ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2003-23

Cette page Web a été archivée dans le Web

Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Les décisions, avis et ordonnances (DAO) archivés demeurent en vigueur pourvu qu'ils n'aient pas été modifiés ou annulés par le Conseil, une cour ou le gouvernement. Le texte de l'information archivée n'a pas été modifié ni mis à jour depuis sa date de mise en archive. Les modifications aux DAO sont indiquées au moyen de « tirets » ajoutés au numéro DAO original. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s'appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez obtenir cette information dans un autre format en communiquant avec nous.

Décision de radiodiffusion CRTC 2003-23

Ottawa, le 24 janvier 2003
Vision TV: Canada's Faith Network/Réseau religieux canadien
L'ensemble du Canada
Demande 2002-0155-9
Avis public de radiodiffusion CRTC 2002-25
15 mai 2002

Demande présentée par Vision TV en vue d'augmenter son tarif de vente en gros

Le Conseil, par vote majoritaire, approuve en partie la demande présentée par Vision TV: Canada's Faith Network/Réseau religieux canadien pour modifier l'une de ses conditions de licence en vue d'augmenter le tarif mensuel de gros du service. Le tarif de vente en gros de Vision TV passera de 0,08 $ à 0,10 $ par abonné et par mois, à compter du 1er mars 2003.

La demande

1. Le Conseil a reçu une demande de Vision TV: Canada's Faith Network/Réseau religieux canadien (Vision RRC) visant à faire passer de 0,08 $ à 0,11 $ par abonné son tarif mensuel de vente en gros pour le service spécialisé appelé Vision TV. Vision TV est un service de programmation spécialisé national interconfessionnel  de langue anglaise exploité sans but lucratif. Vision TV présente deux types de programmation. Les émissions de type « Mosaïque » sont produites ou achetées par des groupes religieux participants qui paient pour leur distribution sur Vision TV. Les émissions de type « Cornerstone » sont achetées ou produites par la titulaire, et leur contenu porte sur les religions, les cultures, les questions d'ordre moral et les enjeux sociaux. Sur le plan de la distribution, Vision TV possède un double statut : les entreprises de distribution de radiodiffusion sont tenues de distribuer Vision TV au service de base, à moins que Vision RRC ne consente par écrit à ce que Vision TV soit distribué en tant que service facultatif.

2.

Vision RRC, par l'intermédiaire de sa filiale Vision TV Digital Inc., contrôle également un service spécialisé de catégorie 1, ONE: the Body, Mind and Spirit Channel, en ondes depuis septembre 2001. Le Conseil a aussi approuvé des demandes présentées par Vision RRC pour exploiter un service numérique de catégorie 2 qui s'appellera Celebration: Vision Inspired Music et un autre service numérique de catégorie 2 qui s'appellera The Christian Channel. Ces deux services de catégorie 2 ne sont pas encore en exploitation.

Historique de l'aspect financier des activités de Vision TV depuis son attribution de licence

3.

Dans la décision CRTC 87-900, 1er décembre 1987 (la décision 87-900), le Conseil a décerné au Réseau Inter-Religieux Canadien une licence pour exploiter sans but lucratif un service national spécialisé de programmation interconfessionnelle en langue anglaise. Vision TV devait être distribué gratuitement aux abonnés. Vision TV était autorisé à diffuser un maximum de six minutes de matériel publicitaire national par heure d'horloge, mais la réclame publicitaire devait se restreindre à « des biens et services reliés à la vie religieuse ou morale des Canadiens ».

4.

Dans Autorisation de mettre en ouvre un tarif de gros, décision CRTC 93-580, 3 septembre 1993, le Conseil a approuvé en partie une demande visant à instaurer pour Vision TV un tarif de gros mensuel calculé par abonné. La titulaire avait réclamé un tarif de 0,10 $, mais le Conseil a conclu qu'un tarif de 0,08 $ par abonné était adéquat, à l'époque, pour lui permettre « de conserver et d'améliorer ses émissions canadiennes ».

5.

Au moment de sa demande de renouvellement de licence en 1994, Vision RRC a proposé d'augmenter de 0,08 $ à 0,10 $ par abonné le tarif mensuel de vente en gros de Vision TV. Dans Renouvellement de la licence de Vision TV, décision CRTC 94-655, 18 août 1994, le Conseila refusé la majoration de tarif proposée, estimant que la titulaire n'avait pas présenté de nouveaux arguments pour justifier une augmentation de tarif de gros. Cependant, le Conseil a supprimé les restrictions imposées dans la décision 87-900, à savoir que la publicité diffusée par Vision TV devait se limiter à des biens et services reliés à la vie religieuse ou morale des Canadiens.

6.

Dans sa demande de renouvellement étudiée à l'audience publique du 19 juin 2001, Vision RRC proposait de faire passer le tarif de gros pour Vision TV de 0,08 $ à 0,15 $ par abonné et par mois. Pour étayer sa demande, la titulaire a cité les augmentations de coûts auxquels elle a dû faire face. Elle a de plus fait valoir que la majoration proposée était indispensable pour maintenir le niveau actuel de son service et permettre à Vision TV d'« élargir une programmation unique au système ». La titulaire a déclaré qu'il lui avait fallu augmenter le nombre des reprises d'émissions canadiennes sur son service, ce qui signifiait une baisse dans la diversité de la programmation de Vision TV. Vision RRC a ajouté que son incapacité à introduire de nouvelles émissions à la grille horaire de Vision TV lui avait valu une diminution de son auditoire, ce qui rendait Vision TV encore moins apte à atteindre ses objectifs en termes de revenus.

7.

Dans Renouvellement à court terme de la licence de Vision TV : Réseau religieux canadien, décision CRTC 2001-669, 2 novembre 2001 (la décision 2001-669), le Conseil a renouvelé la licence de Vision TV pour une période de 33 mois allant du 1er décembre 2001 au 31 août 2004. La décision mentionnait que la titulaire avait été trouvée en situation de non-conformité aux exigences à l'égard du contenu canadien. Le Conseil a fait savoir qu'il profiterait de cette période de licence écourtée pour évaluer l'efficacité des mécanismes mis en place afin que la titulaire respecte sa condition de licence portant sur le contenu canadien.

8.

Dans la décision 2001-669, le Conseil a refusé la demande de majorer le tarif de gros de Vision TV en déclarant : « Se fiant aux preuves disponibles, le Conseil n'est pas convaincu qu'une hausse du tarif de gros de Vision TV est justifiée à l'heure actuelle. En conséquence, il refuse la demande de la titulaire ».

Arguments de la requérante à l'appui de l'augmentation de tarif proposée dans la présente demande

9.

Dans la présente demande, Vision RRC a invoqué, pour justifier l'augmentation de tarif qu'elle propose, des raisons d'ordre économique et d'autres raisons pour lesquelles cette augmentation servirait l'intérêt public et les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi). Elle considère qu'une augmentation de tarif se justifie sur le plan économique parce que :
  • Vision TV est un service indépendant et autonome exploité sans but lucratif. Il n'a donc pas la même capacité que d'autres services spécialisés d'obtenir des capitaux ou d'amortir ses coûts sur des services multiples.
  • Vision TV opère de manière frugale et ses dépenses d'exploitation se situent bien en deçà de la moyenne des services spécialisés.
  • Ses ressources actuelles ne permettent pas à la titulaire de constituer ou d'entretenir un fonds de prévoyance, de gérer les flux de trésorerie, de faire des provisions pour imprévus, de financer des infrastructures ni de préserver l'intégrité de fonctionnement du service.
  • Les projections financières de Vision TV indiquent que sa situation financière ne s'améliorera pas sans l'augmentation de tarif proposée. La requérante a souligné que la crise financière que traverse actuellement Vision TV ne pouvait pas se régler à l'interne et que ses revenus ne connaîtraient pas d'amélioration suffisante pour soulager la crise à moins que la majoration du tarif ne soit approuvée.
  • ne augmentation de trois sous de son tarif de gros devrait suffire à faire face aux besoins financiers actuels.

10.

Par ailleurs, la requérante était d'avis que la hausse de tarif proposée était conforme à l'intérêt public et aux objectifs de la Loi pour les raisons suivantes :
  • L'augmentation du tarif servirait à faire la promotion d'objectifs de politiques publiques comme la tolérance et de la compréhension en permettant à Vision TV de continuer à présenter une programmation interconfessionnelle et multiculturelle équilibrée, accessible au plus grand nombre possible de Canadiens. La requérante a fait valoir que, sans une hausse de tarif, l'équilibre et la diversité de la programmation de Vision TV seraient mis en jeu.
  • Vision TV, parce qu'elle opère sans but lucratif, offre des émissions qui répondent aux objectifs de politiques publiques mais ne sont pas nécessairement attrayantes pour un large public. Par conséquent, elles n'attirent pas une publicité très abondante. Selon la requérante, des revenus d'abonnement plus importants sont indispensables pour soutenir ce genre de programmation.

11.

La requérante a indiqué qu'une approbation de sa demande permettrait d'engager des sommes de l'ordre de 5,5 millions de dollars en cinq ans pour des émissions canadiennes. Une partie de ce montant irait à des productions internes, mais la grande part servirait à défrayer des productions indépendantes représentant une diversité des cultures et toutes les régions du Canada. Vision RRC soutient qu'il existe une forte demande pour des investissements de cette nature mais qu'à cause de ses ressources restreintes, Vision TV n'avait pu consentir de financement qu'à une mince fraction des producteurs qui lui avaient proposé des émissions en 2002.

12.

La requérante a aussi proposé, moyennant approbation de sa demande, d'investir 2,275 millions de dollars en cinq ans dans un équipement pour le sous-titrage codé, des mises à niveau de ses logiciels pour gérer la programmation et les contrats, et de l'équipement de studio et de production adapté à l'environnement numérique. Elle a souligné qu'une mise à jour des installations et de l'équipement de ses studios permettrait de mieux aider les producteurs indépendants, les clients d'émissions de type Mosaïque et les groupes religieux canadiens à porter à l'antenne de nouvelles émissions.

13.

Selon la requérante, une partie des revenus générés par l'augmentation de tarif proposée irait à éponger les augmentations dans diverses dépenses d'exploitation et à constituer un fonds de prévoyance. Ce fonds de prévoyance, qui devrait représenter environ 6 millions de dollars en cinq ans, serait utilisé en partie pour faciliter la gestion du flux de trésorerie, y compris la récupération de sommes recevables impayées.

Interventions

14.

Le Conseil a reçu 23 interventions relatives à la demande de Vision RRC. Dix-huit de ces interventions, émanant de divers groupes religieux et culturels et de petits producteurs indépendants, étaient en faveur de la demande. Les intervenants favorables ont insisté sur la nature unique du service de Vision TV, et sur la façon dont Vision TV a réussi à assembler et à diffuser une grille horaire constituée d'émissions religieuses et multiculturelles qui reflètent la diversité du Canada et font appel à des producteurs indépendants. Ces intervenants étaient d'avis qu'une hausse de son tarif permettrait à Vision TV de continuer à fournir des émissions de haute qualité.

15.

The Canadian Independent Film Caucus (CIFC) et ses chapitres de l'Atlantique et de Colombie-Britannique se sont rangés parmi les intervenants favorables. En même temps, toutefois, ces intervenants ont exprimé des inquiétudes concernant la baisse observée récemment dans la diffusion par Vision TV de documentaires produits par des producteurs indépendants et traitant des enjeux sociaux. Le CIFC était d'avis que Vision TV devrait se consacrer de nouveau à la diffusion d'émissions de ce type et au maintien d'une forte présence régionale grâce à ses bureaux et son personnel en région.

16.

Trois intervenants, l'Association canadienne de télévision par câble (ACTC), Bell ExpressVu Limited Partnership (Bell ExpressVu) et Trinity Television Inc. (Trinity) ont commenté la demande sans se prononcer ni pour ni contre. L'ACTC a déclaré que Vision RRC avait peut-être sous-estimé la croissance future de Vision TV en termes de revenus publicitaires, et s'est inquiétée du fait que les revenus générés par l'augmentation du tarif ne serviraient peut-être qu'à amortir les dépenses engagées dans la mise sur pied des nouveaux services numériques de Vision RRC. L'ACTC a déclaré que [traduction] « une augmentation plus modeste générerait des surplus suffisants pour répondre aux sorties d'argent courantes ».

17.

Bell ExpressVu a fait valoir que si la hausse de tarif était approuvée, [traduction] « le Conseil aurait à établir un juste équilibre entre les téléspectateurs de ce service et la dose de responsabilité financière que devraient assumer tous les services de programmation bénéficiant de l'accès universel ».

18.

Trinity Television a fait remarquer que s'il approuvait l'augmentation de tarif, le Conseil devrait encourager Vision RRC à appliquer une portion de ses nouveaux revenus à renforcer les liens avec les producteurs des émissions Mosaïque.

19.

Se sont opposées à la demande la Canadian Cable Systems Alliance (CCSA) et Vidéotron ltée (Vidéotron). La CCSA considérait, compte tenu du double statut de Vision TV et de la taille de ses auditoires, que le service devrait pouvoir être exploité sur une base non lucrative sans imposer des coûts additionnels aux abonnés. La CCSA a ajouté qu'on ne devrait pas s'attendre de la part des téléspectateurs qu'ils contribuent à un fonds de réserve pour Vision TV. Vidéotron était d'avis que le Conseil devrait réduire le tarif de gros de tous les services spécialisés qui profitent d'un statut double ou d'un statut double modifié de distribution.

20.

Vision n'a pas répondu à ces interventions.

Analyse et conclusions du Conseil

21.

Le Conseil considère Vision TV comme un service unique dont la programmation contribue de manière significative à atteindre les objectifs de la Loi. Il y parvient de la manière suivante :
  • en diffusant des émissions de nature diverse qui ne sont pas offertes ailleurs dans le système de radiodiffusion;
  • en présentant une programmation qui reflète la diversité culturelle du Canada;
  • en étant une voix plus petite et indépendante dans le système canadien de radiodiffusion et une vitrine pour les petits producteurs indépendants.

22.

Le Conseil est d'avis que la programmation de Vision TV, qui n'est pas destinée à rejoindre de vastes auditoires, limite ses possibilités de revenus en publicité. De plus, Vision TV n'a pas la possibilité d'intégrer de la publicité à ses émissions Mosaïque, lesquelles constituent près de la moitié de sa grille horaire. Cette capacité limitée à s'attirer des revenus en publicité se reflète dans les états financiers de Vision TV pour 2001. Le bilan indique que les revenus en publicité ne représentent qu'une petite part du total des revenus de Vision TV si on les compare avec ceux de la moyenne des services spécialisés de langue anglaise dans la même année. Bien que le total des revenus en publicité de Vision TV ait marqué une hausse annuelle, le Conseil considère, vu la nature du service, que les revenus de publicité continueront d'être minimes par rapport au budget total de Vision TV, et en comparaison à ce que représentent ces revenus pour les services spécialisés qui ont la faveur du grand public. Par conséquent, si Vision TV veut améliorer sa programmation, il lui faut trouver d'autres sources de revenus.

23.

L'une des solutions qui s'offrent à la titulaire pour augmenter ses revenus serait d'augmenter ses tarifs à l'égard des divers groupes confessionnels qui achètent du temps d'antenne sur Vision TV pour diffuser leurs émissions de type Mosaïque. Vision RRC a laissé savoir qu'elle avait exploré cette avenue, mais qu'elle craignait qu'une hausse de ses tarifs Mosaïque n'entraîne la disparition d'émissions Mosaïque chez des groupes religieux plus petits. Le Conseil considère que le fait de diffuser une programmation variée présentant toutes sortes de points de vue religieux, y compris le point de vue des groupes moins importants, est un élément essentiel du mandat de Vision TV.

24.

À la lumière de ce qui précède, le Conseil reconnaît que, vu la nature du service fourni, Vision TV devra continuer à compter sur son tarif de gros pour la grande part de ses revenus. En revanche, vu la stabilité de ce type de revenus, le Conseil ne croit pas qu'une augmentation du tarif doive servir à constituer un fonds de réserve comme le propose la requérante. Le Conseil ne considère pas non plus, selon toute apparence, que Vision TV ait besoin de se faire accorder une augmentation de tarif pour faire face à l'augmentation de ses coûts d'exploitation, autres que des coûts reliés à la programmation.

25.

Le Conseil estime qu'il est important que Vision TV soit en mesure de maintenir et même d'améliorer la qualité de sa programmation. Le Conseil convient qu'à défaut d'une hausse de tarif, Vision TV ne serait pas en mesure de continuer à fournir une programmation lui permettant de contribuer sa part dans la réalisation des objectifs dont il a été question plus haut. Le Conseil se montre donc disposé à approuver une augmentation du tarif qui permettra à la requérante, tel qu'elle le propose, de faire face pour les cinq années à venir à l'augmentation de ses coûts en programmation, et de réunir 2,275 millions de dollars pour des dépenses en immobilisations qui aideront à améliorer le rendement de Vision TV en termes de programmation.

26.

Le Conseil a pris bonne note des inquiétudes exprimées par les intervenants concernant une baisse dans la diffusion de documentaires qui traitent des enjeux sociaux à l'antenne de Vision TV et de l'importance de resserrer les liens avec les producteurs d'émissions Mosaïque. Le Conseil s'attend à ce que la titulaire continue d'inclure à la grille horaire de Vision TV des documentaires traitant des enjeux sociaux et qu'elle tisse des liens solides avec les producteurs des émissions Mosaïque. Le Conseil analysera la performance de la titulaire dans ces deux champs d'activité au moment du renouvellement de licence de Vision TV.

27.

Une augmentation de tarif de 0,02 $ par abonné et par mois devrait générer, si l'on se fie aux projections d'abonnements de la requérante, environ 9,3 millions de dollars sur cinq ans. Le Conseil fait remarquer que, même après l'augmentation de 0,02 $, le tarif de gros de Vision TV demeurera l'un des plus bas parmi les services spécialisés de langue anglaise.

28.

En conséquence de quoi le Conseil, par vote majoritaire, approuve en partie la demande présentée par Vision TV: Canada's Faith Network/Réseau religieux canadien visant à modifier une condition de licence de Vision TV pour augmenter le tarif mensuel de ventes en gros du service. Par conséquent, par condition de licence, le Conseil autorise la titulaire, à compter du 1er mars 2003, à exiger de la part des entreprises de distribution de radiodiffusion qui offrent Vision TV au service de base un maximum de 0,10 $ par abonné et par mois.

29.

Le Conseil exige en outre, par condition de licence, pour la période commençant le 1er mars 2003 et se terminant le 31 août 2003 et pour chaque année de radiodiffusion par la suite, que Vision RRC engage pour le compte de la programmation, en plus de la somme équivalant à 45 % de ses revenus bruts qu'elle est tenue d'investir dans la programmation en vertu de la condition de licence numéro 9, une somme additionnelle équivalant à 25 % des revenus générés par l'augmentation de tarif approuvée par la présente décision. De cette façon, 70 % de l'augmentation consentie seront effectivement consacrés à la programmation. Vision RRC devra déposer en même temps que son rapport annuel un rapport distinct démontrant à la satisfaction du Conseil qu'elle s'est dûment acquittée de cette condition de licence.
Secrétaire général
La présente décision devra être annexée à la licence. Elle est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

 

Opinion minoritaire de la conseillère Barbara Cram

 

Vision

  Permettez-moi d'exprimer mon désaccord avec l'opinion majoritaire de mes collègues. À mon avis, la décision crée un précédent inquiétant, une plus grande incertitude relative aux règlements et va à l'encontre de la tendance d'un système de radiodiffusion axé sur les forces du marché et le choix du consommateur.
  D'abord, un bref rappel historique. Vision TV: Canada's Faith Network/Réseau religieux canadien (ci-après appelé Vision) a obtenu une licence à la suite d'un appel du Conseil pour « un nouveau service de programmation réseau largement représentatif et destiné à servir les diverses pratiques et croyances religieuses des Canadiens sur une base interconfessionnelle au palier national ».
  La requérante avait déclaré que les abonnés ne devraient pas payer le service pour le motif suivant :
 

[ traduction] [ .] vous ne devriez pas avoir à payer pour entrer dans une église, un temple ou une mosquée. Vous ne devriez pas non plus avoir à payer pour recevoir une représentation complète et équilibrée d'opinions religieuses.

  Vision a obtenu une licence de radiodiffusion d'émissions religieuses interconfessionnelles (la décision 87-900).
  Dans la décision 93-580, Vision a demandé la fixation d'un tarif de gros de 0,10 $, en faisant état de la nouvelle Politique sur la radiodiffusion à caractère religieux (l'avis public CRTC 1993-78, 3 juin 1993).
  Vision s'attendait à perdre ses émissions de type Mosaïque et une partie de son auditoire et alléguait avoir besoin de ces revenus pour [ traduction] « conserver et améliorer ses émissions canadiennes afin d'accroître son auditoire et de livrer concurrence ». Elle déclarait alors que son [traduction] « orientation et ses priorités n'avaient pas changé » et que ses émissions continuaient à être axées sur [ traduction] « la spiritualité, l'éthique et les valeurs ».
  Le Conseil a alors fixé un tarif de gros de 0,08 $ basé sur les ressources financières nécessaires. De son côté, Vision s'engageait à consacrer 80 % des revenus d'abonnement à l'amélioration de sa programmation, par exemple la prolongation de la grille-horaire, la multiplication par quatre d'émissions canadiennes originales, l'ajout d'un bloc d'émissions pour enfants, la mise sur pied d'un bloc d'émissions de formation à distance en collaboration avec des écoles de théologie et la réduction à deux reprises seulement pour chaque diffusion originale. On a exigé que Vision fournisse un plan de mise en oeuvre de ces engagements lors du renouvellement de sa licence, l'année suivante. Dans la décision, le Conseil a précisé par deux fois, que toute autre majoration du tarif de gros serait injustifiée.
  L'année suivante, Vision a présenté sa première demande formelle de renouvellement, qui a donné lieu à la décision 94-655. En réponse aux plaintes, sans conclure au non-respect des conditions par Vision, le Conseil a ajouté la définition d'émissions religieuses aux conditions de licence, de telle sorte que la nature du service soit la suivante : « La programmation offerte par la titulaire doit se composer exclusivement d'émissions religieuses interconfessionnelles qui ont trait aux rapports de l'être humain avec la spiritualité, s'en inspirent ou en résultent, y compris les questions connexes d'ordre moral ou éthique ».
  Le Conseil est arrivé à des conclusions sur les trois questions suivantes :
 

a. La titulaire n'a pas respecté l'exigence relative aux dépenses au titre des émissions canadiennes pendant 4 années sur 5. La décision fait état de la déclaration de Vision selon laquelle elle se conformerait à l'exigence au plus tard en août 1994.

 

b. Vision n'a pas respecté ses obligations en ce que, malgré ses rapports initiaux, elle n'a pas consigné ses émissions sous-titrées avant août 1995.

 

c. Il y a eu absence de supervision adéquate de certaines émissions Mosaïque. Plus particulièrement, Vision a diffusé, à titre d'émissions Mosaïque, des infopublicités d'une durée de 40 minutes. Elle a de plus contrevenu à l'exigence de haute qualité en ce que certaines de ses émissions en pendjabi appuyaient l'établissement d'un État indépendant pour les adeptes de la confession sikh et encourageaient ceux-ci à acheter des balles d'armes à feu pour se défendre contre l'État.

  Le Conseil a aussi noté les plaintes des associations de gais et de lesbiennes au sujet d'une émission en particulier qui incitait à l'homophobie. Vision a alors répondu qu'elle était très sympathique à ces groupes et qu'elle les faisait régulièrement participer à la production d'émissions. (On doit noter que cette question a été soulevée alors que Vision n'était pas membre du Conseil canadien des normes de la radiotélévision (ci-après appelé CCNR). Par la suite, Vision est devenue membre du CCNR).
  La demande de Vision d'augmenter le tarif de 0,02 $ a alors été refusée. Vision a fourni des plans pour s'assurer du respect de ses engagements en ce qui concerne le tarif de 1993. La demande de renouvellement pour une pleine période de sept ans a été accordée.
  La décision 97-660 a autorisé Vision à augmenter sa publicité de 6 à 12 minutes par heure.
  Dans la décision 2000-40, on a refusé d'autoriser Vision à diffuser 20 heures d'émissions et de publicités locales.
  La décision 2001-669 traitait de la deuxième demande formelle de renouvellement de Vision. La nature de son service est alors demeurée inchangée.
  Le Conseil a alors conclu que Vision avait contrevenu à l'exigence relative au contenu canadien pendant 4 années au cours de la période de licence et également au cours de la période de radiodiffusion en soirée en 1998-99. Sa licence a été renouvelée pour une période de 33 mois et on lui a imposé des exigences plus strictes à l'égard de sa surveillance et des rapports qu'elle devait produire.
  Vision a alors demandé une augmentation de son tarif de gros de 0,07 $ en invoquant des motifs tout à fait semblables à ceux qu'elle avait invoqués dans sa demande de 1993. Elle alléguait que son auditoire avait diminué, en partie parce qu'elle avait dû augmenter le taux de reprises des émissions. Dans la décision, on lit que « le Conseil trouve les données (de l'auditoire) peu probantes à cet égard, notamment concernant le principal segment de population visé, soit les 50 ans et plus ». En fait, au paragraphe 543 de la transcription de l'audience de juin 2001, le porte-parole de Vision se réfère au fait que les 50 ans et plus, qui constituent près de 50 % de l'auditoire de Vision, est un [traduction] « groupe d'âge en pleine croissance ».
  Je ne comprends pas bien pourquoi Vision avait augmenté ses reprises d'émissions, surtout qu'elle s'était engagée en 1994 à les limiter à deux par émission originale. À nouveau, Vision a déclaré qu'elle avait besoin de cette augmentation pour diffuser de nouvelles émissions afin d'augmenter son contenu canadien; mais cela aurait-il été nécessaire si elle avait respecté ses engagements de 1993, soit de quadrupler le nombre d'émissions canadiennes originales?
  En refusant l'augmentation, le Conseil a fait état de l'augmentation des revenus de Vision, « tout particulièrement les sources de revenus associées à la taille de l'auditoire ». Il a déclaré qu'il n'a pas pour principe d'accorder une augmentation des tarifs sur la seule foi d'une éventuelle baisse prévue des revenus.
  Cette décision, la décision 2001-669, a été publiée le 2 novembre 2001. Le 28 février 2002, Vision déposait la présente demande d'augmentation de 0,03 $.
  Un commentaire additionnel. Dans sa décision 01/02-0617, le CCNR a conclu que Vision avait contrevenu aux normes en diffusant, le 24 février 2002, certains commentaires contre les gais et les lesbiennes. Vision a répondu que ces commentaires avaient été faits [ traduction] « dans un contexte de responsabilité » et que la personne avait fait état de [ traduction] « sa compréhension des interdictions de nature sexuelle dans la Bible » et qu'elle ne suggérait d'aucune façon de nuire aux homosexuels. Vision a de plus présenté ses excuses. Le CCNR a conclu que [ traduction] « les commentaires qui font preuve d'intolérance ne seront pas pour autant excusés parce qu'ils se parent des atours de la religion ». Notons que n'eut été du CCNR, cette question aurait été soumise au CRTC. Compte tenu de la nature des déclarations, dont certaines sont citées par mon collègue le conseiller Langford dans son opinion, il me semble que la décision du CRTC aurait été la même que celle du CCNR.
  Je dois faire les deux commentaires qui suivent au sujet de la décision majoritaire, pour compléter l'analyse du contexte :
 

a. Je soumets respectueusement que, s'il est vrai que le Conseil doit encourager un radiodiffuseur à refléter la diversité culturelle canadienne, il ne devrait accorder aucune récompense pécuniaire pour ce faire. Refléter la grande diversité du Canada est un devoir et une obligation qui incombent à tous les radiodiffuseurs. La diversité culturelle est un élément fondamental. Ce devoir et cette obligation sont le corollaire du privilège d'être un radiodiffuseur au sein du système canadien de radiodiffusion. Si on accorde de l'argent additionnel à qui reflète notre diversité, on reconnaît que la diversité est optionnelle.

 

De plus, la nature du service de Vision est demeurée inchangée. Elle doit toujours offrir une programmation religieuse interconfessionnelle. Lorsqu'elle satisfait aux exigences de la nature de son service, elle doit, comme tous les autres radiodiffuseurs, refléter son identité canadienne, y compris la richesse multiculturelle du Canada.

 

b. À mon avis, la décision majoritaire minimise l'importance de la position de certains intervenants, en particulier celle de la Canadian Independent Film Caucus et de ses chapitres de l'Atlantique et de la Colombie-Britannique. S'ajoute aux préoccupations mentionnées le problème créé par le fait que Vision avait récemment réservé ses propositions de projets aux producteurs de l'Ontario. Je crois que les chapitres de l'Atlantique et de la Colombie-Britannique n'appuieront pas une augmentation tant que ce problème ne sera pas réglé.

  Par conséquent, compte tenu du contexte, mes réserves au sujet de la décision majoritaire sont les suivantes :

 

A. Le choix du moment et les précédents : une source d'inquiétude

  Quatre mois après une décision rendue à la suite d'une audience publique complète avec comparution, une demande par voie de processus administratif est produite et traitée comme telle. Essentiellement, la deuxième décision infirme la première. Bien que ce soit la prérogative du Conseil d'agir ainsi, je suis d'avis, avec respect, qu'il ne devrait le faire que dans des circonstances très claires. Je ne crois pas que ce soit le cas en l'espèce. Aucune mesure objective, ni dans sa teneur ni dans sa tendance, n'a changé. Les revenus de Vision continuent d'augmenter, de même que son auditoire.

 

B. Les motifs objectifs de refus

  Il n'y a aucun fondement objectif à cette augmentation et la majorité ne prétend d'ailleurs pas qu'il y en ait. En réalité, tous les secteurs principaux de revenus de Vision ont augmenté entre 2000 et 2001, c'est-à-dire les ventes d'émissions Mosaïque en hausse de 4,3 %, les revenus d'abonnement et de SRD en hausse de 4,5 % et les revenus de publicité qui ont augmenté de 10,3 %. Il s'agit là d'une réussite surtout si l'on tient compte de l'univers fragmenté dans lequel Vision évolue. Les propres prévisions de Vision, même selon un scénario de refus, font état d'un modeste surplus au cours des cinq prochaines années.
  Et il pourrait y avoir bien davantage. L'auditoire principal de Vision, les 50 ans et plus, est l'un des groupes d'âge qui croît le plus vite et les annonceurs ont depuis peu pris conscience de leur importance. Vision elle-même a mis sur pied certains projets comme une fondation et une nouvelle campagne de financement qui, selon elle, portera fruit en 2003. Aucune question n'a été posée en ce qui concerne les revenus potentiels de ces projets.
  En fin de compte, nous ne pouvons sous-estimer la valeur de la position privilégiée de Vision dans le système; elle est distribuée au service analogique de base et ses revenus sont garantis par tous les abonnés du service de base. Finalement, il est possible que le Conseil ordonne que Vision soit distribuée au service de base numérique (avis public de radiodiffusion 2002-48). Dans ce cas, les revenus de Vision pourraient augmenter de près d'un million de dollars par année.

 

C. Les motifs subjectifs en faveur d'une augmentation : un terrain glissant

  Les motifs de la majorité pour accorder une augmentation sont troublants en raison de leur nature subjective. Malheureusement, à mon avis, chaque motif subjectif d'accorder une augmentation est neutralisé par un motif qui justifie de la refuser.
  Si le fait que Vision soit une voix indépendante de plus petite envergure est un motif suffisant, est-ce à dire que toutes les autres voix de plus petite envergure devraient bénéficier d'une augmentation indépendamment de leur rentabilité et que les voix plus importantes ne le devraient pas, aussi indépendamment de leur rentabilité? C'est peut-être vrai que les revenus de publicité de Vision sont moindres que ceux d'autres canaux spécialisés, mais la nature de sa programmation et son statut lui permettent, contrairement aux autres canaux spécialisés, de faire, et elle le fait, des campagnes de financement. Chaque année, Vision augmente ses tarifs pour la programmation Mosaïque. La dernière augmentation annuelle de 3 % a fait fuir 9 clients de Mosaïque, mais on doit se rappeler que l'année précédente, indépendamment de l'augmentation, les revenus provenant de cette source avaient augmenté de 4,3 %. Je conviens avec la majorité que Vision doit trouver d'autres sources de financement et elle est en train de le faire. À la page 8 de sa demande, Vision se réfère à ses initiatives, y compris plus de campagnes en direct et la création d'une nouvelle fondation. Son conseil de direction compte de nouveaux membres nommés spécialement pour s'occuper des campagnes de financement et explorer les possibilités de coentreprise. Elle est en train de revoir ses stratégies de communication et ses relations avec les annonceurs. Aucune prévision précise n'a été donnée pour chacune de ces initiatives. Il est vrai que Vision a eu un déficit pendant 3 des 5 dernières années; cependant, en même temps, elle a prêté de l'argent à ses réseaux numériques associés.
  Selon la majorité, 70 % de cette augmentation permettra à Vision de conserver et même d'améliorer la qualité de sa programmation. Comment surveiller ou évaluer cela? La notion de qualité est essentiellement subjective. En l'espèce, l'auditoire ne peut constituer un indicateur parce que, selon la majorité, la programmation n'est pas conçue pour attirer de vastes auditoires. Les revenus de publicité ne peuvent pas non plus servir d'indicateur parce qu'ils sont directement tributaires des auditoires. De plus, Vision n'a offert aucun engagement comme elle l'avait fait en 1993, par exemple davantage de contenu canadien, moins de reprises, de nouveaux blocs d'émissions, de la formation à distance ou autres.
  Vision obtient 2,275 millions de dollars pour de nouvelles dépenses en immobilisations. La demande fait référence, entre autres, à une régie centrale entièrement numérique et à la mise à jour du matériel de studio et de production adapté à l'environnement numérique. Le Conseil accordera-t-il dorénavant des augmentations de tarifs de gros aux autres canaux spécialisés pour qu'ils puissent changer leur équipement pour passer au numérique? Cela paraît incongru, surtout que tous les autres membres du système de radiodiffusion doivent trouver le capital nécessaire pour passer au mode numérique ou à défaut devenir incapables de faire face à la concurrence. Vision n'est pas tenue d'affecter cet argent à aucune dépense en immobilisations en particulier. Si elle l'utilise pour passer au mode numérique, elle percevra des revenus de location de ses réseaux à qui elle louera son surplus de capacité.
  À mon avis, les conséquences des motifs subjectifs d'accorder une augmentation de tarif de gros mènent à une absence d'obligation de rendre compte. Il n'y a aucun moyen pour l'abonné de base ou le payeur de s'assurer d'un rapport qualité-prix.

 

D. La raison d'être du service - la promotion de la tolérance

  Finalement, les précédents établis par les affaires Genex (décision 2002-190) et Rogers Broadcasting (décision 2002-364) devraient s'appliquer en l'espèce. À chacune de ses deux demandes formelles de renouvellement de licence, Vision était en défaut de se conformer aux exigences essentielles relatives au contenu canadien, la première fois à l'égard de ses dépenses et la deuxième fois à l'égard de sa programmation. De plus, lors de la première demande de renouvellement, le Conseil lui a rappelé les exigences de haute qualité et a fait particulièrement référence aux allégations relatives à la haine envers les homosexuels. En 2002, le CCNR a conclu que Vision avait enfreint le code en ce qui a trait aux gais et aux lesbiennes. Cela est d'autant plus troublant qu'à la fois le Conseil et Vision elle-même se réfèrent au rôle de Vision dans la promotion des objectifs de politiques publiques, soit la tolérance et la compréhension.
  Dans la décision Rogers Broadcasting précitée, le Conseil traitait d'une deuxième plainte selon laquelle Rogers ne respectait pas entièrement les lignes directrices relatives au service à la collectivité qu'elle était autorisée à desservir. Le Conseil a refusé la demande de Rogers.
  À mon avis, le contexte de la présente demande est encore bien plus évident. Les manquements de la requérante sont liés aux fondements mêmes de son service. La raison d'être d'une programmation religieuse interconfessionnelle est la promotion de la tolérance et de la compréhension.
  Pour ces motifs, je refuserais la présente demande.

 

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

  Je suis en désaccord avec la majorité et j'aurais refusé la demande d'augmentation du tarif de gros présentée par Vision TV : Réseau religieux canadien (Vision). En approuvant ne serait-ce qu'en partie, la demande de Vision, la majorité a voulu pourvoir à un prétendu besoin qui, selon le dossier, reste encore à prouver. De plus, la majorité vient de créer ainsi un précédent que le Conseil pourrait regretter, un précédent qui va inciter les autres programmeurs à compter sur les consommateurs canadiens captifs plutôt que sur leur propre sens des affaires pour résoudre d'éventuels problèmes financiers.

 

On a bien dit gratuit?

  La décision de la majorité expose, du paragraphe 3 à 8, toute l'histoire de l'attribution de la licence de Vision. Et loin d'être favorable, cette histoire en est une de réclamations démesurées, de promesses non tenues et de changements de priorités.
  Dans la décision CRTC 87-900 (la décision 87-900) Vision a obtenu une licence en s'engageant à offrir aux Canadiens une programmation interconfessionnelle gratuite, d'intérêt public et avec peu de publicité, en échange du privilège d'être distribuée au service de base des entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) du Canada. Vision a obtenu ce qu'elle voulait, l'accès à des millions de foyers desservis par le câble et plus tard par satellite de radiodiffusion directe (SRD). Cependant, Vision a très vite prouvé qu'elle préférait ne pas honorer sa part d'engagements dans cette affaire.
  Le premier dont elle s'est dégagée fut la promesse de programmation gratuite. En 1993, Vision a déposé une demande de tarif de gros de 0,10 $ par mois et a obtenu 0,08 $. Soudainement, des millions de Canadiens se sont retrouvés à payer un service que seuls quelques milliers d'entre eux regardaient. Un an plus tard, Vision est venue réclamer 2 sous additionnels. Le Conseil les lui a refusés mais lui a offert une autre source de revenus en augmentant considérablement le montant autorisé de ses ventes de publicité.
  Insatisfaite, Vision a tenté par deux fois d'obtenir la bénédiction du Conseil en présentant des propositions d'augmentation additionnelle de revenus grâce à la vente de publicité locale et à la majoration de presque du double de son tarif mensuel d'abonnement de 0,08 $ à 0,15 $. Les deux demandes furent rejetées. Dans le dernier cas, le Conseil a dû constater que le dossier de Vision ne présentait aucune preuve à l'appui de sa réclamation, et que « les revenus de la titulaire ont augmenté pendant la période où celle-ci a déclaré une perte d'auditoire » (la décision 2001-669). Le Conseil a aussi constaté que durant presque toute la précédente période d'application de licence, Vision ne s'était pas conformée à la condition relative au contenu canadien.

 

Et vous osez parler de détails?

  Il semblerait maintenant qu'avec l'aide du Conseil, Vision aurait pu régler ses problèmes de conformité, au moins à court terme. Dans une décision sans précédent envoyée à Vision dans une lettre du 17 octobre 2002, le Conseil a accepté de reconnaître temporairement à titre d'émissions canadienne 128 épisodes de 51 émissions dont Vision détient les droits de diffusion. La décision a été rendue après l'admission par Vision que, même si elle croyait honnêtement que les émissions étaient admissibles à la certification canadienne, les demandes de certification n'avaient jamais été remplies et ne pouvaient l'être maintenant, Vision ayant égaré ou jamais obtenu les papiers nécessaires.

 

Une crise profitable

  Si les services responsables de la conformité et de l'approvisionnement des émissions à Vision sont présentement rentrés dans le rang, ce type de métamorphose n'a pas encore touché la comptabilité. On ne peut en effet ignorer ce que l'on pourrait presque appeler un schisme entre les révélations des écritures comptables de Vision et l'interprétation qu'en donne la haute direction. Malgré toutes les preuves du contraire, Vision continue à quémander et à solliciter du Conseil des avantages pour elle-même et pour ses quelques téléspectateurs, en imposant à l'ensemble des Canadiens le fardeau de l'amélioration de ses résultats financiers.
  Selon Vision, la crise financière qui l'accable justifie la demande dont résulte la décision majoritaire d'aujourd'hui. Il n'y a aucune preuve à cet effet dans le dossier. Selon ses propres chiffres (réponse du 5 avril 2002 aux questions du CRTC), les prévisions de revenus pour l'année de radiodiffusion 2002-2203 sont en hausse partout : vente de temps publicitaire + 3 %; revenus d'abonnement et de SRD + 2 %; publicité + 7 % et dons + 15 %. Les prévisions de dépenses sont aussi en hausse mais dans une moindre mesure : programmation + 3 %; technique + 5 %; ventes + 2,5 % et administration + 2,5 %. Là encore, selon ses propres chiffres, la requérante prévoit que même si le Conseil refusait sa demande d'augmentation tarifaire, Vision afficherait encore des profits pendant les cinq prochaines années, de 2003 à 2007. Pour une organisation sans but lucratif, s'engager sur la voie du profit peut difficilement être considéré comme une crise, en espérant toutefois que le montant ne soit pas assez élevé pour attirer l'attention de Revenu Canada.

 

Des questions, que des questions

  Le dossier ne révèle aucun signe de crise financière, mais il n'en soulève pas moins plusieurs questions. Il n'offre, par contre, que peu de réponses. Quel est, par exemple, la relation financière entre Vision et ses différents services spécialisés numériques, qu'ils soient détenus en pleine propriété ou partiellement? La demande révèle que Vision a prêté 252,458 $ à ces nouvelles titulaires. Dans la lettre du 5 avril 2002 mentionnée plus haut, Vision a donné cette explication: [traduction] « Le prêt a été accordé à Vision TV Digital Inc. pour financer les coûts de lancement du canal numérique de catégorie 1 appelé 'ONE : the Body, Mind and Spirit channel' et du canal de catégorie 2 appelé 'Celebration' ». Permettez-moi de faire remarquer que cette explication n'explique rien du tout.
  D'où venait le prêt d'un quart de million? Des revenus d'abonnement, c'est-à-dire des 0,08 $ par mois que plus de 9 millions de Canadiens paient, de leur plein gré ou non, pour protéger la solvabilité de Vision? Cet argent, selon la décision CRTC 93-580 approuvant le tarif de 0,08 $ devait servir à « conserver et améliorer ses émissions canadiennes ». Devrait-on encourager un radiodiffuseur sans but lucratif à prendre des fonds désignés et à les utiliser pour favoriser la croissance de l'entreprise? Devrait-on même le permettre? Si elle avait dépensé l'argent en programmation selon les directives du Conseil, réclamerait-elle maintenant d'autres fonds pour la programmation?
  Pendant les 14 mois entre août 2000 et octobre 2001, le recrutement de personnel a augmenté de 31,4 % chez Vision. Le nombre d'employés est passé de 51 au 31 août 2000 à 67 en octobre de l'année suivante. Pourquoi une augmentation de près d'un tiers? L'augmentation considérable des charges de personnel expliquerait-elle cette perception de crise financière évoquée par Vision? Aurait-il été plus judicieux d'investir dans les émissions que de dépenser en salaires? Si cet argent avait été réservé à l'achat et à la production d'émissions, Vision tenterait-elle encore d'aller puiser dans la poche des téléspectateurs canadiens?
  Et encore une fois, le 5 avril 2002, dans sa réponse aux questions du Conseil, Vision soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses concernant l'insuffisance de ses revenus. Dans les « notes » à l'annexe H de sa réplique, Vision déclare : [traduction] « À la suite des six premiers mois de cet exercice fiscal, les revenus de publicité et de dons étaient en baisse d'environ 19 % comparativement à la même période l'année précédente ». La note poursuit en disant que Vision [traduction] « a bon espoir » de voir augmenter les dons dans un proche avenir, mais qu'elle [traduction] « n'entrevoit pas un accroissement des revenus à ces postes pour l'ensemble de l'année ». Puis, dans l'annexe suivante, il semble que Vision prévoit justement [traduction] «.une progression annuelle de 15 %. grâce à l'engagement d'un nouvel agent de développement des ressources.». Comment expliquer cette évidente contradiction?
  Les exemples ci-haut, qui pourraient être qualifiés de questions laissées sans réponses dans cette demande, ne sont que quelques exemples d'une longue liste. Le dossier regorge d'imprécisions. La célèbre phrase de Winston Churchill décrit parfaitement ce dossier : [traduction] « Il s'agit d'une devinette, enrobée de mystères, à l'intérieur d'une énigme ». Il faudrait procéder à une étude détaillée des faits et des points discordants de la demande et voir les pistes de solutions offertes au Conseil. Ce qu'il faudrait examiner, ce sont les témoignages des intervenants.

 

Où est l'urgence?

  Il semble opportun de souligner que la possibilité de procéder à une telle étude approfondie sera à portée de main dans une année et quelque. La période d'application de la licence de Vision expire en août 2004. Et, avant cette date, les dirigeants de Vision devront se présenter devant le Conseil pour répondre aux interrogations que posent, entre autres, ces mêmes questions soulevées par la présente demande. À mon avis, l'étude de la question de l'augmentation du tarif de gros aurait dû être repoussée et n'être considérée qu'à ce moment-là. Il n'y a pas de « crise financière » chez Vision; le dossier est limpide sur ce point. Les projections mêmes de Vision prévoient des mouvements bénéficiaires de trésorerie, et ce, avec ou sans l'augmentation du tarif de gros accordée ce jour par la majorité. Où donc est l'urgence?
  La décision de la majorité ne répond pas à cette question et ne traite aucunement de pertinence ou d'urgence. Elle met plutôt l'accent sur deux autres points : d'abord, la comparaison entre les revenus et les dépenses de Vision et ceux des autres services spécialisés et ensuite, la qualité et la diversité de la programmation de Vision. Permettez-moi donc de faire valoir à quel point ces comparaisons sont boiteuses et que la qualité d'un certain nombre d'émissions de Vision est, à tout le moins, discutable.

 

Des pommes et des oranges

  Il n'y a pratiquement rien à retenir de la comparaison des chiffres de Vision avec ceux de la plupart des autres services spécialisés. Vision profite de l'énorme avantage de son positionnement protégé au service de base. Ce qui signifie en clair que tous et chacun des neuf millions de ménages au Canada souscrivant aux services par câble ou par SRD contribuent 0,08 $ (bientôt 0,10 $) par mois pour la distribution de Vision sur leur poste de télévision. Tout le monde contribue certes, mais bien peu regarde cette chaîne.
  Les statistiques relatives aux auditoires montrent - selon la moyenne des quatre dernières années - que le service de Vision n'est regardé que par moins de un demi de 1 % de tous les téléspectateurs ayant accès à Vision par câble ou par SRD. L'auditoire maximal pouvant être joint par câble ou par SRD - basé sur un calcul de 2,5 téléspectateurs par ménage - s'élève à plus de 23 millions de Canadiens, et seulement quelques milliers de personnes regardent Vision, peu importe l'heure ou la journée sondée. On pourrait ici emprunter un vieux passage de la bible et dire. qu'il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus.
  Pour leur part, les services spécialisés types ne bénéficient absolument pas de cet accès aux goussets du grand public, car presque tous sont distribués à titre facultatif, au titre de services autonomes ou bien offerts comme élément d'un volet ou d'un groupe de signaux auxquels les Canadiens s'abonnent comme bon leur semble. Un service spécialisé quelconque doit s'attirer une part de marché en offrant des émissions attrayantes à un prix abordable. Si le service ne peut relever ce défi, l'entreprise est vouée à l'échec. Vision n'a pas à surmonter cette difficulté pour atteindre le succès. Elle est assurée d'une source de revenus garantis, c'est-à-dire plus de neuf millions d'abonnés canadiens et, à en juger par la présente demande et l'historique exposé aux paragraphes 3 à 8 de la décision de la majorité, Vision, à l'instar du Oliver Twist de Charles Dickens, n'hésite pas à réclamer plus et encore.

 

La chasse aux démons

  .pas plus qu'elle n'hésite à enrober sa demande de mots qui sonnent bien, tels diversité, tolérance, compréhension et collaboration. Vision s'arroge le titre de protectrice de l'intérêt public, celle qui fournit [traduction] « une programmation équilibrée traitant des multiples croyances et pratiques religieuses des Canadiens. en lien avec, ou inspirées par, ou résultant de, la spiritualité de certains individus, incluant les questions d'ordre moral et les préceptes éthiques » (la demande de Vision, 28 février 2002, p 2). Peut-être bien, mais pas forcément.
  À au moins une occasion au cours de la période d'application de l'actuelle licence de Vision, la programmation de cette dernière semble avoir été de nature toute autre : non pas tolérante mais offensante, non pas empreinte de compassion mais blessante, non pas équilibrée mais d'un parti-pris inique. Le 24 février 2002, Vision a diffusé un épisode de Power Today, animé par R.W. Schambach, un évangéliste. Cette émission comportait une virulente attaque à l'endroit des groupes homosexuels, si offensante, qu'après réception d'une plainte à cet effet, le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (la décision CCNR 01/02-0617) a qualifié l'émission d'inadmissible et a déclaré que « les commentaires qui font preuve d'intolérance ne seront pas pour autant excusés parce qu'ils se parent des atours de la religion ».
  Pour votre édification, voici un échantillon de la sagesse du Révérend Schambach : [traduction] « Vous n'avez pas à courir de par le monde pour débusquer les démons homosexuels. Ils se terrent dans l'Église. Je ne taperai pas à bras raccourcis sur le monde;je taperai d'abord sur l'Église. Avant de pouvoir sauver le monde, nous devons faire le ménage de l'Église. Dans certaines églises, on ne peut pas, on ne peut même pas déterminer le sexe de l'organiste. Est-ce un homme? Est-ce une femme? En fait, c'est un être possédé par le démon : un homosexuel.Je sais que vous n'aimez pas entendre de telles choses. On n'aime pas m'entendre dire ces choses à la télévision. Mais je me soucie peu de ce qu'on aime. Je ne donne pas dans la rectitude politique! Dieu m'a investi du pouvoir d'exorciser les démons, et s'il se trouve que vous êtes homosexuel, je peux vous délivrer du démon! Et je peux vous rendre libre! Alléluia! ».
  Comme dit le vieil adage, une hirondelle ne fait pas le printemps. Il est à souhaiter que la façon du Révérend Schambach d'envisager la tolérance, la diversité et l'équilibre de points de vue soit atypique de la programmation de Vision. Espérons. Il s'agit d'une question qui mérite examen. En se refusant elle-même la possibilité de traiter de ces questions avec les dirigeants de Vision, en n'attendant pas ce court laps de temps qui en offrirait l'occasion au Conseil, la majorité, à mon avis, a pu, involontairement, récompenser Vision alors que, peut-être, il eut mieux valu rappeler des principes de base.

 

Que nous réserve l'avenir?

  En définitive, il est difficile de passer sous silence que la décision de la majorité risque de servir de précédent. Quel son de cloche fait donc tinter cette sorte de décision? Plus d'un service de radiodiffusion fait face à un avenir financier précaire. À cet égard, se pourrait-il que ces services interprètent la décision de la majorité comme étant une assertion selon laquelle l'échec ne peut être considéré comme solution, que tant et aussi longtemps qu'un radiodiffuseur peut fignoler une demande de soutien à sa programmation qu'elle n'essuiera pas de refus, que saine ou pas saine la gestion des affaires importe peu, que le Conseil est tout à fait disposé à considérer les consommateurs et les titulaires de licences comme interchangeables, c'est-à-dire prendre aux consommateurs pour redonner aux titulaires chaque fois qu'une titulaire se trouve en situation financière difficile, réelle, ou perçue comme telle?
  La décision de la majorité suscite de nombreuses questions qui restent sans réponses. En tentant de régler un problème avec précipitation, le Conseil se condamne presque assurément à devoir dans l'avenir en régler d'innombrables autres en prenant le temps voulu. Dans la lutte entre les droits d'une majorité et les désirs de quelques privilégiés, la décision de la majorité prend le parti des privilégiés. Plus de neuf millions de Canadiens payeront plus cher pour que les programmeurs de Vision puissent ne desservir que quelques milliers de téléspectateurs sur mesure. Cette façon de faire ne m'apparaît pas comme un échange de bons procédés. En conséquence, je suis en désaccord avec la majorité. J'aurais refusé la demande de Vision et traité toute demande d'augmentation de tarif lors du prochain processus de renouvellement de licence où toutes les questions pertinentes pourront être largement débattues.

 

Opinion minoritaire de la conseillère Cindy Grauer

  Je suis du même avis que mes collègues, les conseillers Cram et Langford, qui ont exprimé leur dissidence et, pour les raisons qu'ils ont fait valoir, n'aurais pas non plus approuvé l'augmentation du tarif de gros de Vision TV sans avoir au préalable analysé en profondeur ses états financiers de même que ses plans d'affaires et de programmation.
  Ce service n'a pas toujours démontré qu'il respectait ses engagements et ses conditions de licence. Il n'a pas démontré non plus qu'il comprenait la nécessité de rendre des comptes.
  J'aurais quant à moi remis à plus tard l'analyse de cette demande pour la reprendre en même temps que le renouvellement de licence de Vision TV qui est dû dans un peu plus d'un an. Approuver une augmentation des tarifs d'abonnés pour un service faisant partie du service de base équivaut ni plus ni moins à approuver une augmentation de taxes pour les abonnés au service de base du câble qui n'ont pas le choix de refuser de payer ou de recevoir le service.
  Le Conseil a le devoir envers les Canadiens de représenter leurs intérêts et de passer au peigne fin les demandes portant sur des augmentations de tarifs. Une étude même sommaire du dossier démontre bien que le « besoin urgent » qui pourrait justifier qu'on se dispense d'une analyse n'existe pas. Le bilan financier de Vision TV est positif. Les revenus ont dépassé les dépenses au cours des trois dernières années et on s'attend à ce que cela continue dans les cinq ans à venir.
  Il n'y a pas de « crise financière » chez Vision. Ce qu'il y a, c'est une série de questions concernant les priorités de Vision TV à l'égard de sa programmation, de ses affaires et de ses finances. D'ici à ce qu'on ait l'occasion d'effectuer une révision complète de la performance passée de cette titulaire et de ses objectifs pour l'avenir, toute augmentation du tarif d'abonnement est inappropriée.

Mise à jour : 2003-01-24

Date de modification :