Décision de télécom CRTC 2023-54

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 12 janvier 2021

Ottawa, le 8 mars 2023

Dossier public : 8622-C347-202100080

Opérateurs des réseaux concurrentiels Canadiens – Demande d’accès temporaire à des installations par fibre jusqu’aux locaux des abonnés

Sommaire

Le Conseil refuse la demande des Opérateurs de réseaux concurrentiels Canadiens (ORCC) en vue d’obtenir une ordonnance exigeant que les grandes entreprises de services locaux titulaires et les grandes entreprises de câblodistribution titulaires prévoient la revente de tous les services Internet de détail qu’elles fournissent au moyen de leurs installations par fibre jusqu’aux locaux des abonnés (FTTP).

Le Conseil estime que le dossier associé à la présente instance est incomplet. Il est également préoccupé par le fait que la demande des ORCC comporte plusieurs inconvénients. Le Conseil reconnaît toutefois que, depuis qu’il a reçu la demande, il y a eu des développements préoccupants dans le marché et l’environnement réglementaire. À cause de ces préoccupations, le Conseil amorce, par le biais de l’avis de consultation de télécom 2023-56, une instance visant à examiner le cadre des services AHV de gros du Conseil. Dans le cadre de cette consultation, le Conseil a mis sur pied un processus accéléré pour évaluer si l’accès de gros temporaire aux installations FTTP au moyen d’une plateforme de services AHV groupés devrait être obligatoire, en attendant le résultat de l’instance plus large. Le Conseil estime qu’il s’agit de la façon la plus rapide de garantir que le cadre des services de gros répond aux besoins des consommateurs.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande des Opérateurs de réseaux concurrentiels Canadiens (ORCC), datée du 8 janvier 2021. Dans cette demande, les ORCC demandaient une ordonnance exigeant que les grandes entreprises de services locaux titulaires (ESLT)Note de bas de page 1 et les grandes entreprises de câblodistribution titulairesNote de bas de page 2 (collectivement les entreprises titulaires) prévoient la revente de tous les services Internet de détail qu’elles fournissent au moyen de leurs installations par fibre jusqu’aux locaux des abonnés (FTTP) à des tarifs réglementés. Les ORCC ont demandé que cette ordonnance reste en vigueur jusqu’à ce que le Conseil tire des conclusions dans le cadre de l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2020-187, des instances tarifaires subséquentes et diverses autres instances relatives au cadre réglementaire des services d’accès haute vitesse (AHV) de gros.
  2. Les ORCC ont indiqué que diverses instances ouvertes relatives aux installations FTTP démontrent qu’il n’y a pas de configurations de services AHV de gros dégroupés praticables au Canada. Ils ont ajouté que si de telles configurations devenaient disponibles, il faudrait des années pour rendre définitifs les tarifs et les modalités de la fourniture de services AHV de gros dégroupés viables. Les ORCC ont argué que les ESLT déploient rapidement leurs installations FTTP et qu’à mesure que cela se produit, des portions plus importantes du marché des services Internet à large bande de détail ne sont pas accessibles aux concurrents en raison de l’absence d’un marché des services AHV de gros correspondant.
  3. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande des ORCC de la part d’Allstream Business Inc. (Allstream); de Bell Canada; de Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink (Eastlink); de Cogeco Communications inc., au nom de sa filiale Cogeco Connexion Inc. (Cogeco); de la Community Fibre Company; de Distributel Communications Ltd; de Frontier Networks Inc. (Frontier); de Québecor Média inc., au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron); de Rogers Communications Canada Inc. (RCCI); de Saskatchewan Telecommunications (SaskTel); de Shaw Cablesystems G.P. (Shaw); de SSi Micro Ltd, exerçant ses activités sous le nom de SSi Canada (SSi); de TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy); et de TELUS Communications Inc. (TCI); ainsi que du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP); du chapitre canadien de l’Internet Society (ISCC); de la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada Samuelson-Glushko (CIPPIC) et de l’Open Media Engagement Network.

Contexte

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a examiné son cadre des services de gros. Il a déterminé, entre autres, que les installations FTTP des entreprises titulaires sont essentielles et qu’elles seraient mises à disposition en gros au moyen des services AHV de gros dégroupés. Il a également décidé que la fourniture des services AHV de gros groupés ne serait plus obligatoire et qu’elle serait progressivement éliminée en même temps que la mise en œuvre et l’adoption des services AHV de gros dégroupés.
  2. Dans la décision télécom 2016-379, le Conseil a approuvé les configurations pour les services AHV de gros dégroupés de Bell Canada, de Cogeco, de RCCI et de Vidéotron en Ontario et au Québec.
  3. Dans l’ordonnance de télécom 2017-312, le Conseil a rendu disponibles les services AHV de gros dégroupés en Ontario et au Québec et a établi des tarifs et modalités provisoires pour ces services.
  4. Dans deux cas précédents, les ORCC ont affirmé que l’absence permanente d’accès viable aux installations FTTP des entreprises titulaires nuisait à la capacité de ses membres à livrer concurrence, et a cherché à accéder à ces installations au moyen des services AHV groupés des entreprises titulaires. Dans la décision de télécom 2018-44, le Conseil a refusé une demande des ORCC qui demandaient, entre autres, un accès de gros transitoire aux installations FTTP des entreprises titulaires au moyen des services AHV de gros groupés jusqu’à ce que des services AHV de gros dégroupés soient finalisés et mis à disposition dans une zone donnée. En 2018, les ORCC ont déposé une autre demande en vue d’obtenir l’accès aux installations FTTP au moyen des services AHV de gros groupés. Ce dossier a toutefois été fermé lors de la publication de l’avis de consultation de télécom 2020-187, et le Conseil a indiqué que la question de l’accès aux installations FTTP au moyen des services AHV de gros groupés serait reportée à une instance ultérieure.
  5. Dans l’avis de consultation de télécom 2020-187, le Conseil a fait remarquer que dans plusieurs instances, les parties ont soulevé des préoccupations liées au cadre des services AHV de gros dégroupés et, en particulier, à la conclusion de ne rendre obligatoire la fourniture de l’accès aux installations FTTP sur une base de gros que dans le cadre de tels services AHV dégroupés. En réponse à ces préoccupations, le Conseil a sollicité des observations dans cette instance sur ce qui serait un niveau de dégroupement plus approprié et les configurations associées aux services AHV de gros dégroupés.

Question

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner la question suivante dans la présente décision :
    • Le Conseil devrait-il approuver la demande des ORCC en vue d’obtenir une ordonnance obligeant les entreprises titulaires à prévoir la revente temporaire de tous les services Internet de détail qu’elles fournissent au moyen de leurs installations FTTP à des tarifs réglementés?

Le Conseil devrait-il approuver la demande des ORCC en vue d’obtenir une ordonnance obligeant les entreprises titulaires à prévoir la revente temporaire de tous les services Internet de détail qu’elles fournissent au moyen de leurs installations FTTP à des tarifs réglementés?

Positions des parties
  1. Les ORCC ont fait valoir que le Conseil a le devoir de faire en sorte que les entreprises titulaires ne se confèrent pas une préférence indue en offrant des services Internet de détail à des vitesses que seule la FTTP peut soutenir, tout en refusant aux concurrents la possibilité d’offrir ces vitesses. Ils ont indiqué que l’accès de gros aux installations FTTP des titulaires à des tarifs justes et raisonnables est nécessaire pour empêcher les titulaires d’enfreindre les paragraphes 27(1) et 27(2) de la Loi sur les télécommunications (Loi) et ont argué que la solution de revente qu’ils proposent est un moyen approprié pour mettre fin à de telles infractions.
  2. Les ORCC ont fait valoir que dans plusieurs décisions publiées à la fin des années 1990 et au début des années 2000 (décisions de télécom 99-11, 2003-87 et 2016-67) ainsi que dans l’ordonnance télécom 2004-331, le Conseil a exigé d’Eastlink et de Shaw qu’elles rendent les services de revente disponibles temporairement jusqu’à ce qu’elles rendent disponibles leurs services d’accès Internet de tiersNote de bas de page 3. Les ORCC ont argué que la même approche devrait être utilisée en ce qui concerne l’accès aux installations FTTP des entreprises titulaires, en attendant la résolution des questions structurelles relatives au régime des services AHV de gros.
  3. Les ORCC ont indiqué que la revente des services Internet de détail des entreprises titulaires fournis au moyen des installations FTTP devrait être rendue possible temporairement jusqu’à ce que toutes les questions relatives aux services AHV de gros soient résolues. Ils ont proposé que les entreprises titulaires utilisent une méthode d’établissement des tarifs fondée sur le principe du prix de détail minoré selon laquelle le service serait disponible avec un rabais de 25 % par rapport au tarif de détail le moins élevé autre que zéro facturé pendant quelconque période d’un mois, y compris tout rabais ou crédit.
  4. Les parties qui appuient la demande, soit Allstream; le CDIP; CIPPIC; la Community Fibre Company; Distributel; Frontier; ISCC; SSi; et TekSavvy, ont généralement argué que le dossier de l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2020-187 suggère que de nombreuses questions relatives aux politiques et aux tarifs en ce qui concerne un service AHV de gros dégroupé ne sont toujours pas résolues. Ces parties ont argué qu’un régime efficace de services AHV de gros ne sera probablement pas mis en place avant de nombreuses années et que, entre-temps, les concurrents pourraient être limités aux services AHV de gros groupés traditionnels. Elles ont soutenu que les limites de vitesse de ces services rendent difficile pour les concurrents de faire concurrence sur les marchés des services de détail où les consommateurs préfèrent de plus en plus les vitesses plus élevées fournies au moyen des installations par fibre. Ces parties ont argué que, bien qu’il ne s’agisse pas d’une solution parfaite, le modèle de revente des services de fibre proposé par les ORCC constitue une mesure palliative raisonnable jusqu’à ce que l’accès aux services groupés FTTP soit disponible.
  5. TekSavvy a fait valoir que sa préférence allait aux services AHV dégroupés, mais a soutenu que l’incertitude relative aux configurations et aux tarifs des services AHV de gros dégroupés rendait difficile l’utilisation de ce service. Elle a argué qu’elle soutenait, en dernier recours, le modèle de revente proposé par les ORCC.
  6. Allstream et le CDIP ont indiqué que si le Conseil approuvait la demande des ORCC, les entreprises titulaires ne seraient probablement pas dissuadées d’investir dans des installations par fibre. Le CDIP a ajouté que le modèle de revente est, à l’heure actuelle, le meilleur moyen d’encourager l’entrée efficace des concurrents sur le marché.
  7. Les parties s’opposant à la demande, soit Bell Canada; Cogeco; Eastlink; RCCI; SaskTel; Shaw; TCI; et Vidéotron, ont généralement indiqué que la proposition des ORCC minerait le cadre des services AHV de gros du Conseil. Elles ont argué que le cadre adopte une approche fondée sur les installations qui exige des concurrents qu’ils investissent dans leurs propres installations de réseaux ou qu’ils les louent à d’autres, et que le fait de rendre la revente obligatoire supprimerait toute incitation à investir dans les services AHV de gros dégroupés ou à passer à ces services.
  8. Les parties opposées à la demande ont indiqué que le Conseil avait déjà examiné la question de savoir si l’accès par fibre devait être fourni par d’autres moyens que des services AHV de gros dégroupés. Elles ont ajouté que le Conseil a refusé la demande connexe des ORCC dans la décision de télécom 2018-44 en se fondant sur le fait qu’il n’y avait pas d’écart important démontré dans le nombre d’utilisateurs finals auxquels des services Internet haute vitesse de détail peuvent être fournis au moyen d’installations des entreprises de câblodistribution. Elles ont argué que les ORCC n’ont pas non plus fourni d’éléments de preuve suffisants à l’appui de la solution demandée dans le cadre de cette instance.
  9. Bell Canada et TCI ont argué que puisque les entreprises titulaires offrent un accès de gros à leurs installations FTTP conformément à la politique et aux tarifs approuvés par le Conseil, il n’y a pas de discrimination injuste. Bien qu’il ait généralement soutenu la demande des ORCC, le CDIP a fait valoir que l’on ne peut pas dire que les entreprises titulaires font preuve de discrimination en offrant des services de gros conformément à un tarif.
  10. Les parties opposées à la demande des ORCC ont également indiqué, de manière générale, que ceux-ci ont tiré des conclusions hâtives concernant d’autres instances en cours, en particulier l’instance de reconfiguration, ou que les ORCC ont indûment traduit les préoccupations exprimées par le Conseil dans l’avis de consultation télécom 2020-187 comme étant des conclusions de fait fermes.
  11. Bell Canada a argué que les ORCC ont supposé à tort que les services AHV de gros dégroupés sont impraticables, alors que la question de savoir si les services sont réalisables est débattue dans le cadre de l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2020-187. Elle a soutenu que de nombreux participants de l’industrie estiment que les services fonctionneront et a fait valoir que les principaux obstacles à l’adoption des services sont liés aux tarifs et à l’incertitude attribuable au fait que les tarifs ne sont toujours pas définitifs.
  12. Bell Canada, Eastlink, RCCI, Shaw et TCI ont argué que, puisque le service offrant des vitesses en gigabits est disponible au moyen des services AHV de gros groupés des entreprises de câblodistribution, il n’est pas urgent de rendre l’accès FTTP disponible au moyen d’un modèle de revente.
  13. Bell Canada et TCI ont argué que, bien que le Conseil ait mis en œuvre, dans le passé, un modèle de revente temporaire pour les services AIT par câble, ces conclusions ne peuvent être appliquées au service FTTP. Bell Canada a soutenu qu’il existe de nombreuses différences entre le modèle de revente proposé et ce que le Conseil exigeait des entreprises de câblodistribution dans le passé. Par exemple, Bell Canada et TCI ont indiqué que la revente de services Internet de détail par câble n’a été offerte que pendant une courte période et à un nombre limité d’entreprises, et que la voie de transition de la revente de services de détail vers l’utilisation des services de gros était claire. Bell Canada a argué que, par contre, il y a plus de 100 clients des services de gros qui pourraient demander des services de revente temporaire, et qu’il n’y a pas de voie claire pour faire passer ces clients à des services AHV de gros dégroupés.
  14. Les parties opposées à la demande des ORCC ont également soutenu que l’utilisation d’une méthode d’établissement des tarifs fondée sur le principe du prix de détail minoré présente de nombreux inconvénients. Elles ont argué que l’adoption de cette méthode ne pourrait qu’être le résultat des conclusions hâtives concernant le dénouement de l’instance en cours sur la méthode d’établissement des coûts (voir l’avis de consultation de télécom 2020-131), dans laquelle de nombreuses parties ont indiqué que la méthode d’établissement des tarifs fondée sur le principe du prix de détail minoré constitue une approche inappropriée.
  15. Les parties opposées à la demande des ORCC ont également soutenu qu’il serait difficile de déterminer un tarif de détail de référence et le rabais qui s’appliquerait, et ont indiqué que i) si le tarif de détail le moins élevé autre que zéro était le tarif de référence utilisé, il s’agirait très probablement d’un tarif promotionnel, qui est un tarif établi en réponse à la concurrence ciblée qui ne reflète pas les prix moyens à travers les marchés élargis; et ii) les ORCC n’ont pas déposé d’étude concernant les coûts évitables pour appuyer le rabais de 25 % qu’ils proposent, et en l’absence d’une telle étude, le rabais proposé est arbitraire. Enfin, les parties qui se sont opposées à la demande ont argué que la méthode d’établissement des tarifs fondée sur le principe du prix de détail minoré fausserait le marché en supprimant toute mesure incitative pour les entreprises titulaires à offrir des tarifs promotionnels.
  16. Bell Canada a indiqué qu’il existe également des obstacles pratiques à la mise en œuvre du modèle de revente proposé par les ORCC. Elle a fait remarquer qu’elle avait commencé à développer un service pour la revente pour sa marque complémentaire Virgin Internet en 2016 et, qu’en 2021, elle n’avait toujours pas finalisé le service. Bell Canada a fait remarquer que la création d’un produit de revente évolutif, l’amélioration des processus et l’intégration de Virgin Internet à ses systèmes de commande et d’entreprise entraînaient des coûts importants. Elle a argué que la création d’un service de revente pour d’autres fournisseurs aurait des répercussions importantes sur les commandes, l’approvisionnement du réseau, le matériel des utilisateurs finals, l’assurance du service et la facturation, et qu’il faudrait du temps et des millions de dollars pour les résoudre.
Analyse du Conseil
  1. Le Conseil fait remarquer que les ORCC ont indiqué que l’accès de gros aux installations FTTP des entreprises titulaires à des tarifs justes et raisonnables est nécessaire pour empêcher les entreprises titulaires d’enfreindre les paragraphes 27(1) et 27(2) de la Loi. Le Conseil fait remarquer que les installations FTTP ont été considérées essentielles depuis 2015 et qu’actuellement, les entreprises titulaires les rendent disponibles au moyen de services AHV de gros dégroupés accessibles en Ontario et au Québec, conformément aux tarifs du Conseil. Le Conseil fait également remarquer que, dans le cadre du régime réglementaire actuel, les entreprises titulaires ne sont pas tenues de fournir un accès de gros aux installations FTTP au moyen des services AHV groupés. Toutefois, le Conseil estime qu’il est possible de réviser le cadre réglementaire, s’il l’estime nécessaire, afin d’assurer une conformité continue avec la Loi, y compris le paragraphe 27(2).
  2. Le Conseil se dit préoccupé par la solution de revente de FTTP proposée par les ORCC. Le Conseil estime qu’il est peu probable que la solution proposée permette de fournir un accès rapide aux installations FTTP, compte tenu des nombreux problèmes en matière de politiques et de mise en œuvre cernés.
  3. L’une de ces préoccupations est qu’un modèle de revente ne permet aucune différenciation concurrentielle ou valeur ajoutée par les concurrents. Comme les revendeurs ne sont pas tenus de posséder des installations, ils ne peuvent offrir que les mêmes produits que le concurrent sous-jacent, ce qui limite leur capacité à livrer concurrence efficacement.
  4. En outre, le Conseil estime que, bien que peu d’éléments de preuve aient été fournis pour indiquer le temps qui serait nécessaire pour rendre un service de revente disponible, il faudrait probablement des années pour résoudre les divers problèmes opérationnels et de mise en œuvre qui ont été cernés par les parties.
  5. En outre, le Conseil se dit préoccupé par l’application de la méthode d’établissement des tarifs fondée sur le principe du prix de détail minoré pour la revente de services Internet au moyen d’installations FTTP. Le Conseil estime qu’un grand nombre de concurrents pourraient être intéressés par la revente et que les entreprises titulaires offrent un grand nombre de forfaits de service avec des tarifs différents, dont certains ne sont pas annoncés. Dans ces circonstances, il serait difficile d’adopter un prix de référence de détail approprié. À cet égard, le Conseil fait remarquer que les entreprises titulaires favorisent généralement une tarification à l’échelle provinciale; toutefois, la tarification peut varier d’une région à l’autre sur le territoire d’une entreprise titulaire. Dans cette optique, le point de référence proposé par les ORCC, à savoir le tarif de détail le moins élevé autre que zéro facturé au cours d’une période d’un mois, pourrait fausser le marché en décourageant l’offre de promotions conduisant à des prix moins concurrentiels.
  6. Outre les problèmes relatifs à l’établissement de points de référence appropriés pour la vente des services de détail, aucun élément de preuve ne permet de justifier la réduction de 25 % des tarifs des services de détail dans le modèle proposé.
  7. Le Conseil se dit préoccupé par le fait que d’exiger de l’industrie et de lui-même qu’ils déploient davantage d’efforts pour établir un modèle de revente temporaire qui nécessiterait également d’importants processus et ressources supplémentaires ne soit pas dans l’intérêt à long terme, alors qu’un modèle de vente des services de gros plus durable et viable semble être nécessaire de toute urgence.
  8. Le Conseil fait remarquer que le dossier de la présente instance est limité et qu’aucune des parties n’a déposé beaucoup d’éléments de preuve à l’appui de la création accélérée d’un service de revente de FTTP. Néanmoins, le Conseil est d’avis qu’il existe des considérations relatives à la fourniture de services AHV de gros qui n’ont pas été discutées dans le cadre de la présente instance, mais qui sont source de préoccupation pour le Conseil.
  9. L’une de ces considérations est que, bien que les configurations existantes pour les services AHV de gros dégroupés fournissent théoriquement un accès concurrentiel aux installations FTTP des entreprises titulaires, en pratique, l’adoption des services a été très limitée en raison des préoccupations et de l’incertitude qui les entourent. L’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2020-187 visait à répondre à ces préoccupations en réexaminant les enjeux potentiels en matière de configuration qui auraient pu décourager les concurrents d’utiliser des services AHV de gros dégroupés, améliorant ainsi l’accès FTTP.
  10. Toutefois, tel qu’indiqué dans la décision de télécom 2023-53, la voie à suivre pour les services AHV de gros dégroupés est limitée. Il n’existe actuellement aucune reconfiguration acceptable qui permettrait de garantir efficacement l’adoption des services et les graves préoccupations que suscitent ces services demeurent, notamment l’absence d’accès pratique FTTP. Par conséquent, il faudra beaucoup de temps pour que les concurrents disposent d’un accès concurrentiel pratique et efficace aux installations par fibre des entreprises titulaires dans le cadre actuel des services AHV de gros. Entre-temps, les concurrents se retrouvent effectivement avec des services AHV de gros groupés comme principale option pour accéder aux réseaux des entreprises titulaires.
  11. Le Conseil estime que les services AHV de gros groupés offerts par les entreprises titulaires suscitent des préoccupations. En ce qui concerne les services AHV de gros groupés des ESLT, dans le cadre du régime actuel, les services sont disponibles à des vitesses ne dépassant pas 150 mégabits par seconde (Mbps), alors que dans de nombreux cas, les services ne sont pas disponibles à plus de 50 Mbps. Le Conseil estime qu’il s’agit d’une gamme de vitesses de moins en moins concurrentielle, car la préférence des consommateurs va clairement vers des vitesses plus élevées. En même temps, alors que les services AHV par câble offrant des vitesses en gigabits sont généralement disponibles, il semble y avoir des obstacles à l’adoption des services à des vitesses plus élevées. Cela se reflète dans les données du marché recueillies par le Conseil, qui indiquent qu’une grande majorité des fournisseurs de services Internet qui utilisent des services de gros achètent des services AHV de gros groupés à moins de 100 Mbps, même si, au niveau des services de détail, plus de 50 % de tous les ménages s’abonnent à des vitesses supérieures à 100 Mbps et que 30 % des clients des entreprises titulaires s’abonnent à des services à des gammes de vitesses les plus élevées, qui comprennent les services offrant des vitesses en gigabitsNote de bas de page 4.
  12. Le Conseil estime que la période prolongée pendant laquelle l’accès de gros aux services FTTP n’était pas disponible ou n’était disponible que dans le cadre d’une configuration de services dégroupés a poussé de plus en plus les concurrents vers les fournisseurs de services AHV de gros par câble. Le Conseil fait remarquer que des données récentes du marché montrent que les ESLT déploient la fibre à un rythme rapide tout en mettant hors service les installations de cuivre traditionnelles au moyen desquelles les services AHV de gros groupés sont offerts. Le Conseil fait également remarquer qu’en 2021, l’empreinte FTTP de Bell Canada atteignait 6,2 millions de ménages et d’entreprises, et qu’elle devait atteindre 8,1 millions en 2022Note de bas de page 5, tandis que l’empreinte FTTP de TCI atteignait 2,7 millions de locaux en 2021Note de bas de page 6.
  13. Le Conseil estime qu’à mesure que la portée de l’empreinte pour la fibre des ESLT s’accroît et que les réseaux en cuivre sont mis hors service, le marché potentiel pour les services AHV de gros groupés offerts par les ESLT est réduit. Le Conseil estime que cela a créé une situation d’asymétrie réglementaire dans laquelle les obligations pour les services de gros des ESLT ont diminué au fil du temps, tandis que les entreprises de câblodistribution doivent de plus en plus desservir une part disproportionnée des clients des services de gros.
  14. Le Conseil fait remarquer que les Canadiens se tournent de plus en plus vers les services d’accès FTTP, soit parce qu’ils souhaitent bénéficier des vitesses plus élevées offertes par ces services, soit parce que leurs locaux sont desservis exclusivement par la fibre. En 2021, plus de 20 % du nombre total des abonnés étaient desservis par une connexion d’accès par fibre, comparativement à plus de 50 % qui étaient desservis par câble et moins de 20 % étaient desservis par cuivre.
  15. En résumé, le Conseil reconnaît que l’accès limité aux installations FTTP au moyen du cadre des services AHV de gros existant représente un problème important pour les concurrents, car il a une incidence sur leur capacité d’accroître leur clientèle et de se faire une concurrence efficace pour les différents segments de clientèle. Par conséquent, des modifications au régime existant sont nécessaires pour contrer les récentes tendances du marché discutées ci-dessus, ainsi que pour s’assurer que la dynamique concurrentielle appropriée est en place pour discipliner le marché des services de détail.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil estime que la solution fondée sur la revente proposée par les ORCC n’est pas un moyen approprié afin de répondre aux préoccupations concernant l’accès de gros aux installations FTTP ou, plus généralement, le cadre existant du Conseil. Pour cette raison, le Conseil refuse la demande des ORCC.
  2. À cette fin, le Conseil fait remarquer que dans l’avis de consultation de télécom 2023-56, publié en même temps que la présente décision, il lance un examen complet de son cadre des services AHV de gros, incluant un examen de la question de savoir si la fourniture de services AHV groupés par les entreprises titulaires devrait être obligatoire et si ces services devraient prévoir l’accès aux installations FTTP. Dans le cadre de cet avis, le Conseil a émis l’avis préliminaire que l’accès aux services AHV groupés au moyen des installations FTTP par les concurrents devrait être obligatoire temporairement et de manière accélérée, du moins jusqu’à ce que son examen plus large soit achevé. Le Conseil est prêt à rendre obligatoire les services AHV groupés au moyen des installations FTTP de manière définitive si le dossier de l’instance plus large appuie cette conclusion.

Instructions

  1. Le Conseil estime que la mise en œuvre de la demande des ORCC concernant un modèle de revente temporaire ne répondrait pas au principe de réglementation efficace énoncé à l’article 4 des Instructions de 2023Note de bas de page 7, qui précise que le Conseil devrait s’assurer que les mesures qu’il impose par ses décisions sont efficaces et proportionnelles à leur objectif, puisque la demande des ORCC serait à la fois longue et coûteuse à mettre en œuvre. De plus, la mesure corrective demandée par les ORCC aurait pour effet néfaste de fausser le marché en privant les consommateurs des offres de services concurrentielles des entreprises titulaires qui seraient soumises au modèle de revente, étant donné la proposition d’utiliser une méthode d’établissement des tarifs fondée sur le principe du prix de détail minoré pour établir les tarifs.
  2. Le Conseil estime que les questions relatives à la dynamique concurrentielle sur le marché des services d’accès Internet de détail sont mieux abordées par l’ouverture d’une instance de révision de son cadre des services AHV de gros, y compris un processus accéléré pour évaluer les mérites de rendre obligatoire l’accès FTTP au moyen d’une plateforme de services AHV groupés, étant donné qu’un tel accès, s’il est estimé approprié, favoriserait mieux l’atteinte des objectifs énoncés à l’article 2 des Instructions de 2023, à savoir :
    • encourager toutes formes de concurrence et d’investissement [paragraphe 2a)];
    • favoriser l’abordabilité et des prix plus bas, notamment lorsque les fournisseurs de services de télécommunication exercent un pouvoir de marché [paragraphe 2b)];
    • faire en sorte qu’un accès abordable à des services de télécommunication de haute qualité, fiables et robustes soit disponible dans toutes les régions du Canada, notamment les régions rurales, les régions éloignées et les collectivités autochtones [paragraphe 2c)];
    • réduire les obstacles à l’entrée sur le marché et à la concurrence pour les fournisseurs de services de télécommunication qu’ils soient nouveaux, régionaux, ou plus petits que les fournisseurs de services titulaires nationaux [paragraphe 2e)];
    • permettre l’innovation dans les services de télécommunication, y compris de nouvelles technologies et des offres de services différenciées [paragraphe 2f)].

Secrétaire général

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