éloignées, et forçait les entreprises de télécommunication à ajouter des installations au-delà de ce qui serait normalement nécessaire.
  8. Iristel ont déclaré qu’elles ne participaient à aucune forme de stimulation du trafic et ont soutenu que RCCI avait négligé de démontrer qu’Iristel avaient agi d’une manière contraire au paragraphe 27(2) de la Loi. Iristel ont fait valoir que l’augmentation du trafic enregistrée par RCCI était entièrement attribuable à la tarification non concurrentielle des services de données sans fil mobiles au Canada et au comportement naturel des consommateurs, puisque ceux-ci choisissent d’utiliser des minutes de service vocal pour consommer des services audio afin d’éviter les coûts exorbitants associés aux données sans fil mobiles en continu.
  9. En ce qui concerne l’acheminement et le raccordement du trafic, Iristel ont indiqué qu’elles avaient attribué les numéros de téléphone utilisés par AudioNow à leur client, FCCG, mais qu’elles ignoraient comment, où et à qui leurs clients de services de gros ou revendeurs fournissaient leurs services. Iristel ont déclaré qu’elles ne s’immiscent pas dans les activités commerciales de leurs clients et que cela ne serait pas conforme à leurs obligations en tant qu’entreprises de télécommunication. Iristel ont indiqué que, de leur point de vue, le trafic destiné aux numéros attribués à ce client avait été raccordé dans l’IR 867.
  10. Iristel ont divulgué qu’elles avaient conclu une entente de partage des revenus avec FCCG, mais pas avec AudioNow. Elles ont soutenu que les ententes de partage des revenus étaient une approche de longue date utilisée sous diverses formes dans l’ensemble de l’industrie des télécommunications afin de réduire les coûts pour les FST et les clients.
  11. Iristel ont soutenu que, dans la présente instance, RCCI n’avait pas réussi à démontrer de manifestations de mauvaise foi qui auraient eu pour effet que l’entente de partage de revenus conclue par Iristel aurait enfreint les normes de l’industrie ou les obligations réglementaires du Conseil. Iristel ont fait valoir que le Conseil devrait donc refuser l’interdiction générale de toute forme d’entente de compensation aux clients.
  12. Le CORC a fait valoir que l’issue de la présente instance ne devrait pas donner lieu à de nouvelles obligations qui exigeraient que les FST surveillent la façon dont les clients utilisent leurs services ou à une nouvelle attribution de responsabilités aux FST en ce qui a trait à l’utilisation de ces services. Le CORC a soutenu que les FST ne devraient pas être tenus d’examiner minutieusement ni de surveiller les modèles d’affaires de leurs clients ni d’imposer des restrictions sur l’utilisation de leurs services, au-delà du respect des lois et décisions applicables du Conseil.
  13. FCCG a précisé qu’elle n’a aucune relation contractuelle ou stratégique avec AudioNow, mais qu’elle comprend qu’AudioNow est un client de Yakfree, qui, en retour, est un de ses clients.
  14. Yakfree a déclaré qu’elle avait conclu avec AudioNow une entente envisageant un partage des revenus. Selon les modalités de cette entente, les appels destinés à AudioNow sont acheminés à l’équipement de Yakfree, qui est situé dans des locaux partagés avec Iristel à Whitehorse, au Yukon, où une connexion par le protocole Internet (IP) est établie avec les services de diffusion en continu d’AudioNow.
  15. AudioNow a indiqué que sa mission consiste à fournir aux auditeurs l’accès à des services audio par l’intermédiaire de sa plateforme Call-to-Listen, laquelle permet aux auditeurs de se brancher au diffuseur de leur choix au moyen d’un simple appel téléphonique et d’écouter de la programmation en direct ou sur demande. AudioNow est en activité depuis 2008 et compte plus de 5 000 partenaires de radiodiffusion dans le monde entier. AudioNow a déclaré qu’elle fournit des services aux diffuseurs et que ses efforts de marketing ne ciblent pas activement les consommateurs. Elle a également déclaré qu’elle n’est pas affiliée aux fournisseurs de services mentionnés dans la présente instance.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. L’abstention du Conseil de la réglementation de l’interconnexion des réseaux urbains (à l’exception de l’article 24 ainsi que des paragraphes 27(2) à 27(4) de la Loi) avait pour but de favoriser le libre jeu du marché pour la prestation des services de télécommunication et de veiller à ce que la réglementation, le cas échéant, soit efficiente et efficace et, de fait, conçue pour faciliter les pratiques en matière d’interconnexion pouvant compenser les entreprises de télécommunication pour le raccordement d’appels aux fins d’acheminement naturel du trafic.
  2. Compte tenu du paragraphe 27(2) et de certains objectifs stratégiques énoncés dans l’article 7 de la Loi [en particulier les alinéas 7a), 7b), 7c) et 7h)], le Conseil souhaite s’assurer que le trafic est acheminé de manière efficace et que ses règlements ne sont pas utilisés à des fins d’arbitrage, ce qui contreviendrait à la Loi. Les activités d’arbitrage peuvent prendre plusieurs formes, y compris des pratiques où les parties utilisent les mécanismes de réglementation existants d’une façon autre que la façon prévue, afin d’en profiter sur le plan financier.
  3. Selon les renseignements contenus dans le dossier de la présente instance, dont certains ont été fournis à titre confidentiel, le trafic des appels effectués par les clients de RCCI aux numéros de téléphone dans l’IR 867 associés au service Call-to-Listen d’AudioNow est acheminé de la manière suivante :
    • RCCI achemine l’appel à son point d’interconnexion avec Iristel;
    • Iristel acheminent l’appel à l’adresse de destination du numéro de téléphone à Whitehorse, où l’équipement de Yakfree est installé (les locaux situés à cette adresse sont partagés avec Iristel à Whitehorse);
    • Yakfree utilise son équipement pour établir une connexion IP avec les services de diffusion en continu d’AudioNow en Virginie.
  4. De plus, le Conseil fait remarquer ce qui suit :
  5. Dans le cadre de ces ententes, les revenus générés par le raccordement des appels dans l’IR 867, selon l’entente sur le raccordement du trafic sortant d’Iristel avec RCCI, sont partagés, directement et indirectement, avec FCCG, Yakfree et AudioNow.
  6. En ce qui a trait à l’efficience du trafic, bien que les appels au service Call-to-Listen d’AudioNow puissent techniquement être raccordés à l’IR 867, le trafic supplémentaire lié à ces appels est relayé par réseau IP, qui connecte les appelants aux services IP d’AudioNow en Virginie, dans un IR différent. Bien qu’il puisse être justifié d’utiliser un numéro de téléphone dans l’IR 867 lorsque les services sollicités sont offerts dans un autre IR, les faits mentionnés au dossier soulèvent des inquiétudes dans la présente instance. Il n’existe aucune raison manifeste expliquant pourquoi FCCG, Yakfree et AudioNow utiliseraient ces numéros dans l’IR 867, en l’absence des ententes de partage des revenus en place.
  7. Par conséquent, le Conseil estime que les appels des clients de RCCI destinés à AudioNow sont en fin de compte acheminés de façon extrêmement inefficace en Virginie au moyen de l’IR 867. Cet acheminement inefficace du trafic, dans le cadre du régime d’interconnexion des réseaux interurbains soustrait à la réglementation, ne respecte pas les objectifs stratégiques susmentionnés et, selon RCCI, il n’est pas clair si l’utilisation d’une autre ESI suffirait à remédier à cette situation.
  8. Les augmentations considérables du trafic interurbain sur une courte période observées par RCCI, jumelées aux ententes de partage des revenus existantes conclues par Iristel, FCCG, Yakfree et AudioNow, indiquent clairement que les parties se livrant au partage des revenus profitent d’une source de revenus supplémentaire d’après leur tarif négocié dans l’entente sur le raccordement du trafic sortant entre RCCI et Iristel pour le raccordement des appels dans l’IR 867. Le Conseil fait remarquer que les tarifs de raccordement négociés pour les numéros situés dans des ZDCE sont généralement beaucoup plus élevés que les tarifs imposés pour les numéros situés dans des zones autres que les ZDCE. Par conséquent, ces parties ont un incitatif à stimuler le trafic vers le service Call-to-Listen d’AudioNow uniquement pour les revenus accrus que peut générer le raccordement des appels.
  9. Ainsi, compte tenu des circonstances générales quant à l’utilisation des numéros de l’IR 867 pour l’acheminement inefficace d’appels vers la Virginie, de la hausse extrême des volumes d’appels connexes et de l’existence entre certaines parties d’ententes de partage des revenus fondées sur le volume d’appels, le Conseil estime qu’Iristel ont participé à des activités visées par l’arbitrage réglementaire. Même si les éléments de preuve dans la présente instance ne démontrent pas qu’Iristel avaient une connaissance directe au départ que les pratiques de stimulation du trafic visant à générer artificiellement des minutes pour les services d’AudioNow se produiraient, les effets sont maintenant clairs et Iristel sont au courant de la situation, au moins depuis la date de la demande présentée par RCCI.
  10. Le Conseil doit examiner si ces activités visées par l’arbitrage réglementaire contreviennent au paragraphe 27(2) de la Loi, qui est libellé comme suit : « Il est interdit à l’entreprise canadienne, en ce qui concerne soit la fourniture de services de télécommunication, soit l’imposition ou la perception des tarifs y afférents, d’établir une discrimination injuste, ou d’accorder –y compris envers elle-même –une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature. » Le Conseil doit d’abord examiner si le comportement d’Iristel a donné lieu à de la discrimination, a accordé une préférence à une personne ou a fait subir un désavantage à une personne. Il doit ensuite déterminer si une préférence ou un désavantage était indu ou déraisonnable.
  11. L’attribution par Iristel de numéros dans l’IR 867 à FCCG, en plus de leur entente de partage des revenus applicable, a créé les conditions nécessaires pour que les activités visées par l’arbitrage réglementaire décrites plus haut se produisent. Par conséquent, le Conseil conclut qu’Iristel a) ont accordé une préférence à elles-mêmes, à FCCG, à Yakfree et à AudioNow sous la forme de revenus générés par ces activités, et b) ont fait subir à RCCI un désavantage sous la forme des coûts engagés par cette dernière à la suite de ces activités. Le Conseil estime que les consommateurs pourraient être désavantagés à long terme, à mesure que l’inefficacité de l’acheminement du trafic a une incidence sur l’efficacité et l’abordabilité du système de télécommunication à la suite de ces activités visées par l’arbitrage.
  12. En raison du volume énorme de trafic stimulé, de la durée excessive de certains appels et du coût financier découlant des activités visées par l’arbitrage décrites ci-dessus, le Conseil conclut, aux termes du paragraphe 27(2) de la Loi, que a) la préférence qu’Iristel ont accordée à elles-mêmes, à FCCG, à Yakfree et à AudioNow était indue, et b) que le désavantage connexe qu’Iristel ont fait subir à RCCI était également indu.

Quelles mesures, le cas échéant, le Conseil devrait-il prendre pour aborder la violation d’Iristel?

  1. Bien qu’Iristel aient nié s’être livrées à des pratiques de stimulation du trafic, elles ont proposé, en vue de rendre plus abordables les services sans fil mobiles au Canada et d’élargir le choix offert aux consommateurs, de faire en sorte que, dans un délai de six mois, tous leurs clients actuels et futurs partageant des revenus se voient aussi fournir des numéros de téléphone dans les zones autres que les ZDCE pour le raccordement du trafic provenant de l’extérieur des ZDCE. Iristel ont également déclaré qu’elles se conformeraient à toute autre mesure jugée nécessaire par le Conseil, notamment mettre fin à leur entente de partage des revenus applicable, si le Conseil leur ordonnait de le faire.
  2. RCCI a répliqué que le simple fait d’offrir aux clients la possibilité d’utiliser des numéros locaux ne signifie pas qu’ils utiliseront ces numéros, surtout si l’on tient compte de la conjoncture économique. En ce qui concerne l’entente de partage des revenus applicable d’Iristel, RCCI a indiqué que la résiliation de cette entente n’empêcherait pas Iristel de conclure d’autres ententes de partage des revenus.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil estime que la solution proposée d’Iristel ne serait pas suffisante pour régler les problèmes soulevés par RCCI. En particulier, il est peu probable que l’offre consistant à fournir aussi des numéros dans les zones autres que les ZDCE apporte un redressement approprié à RCCI, étant donné que les numéros dans l’IR 867 visés dans la présente instance pourraient continuer d’être utilisés pour les services d’AudioNow.
  2. Bien que le Conseil ait soustrait à la réglementation l’interconnexion des réseaux interurbains, il ne s’est pas abstenu d’imposer des conditions conformément à l’article 24 de la Loi, ce qui peut comprendre l’application d’une mesure précise pour composer avec des situations de préférence indue. Dans le cas présent, l’imposition d’une condition aux termes de l’article 24 afin d’atteindre les objectifs stratégiques énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7c) et 7h) de la Loi serait conforme aux InstructionsNote de bas de page 7. Ces dernières indiquent entre autres que le Conseil doit recourir à des mesures réglementaires qui sont efficaces et proportionnelles aux buts visés, qui ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans une mesure minimale, et qui précisent les objectifs de la politique de télécommunication qu’elles contribuent à atteindre.
  3. Par conséquent, le Conseil impose une condition établie en vertu de l’article 24 de la Loi et ordonne à Iristel et à toutes leurs sociétés affiliées, dans un délai de 30 jours suivant la date de la présente décision, de :
    • mettre fin à toute entente qui attribue à FCCG des numéros dans l’IR 867 qui sont en fin de compte utilisés par AudioNow, et de ne pas conclure de nouvelles ententes avec FCCG ou ses sociétés affiliées;
    • remettre un rapport au Conseil confirmant sa conformité à cette directive.
  4. Une combinaison de plusieurs facteurs au cours d’une période donnée a conduit à une violation du paragraphe 27(2) de la Loi, et Iristel n’étaient pas nécessairement au courant de cette situation lorsqu’elles ont conclu l’entente de partage des revenus applicable. Ainsi, le Conseil estime qu’il ne serait pas approprié d’accéder à la demande de RCCI réclamant un remboursement par Iristel, et il n’a pas l’intention d’imposer des sanctions administratives pécuniaires pour le moment. Pour l’avenir, des mesures correctives, comme les sanctions administratives pécuniaires, sont disponibles si Iristel ou leurs sociétés affiliées ne respectent pas les directives énoncées dans la présente décision.

Le Conseil devrait-il modifier les tarifs de raccordement du trafic d’Iristel?

  1. RCCI a soutenu qu’Iristel faisaient des profits injustes comme ESI (par l’intermédiaire des tarifs de raccordement de l’interurbain) et comme ESLC (par l’intermédiaire de leur tarif de raccordement local, appelé aussi raccordement direct) active dans l’IR 867. Tandis que le tarif de raccordement de l’interurbain pour Iristel est soustrait à la réglementation, leur tarif de raccordement local (ou raccordement direct) est réglementé. En ce qui concerne leur tarif de raccordement direct dans le Nord du Canada, Iristel utilisent le tarif approuvé de Norouestel Inc. pour la même région comme valeur substitut.
  2. RCCI a fait valoir que, même si son entente commerciale avec Iristel sur le raccordement du trafic sortant renvoie seulement au tarif global de raccordement de l’interurbain facturé par Iristel, ce tarif comprend un tarif de transport à la minute et un tarif de raccordement direct à la minute. RCCI a estimé que ce qu’elle considère comme la portion transport est juste, mais que le tarif de raccordement direct est inapproprié et devrait être rajusté puisque la structure de coûts d’Iristel est très différente de celle de Norouestel Inc. RCCI a indiqué qu’il y avait un lien direct entre le tarif de raccordement direct d’Iristel et le tarif global de raccordement de l’interurbain figurant dans l’entente commerciale sur le raccordement du trafic sortant des compagnies. RCCI a estimé que, même si le tarif global de raccordement de l’interurbain d’Iristel était soustrait à la réglementation, si le Conseil réduisait le tarif de raccordement direct d’Iristel, le tarif global de raccordement de l’interurbain négocié subirait des pressions concurrentielles et baisserait d’un montant comparable à la réduction du tarif de raccordement direct.
  3. Iristel ont soutenu que leur tarif de raccordement de l’interurbain était le fruit d’une entente mutuelle conclue entre deux entités commerciales averties, et que l’intervention du Conseil à l’égard des tarifs fixés dans leur entente commerciale sur le raccordement du trafic sortant avec RCCI : a) élargirait de façon inopportune la compétence du Conseil pour inclure le pouvoir d’examiner des questions de nature purement contractuelle; b) menacerait le caractère sacré des ententes négociées commercialement pour les services soustraits à la réglementation dans l’ensemble de l’industrie des télécommunications.
  4. Les compagnies Bell ont indiqué que le Conseil s’abstient depuis longtemps de réglementer les tarifs de raccordement du trafic interurbain et qu’il devrait exercer son pouvoir limité relativement aux contrats soustraits à la réglementation seulement dans des circonstances exceptionnelles. Les compagnies Bell ont estimé que la présente situation ne constituait pas l’une de ces circonstances.
  5. Le CORC a soutenu que la décision du Conseil concernant la demande de RCCI ne devait pas modifier la capacité de longue date des ESLC d’utiliser le tarif applicable des ESLT pour le raccordement d’appels et d’autres services dans leurs tarifs d’ESLC.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Comme le Conseil s’est abstenu de réglementer les tarifs de raccordement fixés dans les ententes sur le raccordement du trafic sortant conclues entre les compagnies, le tarif de raccordement qui s’applique à l’IR 867 pour Iristel et RCCI est le tarif dont ont convenu ces parties dans leur entente sur le raccordement du trafic sortant. Le tarif de raccordement direct d’Iristel est indépendant du tarif négocié. De plus, le tarif de raccordement de l’interurbain convenu par Iristel et RCCI dans leur entente sur le raccordement du trafic sortant ne fait aucunement référence au tarif de raccordement direct ni à aucun autre élément de coût sous-jacent qui aurait pu être intégré au tarif convenu.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ne modifiera pas les tarifs de raccordement d’Iristel pour l’IR 867 comme en ont convenu RCCI et Iristel, pas plus qu’il ne modifiera d’éléments de ces tarifs ni les tarifs de raccordement direct d’Iristel. Par conséquent, la demande de RCCI afin que le Conseil rende provisoires les tarifs facturés par Iristel pour le raccordement du trafic intercirconscriptions est sans portée pratique.

Secrétaire général

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