Décision de télécom CRTC 2020-104

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Ottawa, le 24 mars 2020

Dossier public : 1011-NOC2019-0057

TELUS Communications Inc. et le Consortium des opérateurs de réseaux canadiens inc. – Demandes de divulgation de renseignements déposés à titre confidentiel dans le cadre de l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2019-57 et demandes procédurales connexes

Le Conseil approuve en partie une demande du Consortium des opérateurs de réseaux canadiens inc. de divulguer certains renseignements contenus dans les observations complémentaires de Bell Mobilité inc. et dans les observations complémentaires et le rapport annexé du commissaire de la concurrence.

Le Conseil rejette la demande de TELUS Communications Inc. qui vise à divulguer certains renseignements de manière sélective à certains avocats externes et/ou à des experts indépendants, ainsi que les demandes en vue d’amorcer d’autres processus et d’effectuer des changements de procédure connexes.

Afin de donner aux parties un délai suffisant pour répondre aux nouveaux renseignements rendus publics à la suite de la présente décision, et compte tenu de la pandémie de COVID-19, la date limite pour le dépôt des mémoires finals dans le cadre de l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2019-57 demeure suspendue jusqu’à nouvel ordre. Ces mémoires finals ne doivent maintenant pas dépasser 50 pages.

Contexte

  1. Dans l’avis de consultation de télécom 2019-57, le Conseil a amorcé une instance (instance) pour examiner un large éventail de questions relatives aux services sans fil mobiles. Dans cet avis, le Conseil a indiqué que son examen porterait sur trois principaux domaines : la concurrence sur le marché de détail; le cadre réglementaire actuel des services de gros, avec un accent sur l’accès des exploitants de réseaux mobiles virtuels (ERMV); et l’avenir des services sans fil mobiles au Canada, avec un accent sur la réduction des obstacles au déploiement de l’infrastructure.
  2. Le commissaire de la concurrence (le commissaire) est un intervenant dans l’instance, conformément à son mandat en vertu de la Loi sur la concurrence, pour présenter ses observations concernant la concurrence aux conseils d’administration et aux tribunaux fédéraux.
  3. Le commissaire a déposé des observations complémentaires et un rapport économique connexe rédigé par Tasneem Chipty de Matrix Economics (rapport Chipty) au dossier de l’instance. Les observations comprennent des analyses fondées sur les renseignements qui ont été communiqués au commissaire en vertu de l’alinéa 39(4)b) de la Loi sur les télécommunications (Loi) par les entreprises de services sans fil qui sont parties à l’instanceNote de bas de page 1. Dans sa réponse aux demandes des parties, le Conseil a ajouté une phase de réplique à l’instance afin de donner une nouvelle possibilité de répliquer aux observations complémentaires du commissaire et du rapport ChiptyNote de bas de page 2.
  4. Le Consortium des opérateurs de réseaux canadiens inc. (CORC) et TELUS Communications Inc. (TCI) ont par la suite déposé des demandes de divulgation de renseignements qui avaient été classés confidentiels dans les observations complémentaires du commissaire et dans le rapport Chipty. Le CORC a demandé une divulgation publique, tandis que TCI a demandé une divulgation sélective à des avocats externes et à des experts indépendants choisis par certaines partiesNote de bas de page 3. Le CORC a également demandé la divulgation publique de certains renseignements déposés par Bell Mobilité inc. (Bell Mobilité) dans ses observations complémentaires.
  5. Bell Mobilité; Bragg Communications Incorporated, faisant affaire sous le nom d’Eastlink (Eastlink); le commissaire; Ice Wireless Inc.; Québecor Média inc. (QMI); Rogers Communications Canada Inc. (RCCI); Shaw Cablesystems G.P. (Shaw); SSi Micro Ltd. (SSi Micro); Teksavvy Solutions Inc. (Teksavvy); et Xplornet Communications Inc. (Xplornet) ont déposé des observations concernant les demandes de divulgation.
  6. Les demandes de divulgation de renseignements désignés comme étant confidentiels sont traitées en vertu des articles 38 et 39 de la Loi et à partir de l’article 30 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (Règles de procédure). Lorsque le Conseil évalue une demande, il vérifie si les renseignements s’inscrivent dans une catégorie de renseignements qui peuvent être désignés comme étant confidentiels en vertu de l’article 39 de la Loi. Une évaluation supplémentaire est ensuite effectuée pour déterminer si la divulgation de renseignements en question est susceptible de causer un préjudice direct précis et si ce préjudice l’emporte sur l’intérêt public de la divulgation.
  7. Pour réaliser cette évaluation, un certain nombre de facteurs sont pris en compte. Par exemple, le préjudice est plus susceptible de l’emporter sur l’intérêt public dans les cas où les renseignements sont plus détaillés ou le niveau de concurrence est plus élevé. À l’opposé, l’intérêt public peut être plus susceptible de l’emporter sur tout préjudice dans les cas où la divulgation de renseignements est plus importante pour permettre au Conseil d’établir un dossier complet sur lequel il s’appuiera pour prendre sa décision. Les procédures générales et les facteurs généralement pris en compte sont examinés plus en détail dans le bulletin d’information de radiodiffusion et de télécom 2010-961, modifié par le bulletin d’information de radiodiffusion et de télécom 2010-961-1.
  8. Demandes de divulgation publique du CORC

Divulgation des observations complémentaires de Bell Mobilité

Positions des parties
  1. Le CORC a demandé que Bell Mobilité soit tenue de divulguer publiquement les renseignements figurant au paragraphe E9 et à la note de bas de page 74 des observations complémentaires de Bell Mobilité, relatifs au nombre estimé de personnes ayant souscrit à des forfaits de données illimités offerts par les entreprises nationales, pris collectivement, depuis l’introduction de ces forfaits.
  2. Bell Mobilité a fait valoir que ces renseignements ne devraient pas être divulgués, car lorsqu’ils sont utilisés conjointement avec des renseignements divulgués publiquement par d’autres entreprises, leur divulgation permettrait aux concurrents d’évaluer la demande de Bell Mobilité pour ces forfaits et de mieux comprendre sa stratégie concurrentielle.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que la divulgation de ces renseignements ne causerait que peu de  préjudices directs à Bell Mobilité. À cet égard, le Conseil fait remarquer qu’il est déjà bien connu que ces forfaits sont populaires auprès des consommateurs, et que les renseignements à l’étude ne sont qu’une estimation historique. En outre, lors de sa comparution à l’audience publique, Bell Mobilité a publiquement divulgué une estimation semblable. Par conséquent, la divulgation de ces renseignements ne donnerait pas aux concurrents un aperçu important de la stratégie concurrentielle de Bell Mobilité qui ne leur serait pas autrement disponible. Le Conseil estime que l’intérêt public l’emporte sur tout préjudice direct précis, car les renseignements vont directement à la compétitivité du marché de détail. En conséquence, ces renseignements devraient être divulgués.

Divulgation des observations complémentaires du commissaire et du rapport Chipty

Positions des parties
  1. Le CORC a demandé la divulgation publique des catégories de renseignements suivants, qui se trouvent dans les observations complémentaires du commissaire et dans le rapport Chipty : i) les renseignements qui sont déjà accessibles au public, ou qui pourraient facilement être ou avoir été tirés des renseignements publics; ii) les renseignements regroupés; et iii) tout renseignement pour lequel l’intérêt public à être divulgué l’emporte sur le préjudice direct précis qui peut être causé aux parties par sa divulgation. Le CORC a également demandé la divulgation de certains renseignements précis, notamment :
    • le prix par gigaoctet (Go) facturé par les entreprises de services sans fil mobiles, ainsi que les chiffres du revenu moyen par utilisateur (RMPU) qui sont déjà accessibles au public;
    • les calculs de l’indice de Herfindahl-Hirschman (HHI);
    • l’incidence estimée des concurrents sur le prix des services sans fil mobiles et l’utilisation des données par l’utilisateur final;
    • la propriété du spectre et la population à desservir associée.
  2. Le CORC a soutenu que les renseignements sur le prix par Go avaient déjà été rendus publics dans le cadre de la présente instance et que les renseignements sur le RMPU seraient déjà publics pour les entreprises qui publient leurs résultats financiers. Il a fait remarqué que le commissaire avait divulgué les chiffres de l’HHI pour le Québec et les Territoires du Nord-Ouest, indiquant que ces renseignements, dans la mesure où ils concernent d’autres parties du pays, ne peuvent être considérés comme confidentiels et ne causeraient pas de préjudice direct à une partie quelconque. Le CORC a soutenu que l’incidence des concurrents sur les prix et l’utilisation des données était fortement regroupée et ne révélerait pas de renseignements sensibles sur la concurrence d’une seule entreprise. Le CORC a en outre soutenu que la divulgation de ces renseignements présentait un grand intérêt pour le public, puisqu’elle portait sur une question essentielle de l’instance. En ce qui concerne les renseignements relatifs au spectre, le CORC a soutenu que ces renseignements avaient déjà été rendus publics par le gouvernement du Canada pour toutes les ventes aux enchères du spectre remontant à 1999.
  3. Bell Mobilité s’est opposée à toute divulgation de renseignements relatifs au RMPU, soutenant que la divulgation de ces renseignements donnerait à ses concurrents un aperçu des stratégies concurrentielles et des préférences des clients, ce qui pourrait causer un préjudice financier direct à Bell Mobilité. Bell Mobilité s’est également opposée à la divulgation de renseignements concernant les prix unitaires réels payés pour les données, car ces renseignements sont hautement confidentiels. Bell Mobilité a en outre fait valoir qu’une grande partie de l’analyse de l’incidence sur les concurrents effectuée par le commissaire repose exclusivement sur les données de Bell Mobilité et de RCCI. Par conséquent, la divulgation de cette analyse pourrait permettre à ces entreprises d’obtenir un aperçu détaillé des renseignements sensibles de l’autre en matière de concurrence.
  4. En ce qui concerne la demande de divulgation générale du CORC, Bell Mobilité et RCCI ont indiqué que la divulgation de tout renseignement qui décrit, reflète ou est dérivé de leurs dépôts confidentiels leur causerait un préjudice direct précis. De façon générale, Shaw, SSi Micro et Xplornet se sont également opposées à la divulgation publique de renseignements qu’elles avaient déposés à titre confidentiel ou au groupement de ces renseignements.
  5. Le CORC et toutes les parties qui ont formulé des observations sur la demande du CORC ont fait remarquer la difficulté de présenter des observations efficaces sur la divulgation, étant donné l’ampleur des expurgations faites par le commissaire dans ses observations abrégées. Les entreprises dont les renseignements confidentiels ont été incorporés dans le rapport Chipty ont fait valoir qu’il était très difficile d’articuler de manière intelligible si un préjudice direct précis résulterait de la divulgation, puisqu’elles ne savaient pas exactement quels renseignements étaient en cause, comment ils avaient été regroupés, ou sous quel format ils avaient été présentés. TCI a soutenu que la seule façon pour le Conseil de remplir son obligation légale d’entendre les personnes intéressées avant d’exiger la divulgation serait d’autoriser la divulgation sélective à des avocats externes et/ou à des experts indépendants des entreprises concernées, qui pourraient alors formuler des observations sur chacun des renseignements précis.
  6. Dans sa réponse à ces préoccupations, le personnel du Conseil a effectué un examen des versions publiques et confidentielles des observations complémentaires du commissaire et du rapport Chipty et, dans une lettre datée du 6 février 2020 (la lettre du 6 février 2020), a donné aux parties une nouvelle occasion de formuler des observations sur la question de savoir si le Conseil devrait divulguer des renseignements qui relèvent d’un certain nombre de catégories précises. Plus précisément, un avis préliminaire a été exprimé selon lequel les renseignements relevant des catégories précises suivantes devraient être rendus publics :
    1. les renseignements qui figurent au dossier public de l’instance ou qui peuvent être obtenus à partir de tels renseignements;
    2. les renseignements qui sont autrement accessibles au public (comme des rapports financiers d’entreprises publiques) ou qui peuvent être obtenus à partir de tels renseignements;
    3. les descripteurs de renseignements dont le Conseil a ordonné aux parties le dépôt au dossier, sans divulguer les données elles-mêmes si les données ont été déposées confidentiellement;
    4. les descriptions de la façon dont les parties ont déposé les données en réponse aux demandes de renseignements du Conseil, comme le niveau auquel les données ont été fournies (p. ex., si une entreprise donnée a inclus les abonnements d’entreprise dans son nombre total d’abonnés, mais pas le nombre d’abonnés lui-même);
    5. les énoncés qualitatifs formulés par M. Chipty concernant la qualité et l’exhaustivité des données déposées en réponse aux demandes de renseignements;
    6. les descripteurs de valeurs numériques, comme « approximativement », « pour cent » et « jusqu’à », sans divulguer les valeurs numériques elles-mêmes;
    7. les descriptions des méthodes de traitement des données utilisées par M. Chipty;
    8. les communications entre le commissaire et les autres parties mentionnées dans le rapport, mais pas les données contenues dans ces communications;
    9. les données très largement regroupées, comme la part du marché nationale des abonnés des trois principaux fournisseurs de services sans fil combinés et la part de marché nationale des abonnés des six principaux fournisseurs de services sans fil régionaux dotés d’installations combinés ou la différence entre les différences entre les prix avant et après les changements des résultats (prix, limites de forfaits, prix rajustés en fonction des limites du forfait);
    10. les descripteurs de l’échelle et de l’ampleur des taux de pénétration de diverses entreprises dans les catégories « élevé », « moyen » ou « faible » sans divulguer les taux de pénétration eux-mêmes;
    11. les représentations sous forme de graphique des conclusions déjà versées au dossier par le commissaire concernant les effets présumés des différents niveaux de pénétration d’entreprises concurrentes;
    12. les moyennes des limites (en Go) des forfaits offerts par RCCI et par Bell Mobilité dans les régions métropolitaines de recensement avec ou sans la présence de Freedom Mobile Inc. (Freedom Mobile) dans ces régions;
    13. les renseignements relatifs aux conclusions tirées aux paragraphes 63 et 69 du rapport Chipty, sans divulguer les calculs utilisés ni les nombres précis qui pourraient divulguer des renseignements confidentiels;
    14. les descripteurs des segments du marché, sans divulguer les données qui s’y rapportent.
  7. Bell Mobilité, le CORC, RCCI, Shaw et TCI, ont présenté des arguments concernant les catégories énumérées dans la lettre du 6 février 2020. Bien que le CORC ait réitéré sa demande initiale, TCI a continué de soutenir que les renseignements précis envisagés pour la divulgationNote de bas de page 4, ou une description détaillée de chacun de ces renseignements, devraient être fournis afin qu’elle puisse formuler des observations utiles.
  8. En ce qui concerne la divulgation des descriptions de la façon dont les parties ont déposé les données ou des données très largement regroupées, TCI a fait valoir que les exemples précis fournis dans la lettre du 6 février 2020 pouvaient être divulgués publiquement, mais qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur la question de savoir si d’autres renseignements dans ces catégories devraient être divulgués.
  9. En ce qui concerne les descripteurs de valeurs numériques ou l’échelle des taux de pénétration des différentes entreprises, TCI a indiqué que ces renseignements ne devraient pas être divulgués publiquement, parce que cela reviendrait à divulguer les valeurs numériques elles-mêmes ou à exprimer un point de vue subjectif au nom du Conseil.
  10. Bell Mobilité et RCCI ne se sont pas opposées à la divulgation de la plupart des catégories de renseignements présentés dans la lettre du 6 février 2020. Toutefois, Bell Mobilité s’est opposée à la divulgation des communications entre le commissaire et les parties mentionnées dans le rapport, en soutenant que l’article 29 de la Loi sur la concurrence empêcherait le commissaire de se conformer à toute ordonnance de divulgation de ces renseignements.
  11. Bell Mobilité et RCCI se sont opposées à la divulgation de tout renseignement qui aurait été regroupé à partir des renseignements confidentiels de ces deux entreprises, parce que cela pourrait permettre à chacune d’elles de déduire les renseignements sensibles sur le plan commercial de l’autre. Il s’agissait en particulier d’objections à la divulgation i) des renseignements présentés dans la lettre du 6 février 2020 comme étant des données très largement regroupées et ii) de la moyenne des limites de forfaits offerts par ces entreprises dans les régions métropolitaines de recensement, avec ou sans présence de Freedom Mobile. RCCI s’est également opposée à la divulgation de renseignements des figures 5 et 13 des observations supplémentaires du commissaire, ainsi que de la pièce 6 du rapport Chipty, sur cette base.
  12. Shaw s’est opposée à la divulgation de tout renseignement de quelconque catégorie qui révélerait ou qui permettrait aux parties de tirer des renseignements de l’entreprise qui avaient été précédemment classés confidentiels.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil reconnaît la situation inhabituelle présentée par le fait que la partie qui sait exactement quels renseignements ont été désignés comme confidentiels (en l’occurrence, le commissaire) n’est pas celle qui pourrait subir un préjudice direct précis en cas de divulgation de renseignements confidentiels. Toutefois, les entreprises qui ont déposé des renseignements au dossier de l’instance sont conscientes de la nature des données sous-jacentes qu’elles ont déposées à titre confidentiel et ont eu de nombreuses occasions de formuler des observations sur le préjudice direct qui résulterait de leur divulgation. Elles ont également reçu une description plus détaillée des types de renseignements qu’il est proposé de divulguer et, comme en témoignent les observations reçues, ont formulé des observations pertinentes sur la question. Par conséquent, en ce qui concerne la demande de TCI d’accorder à son avocat externe et/ou à ses experts indépendants l’accès aux renseignements confidentiels afin de pouvoir formuler des observations complètes sur la demande de divulgation elle-même, le Conseil estime qu’un processus supplémentaire, qui serait nouveau, complexe et empreint de ses propres préoccupations en matière de confidentialité, n’est ni efficace ni nécessaire.

Renseignements ne relevant pas d’une catégorie qui peut être désignée comme confidentielle

Positions des parties
  1. Le CORC a fait valoir, et aucune partie ne l’a contesté, que la propriété du spectre et les renseignements connexes sur la population à desservir sont accessibles au public. Certaines parties se sont opposées à la divulgation de renseignements qui pourraient être tirés des renseignements publics.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Les renseignements qui sont du domaine public ou qui sont autrement accessibles au public (comme les rapports financiers des compagnies publiques) ne font pas partie d’une catégorie de renseignements qui peuvent être désignés comme confidentiels en vertu du paragraphe 39(1) de la Loi. Dans la mesure où la divulgation de renseignements déposés à titre confidentiel par le commissaire ne permettrait pas également de divulguer de renseignements désignés comme confidentiels par les entreprises et qui relèvent d’une catégorie énoncée au paragraphe 39(1), le Conseil estime que les objections à la divulgation de renseignements publics et de renseignements qui pourraient être tirés de renseignements publics doivent être refusées.
  2. Le Conseil estime également que le texte des observations complémentaires du commissaire ou du rapport Chipty qui décrit généralement les types de renseignements déposés, la façon dont les parties ont déposé les renseignements, la méthodologie du rapport ou les segments de marché – ou qui constitue des déclarations qualitatives faites par M. Chipty quant à la qualité et à l’exhaustivité des données déposées en réponse aux demandes de renseignements – ne relèvent pas des catégories de renseignements qui peuvent être désignés comme confidentiels.
  3. Par conséquent, le Conseil estime que les renseignements relevant des catégories énoncées aux sous-paragraphes 16a) à 16g) et 16n) de la présente décision doivent être rendus publicsNote de bas de page 5.

Renseignements désignés à juste titre comme confidentiels – La divulgation publique est-elle dans l’intérêt du public?

  1. Le Conseil estime que la divulgation des communications entre le commissaire et les parties mentionnées dans les observations complémentaires et le rapport du commissaire, lorsque des données précises contenues dans ces communications ne sont pas divulguées, ne serait pas susceptible de causer un préjudice précis et direct à une partie. Le Conseil estime en outre qu’il y a un intérêt public à divulguer ces communications référencées, car une telle divulgation permettrait aux parties de mieux comprendre comment les données ont été classées dans le dossier et utilisées par le commissaire.
  2. En outre, le Conseil n’est pas convaincu que l’article 29 de la Loi sur la concurrence empêche la divulgation des communications pertinentes entre le commissaire et les parties. Cette disposition interdit au commissaire de divulguer des renseignements qui lui ont été volontairement fournis « en vertu de la Loi [sur la concurrence] ». Toutefois, les communications en question concernent des réponses confidentielles à des demandes de renseignements déposées auprès du Conseil en vertu de la Loi.Le commissaire, qui avait reçu ces réponses à la suite d’une décision du Conseil, a communiqué des questions à certaines entreprises en vue d’obtenir des précisions concernant les données contenues dans les réponses. Dans certains cas, les entreprises ont fourni des réponses. Le commissaire a ensuite tenu compte de ces précisions dans la préparation de ses observations.
  3. Bien que le commissaire possède un pouvoir général de participer à des instances devant des tribunaux comme le Conseil en vertu de l’article 125 de la Loi sur la concurrence,le seul but de l’intervention du commissaire dans la présente instance est d’aider le Conseil dans l’exécution de la Loi. L’article 29 de la Loi sur la concurrence ne s’applique donc pas. Par conséquent, les renseignements relevant de la catégorie énoncée au sous-paragraphe 16h) de la présente décision doivent être divulgués.
  4. En ce qui concerne les renseignements relevant des catégories envisagées aux sous-paragraphes 16i), k), l) et m) de la présente décision, qui comprennent des renseignements regroupés fondés sur des données désignées comme confidentielles par diverses parties, le Conseil estime que les préoccupations soulevées par Bell Mobilité et RCCI et exposées au paragraphe 21 de la présente décision sont valables.
  5. Le Conseil estime que la divulgation de renseignements regroupant les données de deux parties uniquement, telles que RCCI et Bell Mobilité, permettrait aux parties d’obtenir des renseignements sensibles sur le plan de la concurrence au sujet d’un concurrent et que le préjudice probable qui en résulterait dépasserait de loin tout amélioration de la capacité des parties à évaluer les observations du commissaire ou les conclusions du rapport Chipty, ou à y répondre. À ce titre, le risque de préjudice est susceptible de l’emporter sur tout intérêt public associé à cette divulgation. Par conséquent, dans les catégories énoncées aux sous-paragraphes 16i), k), l) et m) de la présente décision, les renseignements regroupant les données de deux parties uniquement ne doivent pas être divulguésNote de bas de page 6.
  6. En ce qui concerne les renseignements relevant de la catégorie envisagée au sous-paragraphe 16j), le Conseil estime que la divulgation des descripteurs utilisés dans le rapport Chipty concernant l’échelle et de l’ampleur des taux de pénétration de diverses entreprises dans les catégories « élevé », « moyen » ou « faible » sans divulguer les taux de pénétration eux-mêmes permettrait de disposer de renseignements contextuels précieux sans être susceptible de causer un préjudice précis et direct. Par conséquent, ces renseignements doivent également être divulgués.

Demande de divulgation de TCI et demandes procédurales connexes

Positions des parties
  1. TCI a demandé au Conseil d’exiger la divulgation qualifiée et sélective de la version intégrale du rapport Chipty, ainsi que de tous les documents à l’appuiNote de bas de page 7 et des réponses confidentielles des entreprises de services sans fil aux demandes de renseignements divulguées au commissaire.
  2. TCI a soutenu que le rapport Chipty contient un certain nombre de conclusions qui contredisent directement les propres observations de TCI et que, sans accès au rapport complet, aux réponses relatives aux demandes de renseignements et à d’autres documents à l’appui, elle ne dispose d’aucun mécanisme efficace pour vérifier le bien-fondé des conclusions du rapport.
  3. TCI a soutenu que l’accès à ces renseignements et la possibilité de déposer des observations en réfutation sont nécessaires pour reproduire les résultats des modèles de régression utilisés dans le rapport Chipty et évaluer correctement le bien-fondé de ces résultats.
  4. Selon TCI, il est essentiel de donner accès à ces renseignements si le Conseil doit respecter ses obligations d’équité procédurale. Toutefois, TCI a reconnu la nature sensible de ces renseignements du point de vue de la concurrence. Par conséquent, elle a proposé un modèle de divulgation sélective, qu’elle a qualifié de modèle « avocat externe et expert uniquement ». En vertu de cette proposition, les renseignements ne seraient divulgués qu’à l’avocat externe et à des experts indépendants choisis par certaines parties à l’instance, sous réserve que ces personnes prennent un engagement de confidentialité. TCI a fourni des listes des parties dont les avocats externes et les experts indépendants seraient éligibles pour recevoir une telle divulgation et, dans un dépôt ultérieur, a fourni des listes modifiées qui ont élargi l'éligibilité à certaines parties supplémentaires.
  5. TCI a fait valoir qu’en plus de cette divulgation, l’équité procédurale exigeait qu’on lui accorde 90 jours pour évaluer les renseignements et déposer une réplique. TCI a proposé que la date de l’audience soit reportée après la date limite fixée pour le dépôt de sa répliqueNote de bas de page 8.
  6. Le CORC et Teksavvy ont apporté leur soutien conditionnel à la proposition de TCI comme étant un moyen approprié de répondre aux préoccupations d’équité procédurale. Les deux parties ont soutenu que leurs propres avocats et experts indépendants devraient également recevoir cette divulgation, bien qu’elles soutiennent qu’un délai de 30 jours suivant cette divulgation serait suffisant pour leur permettre de déposer une réplique. Le CORC a précisé qu’il soutenait la proposition de TCI comme un redressement supplémentaire à la divulgation que le CORC avait déjà demandé, plutôt que comme redressement de rechange.
  7. Plusieurs parties se sont opposées à la proposition de TCI et l’ont fait à de nombreux égards. QMI et Eastlink ont soutenu que la proposition perturberait indûment l’instance. Avec SSi Micro et Shaw, ces parties ont soutenu que la proposition n’est pas nécessaire pour traiter l’équité procédurale. Bell Mobilité, QMI, RCCI et SSi Micro ont également soutenu que cela créerait un risque indu de mauvaise gestion des renseignements confidentiels des parties. Eastlink a en outre soutenu que la proposition de TCI pourrait entraîner la divulgation à des personnes qui représentent régulièrement les parties dans les instances du Conseil, et qu’elle passerait outre une protection procédurale importante qui encourage la participation de l’industrie. Eastlink et Ice Wireless ont également soutenu que la proposition favoriserait les grandes entreprises disposant de ressources plus importantes.
  8. Bien que Bell Mobilité se soit opposée à la demande de TCI, elle a soulevé ses propres préoccupations en matière d’équité procédurale concernant la capacité actuelle des parties à formuler des observations sur les conclusions du commissaire. Selon Bell Mobilité, la manière appropriée de répondre à ces préoccupations serait de permettre aux parties de proposer des demandes de renseignements supplémentaires destinées à être adressées au commissaire et d’apporter les modifications procédurales correspondantes à l’instance pour y répondre.
  9. Dans sa réponse, TCI a fait valoir que son redressement proposé était toujours nécessaire pour garantir le respect des obligations du Conseil en matière d’équité procédurale. Selon l’entreprise, les parties ne pourraient vérifier de manière efficace le bien-fondé de la conclusion du commissaire qu’en accédant au rapport Chipty complet, aux documents connexes et aux réponses des parties aux demandes de renseignements. TCI a également élargi la liste des parties nommées qui pourraient se prévaloir du régime de divulgation proposé, sous réserve de satisfaire aux critères d’admissibilité proposés. L’entreprise a ajouté qu’aucune partie n’avait fourni d’élément de preuve d’une situation dans laquelle un modèle de divulgation semblable utilisé dans le cadre d’instances réglementaires avait conduit à la divulgation non autorisée de renseignements confidentiels.
Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil estime que les procédures établies dans le cadre de l’instance et les renseignements figurant dans le dossier public sont suffisantes pour assurer l’équité procédurale aux parties.
  2. Bien que les intérêts des entreprises puissent être directement touchés par les décisions du Conseil dans la présente instance, y compris quant à l’occasion de rendre obligatoire un service des ERMV, le Conseil exerce ses pouvoirs réglementaires polycentriques en vertu de la Loi. L’instance n’est ni de nature juridictionnelle ni un litige. Les questions que les parties doivent traiter dans le cadre de l’instance ne sont pas exposées dans les observations d’une partie, comme le commissaire, mais plutôt dans l’avis de consultation du Conseil, qui a établi les questions à examiner dans le cadre de l’instance.
  3. Ni la Loi, ni les Règles de procédure, ne contiennent de disposition envisageant directement le processus demandé par TCI. En outre, dans l’avis public de Télécom 2007-20, le Conseil a annoncé qu’il n’adopterait pas le projet de Pratiques relatives à l’accès restreint à des informations confidentielles qui aurait présenté des similitudes importantes avec le régime de divulgation demandé par TCI. Par conséquent, les parties ne peuvent avoir aucune attente légitime en matière de divulgation sélectiveNote de bas de page 9.
  4. Le Conseil fait remarquer que l’instance a donné aux parties de nombreuses occasions de présenter des éléments de preuve relatifs aux questions examinéesNote de bas de page 10. Le dossier de l’instance contient une quantité volumineuse d’éléments de preuve, y compris des éléments de preuve d’experts, fournis par diverses parties, avec différentes positions sur les questions exposées dans l’avis de consultation qui a amorcé l’instanceNote de bas de page 11.
  5. Les parties ont également eu l’occasion de déposer une troisième série d’interventions spécifiquement axées sur les dépôts du commissaire. Le dossier montre que les parties ont pu non seulement formuler des observations sur l’intention essentielle des observations du commissaire et des éléments de preuve d’experts, mais elles ont également pu échanger de façon constructive sur les aspects saillants de ces éléments de preuve et leur utilisation par le commissaire.
  6. À cet égard, le Conseil fait remarquer que des arguments détaillés ont été fournis, dans certains cas étayés par des réfutations d’experts, portant sur des questions comme la fiabilité et la validité des données utilisées par le commissaire et son expert; le caractère approprié des définitions du marché, de certaines variables utilisées dans les analyses de régression et des limites qui y sont associées; et les inférences des points de données et leur caractère approprié. Des arguments ont également été avancés en ce qui concerne les variables et la dynamique du marché que le commissaire et son expert ont peut-être omis de tenir compte et l’importance de ces omissions en ce qui concerne la validité des conclusions tirées.
  7. Enfin, des arguments ont également été adressés spécifiquement à l’intervention réglementaire proposée par le commissaire (un régime d’ERMV obligatoire avec des conditions d’admissibilité précises). Ces arguments ont activement contribué à l’évaluation coûts-avantages associée au régime proposé par le commissaire.
  8. S’il est vrai qu’une divulgation sélective semblable à celle proposée par TCI est utilisée par d’autres organismes décisionnairesNote de bas de page 12, le Conseil estime néanmoins que le modèle proposé par TCI pourrait entraîner des préjudices semblables à ceux qui résulteraient d’une divulgation publique plus large, qui ont été déterminés par plusieurs parties, y compris des risques d’accès direct à des renseignements commerciaux par des concurrents. Même si le Conseil reconnaît que le risque de divulgation non autorisée pure et simple des renseignements confidentiels pertinents, intentionnel ou non, peut être limité. Il estime que le préjudice qui en résulterait pourrait être important étant donné que les renseignements confidentiels qui seraient divulgués sont d’une quantité importante et de nature très sensible sur le plan commercial. Selon le modèle proposé par TCI, toute divulgation pure et simple ou toute autre utilisation inappropriée des renseignements confidentiels serait difficile à détecter ou à prouver pour la partie dont les renseignements ont été divulgués.
  9. L’intérêt public à la divulgation est également limité dans ce cas. La divulgation de renseignements uniquement à des avocats externes ou à des experts indépendants choisis ne ferait qu’accroître le déséquilibre en ce qui concerne l’accès aux éléments de preuve figurant au dossier, ce qui rend plus difficile pour les petites parties de participer de façon efficace. Le régime proposé entraînerait également d’autres retards, ceux prévus par TCI (comme la prolongation du délai pour le dépôt des répliques finales) et d’autres qu’elle n’a pas prévus (comme le fait de décider si des personnes spécifiques cherchant à accéder aux renseignements confidentiels remplissent les critères d’admissibilité établis). Tout cela retarderait indûment la publication d’une décision définitive du Conseil dans un environnement où la certitude réglementaire est un objectif précieux de politique publique.
  10. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que les considérations d’équité procédurale de droit commun ne penchent pas en faveur de l’acceptation des demandes de TCI. Dans ces circonstances, les parties ont pu faire connaître leur point de vue sur les questions examinées dans le cadre de l’instance d’une façon utile. En outre, le Conseil estime que, bien que limités, les préoccupations plus générales liées à l’intérêt public et le risque de préjudice qui résulterait de la divulgation ou de l’utilisation inappropriée des renseignements confidentiels en question, penchent en faveur du refus de la demande de TCI.
  11. En résumé, l’instance ne présente pas des considérations exceptionnelles qui justifieraient l’adoption d’un modèle si différent de la pratique habituelle du Conseil en ce qui concerne le traitement des renseignements confidentiels. La pratique habituelle du Conseil a généralement été bien adaptée à ses instances et a servi l’intérêt public, y compris dans d’autres instances comportant d’importantes quantités de données commerciales confidentielles, comme les instances d’établissement des tarifs. Le Conseil estime que sa pratique habituelle est également bien adaptée à la présente instanceNote de bas de page 13. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de TCI.

Autres demandes de processus supplémentaires

  1. Dans sa réplique à la demande de divulgation « avocat externe et expert uniquement » de TCI, Bell Mobilité a proposé que le Conseil mette en place un processus supplémentaire pour traiter ce qu’elle considère comme un manquement à l’équité procédurale. Comme il est analysé plus haut, le Conseil est d’avis que les procédures et le niveau de divulgation actuels sont conformes à toutes les exigences que la doctrine d’équité procédurale de la common law reconnaîtrait dans les circonstances.
  2. En outre, la mise en œuvre du processus supplémentaire proposé par Bell Mobilité introduirait probablement des retards importants dans l’instance et imposerait un fardeau administratif supplémentaire important aux parties et au Conseil. Par exemple, dans le cadre du processus proposé, les parties suggéreraient des demandes de renseignements, qui seraient examinées par le Conseil et ensuite présentées au commissaire. Le commissaire fournirait des répliques et les parties formuleraient des observations. Compte tenu du caractère sensible du sujet, il est probable que certains renseignements soient désignés comme confidentiels, ce qui entraînerait encore d’autres processus. Des demandes supplémentaires de précision concernant les réponses sont également possibles.
  3. Compte tenu de ce qui précède, de l’état avancé de l’instance et de la nécessité de ne pas retarder indûment la clôture du dossier de l’instance afin que le Conseil puisse finalement délibérer sur les questions de fond en cause, le Conseil estime qu’il ne serait pas dans l’intérêt public d’adopter la proposition de Bell Mobilité.
  4. Toutefois, compte tenu i) du fait que le dossier de l’instance est volumineux et que la partie orale de l’instance et la présente décision ont entraîné la publication des renseignements supplémentaires au dossier public de l’instance, et ii) de l’incertitude occasionnée par la pandémie de COVID-19, le Conseil estime qu’il convient de maintenir jusqu’à nouvel ordre la suspension de la date limite pour le dépôt des observations écrites finalesNote de bas de page 14. En outre, la limite de pages de ces observations finales est portée de 25 à 50 pages.

Conclusion

  1. Par conséquent, le Conseil ordonne à Bell Mobilité de déposer les renseignements demandés par le CORC et décrits au paragraphe 8 au dossier public au plus tard le 30 mars 2020.
  2. Le Conseil ordonne également au commissaire de déposer une version révisée et abrégée de ses observations complémentaires et du rapport Chipty, en divulguant des renseignements supplémentaires pour le dossier public, conformément aux décisions énoncées ci-dessus. Le commissaire doit déposer ses documents révisés au dossier public le 14 avril 2020. Par souci de clarté, le commissaire ne doit pas déposer ses documents révisés avant cette date. Afin de faciliter ce processus, le personnel du Conseil fournira au commissaire des instructions précises supplémentaires concernant la mise en œuvre de ces déterminations sous pli séparé.
  3. Le Conseil modifie la procédure de l’instance comme suit :
    • La date limite du 23 mars 2020 pour le dépôt des mémoires finals dans le cadre de la présente instance, qui a été énoncée dans l’avis de consultation de télécom 2019-57-1, demeurera suspendue jusqu’à nouvel ordre. Les mémoires ne doivent pas dépasser 50 pages, y compris un résumé et des annexes.
  4.  Le Conseil rejette toutes les autres demandes.

Secrétaire général

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