Décision de télécom CRTC 2013-290

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Ottawa, le 14 juin 2013

Société TELUS Communications – Demande de révision et de modification de la décision de télécom 2012-507 concernant l’abstention de la réglementation des services locaux d’affaires

Numéro de dossier : 8662-T66-201216250

Dans la présente décision, le Conseil rejette une demande présentée par la Société TELUS Communications en vue de faire réviser et modifier les conclusions que le Conseil a tirées dans la décision de télécom 2012-507 à l’égard de l’abstention de la réglementation des services locaux d’affaires dans 25 circonscriptions en Alberta et en Colombie-Britannique.

Contexte

1. La décision de télécom 2006-15 a établi le cadre régissant l’abstention[1] de la réglementation des services locaux de détail qui s’applique aux grandes entreprises de services locaux titulaires (ESLT). Selon cette décision, le critère principal dont le Conseil se sert pour évaluer les demandes d’abstention est le critère de présence de concurrents. Dans le contexte des services locaux d’affaires, ce critère exige qu’il existe, outre l’ESLT, au moins un autre fournisseur indépendant de services de télécommunication (FST) de lignes fixes doté d’installations offrant des services locaux dans le marché et pouvant desservir au moins 75 % des lignes de services locaux d’affaires que l’ESLT est en mesure de desservir.

2. Cette décision a aussi énoncé qu’un FST doté d’installations est un FST qui fournit des services dans le marché pertinent utilisant soit ses propres installations et services ou une combinaison de ses propres installations et services avec ceux loués d’autres FST.

3. Dans la décision de télécom 2012-507, le Conseil a rejeté la demande d’abstention de la réglementation des services locaux d’affaires présentée par la Société TELUS Communications (STC) concernant 54 de 89 circonscriptions. Le Conseil a indiqué que pour les 25 circonscriptions pour lesquelles l’abstention a été rejetée, les FST concurrents identifiés par la STC, soit Distributel Communications Limited (Distributel) et Iristel Inc. (Iristel), ont indiqué qu’ils offraient des services de communication vocale sur protocole Internet (VoIP) locaux indépendants de l’accès dans ces circonscriptions. Le Conseil a aussi noté que dans le décret intitulé Décret modifiant la décision Télécom CRTC 2005-28, C.P. 2006-1314, 9 novembre 2006 (le décret), la gouverneure en conseil a estimé que les services VoIP locaux indépendants de l’accès forment une catégorie distincte de services téléphoniques locaux à des fins réglementaires. Par conséquent, le Conseil a déterminé que puisque Distributel et Iristel sont des fournisseurs de services VoIP locaux indépendants de l’accès, ces FST ne représentent pas des fournisseurs indépendants de services de télécommunication de lignes fixes dotés d’installations offrant des services locaux dans le but de répondre aux critères d’abstention locale.

Demande

4. Le Conseil a reçu une demande présentée par la STC, datée du 21 décembre 2012 et modifiée le 4 janvier 2013, dans laquelle l’entreprise demandait que le Conseil révise et modifie certaines conclusions qu’il a tirées dans la décision de télécom 2012-507. Dans cette décision, le Conseil a, entre autres, rejeté la demande d’abstention de la réglementation des services locaux d’affaires[2] présentée par la STC concernant 25 circonscriptions en Alberta et en Colombie-Britannique puisque le critère de présence de concurrents n’était pas respecté.

5. Plus précisément, la STC a indiqué que le Conseil a commis une erreur de fait et de droit lorsqu’il a conclu que Distributel et Iristel, comme fournisseurs de services VoIP locaux indépendants de l’accès[3], n’ont pas respecté le critère de présence de concurrents puisqu’ils ne sont pas des fournisseurs indépendants de services de télécommunication de lignes fixes dotés d’installations.

6. La STC a donc demandé au Conseil de s’abstenir de réglementer les services locaux d’affaires dans les 25 circonscriptions en question[4].

7. Le Conseil a reçu des observations concernant la demande de la STC de la part de Distributel. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 18 février 2013. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques, ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Existe-t-il un doute réel quant au bien-fondé des conclusions que le Conseil a tirées dans la décision de télécom 2012-507?

8. La STC a indiqué que le Conseil a commis une erreur de fait et de droit en appliquant le critère de présence de concurrents lorsqu’il a conclu de façon erronée que Distributel et Iristel ne sont pas des fournisseurs indépendants de services de télécommunication de lignes fixes dotés d’installations puisqu’ils fournissent des services VoIP locaux indépendants de l’accès.

9. La STC a signalé que, compte tenu du statut des deux entreprises à titre d’entreprises de services locaux concurrentes (ESLC), le Conseil doit être convaincu qu’elles sont des FST dotés d’installations. La STC a ajouté que la portion « ligne fixe » du critère de présence de concurrents se réfère aux services locaux fournis par des installations fixes, ce qui est contraire aux services locaux sans fil. La STC a indiqué que les services VoIP locaux sont fournis sur des lignes fixes et que les FST principaux qui fournissent ces lignes sont des ESLT et des entreprises de câblodistribution.

10. La STC a fait valoir que le décret n’empêche pas le Conseil de considérer le service VoIP local indépendant de l’accès comme option concurrentielle pour le service local et que le service VoIP indépendant de l’accès devrait être considéré équivalent au service local fixe aux fins d’abstention.

11. La STC a soutenu que les conclusions que le Conseil a tirées dans la décision de télécom 2012-507 ajoutent une nouvelle exigence au critère de présence de concurrents puisque, selon ces conclusions, les ESLT seraient obligées de vérifier si les ESLC fournissent des services VoIP locaux indépendants de l’accès ou dépendants de l’accès aux fins d’abstention.

12. Distributel a fait valoir que le Conseil exige, dans les demandes d’abstention, que l’ESLC/les ESLC énumérée(s) doit/doivent être le(s) fournisseur(s) direct(s) des services locaux ainsi que de la ligne fixe sous-jacente aux clients finals, et que cette ligne sous-jacente doit être située physiquement dans la/les circonscription(s) faisant l’objet de la demande. Distributel a indiqué que ce n’est pas toujours le cas avec les services VoIP indépendants de l’accès en raison de la nature mobile de ces services.

13. Distributel a confirmé qu’elle ne fournit pas un service téléphonique et des lignes fixes aux clients finals dans les circonscriptions faisant l’objet de la demande d’abstention présentée par la STC.

Résultats de l’analyse du Conseil

14. Le Conseil note que, tel qu’il a été mentionné précédemment, le critère de présence de concurrents établi dans la décision de télécom 2006-15 exige que, dans le cas des services locaux d’affaires, au moins un autre fournisseur indépendant de services de télécommunication de lignes fixes doté d’installations offrant des services locaux dans le marché utilisant soit ses propres installations et services ou une combinaison de ses propres installations et services avec ceux loués d’autres FST.

15. Le Conseil fait aussi remarquer que les services VoIP locaux indépendants de l’accès sont des services où les composants de l’accès et du service peuvent être fournis par des FST distincts. Ces fournisseurs ne sont pas tenus i) de fournir le réseau sous-jacent par lequel le service est acheminé ni ii) d’obtenir la permission du fournisseur du réseau pour offrir leurs services à leurs clients sur ce réseau.

16. Le Conseil estime que si une ESLC est un FST doté d’installations dans certaines circonscriptions, ceci ne veut pas dire que l’entreprise représente automatiquement un FST de lignes fixes doté d’installations dans d’autres circonscriptions dans le but de répondre aux critères d’abstention locale établis dans la décision de télécom 2006-15.

17. Le Conseil note que les fournisseurs de services VoIP locaux indépendants de l’accès peuvent respecter toutes les obligations pour devenir des ESLC. Cependant, le Conseil estime que, dans le contexte de la présente instance, Distributel et Iristel ne respectent pas le critère de présence de concurrents établi dans la décision de télécom 2006-15 puisqu’elles n’utilisent pas des installations d’accès de lignes fixes, qui leur appartiennent ou qu’ils louent, en entier ou en partie, pour fournir des services locaux d’affaires dans les circonscriptions en question.

18. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis une erreur de fait ni de droit lorsqu’il a conclu que Distributel et Iristel ne sont pas des FST de lignes fixes dotés d’installations dans le but de répondre au critère de présence de concurrents dans les circonscriptions dont il est question au paragraphe 6 ci-haut. Par conséquent, le Conseil conclut que la STC n’a pas prouvé qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé des conclusions que le Conseil a tirées dans la décision de télécom 2012-507. Le Conseil rejette donc la demande de la STC.

Instructions

19. Les Instructions[5] mentionnent que, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi sur les télécommunications (la Loi), le Conseil doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), 1b) et 1c) des Instructions.

20. Le Conseil estime que les conclusions tirées dans la présente décision sont conformes aux Instructions et contribuent à l’atteinte des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7f) et 7h) de la Loi[6].

21. De plus, en continuant à réglementer les tarifs des services locaux d’affaires de la STC dans les circonscriptions en question tout en s’abstenant de réglementer dans d’autres circonscriptions où la concurrence est suffisante pour protéger les intérêts des usagers, le Conseil a eu recours à des mesures réglementaires qui i) sont efficaces et adaptées à leurs objectifs, ii) font obstacle au libre jeu du marché dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs de la politique et iii) ne découragent pas un accès au marché propice à la concurrence et efficace économiquement pas plus qu’elles n’encouragent un accès au marché non efficace économiquement, conformément aux sous-alinéas 1a)(ii) et 1b)(ii) des Instructions.

Secrétaire général

Documents connexes


Notes de bas de page :

[1] En vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur les télécommunications (la Loi), si le Conseil conclut que le cadre de la fourniture des services – ou catégories de services – de télécommunication est suffisamment concurrentiel pour protéger les intérêts des usagers – ou le sera –, le Conseil doit s’abstenir, dans la mesure qu’il estime indiquée et aux conditions qu’il fixe, d’exercer les pouvoirs et fonctions que lui confèrent normalement certains articles de la Loi à l’égard des services ou catégories de services en question.

[2] Dans la présente décision, l’expression « services locaux d’affaires » désigne les services locaux qu’utilisent les clients du service d’affaires pour accéder au réseau téléphonique public commuté ainsi que les frais de service, les fonctions et les services auxiliaires connexes.

[3] Les services VoIP locaux indépendants de l’accès sont des services où les composants de l’accès et du service peuvent être fournis par des FST distincts. Les fournisseurs des services VoIP locaux indépendants de l’accès ne sont pas tenus i) de fournir le réseau sous-jacent par lequel le service est acheminé ni ii) d’obtenir la permission du fournisseur du réseau pour offrir leurs services à leurs clients sur ce réseau.

[4] Ces circonscriptions sont Acme, Bonnyville, Caroline, Chauvin, Eckville, Etzicom, Grand Centre, Hanna, Irma, Irricana, Langdon, Leslieville, Lloydminster, Milk River, Nisku, Provost, Rimbey, Spruce View, Stettler, Sundre, Trochu et Vauxhall (Alberta); Gulf Islands, Pender Island et Port Alice (Colombie-Britannique).

[5] Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C.P. 2006-1534, 14 décembre 2006

[6] Les objectifs de la politique cités de la Loi sont les suivants :

7a) favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions;

7b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

7f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire;

7h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication.

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