ARCHIVÉ - Avis public de radiodiffusion CRTC 2004-62

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Avis public de radiodiffusion CRTC 2004-62

  Ottawa, le 13 août 2004
 

Changements aux règles de reconquête des entreprises de distribution de radiodiffusion

  Le Conseil annonce sa décision de maintenir les règles de reconquête et adopte des règles additionnelles pour régir la conduite des entreprises de distribution de radiodiffusion titulaires desservant 6 000 abonnés ou plus, lors de leurs contacts avec les résidents d'immeubles à logements multiples. Une opinion minoritaire du conseiller Langford est jointe à cet avis.
 

Historique

1.

Dans une lettre de décision datée du 1er avril 1999, le Conseil a établi des règles (les règles de reconquête) interdisant aux câblodistributeurs titulaires de commercialiser directement leurs services, pendant une période de 90 jours, auprès de leurs clients ayant annulé leur service de base. Les règles sont les suivantes :
 
  • un câblodistributeur titulaire ne peut communiquer directement avec un client dont le mandataire l'a avisé de son intention d'annuler son service de base;
 
  • un câblodistributeur titulaire ne peut proposer aux clients qui communiquent personnellement avec lui pour annuler leur service de base des rabais ou d'autres incitatifs généralement non offerts au public.

2.

Le 28 octobre 2002, l'Association canadienne de télévision par câble (ACTC) a déposé au nom de ses sociétés membres une demande d'abolition des règles de reconquête restreignant la communication entre les câblodistributeurs titulaires et leur clientèle.

3.

Dans Appel d'observations sur d'éventuels changements aux règles de reconquête des entreprises de distribution de radiodiffusion, avis public de radiodiffusion CRTC 2003-21, 25 avril 2003 (l'avis public 2003-21), le Conseil a établi un processus en deux étapes en vue d'obtenir les observations du public sur les règles de reconquête, sur la proposition de l'ACTC et sur d'autres éventuelles modifications à ces règles.
 

Aperçu des commentaires

 

La position de l'ACTC

4.

En plus de sa demande initiale du 28 octobre 2002, l'ACTC a également soumis des commentaires lors des deux phases de l'instance amorcée par l'avis public 2003-21. Selon l'ACTC, le maintien des règles de reconquête dans le contexte actuel pourrait perturber le fonctionnement normal des forces du marché en situation de concurrence et empêcher les consommateurs de profiter pleinement des avantages de la concurrence.

5.

Selon l'ACTC, l'adoption des règles de reconquête par le Conseil était motivée par des conditions de marché transitoires et plus particulièrement par la position dominante qu'y occupaient les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) par câble par rapport à celle des nouveaux venus, domination qui pourrait diminuer avec le renforcement des forces de la concurrence. Elle a aussi soutenu que l'état de l'entrée en concurrence dans le marché de la distribution de radiodiffusion a considérablement changé depuis l'adoption des règles de reconquête en 1999. Plus précisément, l'ACTC note que la part de marché des EDR concurrentes a significativement augmenté et qu'en contrepartie, les câblodistributeurs titulaires ont subi une baisse du nombre de leurs abonnés et de leur part de marché. Toujours selon l'ACTC, en 1999 les câblodistributeurs desservaient un total de 8 millions de clients ou 93 % du marché des EDR. Elle a ajouté qu'en 2002, ce total était tombé à 7,5 millions d'abonnés, c'est-à-dire 79 % de toute la clientèle des EDR.

6.

L'ACTC explique que collectivement, les EDR qu'elle décrit comme « les anciens nouveaux venus » desservent maintenant plus de 2,1 millions de clients au Canada et que les EDR par satellite de radiodiffusion directe (SRD) desservent à elles seules plus de 2 millions de ces clients et ont conquis 20 % du marché. L'ACTC constate également que les EDR par SRD exploitées par Bell ExpressVu Inc. (l'associé commandité), et BCE Inc. et 4119649 Canada Inc. (associés dans la société en nom collectif, appelée Holdings BCE s.e.n.c., qui est l'associé commanditaire), faisant affaires sous le nom de Bell ExpressVu Limited Partnership (ExpressVu), et par Réseau de télévision Star Choice incorporée (Star Choice) sont maintenant respectivement les quatrième et sixième plus importantes EDR au Canada.

7.

L'ACTC constate que l'une des raisons invoquées par le Conseil pour justifier les règles de reconquête était que les nouveaux venus ne disposaient pas de la masse critique de renseignements sur les clients dont les câblodistributeurs titulaires pouvaient se servir. L'ACTC fait valoir que la hausse de la part de marché des concurrents donne maintenant à ces derniers une masse critique de renseignements sur la clientèle, comparable à celle des principales EDR par câble. Elle ajoute que depuis 1999, les quatre plus grands câblodistributeurs titulaires ont créé des groupes de services à la clientèle (GSC) dans le but d'isoler l'information confidentielle sur les clients et les concurrents, de leurs groupes de vente et de marketing. L'ACTC soutient que les GSC offrent des balises suffisantes et répondent aux inquiétudes concernant l'utilisation de renseignements de nature concurrentielle obtenus des titulaires concurrents.
 

Quebecor Média inc. et Mountain Cablevision Limited

8.

Quebecor Média inc. (Quebecor) et Mountain Cablevision Limited (Mountain) secondent la proposition de l'ACTC d'éliminer les règles de reconquête. Quebecor fait valoir qu'au cours des cinq ans d'application du régime de règles de reconquête, le marché de la distribution de radiodiffusion a complètement changé et que la concurrence dans ce marché est maintenant un « fait accompli ». Selon Mountain, les petits et moyens câblodistributeurs sont désavantagés sur le plan concurrentiel face aux EDR par SRD, car ils ne disposent pas des mêmes ressources à consacrer à la publicité de leurs services.
 

ExpressVu, Câble VDN inc. et Look Communications Inc.

9.

ExpressVu, Câble VDN inc. (VDN) et Look Communications Inc. (Look) s'opposent à l'élimination des règles de reconquête. VDN estime que ces règles ont encore un rôle important à jouer pour la préservation d'un marché de la distribution de radiodiffusion concurrentiel. Selon VDN, la période de 90 jours prévue par les règles de reconquête permet aux clients d'essayer les services des nouveaux venus, et à ces derniers de s'installer dans un endroit donné et de récupérer une partie de leur investissement initial.

10.

ExpressVu soutient que l'ACTC, en plaidant pour l'élimination des règles, a considérablement surévalué la part de marché des nouveaux venus. ExpressVu considère, entre autres, que l'on ne devrait pas tenir compte des abonnés canadiens de SRD qui résident dans des régions non desservies par les EDR par câble lorsque l'on compare les parts de marché des nouveaux venus et des titulaires en place. ExpressVu estime qu'environ la moitié des 2,1 millions d'abonnés actuels de SRD résident dans des zones qui ne sont pas desservies par le câble.

11.

Les commentaires de Look et VDN portent principalement sur la nécessité de maintenir les règles de reconquête limitant les communications directes entre les câblodistributeurs titulaires et la clientèle des nouveaux venus plus petits, tout particulièrement les clients des nouveaux venus qui desservent les immeubles à logements multiples (ILM). Selon Look, à cause de l'ampleur des investissements requis pour desservir les ILM et de la capacité des titulaires en place de faire une mise en marché de masse d'offres promotionnelles aux résidents des ILM, les nouveaux venus plus petits ont encore de gros défis à relever avant de pouvoir prendre pied sur le marché.

12.

Selon ExpressVu, VDN et Look, dès qu'un câblodistributeur titulaire apprend qu'un nouveau venu a obtenu l'accès à un ILM, il offre souvent aux résidents de l'ILM des services gratuits, des rabais ou autre incitation généralement non offerts au grand public. Selon ExpressVu, les EDR par câble ont fréquemment recours à des équipes de vendeurs porte à porte pour faire signer aux résidents des ILM des contrats à long terme, privant ainsi les nouveaux venus d'abonnés potentiels. ExpressVu ajoute qu'un câblodistributeur n'a pas besoin de l'autorisation du Conseil pour baisser ses prix ou offrir des services groupés.

13.

Selon VDN, les câblodistributeurs utilisent ainsi leur position de force sur le marché pour empêcher les nouveaux venus de prendre pied sur le marché des ILM. VDN recommande que la période de 90 jours, prévue dans les règles de reconquête, au cours de laquelle il est interdit de faire des offres généralement non offertes au grand public, s'applique à tous les résidents d'un ILM, dès la date de mise en service d'un nouveau venu dans un ILM.
 

Changements possibles aux règles de reconquête

14.

Dans l'avis public 2003-21, le Conseil a demandé aux parties de soumettre leurs commentaires sur d'autres propositions ou modifications aux règles de reconquête y compris sur 1) la réduction de la période de 90 jours; 2) l'application des règles uniquement aux titulaires qui répondent à certains critères; et 3) l'instauration de règles de reconquête différentes selon qu'il s'agit de la clientèle des ILM ou de celle de logements uniques.

15.

L'ACTC estime qu'il n'y a aucune raison de continuer à appliquer des restrictions à la reconquête aux activités des câblodistributeurs titulaires, peu importe le marché ou le type de résidence. Elle remarque que le Conseil n'a pas fait de distinction semblable lorsqu'il a aboli les restrictions à la reconquête sur le marché interurbain de la téléphonie. Pour sa part, Quebecor dit préférer le statu quo à l'adoption de toute règle qui ne ferait que compliquer les choses.

16.

Généralement, les parties qui s'opposent à l'abolition des règles de reconquête ne font aucune proposition précise sur la façon de les assouplir. La plupart de ces parties disent préférer soit le statu quo soit des règles de reconquête plus contraignantes que celles en vigueur.
 

La réplique de l'ACTC

17.

Dans sa réplique, l'ACTC souligne notamment l'absence de preuve de l'affirmation d'ExpressVu selon laquelle environ cinquante pour cent des abonnés au SRD résident à l'extérieur des zones de service des câblodistributeurs titulaires. L'ACTC fait également valoir qu'il n'y a aucune raison d'imposer davantage de contraintes réglementaires aux ILM puisque, par ses politiques et ses règlements, le Conseil a adéquatement réglé les problèmes de fourniture de services concurrentiels dans les ILM. L'ACTC affirme que la proposition de VDN d'appliquer les restrictions de reconquête à tous les résidents d'un ILM pendant les 90 jours qui suivent l'arrivée d'un nouveau concurrent dans un ILM constituerait un renforcement déraisonnable et injustifié des règles de reconquête.
 

L'analyse et les décisions du Conseil

 
Les règles de reconquête dans les ILM

18.

Le Conseil estime que la concurrence s'est considérablement développée sur le marché de la distribution de radiodiffusion depuis l'adoption des règles de reconquête en 1999. Les EDR concurrentes, et en particulier les exploitants de SRD font actuellement des percées dans le marché de la distribution.

19.

Malgré les progrès des nouveaux venus, le Conseil estime que mettre fin maintenant aux règles de reconquête risquerait de freiner l'instauration d'un marché concurrentiel durable. Le Conseil craint surtout que l'élimination complète des règles de reconquêtes à ce moment-ci ait des répercussions particulièrement néfastes sur les entreprises concurrentes autres que par SRD, car elles sont loin d'être aussi bien ancrées dans le marché que les EDR par SRD.

20.

Le Conseil considère que tous les Canadiens, y compris ceux qui habitent dans des ILM, ont droit au choix d'utilisateur final. Le Conseil prend donc note des inquiétudes soulevées par les nouveaux venus concernant leur possibilité de s'installer efficacement dans un ILM, surtout en zone urbaine, compte tenu des méthodes de marketing des titulaires dans ces immeubles. Le Conseil estime que c'est dans les ILM, surtout ceux des plus grandes zones urbaines, que les nouveaux venus ont le plus de difficultés à conquérir de nouveaux clients et que ce marché n'offre pas encore toutes les conditions d'un marché concurrentiel. Les ILM sont d'une grande importance pour les EDR à cause de leur potentiel de revenus et de leur coût-efficacité associé à la desserte d'un grand nombre de clients dans un environnement restreint avec un minimum de ressources. Compte tenu de la taille de ce marché et des perspectives de coût-efficacité décrits ci-dessus, le Conseil est d'avis que les obstacles auxquels les nouveaux venus doivent faire face dans ce marché ont une incidence négative importante et qu'ils doivent donc être éliminés pour permettre l'arrivée d'un marché pleinement concurrentiel.

21.

À la lumière du dossier de cette instance, le Conseil conclut que les règles de reconquête devraient continuer à s'appliquer aux négociations des câblodistributeurs titulaires avec les clients qui résident dans les ILM. Le Conseil décide de plus qu'aux fins des règles de reconquête, un ILM devrait être défini comme un immeuble ayant au moins deux logements dont au moins un est occupé par un locataire.

22.

De plus, les arguments des parties ont convaincu le Conseil que, dans le cas des ILM, le développement de la concurrence chez les distributeurs s'est heurté aux méthodes des EDR par câble titulaires qui, dès qu'elles apprennent la signature par un nouveau venu d'une entente d'accès à un ILM, et avant le début des activités du nouveau venu, offrent aux résidents des services gratuits, des rabais ou autre incitation généralement non offerts au grand public. Ce problème a également été évoqué par les nouveaux venus dans leurs plaintes au Conseil au cours des quatre dernières années.

23.

Le Conseil estime donc qu'il convient d'adopter une règle relative à l'utilisation de la mise en marché de masse par un titulaire dans un ILM auquel un nouveau venu vient d'accéder. En conséquence, il est interdit aux câblodistributeurs titulaires de communiquer directement avec les résidents d'un ILM pendant les 90 jours suivant l'entrée en vigueur d'une entente d'accès avec un nouveau venu, pour desservir cet ILM. De plus, le Conseil exige qu'à l'avenir, les câblodistributeurs titulaires s'abstiennent de toute communication directe avec les résidents d'un ILM, ou de leur offrir des rabais ou autre mesure incitative habituellement non offerts au grand public1, pendant les 90 jours qui suivent la date de signature d'une entente d'accès permettant à un nouveau venu d'offrir ses services dans cet ILM. Pour faciliter les choses, le Conseil exige que le nouveau venu informe l'EDR titulaire dès qu'il signe une entente d'accès avec un ILM et lui donne à tout le moins l'adresse de cet ILM.

24.

Le Conseil note que les règles de reconquête d'un abonné donné continueront à s'appliquer au titulaire quand un résident d'ILM signe un contrat avec un nouveau venu. Donc, en ce qui a trait aux résidents des ILM, les règles de reconquête pourraient demeurer en vigueur pour deux périodes de 90 jours. Lorsqu'un nouveau venu signe un contrat avec un résident de l'ILM au cours des 90 jours d'application des règles de reconquête pour un immeuble donné, les règles de reconquête d'un client particulier commenceront à s'appliquer à la date de signature. Ainsi, si un nouveau venu signe un contrat avec un résident le 10e jour de la période visée par les règles de reconquête dans cet ILM, la période de reconquête pour ce client précis sera reportée aux 100e jour.

25.

Le Conseil est d'avis que les règles de reconquête modifiées donneront aux nouveaux venus le temps nécessaire pour s'installer dans des ILM donnés et par conséquent leur permettront de récupérer leurs investissements initiaux et de concurrencer le titulaire. Ainsi, les nouveaux venus pourront s'implanter plus solidement dans les régions urbaines et y contribuer au développement d'un marché vraiment concurrentiel.
 
Règles de reconquête dans les immeubles à logement unique

26.

Le Conseil estime qu'il convient d'éliminer dorénavant les règles de reconquête pour les clients des immeubles à logement unique. Le Conseil constate que les nouveaux venus sont généralement mieux établis sur le marché des logements uniques que sur celui des ILM et que le marché des logements uniques est plus concurrentiel. Le Conseil estime que l'une des raisons de cette situation est que le coût assez élevé des investissements de départ en équipements et en installation encourus par les abonnés aux services SRD ou SDM tend à réduire l'incidence du roulement au sein du marché des logements uniques. En conséquence, le Conseil n'exigera plus que les câblodistributeurs titulaires respectent les règles de reconquête pour les abonnés qui résident dans des logements uniques.
 
Systèmes de câble exemptés

27.

Dans son mémoire déposé en réponse à l'avis public 2003-21, ExpressVu souligne que le Conseil n'a jamais officiellement pris position sur l'application des règles de reconquête aux systèmes de câbles exemptés. Le Conseil confirme que les règles de reconquête ne s'appliquent pas aux systèmes de câble qui sont ou seront exemptés en vertu de l'Ordonnance d'exemption pour les petites entreprises de câblodistribution publiée en Annexe 1 de l'Ordonnance d'exemption pour les entreprises de câblodistribution de moins de 2 000 abonnés, avis public CRTC 2001-121, 7 décembre 2001 ou de l'Ordonnance d'exemption pour les entreprises de distribution de radiodiffusion par câble desservant entre 2 000 et 6 000 abonnés publiée en Annexe A de l'Ordonnance d'exemption des entreprises de distribution de radiodiffusion par câble desservant entre 2 000 et 6 000 abonnés et modification au Règlement sur la distribution de radiodiffusion, avis public de radiodiffusion CRTC 2004-39, 14 juin 2004.
 
Systèmes de câble de moins de 6 000 abonnés

28.

Le Conseil constate que les plus petites EDR par câble ont généralement perdu davantage d'abonnés que les plus grandes EDR par câble, à la suite de la concurrence accrue imposée par les nouveaux venus, tout particulièrement les distributeurs SRD. Face aux difficultés des plus petits systèmes de câble titulaires à concurrencer les grandes entreprises nouvellement arrivées sur le marché, le Conseil décide que les systèmes de câble titulaires des classes 2 et 3 ayant moins de 6 000 abonnés ne seront plus assujettis aux règles de reconquête.
  Secrétaire général
  Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant : http://www.crtc.gc.ca.
 

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

  Je suis en désaccord avec la décision de la majorité de maintenir les règles de reconquête qui régissent la conduite des entreprises de câblodistribution titulaires desservant les immeubles à logements multiples (ILM) et d'imposer de nouvelles restrictions relatives à la commercialisation dans ces ILM. Continuer à réduire les forces de vente d'un seul type d'entreprises dans un marché hautement concurrentiel est tout simplement injuste. Ajouter, de surcroît, au fardeau des câblodistributeurs d'autres obstacles d'ordre réglementaire à la commercialisation - alors que le problème que la majorité tente de résoudre est l'accès aux ILM et non pas le maintien de la clientèle existante - semble des plus singulier, pour ne pas dire plus.
 

Les temps ont changé

  L'interférence de la réglementation pouvait être une stratégie défendable lorsqu'il s'agissait de favoriser l'implantation d'un système de concurrence dans un contexte de monopole. Mais cette époque est révolue, le marché concurrentiel a atteint une certaine maturité et il serait souhaitable que les organismes de réglementation en fassent tout autant, qu'ils résistent à la tentation de la microgestion et se retirent pour laisser les consommateurs faire leurs choix. Au Canada, il y a longtemps que les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) évoluent dans un marché concurrentiel et que l'on aurait dû mettre fin au maternage des nouveaux venus.
  Les entreprises de distribution de radiodiffusion par satellite de radiodiffusion directe (SRD), Bell ExpressVu et Star Choice, desservent présentement plus de deux millions de clients. Plusieurs de ces clients, parce qu'ils résident dans des zones non desservies par le câble, se retrouvent pratiquement devant un monopole sans concurrence des EDR par câble. Aussi, les deux services canadiens par satellite ont gagné bien des abonnés depuis leurs premières batailles pour s'approprier une part du marché de la distribution. À l'heure actuelle, elles sont devenues des forces à ne pas sous-estimer, des concurrentes acharnées détenues par des sociétés mères bien établies et aux goussets bien garnis. Point n'est besoin de leur prêter assistance ou de les traiter aux petits soins. Peut-être que ce ne fut jamais nécessaire. Il est plus que temps pour le Conseil de passer la main et de laisser agir le marché.
 

Deux pas en arrière

  De toute évidence, telle n'est pas la volonté de la majorité qui a décidé, non seulement de maintenir des règles périmées de reconquête dans les ILM, mais de s'immiscer en outre dans les forces du marché en ajoutant un nouveau lot de règlements. À mon avis, la majorité fait marche arrière et met le cap dans la mauvaise direction, ce qui risque précisément de se traduire par une multiplication de demandes de clarification des règlements et de résolution de différends, au lieu de servir les objectifs de concurrence établis de longue date par le Conseil.
 

Erreur de cible

  Selon l'évaluation même de la majorité (dont je ne partage pas la conclusion), le problème auquel font face les plus récents des nouveaux concurrents n'est pas de conserver leur clientèle mais d'accéder aux immeubles à logements. Pour citer la majorité, « les nouveaux venus » ne peuvent « s'installer efficacement dans un ILM ». (paragraphe 20) Le problème cerné étant l'accès, voilà que la majorité propose en guise de solution des restrictions relatives à la commercialisation, ce qui n'a rien à voir avec l'accès. Ce ne sont pas les nouvelles restrictions imposées par la majorité qui permettront au concurrent d'accéder à l'immeuble car elles ne font que limiter « la mise en marché de masse par un titulaire dans un ILM auquel un nouveau venu vient d'accéder. » (paragraphe 23) Comme si, après avoir identifié la famine comme problème, on prescrivait des remèdes contre l'indigestion à tous les chanceux qui peuvent se procurer de la nourriture.
 

De bonnes intentions

  Au fil des ans, le Conseil a beaucoup fait pour faciliter l'entrée sur le marché canadien, des EDR en concurrence avec les câblodistributeurs. Les entreprises de distribution par satellite des signaux de radiodiffusion directe ont été particulièrement mises à contribution pour les avantager, notamment par le biais de dispositions réglementaires asymétriques relatives à la fourniture de signaux de télévision locaux et par de nouvelles règles conçues pour faciliter l'accès aux ILM. On espérait alors que la concurrence profiterait aux consommateurs et à l'ensemble du système de radiodiffusion.
  Les choses ne se sont pas déroulées ainsi. Les prix non réglementés ont augmenté. Les consommateurs déboursent de plus en plus, peu importe le système de distribution choisi. Et, pour ce qui est de l'ensemble du système de radiodiffusion, de trop nombreux radiodiffuseurs locaux se retrouvent en plein marasme financier, constatant que les téléspectateurs qu'ils desservaient fidèlement sont désormais attirés par les signaux éloignés qui arrivent par satellite directement dans leurs foyers. Les entreprises de distribution par satellite voient désormais la clientèle des tours à logements des grandes villes comme l'ultime mine d'or à conquérir dans le dernier droit de la course à la concurrence. Elles ont peut-être raison. Mais alors que l'on voit arriver la fin de la bataille pour s'emparer du pactole, on a toujours pas répondu à la question fondamentale suivante : quand, si jamais ce jour arrive, les consommateurs et l'ensemble du système de radiodiffusion profiteront-ils des avantages de la concurrence?
  À mon avis, en maintenant des restrictions dont la valeur est plutôt douteuse et en y attachant de nouvelles règles mal ciblées, la majorité, ne servira sûrement pas les objectifs de concurrence. Si, malgré tous les assouplissements de réglementation dont elles ont été l'objet, les SRD ne réussissent pas à vendre assez pour prospérer, c'est qu'il faudra repenser la donne fort probablement en terme de commercialisation et non pas de réglementation par le Conseil.
  Note de bas de page :

[1] DansPlainte déposée par Câblevision TRP-SDM inc. contre Cogeco Câble inc. alléguant des infractions à l'article 9 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion,décision de radiodiffusion CRTC 2004-4, 14 janvier 2004, le Conseil a déclaré que les offres « généralement offertes » devraient être communiquées ouvertement.

Mise à jour : 2004-08-13

Date de modification :