Décision de télécom CRTC 2024-239

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Référence : Demande en vertu de la Partie 1 affichée le 23 mai 2024

Ottawa, le 10 octobre 2024

Dossier public : 8698-B2-202402874

Demande de révision et de modification de la politique réglementaire de télécom 2024-26 concernantla solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille

Sommaire

Les numéros de téléphone sont une ressource limitée et un élément clé de notre système de communication moderne. En raison de l’émergence de nouveaux services dans les dernières années (comme la communication vocale par protocole Internet [VoIP] et l’Internet des objets) et de l’augmentation continue de l’utilisation des téléphones cellulaires, il faut de plus en plus de numéros pour desservir la population canadienne.

Dans la politique réglementaire de télécom 2024-26 (politique), le Conseil a ordonné aux entreprises de services locaux et aux fournisseurs de services sans fil de mettre en œuvre la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille d’ici au 6 octobre 2025 afin de conserver des numéros de téléphone et retarder la possibilité que l’épuisement des numéros de téléphone ait lieu avant 2030. Le Conseil a également demandé au Comité directeur du CRTC sur l’interconnexion d’examiner comment il pourrait réattribuer les numéros de téléphone inutilisés.

Bell Canada; Cogeco Communications Inc., au nom de Cogeco Connexion Inc.; l’Independent Telecommunications Providers Association; Québecor Média inc.; Saskatchewan Telecommunications; TELUS Communications Inc. et Westman Media Cooperative Ltd. (collectivement les demandeurs) ont déposé une demande auprès du Conseil visant à réviser et à modifier plusieurs éléments de la politique. Ils ont allégué que le Conseil n’a pas tenu compte de la complexité des changements techniques et opérationnels qui sont nécessaires pour respecter le délai de mise en œuvre de la solution.

Le Conseil conclut que les demandeurs n’ont pas établi de doute réel selon lequel le Conseil a commis une erreur de fait en omettant de tenir compte d’un principe fondamental lors de l’instance ayant mené à la politique. Par conséquent, le Conseil refuse la demande de révision et de modification.

Grâce à la présente décision, le Conseil continue de garantir que l’inventaire restant de numéros de téléphone au Canada est géré de manière responsable au bénéfice de toute la population canadienne qui compte sur les télécommunications comme un aspect essentiel de sa vie quotidienne.

Contexte

  1. Le 5 février 2024, le Conseil a publié la politique réglementaire de télécom 2024-26 (politique), à la suite de l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2023-92 (avis). Dans la politique, le Conseil a ordonné aux entreprises de services locaux et aux fournisseurs de services sans fil de mettre en œuvre, au plus tard le 6 octobre 2025, la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille. Cette politique comprenait plusieurs autres mesures visant à orienter le secteur vers la conservation des numéros de téléphone.
  2. Une fois mise en œuvre, la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille permettra l’attribution de numéros de téléphone aux fournisseurs de services de télécommunication par blocs de 1 000 numéros. Actuellement, lorsqu’ils étendent leurs services à une nouvelle zone, les fournisseurs de services de télécommunication se voient automatiquement attribuer des blocs de 10 000 numéros, quelle que soit la population de la zone. Par conséquent, il arrive que de nombreux numéros attribués demeurent inutilisés.
  3. Dans la politique, le Conseil a également demandé au Comité directeur du CRTC sur l’interconnexion (CDCI) d’examiner comment les numéros inutilisés des indicatifs de centralNote de bas de page 1 précédemment attribués pourraient être inclus dans l’inventaire des numéros et de déposer un rapport d’ici le 6 août 2024.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Bell Canada; de Cogeco Communications Inc., au nom de Cogeco Connexion Inc.; de l’Independent Telecommunications Providers Association; de Québecor Média inc.; de Saskatchewan Telecommunications; de TELUS Communications Inc. et de Westman Media Cooperative Ltd. (collectivement les demandeurs), datée du 6 mai 2024, dans laquelle ces derniers demandaient au Conseil de réviser et de modifier plusieurs éléments de la politique. Les demandeurs ont allégué que le Conseil a commis une erreur de fait et qu’il n’a pas tenu compte d’un principe de base dans l’instance qui a mené à la politique.
  2. En particulier, les demandeurs ont fait valoir que le Conseil n’a pas tenu compte des normes et des processus que le secteur doit mettre en place pour la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille, ainsi que du temps nécessaire pour l’élaborer, et ensuite pour la mettre en œuvre. Sur la base de cette erreur présumée, les demandeurs ont demandé au Conseil de prendre les mesures suivantes :
    • reporter la date limite à laquelle le CDCI a été prié de déposer son rapport du 6 août 2024 au 30 septembre 2024;
    • demander au CDCI de déposer auprès du Conseil, d’ici au 30 septembre 2024, un rapport supplémentaire qui fournit un plan de mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille;
    • suspendre la date de mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille.
  3. Le Conseil a reçu des interventions des Opérateurs de réseaux concurrentiels Canadiens (ORCC) et de TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy).

Critères de révision et de modification

  1. Dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, le Conseil a souligné les critères qu’il utiliserait pour évaluer les demandes de révision et de modification déposées conformément à l’article 62 de la Loi sur les télécommunications. Plus précisément, le Conseil a déclaré que les demandeurs doivent démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale, par exemple en raison i) d’une erreur de droit ou de fait; ii) d’un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision; iii) du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale; ou iv) d’un nouveau principe découlant de la décision.

Question

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner la question suivante dans la présente décision :
    • Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait et a-t-il omis de prendre en compte un principe de base dans la politique? Si oui, devrait-il octroyer le redressement demandé?

Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait et a-t-il omis de prendre en compte un principe de base dans la politique? Si oui, devrait il octroyer le redressement demandé?

Position des demandeurs
  1. Les demandeurs étaient favorables à une meilleure gestion des numéros et reconnaissent que ce sont eux qui bénéficieraient le plus du redressement demandé. Toutefois, ils ont argué que le Conseil avait commis une erreur de fait en supposant que les parties prenantes du secteur possédaient déjà les connaissances et les ressources nécessaires à la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille. Les demandeurs ont également soutenu que le Conseil n’avait pas tenu compte d’un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale ayant abouti à la politique. Plus précisément, ils ont argué que l’industrie doit élaborer des normes et des processus pour la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille, et qu’une période appropriée est nécessaire pour mettre la solution en œuvre de manière efficace, parce que ces normes et processus n’ont pas encore été mis au point.
  2. Les demandeurs ont indiqué qu’en réponse à l’avis, la plupart des parties prenantes ont indiqué qu’il leur fallait au moins 24 mois pour mettre en œuvre la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille. Ils ont également indiqué que la politique n’exigeait pas expressément que le CDCI établisse les critères auxquels les parties prenantes, à savoir l’Administrateur de la numérotation canadienne (ANC), le centre d’administration de la transférabilité des numéros et les fournisseurs de services de télécommunication, doivent adhérer pour la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille au Canada. Les demandeurs ont également fait remarquer qu’il n’était pas possible de simplement copier les lignes directrices et les procédures relatives à la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille aux États-Unis sans les adapter au contexte canadien.
  3. Les demandeurs ont argué qu’il existe des défis techniques et opérationnels et que l’ensemble du secteur doit avoir une compréhension claire de la question pour guider l’élaboration par les parties prenantes de plans de mise à jour de leurs systèmes, réseaux et processus de technologie de l’information.
  4. Les demandeurs ont fait remarquer que le rôle et les responsabilités exacts de l’administrateur de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille n’ont pas été définis au Canada. Ils ont suggéré que le Consortium de gestion de la numérotation canadienne inc., en collaboration avec d’autres parties prenantes par l’intermédiaire du CDCI, crée un ensemble d’exigences pour définir la manière dont les numéros seront administrés. Les demandeurs ont soutenu que, dans des circonstances normales, le CDCI serait chargé de soumettre un rapport au Conseil pour examen et approbation des normes et processus avant que l’ANC ne commence à mettre en œuvre un nouveau système.
  5. Les demandeurs ont fait valoir qu’en plus du rapport sur le retour des numéros inutilisés, le CDCI devrait également déposer un rapport contenant un plan dans lequel figurent les normes et les processus prévus pour la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille, étant donné que les deux questions sont interreliées. Les demandeurs ont précisé que la date limite pour les deux rapports devrait être le 30 septembre 2024.
Positions des parties
  1. Les ORCC étaient en faveur de la demande et ont convenu qu’il fallait d’abord convenir des normes et des processus pour pouvoir mettre en œuvre la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille. Ils étaient également en faveur de l’idée selon laquelle l’industrie doit élaborer des lignes directrices et établir un calendrier de déploiement au lieu de précipiter la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille.
  2. TekSavvy a reconnu que la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille est une tâche complexe qui nécessite un travail considérable; toutefois, elle n’était pas d’accord avec les demandeurs pour dire que les délais de présentation des rapports et de mise en œuvre de la solution devraient être prolongés ou suspendus. TekSavvy craignait que l’octroi du délai demandé ne repousse la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille à 2027 au plus tôt. TekSavvy a demandé au Conseil de réaffirmer rapidement ses conclusions afin que le Comité directeur canadien sur la numérotation du CDCI puisse se concentrer sur le travail nécessaire à la mise en œuvre de la solution.

Analyse du Conseil

  1. Au paragraphe 14 de la politique, le Conseil a pris acte des observations des intervenants selon lesquelles la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille nécessiterait d’importants changements dans les systèmes et les processus du secteur. La politique demandait aux entreprises de services locaux d’apporter les modifications nécessaires à leur équipement et à leurs systèmes, et de collaborer entre elles et avec leurs fournisseurs et les entités pertinentes participant à la gestion de la numérotation pour mettre en œuvre la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille conformément à la politique. Le Conseil a également reconnu l’urgence de la situation et a fait remarquer que l’industrie pouvait s’inspirer des processus en place aux États-Unis.
  2. Le Conseil estime que la politique a pris en compte les questions soulevées par les demandeurs. Au paragraphe 21 de la politique, le Conseil a reconnu la nécessité d’élaborer des normes et des procédures lorsqu’il a indiqué que la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille serait un projet complexe. Le Conseil a donc ordonné aux entreprises canadiennes, au CDCI, à l’ANC et à Neustar (en tant qu’administrateur de la transférabilité des numéros) de collaborer pour s’assurer que les changements requis au niveau des systèmes, de l’infrastructure et des processus sont en place pour la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille.
  3. En outre, le Conseil a fait remarquer que le Consortium de gestion de la numérotation canadienne inc. devait apporter les modifications nécessaires à l’entente de service conclu entre ce dernier et l’ANC afin d’y inclure les tâches administratives supplémentaires liées à la mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille. Par conséquent, le Conseil estime que si l’industrie ou le CDCI détermine que l’ANC doit assumer des tâches administratives supplémentaires, le Consortium de gestion de la numérotation canadienne inc. aurait déjà été invité à apporter les changements nécessaires dans son entente de service avec l’ANC.
  4. Par conséquent, le Conseil détermine qu’il n’y a pas eu d’erreur de fait. Le Conseil a rendu ses conclusions en tenant dûment compte de toutes les interventions et des principes et facteurs pertinents. L’urgence de la question justifiait l’approche adoptée. En ordonnant au CDCI de faciliter la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille, le Conseil a clairement indiqué qu’il attendait de l’industrie qu’elle prenne l’initiative et collabore avec le CDCI pour établir les normes (y compris l’interopérabilité), les processus et toutes les lignes directrices nécessaires à la mise en œuvre de la solution.
  5. Le Conseil fait remarquer que les deux initiatives décrites dans la demande, soit la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille et l’élaboration d’une procédure de retour des numéros inutilisés, bien qu’interreliées, ont été volontairement séparées en deux projets afin de ne pas retarder la mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille.
  6. Le Conseil fait également remarquer que la politique n’interdit pas au CDCI de soumettre à son approbation des lignes directrices pour l’attribution des numéros en blocs de mille et des indicatifs de central. Toutefois, le Conseil estime que toute nouvelle ligne directrice ou modification des lignes directrices existantes concernant la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille doit être soumise pour approbation avant la date limite de mise en œuvre de la solution.
  7. En ce qui concerne le rapport sur l’inclusion de numéros inutilisés provenant d’attributions antérieures, le Comité directeur canadien sur la numérotation a toujours la possibilité de demander une prolongation pour le dépôt d’un rapport particulier, si nécessaire. Si tel est le cas, il n’est pas nécessaire de réviser et de modifier la politique.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que les demandeurs n’ont pas démontré qu’il avait commis une erreur de fait ou qu’il avait omis de prendre en compte un principe de base dans l’instance qui a mené à la politique. Le Conseil conclut donc qu’il n’y a pas lieu de prolonger le délai de mise en œuvre de la solution de mise en commun de numéros de téléphone en blocs de mille. Par conséquent, le Conseil refuse la demande de révision et de modification de la politique.

Secrétaire général

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