ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2004-494

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Décision de radiodiffusion CRTC 2004-494

  Ottawa, le 12 novembre 2004
 

Plainte déposée par Bell ExpressVu Limited Partnership contre Rogers Cable Inc., alléguant des pratiques anticoncurrentielles

  Dans la plainte déposée par Bell ExpressVu Limited Partnership (ExpressVu) contre Rogers Cable Inc. (Rogers), le Conseil accueille la portion de la plainte ayant trait à la clause de rachat du câblage intérieur qui figure dans certaines ententes d'accès entre Rogers et les propriétaires d'immeubles à logements multiples (ILM). Le Conseil détermine qu'en signant avec des propriétaires d'ILM des ententes comportant ce type de clause, Rogers a enfreint l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement). Le Conseil conclut de plus que Rogers enfreindrait les articles 10(1) et 10(2) du Règlement advenant qu'elle invoque ladite clause.
  Le Conseil rejette la portion de la plainte d'ExpressVu alléguant qu'il y a eu infraction dans l'administration des règles de transfert du câblage intérieur, des manquements aux règles de reconquête et diverses activités de marketing ciblé visant des ILM du grand Toronto.
  Les opinions minoritaires de la conseillère Cram et du conseiller Langford sont jointes à cette décision.
 

La plainte

1.

Bell ExpressVu Inc. (l'associé commandité) et BCE Inc. et 4119649 Canada Inc. (partenaires dans la société en nom collectif Holding BCE s.e.n.c., qui est l'associé commanditaire), faisant affaires sous le nom de Bell ExpressVu Limited Partnership (ExpressVu) exploite une entreprise nationale de distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD). Rogers Cable Inc. (Rogers) est titulaire de quelque 90 entreprises de distribution de radiodiffusion par câble qui desservent environ 2,3 millions d'abonnés en Ontario, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador, et au Québec.

2.

Le 29 juillet 2003, ExpressVu a déposé devant le Conseil une plainte contre Rogers alléguant des infractions aux règlements et aux politiques en vigueur, portant sur les sujets suivants :
 

Clause relative à l'achat du câblage intérieur

 

ExpressVu prétend qu'une clause figurant dans les ententes signées entre Rogers et les propriétaires de certains immeubles à logements multiples (ILM) contrevient à la fois au principe de préférence indue couvert par l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement) de même qu'à l'article 10 du Règlement concernant l'accès au câblage intérieur. ExpressVu allègue qu'à cause de cette condition d'entente, Rogers ne permet pas à ExpressVu d'utiliser le câblage intérieur au tarif approuvé de 0,52 $ par abonné par mois. Selon ExpressVu, cette clause rend la concurrence difficile, voire impossible, dans ces ILM.

 

Transfert du câblage intérieur

 

ExpressVu allègue que Rogers a enfreint plusieurs règles concernant le transfert matériel du câblage intérieur d'une entreprise de distribution de radiodiffusion (EDR) à une autre lorsqu'un abonné choisit de changer d'EDR.

 

Reconquête des abonnés

 

ExpressVu allègue que Rogers a enfreint les règles du Conseil qui prévoient que, pendant une période de 90 jours suivant l'avis, une EDR en place doit s'abstenir de faire des démarches pour tenter de reconquérir un abonné qui a décidé de changer d'EDR (les règles de reconquête).

 

Marketing ciblé

 

ExpressVu allègue que Rogers a mené une campagne de mise en marché ciblée auprès des ILM du grand Toronto. Selon ExpressVu, cette campagne a eu et continue d'avoir pour effet de restreindre considérablement sa capacité et la capacité d'autres EDR de faire concurrence à Rogers.

3.

Pour étudier cette plainte, le Conseil a pris en considération les lettres suivantes qui lui ont été adressées par les parties :
 

ExpressVu : La plainte initiale par lettre datée du 29 juillet 2003 et des lettres additionnelles datées respectivement du 22 août 2003, 3 octobre 2003, 7 janvier 2004, 16 janvier 2004, 19 janvier 2004, 23 janvier 2004, 26 janvier 2004 et 4 février 2004.

 

Rogers : Réplique initiale à ExpressVu par lettre datée du 13 août 2003 et arguments additionnels par lettres datées respectivement du 17 septembre 2003, 9 janvier 2004, 19 janvier 2004, 23 janvier 2004, 30 janvier 2004, 4 février 2004 et 6 février 2004.

4.

Le Conseil a expédié une lettre en date du 22 mars 2004 faisant part de ses décisions à l'égard de la demande de confidentialité présentée par ExpressVu et de la demande présentée par Rogers de divulguer la liste de certains immeubles, de même que sur certains points de procédure soulevés par Rogers concernant des mesures correctives proposées par ExpressVu. Le Conseil demande à ExpressVu de fournir à Rogers une liste de cinq immeubles extraite de la liste de 50 immeubles qu'ExpressVu a déposée sous le sceau de la confidentialité. ExpressVu a déposé cette liste le 25 mars 2004, Rogers a commenté la liste le 13 avril 2004 et ExpressVu a rétorqué par lettre le 20 avril 2004.
 

Clause relative à l'achat du câblage intérieur

 

Commentaires généraux d'ExpressVu

5.

Bien qu'elle ait remporté certains succès dans la concurrence qu'elle livre à Rogers pour le marché des habitations unifamiliales, ExpressVu rapporte que cela n'a pas été le cas pour le marché des ILM. Elle note que, malgré son statut de concurrent numéro un de Rogers, elle ne compte toujours que 10 000 abonnés dans les ILM du grand Toronto. Elle a expliqué que, pour pénétrer dans un ILM du grand Toronto d'un point de vue technologique, elle dispose de deux solutions technologiques, qui nécessitent toutes deux qu'elle passe une entente avec le propriétaire de l'ILM pour pouvoir fournir son service aux résidents (l'entente d'accès à l'ímmeuble). L'utilisation de la ligne d'abonné à très haut débit (VDSL) implique qu'ExpressVu envoie son signal au récepteur VDSL d'un appartement en se servant du fil de cuivre de Bell Canada et qu'ensuite elle utilise le câblage intérieur coaxial pour brancher les téléviseurs situés dans d'autres pièces de l'appartement, éloignées du récepteur VDSL. L'autre solution appelée empilage nécessite également l'utilisation du câblage intérieur.

6.

ExpressVu allègue que Rogers a enfreint les articles 9 et 10 du Règlement en insérant une clause dans les ententes pour l'accès à l'immeuble concernant l'achat du câblage intérieur. Cette clause impose au propriétaire d'ILM d'acheter le câblage intérieur de Rogers comme condition préalable pour pouvoir consentir l'accès de son ILM à une autre EDR. Le prix d'achat est fixé par le recours à une formule basée sur le coût du câblage après amortissement et, simultanément, Rogers rembourse la moitié de la somme au propriétaire en échange du droit perpétuel et inaliénable de conserver la préséance sur tout autre service pour l'utilisation du câblage. Pour les besoins de la présente décision, cette clause sera évoquée sous le nom de clause 4 des ententes de Rogers pour l'accès à un immeuble (la clause 4).

7.

Selon l'exemple des ententes fournies par ExpressVu pour les besoins de la plainte, la clause 4 se présente généralement sous le libellé suivant :
 

[traduction]. Advenant qu'un autre fournisseur de service se fasse accorder l'accès à l'immeuble par le propriétaire, celui-ci devra, comme condition préalable, acheter le câblage intérieur de Rogers au coût de sa valeur amortie au moment de l'achat, taxes en sus. Le coût d'installation pour le câblage intérieur dans l'immeuble est établi à 200 $ par logement et ce coût est amorti selon la méthode linéaire sur 15 ans, sans intérêt, sous réserve de certains ajustements pour des coûts vérifiables de mises à niveau ou de remplacements effectués par Rogers. Par la même occasion, Rogers versera au propriétaire 50 % de la valeur amortie en échange du droit inaliénable d'utiliser le câblage intérieur à perpétuité. Au minimum, la valeur amortie après 15 ans ne devrait pas être en deçà de 1,00 $. Toute somme versée au propriétaire par un autre fournisseur de services pour le droit non exclusif d'utiliser le câblage intérieur lui reviendra en propre. Rogers continuera d'avoir le droit d'utiliser le câblage intérieur sans subir d'interférence et d'avoir préséance sur les autres fournisseurs pour acheminer ses services de communication, tant que les abonnés desservis par le câblage intérieur voudront souscrire aux services de communications Rogers.1

8.

ExpressVu fait valoir que du fait que le propriétaire d'immeuble est tenu d'acheter le câblage intérieur dès qu'il accorde à une autre EDR l'accès à son immeuble, la clause 4 le dissuade d'envisager un autre fournisseur de services. Toujours selon ExpressVu, la clause 4 pourrait même amener certains propriétaires d'ILM à obliger l'autre EDR, en échange du droit d'accès à l'immeuble, à le rembourser pour toute perte nette encourue par lui pour acheter le câblage de Rogers. Pour donner une idée des coûts que cela pourrait impliquer, ExpressVu cite l'exemple d'un ILM de 300 logements dont la construction remonte à cinq ans. Si une nouvelle venue comme ExpressVu voulait s'accaparer un tiers de ces logements, elle ferait face dès le départ à une dépense de 200 $ par logement. ExpressVu a calculé en outre que si la nouvelle venue ne parvient pas à atteindre plus de 20 % des occupants de l'immeuble (60 logements) ses dépenses initiales s'élèveront à plus de 300 $ par logement, soit plus de 150 % de la valeur non amortie du câblage intérieur qu'elle utilise. ExpressVu a démontré qu'advenant le cas où elle aurait dépensé 200 $ au départ pour desservir un logement avec une entente typique de cinq ans, elle se trouverait avoir payé 3,33 $ par logement par mois pour l'utilisation du câblage intérieur. Dans le cas où sa pénétration se serait limitée à 20 % des occupants, son coût s'élèverait à 5 $ par logement par mois. ExpressVu rappelle que, dans Tarif de location du câblage intérieur, avis public de radiodiffusion CRTC 2002-51, 3 septembre 2002 (l'avis public 2002-51), le Conseil a considéré qu'un tarif mensuel de 0,52 $ par abonné représentait une somme juste et raisonnable pour la location du câblage intérieur dans les ILM.

9.

ExpressVu note que dans Ordonnance rendue en vertu de l'article 12(2) de la Loi sur la radiodiffusion en ce qui concerne Vidéotron ltée et ses filiales, décision de radiodiffusion CRTC 2002-299, 9 octobre 2002 (décision 2002-299), le Conseil a conclu que Vidéotron ltée (Vidéotron) et ses filiales ne pouvaient utiliser le câblage intérieur que Vidéotron avait, selon toute apparence, vendu à une filiale, à moins que Vidéotron, ses filiales et ses sociétés associées offrent aux concurrents d'utiliser ce câblage moyennant des frais maximums de 0,52 $ par abonné par mois. ExpressVu fait valoir que le Conseil a établi un cadre de réglementation sans ambiguïté qui prévoit que, lorsqu'une EDR du câble est propriétaire du câblage à l'intérieur d'un ILM, elle doit mettre ce câblage à la disposition des clients ou des concurrents au tarif mensuel de location de 0,52 $ par logement par mois. ExpressVu soutient que la clause 4 n'est rien d'autre qu'un « expédient pittoresque » pour permettre à Rogers de contourner l'article 10 du Règlement. Selon ExpressVu, si l'on retourne à l'exemple de l'immeuble de cinq ans évoqué plus haut, le tarif de 200 $ par logement se traduirait par un coût mensuel de 3,33 $ pour qu'ExpressVu puisse utiliser le câblage intérieur, ce qui est six fois le tarif mensuel jugé approprié par le Conseil.

10.

ExpressVu prétend que la raison d'être de la clause 4 est d'asseoir le monopole de Rogers en tant que fournisseur de services de radiodiffusion dans les ILM du grand Toronto en décourageant l'entrée de la concurrence. ExpressVu s'est demandé, advenant l'arrivée de deux fournisseurs concurrents dans un ILM, s'ils seraient tous deux obligés de payer 50 % du coût du câblage intérieur. ExpressVu fait en outre remarquer que le propriétaire est libre d'exiger le tarif qu'il veut une fois qu'il devient propriétaire du câblage intérieur, étant donné qu'il n'est pas réglementé par le Conseil. Il lui apparaît aussi qu'il y aura parfois plus de deux EDR concurrentes à vouloir desservir le même ILM, et le plan de Rogers ne sera pas facile à administrer. ExpressVu est d'avis que la clause 4 est une solution simple pour Rogers, mais pas pour les autres EDR.

11.

ExpressVu craint aussi qu'un droit perpétuel et inaliénable de Rogers sur le câblage intérieur en vertu de la clause 4 puisse avoir pour résultat, advenant que l'occupant d'un logement choisisse de recevoir les services de radiodiffusion d'une EDR concurrente mais de continuer à recevoir un quelconque service de télécommunication de Rogers, que l'entente permette à Rogers de débrancher l'EDR concurrente pour s'approprier le câblage à ses propres fins. La plaignante signale aussi que la clause 4 donne à Rogers un accès à perpétuité à un tarif préétabli, mais ne garantit pas qu'une autre EDR puisse avoir accès à l'ILM pour le même prix.
  Compte tenu de tous ces motifs de préoccupation, ExpressVu a demandé au Conseil :
 
  • d'exiger que Rogers abandonne immédiatement la pratique d'insérer une clause dans ses ententes avec les propriétaires d'ILM qui force le propriétaire ou le promoteur à racheter le câble coaxial intérieur lorsqu'il autorise une autre EDR à pénétrer dans l'ILM pour faire concurrence à Rogers;
 
  • de déclarer qu'une clause de cette nature dans les ententes déjà en vigueur est inapplicable et qu'il émette une déclaration claire que si une titulaire telle que Rogers s'avisait de mettre cette clause en application, elle se trouverait enfreindre les articles 9 et 10 du Règlement et s'exposerait à des mesures coercitives;
 
  • d'obliger Rogers à aviser toutes les parties avec lesquelles elle a signé des ententes que cette clause est inapplicable et à faire paraître un avis à cet effet dans les principaux journaux du territoire qu'elle dessert;
 
  • d'ordonner à Rogers de déposer toutes ses ententes d'accès au dossier public;
 
  • d'ordonner à Rogers de s'abstenir immédiatement de se servir du câblage intérieur pour acheminer ses services de radiodiffusion jusqu'à ce que ses ententes permettent aux tierces parties qui lui font concurrence d'utiliser ce câblage moyennant un tarif de location mensuel ne dépassant pas 0,52 $ par abonné; et
 
  • d'exiger que Rogers s'abstienne d'exécuter les conditions de ses ententes qui lui donnent à perpétuité un accès prioritaire au câblage intérieur pour acheminer d'autres services de communication que ceux de radiodiffusion.
 

Commentaires généraux de Rogers

12.

Rogers reconnaît avoir signé des ententes du même type que celles déposées par ExpressVu pour étayer sa plainte, mais nie que ces ententes enfreignent l'article 9 ou l'article 10 du Règlement. D'après Rogers, la clause 4 fait partie de ses ententes depuis 2000 et elle est en vigueur dans 304 nouveaux immeubles ainsi que dans 26 immeubles plus anciens où le câblage a été refait à neuf. Cela représente, quant à elle, moins de 5 % de la totalité des ILM du grand Toronto.

13.

Rogers allègue que la clause 4 représente une solution « raisonnable et pratique » au problème du câblage d'un nouvel immeuble et que son approche dessert grandement l'intérêt public. Elle prétend que la méthode de comptabilisation utilisée par le Conseil pour fixer à 0,52 $ par abonné le tarif mensuel de location du câblage intérieur ne donne pas un rendement adéquat étant donné que le coût d'un nouveau câblage représente environ 200 $ par logement.

14.

Rogers soutient en outre que, si l'on suppose un coût de financement de 10 % et un taux d'amortissement de 10 % par année, une EDR doit pouvoir tirer 40 $ par année de son câblage pour amortir le coût de financement et d'amortissement. Elle fait remarquer qu'à 0,52 $ par abonné par mois, une EDR ne reçoit que 6,24 $ en revenus annuels. Dans ces circonstances, selon Rogers, aucune EDR ne voudra installer du câblage dans un ILM ancien ou nouveau. En outre, elle soutient que si les propriétaires de ces ILM en étaient réduits à installer leur propre câblage intérieur, ils seraient en mesure d'exiger n'importe quel tarif jugé approprié puisqu'ils ne sont pas réglementés par le Conseil.

15.

Rogers prétend que bien des propriétaires d'ILM préféreraient ne pas se mêler de communications et confier aux EDR le soin des investissements de départ. C'est précisément pour accommoder les propriétaires d'ILM, explique-t-elle, qu'elle a rédigé le type de contrat qu'ExpressVu a joint à sa plainte. Rogers soutient que l'approche de la clause 4, selon laquelle la valeur amortie du câblage intérieur est partagée en deux (l'approche moitié-moitié), n'empêche pas le propriétaire de permettre l'entrée d'une autre EDR dans son immeuble. À l'argument d'ExpressVu que l'approche moitié-moitié n'est pas juste du fait qu'une nouvelle EDR ne se retrouvera peut-être pas avec la moitié des occupants comme abonnés, Rogers répond qu'il serait très compliqué d'un point de vue administratif de calculer le tarif de location du câblage intérieur en fonction du pourcentage de pénétration d'une seconde EDR. Selon Rogers, l'approche moitié-moitié est simple, claire et juste.

16.

En ce qui concerne l'objection d'ExpressVu à ce que Rogers ait accès au câblage intérieur dans les cas où l'abonné désire que le câblage serve à deux fournisseurs différents, Rogers explique que les ententes qui renferment la clause 4 ne visent que les immeubles où le câblage est neuf. D'après Rogers, dans la plupart des nouveaux immeubles, il y a au moins deux câbles et parfois davantage qui vont du boîtier au logement, ce qui fait que l'utilisateur final peut recevoir les services de deux fournisseurs différents. En outre, dans les cas où ExpressVu se trouve être la seconde EDR, Rogers estime qu'elle aurait avantage à utiliser la VDSL plutôt qu'une paire de fils de cuivre torsadés, ce qui éliminerait tout problème. Compte tenu des progrès de la technologie VDSL, Bell Canada et ses affiliés pourraient fournir des services de téléphone, d'Internet et de télévision en utilisant seulement leurs fils. Par conséquent ExpressVu n'aurait pas besoin d'accéder au câblage intérieur coaxial. Rogers reconnaît que dans les rares cas où il n'y a qu'un câble et que l'abonné a besoin de deux câbles pour accommoder deux fournisseurs, il faudra qu'un des deux fournisseurs installe du câblage additionnel. Dans un tel cas, Rogers prétend qu'il serait juste que le second fournisseur de l'immeuble s'occupe d'installer le second câble.

17.

Rogers prétend que l'exécution de la clause 4 implique qu'elle n'est plus propriétaire du câblage intérieur d'un immeuble mais qu'elle conserve un droit perpétuel et inaliénable sur son utilisation. Elle s'explique en disant que si un abonné désire opter pour une seconde EDR, Rogers n'aura plus le contrôle sur le câblage, mais conservera le droit de l'utiliser à nouveau n'importe quand dans l'avenir. S'il arrivait, à cause de la configuration du câblage, qu'il soit impossible à deux fournisseurs d'en faire un usage simultané, Rogers aurait préséance sur l'autre fournisseur. Cela signifie par exemple que, si l'abonné d'une EDR de Rogers décide de s'adresser à une seconde EDR pour lui fournir des services de radiodiffusion, mais reste avec Rogers pour ses services d'Internet ou autres services de communication, Rogers conserverait le droit d'utiliser le câblage pour acheminer ses services. Par ailleurs, Rogers fait remarquer que si le système de câblage le permet, les deux fournisseurs s'en serviront en même temps.

18.

Rogers nie que les ententes d'accès qu'elle signe avec les propriétaires d'ILM aient une certaine similitude avec le cas de Vidéotron ayant donné lieu à la décision 2002-299. Dans ce cas, d'après Rogers, le Conseil a trouvé que Vidéotron continuait de gérer et d'exploiter tous les câblages intérieurs. Rogers affirme qu'il ne s'agit pas de cela dans ses propres ententes, puisque celles-ci prévoient une vente du câblage en bonne et due forme au propriétaire de l'ILM.
 
Refus d'accès aux ILM
 
i) Position d'ExpressVu sur l'accès en général

19.

ExpressVu affirme que bon nombre de ses tentatives pour avoir accès à des ILM se sont heurtées à un refus à cause d'ententes avec Rogers renfermant la clause 4. ExpressVu prétend qu'au cours de la dernière année, ses représentants de ventes et de mise en marché ont abordé 110 propriétaires d'ILM possédant au total 33 000 logements du grand Toronto. Selon ExpressVu, 50 de ces ILM, soit 45 % d'entre eux, ont ouvertement refusé l'accès à ExpressVu. ExpressVu fait remarquer que ces 110 immeubles ont été approchés de concert avec Bell Canada, qui recherchait de son côté des ententes pour fournir aux occupants des services autres que des services de radiodiffusion, tel Internet à haute vitesse. Or, les propriétaires d'immeubles n'ont en aucun cas refusé l'accès à Bell Canada. De l'avis d'ExpressVu, cet état de choses suggère fortement que l'accès lui a été refusé à cause des répercussions financières de la clause 4 sur les propriétaires d'ILM advenant qu'ils consentent l'accès à ExpressVu.

20.

À la demande du Conseil, ExpressVu a fait parvenir à Rogers les coordonnées des occupants de cinq ILM tirées d'une liste déposée auprès du Conseil énumérant 50 ILM où l'accès lui a été refusé. Il s'agit des cinq ILM suivants :
 
  •  Space - 255, rue Richmond Est (Space)
  • City Gate, Phase 1 - 3939 Duke of York (City Gate)
  • Bayview Mansion, Phase 2 - 1, chemin Clairtrell (Bayview)
  • The Times - 51, avenue Times (The Times)
  • Mansions of Avondale - 51/55, Harrison Gardens (Mansions of Avondale).
 
ii) Position de Rogers sur l'accès en général

21.

Rogers a commencé par faire valoir que pratiquement tous les 110 immeubles approchés par ExpressVu au cours de l'année dernière étaient de nouveaux immeubles. La preuve en est dans la déclaration d'ExpressVu à l'effet qu'elle approchait ces immeubles de concert avec Bell Canada. Rogers a déjà fait savoir que Bell Canada fournit les services de téléphone et de télécommunication à tous les ILM du grand Toronto et ExpressVu en déduit qu'elle ne ferait pas de démarches pour avoir accès à un immeuble qu'elle dessert déjà, à moins que ce soit pour une mise à niveau en vue d'offrir le service Internet haute vitesse.

22.

Rogers prétend qu'il est impossible qu'ExpressVu se soit fait refuser l'accès à des nouveaux ILM à cause de la clause 4. Rogers affirme que, lorsqu'il se construit un nouvel ILM résidentiel, le propriétaire est presque invariablement contacté par Bell Canada, ExpressVu et Rogers. Selon Rogers, ces fournisseurs ont tout intérêt à s'assurer qu'ils peuvent desservir le nouvel ILM et les propriétaires ont tout intérêt à minimiser leurs coûts de construction, idéalement en confiant aux EDR le soin d'installer le câblage gratuitement.

23.

Rogers allègue que si un fournisseur de service offre d'installer l'infrastructure gratuitement, le propriétaire va presque toujours lui accorder l'accès. Rogers suggère que si ExpressVu était prête à installer le câblage intérieur pour son EDR, elle aurait accès à ces 110 immeubles. Rogers prétend toutefois qu'ExpressVu n'est pas prête à débourser les coûts importants du câblage dans les ILM et qu'elle considère implicitement que Rogers a l'obligation d'installer le câblage et de permettre ensuite à ExpressVu de l'utiliser au tarif de 0,52 $ par abonné par mois.
 
iii) Position des parties à l'égard des immeubles identifiés par ExpressVu

24.

Dans le cas de Space, Rogers affirme que son entente avec le propriétaire remonte à l'année 2000 et ne renferme aucune clause portant sur le remboursement du coût du câblage intérieur. Rogers allègue que dans les circonstances, les difficultés essuyées par ExpressVu pour avoir accès à Space n'ont rien à voir avec Rogers.

25.

À cela ExpressVu réplique qu'il ne lui a pas été possible de vérifier tous les contrats que Rogers a signés avec les ILM du grand Toronto. Elle se contente de dire que la réaction du propriétaire lorsqu'elle lui a demandé l'accès à l'immeuble l'a naturellement incitée à croire que l'entente de Rogers avec Space renfermait la clause 4.

26.

Rogers reconnaît que la clause 4 figurait bel et bien dans les ententes qu'elle a signées avec les propriétaires des quatre autres immeubles en question.

27.

Concernant City Gate, Rogers affirme que le promoteur avait avisé Rogers qu'il désirait faire entrer Bell Canada et Rogers dans l'immeuble. Rogers a proposé de partager le coût du câblage mais, lorsque le promoteur lui a fait valoir cette option, Bell Canada a refusé sous prétexte qu'elle n'avait pas l'intention d'utiliser le câblage de Rogers. Bell Canada a toutefois refusé de confirmer par écrit qu'elle n'utiliserait pas le câblage de Rogers malgré l'insistance du promoteur. Rogers fait remarquer que City Gate ne sera pas prêt à accueillir ses occupants avant octobre 2004 et qu'elle n'a pas encore effectué le câblage dans cet ILM. Par conséquent, si ExpressVu est d'accord pour assumer sa juste part du câblage intérieur dans cet immeuble, elle ne pourra pas dire qu'on lui a refusé l'accès.

28.

ExpressVu n'est pas d'accord avec l'interprétation de Rogers quand celle-ci prétend que le promoteur a proposé à Bell Canada de partager les coûts du câblage. ExpressVu soutient plutôt que le promoteur a demandé à Bell Canada d'indemniser City Gate pour les coûts qu'il aurait à absorber si Rogers appliquait les conditions de rachat prévues à la clause 4. ExpressVu fait remarquer que Rogers a confirmé que le promoteur refusait l'accès à ExpressVu à moins qu'ExpressVu ne lui fournisse par écrit l'assurance qu'elle n'utiliserait pas le câblage de Rogers. ExpressVu fait valoir que ces admissions par Rogers démontrent qu'ExpressVu s'est fait refuser l'accès au câblage intérieur dans City Gate à cause des dispositions de la clause 4.

29.

Pour ce qui est du Bayview, Rogers allègue que Bell Canada a refusé de partager le coût d'installation du câblage. Ici encore, l'immeuble ne sera pas occupé avant novembre 2004 et Rogers n'a pas procédé à l'installation du câblage. Rogers prétend qu'ExpressVu n'est pas en mesure de dire qu'on lui a refusé l'accès à l'immeuble puisqu'elle pourrait toujours obtenir cet accès avant que l'immeuble soit occupé.

30.

ExpressVu réplique que l'argument de Rogers à l'effet qu'ExpressVu ne s'est pas fait refuser l'accès au Bayview sous prétexte que l'immeuble n'est pas encore occupé, est sans fondement et mérite d'être rejeté. ExpressVu allègue que les ententes d'accès sont négociées plusieurs mois avant que l'immeuble ne soit occupé et qu'elle avait approché le promoteur pour conclure une telle entente. Le promoteur a informé ExpressVu que le fait d'accorder à ExpressVu l'accès à l'immeuble rendrait exécutoire la clause de rachat dans son entente avec Rogers.

31.

Dans le cas de The Times, Rogers a dit avoir été informée qu'il y avait eu mésentente entre le gérant de l'immeuble et Bell Canada parce que cette dernière avait entamé des pourparlers avec le conseil d'administration pour desservir l'immeuble, plutôt qu'avec le gérant de l'immeuble lui-même.

32.

ExpressVu réplique que l'interprétation de Rogers est inexacte et qu'en fait, elle avait entamé des pourparlers avec toutes les parties appropriées. ExpressVu soutient que les représentants de The Times lui ont fait savoir qu'une entente avec ExpressVu entrerait en conflit avec l'entente signée entre le promoteur et Rogers, et qu'on lui avait déclaré verbalement que le conflit était attribuable à la clause 4.

33.

En ce qui a trait aux Mansions of Avondale, Rogers maintient qu'ExpressVu a refusé ou bien d'assumer la moitié des frais de câblage, ou bien de s'abstenir d'utiliser le câblage de Rogers.

34.

Dans sa réplique, ExpressVu fait remarquer que Rogers confirme que son entente avec l'ILM comporte la clause 4 et que cette clause est à l'origine du refus essuyé par ExpressVu d'avoir accès aux Mansions of Avondale.
 

Analyse et conclusion du Conseil

 
Historique de la réglementation

35.

Le Conseil a toujours considéré les questions reliées à la propriété, au contrôle et à l'utilisation du câblage intérieur des EDR par câble comme d'importants éléments de sa réglementation et de sa surveillance du système canadien de radiodiffusion. Jusqu'en 1995, le Conseil attribuait des licences aux EDR par câble pour desservir une zone définie à l'intérieur d'une structure de monopole. Le Conseil a établi une nouvelle politique sur la concurrence des EDR dans Concurrence et culture sur l'autoroute canadienne de l'information : Gestion des réalités de transition, 19 mai 1995(le rapport sur la convergence). Dans ce rapport sur la convergence, le Conseil a déclaré qu'il favorisait dorénavant la concurrence dans le domaine de la câblodistribution afin d'offrir aux consommateurs un plus grand choix parmi les distributeurs de services de radiodiffusion. En énumérant les obstacles possibles à l'arrivée de nouveaux venus, le Conseil a reconnu que le câblage intérieur constituait ce qu'il a appelé une installation goulot, c'est-à-dire une composante essentielle.

36.

Afin d'implanter sa politique sur la concurrence, le Conseil a proposé une nouvelle réglementation visant à assurer aux entreprises nouvellement autorisées une chance juste et équitable d'entrer en concurrence. Dans Appel d'observations concernant un projet de démarche portant sur la réglementation des entreprises de distribution de radiodiffusion, avis public CRTC 1996-69, 17 mai 1996 (l'avis public 1996-69), le Conseil a annoncé son intention de remplacer le règlement alors en place par un nouveau règlement s'appliquant à toutes les catégories d'EDR. C'est à cette fin que le Conseil a entrepris une instance publique.

37.

Dans Nouveau cadre de réglementation pour les entreprises de distribution de radiodiffusion, avis public CRTC 1997-25, 11 mars 1997 (l'avis public 1997-25), le Conseil insiste sur l'importance du câblage intérieur comme élément clé pour garantir la concurrence et le choix pour les consommateurs :
 

.. Un client hésitera probablement à changer de fournisseur de service si le changement signifie comme inconvénient et dérangement d'avoir à faire installer un autre câblage chez lui. Le Conseil estime donc que dans la mesure du possible, les clients devraient pouvoir raccorder le câblage intérieur en place à l'autre fournisseur de service de leur choix.

38.

Pour que l'utilisateur final puisse exercer son choix, le Conseil proposait une réglementation obligeant la titulaire en place à mettre le câblage intérieur à la disposition de son client à un tarif prescrit afin que l'abonné puisse utiliser ce câblage pour se relier au fournisseur de service de son choix. Ce modèle de « client propriétaire » avait pour but de renverser tout obstacle éventuel à l'arrivée de nouvelles entreprises lié au fait que la titulaire soit propriétaire du câblage intérieur.

39.

Dans Règlement sur la distribution de radiodiffusion, avis public CRTC 1997-150, 22 décembre 1997 (l'avis public 1997-150), le Conseil annonce l'adoption du règlement entré en vigueur le 1er janvier 1998. Ce règlement contenait une disposition visant l'implantation du modèle client propriétaire du câblage intérieur, qui constitue le précurseur de la réglementation actuelle. En vertu de cette disposition, lorsqu'un client se trouvait être propriétaire ou exploitant d'un ILM, la titulaire devait permettre à ce client d'acheter le câblage intérieur. Le règlement en question ne précisait pas le tarif de vente du câblage intérieur.

40.

Après la publication de ce règlement, des représentants de l'industrie et le personnel du CRTC ont collaboré au sein d'un groupe de travail du Comité directeur du CRTC sur l'interconnexion (CDCI) pour trouver des solutions aux problèmes d'implantation du nouveau régime de transfert de propriété du câblage intérieur. À l'issue des discussions du groupe du CDCI, l'Association canadienne des télécommunications par câble (l'ACTC), auparavant l'Association de télévision par câble, a adressé une lettre au Conseil en date du 19 mai 1999. Dans cette lettre, l'ACTC fait part de problèmes relatifs au régime de transfert de propriété établi par voie de réglementation en décembre 1997. Elle remarque qu'aucun câblage intérieur dans les ILM n'a encore été transféré par les EDR en place, comme l'exige le Règlement et suggère de modifier l'article 10 du Règlement pour supprimer l'obligation de vendre le câblage intérieur au client. Pour remplacer le modèle de la propriété par le client, l'ACTC propose un modèle de non-intervention, en vertu duquel une titulaire ne devrait pas s'ingérer dans l'utilisation du câblage intérieur par l'abonné, mais serait autorisée à percevoir un tarif de location lorsque ce câblage sert à une autre titulaire.

41.

Le Conseil a sollicité des observations sur la proposition de l'ACTC dans Appel d'observations sur un projet de modification à l'article 10 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion, présenté par l'Association canadienne de télévision par câble, avis public CRTC 1999-124, 29 juillet 1999 (l'avis public 1999-124).

42.

Dans Politique révisée concernant le régime applicable au câblage intérieur; appel d'observations au sujet du projet de modifications de l'article 10 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion, avis public CRTC 2000-81, 9 juin 2000 (l'avis public 2000-81), le Conseil a adopté le modèle de non-intervention de l'ACTC et sollicité des observations sur les modifications proposées au Règlement afin de mettre en oeuvre le modèle. Dans l'avis public 2000-81, le Conseil réitère à la fois l'importance fondamentale des questions liées au câblage intérieur, son intention de faire tout en son pouvoir pour favoriser la fourniture concurrentielle de tous les services de communication et son engagement à donner le choix à l'utilisateur final.

43.

Dans l'avis public 2000-81, le Conseil a noté que l'ACTC a énoncé quatre principes qui devaient guider l'interprétation et l'implantation de ce nouveau régime :
 
  • le titulaire qui possède le câblage intérieur doit en conserver la propriété, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de transfert de propriété du câblage intérieur;
 
  • le titulaire qui possède le câblage intérieur ne peut pas, selon le Règlement, s'ingérer dans son utilisation par l'abonné;
 
  • il n'y a pas de frais pour l'utilisation par un autre titulaire du câblage intérieur d'un logement unifamilial; dans des circonstances qui restent à définir par le CRTC dans le cadre du processus du CDIC, des frais (à être fixés par le Conseil) seront imposés pour l'utilisation par un autre titulaire du câblage intérieur d'un immeuble à logements multiples;
 
  • les titulaires doivent s'abstenir d'endommager le système de distribution, les branchements d'abonné, les enceintes de service et les boîtiers d'un autre titulaire.

44.

Dans Modifications apportées à l'article 10 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion en vue de mettre en oeuvre une politique révisée relative à l'accès au câblage intérieur, avis public CRTC 2000-142, 6 octobre 2000 (l'avis public 2000-142), le Conseil implantait le modèle de non-intervention pour régir l'accès au câblage intérieur et formulait le libellé du nouvel article 10 du Règlement. Entré en vigueur le 18 septembre 2000, cet article prévoit que :
 

10. (1) Le titulaire propriétaire d'un câblage intérieur doit, sur demande, permettre qu'il soit utilisé par un abonné, par un autre titulaire ou par une entreprise de radiodiffusion exemptée de l'obligation de détenir une licence aux termes d'une ordonnance prise conformément au paragraphe 9(4) de la Loi.

 

(2) Il peut exiger des frais justes et raisonnables pour l'utilisation du câblage intérieur.

 

(3) Il ne peut retirer le câblage intérieur lorsqu'une demande d'utilisation est pendante ou que le câblage est utilisé conformément au paragraphe (1).

45.

En modifiant l'article 10 du Règlement, le Conseil a conclu que le modèle de non-intervention constituait la meilleure approche à la question d'accès au câblage intérieur. Il a estimé que cette approche présentait un bon équilibre entre les intérêts des diverses parties, à savoir l'intérêt des entreprises de câblodistribution titulaires, celui des nouvelles venues et celui des abonnés. La réglementation actuelle a donc été formulée dans l'intérêt public par le Conseil dans l'exercice de son mandat de réglementer la radiodiffusion en vue de réaliser les objectifs de politique énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi).

46.

Dans l'avis public 2000-81 et de nouveau dans l'avis public 2000-142, le Conseil a demandé au groupe de travail du CDIC sur le branchement par câble d'établir un tarif approprié pour l'utilisation du câblage intérieur de façon à pouvoir l'annoncer moins de deux mois de l'entrée en vigueur de la modification réglementaire. En l'absence d'un consensus à cette étape, le groupe de travail devait soumettre le litige au Conseil pour que ce dernier en décide.

47.

Le groupe de travail du CDIC sur le branchement par câble s'est réuni en novembre et en décembre 2000 pour entamer les discussions sur le tarif approprié pour l'utilisation du câblage intérieur dans les ILM. L'ACTC, ExpressVu et Rogers Communications Inc. étaient parmi ceux qui ont participé activement à ces réunions. En février 2001, le groupe de travail avait atteint un consensus sur un certain nombre de principes, comme la nécessité d'adopter un tarif national de location et la méthode du coût historique. Cependant, le groupe de travail s'est rendu compte qu'il lui serait impossible de rallier le consensus sur le montant exact du tarif de location. Les participants ont alors convenu que les différentes parties soumettraient leurs propositions au Conseil pour qu'il en décide.

48.

Une fois les propositions reçues, le Conseil a amorcé une instance visant à établir un tarif juste et raisonnable pour l'utilisation du câblage intérieur dans Appel d'observations - tarif de location du câblage intérieur, avis public de radiodiffusion CRTC 2002-13, 8 mars 2002 (l'avis public 2002-13). Un grand nombre d'entreprises de radiodiffusion dont des EDR par câble et leur association, l'ACTC, ont participé activement à l'analyse par le Conseil du tarif approprié. En fixant cette somme, le Conseil souhaitait amener les clients à profiter pleinement des avantages de la concurrence dans la distribution, y compris celui du choix pour l'utilisateur final, tout en veillant à ce que soient respectés les intérêts à la fois des titulaires et des nouveaux venus. Le Conseil a considéré le fait qu'un tarif juste et raisonnable ne devait pas avoir d'effet dissuasif indu qui empêcherait la fourniture efficace d'une programmation acheminée grâce aux technologies de pointe, à des tarifs abordables. Dans Tarif de location de câblage intérieur, avis public de radiodiffusion CRTC 2002-51, 3 septembre 2002 (l'avis public 2002-51), le Conseil a déterminé que le tarif approprié pour la location de câblage intérieur dans un ILM serait de 0,52 $ par mois par abonné sur la base du coût historique. Le Conseil a également déclaré qu'en percevant un tarif plus élevé, un titulaire contreviendrait à l'article 10(2) du Règlement.
 
Utilisation de la VSDL par ExpressVu et la nécessité d'utiliser le câblage coaxial intérieur

49.

Dans l'optique du Conseil, l'utilisation de la VDSL sans l'accès au câblage coaxial intérieur ne représente pas une solution complète pour ExpressVu en ce qu'elle ne permet pas à ExpressVu d'offrir un service totalement concurrentiel à celui de l'entreprise de câblodistribution de Rogers puisque le câblage intérieur doit relier le récepteur VDSL aux téléviseurs additionnels situés dans des pièces éloignées du récepteur. D'après le dossier de cette plainte, le Conseil n'accepte pas l'argument de Rogers alléguant que l'utilisation de la VDSL par ExpressVu signifie qu'elle n'a pas besoin d'un accès au câblage intérieur.
 
a) La clause 4 et l'article 10

50.

Comme il est dit plus haut, le Conseil a toujours considéré l'accès au câblage coaxial intérieur comme une question cruciale dès lors qu'il a été question de favoriser la concurrence dans la distribution de radiodiffusion. L'objectif de l'article 10 du Règlement est d'éliminer un obstacle potentiel à la pénétration par de nouvelles entreprises et de voir à ce que les abonnés soient en mesure d'obtenir le service du fournisseur de leur choix. Le Conseil rappelle que la réglementation actuelle, en vigueur depuis 2000, reflète une proposition faite en 1999 par l'ACTC dont Rogers était et demeure membre. Cette proposition a donné lieu à l'adoption d'un modèle de non-intervention pour traiter la question du câblage intérieur, de préférence au modèle précédent d'après lequel les titulaires du câble étaient censés vendre leur câblage intérieur aux abonnés à un prix préétabli. En vertu du modèle de non-intervention, les titulaires en place doivent mettre le câblage intérieur à la disposition des concurrents et des abonnés moyennant un tarif juste et raisonnable.

51.

Selon le Conseil, Rogers s'est servi de la clause 4 pour introduire son propre nouveau modèle pour régler la question du câblage intérieur plutôt que d'adopter le modèle de non intervention énoncé dans l'avis public 2000-81. Rogers allègue [traduction] « que la clause 4 représente une solution raisonnable et pratique au problème du câblage dans un nouvel immeuble et que cette approche va dans le sens de l'intérêt public » et que c'est « un arrangement pratique parce qu'il permet au propriétaire de l'immeuble d'éviter la propriété du câblage intérieur tant et aussi longtemps qu'il ne se présente pas deux fournisseurs de service. C'est aussi un arrangement juste parce que les deux EDR finissent par partager la valeur amortie du câblage ». Le Conseil fait remarquer que l'article 10 intervient au moment où il « se présente deux fournisseurs » pour desservir l'ILM. En outre, les articles 10(1) et 10(2) ont été rédigés dans le but précis d'assurer que les nouveaux venus ne paient que pour le câblage qu'ils utilisent. De cette façon, les nouveaux venus ne seraient pas tenus de partager équitablement le coût du câblage que dans les cas où ils en font une utilisation égale.

52.

Le Conseil note en outre que dans ses dépositions, Rogers présume explicitement que le propriétaire accorderait l'accès aux nouveaux venus abstraction faite de la clause 4 et qu'il se contenterait d'exiger la somme nette qu'il doit lui-même débourser pour acquérir le câblage de Rogers. Néanmoins, le Conseil note que l'entente ne renferme aucune disposition à cet effet et qu'il n'y a aucune raison pour que Rogers présume que telles seraient les conséquences de la clause 4 dans tous les cas. Les propriétaires d'immeubles pourraient refuser l'accès à leurs immeubles afin de ne pas déclencher la clause 4. Qui plus est, les propriétaires d'immeubles pourraient imposer aux nouveaux venus un paiement qui excède leurs propres coûts de recouvrement selon la clause 4, et ils pourraient chercher à tirer profit du capital que représente le câblage intérieur.

53.

Le Conseil note qu'il s'agit d'une situation où Rogers oblige le propriétaire d'un ILM à consentir d'acheter le câblage intérieur comme condition préalable avant d'accorder à un concurrent l'accès à son immeuble, tout en conservant pour elle-même un droit perpétuel et inaliénable sur le câblage intérieur de sorte qu'elle ait à perpétuité préséance pour son utilisation. Comme elle le dit elle-même, Rogers conserve le contrôle sur le câblage intérieur qu'elle utilise, ou souhaite utiliser, en vue de fournir des services de communication à des abonnés dans l'immeuble.

54.

Dans ses dépositions, Rogers déclare qu'elle a conçu la clause 4 parce qu'elle croit qu'un tarif mensuel de 0,52 $ par abonné n'est pas une compensation adéquate pour l'utilisation du câblage. On a vu plus haut que le tarif de 0,52 $ avait été établi à l'issue d'un processus méticuleux auquel Rogers a participé activement. Le tarif de 0,52 $ représente une moyenne nationale entre immeubles anciens et nouveaux et permet à Rogers, dans l'ensemble, d'être adéquatement compensée pour l'utilisation de son câblage intérieur. En outre, le Conseil fait remarquer dans l'avis public 2002-51 qu'il pourrait envisager de faire exception à cette règle et autoriser un titulaire à percevoir un tarif plus élevé si ce titulaire parvenait à faire la preuve que des circonstances particulières justifient une exception.

55.

Au lieu de déposer une demande de mesure d'exception, Rogers a décidé d'appliquer sa propre vision des choses pour régler la question du câblage intérieur. Il est d'ailleurs évident, si l'on s'en réfère au dossier, que Rogers a voulu précisément éviter d'agir conformément aux articles 10(1) et 10(2) du Règlement et de rendre son câblage intérieur disponible au tarif de 0,52 $ par abonné par mois, jugé juste et raisonnable par le Conseil. Rogers a aussi décidé de s'arroger un droit perpétuel et inaliénable sur l'utilisation du câblage intérieur, et de conserver à perpétuité sa préséance d'utilisation sur les nouveaux venus.
 
Conclusion du Conseil concernant l'article 10

56.

De l'avis du Conseil, en signant avec des propriétaires d'ILM des ententes comportant la clause 4, Rogers avait ouvertement l'intention de contourner le processus décrit aux articles 10(1) et 10(2) du Règlement et de se soustraire aux obligations réglementaires prévues dans cet article. La clause 4 permet à Rogers de faire indirectement ce qu'elle n'est pas autorisée à faire directement, à cause des articles 10(1) et 10(2) du Règlement.

57.

Dans l'optique du Conseil, le modèle de Rogers, en vertu duquel le propriétaire d'un ILM doit acheter le câblage comme condition préalable avant de consentir l'accès de son immeuble à un concurrent, pendant que Rogers conserve à perpétuité la préséance pour l'usage de ce câblage, va à l'encontre des objectifs et de l'intention des articles 10(1) et 10(2) du Règlement et plus généralement des objectifs de la Loi en général. Le Conseil estime qu'autoriser l'exécution de la clause 4 serait aller à l'encontre de l'intérêt public.

58.

À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que Rogers contreviendra aux articles 10(1) et 10(2) du Règlement si elle ne met pas son câblage intérieur à la disposition des autres EDR à un tarif juste et raisonnable alors qu'elle est propriétaire du câblage au moment où une autre EDR en demande l'accès au propriétaire ou au promoteur d'un ILM et si elle choisit plutôt d'invoquer la clause 4 pour obliger le propriétaire ou le promoteur à acheter le câblage tout en retenant un droit perpétuel et inaliénable de préséance sur ce câblage.
 
b) La clause 4 et l'article 9 - Préférence ou désavantage indus

59.

L'article 9 se lit comme suit :

 

Il est interdit au titulaire d'accorder à quiconque, y compris lui-même, une préférence indue ou d'assujettir quiconque à un désavantage indu.

60.

En analysant la plainte à la lumière de l'article 9, le Conseil a tenté de déterminer d'abord si une partie avait accordé une préférence à qui que ce soit, ou fait subir à qui que ce soit un désavantage. Deuxièmement, pour juger du caractère indu de la préférence ou du désavantage, le Conseil s'est demandé s'il avait pu y avoir ou pouvait y avoir une conséquence néfaste importante sur les affaires de la plaignante ou sur toute autre personne. Il a aussi examiné l'impact qu'il avait pu y avoir ou pouvait y avoir sur la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncée dans la Loi.
 
i) La clause 4 confère-t-elle une préférence à Rogers ou soumet-elle un concurrent à un désavantage?

61.

Pour décider si oui ou non la clause 4 confère une préférence à Rogers ou soumet ExpressVu ou tout autre concurrent à un désavantage, le Conseil a comparé les effets de la clause 4 avec ceux du Règlement. Le Règlement prévoit qu'ExpressVu et d'autres nouveaux venus ont le droit d'utiliser le câblage intérieur de Rogers moyennant un tarif juste et raisonnable.

62.

Premièrement, étant donné qu'en vertu de la clause 4, Rogers aurait un droit perpétuel et inaliénable de préséance sur le câblage pendant que les nouveaux venus se font refuser l'accès au câblage à l'intérieur de l'ILM, le Conseil estime que la clause 4 confère à Rogers une préférence et soumet les nouveaux venus à un désavantage.

63.

Deuxièmement, si Rogers devait invoquer le droit d'utiliser le câblage intérieur de préférence à ses concurrents, il est raisonnable d'assumer que le concurrent perdrait le client ou l'éventuel client à moins que ce concurrent soit prêt à installer du nouveau câblage à l'intérieur du logement de l'abonné. De l'avis du Conseil, dans la mesure où Rogers invoque le droit d'utiliser le câblage intérieur en priorité par rapport aux concurrents, Rogers se confère une préférence et soumet ses concurrents à un désavantage.

64.

Troisièmement, s'il s'en remet au dossier d'instance, le Conseil constate qu'ExpressVu s'est fait refuser, ou s'apprête à se faire refuser, l'accès à au moins trois ILM - City Gate, Bayview et Mansions of Avondale - à moins d'absorber 50 % du coût du câblage intérieur.

65.

Le Conseil trouve raisonnable d'assumer qu'un propriétaire ou un promoteur d'ILM, en autorisant un nouveau venu à avoir accès à son immeuble, veuille recouvrer à tout le moins son coût net auprès du nouveau venu. Étant donné que Rogers est obligée, d'après la clause 4, de payer 50 % de la valeur amortie du câblage intérieur dans l'immeuble, le propriétaire aura lui aussi à défrayer 50 % de la valeur amortie du câblage intérieur. À supposer que le nouveau venu accepte de rembourser le propriétaire pour une somme équivalant à 50 % de la valeur amortie, cette somme sera beaucoup plus élevée que ce que le Conseil a jugé être un tarif juste et raisonnable conformément à l'article 10 du Règlement. Le Conseil note en outre qu'il n'y a rien dans la clause 4 pour empêcher le propriétaire de l'immeuble d'exiger une somme plus élevée au nouveau venu que ce qu'il est lui-même obligé de verser à Rogers pour le câblage.

66.

Par ailleurs, le Conseil note que l'obligation de verser 50 % de la valeur amortie du câblage intérieur n'est aucunement reliée au taux de pénétration que le nouveau venu va effectivement réaliser. D'après le dossier de l'instance, ExpressVu pourra vraisemblablement s'approprier, au plus, un tiers des occupants de l'immeuble comme clients et encore faudra-t-il y mettre le temps. Le Conseil n'a aucun lieu de mettre en doute cette estimation et la retient comme argument. Parce qu'ExpressVu aurait à payer 50 % du coût du câblage même advenant qu'elle en utilise bien moins que 50 % à ses propres fins, ExpressVu se trouverait obligée de payer bien plus que la valeur amortie du câblage intérieur dont elle fait effectivement usage. Rogers, quant à elle, se trouverait payer moins que la valeur amortie pour sa part d'utilisation du câblage. Cela revient à dire qu'ExpressVu serait amenée à payer un tarif individuel par abonné bien supérieur à celui de Rogers.

67.

À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que l'effet de la clause 4 a été ou pourrait être d'obliger les nouveaux venus de payer une somme forfaitaire équivalant à au moins 50 % de la valeur amortie du câblage intérieur, peu importe l'utilisation qu'il en fait. Par conséquent l'effet de la clause 4 a été, ou pourrait être, de soumettre ExpressVu à un désavantage ou de conférer une préférence à Rogers.
 
ii) S'agit-il d'une préférence ou d'un désavantage indus?

68.

Afin de déterminer si la préférence ou le désavantage s'avèrent ou non indus et contreviennent à l'article 9 du Règlement, le Conseil a cherché à savoir si la clause 4 avait ou aurait pu avoir des répercussions financières négatives sur ExpressVu, sur les occupants des ILM en question ou sur toute autre personne. Il a aussi cherché à déterminer l'incidence que la clause 4 avait eue ou pouvait avoir sur la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion tels qu'énoncés dans la Loi.

69.

Depuis le Rapport sur la convergence, le Conseil considère que la concurrence dans la distribution de services de programmation est dans l'intérêt public. Le Conseil reste persuadé, comme il l'était dans l'avis public 2000-81, qu'il est crucial que les nouveaux venus aient accès au câblage intérieur si l'on veut réaliser un environnement concurrentiel entre EDR et s'assurer d'offrir un choix à l'utilisateur final. Le Conseil remarque qu'ExpressVu se considère comme la plus importante concurrente dans le grand Toronto et que pourtant, elle n'a que 10 000 abonnés. Selon ExpressVu, la part de Rogers dans le marché des ILM du grand Toronto dépasse 95 %. Le Conseil voit en Rogers le titulaire dominant des services de distribution de radiodiffusion du grand Toronto. C'est d'autant plus vrai dans le marché des ILM où Rogers dessert à peu près tous les abonnés.

70.

Le Conseil n'est pas convaincu par l'affirmation de Rogers que la clause 4 n'enfreint pas l'article 9 du Règlement sous prétexte qu'elle offre « une solution raisonnable et pratique au problème du câblage dans les nouveaux immeubles.. » . Cette affirmation repose essentiellement sur deux arguments. Le premier est qu'une EDR qui installe du câblage intérieur n'obtiendra pas un bon rendement sur son investissement si elle est limitée à percevoir un tarif de 0,52 $ par mois par abonné de son concurrent qui l'utilise. Le deuxième est que la clause 4 permet à un propriétaire d'ILM d'éviter d'acheter le câblage intérieur tant qu'il n'y a pas deux fournisseurs de service, moment à partir duquel les deux EDR se trouvent à partager le coût amorti du câblage.

71.

En qui a trait au premier argument, le Conseil note que l'incorporation de la clause 4 aux ententes que Rogers signe avec les propriétaires d'ILM lui permet, sur une même période, de mieux recouvrer son investissement qu'elle ne pourrait le faire dans le cadre de la décision actuelle du Conseil concernant ce qui représente un tarif juste et raisonnable pour l'utilisation du câblage.

72.

Quant au second argument, le Conseil note que la proposition de Rogers consistant à séparer moitié-moitié la valeur amortie établie par la clause 4, sans égard aux pourcentages relatifs de pénétration réalisés par Rogers et la seconde EDR, n'a été expliquée que par la simple assertion qu'il serait très compliqué, administrativement parlant, de calculer les paiements d'une deuxième concurrente basée sur son pourcentage d'utilisation. Le Conseil n'est pas convaincu que les pratiques inefficientes dont aurait à souffrir l'administration Rogers l'emportent sur l'importance d'un mécanisme de tarification juste et raisonnable pour le câblage intérieur, compte tenu des intérêts des abonnés, des titulaires et des nouveaux venus. Le Conseil n'estime pas non plus que le partage d'un coût amorti sous forme de somme forfaitaire soit approprié, peu importe les circonstances. De plus, le Conseil aurait lieu de s'inquiéter si les propriétaires d'ILM étaient aussi réticents à détenir le câblage intérieur et à absorber les coûts de départ que ne le prétend Rogers, car cela voudrait dire que les propriétaires d'ILM hésiteront à accorder l'accès de leur immeuble aux concurrents, de crainte de déclencher le mécanisme de la clause 4.

73.

L'effet de la clause 4 a été, ou pourrait être, d'obliger les nouveaux venus à payer une somme forfaitaire d'au moins 50 % du coût amorti du câblage intérieur, sans égard à l'utilisation qui est faite de ce câblage. On peut aussi présumer que, dans la plupart des situations, la somme forfaitaire par appartement dépassera de beaucoup le tarif de 0,52 $ par mois que le Conseil a jugé juste et raisonnable compte tenu du pourcentage d'abonnements dans l'immeuble. Le Conseil estime que cette situation peut avoir des répercussions financières négatives sur le développement de la concurrence.

74.

La clause 4 donne aussi à Rogers un droit perpétuel et inaliénable de préséance sur les autres fournisseurs pour l'utilisation du câblage. Rogers s'est expliquée en disant que « s'il arrivait, à cause de la configuration du câblage, qu'il soit impossible à deux fournisseurs de se servir en même temps du câblage, Rogers aurait priorité d'utilisation sur l'autre fournisseur ». Cela signifie que si un abonné désire garder Rogers pour lui fournir Internet ou un autre service de communication comme la téléphonie, mais s'adresser à une nouvelle EDR pour ses services de radiodiffusion, la nouvelle EDR ne sera pas en mesure de se servir du câblage intérieur si Rogers en a besoin pour fournir le service à l'abonné. De plus, si l'abonné opte pour une nouvelle EDR et, par la suite, s'adresse à Rogers pour lui fournir des services d'Internet, de téléphonie ou de télévision à la carte, Rogers pourra invoquer son droit de préséance pour reprendre le câblage en vue de lui fournir le service. Le droit perpétuel et inaliénable de préséance sur les autres concurrents ferait en sorte que, advenant qu'il faille faire un choix entre Rogers et une nouvelle EDR, Rogers aurait toujours préséance.

75.

Rogers a indiqué que dans presque tous les cas, les nouveaux ILM sont équipés de deux câbles, et que par conséquent le droit de préséance ne devrait pas entrer en jeu. Toutefois, dans les ILM où la configuration du câblage ne peut pas accommoder deux fournisseurs, le Conseil croit que l'utilisation par Rogers de son droit perpétuel et inaliénable de préséance sur le câblage intérieur aurait des répercussions financières négatives sur les concurrents puisque, dans les circonstances, le concurrent perdrait son abonné ou serait obligé d'installer son propre câble dans le logement de l'abonné.
 
iii) Conclusion du Conseil à l'égard de l'article 9

76.

À la lumière de ce qui vient d'être dit, le Conseil est d'avis que la clause 4 a eu ou pourrait avoir des répercussions financières négatives sur ExpressVu et tous les autres nouveaux venus, de même que sur le développement de la concurrence dans les ILM où la clause 4 s'applique. La clause 4 est donc contraire aux objectifs de la Loi et à l'intérêt public.

77.

Le Conseil conclut donc qu'en signant avec des propriétaires d'ILM des ententes comportant la clause 4, Rogers a enfreint l'article 9 du Règlement en se conférant une préférence indue et en soumettant ses concurrents à un désavantage indu. Par conséquent, il est ordonné à Rogers de prendre les mesures nécessaires pour se conformer au Règlement, en ce qui a trait à la clause 4.

78.

La plainte d'ExpressVu suggère comme mesure de réparation que Rogers fasse savoir à toutes les parties qui ont signé avec elle une entente comportant la clause 4 que cette clause n'est pas exécutoire; qu'elle fasse paraître des avis à cet effet dans les principaux journaux de son territoire de desserte; et qu'elle dépose au dossier public toutes ses ententes relatives à l'accès. Le Conseil estime que ces mesures spécifiques ne sont pas nécessaires à ce stade. Il rappelle toutefois que si Rogers ne prend pas les mesures pour rectifier la situation, le Conseil pourrait amorcer une instance publique pour examiner les circonstances qui l'empêcheraient d'avoir recours aux pouvoirs de contrainte dont il dispose.
 

Transfert de câblage intérieur

 

Plainte d' ExpressVu

79.

ExpressVu soutient que Rogers a contrevenu aux règles relatives au transfert de câblage intérieur et posé certains gestes qui constituent une violation à l'article 9 du Règlement car ils ont concrètement empêché le transfert d'un occupant d'ILM de Rogers à ExpressVu et concrètement et inutilement compromis le droit d'un abonné à un service de qualité. ExpressVu estime que les gestes de Rogers témoignent d'un comportement négligent ou d'un stratagème délibéré, visant à altérer sa capacité à servir rapidement et efficacement de nouveaux clients.

80.

En énonçant les détails de cette partie de sa plainte, ExpressVu soulève trois grandes préoccupations, à savoir :
 
  • les intervalles de service,
  • les empêchements opérationnels,
  • les exigences de déclaration.
 

Intervalles de service - Positions des parties

81.

ExpressVu rappelle au Conseil qu'elle a, avec Rogers, accepté de prolonger la période d'avis à 48 heures et d'accorder un rendez-vous de deux heures, même si les règles du Conseil obligent les entreprises de câblodistribution à terminer le transfert de câblage intérieur en 24 heures et à fixer une plage de rendez-vous de deux heures. ExpressVu déclare cependant que les transferts n'ont pas toujours été terminés dans les 48 heures et qu'elle a parfois eu du mal à accéder aux enceintes de services aux clients (ESC) et aux panneaux de distribution.

82.

Rogers admet qu'il lui est parfois arrivé, mais rarement, de ne pas pouvoir terminer des demandes de transfert d'ExpressVu dans le délai convenu de 48 heures et explique que, en cas de problème, elle avise immédiatement son groupe de services à la clientèle (GSC) qui, à son tour, prévient ExpressVu afin que la difficulté soit réglée en temps opportun.2

83.

Rogers ajoute qu'ExpressVu n'a documenté que sept transferts non terminés en 48 heures, que 4 de ces cas se sont produits en 2002 et 5 seulement dans le grand Toronto. Rogers signale qu'ExpressVu a plus de 10 000 abonnés d'ILM et qu'un taux d'erreur de 5 sur un total de 10 000 transferts de câblage appuie plutôt sa position voulant que le non-respect du délai de 48 heures ait été rare et involontaire.
 

Empêchements opérationnels - Positions des parties

84.

ExpressVu donne plusieurs exemples d'incidents pour lesquels elle affirme que son câblage a été coupé ou débranché à tort par Rogers, d'où des interruptions de service pour les consommateurs.

85.

Rogers répond qu'il lui est difficile de fournir une explication pour les points soulevés par ExpressVu puisque celle-ci ne donne aucun détail sur les abonnés débranchés à tort. Rogers suggère que les débranchements « accidentels » seraient dus à un mauvais étiquetage du matériel d'ExpressVu.

86.

ExpressVu rejette la réponse de Rogers qui croit que les débranchements seraient dus au mauvais étiquetage de son équipement et signale que la conception de son équipement est tellement différente de celui de Rogers que n'importe quel technicien ou contrôleur sait faire la distinction.

87.

ExpressVu prétend également que le mode et le nombre de débranchements, de coupures de câbles, de changements de serrure, d'enlèvement de panneaux et de rendez-vous manqués par Rogers démontrent autre chose qu'un simple manque de formation du personnel de terrain de Rogers.
 

Exigences de déclaration - Positions des parties

88.

ExpressVu demande au Conseil de prévoir des exigences de déclaration semblables à celles que doivent déjà respecter les entreprises de services locaux titulaires (ESLT). Si tel était le cas, Rogers devrait respecter une règle qui l'obligerait, dans 90 % des demandes mensuelles pertinentes, à fournir, dans les 48 heures, un accès aux ESC et aux panneaux de distribution et à remettre des rapports mensuels présentant le résultat obtenu à cet égard. ExpressVu propose aussi au Conseil d'imposer à Rogers des normes semblables lors de ses renouvellements de licence, d'envisager des indicateurs supplémentaires, d'introduire des amendes exigibles en cas de non-respect des normes et de considérer que tout manquement régulier à ces normes contrevient à l'article 9 du Règlement. Enfin, ExpressVu suggère que le Conseil prépare un code de conduite qui associerait des tiers contractants au transfert de câblage et aux échanges de clés des boîtiers de chaque EDR.

89.

Rogers répond qu'il est inutile d'ajouter de nouvelles règles pour assurer la concurrence dans le marché des ILM de Toronto. Rogers désapprouve également l'idée d'un code de conduite et allègue qu'ExpressVu cherche plutôt, dans le cas présent, à l'obliger à lui donner accès à ses boîtiers. Rogers rappelle que le Conseil reconnaît dans l'avis public 2000-81 qu'il est important de respecter l'intégrité du matériel dans les boîtiers.

90.

Dans son mémoire du 22 août 2003, ExpressVu fait valoir que les anciennes rencontres entre les parties ont permis de baliser les transferts de câblage mais qu'elles n'ont jamais permis de mettre en place des procédures et paliers d'intervention3 ou de notification. ExpressVu maintient que l'établissement de nouvelles mesures réduirait ses coûts et le nombre de plaintes qu'elle dépose contre Rogers et revient sur sa proposition refusée par Rogers de faire affaire avec des contractants qui assureraient gratuitement pour Rogers les transferts de câblage entre les deux entreprises du grand Toronto.

91.

Au sujet des procédures d'intervention et de notification, Rogers cite le procès-verbal d'une réunion du 8 juillet 2003 où les parties se sont entendues sur une notification de 72 heures pour des travaux de construction ou de réparation afin d'éliminer les interruptions de service.

92.

Dans son mémoire final du 3 octobre 2003, ExpressVu allègue que Rogers n'a aucune mesure incitative qui l'inciterait à offrir à ses concurrents un service de transfert de câblage de qualité puisque le Conseil n'exige d'elle aucun compte rendu sur ses résultats et qu'elle n'est pas sanctionnée en cas de mauvais service. ExpressVu observe que le Conseil exige que les entreprises titulaires du secteur des télécommunications fournissent des comptes rendus sur la qualité de service qu'elles offrent à leurs concurrents et que le non-respect des normes les exposent au paiement de pénalités. ExpressVu estime que les transferts de câblage par les EDR par câble devraient être assujettis aux mêmes obligations et ajoute qu'elle a récemment commencé à surveiller ces transferts et à en assurer un suivi, et qu'elle est disposée à remettre au Conseil des rapports mensuels sur cette question.
 

Analyse et décision du Conseil

93.

95. Le Conseil note, dans l'avis public 2000-81, que :

 

..afin de faciliter les visites conjointes rapides pour transférer le service, toutes les titulaires sont tenues de répondre aux demandes d'accès aux ESC ou aux panneaux de distribution, faites par d'autres distributeurs, dans les 24 heures de la réception d'une demande et de leur donner une période de rendez-vous de deux heures. En rendant sa décision visant à introduire cette exigence de politique, le Conseil a tenu compte de l'impact de l'exigence sur les entreprises de distribution dont la taille et les ressources diffèrent.

94.

Le Conseil observe que les distributeurs négocient généralement des ententes mutuellement satisfaisantes qui prévoient parfois un délai de traitement des demandes de transferts supérieur à 24 heures pour s'assurer que ces transferts sont faits de manière raisonnable et efficace.

95.

Le Conseil estime que le dossier de cette instance établit que Rogers a enfreint les règles relatives au transfert de câblage à plusieurs occasions, mais ajoute qu'ExpressVu n'a pas apporté suffisamment de preuves démontrant que ces violations se produisaient de façon régulière et que Rogers agissait de façon systématique et délibérée pour décourager la concurrence des EDR dans les ILM du grand Toronto.

96.

ExpressVu maintient que les gestes posés par Rogers à l'égard des intervalles de service et d'autres aspects de transferts de câblage contreviennent à l'article 9 du Règlement. Bien que le Conseil conclue qu'il s'est produit des erreurs et des délais, il considère néanmoins qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que deux entreprises commettent un certain nombre d'erreurs opérationnelles en pareille situation.

97.

Par ailleurs, le Conseil ne peut pas conclure que l'un ou l'autre de ces problèmes a considérablement nui à l'intérêt général. Le dossier de cette instance tend à indiquer que, dans la grande majorité des cas, le transfert s'est fait en temps opportun. Sous ce rapport, il ne semble pas que les gestes de Rogers aient sensiblement restreint le choix des utilisateurs finaux.

98.

Le Conseil considère donc que les preuves illustrant les quelques cas de non-respect d'intervalle de service ou d'obligations opérationnelles ne suffisent pas à démontrer qu'il y a eu préférence ou désavantage indu. Le Conseil s'attend cependant à ce que Rogers fasse preuve de vigilance et à ce qu'elle respecte dorénavant les règles relatives au transfert de câblage.

99.

Pour ce qui est de la demande d'ExpressVu d'obliger Rogers à fournir, dans 90 % des cas, un accès aux ESC et aux panneaux de distribution dans les 48 heures de la requête et à remettre des rapports mensuels décrivant des progrès à l'égard du respect de cette norme, le Conseil considère que l'établissement d'exigences de rapports aussi détaillés entraînent, tant pour les parties que pour lui-même, des ressources supplémentaires non justifiés puisque ExpressVu n'a fourni aucun argument concluant ou preuve suffisant à en démontrer la nécessité.

Reconquête des abonnés

 

Plainte d'ExpressVu

100.

Selon ExpressVu, Rogers harcelait les clients existants et potentiels d'ExpressVu sur le marché des ILM de Toronto en lançant dans les ILM des campagnes de reconquête de ses anciens abonnés moins de 90 jours après résiliation de leur contrat avec Rogers pour s'abonner à ExpressVu. Cette pratique est contraire aux règles de reconquête énoncées.

101.

ExpressVu cite notamment le cas du complexe Marina Del Rey (le Marina Del Rey), qui avait une entente de facturation globale, ainsi que ceux des immeubles en copropriété South Beach (South Beach), à Toronto, et de certains ILM à Orillia. ExpressVu soutient que Rogers a pris contact avec les abonnés de ces immeubles qui l'avaient quittée pour ExpressVu moins de 90 jours après que ces derniers aient signé un contrat de services avec un concurrent et qu'elle leur a proposé des offres promotionnelles, contrairement aux règles de reconquête.

102.

La politique de reconquête du Conseil qui s'appliquait lors du dépôt de la plainte d'ExpressVu est énoncée dans la lettre du Conseil Objet : Litige du CDIC - Règles relatives à la communication entre le client et l'entreprise de distribution de radiodiffusion, 1er avril 1999. La partie qui nous intéresse est la suivante :
 

[.] le Conseil a jugé que, comme question de politique, il exigera que les câblodistributeurs titulaires s'abstiennent de commercialiser directement leurs services auprès des clients dont le mandataire les a avisés de leur intention d'annuler le service de câble de base. Cette restriction vaudra à compter de la date de réception de l'avis d'annulation jusqu'à quatre-vingt-dix (90) jours après la date de débranchement du service de câble de base. Si le débranchement du service se produit avant la réception de l'avis d'annulation par le câblodistributeur titulaire, la restriction s'appliquera durant quatre-vingt-dix (90) jours à partir de la date du débranchement.

 

Le Conseil a également jugé qu'il exigera que les câblodistributeurs titulaires s'abstiennent d'offrir des rabais ou d'autres incitatifs qui ne sont généralement pas offerts au public aux clients qui communiquent personnellement avec eux pour annuler leur service de câble de base. Cette restriction s'appliquera à partir de la date de réception de l'avis d'annulation et jusqu'à quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date de débranchement du service de câble de base.

103.

Dans Changements aux règles de reconquête des entreprises de distribution de radiodiffusion, avis public de radiodiffusion CRTC 2004-62, 13 août 2004 (l'avis public 2004-62), le Conseil interdit pendant 90 jours aux EDR titulaires de tenter de reconquérir des clients ayant choisi de changer d'EDR et leur interdit également de commercialiser leur service dans un ILM donné dans les 90 jours suivant la date de signature d'une entente d'accès avec une EDR concurrente. Cependant, parce que les règles de reconquête modifiées ne sont entrées en vigueur qu'après les événements à l'origine de la présente plainte, le Conseil a examiné la plainte à la lumière des règles de reconquête telles qu'elles existaient avant leur modification.

104.

ExpressVu s'inquiète également du fait que Rogers n'a peut-être pas instauré les procédures lui permettant de se conformer correctement aux exigences du Conseil relatives aux GSC. Selon elle, l'absence de telles procédures a conféré à Rogers une préférence indue et a soumis ExpressVu à un désavantage indu dans la mesure où Rogers a utilisé des tactiques anticoncurrentielles et des offres incitatives pour reconquérir d'anciens clients à elle ou convaincre d'autres consommateurs de changer de fournisseurs. ExpressVu suggère au Conseil d'envisager lors du renouvellement de licence de Rogers des conditions de licence qui restreindraient les activités de reconquête de cette titulaire.

105.

ExpressVu demande au Conseil d'ordonner à Rogers de remettre immédiatement une description des procédures suivies pour retracer les consommateurs qui l'ont quittée afin de s'assurer que ces noms disparaissent de ses listes de marketing pendant une période de 90 jours; de communiquer un compte rendu des mesures prises pour créer un GSC complètement indépendant ; de présenter les mécanismes qu'elle a mis en place pour s'assurer que les vendeurs et les employés de son secteur du marketing n'ont accès à aucun renseignement stratégique sur le plan de la concurrence.

106.

Dans son mémoire du 22 août 2003, ExpressVu examine l'applicabilité des règles de reconquête dans les ILM aux ententes de facturation globale et déclare que le Conseil devrait modifier ces règles au cas où celles-ci ne s'appliqueraient pas aux occupants individuels des ILM ayant une entente valide de facturation. En outre, ExpressVu allègue que Rogers contrevient à l'article 5 du Règlement lorsque son entente de facturation globale prévoit offrir des services facultatifs, mais pas son service de base, à des abonnés.4

107

À titre de mesure de redressement, ExpressVu demande encore dans sa plainte au Conseil de :
 
  • prolonger à 12 mois la période de 90 jours pendant laquelle il est interdit de communiquer avec des abonnés ayant changé de fournisseur de services ;
 
  • créer une procédure qui s'appliquerait lorsque des abonnés communiqueraient avec des représentants de services à la clientèle pour demander un débranchement afin de faire affaires avec un autre fournisseur de services considéré comme un nouveau venu ;
 
  • décider si l'exploitant d'entreprise de câblodistribution titulaire du marché des ILM de Toronto devrait être autorisé à prendre contact avec des abonnés de ce marché pour tenter de modifier le bloc de services que ceux-ci reçoivent ;
 
  • déterminer s'il convient ou non d'interdire aux EDR d'offrir divers avantages, dont un service gratuit, aux propriétaires et aux administrateurs d'immeubles.
 

Réplique de Rogers

108.

Rogers croit que les règles de reconquête s'appliquent dès qu'un client ou son agent prend contact pour annuler son service. Dans le cas d'une facturation globale, Rogers maintient que son client est le conseil d'administration des copropriétaires, et non l'utilisateur final. Rogers confirme donc que les utilisateurs finaux du Marina Del Rey qui n'ont reçu que le service groupé n'étaient pas ses clients. Ceux-ci ne l'ont pas appelée pour annuler le service parce que, dans ce cas, ExpressVu a servi d'agent pour le conseil d'administration plutôt que pour les utilisateurs finaux eux-mêmes.

109.

D'un autre côté, Rogers soutient que les utilisateurs finaux qui reçoivent des services de programmation facultatifs en plus d'un service groupé sont ses clients. Rogers ajoute néanmoins que ces clients n'ont jamais annulé leurs services avec elle et que les règles de reconquête ne s'appliquent donc pas à eux.

110.

Rogers explique encore que les revenus d'ExpressVu sont protégés dans le cas du Marina Del Rey puisque cette dernière continue à recevoir 100 % de ses revenus totaux, que le client achète ou non des services de Rogers.

111.

Rogers note que certains clients du Marina Del Rey possèdent des téléviseurs haute définition et que la technologie VDSL d'ExpressVu ne donne pas accès à un service haute définition. Selon Rogers, certains clients ont donc communiqué avec elle pour bénéficier de son service de distribution par câble et d'un service haute définition. Rogers explique que les clients du Marina Del Rey qui ont continué à recevoir ses services recevaient au minimum un service Internet ou un service par câble, y compris un service de base, ou les deux, et qu'elle ne contrevenait donc pas à l'article 5 du Règlement.

112.

Rogers soutient aussi qu'aucun occupant du Marina Del Rey n'a reçu d'offre promotionnelle de sa part et que ceux-ci n'ont jamais eu droit qu'aux seules offres généralement disponibles à cette époque dans le grand Toronto et ce, indépendamment du fait qu'il y ait eu une EDR concurrente dans l'immeuble.

113.

Rogers ajoute qu'il n'y a pas lieu de parler des offres qu'elle fait aux clients puisque ses groupes de services à la clientèle et ses procédures de reconquête sont parfaitement conformes aux règles de reconquête du Conseil. Rogers maintient que, contrairement aux allégations d'ExpressVu, elle ne propose aucun service numérique gratuit aux clients des ILM. En revanche, elle offre un boîtier numérique gratuit à tous ses clients de marque, que ceux-ci habitent des logements unifamiliaux ou des ILM.

114.

Rogers explique comment l'information est communiquée à ses groupes de ventes et de marketing.
 
  • Les clients, y compris les propriétaires et administrateurs des immeubles ou les conseils d'administration de copropriétaires et les conseils de copropriété, lui transmettent directement une information.
 
  • Elle-même constate la présence d'un concurrent dans un ILM lors de la tenue de réunions avec le conseil d'administration des copropriétaires.
 
  • Des clients existants d'une IML préviennent des représentants de son groupe de services à la clientèle de la présence d'un autre fournisseur de services. L'information est généralement transmise à son groupe de ventes qui vérifie alors si le concurrent utilise des méthodes telles que des discussions avec l'administrateur de l'immeuble.

115.

Étant donné les différents modes de transmission de l'information à ses groupes de marketing et de ventes, Rogers réfute l'argument d'ExpressVu voulant que son groupe de services à la clientèle pratique une veille concurrentielle pour ses groupes de marketing et de vente et soutient que cette accusation est totalement fausse et dénuée de fondement.

116.

Rogers rejette l'allégation d'ExpressVu qui affirme qu'elle a contacté ses anciens abonnés moins de 90 jours après leur engagement avec ExpressVu et qu'elle leur a proposé une offre promotionnelle. Rogers explique qu'elle a fourni pendant plusieurs années aux occupants du Marina Del Rey un service correspondant à une entente globale avant qu'ExpressVu ne se soit engagée auprès du conseil d'administration des copropriétaires à fournir un service groupé à sa place. À la suite de la décision du conseil d'administration de confier à ExpressVu la fourniture de services groupés de vidéo, Rogers a continué, à la demande du conseil, à fournir un service groupé à l'ensemble de l'immeuble pour la durée du transfert progressif du service VDSL d'ExpressVu. Par conséquent, tant Rogers qu'ExpressVu étaient tenues, par contrat, de fournir au complexe Marina Del Rey un service groupé jusqu'au 31 août 2003. Par la suite, Rogers a été avisée que, à compter du 1er septembre 2003, [traduction] « les derniers clients de Rogers au Marina Del Rey seraient uniquement des locataires faisant affaires directement avec Rogers ».

117.

Rogers explique que tous les clients d'un immeuble passent généralement d'une EDR à l'autre dans la même soirée lorsque celui-ci change de fournisseur de service groupé. Toutefois, soucieux de se conformer à l'esprit des règles de reconquête et compte tenu du transfert progressif du service VDSL d'ExpressVu, Rogers a tout fait dans le cas du Marina Del Rey pour s'assurer de ne pas communiquer avec un client qui serait passé au service groupé d'ExpressVu avant la fin du délai de 90 jours suivant le débranchement du service. Roger déclare cependant que, en raison d'une erreur administrative, des télévendeurs ont utilisé une fois une liste qui avait été approximativement mise à jour une semaine plus tôt. Par conséquent, Rogers note qu'il est possible que quelques clients aient été contactés avant l'expiration du délai de 90 jours suivant leur conversion au service d'ExpressVu.

118.

Rogers déclare qu'elle a appelé des clients pour les informer qu'ils pourraient continuer à recevoir ses services, mais qu'elle ne leur a pas fait d'offre promotionnelle. Elle ajoute que cette pratique est autorisée et que, tel qu'énoncé dans Facturation globale par les entreprises de distribution par satellite de radiodiffusion directe, avis public de radiodiffusion CRTC 2002-7, 12 février 2002 (l'avis public 2002-7), au sujet de la facturation globale des fournisseurs des EDR par SRD, le fait qu'ExpressVu soit le fournisseur d'un service groupé dans ces immeubles ne signifie pas que celle-ci peut l'exclure du bâtiment.

119.

Rogers précise qu'elle offre depuis des dizaines d'années aux gérants d'immeubles concurrentiels et non-concurrentiels un service de télévision par câble gratuit, que ceux-ci encouragent ou non le marketing de ses services. Selon Rogers, ces encouragements facilitent l'établissement de bonnes relations avec les propriétaires et avec les administrateurs des immeubles. Rogers soutient qu'ExpressVu fait la même chose et cite en exemple le service gratuit offert pour la suite d'invités d'une propriété de Collingwood, en Ontario.

120.

Rogers indique que son groupe des ventes a découvert que South Beach recevait un service d'ExpressVu, mais que cette information n'a pas été divulguée à son groupe de vente par démarchage. Rogersmaintient que sa campagne marketing de porte-à-porte n'a constitué qu'une simple activité de vente destinée à attirer de nouveaux clients au câble et qu'elle n'a pas été lancée en réaction à l'arrivée d'ExpressVu.

121.

Rogers rappelle que son personnel de vente par démarchage a, pour chaque immeuble, une liste « expurgée » qui ne comprend pas les noms des abonnés actifs du câble et ceux des clients ayant changé de fournisseur dans les 90 dernières journées. Rogers note qu'ExpressVu ne l'a pas accusée d'avoir contacté un seul de ses clients pendant le délai de 90 jours.
 

Analyse et décision du Conseil

 
a) Applicabilité des règles de reconquête - ILM ayant des ententes de facturation globale

122.

Rogers souhaite savoir si les règles de reconquête s'appliquent aux ILM qui ont une entente de facturation globale, et notamment si elles s'appliquent au conseil d'administration des copropriétaires ayant signé l'entente de facturation globale ou aux locataires de chaque logement.

123.

Le Conseil note que les entreprises par câble sont depuis quelque temps autorisées à négocier des ententes de facturation globale et que, conformément à cette pratique, le Conseil a aussi autorisé dans l'avis public 2002-7 tous les fournisseurs par SRD à adopter une démarche de facturation globale. En outre, le Conseil note que, bien que le coût des services de radiodiffusion obtenus à la suite d'une entente de facturation globale fasse souvent partie des frais de copropriété, cette situation n'empêche pas les occupants de choisir, s'ils le souhaitent, un autre distributeur et de payer les frais supplémentaires correspondant au service reçu.

124.

Dans Plainte déposée par Câblevision TRP-SDM inc. contre Cogeco Câble inc. alléguant des infractions à l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion, décision de radiodiffusion CRTC 2004-4, 14 janvier 2004 (la décision 2004-4), le Conseil conclut que rien n'empêche un autre distributeur d'offrir son service dans un ILM, sur paiement des frais appropriés pour l'utilisation du câblage intérieur, même si l'ILM en question a déjà une entente de facturation globale. Par conséquent, un fournisseur de service titulaire peut solliciter les occupants d'un ILM, qu'il existe ou non une entente de facturation globale avec un autre fournisseur de services.

125.

Le Conseil n'a jamais exclu de l'application des règles de reconquête le cas des ILM ayant une entente de facturation globale. Selon le Conseil, celles-ci s'appliquent à tous les types de logements desservis par les EDR, y compris aux ILM où une entente de facturation globale est en vigueur. Toutefois, le Conseil note que les règles de reconquête s'appliquent aux « clients » qui annulent leur service de base par câble. Le Règlement fait une distinction claire entre le « client » et l' « abonné ».
 

« client » Personne responsable du paiement des services de programmation qui sont distribués par un titulaire et qui sont reçus directement ou indirectement par un ou plusieurs abonnés. Est exclu de la présente définition le propriétaire ou l'exploitant d'un hôtel, d'un hôpital, d'une maison de repos ou de tout autre local commercial ou établissement.

 

« abonné » Selon le cas :
a) ménage qui est composé d'une ou de plusieurs personnes occupant un logement unifamilial ou un des logements d'un immeuble à logements multiples et auquel le titulaire fournit directement ou indirectement des services;
b) propriétaire ou exploitant d'un hôtel, d'un hôpital, d'une maison de repos ou de tout autre local commercial ou établissement auquel le titulaire fournit des services.

126.

Le Conseil considère que la définition de client ci-dessus signifie que le client d'un service de base par câble serait la société de gestion du condominium ou le propriétaire, selon le cas, qui aurait signé une entente de facturation globale avec l'EDR et serait responsable du paiement du service distribué en vertu de cette entente, et non le propriétaire ou le locataire du logement. Par conséquent, les règles de reconquête appliquées au sens strict interdisent en pareil cas à une EDR d'approcher le conseil d'administration ou le propriétaire, mais pas l'utilisateur final.

127.

Toutefois, le Conseil pense pour le moment que les objectifs des règles de reconquête seraient mieux servis si l'on s'assurait que celles-ci s'appliquent à la fois au client et à l'abonné dont le service de base par câble a été annulé. Le but premier est de s'assurer que l'EDR titulaire ne peut pas cibler précisément et pendant une période de temps déterminée le client ou l'abonné dont le service de base a été annulé pour le reconquérir. Ce principe s'applique que l'abonné soit le locataire ou le propriétaire d'un appartement dans un ILM.

128.

Tenant compte des considérations ci-dessus, le Conseil lance une procédure dans Appel aux observations sur les changements aux règles de reconquête s'appliquant à la fois aux clients et aux abonnés, avis public de radiodiffusion CRTC 2004-86, également publié aujourd'hui. Les modifications qui pourraient s'appliquer aux règles de reconquête permettraient entre autres de s'assurer que l'EDR titulaire ne pourra contacter directement, pendant la période de temps fixée, l'un ou l'autre des occupants d'un ILM, y compris des propriétaires de logements individuels, dont l'entente de facturation globale a été annulée et qu'elle ne puisse offrir un quelconque encouragement généralement refusé au public, aux abonnés qui l'auraient directement contactée pour annuler leur service de base par câble.
 
b) Prétendue violation de l'article 5 du Règlement

129.

ExpressVu allègue que Rogers a contrevenu à l'article 5 du Règlement. Le Conseil note que Rogers est autorisée à distribuer des services de programmation facultatifs supplémentaires à ses abonnés qui reçoivent son service de base en vertu d'une entente de facturation globale ou autrement. Le Conseil note aussi que Rogers est autorisée à fournir un service Internet, que ce soit elle ou un concurrent qui fournisse le service de base par câble à l'abonné. Se fondant sur le dossier de cette instance, le Conseil ne peut conclure que Rogers a fourni un service en violation avec l'article 5 du Règlement.
 
c) Prétendue violation - Entente de facturation globale et Marina Del Rey

130.

Dans le cas du Marina Del Rey, le fait que le dossier révèle que Rogers a effectivement pris contact à au moins deux reprises avec des occupants de logements individuels ne permet pas au Conseil de conclure que Rogers a enfreint les règles de reconquête. Tel que discuté plus haut, les règles telles qu'elles sont actuellement formulées n'empêchent pas Rogers de communiquer avec des occupants de logements individuels lorsque son client du service de base est le conseil d'administration des copropriétaires. Or, c'est le conseil d'administration qui a avisé Rogers de son intention d'annuler le service de base. De plus, en pareil cas, les règles en vigueur n'empêchent pas Rogers de prendre contact avec les occupants de logements individuels qui sont aussi des clients de ses services facultatifs.
 
d) Prétendues violations - Aucune entente de facturation globale en vigueur

131.

Pour ce qui est des ILM d'Orillia, le Conseil note qu'ExpressVu déclare que les activités présumées de reconquête ont eu lieu alors qu'une « entente était sur le point d'être signée ». L'entente n'étant pas encore signée, les règles de reconquête ne pouvaient pas encore s'appliquer.

132.

Dans le cas de South Beach, le Conseil note que l'avis public 2000-81 indique que, lorsque le fournisseur de services titulaire se livre à des activités de marketing de masse auprès des occupants d'ILM, ce marketing « échappe au domaine des restrictions relatives à la reconquête » tant que « cette tactique n'implique pas de marketing direct auprès du client ayant annulé le service ». Le Conseil considère qu'ExpressVu n'a pas fourni les renseignements nécessaires pour corroborer ses accusations de violation des règles de reconquête dans le cas de South Beach en indiquant par exemple si Rogers avait réellement contacté les occupants des logements abonnés à ExpressVu. Le Conseil remarque qu'ExpressVu a simplement déclaré que Rogers était sur place pendant la période de 90 jours où il lui était interdit de solliciter ses anciens clients et que Rogers « devait avoir utilisé ses dossiers pour déterminer quels logements n'étaient pas abonnés à ses services, ciblant ainsi les 15 uniques abonnés d'ExpressVu de l'immeuble ainsi que les occupants ayant prouvé leur manque d'intérêt pour le câble ou pour la distribution par SRD ». Toutefois, ExpressVu n'a pas repéré les appartements ayant adhéré à ExpressVu que Rogers avait soi-disant contactés.

133.

En outre, le Conseil constate que les règles de reconquête ne s'appliquent pas à la sollicitation d'occupants de logements qui ne sont ni des clients du câble, ni des clients SRD, puisque les EDR ne peuvent pas reconquérir des occupants d'ILM qui n'ont jamais fait partie de leur clientèle.

134.

L'examen de tous les renseignements mis à sa disposition ne permet pas au Conseil de conclure que Rogers ait contrevenu aux règles de reconquête dans les cas qui lui ont été soumis.
 
e) Prétendue violation - Encouragements

135.

ExpressVu maintient que Rogers offre gratuitement à plusieurs gérants d'ILM un service par câble et des caméras de sécurité ainsi que d'autres avantages accessoires, dont des vols panoramiques, des déjeuners et des dîners ou des équipements gratuits de jeu pour reconquérir des abonnés.

136.

Le Conseil note que Rogers déclare avoir offert pendant des dizaines d'années un service par câble gratuit à des gérants d'immeubles, que ceux-ci aient accepté ou refusé de l'aider à commercialiser ses services. Le Conseil considère qu'ExpressVu n'a pas fourni suffisamment de preuves à l'appui de son accusation d'offre d'encouragements destinée à récupérer d'anciens abonnés ou de sa conclusion de préférence indue.
 
f) Nouvelles exigences de suivi des groupes de services à la clientèle et autres mesures

137.

Pour en revenir à la question des exigences de suivi des groupes de services à la clientèle et de la création d'un groupe de services entièrement indépendant, le Conseil croit que les mécanismes mis en place par Rogers se comparent à ceux des autres grands titulaires d'EDR. Le Conseil note aussi que Rogers a décrit ses procédures de suivi au cours de la présente instance. Par conséquent, le Conseil conclut qu'il n'est pas justifié d'imposer actuellement à Rogers des exigences en matière de suivi, comme le réclame ExpressVu.
 

Marketing ciblé

 

Plainte d'ExpressVu

138.

ExpressVu soutient entre autres que Rogers a proposé aux occupants des ILM des offres promotionnelles après avoir découvert qu'elle-même comptait proposer un service concurrentiel dans l'immeuble, et que ces offres étaient généralement réservées aux seuls occupants des ILM. ExpressVu suggère que l'intention de Rogers était de retenir le maximum de clients et de les empêcher de passer à la concurrence. ExpressVu allègue que ce marketing préventif si étroitement ciblé constitue une préférence indue et un désavantage indu et contrevient à l'article 9 du Règlement.

139.

ExpressVu estime que la campagne de marketing ciblé de Rogers visant les ILM n'ayant pas d'entente de facturation globale et où elle-même installe son service réduit sa pénétration d'au moins 50 %. En outre, ExpressVu soutient que de telles campagnes permettent de s'assurer que ses contrats avec les propriétaires d'appartements d'ILM ne sont pas financièrement viables car elles relèvent ses frais et ses besoins en ressources à un niveau tel qu'elle ne peut plus offrir de solution concurrentielle viable aux occupants d'ILM à certains endroits.

140.

ExpressVu demande au Conseil d'imposer une nouvelle obligation visant à prévenir cette tactique de marketing ciblé lancée dès le moment où un nouveau venu désigne officiellement à Rogers un immeuble où il compte s'installer.

141.

ExpressVu déclare que Rogers retient plus de 95 % de la clientèle des ILM dans le grand Toronto mais que celle-ci, malgré son importante part de marché, n'est actuellement assujettie à pratiquement aucune des contraintes et règles que la politique de réglementation des télécommunications du Conseil impose à Bell Canada. ExpressVu demande au Conseil d'imposer à Rogers des restrictions semblables à celles qui régissent les promotions des ESLT.

142.

ExpressVu affirme aussi que le Conseil devrait établir une nouvelle exigence pour mettre fin à cette perception d'inégalité et interdire à Rogers d'adopter des pratiques préventives de marketing ciblé accompagnées d'offres promotionnelles dans les ILM où s'installe un concurrent.

143.

Par ailleurs, ExpressVu suggère au Conseil d'imposer à Rogers plusieurs correctifs détaillés par condition de licence lors de son renouvellement de licence.
 

Réplique de Rogers

144.

Répliquant à ExpressVu, Rogers répond en gros que la plainte d'ExpressVu ne signifie pas que le Conseil doive prendre d'autres mesures. Rogers estime qu'ExpressVu n'a pas fait la preuve que ses résultats dans le marché des ILM sont liés d'une façon ou d'une autre à ses propres gestes et suggère qu'ExpressVu n'a pas consacré la même énergie au marché des ILM qu'elle en a consacré au marché des logements unifamiliaux, d'où ses succès plus importants dans ce dernier secteur.

145.

Rogers explique qu'elle ne fait aucune offre ciblée visant directement les occupants des ILM concurrentiels et que toutes ses activités de vente, que celles-ci concernent des ILM concurrentiels ou non concurrentiels ou encore des logements unifamiliaux, visent à inciter les clients à mettre à jour leur bloc de services - ce qu'elle appelle un « rajustement » du client. Ces offres promotionnelles ne permettent pas aux clients de conserver leurs services à prix réduit.

146.

Rogers note que la principale raison qui retient les clients à s'abonner à un nouveau produit comme la télévision numérique est l'augmentation de leurs frais mensuels. Rogers soutient que le fait de proposer un rabais sur un service numérique pendant une période de temps limitée est un moyen efficace de commercialiser le service en question et d'encourager les clients à faire l'essai de la télévision numérique. Rogers soutient que ses concurrents des immeubles où s'affrontent plusieurs fournisseurs de services affirment souvent que leurs services sont numériques et que le service par câble ne l'est pas. Rogers pense que ses offres visent à démontrer à ses clients qu'elle propose le nec plus ultra des services numériques par câble.

147.

Rogers soutient qu'ExpressVu a utilisé des analyses et des données propres à induire en erreur pour suggérer qu'elle avait une part du marché des EDR beaucoup plus importante qu'en réalité. Selon Rogers, les occupants de 11,3 % des ILM du grand Toronto ont un choix d'EDR et les occupants de 8 % des ILM du grand Toronto ont le choix de recevoir Look TV ou Star Choice. En outre, beaucoup de locataires d'ILM peuvent recevoir Star Choice ou le service d'ExpressVu en installant des antennes paraboliques orientables sur leurs balcons.

148.

Rogers croit que les nouvelles exigences que préconise ExpressVu et que celle-ci souhaite lui voir être imposées sont une tentative visant à l'empêcher de lui faire complètement concurrence dans les ILM. Rogers note que Bell Canada a une part de marché de 99,6 % même si celle-ci doit faire approuver ses tarifs, ce qui équivaut à une situation de monopole, tandis que Rogers a perdu 15 % de part de marché et doit affronter une solide concurrence.
 

Analyse et décisions du Conseil

149.

La position générale du Conseil à l'égard de la tarification anticoncurrentielle est énoncée dans le cadre de réglementation des EDR présenté dans l'avis public 1997-25. Dans cet avis public, le Conseil précise qu'il considère habituellement que le fait de laisser une titulaire baisser ses prix pour tenter d'éliminer la concurrence, et les relever ultérieurement au-delà des prix concurrentiels pour récupérer ses pertes antérieures, ne sert pas l'intérêt public. Cette démarche ne peut cependant être adoptée que lorsqu'il existe des obstacles importants à l'entrée des concurrents sur le marché. Le Conseil croit que les nouveaux concurrents, qu'il s'agisse de distributeurs par SRD ou de fournisseurs de services sans fil ou filaires, peuvent facilement entrer sur le marché de sorte que, dès que l'exploitant de l'entreprise de distribution par câble augmente ses prix au-delà d'un seuil concurrentiel, le ou les concurrent(s) entrent sur le marché ou y reviennent, forçant alors l'exploitant de l'entreprise de distribution par câble à baisser ses tarifs. Le Conseil conclut qu'il n'est pas persuadé de la nécessité d'établir des balises précises pour protéger les tarifs concurrentiels.

150.

D'après le dossier de cette instance, les promotions de Rogers peuvent comprendre :
 
  • un service analogique par câble à prix réduit pendant une courte période de temps, installation gratuite;
 
  • un service numérique par câble à prix réduit pendant une courte période de temps, installation gratuite, films à la carte gratuits, 60 jours d'essai gratuits d'une chaîne numérique et boîtier de décodage gratuit;
 
  • Internet à prix réduit pendant une courte période de temps, installation gratuite.

151.

Le Conseil note que Rogers déclare que ses promotions n'étaient pas des offres étroitement ciblées visant uniquement les occupants des ILM concurrentiels, mais plutôt des activités de marketing de « rajustement » du client réalisées dans les ILM concurrentiels et non concurrentiels ainsi que dans des logements unifamiliaux.

152.

Le Conseil estime que, selon le dossier, Rogers a lancé plusieurs promotions d'une durée limitée dans les ILM du grand Toronto et que la nature de ces promotions a eu pour résultat de conférer une préférence aux nouveaux abonnés de Rogers et un désavantage aux abonnés existants de Rogers.

153.

En ce qui a trait au caractère indu de ces préférences et désavantages, le Conseil note que les promotions sont généralement vues comme une pratique d'affaires légitime tant en situation de monopole que dans des marchés concurrentiels et que les clients en tirent profit. Comme le souligne Rogers, elles peuvent stimuler la demande de nouveaux services et de services existants et encourager les clients à actualiser leur bloc de services. ExpressVu a également admis que tous les fournisseurs de services modifiaient leurs tarifs et blocs de service de temps à autre.

154.

Le Conseil note que les circonstances de la plainte d'ExpressVu présentent des similitudes avec les cas discutés dans Plainte de Novus Entertainment Inc. accusant Shaw Cablesystems Company de pratiques anticoncurrentielles de commercialisation, décision de radiodiffusion CRTC 2004-3, 8 janvier 2004. Pour la plainte de Novus Entertainment Inc. (Novus), le Conseil a examiné des questions de marketing ciblé qui se comparent à celles qui sont discutées ici et décidé que celle-ci n'était pas suffisamment fondée pour conclure à une préférence indue. Le Conseil a entre autres cité la durée limitée de la promotion légitime de Shaw Cablesystems Company (Shaw) et affirmé que Novus n'avait pas réussi à prouver que l'activité de Shaw avait eu ou pouvait avoir eu des conséquences néfastes importantes sur elle-même ou sur le système canadien de radiodiffusion. S'inspirant de ce cas, le Conseil conclut que les promotions de Rogers étaient d'une durée limitée, le plus souvent pour des périodes de 30 ou de 60 jours, et qu'ExpressVu n'a pas fourni suffisamment d'informations pour lui permettre de déterminer si ces promotions avaient eu ou pouvaient avoir eu des conséquences néfastes importantes sur une personne ou sur le système canadien de radiodiffusion.

155.

À la lumière de ce qui précède et se fondant sur le dossier de cette instance, le Conseil ne peut conclure que les promotions offertes par Rogers à une partie des abonnés du marché du grand Toronto ont eu ou peuvent avoir eu des conséquences néfastes importantes sur la plaignante, sur d'autres abonnés ou sur le système canadien de radiodiffusion. Par conséquent, le Conseil ne peut pas conclure que le recours à des promotions de marketing ciblé pour une durée limitée ait conféré une préférence indue à Rogers ou à ses abonnés, ou soumis les concurrents de Rogers à un désavantage indu.

156.

Le Conseil note aussi qu'il a réglé dans l'avis public 2004-62 une partie de la préoccupation principale d'ExpressVu concernant les activités « préventives » de marketing ciblé de Rogers exprimée dans cette plainte. Dans cet avis public, le Conseil modifie les règles actuelles de reconquête dans le secteur de la radiodiffusion et interdit notamment de proposer pendant une période de 90 jours des offres promotionnelles dans les immeubles où s'installe une EDR concurrente.
 

Autres points - Demande de confidentialité

157.

ExpressVu demande que l'annexe I de sa lettre du 22 août 2003 soit traitée sous le sceau du secret. L'annexe I comprend un échange de courriels entre Rogers et ExpressVu qui, selon cette dernière, contient des renseignements qui devraient rester confidentiels pour protéger la vie privée des clients. Les documents ont été transmis à Rogers pour que celle-ci puisse les examiner.

158.

Le Conseil estime que les dommages qui pourraient résulter de la divulgation publique des courriels l'emportent sur l'intérêt général. De plus, le Conseil note que Rogers n'a pas contesté la demande de confidentialité. Pour ces raisons, la demande de confidentialité est accordée.

159.

Rogers et ExpressVu ont demandé que leurs ententes de facturation globale avec le Marina Del Rey, expirées dans le cas de Rogers et en vigueur dans celui d'ExpressVu, soient traitées sous le sceau de la confidentialité. Les parties considèrent que celles-ci contiennent des renseignements extrêmement confidentiels et délicats sur le plan commercial et que leur divulgation conférerait un avantage concurrentiel indu à leurs concurrents et causerait des dommages graves et irréparables au Marina Del Rey, à Rogers et à ExpressVu. Rogers a également demandé que les lettres qu'elle a adressées au Marina Del Rey reçoivent un traitement confidentiel. La première de ces lettres prolonge son entente, l'autre autorise Rogers à continuer à fournir uniquement un service direct aux locataires. ExpressVu demande aussi que la liste qu'elle a remise concernant des violations présumées des règles de reconquête dans certains logements du Marina Del Rey demeure confidentielle. Le Conseil note qu'il existe une version abrégée de cette liste qui ne comprend pas les noms et les numéros d'appartements des locataires du Marina Del Rey et que celle-ci a été versée au dossier public.

160.

Le Conseil considère que les dommages qui pourraient résulter de la divulgation des informations précisées plus haut l'emportent sur l'intérêt général et note qu'aucune des parties n'a contesté la demande de confidentialité de l'autre. Les demandes de traitement confidentiel de ces documents sont donc accordées.
  Secrétaire général
  Cette décision doit être annexée à chaque licence. Elle est disponible, sur demande, en média substitut, et peut aussi être consulté sur le site Internet www.crtc.gc.ca. 
 

Opinion minoritaire de la conseillère Barbara Cram

  Je tiens à exprimer respectueusement mon désaccord avec mes collègues de la majorité, principalement en ce qui concerne l'interprétation de l'article 10 du Règlement. Ensuite, je crois qu'un réexamen de toute la question du câblage intérieur d'une EDR dans les nouveaux immeubles s'impose, tant pour garantir le maintien du principe du choix par l'utilisateur final que pour tendre vers une symétrie réglementaire entre la radiodiffusion et les télécommunications.
  Une contravention à l'article 10 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion constitue une infraction qui peut résulter en une déclaration sommaire de culpabilité. Cet article crée ainsi une infraction quasi-criminelle et il doit par conséquent être interprété de façon restrictive. Je suis d'avis que la situation peut être comparée à celle des infractions commises à la Loi de l'impôt sur le revenu. En vertu de cette dernière loi, il faut faire une distinction entre éviter l'impôt et faire de l'évasion fiscale. De même, en vertu de notre Règlement, il faut faire une nette distinction entre le fait d'être titulaire et le fait d'être détenteur d'un droit d'usage perpétuel et inaliénable.
  L'article 10(1) emploie les mots « titulaire propriétaire d'un câblage intérieur ». Le Conseil a déjà décidé qu'un droit d'utilisation perpétuel et inaliénable ne confère pas la propriété du câblage (Régime réglementaire pour la fourniture de services de télécommunication internationale, décision Télécom CRTC 98-17, 1er octobre 1998, décision 98-17).
  Le système de réglementation prévu à l'article 10 du Règlement relatif aux EDR exige du titulaire propriétaire du câblage intérieur qu'il en permette l'utilisation par un abonné, par un autre titulaire ou par une EDR. Si, au moment de l'exécution, c'est-à-dire au moment de donner l'accès ou de permettre l'usage à un autre titulaire ou à une EDR, le câblage intérieur appartient à un tiers, l'article 10 ne s'applique pas.
  La clause 4 du contrat par ailleurs valide conclu entre Rogers et le propriétaire de l'immeuble prévoit que ce dernier, comme condition préalable à ce qu'un autre fournisseur ait accès à l'immeuble, doit acheter le câblage intérieur de Rogers. Il s'ensuit par conséquent que Rogers, au moment pertinent où l'accès est accordé, n'est pas un titulaire propriétaire. Le fait que Rogers bénéficie par la suite d'un droit d'utilisation perpétuel et inaliénable n'y change rien.
  La décision majoritaire, aux paragraphes 56 à 58, invalide essentiellement la clause 4 de ces contrats parce qu'elle vise à éviter « de rendre son câblage intérieur disponible [ .]  » (paragraphe 55). À mon avis, il s'agit là d'une mesure d'évitement du règlement et non d'une mesure d'évasion.
  Selon la majorité, Rogers est titulaire propriétaire, la clause 4 étant considérée inopérante parce qu'elle va à l'encontre des objectifs et de l'intention des articles 10(1) et 10(2) du Règlement et plus généralement des objectifs de la Loi en général et qu'elle est en définitive contraire à l'intérêt public. Avec respect, je crois que cette interprétation élargit beaucoup trop la portée de la common law et constitue une intrusion sans précédent dans la sphère du droit privé des contrats.
  Je m'inscris en faux contre les propos de la majorité au paragraphe 54. Il est vrai que Rogers a participé activement au processus de l'avis public 2002-51, mais par la suite, on lui a accordé un tarif bien plus bas que celui demandé. De plus, bien que cet avis public prévoie le droit de demander un tarif d'exception, si j'ai raison et que l'article 10 du Règlement ne s'applique pas à Rogers au moment de l'autorisation d'accès, Rogers n'aurait aucun fondement pour demander une exception et n'aurait pas besoin de faire une telle demande.
  Avec respect, je suis d'avis que la question de l'accès irrégulier est indissociable de celle, comme je l'appelle, des réalités commerciales et de la symétrie réglementaire.
  La réalité est que le câblage intérieur des immeubles coûte de l'argent. Le fait est que, dans le passé, les promoteurs immobiliers ont approché tant Rogers que Bell pour défrayer ces coûts et que, quelque temps avant la présente plainte, Bell a décidé de ne plus le faire. Le fait est aussi que les nouveaux immeubles requièrent maintenant du câblage plus important, non plus seulement des câbles simples, mais plutôt des câbles doubles. Et, même s'il était justifié à l'époque, le tarif fixé par le Conseil dans l'avis public 2002-51, alors basé sur les coûts historiques, ne suffit pas à défrayer ces coûts.
  On laisse par conséquent le marché résoudre une équation. D'une part, les propriétaires d'immeubles veulent que les EDR défraient les coûts d'installation du câblage puisque ce sont elles qui bénéficieront de cette installation. D'autre part, les EDR sont tenues de donner accès à d'autres à ce câblage intérieur, à un tarif qui, selon elles, ne les compensent pas suffisamment.
  La clause 4 a donc été retenue comme solution de compromis entre les propriétaires d'immeubles et Rogers. Conséquemment, Bell ExpressVu prétend qu'elle serait obligée soit de payer un tarif beaucoup plus élevé que le tarif fixé par le Conseil pour obtenir des propriétaires d'immeubles une autorisation d'accéder, soit de payer 50 % du coût initial. La réalité commerciale veut que « quelqu'un » paye les coûts réels. Je ne crois pas que la clause 4 vise à décourager les propriétaires d'immeubles de donner accès à leurs immeubles; cette clause représente plutôt une réalité commerciale. Il appert des exemples choisis par Bell ExpressVu elle-même pour illustrer son point de vue que les propriétaires d'immeubles ne refusent pas nommément l'accès, mais qu'ils exigent simplement que « quelqu'un » assume le coût des investissements dont ils ne tirent pas vraiment profit.
  La décision majoritaire illustre une absence de symétrie au sein de notre système de réglementation. L'an dernier, ce Conseil décidait qu'en matière de télécommunications, il serait approprié que les propriétaires d'immeubles imposent un tarif pour l'usage du câblage intérieur, afin de récupérer le coût des investissements raisonnablement faits pour l'installation du câblage (Fourniture de services de télécommunication aux clients d'immeubles à logements multiples, décision de télécom CRTC 2003-45, 30 juin 2003). Par conséquent, les compagnies de téléphone titulaires, qui sont tenues d'offrir les services, reçoivent une compensation et sont protégées si elles décident de payer l'installation du câblage dans les nouveaux immeubles et d'utiliser l'équivalent de la clause 4. Les EDR, qui ne sont pas tenues d'offrir les services, ne recevront quant à elles aucune compensation.
  Permettez-moi de dire que le Conseil doit maintenant résoudre l'équation des réalités commerciales et de la politique du choix par l'utilisateur final, sans compter la question de la symétrie réglementaire qui, à notre époque de convergence, est peut-être la question la plus importante. Cette décision majoritaire signifie que l'installation de câblage intérieur et sa mise en location pourraient bien échapper au contrôle du Conseil, ce qui mettrait en péril l'objectif réel, soit le choix par l'utilisateur final. J'aurais décidé de traiter la question du mécanisme de tarification du câblage intérieur des nouveaux immeubles plutôt que de courir le risque de toucher le principe du choix par l'utilisateur final.
 

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

  Je suis d'accord avec la décision de la majorité de rejeter les plaintes déposées par Bell ExpressVu Limited Partnership (ExpressVu) portant sur le transfert du câblage intérieur, les règles de reconquête et les activités de marketing ciblé. Cependant, je suis en désaccord avec la conclusion de la majorité à l'effet que Rogers Cable Inc. (Rogers) enfreint les articles 9 et 10 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement). À mon avis, lors de cette instance, la majorité a mal évalué la preuve au dossier. Sa décision place le Conseil dans la position intenable d'émettre des ordonnances à des personnes, qu'il s'agisse de sociétés ou d'individus que le Conseil ne réglemente pas.
  Malgré la longueur de la décision majoritaire, le problème à la base est assez simple. Les délibérations ont porté sur la question de l'accès aux immeubles à logements multiples (ILM) par les distributeurs de services de communications comme le téléphone, la télévision et Internet, dans la région du grand Toronto. ExpressVu attribue son peu de succès à recruter des abonnements dans les ILM pour son service de télévision transmis par satellite à une clause (la clause 4) qui figure dans des contrats passés entre Rogers et certains propriétaires d'immeubles du grand Toronto pour avoir accès à leurs immeubles.
  La clause 4, dont la portion pertinente est citée au paragraphe 7 de la décision majoritaire, est une disposition de rachat advenant que le propriétaire autorise un concurrent de Rogers à accéder à son ILM. Selon les autres termes du contrat renfermant la clause 4, Rogers consent à payer tous les frais d'installation (estimés par les parties au contrat à 200 $ par logement) relatifs au câblage dans un nouvel ILM ou un ILM rénové, de même que l'équipement requis pour acheminer les produits de Rogers, en retour du droit de fournir ses produits aux occupants de l'immeuble qui choisissent de s'y abonner.
  Le dossier démontre que ces contrats sont monnaie courante pour la commercialisation des services de communications au Canada. Par exemple, Bell Canada, un proche parent corporatif d'ExpressVu, signe des ententes d'accès similaires avec les propriétaires d'ILM en vertu desquelles elle se charge d'installer du câble dans un nouvel immeuble en échange du droit de vendre ses produits aux futurs occupants. Le dossier ne permet pas de déterminer si ces ententes renferment ou non l'équivalent de la clause 4.
  D'après les dispositions de la clause 4, les parties conviennent que si le propriétaire d'un ILM autorise un concurrent de Rogers à offrir ses services dans l'immeuble, ce propriétaire dédommagera Rogers pour une part de son investissement en rachetant le câblage au coût d'origine moins la valeur amortie. Lorsqu'une transaction comme celle-là se produit et que le propriétaire de l'ILM se retrouve seul propriétaire du câblage intérieur, une seconde démarche est enclenchée. En vertu de la clause 4, Rogers rembourse au nouveau propriétaire du câble la moitié du prix qu'il a payé, en échange du « droit inaliénable d'utiliser le câblage intérieur à perpétuité » et « d'avoir préséance sur les autres fournisseurs pour acheminer ses services de communication, tant que les abonnés desservis par le câblage intérieur voudront souscrire aux services de communications Rogers ».
  En résumé, selon les provisions du contrat d'accès passé entre Rogers et le propriétaire d'immeuble, Rogers installe à ses frais le câblage dans l'immeuble du propriétaire en échange du droit d'y démarcher ses services. La clause 4, applicable dès qu'un concurrent de Rogers obtient l'accès à l'immeuble, permet à Rogers de conserver son droit d'accès tout en recouvrant une partie de son investissement grâce à la vente du câblage au propriétaire de l'immeuble. Ayant acheté le câblage intérieur, le propriétaire accorde à Rogers la permission de s'en servir, et de s'en servir de préférence à un concurrent, advenant qu'un occupant de l'immeuble veuille s'abonner à la fois aux services de Rogers et d'un concurrent. Il appert que, dans le cas où la capacité du câble d'un logement ne permet pas d'acheminer à la fois les services de Rogers et d'un concurrent, la préséance dont jouit Rogers forcerait le concurrent soit à faire les ajustements nécessaires à ses propres frais, soit à payer le propriétaire de l'immeuble pour qu'il le fasse, soit tout simplement à renoncer au contrat de services pour le logement en question.
  Ce qui semble avoir précipité la demande d'ExpressVu au Conseil et la décision majoritaire y faisant suite, c'est l'idée que les propriétaires d'ILM, après avoir acheté le câblage intérieur, puissent se mettre à exiger un prix arbitraire aux concurrents pour son utilisation. Personne ne sait quel serait ce prix mais dans l'esprit d'ExpressVu, il ne fait aucun doute qu'il dépasserait 0,52 $ par abonné, c'est-à-dire le tarif mensuel établi par le Conseil dans l'avis public de radiodiffusion CRTC 2002-51 (l'avis 2002-51). Cette éventualité est fort plausible parce que l'avis 2002-51 fixe à 0,52 $ le tarif que doit verser un titulaire régi par le Conseil à un autre titulaire régi par le Conseil pour louer son câble. Or, ce n'est pas ce dont il s'agit ici.
  Les propriétaires d'immeubles d dans le grand Toronto ne sont pas des titulaires régis par le CRTC. Même s'ils l'étaient, je suis d'avis que la demande faite par ExpressVu de déclarer que la clause 4 enfreint les articles 9 et 10 du Règlement n'en demeure pas moins irrecevable. Il n'y a pas suffisamment de preuves au dossier pour conclure que les ententes signées entre Rogers et divers propriétaires d'ILM du grand Toronto constituent une tentative de la part de Rogers de s'octroyer une préférence indue sur la concurrence ou de contourner la règle des 0,52 $. La clause 4 n'interdit pas l'accès à la concurrence; au contraire, sa raison d'être implique qu'un concurrent aurait obtenu le droit d'accès à l'ILM en question. Le coût de l'accès serait alors négocié entre le concurrent et le propriétaire de l'ILM. Ce que ce concurrent aurait à payer pourrait vraisemblablement dépasser 0,52 $ par abonné par mois, mais ne dépasserait certainement pas la somme investie par Rogers. En quoi, je le demande, pareille situation peut-elle constituer une préférence indue à l'égard de Rogers?
  La majorité conclut, en se fondant sur une preuve que je n'ai pas pu retrouver au dossier, que la concurrence serait forcée « de payer 50 % de la valeur amortie du câblage intérieur dans l'immeuble » (paragraphes 64 et 66). Pour en arriver là, d'après ce que je peux comprendre, elle a suivi un raisonnement dont la progression logique est entachée de plusieurs erreurs. Tout d'abord, oubliant que le câblage intérieur n'est plus « le câblage intérieur de Rogers », mais bien celui du propriétaire de l'immeuble, la majorité, au paragraphe 61, invoque un article du Règlement qui n'est pas pertinent : « Le Règlement prévoit qu'ExpressVu et d'autres nouveaux venus ont le droit d'utiliser le câblage intérieur de Rogers moyennant un tarif juste et raisonnable ». Ensuite, au paragraphe 62, la majorité déclare que, pendant que Rogers bénéficie d'un droit perpétuel et inaliénable d'utilisation grâce à la clause 4, « les nouveaux venus se font refuser l'accès au câblage à l'intérieur de l'ILM ». Ce que la majorité semble avoir oublié ici, c'est que ce droit perpétuel et inaliénable n'entre en jeu qu'une fois l'accès accordé à un nouveau venu. Enfin, au paragraphe 75, la majorité conclut que « l'utilisation par Rogers de son droit perpétuel et inaliénable de préséance sur le câblage intérieur aurait des répercussions financières négatives sur les concurrents ». Ce dont elle n'a pas tenu compte, ce sont les « conséquences néfastes importantes » que Rogers aurait à subir si elle renonçait à son droit de préséance et se voyait dès lors empêchée d'utiliser une installation qu'elle a elle-même défrayée et dont elle paie l'utilisation, même si l'occupant de l'ILM désire souscrire à un de ses services.
  En réalité, il n'est pas autant question dans cette affaire d'une préférence indue que Rogers se serait fabriquée, que d'un traitement préférentiel qu'ExpressVu envisage pour elle-même. Ce que nous avons ici ressemble tout à fait à une tentative par ExpressVu d'amener Rogers ou le propriétaire de l'immeuble, ou les deux, à assumer une part substantielle des coûts qu'implique son entreprise de distribution de radiodiffusion. Plutôt que défrayer l'installation de son propre câble coaxial dans les nouveaux ILM ou les ILM rénovés, il semble qu'ExpressVu préfèrerait laisser faire Rogers pour pouvoir ensuite réclamer son droit absolu à utiliser le câble, voire de préférence à Rogers au cas où l'occupant souhaiterait recevoir un service de Rogers et un autre d'ExpressVu, mais n'aurait pas un câble suffisamment fort pour accommoder les services des deux titulaires. En fait, ce qu'ExpressVu recherchait et ce qu'elle a obtenu de la décision du Conseil, c'est que Rogers reçoive l'ordre de subventionner ses opérations. Libérée de l'obligation d'investir dans l'infrastructure des ILM, ExpressVu est maintenant en position de négocier de meilleurs prix que Rogers et, tout en utilisant le câblage du propriétaire de l'immeuble, d'attirer à elle les abonnés de Rogers.
  Le dossier indique que dans les immeubles cités au cours des délibérations, Rogers et Bell Canada ont toutes deux installé du câblage intérieur. Rogers a payé pour installer du câble coaxial qui sert à acheminer les signaux de télévision et les produits dispensés sur Internet, y compris le service téléphonique faisant appel à un protocole dispensé sur Internet. Bell Canada a défrayé l'installation de câbles de cuivre en paires torsadées qui conviennent au téléphone et à Internet mais ne permettent pas d'acheminer un signal de télévision de qualité concurrentielle. ExpressVu ne dit pas pourquoi elle ne s'est pas associée à sa société sour, Bell Canada, pour installer le câblage dont elle avait besoin pour faire concurrence à Rogers. ExpressVu n'explique pas non plus pourquoi elle a décliné les offres de Rogers de partager le coût d'installation du câblage. La majorité tire bon nombre de conclusions à partir de preuves à mon avis bien fragiles. On se demande pourquoi elle n'a même pas envisagé la possibilité que la stratégie d'ExpressVu puisse être de se tenir à l'écart, de ne rien dépenser, de laisser Rogers investir des sommes énormes pour ensuite profiter des investissements de Rogers moyennant quelques sous par mois.
  D'après le dossier, il est clair que Rogers en est rapidement arrivée à cette conclusion et a réagi en conséquence. Elle s'est vue forcée de choisir entre prendre en charge son concurrent - un concurrent qui appartient à BCE, l'une des plus grandes entreprises de communications au Canada, - ou trouver moyen d'éviter le piège. Rien d'étonnant à ce que Rogers ait choisi la seconde solution. La preuve présentée au Conseil permet tout aussi facilement de conclure que Rogers, en insérant la clause 4 dans ses contrats d'accès avec les propriétaires d'ILM, cherchait à parer aux coups et non pas à se conférer une préférence indue.
  Rien n'indique que Rogers ait exercé quelque pression que ce soit pour amener les propriétaires d'ILM à signer ces contrats, ou que les propriétaires aient signé sous la contrainte. On peut logiquement présumer que les propriétaires d'ILM, des promoteurs sophistiqués secondés par d'excellents avocats, ont accepté la clause 4 parce qu'ils y voyaient leur intérêt et celui de leurs locataires. Le câblage a été installé dans leurs immeubles sans aucun déboursé de leur part et avec l'assurance que le jour où, pour plaire aux locataires, ils voudraient offrir des options concurrentielles, ils seraient en mesure de le faire en économisant beaucoup d'argent, soit 50 % de la valeur amortie.
  Les propriétaires d'ILM ne connaissent peut-être pas grand chose aux subtilités des réseaux de communication, mais ils en savent long sur l'art de réaliser un profit en louant son actif. Tandis que l'idée d'installer du câblage et d'avoir à le payer a tout pour les rebuter, ils se sentiraient tout à fait à l'aise de louer l'infrastructure à des fournisseurs de communications comme ExpressVu. Louer quelque chose, c'est justement la spécialité des propriétaires d'immeubles. Les termes de ce type de bail ne seraient peut-être pas conformes aux articles 10(1) et 10(2) du Règlement, mais ces articles s'appliquent uniquement à « un titulaire qui détient le câblage intérieur ». Je veux conclure cette opinion minoritaire comme je l'ai commencée, sur la question des répercussions réglementaires. À mon avis, dicter à distance les termes des contrats d'entreprise passés entre des propriétaires d'immeubles privés et des entreprises de distribution autorisées comme ExpressVu et Rogers ne respecte ni la lettre, ni l'esprit des articles 10(1) et 10(2) de Règlement. Par conséquent, j'aurais rejeté la demande d'ExpressVu dans sa totalité.
  Notes de bas de page :

[1] Le Conseil note que dans un autre exemple de clause 4 fournie par ExpressVu pour les besoins de la plainte, le paiement est calculé d'après le coût non amorti.

[2] Dans l'avis public 2000-81, le Conseil a demandé à Rogers et à certains autres grands exploitants du câble de créer des groupes de service à la clientèle (GSC) afin d'isoler de la fonction ventes et mise en marché les renseignements sur les clients et les concurrents qui sont sensibles sur le plan de la concurrence.

[3] Les procédures d'intervention permettent aux techniciens d'assurer un suivi en cas de problème pendant un transfert et leur permet d'obtenir des conseils sur la marche à suivre. Ces procédures comprennent habituellement une liste des représentants de l'entreprise capables de fournir des conseils pour résoudre rapidement les problèmes.

[4] L'article 5 précise : « Sauf condition de sa licence ou disposition du présent règlement à l'effet contraire et à l'exclusion des services à la carte, des services vidéo sur demande et des services de programmation des entreprises de programmation exemptées, le titulaire ne peut fournir des services de programmation à l'abonné sans lui fournir également le service de base. »

Mise à jour : 2004-11-12

Date de modification :