Décision de télécom CRTC 2007-56

Ottawa, le 23 juillet 2007

Voir aussi : 2007-56-1

Révision des restrictions réglementaires applicables aux échelles tarifaires de l'interurbain de base

Référence : 8661-C12-200608672

Dans la présente décision, le Conseil supprime les restrictions applicables aux échelles tarifaires de l'interurbain de base établies dans la décision de télécom 97-19, excepté dans le cas des personnes malentendantes ou malparlantes certifiées ou inscrites qui utilisent des téléscripteurs. Les décisions s'appliquent à Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, à Bell Canada, à MTS Allstream Inc., à Ontera, à Saskatchewan Telecommunications, à Télébec, Société en commandite, et à la Société TELUS Communications.

Introduction

1. Le Conseil a reçu une demande présentée par Bell Canada le 9 mai 2006, réclamant qu'il abolisse les restrictions réglementaires applicables aux échelles tarifaires de l'interurbain de base de la compagnie dans ses territoires de desserte traditionnels en Ontario et au Québec.

2. Le Conseil a estimé approprié d'amorcer une instance et a publié l'avis public de télécom 2006-10 pour examiner 1) s'il convient d'accorder, en totalité ou en partie, le redressement que réclame Bell Canada dans sa demande et 2) s'il convient d'accorder un redressement semblable à Aliant Telecom, appelée maintenant Bell Aliant Communications régionales, société en commandite (Bell Aliant), à MTS Allstream Inc. (MTS Allstream), à Ontera, à Saskatchewan Telecommunications (SaskTel), à Sogetel inc. (Sogetel), à la Société TELUS Communications (STC) et à la Société en commandite Télébec, appelée maintenant Télébec, Société en commandite (Télébec).

3. Le Conseil a reçu des mémoires et des réponses aux demandes de renseignements de la part de ARCH Disability Law Centre (ARCH); Bell Aliant; Bell Canada; l'Association des sourds du Canada (ASC); la Société canadienne de l'ouïe (SCO); MTS Allstream; Ontera; le Centre pour la défense de l'intérêt public au nom de l'Organisation nationale anti-pauvreté, l'Association des consommateurs du Canada et l'Union des consommateurs (collectivement les Groupes de défense des consommateurs); SaskTel; Sogetel; la STC; et Yak Communications (Canada) Inc. (Yak). Les observations en réplique ont clos le dossier de l'instance le 23 février 2007.

4. Dans la présente décision, le Conseil se penche sur les questions suivantes :

  1. Le bien-fondé de la suppression des restrictions applicables aux échelles tarifaires de l'interurbain de base de Bell Aliant, de Bell Canada, de MTS Allstream, d'Ontera, de SaskTel, de la STC et de Télébec1
  2. Le bien-fondé du maintien de la réduction de 50 % sur les téléscripteurs2 et de son application à tous les fournisseurs de services de télécommunication interurbains.

I. Bien-fondé de la suppression des restrictions applicables à l'interurbain de base

Positions des parties

5. Bell Canada a fait remarquer que, dans la décision de télécom 97-19, le Conseil s'est généralement abstenu de réglementer les services interurbains et sans frais d'interurbain de certaines compagnies de téléphone titulaires3, mais qu'il a invoqué l'article 24 de la Loi sur les télécommunications (la Loi) pour assujettir l'offre et la fourniture des services interurbains aux restrictions applicables à l'interurbain de base énoncées ci-après :

  1. ces compagnies de téléphone devaient fournir au Conseil, et rendre publique, une échelle tarifaire exposant les tarifs applicables au service interurbain de base. Ces échelles devaient inclure la réduction de 50 % applicable aux appels en provenance du service de résidence d'une personne malentendante ou malparlante certifiée et inscrite qui utilisait un téléscripteur, et qui lui étaient facturés;
  2. ces compagnies de téléphone devaient fournir aux abonnés un préavis direct raisonnable par écrit de toute hausse des tarifs applicables au service interurbain de base;
  3. il était interdit à ces compagnies de téléphone d'appliquer aux services interurbains de base une tarification non fondée sur la moyenne du prix d'acheminement;
  4. le plafond que le Conseil avait, dans la décision de télécom 94-19, imposé aux tarifs combinés des services interurbains de base en Amérique du Nord devait continuer de s'appliquer sous une forme modifiée. Dès lors, des modifications à toute échelle tarifaire des services interurbains de base en Amérique du Nord étaient permises, sous réserve que toute hausse de tarifs dans une échelle soit compensée par des réductions correspondantes dans la même échelle, de sorte que le tarif moyen pondéré dans cette échelle ne changeait pas;
  5. ces compagnies de téléphone devaient faire en sorte que tous les clients et requérants de services interurbains dans leurs territoires d'exploitation respectifs puissent choisir les services interurbains de base aux tarifs établis dans les échelles tarifaires dont il est question dans la décision de télécom 97-19.

6. Bell Canada a relevé que, dans la décision de télécom 2002-34, le Conseil a maintenu les restrictions relatives aux services interurbains de base et a décidé de continuer à inclure le supplément lié aux cartes de crédit dans les tarifs utilisés pour calculer le prix moyen des appels dans l'échelle tarifaire de l'interurbain de base.

7. Dans sa demande, Bell Canada a demandé au Conseil de publier une ordonnance prévoyant ce qui suit :

8. Bell Canada a fait valoir que, depuis la publication des décisions de télécom 97-19 et 2002-34, des changements fondamentaux ont stimulé considérablement l'essor de la concurrence dans le marché de l'interurbain, y compris le segment de l'interurbain de base. Selon elle, cet essor a procuré une meilleure protection à tous les abonnés de l'interurbain dans les territoires de desserte de la compagnie en Ontario et au Québec. Au nombre de ces changements, Bell Canada a mentionné la mise en place généralisée de commutateurs dotés d'une capacité d'égalité d'accès et la présence de nombreux fournisseurs concurrents qui offrent des services interurbains autonomes ou groupés à des prix souvent inférieurs à ceux de la compagnie.

9. Bell Canada a également souligné la présence dans le marché d'une foule d'autres services pouvant remplacer le service interurbain filaire traditionnel, par exemple les services de communication vocale sur protocole Internet (VoIP), les services poste à poste, le sans-fil, les services de contournement de l'interurbain et les cartes d'appel prépayées.

10. Bell Canada a indiqué qu'aucune des préoccupations sous-jacentes soulevées par le Conseil au départ, ni aucune autre base réglementaire, n'existait encore pour justifier l'application des restrictions relatives à l'interurbain de base. Bell Canada a également soutenu que l'abolition de ces restrictions cadrerait avec les objectifs de la politique de télécommunication qui sont énoncés aux alinéas 7b), 7c) et 7f) de la Loi4.

11. Bell Canada a soutenu qu'au vu des forces concurrentielles du marché particulièrement dynamiques qui ont engendré de nombreuses solutions de rechange peu coûteuses pour procurer une protection à tous les clients du service interurbain de base, les restrictions qui s'y rattachaient ne respectaient pas le décret C.P. 2006-1534 publié par la gouverneure en conseil, Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en oeuvre de la politique canadienne de télécommunication, 14 décembre 2006 (les instructions). Selon elle, le libre jeu du marché a éludé le besoin d'imposer ces restrictions, et continuer de les appliquer irait à l'encontre des instructions selon lesquelles le Conseil ne règlemente que dans la stricte mesure du nécessaire.

12. Les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) désignées parties à l'instance ont approuvé les arguments avancés par Bell Canada et se sont montrées favorables à la fois au redressement qu'elle réclamait dans sa demande ainsi qu'à l'extension d'un redressement similaire pour elles-mêmes.

13. SaskTel a noté que la demande ne visait pas à supprimer ou à retirer l'échelle tarifaire de l'interurbain de base mais cherchait plutôt à en éliminer les restrictions. Selon elle, cette échelle tarifaire était nécessaire pour s'adapter aux circonstances lorsqu'un client choisissait de ne pas s'abonner à un plan d'interurbain ou lorsque le plan d'interurbain ne s'appliquait pas. Cependant, SaskTel a également indiqué qu'aucun autre fournisseur de services interurbains n'était assujetti aux restrictions applicables à l'interurbain de base. D'après SaskTel, continuer d'appliquer les restrictions liées à l'interurbain de base était une forme de réglementation inutile et irrégulière d'un marché faisant l'objet d'une abstention, ce qui entravait le libre jeu du marché concurrentiel.

14. Bell Canada a fait valoir qu'une égalité d'accès était offerte à travers son territoire d'exploitation en Ontario et au Québec, et la STC dans le sien en Alberta. Bell Aliant dans les provinces de l'Atlantique, SaskTel en Saskatchewan, et la STC dans la Colombie-Britannique et au Québec ont soutenu qu'une égalité d'accès était présente dans plus de 99 % de leurs territoires d'exploitation ESLT respectifs, alors que MTS Allstream assurait une couverture légèrement plus faible.

15. Selon Bell Aliant, les petites parties qui demeuraient dans les régions sans égalité d'accès ne se fieraient pas plus à l'échelle tarifaire de l'interurbain de base que les clients dans les régions ayant une égalité d'accès, en raison des nombreuses options et solutions de rechange qui leur étaient offertes. Bell Canada a relevé que l'égalité d'accès n'était pas exigée pour les services VoIP.

16. D'après la STC, dans les régions sans capacité d'égalité d'accès, la compagnie était prête à maintenir son échelle tarifaire applicable à l'interurbain de base. Néanmoins, elle suggérait au Conseil de cesser d'appliquer l'échelle tarifaire de l'interurbain de base dans toutes les autres parties de son territoire ESLT.

17. D'après Bell Aliant, il n'était pas nécessaire de continuer à réglementer le supplément lié aux cartes de crédit. Elle a relevé que, dans la décision de télécom 2002-34, le Conseil avait maintenu les restrictions applicables à l'interurbain de base en partie parce qu'il avait conclu que l'échelle tarifaire applicable à l'interurbain de base représentait une part importante des revenus d'interurbain des ESLT. Selon elle, en tirant cette conclusion, le Conseil a englobé par erreur les appels interurbains des ESLT qui seraient facturés aux clients dans les forfaits de réduction d'interurbain à un tarif inférieur. Elle a ajouté que les clients qui ont utilisé une carte de crédit pour faire des appels utilisant l'échelle tarifaire applicable à l'interurbain de base avaient la possibilité d'utiliser d'autres méthodes de paiement, y compris d'autres options de facturation par les ESLT, comptant et cartes prépayées.

18. Yak s'est opposée à la suppression des restrictions applicables à l'interurbain de base et s'est dite en désaccord sur, entre autres, les affirmations selon lesquelles la concurrence avait connu un essor considérable dans le marché de l'interurbain, en particulier celui de l'interurbain de résidence, depuis la publication des décisions de télécom 97-19 et 2002-34.

19. Les Groupes de défense des consommateurs ont pris note de l'argument de Bell Canada selon lequel il n'y avait plus d'abonnés aux services interurbains vulnérables et laissés pour compte dans son territoire qui avaient besoin de la protection d'un plafond tarifaire ou de toute autre protection réglementaire, argument qui, d'après les Groupes de défense des consommateurs, se concentrait sur l'offre d'options d'interurbain pour les consommateurs. Les Groupes de défense des consommateurs se sont montrés préoccupés par la possibilité que l'échelle tarifaire applicable à l'interurbain de base, en cas de suppression des restrictions, enregistrerait d'importantes hausses de prix, ou serait éliminée de sorte que seuls des plans tarifaires d'interurbain seraient offerts aux abonnés, avec de plus grandes réductions proposées aux clients qui prennent plusieurs autres services dans le cadre d'un forfait. Selon les Groupes de défense des consommateurs, si cela se produisait, les clients n'auraient plus accès aux services interurbains dégroupés autonomes sans les frais mensuels minimums, soit ce qui était actuellement offert par le biais de l'échelle tarifaire de l'interurbain de base. Toujours selon les Groupes de défense des consommateurs, de nombreux d'abonnés à l'interurbain de base seraient confrontés à une hausse importante de prix s'ils étaient obligés de prendre un plan d'interurbain avec un supplément d'accès au réseau et éventuellement des frais mensuels minimums. D'après les Groupes de défense des consommateurs, certains clients se verraient injustement imputer de hausses dans leurs frais téléphoniques mensuels globaux, même si ces hausses étaient légères, que ce soit provenant de l'augmentation de leurs tarifs d'interurbain ou locaux. De plus, les Groupes de défense des consommateurs ont fait valoir qu'il était peu probable que le libre jeu du marché concurrentiel se concrétise par un plan tarifaire d'interurbain provenant des ESLT, ou tout autre fournisseur, qui offrirait un accès à faible coût pour les utilisateurs du service interurbain à faible volume comparable aux tarifs de l'échelle tarifaire de l'interurbain de base.

20. En ce qui concerne les solutions de rechange offertes, les Groupes de défense des consommateurs ont soutenu que certaines des alternatives proposées n'étaient pas réellement des solutions de rechange car elles n'avaient pas soit la fonctionnalité soit la fiabilité des services interurbains traditionnels. Selon eux, les services VoIP et d'autres solutions de rechange par le bais d'Internet pour l'interurbain supposent un accès informatique et un service sous-jacent à Internet, que de nombreux clients vulnérables et à faibles revenus n'ont pas. De plus, les Groupes de défense des consommateurs ont soutenu que beaucoup de consommateurs âgés et ceux qui n'ont pas de connaissances techniques ne profiteront pas de la recrudescence de ces options et continueront à se fier aux services interurbains traditionnels.

21. Les Groupes de défense des consommateurs ont avancé que le Conseil avait déjà réglementé l'interurbain de base conformément aux instructions dans le sens où il s'était fié à la libre jeu du marché pour atteindre les buts de la politique fixés dans la Loi et, au besoin, avait réglementé de telle manière à compromettre le moins possible les forces du marché.

Analyse et conclusions du Conseil

22. Le Conseil fait remarquer que les sous-alinéas 1a)(i) et (ii) des instructions énoncent qu'il doit :

  1. se fier, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché comme moyen d'atteindre les objectifs de la politique,
  2. lorsqu'il a recours à la réglementation, prendre des mesures qui sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et qui ne font obstacle au libre jeu d'un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs.

23. Le Conseil relève que, dans la décision de télécom 97-19, il a estimé que le secteur des services interurbains de base du marché des services interurbains n'était pas assujetti, sur le plan des prix, à une concurrence aussi intense que le marché des services interurbains dans son ensemble et celui des services interurbains sans frais. Selon le Conseil, le maintien d'un plafond pour les tarifs des services interurbains de base, tel qu'établi dans la décision de télécom 94-19, conviendrait car il empêcherait les ESLT de générer des revenus accrus provenant du secteur des services interurbains de base du marché de l'interurbain, qui pourraient servir à financer l'établissement de prix inférieurs aux coûts dans les secteurs du marché qui sont très concurrentiels.

24. De plus, dans cette décision, le Conseil a estimé que, dans un régime d'abstention dans lequel son approbation préalable de tarifs n'était plus exigée, les abonnés dans les régions sans égalité d'accès n'auraient pas la capacité de changer pour des services comparables fournis par des fournisseurs de services de télécommunication interurbains concurrents, et qu'ils avaient donc besoin d'une certaine protection sur le plan de la réglementation. Par conséquent, le Conseil a conclut que le maintien d'un plafond donnerait aussi aux consommateurs dans les régions sans égalité d'accès moins concurrentielles une garantie supplémentaire contre des hausses de tarifs injustes ou déraisonnables dans un milieu détarifé.

25. Afin de protéger les intérêts des utilisateurs, dont les utilisateurs dans les régions éloignées à coût élevé, et compte tenu des objectifs de la politique canadienne de télécommunication, le Conseil a jugé approprié dans la décision de télécom 97-19 d'adopter les conditions applicables à l'offre ou à la fourniture de services interurbains de base pour certaines ESLT, telles qu'énoncées au paragraphe 5 ci-dessus. Il a accordé les mêmes conditions à SaskTel dans la décision 2000-150 et des conditions similaires à Ontera dans la décision 2001-583.

26. Le Conseil fait remarquer que, d'après les renseignements fournis par les compagnies, le pourcentage des revenus d'interurbain des ESLT attribuables aux services interurbains de base a diminué fortement depuis la publication de la décision de télécom 97-19. Il estime, par conséquent, que rien n'encouragera les ESLT à s'engager dans l'établissement de prix inférieurs aux coûts car elles ne pourront pas générer suffisamment de hausses de revenus provenant du secteur interurbain de base pour financer l'établissement de prix inférieurs aux coûts dans les secteurs du marché qui sont fortement concurrentiels.

27. En ce qui concerne l'égalité d'accès, le Conseil mentionne qu'elle est offerte presque partout dans le territoire d'exploitation de chaque ESLT.

28. D'après le Conseil, les principales raisons invoquées pour maintenir le plafond de l'échelle tarifaire du service interurbain de base n'existent plus. Il estime donc que maintenir les restrictions applicables au service interurbain de base, plutôt que se fier sur le libre jeu du marché dans un marché faisant l'objet d'une abstention, ne respecte pas les objectifs de la Loi.

29. Quant au fait de savoir si d'autres alternatives à l'échelle tarifaire de l'interurbain de base sont valables, le Conseil est d'avis qu'il y a de nombreuses options rentables offertes aux clients qui ne désirent pas s'abonner à un plan d'interurbain, dont divers services de contournement, les cartes d'appel prépayées et les plans d'interurbain des fournisseurs de services interurbains concurrents. Dans bien des cas, ces services interurbains sont offerts à des tarifs inférieurs à ceux proposés dans les plans d'interurbain des ESLT et quelques-uns n'imputent pas de frais d'abonnement ou de frais d'accès au réseau. De plus, il y a certaines solutions de rechange qui n'existaient pas lors de la publication de la décision de télécom 97-19, comme divers services par Internet.

30. Le Conseil reconnaît également qu'il reste un petit nombre d'abonnés qui résident dans les régions sans égalité d'accès. Il note que des solutions de rechange, comme les services interurbains sans frais d'interurbain et les cartes d'appel prépayées, sont offertes à ces consommateurs et que la plupart des clients le savent en général. De plus, vu le nombre limité de clients dans ces régions, augmenter les tarifs de ces clients ne constituerait pas une source de revenu supplémentaire importante pour les ESLT.

31. Concernant les préoccupations soulevées par les Groupes de défense des consommateurs à l'égard de la suppression de l'échelle tarifaire de l'interurbain de base, le Conseil note que la plupart des ESLT ont déclaré avoir l'intention de maintenir cette échelle tarifaire, même si la STC a indiqué qu'il ne faudrait maintenir son échelle tarifaire de l'interurbain de base que pour les utilisateurs de téléscripteurs et dans les régions sans égalité d'accès.

32. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu'il est judicieux de supprimer les restrictions applicables à l'échelle tarifaire de l'interurbain de base, sauf pour les personnes malentendantes ou malparlantes certifiées ou inscrites qui utilisent des téléscripteurs, tel qu'énoncé ci-après. Le Conseil estime que cette décision contribue à l'atteinte des objectifs énoncés aux paragraphes 7c) et 7f) de la Loi.

II. Bien-fondé du maintien de la réduction de 50 % pour les utilisateurs de téléscripteurs

Positions des parties

33. Bell Canada a indiqué qu'elle ne s'opposerait pas au maintien de la réduction de 50 % pour les utilisateurs de téléscripteurs. Selon elle, pour que les principes de symétrie et de neutralité en matière de concurrence soient respectés, la réduction de 50 % doit s'appliquer à tous les fournisseurs de service de télécommunication offrant ou fournissant des services interurbains dans le territoire d'exploitation de la compagnie. La STC a abondé dans ce sens.

34. L'ASC, la SCO et ARCH se sont limités à fournir des observations sur leur position en faveur du maintien de la réduction de 50 % pour les utilisateurs malentendants. ARCH et l'ASC ont soutenu que cette réduction devait prendre en compte qu'un abonné malentendant ou malparlant inscrit avait besoin d'un temps considérablement plus long pour communiquer par le réseau téléphonique5. ARCH a également noté que cette réduction avait été approuvée dans le but d'uniformiser les coûts de communication des clients malentendants et malparlants et ceux des autres clients.

35. ARCH a fait valoir qu'aucun changement notoire ne s'était produit depuis la décision de télécom 97-19 qui pourrait justifier l'élimination de cette obligation. Il a ajouté que le maintien de la réduction était primordial pour les personnes malentendantes et malparlantes pour pouvoir bénéficier d'un accès équitable et abordable aux services interurbains afin de répondre à leurs besoins en matière de communication. De plus, selon ARCH, il faudrait exiger la réduction sur les téléscripteurs auprès de tous les fournisseurs de services interurbains, tandis que pour l'ASC il faudrait étendre la réduction aux services sans fil et autres services de télécommunication.

36. ARCH a remarqué que le Groupe d'étude sur le cadre réglementaire des télécommunications, dans son Rapport final - 2006 (le Groupe d'étude), a reconnu l'importance durable des objectifs sociaux dans la politique relative aux télécommunications. ARCH a noté également que le Groupe d'étude a trouvé que les objectifs de politique législative devraient comporter un engagement plus ferme de viser à encourager le bien-être social des Canadiens et le caractère global de la société canadienne en facilitant l'accès des personnes handicapées aux télécommunications.

37. D'après ARCH, le Conseil a reconnu que le libre jeu du marché pourrait ne pas suffire pour protéger les intérêts des personnes handicapées. Il a ajouté que le Conseil comme le Groupe d'étude conviennent qu'il faudrait appliquer des obligations sociales, telles que la réduction sur les télescripteurs, tout en restant neutre sur le plan de la concurrence.

Analyse et conclusions du Conseil

38. Le Conseil note le sous-alinéa 1b)(iii) des instructions qui précise que lorsqu'il a recours à la réglementation, il devrait prendre des mesures qui satisfont à l'exigence suivante :

(iii) lorsqu'elles sont de nature non économique, être mises en ouvre, dans toute la mesure du possible, de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence.

39. Étant donné que la réduction sur les téléscripteurs concerne des questions d'accessibilité, le Conseil convient qu'une telle obligation facilitera l'atteinte des objectifs du paragraphe 7h) de la Loi en répondant aux exigences économiques et sociales des utilisateurs de services de télécommunication.

40. Le Conseil note que, dans l'ordonnance 2000-17, il a étendu la réduction de 50 % applicable aux appels en provenance du service de résidence d'un utilisateur de téléscripteur malentendant ou malparlant inscrit ou certifié, et qui lui sont facturés, aux appels suivants tarifés en fonction des échelles tarifaires de l'interurbain de base des ESLT :

  1. tous les appels au Canada en provenance du service de résidence d'un utilisateur de téléscripteur malentendant ou malparlant inscrit ou certifié et qui lui sont facturés;
  2. tous les appels au Canada acheminés par un centre ou un service de relais;
  3. tous les appels au Canada facturés à la carte d'appel d'un abonné malentendant ou malparlant inscrit ou certifié;
  4. tous les appels au Canada provenant de lignes réservées utilisées par un utilisateur de téléscripteur malentendant ou malparlant inscrit ou certifié à son lieu de travail et facturés à son employeur;
  5. tous les appels au Canada provenant de lignes réservées louées par une entreprise qui offre des services téléscripteur à ses clients.

41. Le Conseil remarque qu'il reste toujours un nombre important d'utilisateurs de téléscripteurs de résidence et d'affaires qui font des appels en utilisant l'échelle tarifaire de l'interurbain de base selon les cas de figure susmentionnés. Il note également que la réduction de 50 % a été mise en place pour régler l'inégalité entre les utilisateurs de services de télécommunication malentendants ou malparlants et les autres utilisateurs. Par conséquent, le Conseil estime qu'il faudrait maintenir les restrictions liées à l'échelle tarifaire de l'interurbain de base, dont la réduction de 50 % pour les utilisateurs de téléscripteurs vers les appels identifiés auparavant.

42. Cependant, le Conseil considère que l'inclusion du supplément lié aux cartes de crédit pour le faible nombre d'utilisateurs de téléscripteurs imposerait un fardeau sur les compagnies et que cela aurait peu d'incidence sur le calcul du tarif moyen de l'interurbain de base pour les utilisateurs de téléscripteurs. Le Conseil estime donc raisonnable d'exclure le supplément lié aux cartes de crédit lors du calcul du prix moyen des services interurbains de base.

43. Le Conseil prend note que la plupart des parties ont déclaré que, si cette condition devait perdurer, il faudrait l'appliquer à tous les fournisseurs de services de télécommunication interurbains en ce qui concerne les services interurbains offerts.

44. Néanmoins, le Conseil constate que la réduction de 50 % sur les téléscripteurs s'applique en fonction de l'échelle tarifaire de l'interurbain de base, et pour que tous les fournisseurs de services de télécommunication interurbains concurrents soient tenus d'offrir cette réduction, ils devront offrir un service interurbain de base. De plus, l'extension de la réduction de 50 % aux fournisseurs de services de télécommunication interurbains concurrents ne figurait pas dans les questions traitées dans la présente instance. Yak était le seul fournisseur de services de télécommunication interurbains concurrent à déposer des observations dans l'instance mais il n'a fourni aucun commentaire concernant cette question. Le Conseil conclut donc qu'il ne serait pas raisonnable d'étendre cette obligation à tous les fournisseurs de services de télécommunication interurbains concurrents en ce moment. Cependant, le Conseil estime qu'il serait judicieux d'examiner cette question par rapport à l'instance planifiée pour traiter les questions d'accessibilité non résolues pour les personnes handicapées identifiées par le Conseil dans la deuxième année de son plan de travail de trois ans, soit de 2007 à 2010, daté du 24 avril 2007.

45. Par conséquent, le Conseil conclut que, pour les utilisateurs de téléscripteurs malentendants ou malparlants inscrits ou certifiés, excepté l'inclusion du supplément lié aux cartes de crédit dans le calcul du prix moyen des appels, les cinq restrictions applicables à l'interurbain de base établies dans la décision de télécom 97-19, telles que modifiées par l'ordonnance 2000-17, seront toujours appliquées à Bell Aliant, à Bell Canada, à MTS Allstream, à Ontera, à SaskTel, à Télébec et à la STC. D'ici la publication de sa décision dans l'instance relative aux questions d'accessibilité mentionnées auparavant, le Conseil est prêt à examiner les propositions de ces compagnies, en consultation avec les diverses associations des personnes malentendantes et malparlantes, afin de trouver d'un commun accord une alternative temporaire au maintien de l'échelle tarifaire de l'interurbain de base et de la réduction sur les téléscripteurs pour ces utilisateurs.

Secrétaire général

Documents connexes

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Notes de bas de page

[1] Sogetel inc. ne fournit pas de services interurbains.

[2] Un téléscripteur, aussi nommé téléimprimeur, est un appareil électronique qui permet de communiquer du texte par une ligne téléphonique.

[3] Ces compagnies de téléphone étaient BC TEL (faisant maintenant partie de la STC); Bell Canada; The Island Telephone Company Limited, Maritime Tel & Tel Limited, The New Brunswick Telephone Company Limited et NewTel Communications Inc. (maintenant Bell Aliant); MTS NetCom Inc. (maintenant MTS Allstream); Sogetel; Télébec; et TELUS Communications Inc. et Québec Téléphone (faisant maintenant partie de la STC).

[4] Les objectifs énoncés aux alinéas 7b), 7c) et 7f) de la Loi sont, respectivement, « permettre l'accès aux Canadiens dans toutes les régions - rurales ou urbaines - du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité »; « accroître l'efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes » et « favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l'efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire ».

[5] Énoncé dans l'ordonnance 2000-17.

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