Décision de télécom CRTC 2016-80

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Ottawa, le 2 mars 2016

Numéros de dossiers : 8662-P8-201508227 et 4762-182

L’Association des consommateurs du Canada et le Centre pour la défense de l’intérêt public - Demande de révision et de modification de l’ordonnance de télécom 2015-342

Le Conseil modifie l’ordonnance de télécom 2015-342, de sorte que l’Association des consommateurs du Canada et le Centre pour la défense de l’intérêt public se voient attribuer l’intégralité des frais réclamés pour les honoraires d’un avocat principal relativement à leur participation à l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2013-551 (instance liée aux services filaires de gros).

Contexte

  1. Dans l’ordonnance de télécom 2015-342, le Conseil a approuvé en partie la demande d’attribution de frais de l’Association des consommateurs du Canada (ACC) et du Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC) [collectivement ACC/PIAC] pour leur participation à l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2013-551 (instance liée aux services filaires de gros).

  2. Dans cette ordonnance, le Conseil a déclaré qu’il n’était pas convaincu que l’ACC/PIAC avaient prouvé que toutes les heures réclamées en honoraires d’avocat principal devraient leur être remboursées. Plus particulièrement, le Conseil a noté que :

    • les Lignes directrices pour l’évaluation des demandes d’attribution de frais (Lignes directrices), telles qu’elles sont énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2010-963, précisent que les demandeurs sont incités à faire appel autant que possible aux services d’avocats adjoints et à ceux de stagiaires en droit;

    • dans le cadre de la même instance, un autre demandeur (OpenMedia.ca) a réclamé moins d’heures de travail et a engagé des analystes internes, dont le taux horaire est inférieur à celui d’un avocat principal;

    • un avocat principal devrait avoir à consacrer moins de temps au dossier qu’un avocat adjoint ou un analyste étant donné son expérience.

  3. Ainsi, le Conseil a déterminé que le temps autorisé concernant les honoraires d’avocat principal de l’ACC/PIAC devrait être abaissé de 317,6 à 250 heures et que la différence, soit 67,6 heures, devrait être attribuée à l’avocat adjoint externe. De l’avis du Conseil, cette réattribution des heures entre l’avocat principal et l’avocat adjoint représentait une évaluation plus appropriée de leurs rôles respectifs pour ce qui est d’établir les frais admissibles.

  4. Dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, le Conseil a établi les critères qu’il utilise pour évaluer les demandes de révision et de modification déposées en vertu de l’article 62 de la Loi sur les télécommunications (Loi).

5. Pour que le Conseil puisse exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 62 de la Loi, les demandeurs doivent démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale, résultant, par exemple :

  1. Les critères d’attribution de frais sont énoncés à l’article 68 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (Règles de procédure), qui se lit comme suit :

68. Le Conseil décide d’attribuer des frais définitifs et fixe le pourcentage maximal de ceux-ci en se fondant sur les critères suivants :

a) le fait que le dénouement de l’instance revêtait un intérêt pour le demandeur ou pour le groupe ou la catégorie d’abonnés qu’il représentait;

b) la mesure dans laquelle le demandeur a aidé le Conseil à mieux comprendre les questions qui ont été examinées;

c) le fait que le demandeur a participé à l’instance de manière responsable.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de l’ACC/PIAC, datée du 1er août 2015, dans laquelle ils ont demandé que le Conseil révise et modifie ses conclusions relatives à l’attribution de frais établies dans l’ordonnance de télécom 2015-342.

  2. L’ACC/PIAC ont indiqué que le Conseil a commis des erreurs de droit et de fait soulevant un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2015-342. Ils ont également fait valoir que le Conseil a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable et que ses conclusions introduisent un nouveau principe qui aura des effets stratégiques et participatifs néfastes de grande envergure sur les instances du Conseil.

  3. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de l’ACC/PIAC de la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada (CIPPIC) et du Forum for Research and Policy in Communications (Forum). L’ACC/PIAC n’ont pas déposé de réplique.

  4. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 3 septembre 2015. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen des numéros de dossiers indiqués ci-dessus.

Questions

  1. Le Conseil a établi qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :

    • Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou de fait dans l’ordonnance de télécom 2015-342?

    • Le Conseil a-t-il introduit un nouveau principe dans l’ordonnance de télécom 2015-342?

    • L’ACC/PIAC devraient-ils se voir attribuer l’intégralité des frais réclamés pour leur participation à l’instance liée aux services filaires de gros?

Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou de fait dans l’ordonnance de télécom 2015-342?

Comparaison des demandes d’attribution de frais de différents intervenants
  1. L’ACC/PIAC, appuyés par la CIPPIC, ont précisé que le Conseil a commis une erreur de droit en comparant à tort leur participation à l’instance liée aux services filaires de gros à celle d’un autre intervenant, OpenMedia.ca (OpenMedia). L’ACC/PIAC ont fait valoir que les demandes d’attribution de frais devraient être examinées en fonction de leur bien-fondé, sans référence à la participation des autres intervenants.

Résultats de l’analyse du Conseil
  1. En vertu de l’article 56 de la Loi, le Conseil dispose d’une grande latitude pour attribuer des frais, fixer le montant des frais attribués et désigner à qui et par qui ces frais devront être payésRetour à la référence de la note de bas de page 1.

  2. Conformément au paragraphe 18 des Lignes directrices, pour évaluer si le temps consacré par un réclamant est excessif dans les circonstances, le Conseil tient normalement compte de facteurs comprenant le temps réclamé et attribué dans le cadre de l’instance ou dans le cadre d’instances similaires. Par conséquent, le Conseil peut examiner le temps réclamé et attribué à d’autres intervenants dans le cadre de la même instance. De plus, le paragraphe 19 des Lignes directrices établit clairement que les facteurs énumérés ne sont pas exhaustifs et que les éléments considérés sont laissés entièrement à la discrétion du Conseil, selon les circonstances de chaque cas.

  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil n’a pas commis une erreur de droit sur la base des faits allégués.

Possibilité de commenter la comparaison
  1. L’ACC/PIAC ont soutenu que le Conseil ne leur a pas offert clairement la possibilité de justifier leurs décisions concernant la répartition du travail et que, ce faisant, le Conseil a enfreint les règles d’équité procédurale.

Résultats de l’analyse du Conseil
  1. La Société TELUS Communications (STC) a déposé une réponse à la demande d’attribution de frais de l’ACC/PIAC dans laquelle la STC a noté que l’ACC/PIAC auraient pu répartir le travail de façon plus économique entre les professionnels dont ils avaient retenu les services. La STC a demandé au Conseil de vérifier si les frais ainsi engagés étaient raisonnables et nécessaires, et a suggéré que l’ACC/PIAC disposaient d’options plus économiques. L’ACC/PIAC ont eu la possibilité de répliquer aux observations formulées par la STC et l’ont saisieRetour à la référence de la note de bas de page 2.

  2. Par conséquent, la question de la répartition du travail et des heures excessives réclamées en honoraires d’avocat principal figurait au dossier de l’instance qui a mené à la publication de l’ordonnance de télécom 2015-342. Ainsi, les règles d’équité procédurale n’ont pas été enfreintes puisque l’ACC/PIAC ont eu une occasion claire et raisonnable de présenter des arguments significatifs dans leurs observations en réplique.

  3. Compte tenu de ce qui précède, l’ACC/PIAC n’ont pas établi que le Conseil a commis une erreur de droit sur la base des faits allégués.

Réattribution des heures entre l’avocat principal et l’avocat adjoint
  1. L’ACC/PIAC ont précisé que le Conseil a commis une erreur de droit lorsqu’il a réattribué des heures entre l’avocat principal et l’avocat adjoint, affirmant que les Lignes directrices et l’article 68 des Règles de procédure ne permettent pas au Conseil d’imposer son point de vue relativement à la manière dont les heures auraient dû être attribuées.

Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Tel que mentionné précédemment, selon l’article 56 de la Loi, le Conseil dispose d’une grande latitude pour attribuer des frais, fixer le montant des frais attribués et désigner à qui et par qui ces frais devront être payés. Cette latitude confère aussi au Conseil le pouvoir de modifier une réclamation de frais de façon à obtenir un montant approprié.

  2. Pour obtenir un montant approprié, le Conseil suit les Règles de procédure et les Lignes directrices, lesquelles mettent en évidence la notion voulant que le Conseil a le pouvoir de fixer le montant des frais, y compris d’attribuer seulement une proportion des frais. Toutefois, ni les Règles de procédure, ni les Lignes directrices n’orientent le Conseil sur les moyens par lesquels il peut modifier (ou réduire) l’attribution de frais.

  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil n’a pas commis une erreur de droit sur la base des faits allégués.

Mise en équation des contributions des intervenants
  1. L’ACC/PIAC ont soutenu que le Conseil a commis une erreur de fait lorsqu’il a conclu que la contribution d’OpenMedia à l’instance liée aux services filaires de gros était tout aussi utile que la leur. L’ACC/PIAC ont fait valoir que la participation d’OpenMedia consistait principalement en des témoignages d’opinion par la soumission de lettres types. À l’inverse, les mémoires de l’ACC/PIAC étaient ciblés et structurés, fournissaient le point de vue distinct des consommateurs et comprenaient des éléments de preuve déterminants et des arguments juridiques sur les principales questions de l’instance liée aux services filaires de gros.

  2. La CIPPIC a fait valoir que le Conseil n’a pas rendu compte adéquatement de la mesure dans laquelle la participation de l’ACC/PIAC à l’instance liée aux services filaires de gros était plus importante que celle d’OpenMedia et que les mémoires de l’ACC/PIAC avaient exigé plus de temps à produire et nécessité une analyse plus approfondie.

  3. Le Forum a indiqué que le Conseil n’a pas fourni de preuves à l’appui de l’ordonnance de télécom 2015-342 indiquant pourquoi la qualité de la participation d’OpenMedia et de l’ACC/PIAC à l’instance liée aux services filaires de gros était équivalente.

Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil convient que les mémoires de l’ACC/PIAC dans le cadre de l’instance liée aux services filaires de gros étaient plus complexes que ceux d’OpenMedia, puisque les mémoires de l’ACC/PIAC ont mis davantage l’accent sur des arguments juridiques et réglementaires. Les mémoires de l’ACC/PIAC ont par conséquent exigé plus de temps et d’expertise que ceux d’OpenMedia. Pour cette raison, dans le cadre de l’ordonnance de télécom 2015-342, le Conseil a conclu que le recours à un avocat principal de la part de l’ACC/PIAC était justifié et qu’ils devraient avoir droit à des frais pour un plus grand nombre d’heures de travail qu’OpenMedia.

  2. L’efficacité de la participation d’une partie n’équivaut toutefois pas à son degré de participation. Différents degrés et différentes formes de participation aux instances du Conseil peuvent être tout aussi efficaces.

  3. Compte tenu de ce qui précède, l’ACC/PIAC n’ont pas établi que le Conseil a commis une erreur de fait sur la base des faits allégués.

Le Conseil a-t-il introduit un nouveau principe dans l’ordonnance de télécom 2015-342?

  1. L’ACC/PIAC, appuyés par la CIPPIC et le Forum, ont soutenu que la comparaison que fait le Conseil des heures consacrées par différents intervenants à une instance constitue un nouveau principe. Ainsi, les heures consacrées par des intervenants expérimentés, lorsque comparées à celles consacrées par des intervenants moins expérimentés, seront remises en question. Afin d’éviter le risque de voir leur demande de frais rejetée, des groupes de revendication pourraient choisir de ne plus avoir recours à un avocat principal, ce qui se traduirait par des représentations de moindre qualité des groupes de défense des intérêts du public.

Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Tel que mentionné précédemment, les Lignes directrices prévoient que la comparaison des heures réclamées et attribuées dans le cadre d’une instance - y compris la comparaison de la participation des intervenants - constitue un facteur pertinent que le Conseil examinera au moment d’évaluer si le nombre d’heures réclamées est excessif. Cette comparaison permet de garantir que les groupes de défense des intérêts du public reçoivent une compensation pour leur participation responsable aux instances tenues par le Conseil.

  2. La comparaison des heures réclamées par les intervenants ne constitue donc pas un nouveau principe qui soulève un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2015-342.

L’ACC/PIAC devraient-ils se voir attribuer l’intégralité des frais réclamés pour leur participation à l’instance liée aux services filaires de gros?

  1. La CIPPIC a indiqué que la décision du Conseil dans l’ordonnance de télécom 2015-342 diverge de celles qui ont été prises dans le contexte d’autres instances antérieures de complexité comparable, où le Conseil a conclu que des honoraires semblables réclamés concernant le travail d’un avocat principal ou d’un avocat adjoint étaient raisonnables. Par exemple, le Conseil a récemment approuvé une demande d’attribution de frais du PIAC pour sa participation à une instance de complexité comparable relativement à l’examen des services sans fil mobile de grosRetour à la référence de la note de bas de page 3, dans le cadre de laquelle il a fait appel de manière significative aux services d’un avocat principal.

Résultats de l’analyse du Conseil
  1. Le Conseil a récemment accordé l’intégralité des frais réclamés par le PIAC, l’ACC, le Council of Senior Citizens’ Organizations of British Columbia et la Fédération nationale des retraités pour leur participation dans l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2014-76 (instance sur les services sans fil de gros).

  2. L’instance sur les services sans fil de gros a été de plus courte durée et moins complexe que l’instance liée aux services filaires de gros. De plus, l’ACC/PIAC ont fait appel de manière significative aux services d’un avocat principal dans le cadre des deux instances.

  3. Après examen des mémoires de l’ACC/PIAC et des heures réclamées dans le cadre des deux instances, le Conseil détermine que la participation de l’ACC/PIAC à l’instance liée aux services filaires de gros s’est avérée tout aussi responsable et efficace que leur participation à l’instance sur les services sans fil de gros. Compte tenu des similitudes entre les deux instances, et de l’utilisation par l’ACC/PIAC d’un avocat principal dans les deux cas, le Conseil est convaincu qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2015-342. Ainsi, conformément aux conclusions que le Conseil a tirées dans l’ordonnance de télécom 2015-265, l’ACC/PIAC devraient se voir attribuer l’intégralité des frais réclamés.

  4. Par conséquent, le Conseil modifie par la présente l’ordonnance de télécom 2015-342, de sorte que l’ACC/PIAC devraient se voir attribuer l’intégralité des frais réclamés pour les honoraires de l’avocat principal (117 181,13 $) pour leur participation à l’instance liée aux services filaires de gros. Par conséquent, le montant total révisé des frais attribués est de 117 534,13 $.

  5. Le Conseil modifie donc les montants des frais à être attribués établis au paragraphe 23 de l’ordonnance de télécom 2015-342 comme suit :

    Entreprise Pourcentage Montant
    STC 28,2 % 33 144,62 $
    Rogers Communications Partnership 26,3 % 30 911,48 $
    Bell Aliant Communications régionales, société en commandite et Bell Canada 25,0 % 29 383,53 $
    Shaw Cablesystems G.P. 4,8 % 5 641,64 $
    Vidéotron s.e.n.c. 4,5 % 5 289,04 $
    MTS Inc. et Allstream Inc. 4,2 % 4 936,43 $
    Saskatchewan Telecommunications 2,9 % 3 408,49 $
    Cogeco Câble inc. 1,7 % 1 998,08 $
    Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. 1,4 % 1 645,48 $
    Bragg Communications Incorporated, exerçant ses activités sous le nom d’Eastlink 1,0 % 1 175,34 $
  1. Le Conseil ordonne à chacun des intimés énumérés ci-dessus de payer immédiatement à l’ACC/PIAC le reste des frais attribués par suite de la présente décision. 

Secrétaire générale

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

L’article 56 de la Loi énonce que (1) les frais provisoires ou définitifs relatifs à une instance devant le Conseil, ainsi que tous les frais accessoires, sont laissés à l’appréciation de celui-ci et peuvent être taxés ou fixés; (2) le Conseil peut désigner les créanciers et les débiteurs de ces frais ainsi que le responsable de leur taxation; il peut également établir un barème à cette fin.

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Note de bas de page 2

Voir les paragraphes 9 et 12 de l’ordonnance de télécom 2015-342.

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Note de bas de page 3

Voir l’avis de consultation de télécom 2014-76 et l’ordonnance de télécom 2015-265.

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