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Décision de radiodiffusion CRTC 2004-494 |
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Ottawa, le 12
novembre 2004 |
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Plainte déposée par Bell ExpressVu Limited Partnership contre Rogers
Cable Inc., alléguant des pratiques anticoncurrentielles
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Dans la plainte déposée par
Bell ExpressVu Limited Partnership (ExpressVu) contre Rogers Cable Inc.
(Rogers), le Conseil accueille la portion de la plainte ayant
trait à la clause de rachat du câblage intérieur qui figure dans
certaines ententes d'accès entre Rogers et les propriétaires d'immeubles
à logements multiples (ILM). Le Conseil détermine qu'en signant avec des
propriétaires d'ILM des ententes comportant ce type de clause, Rogers a
enfreint l'article 9 du Règlement sur la distribution de
radiodiffusion (le Règlement). Le Conseil conclut de plus que Rogers
enfreindrait les articles 10(1) et 10(2) du Règlement advenant qu'elle
invoque ladite clause. |
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Le Conseil rejette la
portion de la plainte d'ExpressVu alléguant qu'il y a eu infraction dans
l'administration des règles de transfert du câblage intérieur, des
manquements aux règles de reconquête et diverses activités de marketing
ciblé visant des ILM du grand Toronto. |
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Les opinions minoritaires de
la conseillère Cram et du conseiller Langford sont jointes à cette
décision. |
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La plainte
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1. |
Bell ExpressVu Inc. (l'associé
commandité) et BCE Inc. et 4119649 Canada Inc. (partenaires dans la
société en nom collectif Holding BCE s.e.n.c., qui est l'associé
commanditaire), faisant affaires sous le nom de Bell ExpressVu Limited
Partnership (ExpressVu) exploite une entreprise nationale de
distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD). Rogers Cable
Inc. (Rogers) est titulaire de quelque 90 entreprises de distribution de
radiodiffusion par câble qui desservent environ 2,3 millions d'abonnés
en Ontario, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador, et au
Québec. |
2. |
Le 29 juillet 2003, ExpressVu a
déposé devant le Conseil une plainte contre Rogers alléguant des
infractions aux règlements et aux politiques en vigueur, portant sur les
sujets suivants : |
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Clause relative à l'achat du câblage intérieur
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ExpressVu prétend qu'une clause figurant dans les ententes signées
entre Rogers et les propriétaires de certains immeubles à logements
multiples (ILM) contrevient à la fois au principe de préférence indue
couvert par l'article 9 du Règlement sur la distribution de
radiodiffusion (le Règlement) de même qu'à l'article 10 du
Règlement concernant l'accès au câblage intérieur. ExpressVu allègue
qu'à cause de cette condition d'entente, Rogers ne permet pas à
ExpressVu d'utiliser le câblage intérieur au tarif approuvé de 0,52 $
par abonné par mois. Selon ExpressVu, cette clause rend la concurrence
difficile, voire impossible, dans ces ILM.
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Transfert du câblage intérieur
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ExpressVu allègue que Rogers a enfreint plusieurs règles concernant
le transfert matériel du câblage intérieur d'une entreprise de
distribution de radiodiffusion (EDR) à une autre lorsqu'un abonné
choisit de changer d'EDR.
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Reconquête des abonnés
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ExpressVu allègue que Rogers a enfreint les règles du Conseil qui
prévoient que, pendant une période de 90 jours suivant l'avis, une EDR
en place doit s'abstenir de faire des démarches pour tenter de
reconquérir un abonné qui a décidé de changer d'EDR (les règles de
reconquête).
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Marketing ciblé
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ExpressVu allègue que Rogers a mené une campagne de mise en marché
ciblée auprès des ILM du grand Toronto. Selon ExpressVu, cette
campagne a eu et continue d'avoir pour effet de restreindre
considérablement sa capacité et la capacité d'autres EDR de faire
concurrence à Rogers.
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3. |
Pour étudier cette plainte, le
Conseil a pris en considération les lettres suivantes qui lui ont été
adressées par les parties : |
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ExpressVu : La plainte initiale par lettre datée du 29 juillet 2003
et des lettres additionnelles datées respectivement du 22 août 2003, 3
octobre 2003, 7 janvier 2004, 16 janvier 2004, 19 janvier 2004, 23
janvier 2004, 26 janvier 2004 et 4 février 2004.
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Rogers : Réplique initiale à ExpressVu par lettre datée du 13 août
2003 et arguments additionnels par lettres datées respectivement du 17
septembre 2003, 9 janvier 2004, 19 janvier 2004, 23 janvier 2004,
30 janvier 2004, 4 février 2004 et 6 février 2004.
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4. |
Le Conseil a expédié une
lettre en date du 22 mars 2004 faisant part de ses décisions à l'égard
de la demande de confidentialité présentée par ExpressVu et de la
demande présentée par Rogers de divulguer la liste de certains
immeubles, de même que sur certains points de procédure soulevés par
Rogers concernant des mesures correctives proposées par ExpressVu. Le
Conseil demande à ExpressVu de fournir à Rogers une liste de cinq
immeubles extraite de la liste de 50 immeubles qu'ExpressVu a déposée
sous le sceau de la confidentialité. ExpressVu a déposé cette liste le
25 mars 2004, Rogers a commenté la liste le 13 avril 2004 et ExpressVu a
rétorqué par lettre le 20 avril 2004. |
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Clause relative à l'achat du câblage intérieur
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Commentaires généraux d'ExpressVu
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5. |
Bien qu'elle ait remporté
certains succès dans la concurrence qu'elle livre à Rogers pour le
marché des habitations unifamiliales, ExpressVu rapporte que cela n'a
pas été le cas pour le marché des ILM. Elle note que, malgré son statut
de concurrent numéro un de Rogers, elle ne compte toujours que 10 000
abonnés dans les ILM du grand Toronto. Elle a expliqué que, pour
pénétrer dans un ILM du grand Toronto d'un point de vue technologique,
elle dispose de deux solutions technologiques, qui nécessitent toutes
deux qu'elle passe une entente avec le propriétaire de l'ILM pour
pouvoir fournir son service aux résidents (l'entente d'accès à
l'ímmeuble). L'utilisation de la ligne d'abonné à très haut débit (VDSL)
implique qu'ExpressVu envoie son signal au récepteur VDSL d'un
appartement en se servant du fil de cuivre de Bell Canada et qu'ensuite
elle utilise le câblage intérieur coaxial pour brancher les téléviseurs
situés dans d'autres pièces de l'appartement, éloignées du récepteur
VDSL. L'autre solution appelée empilage nécessite également
l'utilisation du câblage intérieur. |
6. |
ExpressVu allègue que Rogers a
enfreint les articles 9 et 10 du Règlement en insérant une clause dans
les ententes pour l'accès à l'immeuble concernant l'achat du câblage
intérieur. Cette clause impose au propriétaire d'ILM d'acheter le
câblage intérieur de Rogers comme condition préalable pour pouvoir
consentir l'accès de son ILM à une autre EDR. Le prix d'achat est fixé
par le recours à une formule basée sur le coût du câblage après
amortissement et, simultanément, Rogers rembourse la moitié de la somme
au propriétaire en échange du droit perpétuel et inaliénable de
conserver la préséance sur tout autre service pour l'utilisation du
câblage. Pour les besoins de la présente décision, cette clause sera
évoquée sous le nom de clause 4 des ententes de Rogers pour l'accès à un
immeuble (la clause 4). |
7. |
Selon l'exemple des ententes
fournies par ExpressVu pour les besoins de la plainte, la clause 4 se
présente généralement sous le libellé suivant : |
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[traduction]. Advenant qu'un autre fournisseur de service se
fasse accorder l'accès à l'immeuble par le propriétaire, celui-ci
devra, comme condition préalable, acheter le câblage intérieur de
Rogers au coût de sa valeur amortie au moment de l'achat, taxes en
sus. Le coût d'installation pour le câblage intérieur dans
l'immeuble est établi à 200 $ par logement et ce coût est amorti
selon la méthode linéaire sur 15 ans, sans intérêt, sous réserve de
certains ajustements pour des coûts vérifiables de mises à niveau ou
de remplacements effectués par Rogers. Par la même occasion, Rogers
versera au propriétaire 50 % de la valeur amortie en échange du
droit inaliénable d'utiliser le câblage intérieur à perpétuité. Au
minimum, la valeur amortie après 15 ans ne devrait pas être en deçà
de 1,00 $. Toute somme versée au propriétaire par un autre
fournisseur de services pour le droit non exclusif d'utiliser le
câblage intérieur lui reviendra en propre. Rogers continuera d'avoir
le droit d'utiliser le câblage intérieur sans subir d'interférence
et d'avoir préséance sur les autres fournisseurs pour acheminer ses
services de communication, tant que les abonnés desservis par le
câblage intérieur voudront souscrire aux services de communications
Rogers.1
|
8. |
ExpressVu fait valoir que
du fait que le propriétaire d'immeuble est tenu d'acheter le câblage
intérieur dès qu'il accorde à une autre EDR l'accès à son immeuble,
la clause 4 le dissuade d'envisager un autre fournisseur de services.
Toujours selon ExpressVu, la clause 4 pourrait même amener certains
propriétaires d'ILM à obliger l'autre EDR, en échange du droit d'accès
à l'immeuble, à le rembourser pour toute perte nette encourue par
lui pour acheter le câblage de Rogers. Pour donner une idée des coûts
que cela pourrait impliquer, ExpressVu cite l'exemple d'un ILM de
300 logements dont la construction remonte à cinq ans. Si une nouvelle
venue comme ExpressVu voulait s'accaparer un tiers de ces logements,
elle ferait face dès le départ à une dépense de 200 $ par logement.
ExpressVu a calculé en outre que si la nouvelle venue ne parvient
pas à atteindre plus de 20 % des occupants de l'immeuble (60
logements) ses dépenses initiales s'élèveront à plus de 300 $
par logement, soit plus de 150 % de la valeur non amortie du
câblage intérieur qu'elle utilise. ExpressVu a démontré qu'advenant
le cas où elle aurait dépensé 200 $ au départ pour desservir
un logement avec une entente typique de cinq ans, elle se trouverait
avoir payé 3,33 $ par logement par mois pour l'utilisation du câblage
intérieur. Dans le cas où sa pénétration se serait limitée à 20 %
des occupants, son coût s'élèverait à 5 $ par logement par mois.
ExpressVu rappelle que, dans Tarif de location du câblage intérieur,
avis public de radiodiffusion CRTC 2002-51,
3 septembre 2002 (l'avis public 2002-51),
le Conseil a considéré qu'un tarif mensuel de 0,52 $ par abonné
représentait une somme juste et raisonnable pour la location du câblage
intérieur dans les ILM. |
9. |
ExpressVu note que dans
Ordonnance rendue en vertu de l'article 12(2) de la Loi sur la
radiodiffusion en ce qui concerne Vidéotron ltée et ses filiales,
décision de radiodiffusion CRTC 2002-299,
9 octobre 2002 (décision 2002-299),
le Conseil a conclu que Vidéotron ltée (Vidéotron) et ses filiales
ne pouvaient utiliser le câblage intérieur que Vidéotron avait, selon
toute apparence, vendu à une filiale, à moins que Vidéotron, ses filiales
et ses sociétés associées offrent aux concurrents d'utiliser ce câblage
moyennant des frais maximums de 0,52 $ par abonné par mois. ExpressVu
fait valoir que le Conseil a établi un cadre de réglementation sans
ambiguïté qui prévoit que, lorsqu'une EDR du câble est propriétaire
du câblage à l'intérieur d'un ILM, elle doit mettre ce câblage à la
disposition des clients ou des concurrents au tarif mensuel de location
de 0,52 $ par logement par mois. ExpressVu soutient que la clause
4 n'est rien d'autre qu'un « expédient pittoresque » pour
permettre à Rogers de contourner l'article 10 du Règlement. Selon
ExpressVu, si l'on retourne à l'exemple de l'immeuble de cinq ans
évoqué plus haut, le tarif de 200 $ par logement se traduirait
par un coût mensuel de 3,33 $ pour qu'ExpressVu puisse utiliser
le câblage intérieur, ce qui est six fois le tarif mensuel jugé approprié
par le Conseil. |
10. |
ExpressVu prétend que la
raison d'être de la clause 4 est d'asseoir le monopole de Rogers en tant
que fournisseur de services de radiodiffusion dans les ILM du grand
Toronto en décourageant l'entrée de la concurrence. ExpressVu s'est
demandé, advenant l'arrivée de deux fournisseurs concurrents dans un
ILM, s'ils seraient tous deux obligés de payer 50 % du coût du câblage
intérieur. ExpressVu fait en outre remarquer que le propriétaire est
libre d'exiger le tarif qu'il veut une fois qu'il devient propriétaire
du câblage intérieur, étant donné qu'il n'est pas réglementé par le
Conseil. Il lui apparaît aussi qu'il y aura parfois plus de deux EDR
concurrentes à vouloir desservir le même ILM, et le plan de Rogers ne
sera pas facile à administrer. ExpressVu est d'avis que la clause 4 est
une solution simple pour Rogers, mais pas pour les autres EDR. |
11. |
ExpressVu craint aussi qu'un
droit perpétuel et inaliénable de Rogers sur le câblage intérieur en
vertu de la clause 4 puisse avoir pour résultat, advenant que l'occupant
d'un logement choisisse de recevoir les services de radiodiffusion d'une
EDR concurrente mais de continuer à recevoir un quelconque service de
télécommunication de Rogers, que l'entente permette à Rogers de
débrancher l'EDR concurrente pour s'approprier le câblage à ses propres
fins. La plaignante signale aussi que la clause 4 donne à Rogers un
accès à perpétuité à un tarif préétabli, mais ne garantit pas qu'une
autre EDR puisse avoir accès à l'ILM pour le même prix. |
|
Compte tenu de tous ces motifs
de préoccupation, ExpressVu a demandé au Conseil : |
|
- d'exiger que Rogers abandonne immédiatement la pratique d'insérer
une clause dans ses ententes avec les propriétaires d'ILM qui force le
propriétaire ou le promoteur à racheter le câble coaxial intérieur
lorsqu'il autorise une autre EDR à pénétrer dans l'ILM pour faire
concurrence à Rogers;
|
|
- de déclarer qu'une clause de cette nature dans les ententes déjà
en vigueur est inapplicable et qu'il émette une déclaration claire que
si une titulaire telle que Rogers s'avisait de mettre cette clause en
application, elle se trouverait enfreindre les articles 9 et 10 du
Règlement et s'exposerait à des mesures coercitives;
|
|
- d'obliger Rogers à aviser toutes les parties avec lesquelles elle
a signé des ententes que cette clause est inapplicable et à faire
paraître un avis à cet effet dans les principaux journaux du
territoire qu'elle dessert;
|
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- d'ordonner à Rogers de déposer toutes ses ententes d'accès au
dossier public;
|
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- d'ordonner à Rogers de s'abstenir immédiatement de se servir du
câblage intérieur pour acheminer ses services de radiodiffusion
jusqu'à ce que ses ententes permettent aux tierces parties qui lui
font concurrence d'utiliser ce câblage moyennant un tarif de location
mensuel ne dépassant pas 0,52 $ par abonné; et
|
|
- d'exiger que Rogers s'abstienne d'exécuter les conditions de ses
ententes qui lui donnent à perpétuité un accès prioritaire au câblage
intérieur pour acheminer d'autres services de communication que ceux
de radiodiffusion.
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|
Commentaires généraux de Rogers
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12. |
Rogers reconnaît avoir signé
des ententes du même type que celles déposées par ExpressVu pour étayer
sa plainte, mais nie que ces ententes enfreignent l'article 9 ou
l'article 10 du Règlement. D'après Rogers, la clause 4 fait partie de
ses ententes depuis 2000 et elle est en vigueur dans 304 nouveaux
immeubles ainsi que dans 26 immeubles plus anciens où le câblage a été
refait à neuf. Cela représente, quant à elle, moins de 5 % de la
totalité des ILM du grand Toronto. |
13. |
Rogers allègue que la clause 4
représente une solution « raisonnable et pratique » au problème du
câblage d'un nouvel immeuble et que son approche dessert grandement
l'intérêt public. Elle prétend que la méthode de comptabilisation
utilisée par le Conseil pour fixer à 0,52 $ par abonné le tarif mensuel
de location du câblage intérieur ne donne pas un rendement adéquat étant
donné que le coût d'un nouveau câblage représente environ 200 $ par
logement. |
14. |
Rogers soutient en outre que,
si l'on suppose un coût de financement de 10 % et un taux
d'amortissement de 10 % par année, une EDR doit pouvoir tirer 40 $ par
année de son câblage pour amortir le coût de financement et
d'amortissement. Elle fait remarquer qu'à 0,52 $ par abonné par mois,
une EDR ne reçoit que 6,24 $ en revenus annuels. Dans ces circonstances,
selon Rogers, aucune EDR ne voudra installer du câblage dans un ILM
ancien ou nouveau. En outre, elle soutient que si les propriétaires de
ces ILM en étaient réduits à installer leur propre câblage intérieur,
ils seraient en mesure d'exiger n'importe quel tarif jugé approprié
puisqu'ils ne sont pas réglementés par le Conseil. |
15. |
Rogers prétend que bien des
propriétaires d'ILM préféreraient ne pas se mêler de communications et
confier aux EDR le soin des investissements de départ. C'est précisément
pour accommoder les propriétaires d'ILM, explique-t-elle, qu'elle a
rédigé le type de contrat qu'ExpressVu a joint à sa plainte. Rogers
soutient que l'approche de la clause 4, selon laquelle la valeur amortie
du câblage intérieur est partagée en deux (l'approche moitié-moitié),
n'empêche pas le propriétaire de permettre l'entrée d'une autre EDR dans
son immeuble. À l'argument d'ExpressVu que l'approche moitié-moitié
n'est pas juste du fait qu'une nouvelle EDR ne se retrouvera peut-être
pas avec la moitié des occupants comme abonnés, Rogers répond qu'il
serait très compliqué d'un point de vue administratif de calculer le
tarif de location du câblage intérieur en fonction du pourcentage de
pénétration d'une seconde EDR. Selon Rogers, l'approche moitié-moitié
est simple, claire et juste. |
16. |
En ce qui concerne l'objection
d'ExpressVu à ce que Rogers ait accès au câblage intérieur dans les cas
où l'abonné désire que le câblage serve à deux fournisseurs différents,
Rogers explique que les ententes qui renferment la clause 4 ne visent
que les immeubles où le câblage est neuf. D'après Rogers, dans la
plupart des nouveaux immeubles, il y a au moins deux câbles et parfois
davantage qui vont du boîtier au logement, ce qui fait que l'utilisateur
final peut recevoir les services de deux fournisseurs différents. En
outre, dans les cas où ExpressVu se trouve être la seconde EDR, Rogers
estime qu'elle aurait avantage à utiliser la VDSL plutôt qu'une paire de
fils de cuivre torsadés, ce qui éliminerait tout problème. Compte tenu
des progrès de la technologie VDSL, Bell Canada et ses affiliés
pourraient fournir des services de téléphone, d'Internet et de
télévision en utilisant seulement leurs fils. Par conséquent ExpressVu
n'aurait pas besoin d'accéder au câblage intérieur coaxial. Rogers
reconnaît que dans les rares cas où il n'y a qu'un câble et que l'abonné
a besoin de deux câbles pour accommoder deux fournisseurs, il faudra
qu'un des deux fournisseurs installe du câblage additionnel. Dans un tel
cas, Rogers prétend qu'il serait juste que le second fournisseur de
l'immeuble s'occupe d'installer le second câble. |
17. |
Rogers prétend que l'exécution
de la clause 4 implique qu'elle n'est plus propriétaire du câblage
intérieur d'un immeuble mais qu'elle conserve un droit perpétuel et
inaliénable sur son utilisation. Elle s'explique en disant que si un
abonné désire opter pour une seconde EDR, Rogers n'aura plus le contrôle
sur le câblage, mais conservera le droit de l'utiliser à nouveau
n'importe quand dans l'avenir. S'il arrivait, à cause de la
configuration du câblage, qu'il soit impossible à deux fournisseurs d'en
faire un usage simultané, Rogers aurait préséance sur l'autre
fournisseur. Cela signifie par exemple que, si l'abonné d'une EDR de
Rogers décide de s'adresser à une seconde EDR pour lui fournir des
services de radiodiffusion, mais reste avec Rogers pour ses services
d'Internet ou autres services de communication, Rogers conserverait le
droit d'utiliser le câblage pour acheminer ses services. Par ailleurs,
Rogers fait remarquer que si le système de câblage le permet, les deux
fournisseurs s'en serviront en même temps. |
18. |
Rogers nie que les ententes
d'accès qu'elle signe avec les propriétaires d'ILM aient une certaine
similitude avec le cas de Vidéotron ayant donné lieu à la décision
2002-299.
Dans ce cas, d'après Rogers, le Conseil a trouvé que Vidéotron continuait
de gérer et d'exploiter tous les câblages intérieurs. Rogers affirme
qu'il ne s'agit pas de cela dans ses propres ententes, puisque celles-ci
prévoient une vente du câblage en bonne et due forme au propriétaire
de l'ILM. |
|
Refus d'accès aux ILM
|
|
i) Position d'ExpressVu sur l'accès
en général
|
19. |
ExpressVu affirme que bon
nombre de ses tentatives pour avoir accès à des ILM se sont heurtées à
un refus à cause d'ententes avec Rogers renfermant la clause 4.
ExpressVu prétend qu'au cours de la dernière année, ses représentants de
ventes et de mise en marché ont abordé 110 propriétaires d'ILM possédant
au total 33 000 logements du grand Toronto. Selon ExpressVu, 50 de ces
ILM, soit 45 % d'entre eux, ont ouvertement refusé l'accès à ExpressVu.
ExpressVu fait remarquer que ces 110 immeubles ont été approchés de
concert avec Bell Canada, qui recherchait de son côté des ententes pour
fournir aux occupants des services autres que des services de
radiodiffusion, tel Internet à haute vitesse. Or, les propriétaires
d'immeubles n'ont en aucun cas refusé l'accès à Bell Canada. De l'avis
d'ExpressVu, cet état de choses suggère fortement que l'accès lui a été
refusé à cause des répercussions financières de la clause 4 sur les
propriétaires d'ILM advenant qu'ils consentent l'accès à ExpressVu. |
20. |
À la demande du Conseil,
ExpressVu a fait parvenir à Rogers les coordonnées des occupants de cinq
ILM tirées d'une liste déposée auprès du Conseil énumérant 50 ILM où
l'accès lui a été refusé. Il s'agit des cinq ILM suivants : |
|
- Space - 255, rue Richmond Est (Space)
- City Gate, Phase 1 - 3939 Duke of York (City Gate)
- Bayview Mansion, Phase 2 - 1, chemin Clairtrell (Bayview)
- The Times - 51, avenue Times (The Times)
- Mansions of Avondale - 51/55, Harrison Gardens (Mansions of
Avondale).
|
|
ii) Position de Rogers sur l'accès en
général
|
21. |
Rogers a commencé par faire
valoir que pratiquement tous les 110 immeubles approchés par ExpressVu
au cours de l'année dernière étaient de nouveaux immeubles. La preuve en
est dans la déclaration d'ExpressVu à l'effet qu'elle approchait ces
immeubles de concert avec Bell Canada. Rogers a déjà fait savoir que
Bell Canada fournit les services de téléphone et de télécommunication à
tous les ILM du grand Toronto et ExpressVu en déduit qu'elle ne ferait
pas de démarches pour avoir accès à un immeuble qu'elle dessert déjà, à
moins que ce soit pour une mise à niveau en vue d'offrir le service
Internet haute vitesse. |
22. |
Rogers prétend qu'il est
impossible qu'ExpressVu se soit fait refuser l'accès à des nouveaux ILM
à cause de la clause 4. Rogers affirme que, lorsqu'il se construit un
nouvel ILM résidentiel, le propriétaire est presque invariablement
contacté par Bell Canada, ExpressVu et Rogers. Selon Rogers, ces
fournisseurs ont tout intérêt à s'assurer qu'ils peuvent desservir le
nouvel ILM et les propriétaires ont tout intérêt à minimiser leurs coûts
de construction, idéalement en confiant aux EDR le soin d'installer le
câblage gratuitement. |
23. |
Rogers allègue que si un
fournisseur de service offre d'installer l'infrastructure gratuitement,
le propriétaire va presque toujours lui accorder l'accès. Rogers suggère
que si ExpressVu était prête à installer le câblage intérieur pour son
EDR, elle aurait accès à ces 110 immeubles. Rogers prétend toutefois qu'ExpressVu
n'est pas prête à débourser les coûts importants du câblage dans les ILM
et qu'elle considère implicitement que Rogers a l'obligation d'installer
le câblage et de permettre ensuite à ExpressVu de l'utiliser au tarif de
0,52 $ par abonné par mois. |
|
iii) Position des parties à l'égard
des immeubles identifiés par ExpressVu
|
24. |
Dans le cas de Space, Rogers
affirme que son entente avec le propriétaire remonte à l'année 2000 et
ne renferme aucune clause portant sur le remboursement du coût du
câblage intérieur. Rogers allègue que dans les circonstances, les
difficultés essuyées par ExpressVu pour avoir accès à Space n'ont rien à
voir avec Rogers. |
25. |
À cela ExpressVu réplique qu'il
ne lui a pas été possible de vérifier tous les contrats que Rogers a
signés avec les ILM du grand Toronto. Elle se contente de dire que la
réaction du propriétaire lorsqu'elle lui a demandé l'accès à l'immeuble
l'a naturellement incitée à croire que l'entente de Rogers avec Space
renfermait la clause 4. |
26. |
Rogers reconnaît que la clause
4 figurait bel et bien dans les ententes qu'elle a signées avec les
propriétaires des quatre autres immeubles en question. |
27. |
Concernant City Gate, Rogers
affirme que le promoteur avait avisé Rogers qu'il désirait faire entrer
Bell Canada et Rogers dans l'immeuble. Rogers a proposé de partager le
coût du câblage mais, lorsque le promoteur lui a fait valoir cette
option, Bell Canada a refusé sous prétexte qu'elle n'avait pas
l'intention d'utiliser le câblage de Rogers. Bell Canada a toutefois
refusé de confirmer par écrit qu'elle n'utiliserait pas le câblage de
Rogers malgré l'insistance du promoteur. Rogers fait remarquer que City
Gate ne sera pas prêt à accueillir ses occupants avant octobre 2004 et
qu'elle n'a pas encore effectué le câblage dans cet ILM. Par conséquent,
si ExpressVu est d'accord pour assumer sa juste part du câblage
intérieur dans cet immeuble, elle ne pourra pas dire qu'on lui a refusé
l'accès. |
28. |
ExpressVu n'est pas d'accord
avec l'interprétation de Rogers quand celle-ci prétend que le promoteur
a proposé à Bell Canada de partager les coûts du câblage. ExpressVu
soutient plutôt que le promoteur a demandé à Bell Canada d'indemniser
City Gate pour les coûts qu'il aurait à absorber si Rogers appliquait
les conditions de rachat prévues à la clause 4. ExpressVu fait remarquer
que Rogers a confirmé que le promoteur refusait l'accès à ExpressVu à
moins qu'ExpressVu ne lui fournisse par écrit l'assurance qu'elle
n'utiliserait pas le câblage de Rogers. ExpressVu fait valoir que ces
admissions par Rogers démontrent qu'ExpressVu s'est fait refuser l'accès
au câblage intérieur dans City Gate à cause des dispositions de la
clause 4. |
29. |
Pour ce qui est du Bayview,
Rogers allègue que Bell Canada a refusé de partager le coût
d'installation du câblage. Ici encore, l'immeuble ne sera pas occupé
avant novembre 2004 et Rogers n'a pas procédé à l'installation du
câblage. Rogers prétend qu'ExpressVu n'est pas en mesure de dire qu'on
lui a refusé l'accès à l'immeuble puisqu'elle pourrait toujours obtenir
cet accès avant que l'immeuble soit occupé. |
30. |
ExpressVu réplique que
l'argument de Rogers à l'effet qu'ExpressVu ne s'est pas fait refuser
l'accès au Bayview sous prétexte que l'immeuble n'est pas encore occupé,
est sans fondement et mérite d'être rejeté. ExpressVu allègue que les
ententes d'accès sont négociées plusieurs mois avant que l'immeuble ne
soit occupé et qu'elle avait approché le promoteur pour conclure une
telle entente. Le promoteur a informé ExpressVu que le fait d'accorder à
ExpressVu l'accès à l'immeuble rendrait exécutoire la clause de rachat
dans son entente avec Rogers. |
31. |
Dans le cas de The Times,
Rogers a dit avoir été informée qu'il y avait eu mésentente entre le
gérant de l'immeuble et Bell Canada parce que cette dernière avait
entamé des pourparlers avec le conseil d'administration pour desservir
l'immeuble, plutôt qu'avec le gérant de l'immeuble lui-même. |
32. |
ExpressVu réplique que
l'interprétation de Rogers est inexacte et qu'en fait, elle avait entamé
des pourparlers avec toutes les parties appropriées. ExpressVu soutient
que les représentants de The Times lui ont fait savoir qu'une entente
avec ExpressVu entrerait en conflit avec l'entente signée entre le
promoteur et Rogers, et qu'on lui avait déclaré verbalement que le
conflit était attribuable à la clause 4. |
33. |
En ce qui a trait aux Mansions
of Avondale, Rogers maintient qu'ExpressVu a refusé ou bien d'assumer la
moitié des frais de câblage, ou bien de s'abstenir d'utiliser le câblage
de Rogers. |
34. |
Dans sa réplique, ExpressVu
fait remarquer que Rogers confirme que son entente avec l'ILM comporte
la clause 4 et que cette clause est à l'origine du refus essuyé par
ExpressVu d'avoir accès aux Mansions of Avondale. |
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Analyse et conclusion du Conseil
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Historique de la réglementation
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35. |
Le Conseil a toujours
considéré les questions reliées à la propriété, au contrôle et à
l'utilisation du câblage intérieur des EDR par câble comme d'importants
éléments de sa réglementation et de sa surveillance du système canadien
de radiodiffusion. Jusqu'en 1995, le Conseil attribuait des licences aux
EDR par câble pour desservir une zone définie à l'intérieur d'une
structure de monopole. Le Conseil a établi une nouvelle politique sur la
concurrence des EDR dans Concurrence et culture sur l'autoroute
canadienne de l'information : Gestion des réalités de transition, 19
mai 1995(le rapport sur la convergence). Dans ce rapport sur la
convergence, le Conseil a déclaré qu'il favorisait dorénavant la
concurrence dans le domaine de la câblodistribution afin d'offrir aux
consommateurs un plus grand choix parmi les distributeurs de services de
radiodiffusion. En énumérant les obstacles possibles à l'arrivée de
nouveaux venus, le Conseil a reconnu que le câblage intérieur
constituait ce qu'il a appelé une installation goulot, c'est-à-dire une
composante essentielle. |
36. |
Afin d'implanter sa politique
sur la concurrence, le Conseil a proposé une nouvelle réglementation
visant à assurer aux entreprises nouvellement autorisées une chance
juste et équitable d'entrer en concurrence. Dans Appel d'observations
concernant un projet de démarche portant sur la réglementation des
entreprises de distribution de radiodiffusion, avis public CRTC
1996-69, 17 mai
1996 (l'avis public 1996-69),
le Conseil a annoncé son intention de remplacer le règlement alors
en place par un nouveau règlement s'appliquant à toutes les catégories
d'EDR. C'est à cette fin que le Conseil a entrepris une instance publique.
|
37. |
Dans Nouveau cadre de réglementation
pour les entreprises de distribution de radiodiffusion, avis public
CRTC 1997-25,
11 mars 1997 (l'avis public 1997-25),
le Conseil insiste sur l'importance du câblage intérieur comme élément
clé pour garantir la concurrence et le choix pour les consommateurs : |
|
.. Un client hésitera probablement à changer de fournisseur de
service si le changement signifie comme inconvénient et dérangement
d'avoir à faire installer un autre câblage chez lui. Le Conseil
estime donc que dans la mesure du possible, les clients devraient
pouvoir raccorder le câblage intérieur en place à l'autre
fournisseur de service de leur choix.
|
38. |
Pour que l'utilisateur final
puisse exercer son choix, le Conseil proposait une réglementation
obligeant la titulaire en place à mettre le câblage intérieur à la
disposition de son client à un tarif prescrit afin que l'abonné puisse
utiliser ce câblage pour se relier au fournisseur de service de son
choix. Ce modèle de « client propriétaire » avait pour but de renverser
tout obstacle éventuel à l'arrivée de nouvelles entreprises lié au fait
que la titulaire soit propriétaire du câblage intérieur. |
39. |
Dans Règlement sur la distribution de
radiodiffusion, avis public CRTC 1997-150,
22 décembre 1997 (l'avis public 1997-150),
le Conseil annonce l'adoption du règlement entré en vigueur le 1er
janvier 1998. Ce règlement contenait une disposition visant l'implantation
du modèle client propriétaire du câblage intérieur, qui constitue
le précurseur de la réglementation actuelle. En vertu de cette disposition,
lorsqu'un client se trouvait être propriétaire ou exploitant d'un
ILM, la titulaire devait permettre à ce client d'acheter le câblage
intérieur. Le règlement en question ne précisait pas le tarif de vente
du câblage intérieur. |
40. |
Après la publication de ce
règlement, des représentants de l'industrie et le personnel du CRTC ont
collaboré au sein d'un groupe de travail du Comité directeur du CRTC sur
l'interconnexion (CDCI) pour trouver des solutions aux problèmes
d'implantation du nouveau régime de transfert de propriété du câblage
intérieur. À l'issue des discussions du groupe du CDCI, l'Association
canadienne des télécommunications par câble (l'ACTC), auparavant l'Association
de télévision par câble, a adressé une lettre au Conseil en date du 19
mai 1999. Dans cette lettre, l'ACTC fait part de problèmes relatifs au
régime de transfert de propriété établi par voie de réglementation en
décembre 1997. Elle remarque qu'aucun câblage intérieur dans les ILM n'a
encore été transféré par les EDR en place, comme l'exige le Règlement et
suggère de modifier l'article 10 du Règlement pour supprimer
l'obligation de vendre le câblage intérieur au client. Pour remplacer le
modèle de la propriété par le client, l'ACTC propose un modèle de
non-intervention, en vertu duquel une titulaire ne devrait pas s'ingérer
dans l'utilisation du câblage intérieur par l'abonné, mais serait
autorisée à percevoir un tarif de location lorsque ce câblage sert à une
autre titulaire. |
41. |
Le Conseil a sollicité des
observations sur la proposition de l'ACTC dans Appel d'observations
sur un projet de modification à l'article 10 du Règlement sur
la distribution de radiodiffusion, présenté par l'Association canadienne
de télévision par câble, avis public CRTC 1999-124,
29 juillet 1999 (l'avis public 1999-124). |
42. |
Dans Politique révisée
concernant le régime applicable au câblage intérieur; appel d'observations
au sujet du projet de modifications de l'article 10 du Règlement
sur la distribution de radiodiffusion, avis public CRTC
2000-81, 9 juin
2000 (l'avis public 2000-81),
le Conseil a adopté le modèle de non-intervention de l'ACTC et sollicité
des observations sur les modifications proposées au Règlement afin
de mettre en oeuvre le modèle. Dans l'avis public 2000-81,
le Conseil réitère à la fois l'importance fondamentale des questions
liées au câblage intérieur, son intention de faire tout en son pouvoir
pour favoriser la fourniture concurrentielle de tous les services
de communication et son engagement à donner le choix à l'utilisateur
final. |
43. |
Dans l'avis public 2000-81,
le Conseil a noté que l'ACTC a énoncé quatre principes qui devaient
guider l'interprétation et l'implantation de ce nouveau régime : |
|
- le titulaire qui possède le câblage intérieur doit en conserver la
propriété, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de transfert de propriété du
câblage intérieur;
|
|
- le titulaire qui possède le câblage intérieur ne peut pas, selon
le Règlement, s'ingérer dans son utilisation par l'abonné;
|
|
- il n'y a pas de frais pour l'utilisation par un autre titulaire du
câblage intérieur d'un logement unifamilial; dans des circonstances
qui restent à définir par le CRTC dans le cadre du processus du CDIC,
des frais (à être fixés par le Conseil) seront imposés pour
l'utilisation par un autre titulaire du câblage intérieur d'un
immeuble à logements multiples;
|
|
|
44. |
Dans Modifications apportées
à l'article 10 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion
en vue de mettre en oeuvre une politique révisée relative à l'accès
au câblage intérieur, avis public CRTC 2000-142,
6 octobre 2000 (l'avis public 2000-142),
le Conseil implantait le modèle de non-intervention pour régir l'accès
au câblage intérieur et formulait le libellé du nouvel article 10
du Règlement. Entré en vigueur le 18 septembre 2000, cet article
prévoit que : |
|
10. (1) Le titulaire propriétaire d'un câblage intérieur doit,
sur demande, permettre qu'il soit utilisé par un abonné, par un
autre titulaire ou par une entreprise de radiodiffusion exemptée de
l'obligation de détenir une licence aux termes d'une ordonnance
prise conformément au paragraphe 9(4) de la Loi.
|
|
(2) Il peut exiger des frais justes et raisonnables pour
l'utilisation du câblage intérieur.
|
|
(3) Il ne peut retirer le câblage intérieur lorsqu'une demande
d'utilisation est pendante ou que le câblage est utilisé
conformément au paragraphe (1).
|
45. |
En modifiant l'article 10 du
Règlement, le Conseil a conclu que le modèle de non-intervention
constituait la meilleure approche à la question d'accès au câblage
intérieur. Il a estimé que cette approche présentait un bon équilibre
entre les intérêts des diverses parties, à savoir l'intérêt des
entreprises de câblodistribution titulaires, celui des nouvelles venues
et celui des abonnés. La réglementation actuelle a donc été formulée
dans l'intérêt public par le Conseil dans l'exercice de son mandat de
réglementer la radiodiffusion en vue de réaliser les objectifs de
politique énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi). |
46. |
Dans l'avis public 2000-81
et de nouveau dans l'avis public 2000-142,
le Conseil a demandé au groupe de travail du CDIC sur le branchement
par câble d'établir un tarif approprié pour l'utilisation du câblage
intérieur de façon à pouvoir l'annoncer moins de deux mois de l'entrée
en vigueur de la modification réglementaire. En l'absence d'un consensus
à cette étape, le groupe de travail devait soumettre le litige au
Conseil pour que ce dernier en décide. |
47. |
Le groupe de travail du CDIC
sur le branchement par câble s'est réuni en novembre et en décembre 2000
pour entamer les discussions sur le tarif approprié pour l'utilisation
du câblage intérieur dans les ILM. L'ACTC, ExpressVu et Rogers
Communications Inc. étaient parmi ceux qui ont participé activement à
ces réunions. En février 2001, le groupe de travail avait atteint un
consensus sur un certain nombre de principes, comme la nécessité
d'adopter un tarif national de location et la méthode du coût
historique. Cependant, le groupe de travail s'est rendu compte qu'il lui
serait impossible de rallier le consensus sur le montant exact du tarif
de location. Les participants ont alors convenu que les différentes
parties soumettraient leurs propositions au Conseil pour qu'il en
décide. |
48. |
Une fois les propositions
reçues, le Conseil a amorcé une instance visant à établir un tarif
juste et raisonnable pour l'utilisation du câblage intérieur dans
Appel d'observations - tarif de location du câblage intérieur,
avis public de radiodiffusion CRTC 2002-13,
8 mars 2002 (l'avis public 2002-13).
Un grand nombre d'entreprises de radiodiffusion dont des EDR par câble
et leur association, l'ACTC, ont participé activement à l'analyse
par le Conseil du tarif approprié. En fixant cette somme, le Conseil
souhaitait amener les clients à profiter pleinement des avantages
de la concurrence dans la distribution, y compris celui du choix pour
l'utilisateur final, tout en veillant à ce que soient respectés les
intérêts à la fois des titulaires et des nouveaux venus. Le Conseil
a considéré le fait qu'un tarif juste et raisonnable ne devait pas
avoir d'effet dissuasif indu qui empêcherait la fourniture efficace
d'une programmation acheminée grâce aux technologies de pointe, à
des tarifs abordables. Dans Tarif de location de câblage intérieur,
avis public de radiodiffusion CRTC 2002-51,
3 septembre 2002 (l'avis public 2002-51),
le Conseil a déterminé que le tarif approprié pour la location de
câblage intérieur dans un ILM serait de 0,52 $ par mois par abonné
sur la base du coût historique. Le Conseil a également déclaré qu'en
percevant un tarif plus élevé, un titulaire contreviendrait à l'article
10(2) du Règlement. |
|
Utilisation de la VSDL par ExpressVu
et la nécessité d'utiliser le câblage coaxial intérieur
|
49. |
Dans l'optique du Conseil,
l'utilisation de la VDSL sans l'accès au câblage coaxial intérieur ne
représente pas une solution complète pour ExpressVu en ce qu'elle ne
permet pas à ExpressVu d'offrir un service totalement concurrentiel à
celui de l'entreprise de câblodistribution de Rogers puisque le câblage
intérieur doit relier le récepteur VDSL aux téléviseurs additionnels
situés dans des pièces éloignées du récepteur. D'après le dossier de
cette plainte, le Conseil n'accepte pas l'argument de Rogers alléguant
que l'utilisation de la VDSL par ExpressVu signifie qu'elle n'a pas
besoin d'un accès au câblage intérieur. |
|
a) La clause 4 et l'article 10
|
50. |
Comme il est dit plus haut, le
Conseil a toujours considéré l'accès au câblage coaxial intérieur comme
une question cruciale dès lors qu'il a été question de favoriser la
concurrence dans la distribution de radiodiffusion. L'objectif de
l'article 10 du Règlement est d'éliminer un obstacle potentiel à la
pénétration par de nouvelles entreprises et de voir à ce que les abonnés
soient en mesure d'obtenir le service du fournisseur de leur choix. Le
Conseil rappelle que la réglementation actuelle, en vigueur depuis 2000,
reflète une proposition faite en 1999 par l'ACTC dont Rogers était et
demeure membre. Cette proposition a donné lieu à l'adoption d'un modèle
de non-intervention pour traiter la question du câblage intérieur, de
préférence au modèle précédent d'après lequel les titulaires du câble
étaient censés vendre leur câblage intérieur aux abonnés à un prix
préétabli. En vertu du modèle de non-intervention, les titulaires en
place doivent mettre le câblage intérieur à la disposition des
concurrents et des abonnés moyennant un tarif juste et raisonnable. |
51. |
Selon le Conseil, Rogers s'est
servi de la clause 4 pour introduire son propre nouveau modèle pour
régler la question du câblage intérieur plutôt que d'adopter le modèle
de non intervention énoncé dans l'avis public 2000-81.
Rogers allègue [traduction] « que la clause 4 représente une
solution raisonnable et pratique au problème du câblage dans un nouvel
immeuble et que cette approche va dans le sens de l'intérêt public »
et que c'est « un arrangement pratique parce qu'il permet au
propriétaire de l'immeuble d'éviter la propriété du câblage intérieur
tant et aussi longtemps qu'il ne se présente pas deux fournisseurs
de service. C'est aussi un arrangement juste parce que les deux EDR
finissent par partager la valeur amortie du câblage ». Le Conseil
fait remarquer que l'article 10 intervient au moment où il « se
présente deux fournisseurs » pour desservir l'ILM. En outre,
les articles 10(1) et 10(2) ont été rédigés dans le but précis d'assurer
que les nouveaux venus ne paient que pour le câblage qu'ils utilisent.
De cette façon, les nouveaux venus ne seraient pas tenus de partager
équitablement le coût du câblage que dans les cas où ils en font une
utilisation égale. |
52. |
Le Conseil note en outre que
dans ses dépositions, Rogers présume explicitement que le propriétaire
accorderait l'accès aux nouveaux venus abstraction faite de la clause 4
et qu'il se contenterait d'exiger la somme nette qu'il doit lui-même
débourser pour acquérir le câblage de Rogers. Néanmoins, le Conseil note
que l'entente ne renferme aucune disposition à cet effet et qu'il n'y a
aucune raison pour que Rogers présume que telles seraient les
conséquences de la clause 4 dans tous les cas. Les propriétaires
d'immeubles pourraient refuser l'accès à leurs immeubles afin de ne pas
déclencher la clause 4. Qui plus est, les propriétaires d'immeubles
pourraient imposer aux nouveaux venus un paiement qui excède leurs
propres coûts de recouvrement selon la clause 4, et ils pourraient
chercher à tirer profit du capital que représente le câblage intérieur. |
53. |
Le Conseil note qu'il s'agit
d'une situation où Rogers oblige le propriétaire d'un ILM à consentir
d'acheter le câblage intérieur comme condition préalable avant
d'accorder à un concurrent l'accès à son immeuble, tout en conservant
pour elle-même un droit perpétuel et inaliénable sur le câblage
intérieur de sorte qu'elle ait à perpétuité préséance pour son
utilisation. Comme elle le dit elle-même, Rogers conserve le contrôle
sur le câblage intérieur qu'elle utilise, ou souhaite utiliser, en vue
de fournir des services de communication à des abonnés dans l'immeuble.
|
54. |
Dans ses dépositions, Rogers
déclare qu'elle a conçu la clause 4 parce qu'elle croit qu'un tarif
mensuel de 0,52 $ par abonné n'est pas une compensation adéquate
pour l'utilisation du câblage. On a vu plus haut que le tarif de 0,52 $
avait été établi à l'issue d'un processus méticuleux auquel Rogers
a participé activement. Le tarif de 0,52 $ représente une moyenne
nationale entre immeubles anciens et nouveaux et permet à Rogers,
dans l'ensemble, d'être adéquatement compensée pour l'utilisation
de son câblage intérieur. En outre, le Conseil fait remarquer dans
l'avis public 2002-51
qu'il pourrait envisager de faire exception à cette règle et autoriser
un titulaire à percevoir un tarif plus élevé si ce titulaire parvenait
à faire la preuve que des circonstances particulières justifient une
exception. |
55. |
Au lieu de déposer une demande
de mesure d'exception, Rogers a décidé d'appliquer sa propre vision des
choses pour régler la question du câblage intérieur. Il est d'ailleurs
évident, si l'on s'en réfère au dossier, que Rogers a voulu précisément
éviter d'agir conformément aux articles 10(1) et 10(2) du Règlement et
de rendre son câblage intérieur disponible au tarif de 0,52 $ par abonné
par mois, jugé juste et raisonnable par le Conseil. Rogers a aussi
décidé de s'arroger un droit perpétuel et inaliénable sur l'utilisation
du câblage intérieur, et de conserver à perpétuité sa préséance
d'utilisation sur les nouveaux venus. |
|
Conclusion du
Conseil concernant l'article 10
|
56. |
De l'avis du Conseil, en
signant avec des propriétaires d'ILM des ententes comportant la
clause 4, Rogers avait ouvertement l'intention de contourner le
processus décrit aux articles 10(1) et 10(2) du Règlement et de se
soustraire aux obligations réglementaires prévues dans cet article. La
clause 4 permet à Rogers de faire indirectement ce qu'elle n'est pas
autorisée à faire directement, à cause des articles 10(1) et 10(2) du
Règlement. |
57. |
Dans l'optique du Conseil, le
modèle de Rogers, en vertu duquel le propriétaire d'un ILM doit acheter
le câblage comme condition préalable avant de consentir l'accès de son
immeuble à un concurrent, pendant que Rogers conserve à perpétuité la
préséance pour l'usage de ce câblage, va à l'encontre des objectifs et
de l'intention des articles 10(1) et 10(2) du Règlement et plus
généralement des objectifs de la Loi en général. Le Conseil estime
qu'autoriser l'exécution de la clause 4 serait aller à l'encontre de
l'intérêt public. |
58. |
À la lumière de ce qui
précède, le Conseil conclut que Rogers contreviendra aux articles 10(1)
et 10(2) du Règlement si elle ne met pas son câblage intérieur à la
disposition des autres EDR à un tarif juste et raisonnable alors qu'elle
est propriétaire du câblage au moment où une autre EDR en demande
l'accès au propriétaire ou au promoteur d'un ILM et si elle choisit
plutôt d'invoquer la clause 4 pour obliger le propriétaire ou le
promoteur à acheter le câblage tout en retenant un droit perpétuel et
inaliénable de préséance sur ce câblage. |
|
b) La clause 4 et l'article 9 -
Préférence ou désavantage indus
|
59. |
L'article 9 se lit comme suit : |
|
Il est interdit au titulaire d'accorder à quiconque, y compris
lui-même, une préférence indue ou d'assujettir quiconque à un
désavantage indu.
|
60. |
En analysant la plainte à la
lumière de l'article 9, le Conseil a tenté de déterminer d'abord si une
partie avait accordé une préférence à qui que ce soit, ou fait subir à
qui que ce soit un désavantage. Deuxièmement, pour juger du caractère
indu de la préférence ou du désavantage, le Conseil s'est demandé s'il
avait pu y avoir ou pouvait y avoir une conséquence néfaste importante
sur les affaires de la plaignante ou sur toute autre personne. Il a
aussi examiné l'impact qu'il avait pu y avoir ou pouvait y avoir sur la
réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion
énoncée dans la Loi. |
|
i) La clause 4 confère-t-elle une
préférence à Rogers ou soumet-elle un concurrent à un désavantage?
|
61. |
Pour décider si oui ou non la
clause 4 confère une préférence à Rogers ou soumet ExpressVu ou tout
autre concurrent à un désavantage, le Conseil a comparé les effets de la
clause 4 avec ceux du Règlement. Le Règlement prévoit qu'ExpressVu et
d'autres nouveaux venus ont le droit d'utiliser le câblage intérieur de
Rogers moyennant un tarif juste et raisonnable. |
62. |
Premièrement, étant donné qu'en
vertu de la clause 4, Rogers aurait un droit perpétuel et inaliénable de
préséance sur le câblage pendant que les nouveaux venus se font refuser
l'accès au câblage à l'intérieur de l'ILM, le Conseil estime que la
clause 4 confère à Rogers une préférence et soumet les nouveaux venus à
un désavantage. |
63. |
Deuxièmement, si Rogers devait
invoquer le droit d'utiliser le câblage intérieur de préférence à ses
concurrents, il est raisonnable d'assumer que le concurrent perdrait le
client ou l'éventuel client à moins que ce concurrent soit prêt à
installer du nouveau câblage à l'intérieur du logement de l'abonné. De
l'avis du Conseil, dans la mesure où Rogers invoque le droit d'utiliser
le câblage intérieur en priorité par rapport aux concurrents, Rogers se
confère une préférence et soumet ses concurrents à un désavantage. |
64. |
Troisièmement, s'il s'en remet
au dossier d'instance, le Conseil constate qu'ExpressVu s'est fait
refuser, ou s'apprête à se faire refuser, l'accès à au moins trois ILM -
City Gate, Bayview et Mansions of Avondale - à moins d'absorber 50 % du
coût du câblage intérieur. |
65. |
Le Conseil trouve raisonnable
d'assumer qu'un propriétaire ou un promoteur d'ILM, en autorisant un
nouveau venu à avoir accès à son immeuble, veuille recouvrer à tout le
moins son coût net auprès du nouveau venu. Étant donné que Rogers est
obligée, d'après la clause 4, de payer 50 % de la valeur amortie du
câblage intérieur dans l'immeuble, le propriétaire aura lui aussi à
défrayer 50 % de la valeur amortie du câblage intérieur. À supposer que
le nouveau venu accepte de rembourser le propriétaire pour une somme
équivalant à 50 % de la valeur amortie, cette somme sera beaucoup plus
élevée que ce que le Conseil a jugé être un tarif juste et raisonnable
conformément à l'article 10 du Règlement. Le Conseil note en outre qu'il
n'y a rien dans la clause 4 pour empêcher le propriétaire de l'immeuble
d'exiger une somme plus élevée au nouveau venu que ce qu'il est lui-même
obligé de verser à Rogers pour le câblage. |
66. |
Par ailleurs, le Conseil note
que l'obligation de verser 50 % de la valeur amortie du câblage
intérieur n'est aucunement reliée au taux de pénétration que le nouveau
venu va effectivement réaliser. D'après le dossier de l'instance,
ExpressVu pourra vraisemblablement s'approprier, au plus, un tiers des
occupants de l'immeuble comme clients et encore faudra-t-il y mettre le
temps. Le Conseil n'a aucun lieu de mettre en doute cette estimation et
la retient comme argument. Parce qu'ExpressVu aurait à payer 50 % du
coût du câblage même advenant qu'elle en utilise bien moins que 50 % à
ses propres fins, ExpressVu se trouverait obligée de payer bien plus que
la valeur amortie du câblage intérieur dont elle fait effectivement
usage. Rogers, quant à elle, se trouverait payer moins que la valeur
amortie pour sa part d'utilisation du câblage. Cela revient à dire qu'ExpressVu
serait amenée à payer un tarif individuel par abonné bien supérieur à
celui de Rogers. |
67. |
À la lumière de ce qui
précède, le Conseil conclut que l'effet de la clause 4 a été ou pourrait
être d'obliger les nouveaux venus de payer une somme forfaitaire
équivalant à au moins 50 % de la valeur amortie du câblage intérieur,
peu importe l'utilisation qu'il en fait. Par conséquent l'effet de la
clause 4 a été, ou pourrait être, de soumettre ExpressVu à un
désavantage ou de conférer une préférence à Rogers. |
|
ii) S'agit-il
d'une préférence ou d'un désavantage indus?
|
68. |
Afin de déterminer si la
préférence ou le désavantage s'avèrent ou non indus et contreviennent à
l'article 9 du Règlement, le Conseil a cherché à savoir si la clause 4
avait ou aurait pu avoir des répercussions financières négatives sur
ExpressVu, sur les occupants des ILM en question ou sur toute autre
personne. Il a aussi cherché à déterminer l'incidence que la clause 4
avait eue ou pouvait avoir sur la réalisation des objectifs de la
politique canadienne de radiodiffusion tels qu'énoncés dans la Loi. |
69. |
Depuis le Rapport sur la convergence,
le Conseil considère que la concurrence dans la distribution de services
de programmation est dans l'intérêt public. Le Conseil reste persuadé,
comme il l'était dans l'avis public 2000-81,
qu'il est crucial que les nouveaux venus aient accès au câblage intérieur
si l'on veut réaliser un environnement concurrentiel entre EDR et
s'assurer d'offrir un choix à l'utilisateur final. Le Conseil remarque
qu'ExpressVu se considère comme la plus importante concurrente dans
le grand Toronto et que pourtant, elle n'a que 10 000 abonnés.
Selon ExpressVu, la part de Rogers dans le marché des ILM du grand
Toronto dépasse 95 %. Le Conseil voit en Rogers le titulaire dominant
des services de distribution de radiodiffusion du grand Toronto. C'est
d'autant plus vrai dans le marché des ILM où Rogers dessert à peu
près tous les abonnés. |
70. |
Le Conseil n'est pas convaincu
par l'affirmation de Rogers que la clause 4 n'enfreint pas l'article 9
du Règlement sous prétexte qu'elle offre « une solution raisonnable et
pratique au problème du câblage dans les nouveaux immeubles.. » . Cette
affirmation repose essentiellement sur deux arguments. Le premier est
qu'une EDR qui installe du câblage intérieur n'obtiendra pas un bon
rendement sur son investissement si elle est limitée à percevoir un
tarif de 0,52 $ par mois par abonné de son concurrent qui l'utilise. Le
deuxième est que la clause 4 permet à un propriétaire d'ILM d'éviter
d'acheter le câblage intérieur tant qu'il n'y a pas deux fournisseurs de
service, moment à partir duquel les deux EDR se trouvent à partager le
coût amorti du câblage. |
71. |
En qui a trait au premier
argument, le Conseil note que l'incorporation de la clause 4 aux
ententes que Rogers signe avec les propriétaires d'ILM lui permet, sur
une même période, de mieux recouvrer son investissement qu'elle ne
pourrait le faire dans le cadre de la décision actuelle du Conseil
concernant ce qui représente un tarif juste et raisonnable pour
l'utilisation du câblage. |
72. |
Quant au second argument, le
Conseil note que la proposition de Rogers consistant à séparer
moitié-moitié la valeur amortie établie par la clause 4, sans égard aux
pourcentages relatifs de pénétration réalisés par Rogers et la seconde
EDR, n'a été expliquée que par la simple assertion qu'il serait très
compliqué, administrativement parlant, de calculer les paiements d'une
deuxième concurrente basée sur son pourcentage d'utilisation. Le Conseil
n'est pas convaincu que les pratiques inefficientes dont aurait à
souffrir l'administration Rogers l'emportent sur l'importance d'un
mécanisme de tarification juste et raisonnable pour le câblage
intérieur, compte tenu des intérêts des abonnés, des titulaires et des
nouveaux venus. Le Conseil n'estime pas non plus que le partage d'un
coût amorti sous forme de somme forfaitaire soit approprié, peu importe
les circonstances. De plus, le Conseil aurait lieu de s'inquiéter si les
propriétaires d'ILM étaient aussi réticents à détenir le câblage
intérieur et à absorber les coûts de départ que ne le prétend Rogers,
car cela voudrait dire que les propriétaires d'ILM hésiteront à accorder
l'accès de leur immeuble aux concurrents, de crainte de déclencher le
mécanisme de la clause 4. |
73. |
L'effet de la clause 4 a été,
ou pourrait être, d'obliger les nouveaux venus à payer une somme
forfaitaire d'au moins 50 % du coût amorti du câblage intérieur, sans
égard à l'utilisation qui est faite de ce câblage. On peut aussi
présumer que, dans la plupart des situations, la somme forfaitaire par
appartement dépassera de beaucoup le tarif de 0,52 $ par mois que le
Conseil a jugé juste et raisonnable compte tenu du pourcentage
d'abonnements dans l'immeuble. Le Conseil estime que cette situation
peut avoir des répercussions financières négatives sur le développement
de la concurrence. |
74. |
La clause 4 donne aussi à
Rogers un droit perpétuel et inaliénable de préséance sur les autres
fournisseurs pour l'utilisation du câblage. Rogers s'est expliquée en
disant que « s'il arrivait, à cause de la configuration du câblage,
qu'il soit impossible à deux fournisseurs de se servir en même temps du
câblage, Rogers aurait priorité d'utilisation sur l'autre fournisseur ».
Cela signifie que si un abonné désire garder Rogers pour lui fournir
Internet ou un autre service de communication comme la téléphonie, mais
s'adresser à une nouvelle EDR pour ses services de radiodiffusion, la
nouvelle EDR ne sera pas en mesure de se servir du câblage intérieur si
Rogers en a besoin pour fournir le service à l'abonné. De plus, si
l'abonné opte pour une nouvelle EDR et, par la suite, s'adresse à Rogers
pour lui fournir des services d'Internet, de téléphonie ou de télévision
à la carte, Rogers pourra invoquer son droit de préséance pour reprendre
le câblage en vue de lui fournir le service. Le droit perpétuel et
inaliénable de préséance sur les autres concurrents ferait en sorte que,
advenant qu'il faille faire un choix entre Rogers et une nouvelle EDR,
Rogers aurait toujours préséance. |
75. |
Rogers a indiqué que dans
presque tous les cas, les nouveaux ILM sont équipés de deux câbles, et
que par conséquent le droit de préséance ne devrait pas entrer en jeu.
Toutefois, dans les ILM où la configuration du câblage ne peut pas
accommoder deux fournisseurs, le Conseil croit que l'utilisation par
Rogers de son droit perpétuel et inaliénable de préséance sur le câblage
intérieur aurait des répercussions financières négatives sur les
concurrents puisque, dans les circonstances, le concurrent perdrait son
abonné ou serait obligé d'installer son propre câble dans le logement de
l'abonné. |
|
iii) Conclusion du
Conseil à l'égard de l'article 9
|
76. |
À la lumière de ce qui vient
d'être dit, le Conseil est d'avis que la clause 4 a eu ou pourrait avoir
des répercussions financières négatives sur ExpressVu et tous les autres
nouveaux venus, de même que sur le développement de la concurrence dans
les ILM où la clause 4 s'applique. La clause 4 est donc contraire aux
objectifs de la Loi et à l'intérêt public. |
77. |
Le Conseil conclut donc qu'en
signant avec des propriétaires d'ILM des ententes comportant la clause
4, Rogers a enfreint l'article 9 du Règlement en se conférant une
préférence indue et en soumettant ses concurrents à un désavantage indu.
Par conséquent, il est ordonné à Rogers de prendre les mesures
nécessaires pour se conformer au Règlement, en ce qui a trait à la
clause 4. |
78. |
La plainte d'ExpressVu suggère
comme mesure de réparation que Rogers fasse savoir à toutes les parties
qui ont signé avec elle une entente comportant la clause 4 que cette
clause n'est pas exécutoire; qu'elle fasse paraître des avis à cet effet
dans les principaux journaux de son territoire de desserte; et qu'elle
dépose au dossier public toutes ses ententes relatives à l'accès. Le
Conseil estime que ces mesures spécifiques ne sont pas nécessaires à ce
stade. Il rappelle toutefois que si Rogers ne prend pas les mesures pour
rectifier la situation, le Conseil pourrait amorcer une instance
publique pour examiner les circonstances qui l'empêcheraient d'avoir
recours aux pouvoirs de contrainte dont il dispose. |
|
Transfert de câblage intérieur
|
|
Plainte d' ExpressVu
|
79. |
ExpressVu soutient que Rogers
a contrevenu aux règles relatives au transfert de câblage intérieur et
posé certains gestes qui constituent une violation à l'article 9 du
Règlement car ils ont concrètement empêché le transfert d'un occupant
d'ILM de Rogers à ExpressVu et concrètement et inutilement compromis le
droit d'un abonné à un service de qualité. ExpressVu estime que les
gestes de Rogers témoignent d'un comportement négligent ou d'un
stratagème délibéré, visant à altérer sa capacité à servir rapidement et
efficacement de nouveaux clients. |
80. |
En énonçant les détails de
cette partie de sa plainte, ExpressVu soulève trois grandes
préoccupations, à savoir : |
|
- les intervalles de service,
- les empêchements opérationnels,
- les exigences de déclaration.
|
|
Intervalles de service - Positions des parties
|
81. |
ExpressVu rappelle au Conseil
qu'elle a, avec Rogers, accepté de prolonger la période d'avis à
48 heures et d'accorder un rendez-vous de deux heures, même si les
règles du Conseil obligent les entreprises de câblodistribution à
terminer le transfert de câblage intérieur en 24 heures et à fixer une
plage de rendez-vous de deux heures. ExpressVu déclare cependant que les
transferts n'ont pas toujours été terminés dans les 48 heures et qu'elle
a parfois eu du mal à accéder aux enceintes de services aux clients (ESC)
et aux panneaux de distribution. |
82. |
Rogers admet qu'il lui est
parfois arrivé, mais rarement, de ne pas pouvoir terminer des demandes
de transfert d'ExpressVu dans le délai convenu de 48 heures et explique
que, en cas de problème, elle avise immédiatement son groupe de services
à la clientèle (GSC) qui, à son tour, prévient ExpressVu afin que la
difficulté soit réglée en temps opportun.2 |
83. |
Rogers ajoute qu'ExpressVu n'a
documenté que sept transferts non terminés en 48 heures, que 4 de ces
cas se sont produits en 2002 et 5 seulement dans le grand Toronto.
Rogers signale qu'ExpressVu a plus de 10 000 abonnés d'ILM et qu'un taux
d'erreur de 5 sur un total de 10 000 transferts de câblage appuie plutôt
sa position voulant que le non-respect du délai de 48 heures ait été
rare et involontaire. |
|
Empêchements opérationnels - Positions des parties
|
84. |
ExpressVu donne plusieurs
exemples d'incidents pour lesquels elle affirme que son câblage a été
coupé ou débranché à tort par Rogers, d'où des interruptions de service
pour les consommateurs. |
85. |
Rogers répond qu'il lui est
difficile de fournir une explication pour les points soulevés par
ExpressVu puisque celle-ci ne donne aucun détail sur les abonnés
débranchés à tort. Rogers suggère que les débranchements « accidentels »
seraient dus à un mauvais étiquetage du matériel d'ExpressVu. |
86. |
ExpressVu rejette la réponse de
Rogers qui croit que les débranchements seraient dus au mauvais
étiquetage de son équipement et signale que la conception de son
équipement est tellement différente de celui de Rogers que n'importe
quel technicien ou contrôleur sait faire la distinction. |
87. |
ExpressVu prétend également que
le mode et le nombre de débranchements, de coupures de câbles, de
changements de serrure, d'enlèvement de panneaux et de rendez-vous
manqués par Rogers démontrent autre chose qu'un simple manque de
formation du personnel de terrain de Rogers. |
|
Exigences de déclaration - Positions des parties
|
88. |
ExpressVu demande au Conseil
de prévoir des exigences de déclaration semblables à celles que doivent
déjà respecter les entreprises de services locaux titulaires (ESLT). Si
tel était le cas, Rogers devrait respecter une règle qui l'obligerait,
dans 90 % des demandes mensuelles pertinentes, à fournir, dans les 48
heures, un accès aux ESC et aux panneaux de distribution et à remettre
des rapports mensuels présentant le résultat obtenu à cet égard.
ExpressVu propose aussi au Conseil d'imposer à Rogers des normes
semblables lors de ses renouvellements de licence, d'envisager des
indicateurs supplémentaires, d'introduire des amendes exigibles en cas
de non-respect des normes et de considérer que tout manquement régulier
à ces normes contrevient à l'article 9 du Règlement. Enfin, ExpressVu
suggère que le Conseil prépare un code de conduite qui associerait des
tiers contractants au transfert de câblage et aux échanges de clés des
boîtiers de chaque EDR. |
89. |
Rogers répond qu'il est inutile
d'ajouter de nouvelles règles pour assurer la concurrence dans le
marché des ILM de Toronto. Rogers désapprouve également l'idée d'un
code de conduite et allègue qu'ExpressVu cherche plutôt, dans le cas
présent, à l'obliger à lui donner accès à ses boîtiers. Rogers rappelle
que le Conseil reconnaît dans l'avis public 2000-81
qu'il est important de respecter l'intégrité du matériel dans les
boîtiers. |
90. |
Dans son mémoire du 22
août 2003, ExpressVu fait valoir que les anciennes rencontres entre les
parties ont permis de baliser les transferts de câblage mais qu'elles
n'ont jamais permis de mettre en place des procédures et paliers
d'intervention3 ou de
notification. ExpressVu maintient que l'établissement de nouvelles
mesures réduirait ses coûts et le nombre de plaintes qu'elle dépose
contre Rogers et revient sur sa proposition refusée par Rogers de faire
affaire avec des contractants qui assureraient gratuitement pour Rogers
les transferts de câblage entre les deux entreprises du grand Toronto.
|
91. |
Au sujet des procédures
d'intervention et de notification, Rogers cite le procès-verbal d'une
réunion du 8 juillet 2003 où les parties se sont entendues sur une
notification de 72 heures pour des travaux de construction ou de
réparation afin d'éliminer les interruptions de service. |
92. |
Dans son mémoire final du 3 octobre 2003,
ExpressVu allègue que Rogers n'a aucune mesure incitative qui
l'inciterait à offrir à ses concurrents un service de transfert de
câblage de qualité puisque le Conseil n'exige d'elle aucun compte rendu
sur ses résultats et qu'elle n'est pas sanctionnée en cas de mauvais
service. ExpressVu observe que le Conseil exige que les entreprises
titulaires du secteur des télécommunications fournissent des comptes
rendus sur la qualité de service qu'elles offrent à leurs concurrents et
que le non-respect des normes les exposent au paiement de pénalités.
ExpressVu estime que les transferts de câblage par les EDR par câble
devraient être assujettis aux mêmes obligations et ajoute qu'elle a
récemment commencé à surveiller ces transferts et à en assurer un suivi,
et qu'elle est disposée à remettre au Conseil des rapports mensuels sur
cette question. |
|
Analyse et décision du Conseil
|
93. |
95. Le Conseil note, dans
l'avis public 2000-81,
que : |
|
..afin de faciliter les visites conjointes rapides pour
transférer le service, toutes les titulaires sont tenues de répondre
aux demandes d'accès aux ESC ou aux panneaux de distribution, faites
par d'autres distributeurs, dans les 24 heures de la réception d'une
demande et de leur donner une période de rendez-vous de deux heures.
En rendant sa décision visant à introduire cette exigence de
politique, le Conseil a tenu compte de l'impact de l'exigence sur
les entreprises de distribution dont la taille et les ressources
diffèrent.
|
94. |
Le Conseil observe que les
distributeurs négocient généralement des ententes mutuellement
satisfaisantes qui prévoient parfois un délai de traitement des demandes
de transferts supérieur à 24 heures pour s'assurer que ces transferts
sont faits de manière raisonnable et efficace. |
95. |
Le Conseil estime que le dossier de cette
instance établit que Rogers a enfreint les règles relatives au transfert
de câblage à plusieurs occasions, mais ajoute qu'ExpressVu n'a pas
apporté suffisamment de preuves démontrant que ces violations se
produisaient de façon régulière et que Rogers agissait de façon
systématique et délibérée pour décourager la concurrence des EDR dans
les ILM du grand Toronto. |
96. |
ExpressVu maintient que les gestes posés
par Rogers à l'égard des intervalles de service et d'autres aspects de
transferts de câblage contreviennent à l'article 9 du Règlement. Bien
que le Conseil conclue qu'il s'est produit des erreurs et des délais, il
considère néanmoins qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que deux
entreprises commettent un certain nombre d'erreurs opérationnelles en
pareille situation. |
97. |
Par ailleurs, le Conseil ne peut pas
conclure que l'un ou l'autre de ces problèmes a considérablement nui à
l'intérêt général. Le dossier de cette instance tend à indiquer que,
dans la grande majorité des cas, le transfert s'est fait en temps
opportun. Sous ce rapport, il ne semble pas que les gestes de Rogers
aient sensiblement restreint le choix des utilisateurs finaux. |
98. |
Le Conseil considère donc que
les preuves illustrant les quelques cas de non-respect d'intervalle de
service ou d'obligations opérationnelles ne suffisent pas à démontrer
qu'il y a eu préférence ou désavantage indu. Le Conseil s'attend
cependant à ce que Rogers fasse preuve de vigilance et à ce qu'elle
respecte dorénavant les règles relatives au transfert de câblage. |
99. |
Pour ce qui est de la demande
d'ExpressVu d'obliger Rogers à fournir, dans 90 % des cas, un accès aux
ESC et aux panneaux de distribution dans les 48 heures de la requête et
à remettre des rapports mensuels décrivant des progrès à l'égard du
respect de cette norme, le Conseil considère que l'établissement
d'exigences de rapports aussi détaillés entraînent, tant pour les
parties que pour lui-même, des ressources supplémentaires non justifiés
puisque ExpressVu n'a fourni aucun argument concluant ou preuve
suffisant à en démontrer la nécessité. |
|
Reconquête des abonnés
|
|
Plainte d'ExpressVu
|
100. |
Selon ExpressVu, Rogers
harcelait les clients existants et potentiels d'ExpressVu sur le marché
des ILM de Toronto en lançant dans les ILM des campagnes de reconquête
de ses anciens abonnés moins de 90 jours après résiliation de leur
contrat avec Rogers pour s'abonner à ExpressVu. Cette pratique est
contraire aux règles de reconquête énoncées. |
101. |
ExpressVu cite notamment le cas du complexe
Marina Del Rey (le Marina Del Rey), qui avait une entente de facturation
globale, ainsi que ceux des immeubles en copropriété South Beach (South
Beach), à Toronto, et de certains ILM à Orillia. ExpressVu soutient que
Rogers a pris contact avec les abonnés de ces immeubles qui l'avaient
quittée pour ExpressVu moins de 90 jours après que ces derniers aient
signé un contrat de services avec un concurrent et qu'elle leur a
proposé des offres promotionnelles, contrairement aux règles de
reconquête. |
102. |
La politique de reconquête du
Conseil qui s'appliquait lors du dépôt de la plainte d'ExpressVu est
énoncée dans la lettre du Conseil Objet : Litige du CDIC - Règles
relatives à la communication entre le client et l'entreprise de
distribution de radiodiffusion, 1er avril 1999. La partie
qui nous intéresse est la suivante : |
|
[.] le Conseil a jugé que, comme question de politique, il
exigera que les câblodistributeurs titulaires s'abstiennent de
commercialiser directement leurs services auprès des clients dont le
mandataire les a avisés de leur intention d'annuler le service de
câble de base. Cette restriction vaudra à compter de la date de
réception de l'avis d'annulation jusqu'à quatre-vingt-dix (90) jours
après la date de débranchement du service de câble de base. Si le
débranchement du service se produit avant la réception de l'avis
d'annulation par le câblodistributeur titulaire, la restriction
s'appliquera durant quatre-vingt-dix (90) jours à partir de la date
du débranchement.
|
|
Le Conseil a également jugé qu'il exigera que les
câblodistributeurs titulaires s'abstiennent d'offrir des rabais ou
d'autres incitatifs qui ne sont généralement pas offerts au public
aux clients qui communiquent personnellement avec eux pour annuler
leur service de câble de base. Cette restriction s'appliquera à
partir de la date de réception de l'avis d'annulation et jusqu'à
quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date de débranchement du
service de câble de base.
|
103. |
Dans Changements aux règles
de reconquête des entreprises de distribution de radiodiffusion,
avis public de radiodiffusion CRTC 2004-62,
13 août 2004 (l'avis public 2004-62),
le Conseil interdit pendant 90 jours aux EDR titulaires de tenter
de reconquérir des clients ayant choisi de changer d'EDR et leur interdit
également de commercialiser leur service dans un ILM donné dans les
90 jours suivant la date de signature d'une entente d'accès avec une
EDR concurrente. Cependant, parce que les règles de reconquête modifiées
ne sont entrées en vigueur qu'après les événements à l'origine de
la présente plainte, le Conseil a examiné la plainte à la lumière
des règles de reconquête telles qu'elles existaient avant leur modification. |
104. |
ExpressVu s'inquiète également
du fait que Rogers n'a peut-être pas instauré les procédures lui
permettant de se conformer correctement aux exigences du Conseil
relatives aux GSC. Selon elle, l'absence de telles procédures a conféré
à Rogers une préférence indue et a soumis ExpressVu à un désavantage
indu dans la mesure où Rogers a utilisé des tactiques
anticoncurrentielles et des offres incitatives pour reconquérir
d'anciens clients à elle ou convaincre d'autres consommateurs de changer
de fournisseurs. ExpressVu suggère au Conseil d'envisager lors du
renouvellement de licence de Rogers des conditions de licence qui
restreindraient les activités de reconquête de cette titulaire. |
105. |
ExpressVu demande au Conseil
d'ordonner à Rogers de remettre immédiatement une description des
procédures suivies pour retracer les consommateurs qui l'ont quittée
afin de s'assurer que ces noms disparaissent de ses listes de marketing
pendant une période de 90 jours; de communiquer un compte rendu des
mesures prises pour créer un GSC complètement indépendant ; de présenter
les mécanismes qu'elle a mis en place pour s'assurer que les vendeurs et
les employés de son secteur du marketing n'ont accès à aucun
renseignement stratégique sur le plan de la concurrence. |
106. |
Dans son mémoire du 22 août
2003, ExpressVu examine l'applicabilité des règles de reconquête dans
les ILM aux ententes de facturation globale et déclare que le Conseil
devrait modifier ces règles au cas où celles-ci ne s'appliqueraient pas
aux occupants individuels des ILM ayant une entente valide de
facturation. En outre, ExpressVu allègue que Rogers contrevient à
l'article 5 du Règlement lorsque son entente de facturation globale
prévoit offrir des services facultatifs, mais pas son service de base, à
des abonnés.4 |
107 |
À titre de mesure de
redressement, ExpressVu demande encore dans sa plainte au Conseil de :
|
|
- prolonger à 12 mois la période de 90 jours pendant laquelle il est
interdit de communiquer avec des abonnés ayant changé de fournisseur
de services ;
|
|
- créer une procédure qui s'appliquerait lorsque des abonnés
communiqueraient avec des représentants de services à la clientèle
pour demander un débranchement afin de faire affaires avec un autre
fournisseur de services considéré comme un nouveau venu ;
|
|
- décider si l'exploitant d'entreprise de câblodistribution
titulaire du marché des ILM de Toronto devrait être autorisé à prendre
contact avec des abonnés de ce marché pour tenter de modifier le bloc
de services que ceux-ci reçoivent ;
|
|
- déterminer s'il convient ou non d'interdire aux EDR d'offrir
divers avantages, dont un service gratuit, aux propriétaires et aux
administrateurs d'immeubles.
|
|
Réplique de Rogers
|
108. |
Rogers croit que les règles de
reconquête s'appliquent dès qu'un client ou son agent prend contact pour
annuler son service. Dans le cas d'une facturation globale, Rogers
maintient que son client est le conseil d'administration des
copropriétaires, et non l'utilisateur final. Rogers confirme donc que
les utilisateurs finaux du Marina Del Rey qui n'ont reçu que le service
groupé n'étaient pas ses clients. Ceux-ci ne l'ont pas appelée pour
annuler le service parce que, dans ce cas, ExpressVu a servi d'agent
pour le conseil d'administration plutôt que pour les utilisateurs finaux
eux-mêmes. |
109. |
D'un autre côté, Rogers
soutient que les utilisateurs finaux qui reçoivent des services de
programmation facultatifs en plus d'un service groupé sont ses clients.
Rogers ajoute néanmoins que ces clients n'ont jamais annulé leurs
services avec elle et que les règles de reconquête ne s'appliquent donc
pas à eux. |
110. |
Rogers explique encore que les
revenus d'ExpressVu sont protégés dans le cas du Marina Del Rey puisque
cette dernière continue à recevoir 100 % de ses revenus totaux, que le
client achète ou non des services de Rogers. |
111. |
Rogers note que certains
clients du Marina Del Rey possèdent des téléviseurs haute définition et
que la technologie VDSL d'ExpressVu ne donne pas accès à un service
haute définition. Selon Rogers, certains clients ont donc communiqué
avec elle pour bénéficier de son service de distribution par câble et
d'un service haute définition. Rogers explique que les clients du Marina
Del Rey qui ont continué à recevoir ses services recevaient au minimum
un service Internet ou un service par câble, y compris un service de
base, ou les deux, et qu'elle ne contrevenait donc pas à l'article 5 du
Règlement. |
112. |
Rogers soutient aussi qu'aucun
occupant du Marina Del Rey n'a reçu d'offre promotionnelle de sa part et
que ceux-ci n'ont jamais eu droit qu'aux seules offres généralement
disponibles à cette époque dans le grand Toronto et ce, indépendamment
du fait qu'il y ait eu une EDR concurrente dans l'immeuble. |
113. |
Rogers ajoute qu'il n'y a pas
lieu de parler des offres qu'elle fait aux clients puisque ses groupes
de services à la clientèle et ses procédures de reconquête sont
parfaitement conformes aux règles de reconquête du Conseil. Rogers
maintient que, contrairement aux allégations d'ExpressVu, elle ne
propose aucun service numérique gratuit aux clients des ILM. En
revanche, elle offre un boîtier numérique gratuit à tous ses clients de
marque, que ceux-ci habitent des logements unifamiliaux ou des ILM. |
114. |
Rogers explique comment
l'information est communiquée à ses groupes de ventes et de marketing. |
|
- Les clients, y compris les propriétaires et administrateurs des
immeubles ou les conseils d'administration de copropriétaires et les
conseils de copropriété, lui transmettent directement une information.
|
|
- Elle-même constate la présence d'un concurrent dans un ILM lors de
la tenue de réunions avec le conseil d'administration des
copropriétaires.
|
|
- Des clients existants d'une IML préviennent des représentants de
son groupe de services à la clientèle de la présence d'un autre
fournisseur de services. L'information est généralement transmise à
son groupe de ventes qui vérifie alors si le concurrent utilise des
méthodes telles que des discussions avec l'administrateur de
l'immeuble.
|
115. |
Étant donné les différents
modes de transmission de l'information à ses groupes de marketing et de
ventes, Rogers réfute l'argument d'ExpressVu voulant que son groupe de
services à la clientèle pratique une veille concurrentielle pour ses
groupes de marketing et de vente et soutient que cette accusation est
totalement fausse et dénuée de fondement. |
116. |
Rogers rejette l'allégation d'ExpressVu
qui affirme qu'elle a contacté ses anciens abonnés moins de 90 jours
après leur engagement avec ExpressVu et qu'elle leur a proposé une offre
promotionnelle. Rogers explique qu'elle a fourni pendant plusieurs
années aux occupants du Marina Del Rey un service correspondant à une
entente globale avant qu'ExpressVu ne se soit engagée auprès du conseil
d'administration des copropriétaires à fournir un service groupé à sa
place. À la suite de la décision du conseil d'administration de confier
à ExpressVu la fourniture de services groupés de vidéo, Rogers a
continué, à la demande du conseil, à fournir un service groupé à
l'ensemble de l'immeuble pour la durée du transfert progressif du
service VDSL d'ExpressVu. Par conséquent, tant Rogers qu'ExpressVu
étaient tenues, par contrat, de fournir au complexe Marina Del Rey un
service groupé jusqu'au 31 août 2003. Par la suite, Rogers a été avisée
que, à compter du 1er septembre 2003, [traduction] « les
derniers clients de Rogers au Marina Del Rey seraient uniquement des
locataires faisant affaires directement avec Rogers ». |
117. |
Rogers explique que tous les
clients d'un immeuble passent généralement d'une EDR à l'autre dans la
même soirée lorsque celui-ci change de fournisseur de service groupé.
Toutefois, soucieux de se conformer à l'esprit des règles de reconquête
et compte tenu du transfert progressif du service VDSL d'ExpressVu,
Rogers a tout fait dans le cas du Marina Del Rey pour s'assurer de ne
pas communiquer avec un client qui serait passé au service groupé d'ExpressVu
avant la fin du délai de 90 jours suivant le débranchement du service.
Roger déclare cependant que, en raison d'une erreur administrative, des
télévendeurs ont utilisé une fois une liste qui avait été
approximativement mise à jour une semaine plus tôt. Par conséquent,
Rogers note qu'il est possible que quelques clients aient été contactés
avant l'expiration du délai de 90 jours suivant leur conversion au
service d'ExpressVu. |
118. |
Rogers déclare qu'elle a appelé
des clients pour les informer qu'ils pourraient continuer à recevoir
ses services, mais qu'elle ne leur a pas fait d'offre promotionnelle.
Elle ajoute que cette pratique est autorisée et que, tel qu'énoncé
dans Facturation globale par les entreprises de distribution par
satellite de radiodiffusion directe, avis public de radiodiffusion
CRTC 2002-7,
12 février 2002 (l'avis public 2002-7),
au sujet de la facturation globale des fournisseurs des EDR par SRD,
le fait qu'ExpressVu soit le fournisseur d'un service groupé dans
ces immeubles ne signifie pas que celle-ci peut l'exclure du bâtiment. |
119. |
Rogers précise qu'elle offre
depuis des dizaines d'années aux gérants d'immeubles concurrentiels et
non-concurrentiels un service de télévision par câble gratuit, que
ceux-ci encouragent ou non le marketing de ses services. Selon Rogers,
ces encouragements facilitent l'établissement de bonnes relations avec
les propriétaires et avec les administrateurs des immeubles. Rogers
soutient qu'ExpressVu fait la même chose et cite en exemple le service
gratuit offert pour la suite d'invités d'une propriété de Collingwood,
en Ontario. |
120. |
Rogers indique que son groupe
des ventes a découvert que South Beach recevait un service d'ExpressVu,
mais que cette information n'a pas été divulguée à son groupe de vente
par démarchage. Rogersmaintient que sa campagne marketing de
porte-à-porte n'a constitué qu'une simple activité de vente destinée à
attirer de nouveaux clients au câble et qu'elle n'a pas été lancée en
réaction à l'arrivée d'ExpressVu. |
121. |
Rogers rappelle que son
personnel de vente par démarchage a, pour chaque immeuble, une liste
« expurgée » qui ne comprend pas les noms des abonnés actifs du câble et
ceux des clients ayant changé de fournisseur dans les 90 dernières
journées. Rogers note qu'ExpressVu ne l'a pas accusée d'avoir contacté
un seul de ses clients pendant le délai de 90 jours. |
|
Analyse et décision du Conseil
|
|
a) Applicabilité des règles de
reconquête - ILM ayant des ententes de facturation globale
|
122. |
Rogers souhaite savoir si les
règles de reconquête s'appliquent aux ILM qui ont une entente de
facturation globale, et notamment si elles s'appliquent au conseil
d'administration des copropriétaires ayant signé l'entente de
facturation globale ou aux locataires de chaque logement. |
123. |
Le Conseil note que les entreprises
par câble sont depuis quelque temps autorisées à négocier des ententes
de facturation globale et que, conformément à cette pratique, le Conseil
a aussi autorisé dans l'avis public 2002-7
tous les fournisseurs par SRD à adopter une démarche de facturation
globale. En outre, le Conseil note que, bien que le coût des services
de radiodiffusion obtenus à la suite d'une entente de facturation
globale fasse souvent partie des frais de copropriété, cette situation
n'empêche pas les occupants de choisir, s'ils le souhaitent, un autre
distributeur et de payer les frais supplémentaires correspondant au
service reçu. |
124. |
Dans Plainte déposée par
Câblevision TRP-SDM inc. contre Cogeco Câble inc. alléguant des infractions
à l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion,
décision de radiodiffusion CRTC 2004-4,
14 janvier 2004 (la décision 2004-4),
le Conseil conclut que rien n'empêche un autre distributeur d'offrir
son service dans un ILM, sur paiement des frais appropriés pour l'utilisation
du câblage intérieur, même si l'ILM en question a déjà une entente
de facturation globale. Par conséquent, un fournisseur de service
titulaire peut solliciter les occupants d'un ILM, qu'il existe ou
non une entente de facturation globale avec un autre fournisseur de
services. |
125. |
Le Conseil n'a jamais exclu de
l'application des règles de reconquête le cas des ILM ayant une entente
de facturation globale. Selon le Conseil, celles-ci s'appliquent à tous
les types de logements desservis par les EDR, y compris aux ILM où une
entente de facturation globale est en vigueur. Toutefois, le Conseil
note que les règles de reconquête s'appliquent aux « clients » qui
annulent leur service de base par câble. Le Règlement fait une
distinction claire entre le « client » et l' « abonné ». |
|
« client » Personne responsable du paiement des services de
programmation qui sont distribués par un titulaire et qui sont reçus
directement ou indirectement par un ou plusieurs abonnés. Est exclu
de la présente définition le propriétaire ou l'exploitant d'un
hôtel, d'un hôpital, d'une maison de repos ou de tout autre local
commercial ou établissement.
|
|
« abonné » Selon le cas :
a) ménage qui est composé d'une ou de plusieurs personnes occupant
un logement unifamilial ou un des logements d'un immeuble à
logements multiples et auquel le titulaire fournit directement ou
indirectement des services;
b) propriétaire ou exploitant d'un hôtel, d'un hôpital, d'une maison
de repos ou de tout autre local commercial ou établissement auquel
le titulaire fournit des services.
|
126. |
Le Conseil considère que la
définition de client ci-dessus signifie que le client d'un service de
base par câble serait la société de gestion du condominium ou le
propriétaire, selon le cas, qui aurait signé une entente de facturation
globale avec l'EDR et serait responsable du paiement du service
distribué en vertu de cette entente, et non le propriétaire ou le
locataire du logement. Par conséquent, les règles de reconquête
appliquées au sens strict interdisent en pareil cas à une EDR
d'approcher le conseil d'administration ou le propriétaire, mais pas
l'utilisateur final. |
127. |
Toutefois, le Conseil pense pour le moment
que les objectifs des règles de reconquête seraient mieux servis si l'on
s'assurait que celles-ci s'appliquent à la fois au client et à l'abonné
dont le service de base par câble a été annulé. Le but premier est de
s'assurer que l'EDR titulaire ne peut pas cibler précisément et pendant
une période de temps déterminée le client ou l'abonné dont le service de
base a été annulé pour le reconquérir. Ce principe s'applique que
l'abonné soit le locataire ou le propriétaire d'un appartement dans un
ILM. |
128. |
Tenant compte des considérations
ci-dessus, le Conseil lance une procédure dans Appel aux observations
sur les changements aux règles de reconquête s'appliquant à la fois
aux clients et aux abonnés, avis public de radiodiffusion CRTC
2004-86, également
publié aujourd'hui. Les modifications qui pourraient s'appliquer aux
règles de reconquête permettraient entre autres de s'assurer que l'EDR
titulaire ne pourra contacter directement, pendant la période de temps
fixée, l'un ou l'autre des occupants d'un ILM, y compris des propriétaires
de logements individuels, dont l'entente de facturation globale a
été annulée et qu'elle ne puisse offrir un quelconque encouragement
généralement refusé au public, aux abonnés qui l'auraient directement
contactée pour annuler leur service de base par câble. |
|
b) Prétendue violation de l'article 5
du Règlement
|
129. |
ExpressVu allègue que Rogers a
contrevenu à l'article 5 du Règlement. Le Conseil note que Rogers est
autorisée à distribuer des services de programmation facultatifs
supplémentaires à ses abonnés qui reçoivent son service de base en vertu
d'une entente de facturation globale ou autrement. Le Conseil note aussi
que Rogers est autorisée à fournir un service Internet, que ce soit elle
ou un concurrent qui fournisse le service de base par câble à l'abonné.
Se fondant sur le dossier de cette instance, le Conseil ne peut conclure
que Rogers a fourni un service en violation avec l'article 5 du
Règlement. |
|
c) Prétendue violation - Entente de
facturation globale et Marina Del Rey
|
130. |
Dans le cas du Marina Del Rey,
le fait que le dossier révèle que Rogers a effectivement pris contact à
au moins deux reprises avec des occupants de logements individuels ne
permet pas au Conseil de conclure que Rogers a enfreint les règles de
reconquête. Tel que discuté plus haut, les règles telles qu'elles sont
actuellement formulées n'empêchent pas Rogers de communiquer avec des
occupants de logements individuels lorsque son client du service de base
est le conseil d'administration des copropriétaires. Or, c'est le
conseil d'administration qui a avisé Rogers de son intention d'annuler
le service de base. De plus, en pareil cas, les règles en vigueur
n'empêchent pas Rogers de prendre contact avec les occupants de
logements individuels qui sont aussi des clients de ses services
facultatifs. |
|
d) Prétendues violations - Aucune
entente de facturation globale en vigueur
|
131. |
Pour ce qui est des ILM d'Orillia,
le Conseil note qu'ExpressVu déclare que les activités présumées de
reconquête ont eu lieu alors qu'une « entente était sur le point d'être
signée ». L'entente n'étant pas encore signée, les règles de reconquête
ne pouvaient pas encore s'appliquer. |
132. |
Dans le cas de South Beach,
le Conseil note que l'avis public 2000-81
indique que, lorsque le fournisseur de services titulaire se livre
à des activités de marketing de masse auprès des occupants d'ILM,
ce marketing « échappe au domaine des restrictions relatives
à la reconquête » tant que « cette tactique n'implique pas
de marketing direct auprès du client ayant annulé le service ».
Le Conseil considère qu'ExpressVu n'a pas fourni les renseignements
nécessaires pour corroborer ses accusations de violation des règles
de reconquête dans le cas de South Beach en indiquant par exemple
si Rogers avait réellement contacté les occupants des logements abonnés
à ExpressVu. Le Conseil remarque qu'ExpressVu a simplement déclaré
que Rogers était sur place pendant la période de 90 jours où
il lui était interdit de solliciter ses anciens clients et que Rogers
« devait avoir utilisé ses dossiers pour déterminer quels logements
n'étaient pas abonnés à ses services, ciblant ainsi les 15 uniques
abonnés d'ExpressVu de l'immeuble ainsi que les occupants ayant prouvé
leur manque d'intérêt pour le câble ou pour la distribution par SRD
». Toutefois, ExpressVu n'a pas repéré les appartements ayant adhéré
à ExpressVu que Rogers avait soi-disant contactés. |
133. |
En outre, le Conseil constate
que les règles de reconquête ne s'appliquent pas à la sollicitation
d'occupants de logements qui ne sont ni des clients du câble, ni des
clients SRD, puisque les EDR ne peuvent pas reconquérir des occupants
d'ILM qui n'ont jamais fait partie de leur clientèle. |
134. |
L'examen de tous les
renseignements mis à sa disposition ne permet pas au Conseil de conclure
que Rogers ait contrevenu aux règles de reconquête dans les cas qui lui
ont été soumis. |
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e) Prétendue violation -
Encouragements
|
135. |
ExpressVu maintient que Rogers
offre gratuitement à plusieurs gérants d'ILM un service par câble et des
caméras de sécurité ainsi que d'autres avantages accessoires, dont des
vols panoramiques, des déjeuners et des dîners ou des équipements
gratuits de jeu pour reconquérir des abonnés. |
136. |
Le Conseil note que Rogers
déclare avoir offert pendant des dizaines d'années un service par câble
gratuit à des gérants d'immeubles, que ceux-ci aient accepté ou refusé
de l'aider à commercialiser ses services. Le Conseil considère qu'ExpressVu
n'a pas fourni suffisamment de preuves à l'appui de son accusation
d'offre d'encouragements destinée à récupérer d'anciens abonnés ou de sa
conclusion de préférence indue. |
|
f) Nouvelles exigences de suivi des
groupes de services à la clientèle et autres mesures
|
137. |
Pour en revenir à la question des exigences
de suivi des groupes de services à la clientèle et de la création d'un
groupe de services entièrement indépendant, le Conseil croit que les
mécanismes mis en place par Rogers se comparent à ceux des autres grands
titulaires d'EDR. Le Conseil note aussi que Rogers a décrit ses
procédures de suivi au cours de la présente instance. Par conséquent, le
Conseil conclut qu'il n'est pas justifié d'imposer actuellement à Rogers
des exigences en matière de suivi, comme le réclame ExpressVu. |
|
Marketing ciblé
|
|
Plainte d'ExpressVu
|
138. |
ExpressVu soutient entre
autres que Rogers a proposé aux occupants des ILM des offres
promotionnelles après avoir découvert qu'elle-même comptait proposer un
service concurrentiel dans l'immeuble, et que ces offres étaient
généralement réservées aux seuls occupants des ILM. ExpressVu suggère
que l'intention de Rogers était de retenir le maximum de clients et de
les empêcher de passer à la concurrence. ExpressVu allègue que ce
marketing préventif si étroitement ciblé constitue une préférence indue
et un désavantage indu et contrevient à l'article 9 du Règlement. |
139. |
ExpressVu estime que la
campagne de marketing ciblé de Rogers visant les ILM n'ayant pas
d'entente de facturation globale et où elle-même installe son service
réduit sa pénétration d'au moins 50 %. En outre, ExpressVu soutient que
de telles campagnes permettent de s'assurer que ses contrats avec les
propriétaires d'appartements d'ILM ne sont pas financièrement viables
car elles relèvent ses frais et ses besoins en ressources à un niveau
tel qu'elle ne peut plus offrir de solution concurrentielle viable aux
occupants d'ILM à certains endroits. |
140. |
ExpressVu demande au Conseil
d'imposer une nouvelle obligation visant à prévenir cette tactique de
marketing ciblé lancée dès le moment où un nouveau venu désigne
officiellement à Rogers un immeuble où il compte s'installer. |
141. |
ExpressVu déclare que Rogers
retient plus de 95 % de la clientèle des ILM dans le grand Toronto mais
que celle-ci, malgré son importante part de marché, n'est actuellement
assujettie à pratiquement aucune des contraintes et règles que la
politique de réglementation des télécommunications du Conseil impose à
Bell Canada. ExpressVu demande au Conseil d'imposer à Rogers des
restrictions semblables à celles qui régissent les promotions des ESLT.
|
142. |
ExpressVu affirme aussi que le
Conseil devrait établir une nouvelle exigence pour mettre fin à cette
perception d'inégalité et interdire à Rogers d'adopter des pratiques
préventives de marketing ciblé accompagnées d'offres promotionnelles
dans les ILM où s'installe un concurrent. |
143. |
Par ailleurs, ExpressVu suggère
au Conseil d'imposer à Rogers plusieurs correctifs détaillés par
condition de licence lors de son renouvellement de licence. |
|
Réplique de Rogers
|
144. |
Répliquant à ExpressVu, Rogers
répond en gros que la plainte d'ExpressVu ne signifie pas que le Conseil
doive prendre d'autres mesures. Rogers estime qu'ExpressVu n'a pas fait
la preuve que ses résultats dans le marché des ILM sont liés d'une façon
ou d'une autre à ses propres gestes et suggère qu'ExpressVu n'a pas
consacré la même énergie au marché des ILM qu'elle en a consacré au
marché des logements unifamiliaux, d'où ses succès plus importants dans
ce dernier secteur. |
145. |
Rogers explique qu'elle ne
fait aucune offre ciblée visant directement les occupants des ILM
concurrentiels et que toutes ses activités de vente, que celles-ci
concernent des ILM concurrentiels ou non concurrentiels ou encore des
logements unifamiliaux, visent à inciter les clients à mettre à jour
leur bloc de services - ce qu'elle appelle un « rajustement » du client.
Ces offres promotionnelles ne permettent pas aux clients de conserver
leurs services à prix réduit. |
146. |
Rogers note que la principale raison qui
retient les clients à s'abonner à un nouveau produit comme la télévision
numérique est l'augmentation de leurs frais mensuels. Rogers soutient
que le fait de proposer un rabais sur un service numérique pendant une
période de temps limitée est un moyen efficace de commercialiser le
service en question et d'encourager les clients à faire l'essai de la
télévision numérique. Rogers soutient que ses concurrents des immeubles
où s'affrontent plusieurs fournisseurs de services affirment souvent que
leurs services sont numériques et que le service par câble ne l'est pas.
Rogers pense que ses offres visent à démontrer à ses clients qu'elle
propose le nec plus ultra des services numériques par câble. |
147. |
Rogers soutient qu'ExpressVu a utilisé des
analyses et des données propres à induire en erreur pour suggérer
qu'elle avait une part du marché des EDR beaucoup plus importante qu'en
réalité. Selon Rogers, les occupants de 11,3 % des ILM du grand Toronto
ont un choix d'EDR et les occupants de 8 % des ILM du grand Toronto ont
le choix de recevoir Look TV ou Star Choice. En outre, beaucoup de
locataires d'ILM peuvent recevoir Star Choice ou le service d'ExpressVu
en installant des antennes paraboliques orientables sur leurs balcons.
|
148. |
Rogers croit que les nouvelles
exigences que préconise ExpressVu et que celle-ci souhaite lui voir être
imposées sont une tentative visant à l'empêcher de lui faire
complètement concurrence dans les ILM. Rogers note que Bell Canada a une
part de marché de 99,6 % même si celle-ci doit faire approuver ses
tarifs, ce qui équivaut à une situation de monopole, tandis que Rogers a
perdu 15 % de part de marché et doit affronter une solide concurrence.
|
|
Analyse et décisions du Conseil
|
149. |
La position générale du Conseil
à l'égard de la tarification anticoncurrentielle est énoncée dans
le cadre de réglementation des EDR présenté dans l'avis public 1997-25.
Dans cet avis public, le Conseil précise qu'il considère habituellement
que le fait de laisser une titulaire baisser ses prix pour tenter
d'éliminer la concurrence, et les relever ultérieurement au-delà des
prix concurrentiels pour récupérer ses pertes antérieures, ne sert
pas l'intérêt public. Cette démarche ne peut cependant être adoptée
que lorsqu'il existe des obstacles importants à l'entrée des concurrents
sur le marché. Le Conseil croit que les nouveaux concurrents, qu'il
s'agisse de distributeurs par SRD ou de fournisseurs de services sans
fil ou filaires, peuvent facilement entrer sur le marché de sorte
que, dès que l'exploitant de l'entreprise de distribution par câble
augmente ses prix au-delà d'un seuil concurrentiel, le ou les concurrent(s)
entrent sur le marché ou y reviennent, forçant alors l'exploitant
de l'entreprise de distribution par câble à baisser ses tarifs. Le
Conseil conclut qu'il n'est pas persuadé de la nécessité d'établir
des balises précises pour protéger les tarifs concurrentiels. |
150. |
D'après le dossier de cette
instance, les promotions de Rogers peuvent comprendre : |
|
- un service analogique par câble à prix réduit pendant une courte
période de temps, installation gratuite;
|
|
- un service numérique par câble à prix réduit pendant une courte
période de temps, installation gratuite, films à la carte gratuits, 60
jours d'essai gratuits d'une chaîne numérique et boîtier de décodage
gratuit;
|
|
- Internet à prix réduit pendant une courte période de temps,
installation gratuite.
|
151. |
Le Conseil note que Rogers déclare que ses
promotions n'étaient pas des offres étroitement ciblées visant
uniquement les occupants des ILM concurrentiels, mais plutôt des
activités de marketing de « rajustement » du client réalisées dans les
ILM concurrentiels et non concurrentiels ainsi que dans des logements
unifamiliaux. |
152. |
Le Conseil estime que, selon le
dossier, Rogers a lancé plusieurs promotions d'une durée limitée dans
les ILM du grand Toronto et que la nature de ces promotions a eu pour
résultat de conférer une préférence aux nouveaux abonnés de Rogers et un
désavantage aux abonnés existants de Rogers. |
153. |
En ce qui a trait au caractère
indu de ces préférences et désavantages, le Conseil note que les
promotions sont généralement vues comme une pratique d'affaires légitime
tant en situation de monopole que dans des marchés concurrentiels et que
les clients en tirent profit. Comme le souligne Rogers, elles peuvent
stimuler la demande de nouveaux services et de services existants et
encourager les clients à actualiser leur bloc de services. ExpressVu a
également admis que tous les fournisseurs de services modifiaient leurs
tarifs et blocs de service de temps à autre. |
154. |
Le Conseil note que les circonstances
de la plainte d'ExpressVu présentent des similitudes avec les cas
discutés dans Plainte de Novus Entertainment Inc. accusant Shaw
Cablesystems Company de pratiques anticoncurrentielles de commercialisation,
décision de radiodiffusion CRTC 2004-3,
8 janvier 2004. Pour la plainte de Novus Entertainment Inc. (Novus),
le Conseil a examiné des questions de marketing ciblé qui se comparent
à celles qui sont discutées ici et décidé que celle-ci n'était pas
suffisamment fondée pour conclure à une préférence indue. Le Conseil
a entre autres cité la durée limitée de la promotion légitime de Shaw
Cablesystems Company (Shaw) et affirmé que Novus n'avait pas réussi
à prouver que l'activité de Shaw avait eu ou pouvait avoir eu des
conséquences néfastes importantes sur elle-même ou sur le système
canadien de radiodiffusion. S'inspirant de ce cas, le Conseil conclut
que les promotions de Rogers étaient d'une durée limitée, le plus
souvent pour des périodes de 30 ou de 60 jours, et qu'ExpressVu
n'a pas fourni suffisamment d'informations pour lui permettre de déterminer
si ces promotions avaient eu ou pouvaient avoir eu des conséquences
néfastes importantes sur une personne ou sur le système canadien de
radiodiffusion. |
155. |
À la lumière de ce qui précède
et se fondant sur le dossier de cette instance, le Conseil ne peut
conclure que les promotions offertes par Rogers à une partie des abonnés
du marché du grand Toronto ont eu ou peuvent avoir eu des conséquences
néfastes importantes sur la plaignante, sur d'autres abonnés ou sur le
système canadien de radiodiffusion. Par conséquent, le Conseil ne peut
pas conclure que le recours à des promotions de marketing ciblé pour une
durée limitée ait conféré une préférence indue à Rogers ou à ses
abonnés, ou soumis les concurrents de Rogers à un désavantage indu. |
156. |
Le Conseil note aussi qu'il
a réglé dans l'avis public 2004-62
une partie de la préoccupation principale d'ExpressVu concernant les
activités « préventives » de marketing ciblé de Rogers exprimée
dans cette plainte. Dans cet avis public, le Conseil modifie les règles
actuelles de reconquête dans le secteur de la radiodiffusion et interdit
notamment de proposer pendant une période de 90 jours des offres
promotionnelles dans les immeubles où s'installe une EDR concurrente.
|
|
Autres points - Demande de confidentialité
|
157. |
ExpressVu demande que l'annexe
I de sa lettre du 22 août 2003 soit traitée sous le sceau du secret.
L'annexe I comprend un échange de courriels entre Rogers et ExpressVu
qui, selon cette dernière, contient des renseignements qui devraient
rester confidentiels pour protéger la vie privée des clients. Les
documents ont été transmis à Rogers pour que celle-ci puisse les
examiner. |
158. |
Le Conseil estime que les
dommages qui pourraient résulter de la divulgation publique des
courriels l'emportent sur l'intérêt général. De plus, le Conseil note
que Rogers n'a pas contesté la demande de confidentialité. Pour ces
raisons, la demande de confidentialité est accordée. |
159. |
Rogers et ExpressVu ont
demandé que leurs ententes de facturation globale avec le Marina Del
Rey, expirées dans le cas de Rogers et en vigueur dans celui d'ExpressVu,
soient traitées sous le sceau de la confidentialité. Les parties
considèrent que celles-ci contiennent des renseignements extrêmement
confidentiels et délicats sur le plan commercial et que leur divulgation
conférerait un avantage concurrentiel indu à leurs concurrents et
causerait des dommages graves et irréparables au Marina Del Rey, à
Rogers et à ExpressVu. Rogers a également demandé que les lettres
qu'elle a adressées au Marina Del Rey reçoivent un traitement
confidentiel. La première de ces lettres prolonge son entente, l'autre
autorise Rogers à continuer à fournir uniquement un service direct aux
locataires. ExpressVu demande aussi que la liste qu'elle a remise
concernant des violations présumées des règles de reconquête dans
certains logements du Marina Del Rey demeure confidentielle. Le Conseil
note qu'il existe une version abrégée de cette liste qui ne comprend pas
les noms et les numéros d'appartements des locataires du Marina Del Rey
et que celle-ci a été versée au dossier public. |
160. |
Le Conseil considère que les
dommages qui pourraient résulter de la divulgation des informations
précisées plus haut l'emportent sur l'intérêt général et note qu'aucune
des parties n'a contesté la demande de confidentialité de l'autre. Les
demandes de traitement confidentiel de ces documents sont donc
accordées. |
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Secrétaire général |
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Cette décision doit être
annexée à chaque licence. Elle est disponible, sur demande, en média
substitut, et peut aussi être consulté sur le site Internet
www.crtc.gc.ca.
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