L’état du marché des droits des programmes canadiens 2022

La disparition du modèle d’affaires fondateur de la télévision privée

25 mars 2022

Par Peter Miller

Résumé

L’existence d’un marché distinct des droits sur les émissions de télévision au Canada fait partie intégrante du modèle d’affaires de la radiodiffusion privée et, par conséquent, a toujours été estimée comme fondamentale pour un système canadien de radiodiffusion sain. Les politiques favorisant les radiodiffuseurs canadiens, principalement de nature structurelle, permettent l’acquisition par les stations de télévision privées et les services facultatifs des droits sur les programmes télévisés américains populaires, dont les profits subventionnent à leur tour les programmes canadiens moins rentables, des nouvelles locales aux séries dramatiques canadiennes. Des études menées au cours des quinze dernières années ont suivi la santé du marché canadien des droits sur les programmes de télévision et ont signalé le potentiel de contournement par les fournisseurs de télévision basés sur Internet, mais pas plus tard qu’en 2017, elles ont conclu que le marché canadien des droits est relativement sain. Cette étude conclut que la présence importante et la part de marché des fournisseurs américains de télévision par satellite (services par contournement [SPC]) basés sur Internet au Canada, et en particulier l’arrivée au cours des deux ou trois dernières années des conglomérats américains studio-réseau-câble-SPC, érodent maintenant de manière importante la capacité des radiodiffuseurs privés à acquérir des droits relatifs à la programmation américaine. Plus précisément, les services canadiens de vidéo sur demande (télévision payante et SPC) courent un risque élevé de perdre la capacité d’acquérir les droits de grands films et de séries télévisées, et les services facultatifs, en particulier dans le domaine de la fiction, courent un risque important de perdre la capacité d’acquérir les droits de programmation américains, tandis que les stations et réseaux de télévision traditionnels ne courent qu’un risque minimal à modéré, compte tenu de la solidité du modèle économique de la télévision traditionnelle américaine et des mesures de soutien structurel durables au Canada (y compris le régime de retransmission et la substitution simultanée). Les nouvelles approches en matière de politique publique actuellement envisagées, telles que l’obligation pour les services par contournement étrangers de contribuer à la programmation canadienne, peuvent, en partie, compenser les répercussions de ces développements, mais elles ne les combattront pas. Si l’on estime qu’un système de radiodiffusion canadien comportant un fort élément privé canadien est dans l’intérêt public, de nouvelles mesures structurelles susceptibles d’encourager et de privilégier la radiodiffusion canadienne sans restreindre l’entrée de services étrangers devraient être mises en œuvre.

Table des matières

Liste des acronymes

VSDFP
Vidéo sur demande financée par la publicité
EDR
Entreprise de distribution de radiodiffusion
ACR
Association canadienne des radiodiffuseurs
TCAC
Taux de croissance annuel composé
CDL
Condition de licence
CPM
Coût par millier d’impressions
CMPA
Canadian Media Producers Association
CRTC
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
DAC
Direct au consommateur
ETP
Équivalent temps plein
les AMIS
Les AMIS de la radiodiffusion
PIB
Produit intérieur brut
IBG
Independent Broadcast Group
DPVM
Distributeur de programmation vidéo multicanal (terme américain pour EDR)
CLOSM
Communautés de langue officielle en situation minoritaire
En direct
En direct
SPC
Service par contournement (télévision)
PDV
Point de vue
Décodeur
Décodeur
VSDA
Vidéo sur demande par abonnement
VSDT
Vidéo sur demande transactionnelle
EDRv
EDR virtuelle ou en ligne
IV
Intégration verticale

Introduction

  1. Le lien entre un marché distinct des droits sur les programmes de télévision canadiens et un système canadien de radiodiffusion sain est bien établiNote de bas de page 1.
  2. L’auteur a d’abord étudié ce lien et le statut du marché canadien des droits de programmes dans une étude préparée pour le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en 2007. Au cours des quinze années qui se sont écoulées depuis, au moins huit articles (dont l’auteur a connaissance) ont été écrits relativement au marché canadien des droitsNote de bas de page 2. Il est intéressant de noter qu’ils ont tous été rédigés par d’anciens cadres, avocats et consultants de la radiodiffusion, mais apparemment pas par des universitairesNote de bas de page 3. Les études sur le marché des droits ont eu tendance à se concentrer sur le marché de la télévision de langue anglaise et sur l’accès des radiodiffuseurs privés aux programmes américains, étant donné l’importance critique des programmes américains pour le modèle d’affaires des radiodiffuseurs privés de langue anglaise et leur vulnérabilité accrue au contournementNote de bas de page 4.
  3. Jusqu’à présent, le thème de base de ces articles (y compris le mien) était essentiellement « La terre est forte, mais on voit une tempête à l’horizonNote de bas de page 5 ».
  4. Plus maintenant.
  5. La question de savoir si un marché canadien distinct des droits sur les programmes de télévision peut continuer à exister, et si le système canadien de radiodiffusion tel que nous l’avons connu peut exister avec lui, est maintenant très remise en question. Cette question s’étend également, au-delà du marché de la télévision de langue anglaise, au marché de langue française ainsi qu’à la radiodiffusion à caractère autochtone et ethnique, avec plus ou moins d’effet.
  6. De plus, l’auteur soutient que, fondamentalement, les défis que pose le maintien d’un marché distinct des droits sur les émissions canadiennes ne sont pas d’ordre technologique, mais, comme cela a toujours été le cas pour le système canadien de radiodiffusion, ils relèvent principalement de la volonté politiqueNote de bas de page 6.
  7. Malheureusement, certains signes indiquent que les décideurs publics ont commencé à supposer que la partie est terminée – qu’un marché distinct des droits sur les programmes canadiens et un système de radiodiffusion à but lucratif essentiellement privé, appartenant à des Canadiens et contrôlé par eux, n’existeront pas, ou du moins ne pourront pas exister encore longtemps. Cette preuve est apparente de bien des façons, mais peut-être aucune autre que le projet de loi C-10 de 2021, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion, et son successeur, le projet de loi C-11, Loi sur la diffusion continue en ligne déposée le 2 février 2022.Note de bas de page 7
  8. Comme le présent document s’efforce de le démontrer, cette attitude doit être estimée comme prématurée, voire comme une prophétie autoréalisatrice.
  9. Bien qu’il soit sous tension, le marché canadien des droits de diffusion des programmes a encore beaucoup de potentiel et, avec lui, un système de diffusion véritablement canadien. La fin de la grande expérience mondiale de la radiodiffusion canadienne n’est pas annoncéeNote de bas de page 8. En fait, même si l’on peut soutenir que le fait de ne pas avoir réglementé plus tôt les principaux services étrangers de diffusion directe aux consommateurs a amené le système de radiodiffusion canadien près du point de basculement, les décisions en matière de politique publique prises par le CRTC et le gouvernement au cours des deux dernières décennies pour soutenir les principaux acteurs du système ont contribué à créer les bases d’un succès potentiel continu. Ces aspects comprennent :
    • Un secteur canadien très rentable, intégré verticalement, grand diffuseur-distributeur-FSI-télécom qui, dans un cadre juridique ou réglementaire approprié, a la capacité de maintenir un marché canadien des droits distinct pour une majorité durable de programmes télévisés populairesNote de bas de page 9.
    • Un secteur canadien de la radiodiffusion indépendante, vitale et entrepreneuriale au service d’un éventail diversifié de communautés canadiennes spécialiséesNote de bas de page 10.
    • Un secteur canadien de la production indépendante fort et en pleine croissance, qui sait tirer parti des possibilités offertes par la narration d’histoires canadiennes, les pionniers de la diffusion en continu et la production de services, et qui peut mieux se développer et prospérer s’il reste en mesure de monétiser les droits internationaux pour les programmes financés principalement sur le marché canadien.
    • Des écrivains, des réalisateurs, des artistes et des vedettes qui, en tant que Canadiens, représentent la diversité et l’immense talent de notre pays, ainsi que la diversité des peuples du monde.
    • Les équipes, les artisans, les techniciens et les commerçants utilisent des technologies et des compétences établies et de pointe.
    • D’autres Canadiens, résidents ou non, mais directement ou indirectement font partie de l’écosystème créatif du cinéma et de la télévision au Canada, des créateurs canadiens de YouTube, des petits entrepreneurs qui font tout et créent le contenu généré par l’utilisateur (CGU) le plus populaire au monde, aux scénaristes et réalisateurs canadiens à l’origine des plus grandes superproductions américaines.
    • Une compagnie diversifiée, libre et démocratique, loin d’être à l’abri des forces de la haine et de l’intolérance, mais de plus en plus consciente de sa place dans le monde, notamment en reconnaissant ses origines autochtones et en cherchant à concilier ses échecs, consciente de ses différences et de la nécessité de continuer à se différencier de ses voisins du Sud.
    • Une communauté internationale qui, avec l’Internet, doit maintenant relever les mêmes défis pour faire avancer, promouvoir et, oui, protéger la culture nationale que le Canada a dû relever de l’autre côté du 49e parallèle avec la radiodiffusion en direct depuis un siècle – et qui veut voir le Canada réussir.
    • Une myriade d’histoires et de perspectives canadiennes qui attendent – qui ont besoin – d’être racontées; des histoires qui trouvent un écho à l’échelle locale, provinciale, nationale et internationale.
  10. La recherche effectuée dans le cadre de ce document, qui combine un examen des sources publiques et des consultations avec les radiodiffuseurs canadiens et de nombreux autres intervenants du systèmeNote de bas de page 11, a confirmé que, contre toute attente, mais avec un succès nuancé et un avenir incertain, le secteur de la radiodiffusion privée du Canada demeure viable, voire solide, et qu’il doit composer avec les cartes qui lui sont distribuées. De nouvelles politiques publiques, non restrictives pour les consommateurs, mais favorables à l’industrie canadienne se font attendre depuis longtemps. En effet, il n’est pas exagéré de dire que les décisions prises par les décideurs publics au cours des trois prochaines années détermineront si le système de radiodiffusion canadien survivra, et si notre secteur créatif restera coincé dans une économie de succursales en expansion, ou si la démocratie canadienne, ses perspectives, et ces nombreux acteurs du secteur privé, prospérerontNote de bas de page 12.

Tendances clés du marché de la télévision

  1. Si les défis du marché canadien des droits ont été cernés de manière assez précise il y a dix à quinze ans et plus, ce n’est vraiment qu’au cours des trois dernières années que leurs répercussions ont commencé à se faire sentirNote de bas de page 13.
  2. Il y a au moins trois raisons à cela.
  3. Premièrement, les services de SPC, à commencer par Netflix en 2010, étaient initialement largement additifs ou complémentaires au système de radiodiffusion. Ils ont développé le marché de la télévision plus qu’ils n’ont attiré la télévision traditionnelle.
  4. Le rapport Emboîter le pas au changement et les rapports de surveillance des communications (RSC) du CRTC en sont la preuve évidente. Jusqu’en 2014Note de bas de page 14, les revenus et l’audience du système de radiodiffusion canadien n’ont cessé de croître. Alors que certains segments, comme la télévision privée traditionnelle, étaient en déclin plus tôt, d’autres segments, comme la télévision facultative, ont continué à croître ou du moins à se maintenir pendant quelques années encoreNote de bas de page 15. Toutefois, alors que le rapport Emboîter le pas au changement de 2018 du Conseil prévoyait que la télévision traditionnelle détiendrait 86 % des revenus totaux de la télévision (contre 14 % pour la télévision en ligne) en 2020 jusqu’en 2022Note de bas de page 16, le déclin réel de la part de marché a été beaucoup plus rapide – s’établissant à 21 % pour la télévision en ligne en 2020Note de bas de page 17, un chiffre qui pourrait facilement atteindre 25-30 % en 2022 compte tenu des tendances réelles. Et même cela n’explique pas la réalité, qui est celle d’une industrie canadienne de la radiodiffusion de moins de 16 milliards de dollars en concurrence directe avec les plateformes de SPC mondiales dont les revenus sont plus de cinq fois supérieursNote de bas de page 18.
  5. Deuxièmement, les défis auxquels est confrontée la télévision traditionnelle n’étaient pas initialement relatifs aux droits des programmes. Depuis plus de quinze ans, les médias canadiens ont été témoins d’une érosion de la publicité, avant même de constater des pertes d’audience, car les annonceurs profitent de plus en plus du nombre presque illimité d’options en ligne rentables, axées sur les données et ciblées. En 2008, la publicité en ligne a dépassé la radio, en 2010, elle a dépassé la presse écrite, et en 2013, elle a dépassé la télévision. En 2020, la publicité sur Internet représentera plus de 67 % de l’ensemble de la publicité au CanadaNote de bas de page 19. Google et Facebook en absorberaient à eux seuls 80 %Note de bas de page 20.
  6. Enfin, troisièmement, le passage du SPC du statut de complément à celui de concurrent s’est produit lorsque les conglomérats américains traditionnels intégrés verticalement (studios, réseaux et câble) ont réalisé qu’ils pouvaient eux aussi s’adresser directement au consommateur et contourner la relation traditionnelle « gros-détail » entre la production, la diffusion et la distribution de la télévision.
  7. Cette dernière évolution, qui ne date que de deux ou trois ans, est illustrée par le lancement de Disney+ et Paramount+ au Canada (et HBOMax et Peacock aux États-Unis), et influence ou trouve des parallèles sur le marché des droits de langue anglaise non grand public. Elle montre des signes de changement fondamental de la nature et de la santé du marché canadien des droits sur les programmes. En effet, si elle n’est pas contrôlée, cette nouvelle tendance est suffisamment importante pour qu’elle puisse effectivement conduire à la mise hors service du système de radiodiffusion canadien tel que nous le connaissons, en l’espace de quelques années seulementNote de bas de page 21.
  8. En d’autres termes, contrairement à Netflix et Amazon Prime, les titans émergents du SPC ne sont pas de simples concurrents des radiodiffuseurs pour les droits des programmes. Il s’agit plutôt des radiodiffuseurs américains et de leurs filiales de production et de distribution, qui se lancent de manière agressive sur le marché mondial de la télévision en ligne, qu’ils sont sans doute sur le point de dominer.
  9. Bien que le risque d’un tel contournement du système de radiodiffusion canadien ait été soulevé de manière théorique depuis plus de 15 ans, ce n’est que maintenant que les plateformes technologiques, l’acceptation par les consommateurs et les forces et stratégies des acteurs en matière de contenu se manifestent par des points de basculement prédits plus tôtNote de bas de page 22. Comme l’a dit une personne interrogée, comme un point d’eau dans un désert en Afrique, avec Netflix, Amazon et d’autres gros éléphants qui aspirent toute l’eau, l’accès au contenu se tarit.

Télévision traditionnelle

  1. Comme indiqué dans le rapport 2011 de l’auteur :

    Le plus grand risque sous-jacent du marché canadien des droits n’est pas propre à une entreprise ou à un secteur canadien, ou encore à un fournisseur étranger en marge du réseau, et il n’y a aucun moyen de l’arrêter. Ce risque est la transition vers le visionnement sur demande, qui s’accompagne de la transition vers les plateformes Internet et de télévision mobile qui ne font plus partie du « jardin clos » ou du « système fermé » traditionnel de la radiodiffusion canadienne.

  2. À l’époque, quatre facteurs clés avaient été ciblés comme étant « à l’origine de l’évolution vers la demande et donc vers le SPC » – qui, bien qu’il soit « peu probable qu’ils remplacent la radiodiffusion dans un avenir prévisible », affichent une « dynamique considérableNote de bas de page 23 » :
    • Augmentation de 40 à 50 % de la capacité des réseaux Internet, en grande partie due à la demande des consommateurs pour la vidéo en ligne.
    • L’explosion des téléviseurs et autres boîtiers compatibles avec Internet, qui permettent un accès transparent aux sources de télévision traditionnelles et en ligne.
    • La détermination apparente des studios et de la Commission fédérale des communications (FCC) à favoriser un marché de SPC compétitif.
    • Intérêt des consommateurs en vue de « couper le câble » ou « limer le câble » afin de réduire les coûts de télévision, d’éliminer les services qu’ils ne regardent pas et d’obtenir un accès plus facile à la demande.
  3. Au cours de la dernière décennie, cet « élan considérable » a été prononcé – au point qu’aujourd’hui, les dispositifs activés sont pratiquement omniprésentsNote de bas de page 24 et que les contraintes en matière de capacité d’Internet ne sont même plus estimées comme un problèmeNote de bas de page 25.
  4. Cependant, comme nous le verrons, les acteurs traditionnels canadiens ne sont pas restés immobiles. Malgré l’échec d’expériences telles que ShomiNote de bas de page 26, les radiodiffuseurs canadiens se sont recentrés, chacun à sa manière, pour s’assurer qu’ils offrent une programmation originale canadienne et une programmation acquise au Canada et à l’étranger compétitives, et ont trouvé des moyens de faire au moins partie du marché de la télévision sur Internet au pays et, dans certains cas, à l’étranger.
  5. En outre, la question de savoir si les nouveaux venus parviendront à convaincre les abonnés d’ajouter un troisième, quatrième ou cinquième service de SPC ou de remplacer un service actuel – si leurs combinaisons particulières de marques et de contenus sont suffisamment convaincantes pour réussir – reste ouverte.

Intérêt général envers les SPC

  1. L’arrivée de la télévision généraliste, Internet ou « services par contournement » (SPC) au Canada peut être marquée par le lancement canadien de Netflix en 2010. Douze ans plus tard, l’abondance d’options de télévision d’intérêt général et de niche en matière de SPC ou direct au consommateur (DAC) au Canada et dans le monde est frappante.
  2. Les acteurs en matière de SPC ou de DAC d’intérêt général présents sur le marché canadien il y a cinq ou sept ans (Netflix, Amazon Prime, ICI Tou.tv, Crave, Club Illico) ont été rejoints par de nombreux autres, et d’autres encore sont sur le point d’arriver. Les voici :
  3. En outre, la nature de ces services est en train de changer. Tous les acteurs des SPC mettent désormais en avant des contenus exclusifs, idéalement originaux, afin de se différencier sur un marché de plus en plus encombré et d’être « incontournables » pour les consommateursNote de bas de page 30. Lors de son lancement, par exemple, Netflix était principalement basé sur le contenu de la bibliothèque – des films et des séries plus anciens. En 2012, anticipant l’avenir, comme elle l’a si bien fait depuis sa fondation, Netflix a sorti son premier film original, le norvégien Lilyhammer, rapidement suivi de House of Cards en 2013Note de bas de page 31. Aujourd’hui, tous les acteurs de SPC se tournent, par nécessité et à la demande des consommateurs, vers les productions originales.
  4. L’actuel « âge d’or de la télévisionNote de bas de page 32 » ou « pic de la télé », dont l’arrivée a sans doute été présagée par le premier film original de Netflix en 2012, a vu la production mondiale de séries dramatiques tripler. Bien que peu de gens estiment que cela peut durer, pour l’instant, un consommateur qui regarderait la télévision à chaque instant, tous les jours de l’année, ne serait toujours pas en mesure de regarder toutes les nouvelles séries dramatiques disponiblesNote de bas de page 33.
  5. Netflix, dont le leadership lui a permis de conserver une avance considérable sur le reste du peloton des SPCNote de bas de page 34, et Amazon Prime, dont les activités non centrées sur les médias en font un joker aux ressources énormes, doivent faire face à une concurrence féroceNote de bas de page 35 de la part des acteurs traditionnels des médias. Ces derniers ont compris qu’ils (a) possèdent ou peuvent reprendre les droits sur les programmes, (b) sont les propriétaires de marques clés et les producteurs du contenu le plus populaire au monde, (c) peuvent s’adresser directement aux consommateurs, en évitant tout intermédiaire, et (d) seront récompensés par le marché en possédant des abonnés plutôt qu’en concédant leur produit à des tiersNote de bas de page 36.
  6. Les indications à ce sujet sont nombreuses :
    • Le lancement mondial de Disney+ en novembre 2019Note de bas de page 37 (Disney ayant acquis les franchises Marvel et Star Wars en 2009 et 2012Note de bas de page 38), suivi du lancement ou de l’inclusion de Star (et de l’augmentation des prix) en février 2021Note de bas de page 39, et la perte proportionnelle des droits sur les programmes Disney subie par les diffuseurs concurrents et les acteurs de SPCNote de bas de page 40;
    • Le changement de nom de ViacomCBS en Paramount+ en février 2022, le lancement du service de SPC Paramount+ en mars 2021Note de bas de page 41, un changement de nom de CBS All Access, lancé aux États-Unis en 2014 et au Canada en 2018Note de bas de page 42;
    • Le lancement américain de Peacock par NBCU « à la fin » de juillet 2021Note de bas de page 43;
    • Le lancement mondial de Discovery+ a été annoncé en décembre 2020Note de bas de page 44, avec son lancement canadien en octobre 2021Note de bas de page 45;
    • WB (anciennement Warner Brothers) supprime l’option d’abonnement à HBO sur Amazon Prime à la mi-2021Note de bas de page 46;
    • Les déploiements audacieux de HBOMax en EuropeNote de bas de page 47, mais pas au Canada en raison de son accord pluriannuel actuel avec Bell MediaNote de bas de page 48.
    • Une série comme Disney’s Only Murders in the Building (Martin Short, Selena Gomez), qui aurait historiquement été produite pour ABC, est aujourd’hui exclusivement sur Disney+ et n’est disponible pour aucun diffuseur canadien;
    • Une avalanche de fusions et d’acquisitions, de Rupert Murdoch qui a effectivement levé le drapeau blanc en vendant 20 th Century (Fox) Studios à Disney, à la fusion Discovery-WB, approuvée à compter du 11 mars 2022Note de bas de page 49.
  7. Comme nous allons le voir, les répercussions se font sentir de multiples façons, par exemple :
    • Les droits traditionnellement acquis par les diffuseurs canadiens se tarissent, et les droits disponibles deviennent plus restreints et plus chers.
    • Pour la première fois, on constate que des fournisseurs de SPC étrangers surenchérissent même sur les diffuseurs de télévision traditionnels pour les droits aux heures de grande écoute.
    • Les acteurs de SPC étrangers qui cherchent à commander des émissions originales nationales sur les marchés où ils opèrent et qui auront une résonance mondiale – à court terme, en contribuant à des niveaux records de production de services étrangers au CanadaNote de bas de page 50, mais aussi en menaçant d’enlever un avantage concurrentiel vraiment durable du système de radiodiffusion détenu et contrôlé par le Canada – la programmation canadienne originaleNote de bas de page 51.

SPC qui possèdent une niche

  1. Ces mêmes tendances conduisent et ont des répercussions sur un marché florissant d’acteurs de SPC qui possèdent une niche – des acteurs qui ne s’adressent pas à un large public, mais qui opèrent dans des genres particuliers, comme le sport, la télé-réalité ou les informations, ou qui s’adressent à des publics particuliers, comme les services à caractère ethniquesNote de bas de page 52.
  2. Au Canada, cela comprend des services tels que :
    • les plateformes de diffusion facultatives canadiennes telles que OutTV, lumiNote de bas de page 53 de l’Aboriginal Peoples Television Network (APTN), Spark de Wildbrain et Toobi d’Ethnic Channel Group;
    • les acteurs de SPC étrangers dans des genres particuliers comme DAZN, fuboTVNote de bas de page 54 et d’autres dans le sport, hayu de NBCU dans la télé-réalitéNote de bas de page 55, Twitch d’Amazon dans les jeuxNote de bas de page 56;
    • d’autres services étrangers qui possèdent une niche comme la télévision britannique Britbox et Acorn, AMC+, et des services d’information internationale gratuits en direct comme France24 et Al Jazeera.
  3. Comparativement, cependant, le marché canadien de la télévision de niche et facultative ne connaît qu’une fraction de la perturbation qui se produit aux États-Unis. Non seulement le marché américain compte beaucoup plus de services de SPC de vidéo sur demande et de diffusion en continu, mais il dispose également d’un marché de distribution de télévision en ligne ou « virtuelle » (Distributeur de programmation vidéo multicanal virtuel [DPMVv]; équivalent d’EDRv au Canada) beaucoup plus développé, ce qui se traduit par un déclin encore plus important des DPMV américains (câble, satellite de radiodiffusion directe [SRD], compagnie de téléphone IPTV) qu’au Canada – ce qui peut être révélateur des tendances à venir iciNote de bas de page 57.
  4. YouTube est sans doute l’acteur de « niche » le plus important dans le paysage de la télévision de SPC. YouTube ne concerne plus seulement les vidéos de chats. Le contenu télévisuel, qu’il s’agisse de clips musicaux, d’informations, de films plus anciens ou de programmes pour enfants, joue un rôle de plus en plus important dans l’écosystème YouTube.
  5. Après avoir expérimenté, et maintenant largement abandonné, le marché des séries télévisées originales haut de gamme, YouTube s’est recentré sur son créneau unique de plus grande plateforme vidéo du monde, présentant une diversité de contenu généré par l’utilisateur (CGU) et de contenu média téléchargé par des tiersNote de bas de page 58. Néanmoins, étant donné l’expansion rapide de YouTube TV (un DPMVvNote de bas de page 59) et le lancement en mars 2022 du service VSDFP de YouTube aux États-UnisNote de bas de page 60, des approches semblables axées sur la télévision pourraient bientôt être introduites au Canada, concurrençant directement les EDR, les radiodiffuseurs et les autres fournisseurs de SPC canadiens pour le grand contenu et celui de bibliothèque.
  6. Grâce à sa part de marché massive et à son modèle commercial de répartition des revenusNote de bas de page 61, YouTube peut désormais prétendre être le « plus grand concédant de licences de contenu au monde », son « programme de partenariat » « couvrant environ deux millions de créateurs, et la compagnie leur ayant versé 30 milliards de dollars au cours des trois dernières annéesNote de bas de page 62 » – « à peu près au coude à coude avec Netflix en termes de revenus, en fait nous sommes légèrement plus grands et nous nous développons plus rapidementNote de bas de page 63 ». À l’échelle mondiale, les compagnies de médias représentent actuellement environ 25 % de l’audience de YouTube (ce pourcentage est probablement plus élevé en termes de revenusNote de bas de page 64), 25 % pour la musique et 50 % pour les créateurs de YouTubeNote de bas de page 65.
  7. Avec son mélange inégalé de contenu de tiers « professionnel » et « amateurNote de bas de page 66 », YouTube est, entre autres, à la fois diffuseur et plateforme de distribution sans barrière, petite partie plateforme d’abonnement et DPMV traditionnel, et en grande partie une plateforme soutenue par la publicité gratuite (c’est-à-dire une chaîne de télévision en continu avec publicité gratuite [FAST] ou une plateforme pour « chaînes »). Il s’agit d’un concurrent majeur pour le temps de consommation et la publicité dans les médias, mais, pour l’instant au Canada, un concurrent relativement mineur pour les droits sur les programmes de télévision – en fait, il s’agit plutôt d’un débouché et d’un générateur de revenus pour la télévision de bibliothèque et la programmation musicale. Toutefois, en cherchant à « s’emparer d’une part encore plus importante du secteur de la télévision américaine qui représente plus de 200 milliards de dollars », la « triple menace télévisuelle » de Google pourrait devenir un concurrent direct tout aussi puissantNote de bas de page 67.
  8. D’autres plateformes de « médias sociaux », telles que Twitter, Facebook et TikTok, sont des concurrents semblables pour le temps de consommation et la publicité dans les médias, mais ne sont pas des concurrents actuels, ou nécessairement probables, pour la plupart des programmes télévisés. Leur « utilisation » des programmes de contenu des médias d’information traditionnels ainsi que leur capacité à monétiser les revenus publicitaires associés à ce contenu constituent toutefois une préoccupation majeure et croissante des radiodiffuseurs et des médias imprimésNote de bas de page 68.

Plateformes de chaînes de télévision en continu avec publicité gratuites (FAST) ou de vidéo sur demande financée par la publicité (VSDFP)

  1. Les chaînes de télévision en continu avec publicité gratuites (FAST), qui sont les plus récentes et celles qui connaissent la croissance la plus rapide, sont essentiellement la dernière version d’Internet de la bonne vieille télévision traditionnelle.
  2. Libérées des coûts, des limites géographiques et des contraintes de bande passante de la télévision locale hertzienne, les chaînes de télévision en continu avec publicité gratuites comblent l’amour des consommateurs pour la « gratuité » et alimentent l’appétit croissant des annonceurs sur Internet pour l’exposition des consommateurs qui découle du placement de publicités vidéo intégrées. Ironiquement, les mêmes forces fondamentales de l’offre et de la demande, qui ont permis aux opérateurs de chaînes de télévision traditionnelles d’augmenter les tarifs publicitaires alors que les audiences diminuaientNote de bas de page 69, alimentent aujourd’hui ce qui est en train de devenir leurs plus grands concurrents directs ou peut-être leurs concurrents futurs, voire leurs remplaçants.
  3. La publicité vidéo des SPC est actuellement le segment de la publicité en ligne qui connaît la croissance la plus rapide. À l’échelle mondiale, les revenus des vidéos publicitaires des SPC sont passés d’un peu plus de 12 milliards de dollars en 2013 à 130 milliards de dollars en 2019 et devraient atteindre au moins 200 milliards de dollars en 2023Note de bas de page 70. IAB Canada estime que la publicité Internet canadienne « de la télévision avancée » ne représentera que 25 millions de dollars en 2020, mais une augmentation de 83,4 % par rapport à l’année précédenteNote de bas de page 71. Si l’on prend l’hypothèse audacieuse d’un doublement chaque année depuis lors, on arrive à 100 millions de dollars en 2022, soit un peu plus de 3 % du marché total de la publicité télévisée traditionnelle, ce qui n’est pas encore assez important pour que la télévision traditionnelle en pâtisse directement, mais on pourrait s’en approcher.
  4. Le leader mondial reconnu sur le marché des chaînes FAST est FilmRise, fondé en 2012, qui propose aujourd’hui plus de 40 000 films sous licence et originaux et des épisodes de télévision couvrant tous les genres, sur plusieurs plateformesNote de bas de page 72. Le marché américain de la FAST est bien développé, soutenu par plus de deux douzaines de plateformes FAST, dont Pluto TV, Roku et Tubi TV – des plateformes qui jouent un rôle semblable pour les services de diffusion en continu (bien qu’actuellement non réglementés au Canada) que le câble joue pour les télédiffuseursNote de bas de page 73. La croissance aux États-Unis a été favorisée par une multiplication par 16 des impressions publicitaires entre janvier 2020 et janvier 2022. Pluto TV, disponible aux États-Unis, en Europe, en Amérique latine et au Brésil (pas encore au Canada), a dépassé le milliard de dollars de revenus mondiaux en 2021 après seulement sept ans d’activitéNote de bas de page 74.
  5. La compagnie canadienne Blue Ant s’est lancée de manière importante dans les chaînes FAST, en annonçant en février 2022 son quatrième service, Homeful, qui vient s’ajouter à Crimetime, TotalCrime, Love Nature, et HauntTV à Samsung TV Plus et Roku au Canada et Xumo, le service de diffusion en continu appartenant à Comcast, aux États-Unis.Note de bas de page 75 Les chaînes FAST de Blue Ant se situent dans des niches à la fois semblables et différentes de ses chaînes de télévision facultatives, et bien que la programmation soit actuellement principalement basée sur des acquisitions, on peut supposer que de plus en plus de programmes originaux seront ajoutés au fil du temps, avec des stratégies de fenêtres qui complètent celles de Blue Ant et d’autres chaînes de diffusion internationales.
  6. Les services FAST purs sont en concurrence avec les versions hybrides abonnement ou avec publicité des services VSDA, notamment les versions moins chères de HBO Max, Paramount+, Peacock et Hulu aux États-Unis. Alors que Netflix a jusqu’à présent indiqué qu’il n’avait pas l’intention de s’appuyer sur la publicitéNote de bas de page 76, et Gem de la CBC et ICI Tou.tv de CBC/Radio-Canada restent les seuls services de SPC hybrides grand public disponibles au Canada à ce jourNote de bas de page 77, l’intégration des options de diffusion en continu VSDFP et VSDA dans la même plateforme de SPC semble être sur le point de devenir de plus en plus courante. En mars 2022, Disney+ a annoncé le lancement imminent de sa version financée par la publicité aux États-Unis à la fin de l’année 2022 et prévoit de s’étendre à l’international en 2023Note de bas de page 78 – une approche vraisemblablement estimée par les futurs entrants comme un bon moyen d’acquérir rapidement des parts de marchéNote de bas de page 79.
  7. La télévision linéaire et publicitaire n’est pas morte. Elle retrouve en ligne son cœur visé et son public mondial de niche « toujours facilement disponible, la télévision sur rendez-vous ». Mais la question de savoir si la télévision linéaire traditionnelle grand public peut survivre avec elle, ou réussir sa transition vers une combinaison compétitive de VSDFP et de FAST, reste ouverteNote de bas de page 80.

Les droits des programmes et le système canadien de radiodiffusion

  1. Dans le passé, le marché distinct des droits sur les programmes au Canada était facilement soutenu par :
    • les effets de l’héritage de la technologie originale de distribution de la radiodiffusion : la transmission en direct est un média intrinsèquement local et géographiquement limité;
    • le soutien des éléments publics et privés du système, en reconnaissant que seul le radiodiffuseur public avait la charge d’être « principalement et distinctement canadien »;
    • la mise en œuvre de mesures structurelles et de restrictions en faveur des radiodiffuseurs privés détenus et contrôlés par des Canadiens (déductibilité de la publicité, octroi de licences, liste des services admissibles, distribution prioritaire, substitution simultanée, etc.Note de bas de page 81);
    • le soutien à la consolidation et tolérance à l’égard de l’intégration verticale (l’idée étant que le Canada a besoin de grands acteurs canadiens en mesure d’affronter efficacement la concurrence sur un marché de plus en plus mondialiséNote de bas de page 82);
    • l’intérêt commercial des radiodiffuseurs, producteurs et distributeurs traditionnels à maintenir de droits nationaux distincts (plus de fenêtres signifiant plus de possibilités de revenus pour les producteurs ou distributeurs de programmes; une fenêtre nationale distincte rendant plus de contenu disponible à des coûts moindres pour les radiodiffuseursNote de bas de page 83).
  2. Les signes d’érosion sont devenus évidents il y a plus de quinze ans avec la nature sans frontières et non réglementée du contenu vidéo sur Internet, bientôt exacerbés par le lancement de Netflix et Amazon PrimeNote de bas de page 84. Ce qui a rapidement accéléré cette érosion au cours des deux ou trois dernières années, c’est l’émergence de producteurs ou d’exposants de contenu mondiaux ayant des capacités et des ambitions de vente directe aux consommateurs.
  3. Comme indiqué ci-dessus, aujourd’hui, le modèle de SPC et du DAC, dont Netflix a été le fer de lance il y a plus de 15 ans, est en train de passer d’un modèle basé sur les bibliothèques à un modèle basé sur un contenu original exclusif et global.
  4. Les leaders dans ce domaine (Netflix, Amazon, Disney) et ceux qui sont en train de rattraper leur retard (Paramount+, Discovery+, Peacock) déplacent, à dessein ou par nécessité, leurs ressources vers du contenu original propriétaire sur leurs plateformes de DAC, tout en exploitant les activités de « gros » préexistantes (le modèle traditionnel du studio au diffuseur). Et le marché récompense ce changement – en augmentant la valorisation de ces entreprises sur la base du nombre d’abonnés au DAC et, ce faisant, en dévaluant le modèle de licence de programme.
  5. Pour simplifier, l’intérêt général pour les services par contournement (SPC) est en train de devenir une destination pour les grands films et séries destinés aux jeunes, tandis que la diffusion devient la « télévision des baby-boomers », c’est-à-dire les séries télévisées grand public, le sport, les informations et la réalité. Cette évolution n’est pas sans rappeler la façon dont la télévision par câble a privé la télévision traditionnelle de ses téléspectateurs et de ses revenus dans les années 80 et 90 – favorisant initialement les nouveaux entrants, mais obligeant finalement les acteurs historiques de la télévision traditionnelle à acquérir ou à fusionner pour s’adapter au nouveau paradigme télévisuel de l’époque. Le problème est que, contrairement à l’environnement de politique publique de la fin du 20e siècle, il n’existe pas aujourd’hui de barrières à l’entrée étrangère ou d’incitations qui permettent aux radiodiffuseurs privés canadiens de réussir leur transition vers le SPC.
  6. Cette tendance est toutefois quelque peu combattue par l’émergence d’un consensus politique international en faveur du maintien de médias et de secteurs de contenu nationaux dynamiques, face à la concurrence des géants mondiaux en ligne et aux pertes de revenus qu’ils occasionnent. Ce phénomène se manifeste de différentes manières dans le monde, avec une attention croissante portée aux médias d’informationNote de bas de page 85.

État actuel du marché des droits des programmes canadiens

  1. Alors que les premières études sur les droits de diffusion mentionnaient des problèmes relatifs à la disponibilité des droits multiplateformes et, il y a sept à dix ans, l’émergence, avec des coûts supplémentaires, d’extensions des droits de diffusion linéaires (tels que les « droits de rattrapage » et le « cumul en cours de saisonNote de bas de page 86 »), au cours des cinq dernières années, ces questions sont devenues monnaie courante. Les fonctions de visionnage non linéaire, y compris le « rembobinage de la télévision » – en utilisant un enregistreur vidéo numérique (DVR) en réseau plutôt qu’un enregistreur personnel de vidéo (PVR) grand publicNote de bas de page 87, sont devenues des fonctions de télévision traditionnelle assez courantes, généralement disponibles sur les plateformes IPTV des EDR, les sites Web des diffuseurs et les services de SPC des diffuseurs.
  2. L’objectif commercial des acquisitions de droits multiplateformes des radiodiffuseurs canadiens s’est toutefois déplacé au cours des trois dernières années, passant de l’offre de capacités conçues pour garder les abonnés à l’intérieur du système réglementé des EDR à l’utilisation de nouvelles caractéristiques fondées sur les droits afin d’aider à maintenir l’omniprésence historique des radiodiffuseurs traditionnels en cherchant à récupérer ceux qui se trouvent à l’extérieur de ce système : ce qu’on appelle les « coupeurs de câbles » et les « sans câblesNote de bas de page 88 ». Les radiodiffuseurs ont d’abord pris soin d’éviter de lancer de nouveaux services de SPC qui encourageraient les coupures de câbleNote de bas de page 89; maintenant qu’un si grand nombre de Canadiens se trouvent en dehors du système réglementé, ils cherchent des moyens de rétablir la portée traditionnelle de « masse » et, avec elle, de maintenir leur pertinence et leurs revenus – même si cela peut éroder l’univers des EDRNote de bas de page 90.
  3. En voici quelques exemplesNote de bas de page 91 :
    • Le Club Illico de QuébécorNote de bas de page 92. Depuis son lancement en 2013, Club Illico a fourni un large foyer de SPC, largement complémentaire, pour les séries francophones, les séries étrangères doublées et les longs métrages – avec un nombre toujours croissant de titres et une liste de productions originales québécoises. Initialement disponible uniquement pour les abonnés de Vidéotron, Club Illico est devenu par la suite disponible pour les abonnés autres qu’avec les EDR, et en février 2021, alors dans 650 000 foyers, il est devenu officiellement pancanadienNote de bas de page 93. Québécor a également lancé Vrai en 2021, sa plateforme de téléchargement pour le contenu non scénarisé, y compris les émissions originales et acquises de style de vie, les documentaires et les comédies en langue françaiseNote de bas de page 94.
    • L’évolution de CraveTV. Lancé en tant que grande extension du service EDR en 2014Note de bas de page 95, Crave est devenu un service VSD hybride autonome, qui a fusionné avec le service de télévision payante affilié, TMN, en 2018Note de bas de page 96. En 2020, Crave s’est étendu au marché canadien francophone avec des séries et des films en langue française et doublésNote de bas de page 97. Bien que les fenêtres de diffusion du contenu dramatique soient réparties entre Crave et CTV, le même contenu ne semble pas en même temps sur les chaînes de marque de Crave et de CTVNote de bas de page 98.
    • Le lancement de Sportsnet Now par Rogers en mars 2016 et le lancement de TSN Direct par Bell en juin 2018; compte tenu des prix relativement élevés pour les consommateurs, les deux visent clairement les grands partisans de sport qui n’ont que peu ou pas d’intérêt pour la télévision traditionnelleNote de bas de page 99.
    • Le lancement d’OutTVGo au Canada en septembre 2017,Note de bas de page 100 et aux États-Unis (à ce moment-là, sous le nom d’OutTV) en mars 2021Note de bas de page 101, était une décision éminemment sensée étant donné les défis qu’OutTV a dû relever afin de maintenir une large distribution après Parlons télé.
  4. Un exemple clé plus récent de ce phénomène est le StackTV de Corus (lancé au moyen de Amazon Prime Video Channels en juin 2019Note de bas de page 102, par une entité affiliée à l’époque à l’EDR, dans le cadre d’un jeu anti-câble) – permettant à Corus d’atteindre les Canadiens en dehors du système sur sa propre plateforme de SPC, et ainsi de remporter un certain nombre de victoires importantes pour les programmateurs :
    • Tout d’abord, Corus a trouvé un moyen de tirer profit directement de ses services de programmation, notamment son réseau de télévision classique, Global. Cette dernière (comme tous les services de télévision traditionnels) n’a pas le droit de recevoir des redevances de gros des EDR;
    • Deuxièmement, Corus a réussi à relever les défis précédemment problématiques de l’obtention des droits de diffusion en continu nécessaires à la programmation de la diffusion linéaire, en particulier de la télévision traditionnelleNote de bas de page 103;
    • Troisièmement, Corus a créé un nouveau levier vis-à-vis des EDR afin de s’assurer que leurs services sont rémunérés et conditionnés de manière appropriéeNote de bas de page 104;
    • Quatrièmement, Corus a effectivement trouvé un moyen de « compenser » les pertes de revenus dans le système de radiodiffusion traditionnel. Avec 725 000 abonnés payants à ses services de diffusion en continuNote de bas de page 105, et un prix d’achat mensuel de 12,99 $ pour StackTV, Corus pourrait désormais réaliser un chiffre d’affaires annuel d’environ 100 millions de dollars en revenus bruts d’abonnement en ligne, sans compter les coûts de distribution (qui pourraient représenter un pourcentage important des revenus bruts), le marketing et les coûts (vraisemblablement modestes) des droits supplémentairesNote de bas de page 106.
  5. L’initiative de Corus a coïncidé avec des initiatives récentes semblables, lancées ou en cours de planification, par des radiodiffuseurs indépendants canadiens et certaines EDR indépendantes, comme le lumi de l’APTN lancé à l’automne 2019Note de bas de page 107 et le service de SPC EDRv de VMedia, RiverTV, lancé en juin 2020Note de bas de page 108. Bell, Rogers et Québécor sont toutefois restés plus prudents en ce qui concerne la distribution hors EDR de leurs marques et contenus télévisuels facultatifs, cherchant à compléter leurs franchises EDR traditionnelles plutôt que de les cannibaliserNote de bas de page 109.
  6. Entre-temps, la simple disponibilité des droits de diffusion des programmes acquis est devenue un problème.
  7. Il y a trois à cinq ans, l’approvisionnement en droits linéaires, de rattrapage et de saison pour les programmes populaires, certes de plus en plus coûteux (mais toujours rentables), restait assuré. Dans l’ensemble, il y avait toujours plus de fournisseurs de droits canadiens que de soumissionnaires. Aujourd’hui, la demande est supérieure à l’offre, les droits linéaires d’une part croissante de la programmation étrangère (sans parler des droits VSDA) ne sont pas du tout disponibles, les prix des produits disponibles augmentent considérablement compte tenu de la multiplicité des diffuseurs et des soumissionnaires de SPC, et l’exclusivité de facto du diffuseur est en train de disparaître.
  8. Si les difficultés à obtenir les droits sur les programmes acquis ne sont pas exclusives aux séries dramatiques, c’est certainement dans la catégorie des dramatiques qu’elles sont les plus prononcées. La catégorie de programmes « Drame et comédie » a toujours été la plus populaire sur les marchés de la télévision traditionnelle anglophone et francophone, recueillant respectivement 39 % et 38 % des heures d’écoute en 2019-2020Note de bas de page 110. Il n’est cependant pas surprenant que les séries dramatiques et les films aient été le principal moteur des SPC; l’érosion de ce type de programmes sur la télévision traditionnelle frappe donc une proposition de valeur essentielle.
  9. Ces tendances se manifestent différemment dans les différents segments du marché – tant sur le plan de la langue que de la nature du service. Nous commencerons par examiner la télévision traditionnelle, la télévision facultative et la télévision payante/VSD (EDR et en ligne).

Marché de la télévision traditionnelle

  1. Pour la télévision traditionnelle linéaire, les problèmes de droits sont aujourd’hui davantage liés à la qualité et au coût qu’à la stricte disponibilité, mais les fenêtres sont également compresséesNote de bas de page 111.
  2. Les réseaux des stations de télévision traditionnelles canadiennes restent en bonne position pour acheter au moins les droits de diffusion de première fenêtre des réseaux américains (les 4+1). Ces droits acquis continuent d’inclure généralement au moins une rediffusion linéaire (ou un nombre illimité de rediffusions en cours de saison), des droits de rattrapage et un cumul en cours de saison (au moins pour les programmes en heures de grande écoute).
  3. La raison principale pour laquelle ces droits restent disponibles, malgré les liens des entreprises de télévision des réseaux américains avec les services de SPC, est que les réseaux américains sont de toute façon présents sur les EDR, en vertu de notre régime de retransmission de « licence obligatoire » vieux de trois décennies. Ce régime, qui est l’un des fondements de la télévision par câble au Canada et qui est institutionnalisé dans le droit d’auteur par l’obligation de payer des redevances de retransmission, permet aux EDR réglementées au Canada de transmettre ou de retransmettre des stations de télévision locales, y compris des signaux américains, sans permission ni compensation directe à ces stationsNote de bas de page 112. En revanche, les États-Unis n’ont jamais autorisé la retransmission de stations locales hors marché et, bien que ce pays ait mis en place un régime de compensation directe, retransmission consent,Note de bas de page 113 dans les années 1990, le Canada a suivi une voie différente et a plutôt mis en place un régime de contribution aux EDR – qui constitue aujourd’hui une source de financement importante (bien qu’en déclin) pour le FMC, les fonds de production indépendants et les nouvelles locales, tout en restant la source de financement des chaînes de télévision communautairesNote de bas de page 114.
  4. En outre, la substitution simultanée, introduite dans les années 1970, a créé un moyen limité (mais simple et à l’époque très efficace) pour les radiodiffuseurs canadiens de maximiser la monétisation des droits de programmes américains acquisNote de bas de page 115.
  5. En grande partie grâce au régime lucratif de consentement à la retransmissionNote de bas de page 116, les réseaux américains continueront probablement d’exister dans un avenir prévisible, et tant que le régime canadien de retransmission et la substitution simultanée continueront également d’exister et que les diffuseurs canadiens conserveront une masse critique, la vente des droits de première diffusion en direct aux stations de télévision traditionnelles privées canadiennes demeure la décision économique rationnelle pour les détenteurs de droits.
  6. Cependant, comme cela devient de plus en plus évident, le fait qu’il s’agisse d’une décision économique rationnelle ne signifie pas que la vente de droits de diffusion linéaire aux radiodiffuseurs locaux canadiens se poursuivra toujours ou qu’elle se fera d’une manière durable. Il existe au moins six facteurs pertinents à cet égard.
  7. Disponibilité. Les consultations menées par l’auteur ont révélé qu’au moins un réseau de télévision traditionnel privé canadienNote de bas de page 117 s’est récemment retrouvé sans succès à faire une offre contre Amazon Prime pour une émission de réseau américaine en heure de grande écoute. Sur la base du rapport coût-bénéfice d’un titre particulier, il semble très peu probable qu’une telle émission vaille plus pour Amazon (qui n’aurait pas l’exclusivité de la première diffusion largement disponible sur le réseau américain au Canada) que pour un réseau canadien à large couverture. Amazon Prime a un taux de pénétration dans les foyers estimé à moins de 20 %Note de bas de page 118. En tant que service « gratuit » soutenu par la publicité (avec l’acquisition des droits de diffusion appropriés), un réseau de télévision traditionnel canadien pourrait avoir une portée effective de près de 100 % – au moyen des EDR, la transmission en direct, toute plateforme de SPC affiliée et, s’il le souhaite, son site Web, et il bénéficierait de la substitution simultanée. Cependant, sur une base plus large, de sensibilisation, de développement de la marque et des abonnés, la décision d’Amazon n’est pas du tout irrationnelle. Amazon ne peut et ne veut pas envisager les décisions d’acquisition ou de commande sur la base d’un rendement par émissionNote de bas de page 119. Si la série est un succès, les personnes qui ne veulent pas s’abonner au câble voudront s’abonner à Amazon Prime pour la recevoir (à moins qu’elles ne choisissent de s’abonner ou de se réabonner au câble et de s’équiper d’un enregistreur personnel de vidéo [PVR]Note de bas de page 120).
  8. Promotion. Dans ce que l’on pourrait appeler une relation symbiotique ou parasite entre les réseaux traditionnels américains et canadiens, alors que les divisions en matière de distribution des réseaux américains apprécient les droits de licence importants qu’elles reçoivent des diffuseurs canadiens (en 2020, environ 1,4 milliard de dollars par anNote de bas de page 121), les nouveaux enfants favoris des divisions d’entreprise sont les jeux DAC et SPC des réseaux américains, ce qui fait que US Nets exige du temps d’antenne afin de promouvoir leurs offres de DAC canadiennes comme condition de vente des droits de diffusion aux réseaux canadiens. Cette pratique a été signalée par un certain nombre de radiodiffuseurs canadiens, notamment par les réseaux américains qui ont récemment lancé leurs offres de DAC au Canada et dont la notoriété de la marque est faible (par exemple, Paramount+ affilié à CBS). Par une ironie du sort, le porte-voix de la télévision traditionnelle est reconnu par les nouveaux acteurs du DAC qui cherchent à l’abattre, mais les diffuseurs canadiens ont tellement besoin de contenu populaire qu’ils concluent des accords qui ont pour effet à long terme de les minerNote de bas de page 122.
  9. Les coûts. Les personnes interrogées font état d’une augmentation constante et importante du coût des droits, en particulier pour le tarif le plus populaire. Comme toujours, cela est dû en partie à la concurrence au sein de l’espace de radiodiffusion canadien (qui comprend maintenant Noovo, bien financé par Bell, en concurrence avec TVA pour les droits de langue française sur les émissions américaines, mais avec le potentiel supplémentaire d’achats combinés multiplateformes du marché canadien anglais-françaisNote de bas de page 123). Mais c’est aussi en partie parce que les radiodiffuseurs canadiens ne sont pas seulement en concurrence les uns avec les autres; même si la concurrence avec les SPC étrangers pour les fenêtres de diffusion linéaire est rare, la concurrence pour les droits plus larges ne l’est pas.
  10. Étendue des droits et exclusivité. Comme indiqué, les droits de diffusion de la « télévision linéaire » ont déjà été étendus de manière générale afin d’inclure la transmission par voie hertzienne, la transmission par EDR et maintenant la diffusion en continu, ainsi que de droits VSD limités. La difficulté pour les radiodiffuseurs canadiens est d’aller au-delà et de voir ce que cela signifie pour les fenêtres et l’exclusivité. Les radiodiffuseurs indiquent que les fenêtres traditionnelles sont réduites et que l’exclusivité historique des séries est menacée. De plus, pour les réseaux américains ayant des plateformes de SPC affiliées disponibles au Canada, ou potentiellement à venir, les droits de VSDA après les fenêtres de diffusion (quelle que soit la définition de ces droits) ne sont tout simplement pas disponibles – ils sont pratiquement toujours destinés ou réservés au service de SPC affilié d’un réseau américain.
  11. Qualité et cotes d’écoute. Les personnes interrogées avaient des points de vue différents sur la qualité des tarifs du réseau américain. Si la plupart des répondants ont souligné la piètre qualité des émissions de jour, un certain nombre d’entre eux ont estimé que la programmation aux heures de grande écoute demeure relativement solide, du moins par rapport aux normes historiques (par exemple, en reconnaissant que les émissions du réseau sont intentionnellement conçues pour être plus adaptées à la famille et au grand public, et qu’elles sont délibérément dépourvues d’images excessives ou graphiques, de nudité et de blasphème. La violence étant tolérée). Cela contraste avec les commentateurs de la télévision qui déplorent de plus en plus le manque d’originalité des émissions du réseau, le remaniement constant de thèmes ou de franchises à succès (par exemple, les procédures hospitalières, NCIS 347). Quoi qu’il en soit, l’élargissement du choix de programmes et la commodité des offres du DAC accélèrent l’abandon de la télévision traditionnelle. Le résultat net est, au minimum, une diminution de la qualité relative ou de l’attrait des droits de télévision traditionnels acquis proportionnellement à la baisse de la portée et de l’audience.
  12. Revenus et rentabilité. Tout ce qui précède se produit bien sûr parallèlement à un déclin de six ans des revenus et de la rentabilité de la télévision traditionnelle canadienneNote de bas de page 124. Un segment vital, déjà durement touché, de la radiodiffusion canadienne est maintenant confronté à une toute nouvelle série de défis.
  13. On peut dire qu’il y a au moins un côté positif. Grâce à Netflix et à la popularité de séries comme Money Heist et Lupin, il semble que le public canadien s’ouvre davantage aux séries non américaines, voire en langue étrangère. De plus, comme les diffuseurs de télévision traditionnelle du monde entier cherchent à lutter contre les offres de SPC étrangères, leur intérêt mutuel à produire des contenus susceptibles d’être diffusés dans le monde entier ne fera qu’augmenter. Les personnes interrogées ont toutefois averti que, même au Québec, ces spectacles non américains sont « en marge » – plus d’acclamations critiques que d’audience. À ce jour, rien n’a jamais égalé les taux d’audience élevés et constants des séries dramatiques diffusées en substitution simultanée aux États-Unis (au Canada anglais).
  14. Ces six facteurs ont une incidence différente sur la télévision facultative et, comme nous le verrons, la laissent en fait bien plus mal lotie dans certains genres.

Marché de la télévision facultative

  1. L’enfant chéri de la télévision canadienne pendant plus de trente ans – le segment qui offrait une panoplie de choix aux consommateurs et qui était à l’origine du succès et de la rentabilité des radiodiffuseurs et des distributeurs de télévision – est maintenant, selon la plupart des indications, davantage menacé par les contestations des droits sur les programmes que par le secteur de la télévision traditionnelle qu’il a réduit à moins d’un tiers de l’écoute de la télévision traditionnelleNote de bas de page 125.
  2. Presque toutes les personnes interrogées ont fait remarquer que les studios et les réseaux câblés américains consacrent des ressources à des offres de grands DAC, notamment en ce qui concerne les séries dramatiquesNote de bas de page 126. Une personne interrogée, bien informée, a parlé d’un « dépouillement des actifs afin de mettre des choses en ligne » et a indiqué que les réseaux câblés américains rencontraient « un tas de problèmes ». Et dans la mesure où ces conglomérats studio-télévision par câble sont en mesure d’alimenter leurs propres branches de DAC au Canada, plutôt que d’accorder des licences aux diffuseurs de télévision facultative canadiens, ce choix est presque une évidence. Pourquoi accepter des droits de licence en gros alors que vous pouvez vendre au détail?
  3. Les services facultatifs canadiens, dont les partenariats historiques avec les acteurs américains garantissaient l’approvisionnement en programmes, l’image de marque et la rentabilité, constatent que les robinets sont fermés, voire complètement fermésNote de bas de page 127.
  4. La disponibilité des droits de télévision facultative est devenue un problème majeur. Et même si les droits sont disponibles à un coût justifiable, la qualité est souvent moindre, et tous les problèmes évoqués plus haut à propos de la télévision traditionnelle, de l’étendue des droits à l’audience, aux revenus et à la durabilité, sont plus prononcés.
  5. Les conglomérats studio-télévision par câble-DAC alimentent de plus en plus leurs branches de DAC plutôt que d’accorder des licences aux diffuseurs de télévision facultative canadiens. Dans la mesure où les droits de télévision par câble sont disponibles, ils sont de plus en plus limités, avec généralement une petite fenêtre de rattrapage, mais aucun droit en matière de VSDA. Les personnes interrogées font également état de l’acquisition de droits nord-américains ou de la mise en place d’un partenariat pour certains programmes de télévision par câble, ce qui a pour effet de retirer les droits canadiens auparavant disponibles.
  6. Depuis quelques années, le contenu original et exclusif est devenu plus crucial pour le succès des services facultatifs. Même si les consommateurs s’abonnent à de gros forfaits et sont heureux de regarder occasionnellement un service facultatif particulier pour un vieux film ou une série télévisée disponible ailleurs, dans le monde d’aujourd’hui où le « devoir diffuser » est largement absent, les EDR, qui cherchent à réduire les coûts, ont peu de tolérance pour les chaînes qui n’apportent pas de valeur ajoutée matérielleNote de bas de page 128.
  7. En réaction, les grands radiodiffuseurs ont récupéré un certain nombre de leurs petites spécialités basées sur l’acquisition, en investissant leurs revenus en matière de production de programmes canadiens dans leurs meilleures marques – et en favorisant particulièrement les chaînes basées sur le style de vie, la réalité, le sport, les nouvelles et l’informationNote de bas de page 129. Pour éviter d’être abandonnés, les petits services facultatifs indépendants ont recherché des contenus exclusifs de niche, y compris des productions originales, se sont diversifiés dans des secteurs internationaux et ont créé leurs propres plateformes numériques, mais la plupart d’entre eux perdent encore de la pénétration à un rythme plus élevé que les services appartenant à de grands diffuseurs verticalement intégrésNote de bas de page 130. Les grands services facultatifs axés sur les séries dramatiques (par exemple CTV Drama, CTV SciFi, W et Showcase) sont maintenant particulièrement menacés – il est difficile d’imaginer qu’ils survivront tous, du moins dans leur forme actuelle. Étant donné que les grands films et séries dramatiques constituent le principal champ de bataille des SPC, il est peu probable que de nombreux contrats de production pluriannuels soient renouvelés pour ces chaînesNote de bas de page 131.
  8. Cela dit, les grands services facultatifs non basés sur les séries dramatiques – ceux qui se concentrent principalement sur les émissions canadiennes et originales, y compris les émissions en direct, et ceux qui sont associés à la poignée de réseaux par câble américains qui, jusqu’à présent, restent largement en dehors du jeu du DACNote de bas de page 132 – semblent relativement sûrs pour l’avenir prévisible.

Marchés de la télévision payante, de la VSD (traditionnelle) et de SPC

  1. En raison de la présence importante sur le marché des SPC étrangères et de l’ordonnance d’exemption du CRTC pour la VSD hybride (VSDH), les secteurs historiquement réglementés de la VSD et de la télévision à la carte (TVC) ont décliné à un rythme trois fois supérieur à celui des services facultatifsNote de bas de page 133, et, en grande partie, sont effectivement en train de fusionner avec les SPC canadiennes et d’être remplacées par les SPC étrangères.
  2. Ainsi, TMN et Super Écran de Bell fait maintenant partie de CraveTV, Vidéotron a son Club Illico et Vrai, et Rogers, qui n’a pas sa propre plateforme de SPC, fait actuellement la promotion de Disney+ et l’inclut dans son forfait Ignite TVNote de bas de page 134.
  3. Pour les raisons évoquées ci-dessus, la concurrence des SPC étrangers a des répercussions importantes sur la disponibilité, la qualité et le coût des droits de grands films et séries sur lesquels reposent les services canadiens sur demande ou de SPC.
  4. Cela devient rapidement un problème majeur pour les droits de première diffusion (après la sortie en salle) des films qui sont le pilier des services de télévision payante canadiens TMN, Super Écran et SuperChannel.
  5. Sur les cinq grands studios américains auprès desquels les services de télévision payante canadiens auraient normalement acquis les droits cinématographiques, deux (DisneyNote de bas de page 135 et Paramount) ont désormais leur propre offre de SPC au Canada et s’attachent les droits de première diffusion pour leurs propres plateformes.
  6. Les services de télévision payante canadiens sont donc en concurrence avec Netflix et Amazon Prime pour les fenêtres de première diffusion, qui sont elles-mêmes de plus en plus courtes (12 à 15 mois) et subdiviséesNote de bas de page 136. Dans l’état actuel des choses, SuperChannel a été essentiellement exclue des droits payants des grands studios, et Bell est en concurrence avec les acteurs de SPC pour les accords annuels avec Warner Bros, Sony (Columbia/TriStar), et Universal – ce dernier devrait prendre fin si (ou quand) Peacock affiliée décide de se lancer au Canada. Sony, la seule compagnie majeure indépendante, et les petites compagnies majeures indépendantes restantes (Lionsgate, STX, et DreamWorks/AmblinNote de bas de page 137) sont dans la position enviable d’avoir de nombreux soumissionnairesNote de bas de page 138, le levier de négociation étant maintenant passé du nombre historiquement limité de services payants canadiens au nombre limité de studios non alignés, les coûts étant un « train en marcheNote de bas de page 139 ».
  7. Et bien que Bell Media/Crave possède actuellement les droits canadiens des films de Warner Bros et du contenu des grandes séries de HBO, Starz et Showtime, il existe un risque sérieux que Bell ne réussisse pas à convaincre HBO de renouveler et de ne pas introduire HBOMax directement au CanadaNote de bas de page 140.
  8. Malheureusement, il est probable que la situation ne peut qu’empirer – causant du tort à la fois au secteur des EDR et au secteur naissant des services de SPC canadiens, et risquant fort d’enfermer les diffuseurs canadiens dans le vieux monde de la télévision largement linéaire des séries dramatiques qui ne sont pas de premier plan.

Genres, marchés linguistiques et autres sous-secteurs

  1. Dans le cadre des grandes distinctions fondées sur les plateformes, mentionnées ci-dessus, le système connaît des degrés de répercussions diverses. Les services opérant dans des genres ou des marchés linguistiques qui sont, par définition, plus petits, plus spécialisés et plus dépendants des contenus étrangers ou acquis, tels que les services caractère ethnique en troisième langue, et qui souffrent également du piratage, sont très vulnérables. En revanche, les services qui ont un contenu plus original – en raison des exigences de licence et du statut de « devoir diffuser » (comme l’APTN), qui sont davantage axés sur la réalité ou l’information (Weather Network, Bloomberg News, HGTV), qui ont développé leurs plateformes de distribution à l’échelle nationale et internationale (chaînes Blue Ant, OutTV) ou qui proposent un contenu exclusif très recherché (chaînes sportives), en particulier s’ils sont moins dépendants des séries dramatiques américaines (services francophones), se maintiennent ou, du moins, ne sont pas aussi vulnérables actuellementNote de bas de page 141.

Marché francophone

  1. La taille relativement petite du marché de la télévision de langue française au Canada a toujours présenté des défis uniques. Il est tout simplement beaucoup plus difficile d’amortir les coûts de la programmation télévisuelle originale sur un marché qui représente moins d’un tiers de la taille du Canada anglais.
  2. Cela dit, le caractère distinctif du Québec et la barrière naturelle que représente la langue française offrent également certains avantages sur ce marché. Les coûts de production sont, par nécessité et avec l’acceptation des consommateurs, sensiblement plus bas pour les émissions canadiennes de langue française que pour les émissions canadiennes de langue anglaise (qui sont elles-mêmes sensiblement plus basses que les émissions américainesNote de bas de page 142).
  3. Bien qu’ils soient bilingues et que leur programmation soit généralement sous-titrée et parfois doublée, les services de SPC étrangers, dont le contenu est principalement américain, ne sont généralement pas aussi attrayants pour les Canadiens francophones que les sources de télévision nationales dont la programmation en langue française est principalement originale et produite au pays. De plus, les marques américaines qui peuvent avoir une résonance au Canada anglais, comme Paramount+, Discovery+ et Peacock, ont peu de notoriété au Canada français, et ont donc beaucoup plus de travail à faire, et beaucoup moins d’avantages potentiels, pour s’établir comme des acteurs importants du DAC.
  4. Les différences notables entre les marchés télévisuels anglais et français comprennent également :
    • des offres de contenus originaux solides au Canada français qui peuvent encore atteindre des audiences importantes;
    • le système de vedettariat au QuébecNote de bas de page 143;
    • une augmentation de la concurrence (au bénéfice des consommateurs) comme entre Québécor et maintenant Bell (avec Noovo et Crave), mais aussi une coopération notable (contenu de TV5Unis sur ICI Tou.tv);
    • une dépendance relative moindre en termes d’audience et d’économie vis-à-vis des programmes américains;
    • l’aisance du téléspectateur à l’égard du doublage (généralement préféré aux sous-titres en français);
    • un historique de vente de films plus anciens (au-delà de cinq à sept ans) sur une base exclusive, par opposition à une vente généralement non exclusive au Canada anglais.
  5. Ces différences se sont, jusqu’à présent, manifestées par un marché national des droits sur les contenus francophones plus forts et un secteur de la télévision francophone plus compétitif. Par exemple, le CRTC rapporte :
    • En 2019-2020, 42 % des heures d’écoute hebdomadaires moyennes de contenus en anglais et en langues tierces ont été consacrées à des émissions canadiennes sur le marché de langue anglaise, tandis que sur le marché de langue française, 63 % des heures d’écoute de contenu de langue française ont été consacrées à des émissions canadiennes.
    • De 2018-2019 à 2019-2020, sur le marché de langue française, le nombre moyen d’heures d’écoute hebdomadaires d’émissions canadiennes de langue française a augmenté de plus de 15 heures, tandis que l’écoute d’émissions non canadiennes a diminué de 4 heures. Au cours de la même période, sur le marché de langue anglaise, le nombre moyen d’heures d’écoute hebdomadaires d’émissions canadiennes est demeuré stable, tandis que l’écoute d’émissions non canadiennes a diminué de plus de 18 heures.
    • Les francophones sont moins nombreux à regarder la télévision exclusivement en ligne que les anglophones (en 2020, 14 % contre 22 %Note de bas de page 144).
  6. Indépendamment des effets de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 145, il est difficile de ne pas voir dans la perte relativement plus faible d’heures d’écoute d’émissions non canadiennes au Canada français une indication à la fois d’un intérêt moindre des consommateurs pour les émissions étrangères et d’une dilution globale moindre de la part des SPC étrangères. De façon alarmante, cependant, de 2016 à 2020, le marché de la télévision francophone au Canada aurait subi des pertes de revenus légèrement plus importantes que le Canada anglais, notamment :
    • Un TCAC de -3,8 % de 2016 à 2020 pour les services facultatifs de langue française, contre -2,8 % pour ceux de langue anglaise;
    • Un TCAC de -6,3 % sur la même période pour les stations de télévision traditionnelles du Québec, contre un TCAC de -5,6 % pour le reste du CanadaNote de bas de page 146.
  7. De manière générale, il est juste de dire que le marché de la télévision de langue française connaît les mêmes tendances générales en matière de droits de diffusion que le Canada anglaisNote de bas de page 147, mais que celles-ci sont moins prononcées. Il est toutefois impossible de dire, du moins à ce stade, si cela signifie que les répercussions sur les radiodiffuseurs de langue française sont simplement inférieures à celles de leurs homologues de langue anglaise, ou si le marché de la radiodiffusion de langue française a un avantage inhérent et durable sur le marché de langue anglaise en ce qui concerne les droits de diffusion.
  8. Cela ne signifie pas pour autant que l’afflux d’acteurs de SPC étrangers au Canada français soit moins inquiétant. En fait, on peut dire que c’est plutôt le contraire. Non seulement les préoccupations relatives à la culture et à l’identité sont généralement plus répandues et plus présentes au Québec, mais la menace que représente pour la langue française la disponibilité croissante d’émissions en anglais est un enjeu politique majeurNote de bas de page 148. L’affinité historique du Canada anglais avec la culture américaine peut lui permettre d’être colonisé par les services de SPC américains sans grande résistance politique ou de la part des consommateurs; ce n’est cependant pas quelque chose que les Canadiens francophones accepteraient à la légère.

Programmation autochtone

  1. Les défis auxquels sont confrontés les programmes autochtones présentent des parallèles et des différences intéressants avec les marchés anglophones et francophones en général.
  2. En ce qui concerne la programmation autochtone, les questions relatives à la taille du marché ont des implications parallèles à celles qui touchent la programmation de langue française, mais elles sont évidemment beaucoup plus prononcées. Le marché des émissions de télévision en langue autochtone ou des émissions destinées à un public autochtone au Canada est trop petit pour couvrir les coûts de production; ces émissions dépendent fortement des subventions ou du soutien structurelNote de bas de page 149.
  3. Cependant, la culture autochtone en elle-même n’est pas un obstacle à la production; en fait, l’inverse est vrai. Un « réveil » en termes de conscience publique et de sensibilisation à l’histoire et au sort des peuples autochtones au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde a donné lieu à la production de séries télévisées américaines grand public sur le thème des autochtones, notamment Reservation Dogs sur Hulu aux États-Unis et Disney+ au CanadaNote de bas de page 150 et Rutherford Falls, sur Peacock aux États-Unis et Corus au CanadaNote de bas de page 151. Ces émissions américaines ont été précédées par des émissions canadiennes comme Mohawk Girls, dont cinq saisons ont été diffusées sur l’APTN entre 2014 et 2017, et qui a été reprise par Peacock en 2021 et est aujourd’hui disponible sur CBC Gem et APTN lumi au CanadaNote de bas de page 152.
  4. Un exemple canadien récent et notable est LITTLE BIRD, une série dramatique limitée de six épisodes concernant une femme autochtone qui part à la recherche de sa famille biologique et découvre la vérité cachée de son passé. LITTLE BIRD est la première fiction originale commandée par Bell Media pour Crave, en partenariat avec l’APTN, et devrait être lancée simultanément sur Crave et APTN lumi en 2023Note de bas de page 153.
  5. Pour l’APTN, la principale chaîne de télévision autochtone du Canada, les conséquences de cette ouverture sociétale plus large en termes de disponibilité des droits de diffusion sont mitigées. La sensibilisation et l’intérêt accrus pour la culture et l’histoire autochtones augmentent à la fois le public potentiel et la concurrence, mais aussi les possibilités de collaboration. Les personnes de l’APTN interrogées notent, par exemple, que non seulement elles n’ont pas pu acquérir les droits canadiens de Reservation Dogs et Rutherford Falls, mais qu’elles n’ont jamais eu l’occasion de faire une offre. De plus, compte tenu de l’intérêt des diffuseurs, la capacité de l’APTN à acquérir les droits permanents (bibliothèque) pour des émissions commandées antérieurement comme Mohawk Girls n’est pas assurée.
  6. Ainsi, bien que sa distribution de base obligatoire, son mandat d’intérêt public et ses niveaux relativement élevés de production originale, combinés à un marché « en croissance », protègent quelque peu l’APTN des tendances négatives en matière de droits de programmation et du déclin de l’univers des EDR, l’APTN (et les autres radiodiffuseurs canadiens) aura de plus en plus de difficultés à obtenir et à conserver les droits sur les séries dramatiques et les films à thème autochtone les plus populaires. Cela privera l’APTN des occasions de croissance qu’elle aurait pu avoir historiquement dans le système de radiodiffusion canadien, et la rendra plus dépendante du soutien structurel et des subventions pour réussir – en finançant davantage de programmes originaux à thème autochtone canadien, pour lesquels elle voudra obtenir des droits linéaires et VSDA pluriannuels étendusNote de bas de page 154. Un protocole d’accord entre l’APTN et CBC/Radio-Canada portant sur les programmes de divertissement et d’information, annoncé en mars 2022, laisse également entrevoir un rôle croissant du radiodiffuseur public canadien dans les programmes à thème autochtone, et, surtout, dans un esprit de collaborationNote de bas de page 155.

Diffusion à caractère ethnique

  1. La télévision à caractère ethnique au Canada est un marché hautement concurrentiel avec une gamme d’acteurs et de services, (relativement) grands et petits, exemptés et sous licence, étrangers et canadiens, en troisième langue et à prédominance anglaise. Bien qu’un commentaire concluant sur l’état du marché des droits de télévision à caractère ethnique et sur la santé de la télévision canadienne à caractère ethnique dépasse le cadre de cette étude, certaines observations générales peuvent être tirées.
  2. D’abord, la bonne nouvelle. Les statistiques du CRTC révèlent que, dans l’ensemble, les revenus des services facultatifs à caractère ethniques ont en fait augmenté de 2016 à 2020, contrairement au déclin des services facultatifs en général – un TCAC de 0,7 % contre -2,9 %Note de bas de page 156. Cela s’est produit malgré la myriade de services à caractère ethniques étrangers disponibles auprès des EDR et en ligne, y compris les sites pirates.
  3. Les stations de télévision à caractère ethniques locales OMNI de Rogers n’ont pas eu cette chance : leurs revenus ont diminué davantage en fonction des baisses subies par la télévision traditionnelle dans son ensemble – un TCAC de -5,6 % de 2016 à 2020Note de bas de page 157.
  4. Au sein de l’univers des télévisions à caractère ethniques indépendantes, les services de niche en langue tierce, plus petits et plus récents, exonérés d’impôt au Canada, dont beaucoup appartiennent à ATN et ECG, sont beaucoup plus vulnérables que les anciens services à diffusion obligatoire titulaires d’une licence, tels que TLN, ATN Channel et Fairchild.
  5. Les premiers, avec leur base d’abonnés beaucoup plus petite, leurs budgets de distribution et de programmation limités et leurs faibles niveaux de contenu canadien, sont fortement dépendants des accords de fourniture de programmes étrangers. Avec la possibilité croissante pour les services étrangers d’entrer directement, au moyen du système des EDR ou au moyen d’Internet, le modèle économique de ces services est fortement remis en question.
  6. Les plus grandes chaînes à caractère ethniques autorisées ont eu le temps et la possibilité de créer des services qui présentent davantage d’émissions canadiennes originales de nouvelles, d’information et de divertissement et, bien qu’elles soient toujours susceptibles de perdre les ententes d’approvisionnement en émissions étrangères, elles sont à la fois moins dépendantes des émissions étrangères et moins susceptibles d’être simplement contournées en faveur des chaînes étrangères. Elles sont également mieux placées pour négocier des accords de distribution des EDR plus raisonnables.
  7. Les radiodiffuseurs à caractère ethnique signalent également que le piratage reste endémique et que, contrairement à ce qui se passe dans l’espace de radiodiffusion traditionnel, les succès obtenus dans la fermeture des sites ou des plateformes pirates sont beaucoup plus rares. Le lancement par ECG de Toober (une plateforme de diffusion en continu en ligne pour les chaînes étrangères en langue tierce en directNote de bas de page 158) en 2021 peut être vu à la fois comme une autre option légitime au piratage et comme une reconnaissance du déclin des possibilités de distribution de petits services en langue tierce sur les EDR.
  8. L’importance des services à caractère ethnique canadien, et du contrôle canadien sur les services étrangers, a récemment été renforcée par les préoccupations relatives à la distribution de la propagande d’État russe par le service de télévision RT (autorisé pour la distribution par les EDRNote de bas de page 159). En vertu de la Loi sur la radiodiffusion, tous les Canadiens ont le droit d’avoir accès à une programmation de « haut niveau ». Malheureusement, les indicateurs ci-dessus suggèrent que les Canadiens de souche risquent encore plus de perdre l’accès aux services canadiens qui répondent à cette norme et « répondre aux intérêts et goûts de ceux que la programmation offerte au grand publicNote de bas de page 160 ».

Encadré sur les nouvelles

  1. La diversité, l’indépendance, la fiabilité et la crédibilité des informations sont de plus en plus vues comme une préoccupation majeure des pouvoirs publics.
  2. Les nouvelles sur deux piliers médiatiques : la presse écrite et la radiodiffusion. La presse écrite a terriblement souffert de l’Internet, mais les voix les plus fortes de la presse écrite sont en train de se stabiliser et, grâce aux nouveaux modèles numériques, de revenirNote de bas de page 161. Pendant ce temps, les informations télévisées canadiennes sont en déclin. Dans les deux cas, ce sont les nouvelles locales, dans les petites communautés, qui sont particulièrement menacées.
  3. La réalité est que les véritables informations locales n’ont jamais été et ne seront jamais très rentables. La plupart des Canadiens supposent que les informations sont « gratuites ». Le pourcentage de Canadiens qui paient expressément pour les nouvelles oscille autour de 10 %Note de bas de page 162. Et dans le modèle financé par la publicité gratuite avec lequel il existe principalement sur la diffusion, il doit être « emballé » avec d’autres contenus populaires ou profitables afin d’être viable et durable.
  4. Les nouvelles télévisées sont presque exclusivement produites par les radiodiffuseurs; ainsi, bien qu’elles ne soient pas associées à des problèmes de droits de programmation, les nouvelles sont un exemple important de contenu télévisuel qui dépend de l’écosystème qui l’entoure. La raison pour laquelle il s’agit d’un système de diffusion est que tout est lié, voire interdépendant. Bien que les nouvelles recueillent moins de la moitié de l’écoute des séries dramatiques et des comédies, en 2020, elles étaient la deuxième catégorie de contenu la plus populaire à la télévision au Canada anglais et la troisième au Canada françaisNote de bas de page 163. Les nouvelles radiodiffusées survivent et demeurent la forme la plus populaire de nouvelles consommées par les Canadiens, dans une large mesure parce qu’elles sont emballées, à la radio avec la musique, et à la télévision avec d’autres programmes nationaux et étrangers acquis.
  5. Un avenir pour des sources de nouvelles canadiennes diverses, pertinentes, fiables et convaincantes – en particulier un degré important de nouvelles locales dans les petits marchés – a donc une forte corrélation avec un marché des droits de diffusion durable.

Encadré sur les sports

  1. Les sports sont historiquement la deuxième catégorie d’émissions la plus regardée au Canada anglais, et la troisième au Canada françaisNote de bas de page 164.
  2. Le sport est estimé comme l’un des principaux points d’ancrage de la télévision traditionnelle. Il attire des partisans fidèles qui sont prêts à payer des sommes non négligeables pour le regarder. De plus, alors que les programmes sportifs sont disponibles auprès de sources télévisuelles étrangères et de SPC, les chaînes de télévision canadiennes ont des avantages concurrentiels distincts en retenant les franchises et les événements sportifs les plus populaires.
  3. Tout d’abord, la radiodiffusion sportive canadienne est dominée par deux entités intégrées verticalement et bien dotées en ressources, Bell et Rogers; les acteurs plus petits comprennent TVA Sports et MLSENote de bas de page 165. En plus d’être en mesure de tirer profit de multiples plateformes de distribution (y compris la télévision traditionnelle, facultative et payante, les EDR, le sans-fil, les FSI et les plateformes de SPC), les services sportifs canadiens bénéficient de budgets, de revenus et de dépenses importants :
    • Avec plus de 900 millions de dollars par an, le sport est la catégorie de dépenses en émissions canadiennes (DÉC) la plus élevée de la télévision traditionnelle canadienneNote de bas de page 166;
    • Comme pour les nouvelles, la grande majorité des dépenses de programmation pour les sports sont destinées à la programmation canadienneNote de bas de page 167;
    • Ensemble, les services facultatifs de sports grand public et d’informations nationales ont connu des taux de baisse de revenus moins importants par rapport à l’ensemble des services facultatifs, et représentent maintenant près de 38 % des revenus des services facultatifsNote de bas de page 168.
  4. En outre, les sports professionnels grand public présentent certaines caractéristiques uniques qui contribuent à maintenir la radiodiffusion comme moyen privilégié d’exposition télévisée.
  5. Tout d’abord, la nature des ligues sportives, la base géographique des équipes, l’amour des partisans pour leur équipe locale (qu’elle joue à domicile ou ailleurs), la valeur promotionnelle de la télévision pour encourager l’assistance aux matchs en direct, l’utilisation (bien qu’en déclin) des coupures de courant pour les matchs à domicile – tous ces facteurs favorisent l’exposition sur les diffuseurs nationaux de masse.
  6. Deuxièmement, le rôle du radiodiffuseur en tant que producteur et programmateur. Il ne s’agit pas seulement d’acquérir des milliers de titres auprès de tiers, mais de conserver et de commenter, voire de produire, la couverture des événements sportifs.
  7. Troisièmement, la nature en direct des sports; le désir d’amasser le plus grand public possible en une seule expositionNote de bas de page 169.
  8. Et quatrièmement, le coût élevé des droits sportifs et la nécessité d’amortir ces coûts sur une base de revenus aussi large que possible – ce qui favorise le modèle dominant de la télévision traditionnelle, basé sur l’abonnement et la publicité.
  9. En dépit de ces avantages et, comme indiqué précédemment, du fait que les principales marques canadiennes de sport facultatives ont lancé des versions de SPC il y a plus de quatre ans, la télévision traditionnelle a connu quelques incursions directes notables de services étrangers qui deviennent plus concurrentiels que complémentaires.
  10. DAZN (qui se décrit lui-même comme « le Netflix du sport ») et, plus récemment, fuboTV (« Le nouveau temple du football ») ont lancé des plateformes sportives mondiales, disponibles au Canada, et, ce faisant, ont retiré à TSN et Sportsnet les droits de la English Premier League (EPL) de soccer. Les deux services proposent ce qui est généralement estimé comme des sports de « niche » au Canada – avec, par exemple, fuboTV qui propose la chaîne française beIN Sports (plus de football et d’autres sports européens diversNote de bas de page 170), et DAZN, basé en Grande-Bretagne, qui propose des franchises sportives européennes semblables, et dans certains cas identiques, mais aussi notamment une couverture de la NFL et de la MLBNote de bas de page 171.
  11. Ce dernier point est révélateur de l’évolution troublante, parallèle aux mouvements des grands studios de télévision, de nombreuses ligues qui lancent leurs propres programmes de vente directe aux consommateurs. Si les services de SPC étrangers non alignés qui volent aux radiodiffuseurs canadiens les droits sur les programmes sportifs internationaux de niche sont inquiétantsNote de bas de page 172, la conservation des droits sportifs par les principales ligues sportives nationales, comme la LNH, la MBL, la LCF et la NBA, ou des franchises comme les Jeux olympiques, serait un désastreNote de bas de page 173.
  12. Jusqu’à présent, les mouvements des ligues et des principales franchises sportives vers le SPC ont été modérés et n’ont pas représenté une menace existentielle pour Rogers et Bell. Toutefois, comme c’est le cas pour la télévision traditionnelle et facultative en général, les développements (en particulier aux États-Unis) sont peut-être révélateurs de ce qui est à venir.
  13. Au début des années 2000, les principales franchises sportives nord-américaines, notamment la MLB, la LNH et la NBA, ont lancé leurs propres chaînes câblées aux États-Unis. Sous diverses formes, ces chaînes ont été mises à disposition au Canada, avec des restrictions strictes des droits de diffusion pour les équipes canadiennesNote de bas de page 174. Bien que les versions des SPC de ces services, lancées aux États-Unis, soient actuellement peu disponibles au Canada, la couverture des SPCNote de bas de page 175 pourrait atteindre une masse critique lorsque ces ligues détermineront que le fait d’opter pour la diffusion directe, en exclusivité, plutôt que d’accorder des licences pour les matchs les plus populaires de l’équipe locale à des entreprises comme Bell et Rogers, est rentable. Par ailleurs, étant donné que trois de nos principales ligues sportives – MLB, NBA et LNH – sont principalement basées aux États-Unis, l’avenir est-il aux plateformes de diffusion en continu mondiales des deux côtés de la frontière qui achètent les droits nord-américains? Une telle transition ne se fera pas du jour au lendemain, mais elle est tout à fait possible, d’autant plus que des acteurs mondiaux bien placés seraient en mesure, sur le plan économique, de subir quelques années de pertes au Canada pour y parvenir.

Mesures et surveillance

  1. Bien que le mandat de cette étude, comme ceux qui l’ont précédée, soit de fournir une analyse qualitative de l’état du marché canadien des droits audiovisuels, il convient de commenter les mesures quantitatives disponibles.

Indicateurs quantitatifs disponibles ou utiles

  1. Il ne semble pas y avoir de mesures directes utiles sur les droits des programmes. Il n’existe pas d’organisme statistique ou industriel qui assure le suivi de la disponibilité des droits des programmes sur les différentes plateformes. Sur la base de consultations avec l’industrie, on peut raisonnablement estimer, sur une base comparable à l’historique, que plus de 98 % des droits de programmation télévisuelle traditionnelle étrangère continuent d’être disponibles, tout comme environ 70 % des droits de programmation télévisuelle facultative étrangère, et que l’on peut s’attendre à ce que ces chiffres diminuent. Malheureusement, comme nous l’avons vu plus haut, la simple disponibilité des droits de diffusion linéaire n’est qu’une partie de l’histoire – elle ne parle pas du coût, de la qualité, de la disponibilité des droits de VSD et de diffusion en continu, ou de la programmation de télévision concurrentielle exclusive aux plateformes de SPC.
  2. On pourrait aussi raisonnablement estimer que l’on devrait pouvoir comparer facilement les audiences entre la télévision traditionnelle et les SPC. Malheureusement, une telle personne aurait tort. Bien qu’au Canada, Numeris fournisse des comparaisons d’ensemble de journaux et que Neilson, aux États-Unis,Note de bas de page 176 fournisse des comparaisons particulières à certains genres, les principaux organismes de mesure et les paramètres de la consommation d’Internet et de l’écoute de la télévision sont différents. La mesure typique du SPC est le nombre total de minutes vues; la mesure traditionnelle de la télévision est la minute moyenne d’audience.
  3. Comme nous l’avons déjà mentionné, les mesures quantitatives qui restent sont donc plus générales – des mesures de la santé de l’ensemble ou de certains segments du marché canadien de la télévision (comme les revenus, les audiences et les niveaux d’abonnement), plutôt que des mesures de la santé du marché des droits de diffusion plus particulièrement. L’un des problèmes que posent ces mesures, en particulier dans un marché en évolution rapide, est qu’elles peuvent souvent être en retard de douze à dix-huit moisNote de bas de page 177.
  4. Les indicateurs cumulés actuellement disponibles pour la télévision canadienne sont les suivants :
    • Audiences de la télévision traditionnelle. De 2015-2016 à 2019-2020, la moyenne des heures hebdomadaires consacrées à regarder la télévision traditionnelle a diminué en moyenne de 2,1 % par année. 
      • Néanmoins, en 2019-2020, en moyenne, au cours d’une semaine donnée, 97 % des Canadiens ont regardé la télévision traditionnelle et 71 % des Canadiens ont regardé les services de télévision sur Internet.
      • Lors de la saison 2020-2021, seule une des dix premières émissions de la télévision traditionnelle (réseau) a dépassé les 2 millions de téléspectateurs. En 2017-2018, huit émissions ont dépassé les 2 millions de téléspectateurs, et la meilleure émission en a réuni 3,85 millionsNote de bas de page 178.
    • Les revenus publicitaires de la télévision traditionnelle. De 2016 à 2020, les revenus publicitaires des stations de télévision traditionnelles privées, des services facultatifs et des services sur demande combinés ont diminué de 2,8 milliards de dollars à 2,3 milliards de dollars.
      • Comme indiqué ci-dessus, si l’on exclut YouTube et les plateformes de médias sociaux, la publicité des SPC est relativement peu développée, estimée à seulement 25 millions de dollars (par IAB Canada) en 2020.
    • Abonnés à la télévision traditionnelle. Le nombre d’abonnés aux EDR a atteint un sommet en 2012, soit 11,53 millions (83 % des ménages canadiens), et a diminué selon un TCAC de -2 % depuis, pour atteindre 10,21 millions (66 % des ménages canadiens) en 2020 (au troisième trimestre de 2021, il était de 9,8 millions de ménagesNote de bas de page 179).
    • Les revenus des abonnements à la télévision traditionnelle. De 2016 à 2020, les revenus d’abonnement des stations de télévision traditionnelles privées, des services facultatifs et des services sur demande combinés ont diminué de 3 milliards de dollars à 2,8 milliards de dollars.
    • Revenus vers les SPC. De 2016 à 2020, les revenus des SPC ont augmenté à un TCAC de 26,3 % pour atteindre un montant estimé à 3,9 milliards de dollars au Canada en 2019-2020, la majorité étant basée sur l’abonnement, et rivalisant par conséquent avec les revenus d’abonnement à la télévision traditionnelle canadienneNote de bas de page 180.
      • En 2020, 20 % des Canadiens indiquent regarder la télévision exclusivement en ligne, dont 32 % des 18-34 ans et 2 % des 65 ans et plusNote de bas de page 181.

Mesures pour l’avenir

  1. En février 2022, le CRTC a lancé un nouveau sondage annuel sur les médias numériques, qui exigera de tous les services de SPC importants opérant au Canada qu’ils fournissent des renseignements de base sur leurs activités, à partir d’un dépôt pour l’année de radiodiffusion 2020-2021 qui doit être effectué le 30 juin 2022Note de bas de page 182.
  2. Bien que le Conseil n’ait pas encore déterminé dans quelle mesure les données recueillies seront publiées sous forme agrégée, il semble raisonnable de supposer que les données recueillies permettront au moins au Conseil de valider, voire d’améliorer les estimations de revenus actuelles obtenues de sources tierces. En outre, les données recueillies concernant le nombre d’abonnements devraient permettre au Conseil de mieux appréhender la portée des SPC.
  3. Des statistiques d’écoute plus précises, y compris l’écoute relative des émissions les plus populaires et la portée entre les plateformes de SPC étrangères et les plateformes de diffusion et les SPC canadiennes, ne sont pas couvertes par l’enquête proposée et, pour les raisons mentionnées ci-dessus, sont encore difficiles à obtenir. L’importance de ce point devrait être évidente. Pour que les radiodiffuseurs canadiens puissent démontrer leur pertinence, ils doivent continuer à prouver qu’ils atteignent beaucoup plus de Canadiens (avec des nouvelles, des sports et du divertissement) sur leurs plateformes combinées de radiodiffusion et de SPC que les fournisseurs étrangers. Espérons que Numeris au Canada aidera à relever ce défiNote de bas de page 183.

Conclusions

  1. Ligne supérieure :
    • La santé du marché canadien des droits sur les programmes a-t-elle subi de sérieux revers au cours des trois à cinq dernières années? Oui.
    • Un marché viable de taux de programmes canadiens distincts est-il en danger sérieux et relativement imminent? Oui.
    • Est-il susceptible de tomber à zéro? Probablement pas, mais c’est mauvais et ça va empirer.
    • Combien de temps avons-nous? La meilleure estimation, compte tenu des tendances actuelles : trois ans. Trois ans pour que les pouvoirs publics décident s’ils doivent continuer à se tenir à l’écart ou essayer de combattre ces tendances.
  2. Des prévisions plausibles ont mis fin aux scénarios pessimistes et optimistesNote de bas de page 184 :
    • Pire scénario : La politique publique continue à ne rien faire ou presque pour consolider le système de radiodiffusion détenu et contrôlé par le Canada, ce qui signifie que trois ans avant que HBO Max, NBC Universal, etc. n’établissent leurs propres secteurs de DAC au Canada, les droits de diffusion des programmes télévisés étrangers les plus populaires ne sont plus disponibles ou leur coût devient prohibitif, et les principaux radiodiffuseurs canadiens perdent tellement d’émissions de divertissement incontournables qu’ils perdent leur public et leurs annonceurs, et que le système perd sa masse critique.
    • Meilleur scénario : La politique canadienne en matière de radiodiffusion commence à se retourner, à réintroduire et à renforcer les mesures matérielles qui avantagent les radiodiffuseurs canadiens par rapport aux radiodiffuseurs étrangers sur le marché canadien (financement de l’accès et du contenu, en particulier), à augmenter le coût relatif des secteurs canadiens directs aux consommateurs par rapport aux secteurs de gros historiques pour les principaux réseaux et studios américains, et, combiné à un marché de SPC canadien encombré, désorienté et aux rendements décroissants, fait en sorte que (a) les derniers acteurs américains qui n’ont pas encore pénétré le marché canadien avec des secteurs de DAC, se retirent (b) les nouveaux venus étrangers marginaux de SPC (peut-être Discovery+ et Paramount+) se retirent, (c) les principaux acteurs canadiens réinvestissent plutôt que de récolter des changements et (d) la programmation canadienne et les diffuseurs indépendants prospèrentNote de bas de page 185.
  3. Nous savons que la télévision linéaire n’est pas morte; nous savons que les plateformes appartenant aux diffuseurs canadiens (traditionnelles et SPC, combinées) pour le contenu linéaire et sur demande ont un taux de pénétration plus élevé que celles des meilleurs acteurs de SPC étrangers; et nous savons que, bien qu’il y ait des limites à la quantité de télévision que les gens regarderont et paieront, le marché de la publicité vidéo (traditionnelle et en ligne) connaît une croissance importante. Nous savons que les émissions canadiennes, dans tous les genres, sont plus fortes et reflètent mieux le Canada que jamais auparavant.
  4. Nous savons que la principale concurrence des SPC étrangers se situe sur le plan des films portant sur l’actualité à gros budget, des superproductions, de l’attrait mondial et des séries dramatiques « palpitantes »; que l’efficacité de base des télédiffuseurs traditionnels se réduit aux sports, aux nouvelles et à l’information, à la réalité, au style de vie – y compris les programmes plus particuliers au Canada et à ses communautés, qui dont on peut plus facilement tirer profit à l’échelle nationale. Le risque immédiat est que, dans le domaine des dramatiques, les radiodiffuseurs canadiens soient limités à de courtes fenêtres de diffusion linéaire de première diffusion pour la quantité limitée de produits américains qu’ils peuvent obtenir.
  5. Nous savons que le système de radiodiffusion détenu et contrôlé par les Canadiens, dans son intégralité, englobe une plus grande variété de programmes et d’options de livraison que le marché des SPC étranger au Canada. Il existe de plus en plus de moyens pour les Canadiens d’opter, avec plus de facilité, à différents prix, pour différents types de contenus fournis par les diffuseurs canadiens.
  6. Nous savons que l’industrie canadienne de la radiodiffusion est en déclin, et nous nous attendons à ce que ce déclin se poursuive pendant un certain tempsNote de bas de page 186, mais nous voyons des raisons pour lesquelles ce déclin pourrait se stabiliser.
  7. Comment évaluer l’état du marché des droits des programmes canadiens aujourd’hui? 6 sur 10 dans l’ensemble :
    • 8 sur 10 en télévision linéaire traditionnelle. Les droits linéaires traditionnels sur les programmes étrangers sont encore largement disponibles, mais leurs coûts sont de plus en plus disproportionnés par rapport à leur valeur, et le modèle économique de la télévision traditionnelle, soutenu par la publicité, reste problématique;
    • 6 sur 10 pour la télévision linéaire facultative. La disponibilité et les coûts des droits sur les programmes étrangers constituent un problème croissant;
    • 4 sur 10 pour le radiodiffuseur de télévision payante ou de VSD. Au fur et à mesure que les accords de production pluriannuels préexistants expirent, les diffuseurs canadiens sont de moins en moins en mesure d’acquérir les droits de télévision payante et de vidéo sur demande pour la programmation étrangère, et dans la mesure où ces droits deviennent disponibles, il y a de nombreux soumissionnaires étrangers et nationaux. Les radiodiffuseurs canadiens risquent d’être exclus de la majorité des séries dramatiques étrangères haut de gamme et des droits sur les films actuels, ce qui risque d’accélérer encore l’abandon du câble.
  8. Pourquoi est-ce important? Cela est important en raison d’enjeux économiques, sociaux, culturels et démocratiques.
    • Sur le plan économique, parce que le secteur canadien de la radiodiffusion contribue pour 9,1 milliards de dollars au PIB du CanadaNote de bas de page 187.
    • Sur le plan social, parce que les objectifs clés de la politique sociale que sont la réflexion, la diversité et l’accessibilité ne seront pas facilement atteints sans un secteur canadien de la radiodiffusion fort et dynamique.
    • Sur le plan culturel, parce que la production, le conditionnement et la promotion d’émissions canadiennes et autres par des radiodiffuseurs canadiens, plutôt que par des conglomérats étrangers, constituent une contribution importante.
    • Sur le plan démocratique, parce que les médias d’information canadiens, forts et diversifiés, ont besoin de la télévision canadienne.
  9. En d’autres termes, le niveau de subvention gouvernementale annuelle directe, à l’exclusion des crédits d’impôt, qui va à la programmation canadienne et soutient la production économique, sociale, culturelle et démocratique du système de radiodiffusion est inférieur à 2 milliards de dollars. Ce chiffre comprend le crédit parlementaire de CBC/Radio-Canada et le soutien gouvernemental au FMC, à l’ONF et à Téléfilm. La subvention indirecte à la programmation canadienne découlant de la réglementation peut être estimée de façon prudente à plus de deux fois ce montant. Cela comprend les dépenses directes telles que les contributions des EDR, les dépenses « supplémentaires » des radiodiffuseurs en matière de programmation canadienne et la valeur de mesures telles que la diffusion simultanée, les règles d’accès, la prédominance des services canadiens et les règles d’entrée relatives aux services étrangersNote de bas de page 188.
  10. Quelle est la probabilité que cette valeur réglementaire annuelle d’environ 4 milliards de dollars soit entièrement remplacée si le marché des droits de diffusion s’effondre? Patrimoine canadien a évalué la valeur potentielle des contributions des entreprises en ligne au contenu et aux créateurs canadiens à 830 millions de dollars par an d’ici 2023Note de bas de page 189. Et si le gouvernement actuel a augmenté les subventions directes à CBC/Radio-Canada, au FMC et à Téléfilm, peut-on raisonnablement s’attendre à ce qu’il en fasse davantage et un futur gouvernement réduirait-il ces subventions? Les subventions peuvent en théorie remplacer la réglementation structurelle, mais dans la pratique, le niveau des subventions publiques qui seraient nécessaires pour compenser les pertes de la valeur pécuniaire de la réglementation serait suffisamment élevé pour rendre cette perspective improbable ou peu fiable.
  11. Ou, dans le langage plus conservateur des consultants traditionnels, le système de télédiffusion détenu et contrôlé par le Canada semble être sur le point d’atteindre un point de basculement à court terme. Dans la mesure où les décideurs publics envisagent de prendre des mesures correctives, ils ne doivent donc pas supposer qu’ils disposent de plus de quelques années pour le faireNote de bas de page 190.

Implications pour les politiques publiques

  1. Au cours des 15 dernières années, le Canada a observé la marée montante des SPC étrangères, mais est resté à l’écart en matière de politique publique. Pour des raisons qui semblaient avoir du sens à l’époque, nous nous sommes laissés convaincre qu’Internet était quelque chose de complètement différent, que rien de la politique et de la réglementation préexistantes en matière de radiodiffusion ne pouvait ou ne devait être raisonnablement adapté à la radiodiffusion en ligneNote de bas de page 191.
  2. Le rapport du groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications de janvier 2020, avec son sous-titre le temps d’agir, a mis en avant à la fois l’urgence de la situation et la double notion que l’actuelle Loi sur la radiodiffusion permet au CRTC de réagir et qu’une réforme législative est souhaitable. Au moment de la rédaction du présent document, le projet de loi C-11, la Loi sur la diffusion continue en ligne était à l’étape de la deuxième lecture.
  3. Outre l’adoption du projet de loi C-11, l’année 2022 pourrait donner lieu à d’autres développements législatifs importants relatifs à la radiodiffusion, notamment une loi sur les nouvelles en ligne, qui garantirait que les plateformes de médias numériques paient pour leur utilisation du contenu des nouvelles imprimées et diffusées. Note de bas de page 192
  4. Le présent document n’a pas pour mandat d’informer ou d’influencer les décisions particulières en suspens du CRTC, du gouvernement fédéral ou du Parlement.
  5. Toutefois, il semble juste de dire que si le temps était compté en janvier 2020, il ne l’est que davantage vingt-six mois plus tard.
  6. De plus, il n’est pas certain que les mesures politiques actuellement envisagées – qui mettent l’accent sur l’extraction de contributions des acteurs en ligne – sont à même d’assurer la survie et la viabilité d’un système de radiodiffusion détenu et contrôlé par des Canadiens.
  7. Dans la mesure où il y a un intérêt pour renforcer le soutien aux radiodiffuseurs canadiens, il semble important de reconnaître les avantages et les inconvénients des divers instruments qui sont, du moins théoriquement, à la disposition des décideurs. Ils seront regroupés ici en trois catégories générales : les subventions, les subventions croisées internes et les mesures structurelles (la réglementation pouvant jouer un rôle dans les trois cas).
  8. Les mesures de subvention comprennent les crédits d’impôt (comme le crédit d’impôt pour la production de films ou de vidéos canadiens), l’accès aux fonds publics (comme le FMC et Téléfilm) et le financement direct (par exemple, le crédit parlementaire pour CBC/Radio-Canada et le Fonds d’urgence relatif à la COVID-19 pour soutenir les organismes chargés de la culture, du patrimoine et du sport), les exigences privées non axées sur le marché (comme le financement du FMC par les EDR, les fonds de production indépendants et le FNLI), et les mesures proposées comme les contributions des entreprises en ligne et la mise en œuvre du modèle australien de soutien aux nouvelles. Tout indique que les mesures de subvention sont l’approche actuellement privilégiée par le gouvernement.
  9. Les subventions peuvent être avantageuses pour les bénéficiaires en tant « qu’argent comptant », mais, en particulier pour les fonds, elles sont généralement davantage souscrites, soumises à des critères non objectifs et faisant l’objet de changements et à des incertitudes dans le temps. En outre, en ce qui concerne le soutien à l’information, les fonds soulèvent de plus grandes inquiétudes quant au potentiel d’ingérence de l’ÉtatNote de bas de page 193.
  10. Les subventions croisées internes, généralement rendues possibles par des mesures structurelles, ont été historiquement le moyen privilégié en vue de soutenir la programmation canadienne diffusée par les diffuseurs privés. Une étude du marché des droits de diffusion est en fait une étude de la santé du principal modèle de subvention croisé de la radiodiffusion privée, à savoir l’utilisation des profits de la programmation américaine afin de subventionner la programmation canadienne au moyen des exigences en matière de DÉC. Au cours des deux dernières décennies, d’autres subventions croisées ont également pris de l’importance, notamment la subvention croisée des stations de télévision moins rentables par les plus rentables et la subvention croisée effective de la télévision traditionnelle par la télévision facultative, qui évolue maintenant, avec le déclin de la rentabilité des services facultatifs, vers des subventions croisées effectives plus larges au sein des grands groupes de médias (y compris la radio et les activités des EDRNote de bas de page 194). Il semble également exister une perception, tant au sein du public que dans les milieux politiques, selon laquelle les plus grandes entités intégrées verticalement, comme Bell, Rogers et Québécor, devraient utiliser leurs services rentables de télécommunications sans fil et de FSI afin de subventionner leurs activités de radiodiffusionNote de bas de page 195.
  11. La difficulté des subventions croisées en dehors d’un service ou d’une plateforme particulière (comme un groupe ou un réseau de télévision traditionnel) est que, dans un marché hautement concurrentiel, il est difficile de compter sur elles à long terme. Les dirigeants de Corus, Québécor Média, Rogers Media ou Bell Media peuvent être généralement évalués en ce qui a trait à leur performance globale et avoir la latitude de maintenir des segments non rentables pendant un certain temps, mais en fin de compte, les opérations qui ont peu ou pas de perspectives de rentabilité ne peuvent être maintenues – surtout lorsque les revenus et les marges de l’ensemble sont en déclin. Il s’agit en fait d’un défi auquel tous les télédiffuseurs privés canadiens sont de plus en plus confrontés; et bien que les prédictions de réductions importantes faites ces dernières années ne se soient pas encore concrétisées, des coupes importantes dans les opérations, y compris dans le personnel, ont eu lieuNote de bas de page 196.
  12. De plus, les subventions croisées ne peuvent fonctionner que dans le contexte d’un « marché réglementaire » significatif ou d’un quiproquo. On ne peut tout simplement pas attendre des entreprises privées qu’elles fassent certaines choses, simplement parce qu’elles les ont faites dans le passé ou parce que « c’est la bonne chose à faire ».
  13. L’hypothèse selon laquelle les subventions et les subventions croisées actuelles peuvent continuer à empêcher des réductions encore plus importantes, y compris, en fin de compte, du nombre de services canadiens de télévision facultative et locale actuellement en activité, est donc, au mieux, imprudente.
  14. La question de politique publique est donc de savoir si les nouvelles subventions directes peuvent être suffisamment importantes afin de soutenir la radiodiffusion privée canadienne (comme c’est le cas, dans une large mesure, pour la production canadienne) ou si la politique publique doit revenir à la boîte à outils des mesures structurelles.
  15. Du point de vue de la perception, le défi que représente le fait de subventionner directement les principaux diffuseurs à partir des caisses de l’État est vu clairement dès les premiers mois de la pandémie de COVID-19. La réaction négative à l’égard de l’accès de ces radiodiffuseurs au programme de Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) était évidente, malgré le lien évident entre cette aide et la diffusion des nouvellesNote de bas de page 197. En outre, bien que le recours à des subventions indirectes (y compris les contributions des entreprises de radiodiffusion étrangères ou les négociations obligatoires pour la distribution des nouvelles) puisse être quelque peu acceptable pour les radiodiffuseurs cotés en bourse, le fait de dépendre directement de subventions gouvernementales permanentes et explicites ne le sera probablement pas.
  16. Ainsi, alors que les nouvelles mesures structurelles qui sont prima facie restrictives ou fondées sur la permission (telles que les listes de services admissibles à la distribution) peuvent ne pas être estimées appropriées pour les offres de télévision sur InternetNote de bas de page 198, les mesures structurelles qui avantagent financièrement ou donnent la priorité aux services de radiodiffusion détenus et contrôlés par des Canadiens (telles que la déductibilité fiscale de la publicité sur Internet, la tarification zéro de l’utilisation des données sans fil, l’accès préférentiel au financement de la production canadienne et les mesures élargies de protection des droits) devraient être sérieusement envisagées.

Annexe A – Déclarations d’inquiétude croissante sur l’état du marché des droits du programme : 2007 à 2021

Étude de l’auteur 2007 :

Le document de 2007 cernait cinq mesures en matière de politique publique qui soutenaient un marché canadien des droits distinct, ainsi que leurs « dimensions économiques, culturelles et sociales ».

  1. Déductibilité fiscale de la publicité, conformément au paragraphe 19.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu;
  2. Les mesures de protection des droits des programmes directs (qui profitent principalement à la télévision traditionnelle) telles que la substitution simultanée;
  3. Les obstacles à l’entrée directe de l’étranger, tels que la liste des services par satellite admissibles à l’époque et la protection des genres (bénéficiant principalement à ce que le CRTC appelait alors les services payants et spécialisés canadiens);
  4. Distribution préférentielle des services canadiens, y compris la distribution prioritaire des stations de télévision locales, la distribution obligatoire de certains services spécialisés « d’intérêt public » [alinéa 9(1)h)], les règles d’accès pour les autres services spécialisés et les règles d’étagement et de liaison afin d’assurer la prédominance des services spécialisés et payants canadiens dans tous les forfaits de canaux des EDR;
  5. Les critères d’entrée sur le marché pour l’octroi de licences aux nouveaux radiodiffuseurs locaux et, historiquement, les limites de la publicité.

Le document évoque la non-application de ces mesures aux « nouvelles plateformes médiatiques » et leur efficacité réduite par rapport aux acteurs réglementés, et affirme :

Il n’est pas déraisonnable de supposer que sans un soutien supplémentaire de la part des pouvoirs publics, le marché canadien des droits sur les programmes serait menacé si et quand le marché en ligne :

Le fait de s’adresser directement (« au détail ») aux Canadiens plutôt que de passer par les diffuseurs canadiens (« en gros ») serait une équation économique très simple.

Le document se concluait par ce qui suit :

La question devient celle de la théorie du « point de basculement ».

Y a-t-il un moment où l’efficacité réduite des mesures existantes bénéficiant aux radiodiffuseurs canadiens, combinée à leur non-application aux nouvelles plateformes médiatiques, mine complètement le marché canadien distinct des droits? Et si oui, que peut-on ou doit-on faire à ce sujet?

Étude d’auteur 2011 :

En plus des facteurs cernés au paragraphe 21 ci-dessus, l’étude de 2011 a ciblé le plus grand risque sous-jacent pour le marché canadien des droits comme étant le passage au visionnage à la demande, et avec lui, le passage aux plateformes de télévision en ligne et mobiles qui ne font pas partie du « jardin clos » réglementé de la radiodiffusion canadienne. Il a indiqué :

Plus les téléspectateurs se tourneront vers la télévision sur demande et en ligne, plus le marché canadien des droits subira de pressions. Malgré une forte intervention concurrentielle des radiodiffuseurs et des EDR canadiens, les entreprises canadiennes constateront une diminution de leur part de marché à l’avantage des fournisseurs étrangers en marge du réseau, lesquels attireront plus de téléspectateurs et de revenus avec un contenu inférieur ou moindre, en raison du prix et de la commodité de leurs services. Le fournisseur en marge du réseau tire avantage d’une transition accrue vers la télévision à la demande : il touche une plus grande part du marché et est ainsi mieux placé pour améliorer sa programmation. Pour les radiodiffuseurs canadiens, cette situation signifie qu’ils disposent d’un revenu moins élevé pour acheter la programmation étrangère qui constitue leur avantage concurrentiel. Le cycle continue et encourage davantage les studios à vendre aux fournisseurs étrangers en marge du réseau au Canada, particulièrement à leurs propres services particuliers ou services affiliés (p. ex. Hulu).

Étude de l’auteur de 2014

En 2014, les auteurs ont conclu que, même si les pressions continuaient à s’intensifier, le marché canadien des droits restait sain et, sauf perturbation importante, devrait le rester au moins à moyen terme. Il a indiqué :

La grande majorité des droits télévisuels multiplateformes devraient continuer à être achetés et vendus au Canada séparément des autres administrations – que ce soit des États-Unis ou d’autres pays – dans un avenir prévisible. À moins d’une perturbation importante, le degré de perte de programmes, de visionnement et de revenus au profit des acteurs de SPC étrangers à moyen terme ne devrait pas être d’une ampleur telle qu’il compromettrait la viabilité du marché canadien des droits.

Néanmoins, l’étude décrit également des scénarios qui pourraient avoir un effet important – notamment des risques réglementaires dans l’immédiat et, à moyen et long terme, des risques technologiques ou compétitifs. En ce qui concerne ce dernier point, l’étude indiquait un certain nombre de points de basculement potentiels qui pourraient avoir des répercussions perturbatrices sur le marché canadien des droits.

Rapport BoonDog 2017

Le modèle économique traditionnel des diffuseurs et des compagnies de médias canadiens dépend de l’existence d’un marché des droits distinct pour le Canada. Dans le marché actuel des droits de programmes, qui est en pleine évolution, cela ne peut plus être garanti.

Rapport du CRTC de 2018 Emboîter le pas au changement

Parmi les aperçus du marché que le Conseil présente dans ce rapport figure le numéro 14 :

Les marchés actuels des droits de programmation télévisuelle seront difficiles à départager.

Les studios américains dominent toujours les investissements dans le contenu télévisuel. Ces investissements dépendent de la segmentation des droits de contenu répartis entre des distributeurs et fournisseurs de services qui font partie d’un réseau mondial. Même si les détenteurs de droits américains auront la possibilité de traiter directement avec les consommateurs en ligne comme le font leurs concurrents qui offrent uniquement des services en ligne, dénouer les relations d’affaires de longue date et les accords à long terme sur la fourniture de contenu entre ces détenteurs de droits américains et leurs partenaires mondiaux – chacun d’entre eux devant protéger ses propres intérêts – sera compliqué sur le plan pratique et pourrait prendre des années. Cette difficulté sera aggravée par les services en ligne qui commencent à bonifier leur offre de contenu sur demande par l’ajout de chaînes de télévision linéaire existantes en ligne restreintes géographiquement. On peut citer comme exemple le lancement, aux États-Unis uniquement, de services d’abonnement à la télévision en ligne tels que YouTube TV, Hulu, DirecTV Now et SlingTV.

Quatre ans plus tard, il est juste de dire que le Conseil a surestimé le « défi » que représentait le fait que les détenteurs de droits américains s’adressent « directement aux consommateurs en ligne ».

Présentation de Telus en 2019 au groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications (citant le rapport BoonDog de 2017Note de bas de page 199)

… le marché distinct des droits sur les programmes canadiens, qui a permis aux entreprises médiatiques canadiennes de bâtir des modèles d’affaires basés sur la revente de contenu étranger (ce qui n’est pas le cas de leurs propres productions locales), est en train de s’éroder.

Rapport du groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications

Soutien des services médiatiques étrangers au contenu canadien

L’idée d’exiger des services de programmation étrangers qu’ils soutiennent le contenu canadien comme condition pour pouvoir faire affaire au pays n’est pas nouvelle. Ce qui serait nouveau, toutefois, c’est l’application de ce principe à Internet et la façon à privilégier pour y arriver.

Les services de contenu médiatique étrangers font partie du panorama canadien depuis plusieurs dizaines d’années.

En effet, au début des années 1970, le CRTC a autorisé les EDR à transmettre les signaux de chaînes américaines (à l’heure actuelle, ABC, CBS, NBC, Fox et PBS) sur tous les marchés canadiens, et non seulement ceux situés près de la frontière, où les signaux étaient offerts gratuitement en ondes.

À l’époque, des annonceurs canadiens achetaient de la publicité à certaines stations américaines frontalières en fonction de leur pénétration dans ces marchés, ce qui sapait les revenus des télédiffuseurs canadiens. Lorsque le CRTC a autorisé les EDR à transmettre les signaux de chaînes américaines, il a imposé une règle selon laquelle, quand une station canadienne acquérait les droits d’une émission diffusée par une station américaine, l’EDR était tenue de remplacer le signal d’une chaîne de télévision américaine par celui d’une chaîne canadienne qui diffusait la même émission au même moment. Au fil du temps, cette politique de la « substitution simultanée » a permis de rapatrier au Canada des millions de dollars en revenus publicitaires (estimés par le CRTC à 250 millions en 2012-2013), tout en permettant l’entrée au pays de signaux étrangers.Note de bas de page 200

Dans les années 1980, le CRTC a dû réfléchir à la manière d’introduire de nouveaux services de contenu médiatique au moyen de la télévision par câble et a décidé d’accorder des licences pour les versions canadiennes des services de contenu médiatique américains les plus populaires. En conséquence, les entreprises canadiennes ont obtenu des licences pour rendre disponible le contenu de services étrangers tels que HBO, Discovery, History, Disney, HGTV et MTV. Cela s’est accompagné d’engagements importants en matière de contenu canadien.

Le CRTC a également permis à un certain nombre de services étrangers d’entrer au Canada au moyen de contrats d’affiliation avec des EDR canadiennes, sous réserve de quatre conditions : 1) le service ne pouvait pas être en concurrence directe avec un service de programmation canadien, 2) il ne pouvait pas vendre de publicité sur son service à des annonceurs canadiens, 3) au lieu des « disponibilités locales » (généralement une à deux minutes par heure utilisées par une EDR afin de fournir de l’information aux clients ou promouvoir ses propres services) sur ces signaux, les EDR étaient tenues de promouvoir des émissions canadiennes et 4) une redevance de 5 % s’appliquait aux revenus d’abonnement du service étranger, payée par l’EDR pour soutenir le contenu canadien.

Grâce à ces moyens, l’introduction de services étrangers au Canada s’est donc faite sur une base qui soutient la production et la distribution de contenu canadien.

Annexe B – À propos de l’auteur

Peter Miller est un ingénieur et un avocat spécialisé dans les communications. Il a plus de trente ans d’expérience dans les secteurs de la radiodiffusion, des télécommunications et de la création, tant dans le secteur privé qu’à des postes de direction. Depuis 2006, il agit en tant que conseiller indépendant auprès de clients sélectionnés dans les secteurs public et privé, se spécialisant dans les répercussions de la technologie numérique.

La pratique de Peter est largement axée sur les médias, mais elle est très variée en matière de types de clients et de nature des missions. Parmi ses clients, on compte de nombreux petits et grands radiodiffuseurs privés, des fournisseurs de services de télécommunications, des associations commerciales, des producteurs, des syndicats et des guildes, ainsi que des entités publiques, notamment Patrimoine canadien, le FMC, le Bureau de la concurrence, le CRTC, la ville de Mississauga, la SODIMO et le ministère des Industries du patrimoine, du Sport, du Tourisme et de la Culture de l’Ontario. Les missions elles-mêmes ont inclus la défense des intérêts juridiques et réglementaires, l’analyse des politiques publiques, la planification stratégique et les exercices de répercussions économiques.

Au cours de la dernière décennie, Peter a effectué des recherches et rédigé un certain nombre de rapports publics et privés relatifs aux industries créatives, notamment sur les tendances des médias numériques, la convergence et le futur paysage de la production et des médias. Voici un échantillon des rapports :

Contexte supplémentaire

Le parcours professionnel de Peter comprend la pratique privée du droit des communications et des postes de direction dans le secteur de la radiodiffusion.

De 2008 à 2009, Peter a été directeur de l’exploitation de S-VOX, le groupe d’entreprises Vision TV. À ce titre, il a supervisé les opérations et l’infrastructure de diffusion de l’organisation, ainsi que ses fonctions de marketing, de communication, de vente de publicité, de développement commercial, d’affaires juridiques, de réglementation et de relations avec les affiliés.

De 2002 à 2005, Peter a occupé le poste de vice-président de la planification et des affaires réglementaires de CHUM Limited, où il était le principal conseiller stratégique sur les développements de l’industrie et les possibilités de croissance pour CHUM Limited, et où il était responsable de toutes les facettes des affaires réglementaires du CRTC et des relations gouvernementales. Avant de faire partie du CHUM en 1998, Peter était premier vice-président et avocat général de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), responsable de toutes les questions politiques et juridiques pour la radio, les services spécialisés et la télévision.

Peter a commencé sa carrière dans la conception de réseaux téléphoniques chez Bell Northern Research à Ottawa. Son expérience comprend également la fonction d’assistant parlementaire à la Chambre des communes.

Peter est un commentateur fréquent du secteur et a participé activement à de nombreux conseils et comités du secteur. Peter est ancien professeur auxiliaire en droit des communications à la Osgoode Law School, ancien président d’Interactive Ontario, ancien président du Conseil des services spécialisés et payants de l’ACR, ancien trésorier de Canadian Digital Television, ancien membre du Conseil du film de Toronto et membre actuel du conseil de circonscription du Centre for Addiction and Mental Health.

Il est possible de communiquer avec Peter par courriel peter@petermiller.ca ou au moyen de twitter @peterhmiller

Date de modification :