Décision de télécom CRTC 2020-48

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Ottawa, le 5 février 2020

Dossier public : 8660-V3-201904516

Vidéotron ltée (Vidéotron) – Demande de redressement définitif afin que le Conseil ordonne à Bell Canada, au nom de Bell Mobilité inc., de s’abstenir de suspendre les services d’itinérance de gros fournis à Vidéotron

Le Conseil approuve une demande de redressement définitif enjoignant Bell Canada, au nom de Bell Mobilité inc., de s’abstenir de suspendre les services d’itinérance de gros fournis à Vidéotron ltée.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande en vertu de la partie 1, datée du 11 juin 2019, de Québecor Média inc. (Québecor), au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron), dans laquelle Québecor a demandé une décision du Conseil ordonnant à Bell Canada, au nom de Bell Mobilité inc. (collectivement Bell), de s’abstenir de suspendre les services d’itinérance de gros fournis à Vidéotron (services).
  2. Vidéotron a reçu une lettre de Bell, datée du 24 mai 2019, alléguant qu’un nombre significatif d’utilisateurs finals de Vidéotron utilisaient les services d’itinérance de gros de Bell Mobilité inc. (Bell Mobilité) d’une façon qui contrevient à l’article tarifaire 100.1(a)(23) du Tarif de services d’accès de Bell Mobilité. Sur la base de cette allégation, Vidéotron a été avisée à l’effet que dans l’éventualité où elle ferait défaut de remédier à cette infraction dans les 30 jours suivant l’avis de Bell, cette dernière aurait le droit de suspendre les services dès le 23 juin 2019. Dans la décision de télécom 2019-307, le Conseil a approuvé la demande de redressement provisoire de Québecor au nom de Vidéotron.
  3. Le Conseil a reçu des interventions sur la demande de redressement définitif de la part du Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP), d’Iristel Inc. (Iristel), de TELUS Communications Inc. (TCI) et de TNW Wireless Inc. (TNW), ainsi qu’une réponse de Bell.

Contexte réglementaire

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-177 (cadre régissant les services sans fil mobiles de gros), le Conseil a déterminé qu’il fallait obliger Bell Mobilité, Rogers Communications Partnership (RCP)Note de bas de page 1 et la Société TELUS Communications (STC)Note de bas de page 2 [collectivement les titulaires] à fournir des services d’itinérance de gros basés sur la technologie du système mondial de téléphonie mobile (GSM) aux autres entreprises de services sans fil canadiennes, et qu’il fallait réglementer les tarifs et modalités applicables à ces services.
  2. Dans la décision de télécom 2017-56, le Conseil a ordonné que des modifications soient apportées aux modalités définitives que proposent les titulaires concernant les services d’itinérance sans fil mobiles de gros qu’elles sont tenues de fournirNote de bas de page 3 (itinérance de gros obligatoire). Le Conseil, en approuvant ces modifications, visait entre autres à s’assurer que les tarifs des titulaires définiraient la portée de l’itinérance de gros obligatoire afin d’éviter d’une part tout éventuel comportement anticoncurrentiel de la part des titulaires, et d’empêcher d’autre part les clients qui achètent ces services d’utiliser les réseaux des titulaires de façon non autorisée, par exemple en revendant les services sans fil.
  3. Dans le tarif de Bell Mobilité, l’article 100.1(a)(23) — Service national d’itinérance sans fil stipule que :

    "itinérance" désigne la fourniture des fonctions réseau sans fil fondées sur la technologie GSM, comme il est expressément prévu dans le présent article tarifaire. Pour plus de certitude, les services d’itinérance de gros fournis en vertu du présent article tarifaire et prescrits par le CRTC permettent aux utilisateurs finals des services de détail d’une entreprise de services sans fil (c.-à-d. l’entreprise du réseau d’origine, ci-après appelée le client des services d’itinérance de gros) d’accéder automatiquement aux services de voix, de messagerie texte et de données à partir du réseau visité d’une entreprise de services sans fil (aussi appelé « le réseau hôte », ci-après le RMP disponible de la Compagnie), […] sur une base occasionnelle et non permanente […].

  4. Dans la décision de télécom 2017-56, le Conseil a aussi refusé d’adopter des règles ex ante visant l’établissement d’un seuil précis pour déterminer si le client des services d’itinérance de gros fait une utilisation inappropriée du service. Au paragraphe 73 de cette décision, le Conseil a estimé que l’établissement de seuils qui permettraient un certain volume d’itinérance permanente pourrait soulever certains problèmes, à savoir :
    • les utilisateurs finals qui accèdent au réseau visité ne serait-ce qu’une fois par jour pourraient être considérés comme des utilisateurs en itinérance permanente;
    • le client des services d’itinérance de gros devrait engager des coûts pour surveiller et repérer les utilisateurs finals en itinérance permanente de même que pour élaborer un système afin d’assurer le suivi de l’itinérance de chaque utilisateur final;
    • il n’y a pas assez d’éléments de preuve solides pour justifier le choix d’un seuil précis plutôt qu’un autre;
    • si le seuil est fixé trop bas, le client des services d’itinérance de gros pourrait, afin de ne pas dépasser le seuil, être contraint à limiter le nombre d’utilisateurs finals qui sont en itinérance permanente pour des raisons valables, ce qui pourrait nuire aux utilisateurs finals;
    • si le seuil est fixé trop haut, il pourrait tout simplement donner lieu, dans une mesure inappropriée, à l’abus contre lequel les titulaires devraient pouvoir se protéger (c.-à-d. la revente d’un accès permanent à leurs réseaux).
  1. En effet, le Conseil a déterminé que puisque l’itinérance de gros obligatoire permet un accès temporaire, et non un accès permanent, au réseau de la titulaire, la possibilité qu’un client des services d’itinérance de gros soit en mesure de revendre l’accès permanent au réseau de la titulaire devrait être grandement réduite.
  2. De plus, en ne fixant pas de seuil, le Conseil s’attendait à ce que les titulaires et leurs clients des services d’itinérance de gros collaborent pour déterminer ce qui constitue un niveau acceptable d’itinérance occasionnelle. C’est pour cette raison que, dans le paragraphe 77 de la décision de télécom 2017-56, le Conseil a affirmé que si un litige oppose une titulaire et un de ses clients des services d’itinérance de gros sur la question de savoir si le volume d’itinérance dépasse un niveau acceptable, les parties peuvent demander au Conseil d’établir si le client des services d’itinérance de gros fait une utilisation inappropriée du service.
  3. Dans le paragraphe 78 de la décision de télécom 2017-56, le Conseil a affirmé que pour déterminer si le client des services d’itinérance de gros a utilisé le service à mauvais escient ou a permis à son exploitant de réseaux mobiles virtuels de le faire, il peut s’inspirer des indicateurs ci-après, en totalité ou en partie, selon les particularités du cas :
    • le client des services d’itinérance de gros a attribué délibérément à ses utilisateurs finals des numéros de téléphone appartenant à des circonscriptions situées à l’extérieur de la zone de couverture de son réseau;
    • le client des services d’itinérance de gros a vendu ou commercialisé ses services à l’extérieur de la zone de couverture de son réseau;
    • le client des services d’itinérance de gros a vendu ou commercialisé ses services d’une manière qui permettrait à ses utilisateurs finals d’obtenir un accès permanent au réseau de la titulaire;
    • le client des services d’itinérance de gros a fourni à ses utilisateurs finals un appareil dont l’objectif unique ou principal est de permettre à ceux-ci d’obtenir un accès permanent au réseau de la titulaire;
    • le client des services d’itinérance de gros a omis de prendre des mesures raisonnables sur le plan commercial pour limiter le volume d’itinérance de ses utilisateurs finals sur le réseau de la titulaire à des niveaux d’utilisation temporaire qui respectent la portée du service. En analysant ce facteur, le Conseil peut prendre en compte les données concernant les grandes tendances en matière de trafic et d’utilisation du réseau concernant une grande proportion des utilisateurs finals du client des services d’itinérance de gros ou de son exploitant de réseaux mobiles virtuels.

Interprétation du contexte réglementaire

  1. Dans la présente instance, le CDIP, TNW et Vidéotron ont affirmé qu’au paragraphe 77 de la décision de télécom 2017-56, le Conseil a clairement indiqué qu’il s’attendait à être consulté par les parties en cas de différend concernant des allégations d’itinérance permanente. Vidéotron a soutenu que Bell a complètement fait fi de cette attente en expédiant à Vidéotron un avis de suspension sans consultation préalable. Vidéotron a soutenu que, sur cette seule base, le Conseil devrait ordonner à Bell de s’abstenir de toute action visant à suspendre les services.
  2. Le CDIP et TNW ont également exprimé être d’avis que le Conseil devrait envisager la réécriture du paragraphe 77 afin de préciser l’obligation de faire une demande au Conseil pour la partie suspectant que son client permet l’itinérance permanente.
  3. Aussi, Vidéotron a prétendu que les indicateurs énumérés au paragraphe 78 de la décision de télécom 2017-56 doivent être appliqués afin de déterminer si le client des services d’itinérance de gros a utilisé le service à mauvais escient. Vidéotron a indiqué que Bell n’a formulé aucune allégation de comportement inapproprié de la part de Vidéotron concernant les quatre premiers éléments du cadre d’analyse du Conseil en matière de différends relatifs à l’itinérance permanente. Vidéotron s’est par ailleurs appliquée à démontrer comment elle se conformait aux exigences de chacun des indicateurs et comment ses efforts pour contrôler l’itinérance permanente sont commercialement raisonnables et appliqués avec soin et de bonne foi.
  4. Iristel a fait valoir qu’il était tout à fait inapproprié de la part d’une titulaire d’envoyer un avis de suspension à un client d’un service d’itinérance de gros sans d’abord tenter de régler le différend, soit directement, soit en demandant au Conseil d’intervenir en cas d’échec. Iristel a également affirmé que Bell aurait dû au moins indiquer pour lequel des critères énumérés dans la décision de télécom 2017-56 elle accusait Vidéotron de ne pas respecter, puis de fournir des éléments de preuve à l’appui de ces allégations. Selon Iristel, si le Conseil souhaite modifier ou préciser les procédures concernant les différends sur l’itinérance de gros, l’avis de consultation de télécom 2019-57, pour lequel une audience publique est en cours de préparation, donne la possibilité de mener des consultations plus vastes sur cette question qu’au moyen de la présente instance, laquelle a une portée plutôt limitée.
  5. TCI a demandé au Conseil d’entamer une instance pour définir en premier lieu, d’une manière raisonnable pour toutes les parties, l’itinérance de gros sur une base ex ante. En second lieu, le Conseil pourrait définir un processus et des lignes directrices qui permettraient de trier les préoccupations relatives à l’itinérance permanente avant que celles-ci soient acheminées au Conseil aux fins de résolution. Selon TCI, cette activité fournirait des précisions aux entreprises de réseau d’origine et de réseau hôte et préviendrait tout abus éventuel. De plus, un processus clair et des lignes directrices précises permettraient de réduire le fardeau administratif du Conseil et de l’industrie du sans-fil au Canada, minimisant le nombre de différends devant être acheminés au Conseil.
  6. Le Conseil fait remarquer que les mots « peuvent demander » dans le paragraphe 77 de la décision de télécom 2017-56 sont permissifs et n’obligent pas une partie à consulter le Conseil pour savoir si un client d’un service d’itinérance de gros se sert du service de façon inappropriée. De plus, ces critères ne font pas partie du tarif. Toutefois, comme il est indiqué ci-dessus, le Conseil a mentionné s’attendre à ce que les titulaires et leurs clients des services d’itinérance de gros collaborent pour déterminer ce qui constitue un niveau acceptable d’itinérance occasionnelle. Cependant, si un litige oppose une titulaire et un de ses clients des services d’itinérance de gros sur la question de savoir si le volume d’itinérance dépasse un niveau acceptable, comme indiqué au paragraphe 77 de la décision de télécom 2017-56, les parties peuvent demander au Conseil d’établir si le client des services d’itinérance de gros fait une utilisation inappropriée du service.
  7. Dans l’avis du 24 mai 2019, Bell n’a pas fait référence aux indicateurs énumérés dans le paragraphe 78 de la décision de télécom 2017-56. Or, Bell n’était pas obligée de le faire, et ce, conformément à la décision de télécom 2017-56 et au tarif de Bell Mobilité.
  8. En ce qui concerne les interventions du CDIP, d’Iristel et de TNW concernant la modification du libellé du paragraphe 77 de la décision de télécom 2017-56 et la demande de TCI pour une instance concernant l’itinérance permanente, le Conseil estime que de telles questions ne relèvent pas de la portée de la présente instance.

Question

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait se prononcer sur la question suivante dans la présente décision :
    • Est-ce que Bell peut suspendre ou mettre fin aux services d’itinérance de gros dans les présentes circonstances?

Est-ce que Bell peut suspendre ou mettre fin aux services d’itinérance de gros dans les présentes circonstances?

Positions des parties

Demande de Vidéotron
  1. Vidéotron a noté que dans l’instance ayant mené à la décision de télécom 2017-56, de nombreuses propositions ont été mises de l’avant pour définir l’itinérance permanente. Bell Mobilité était d’ailleurs d’accord avec l’idée de définir l’itinérance permanente et a inscrit une définition dans son tarif provisoire d’itinérance de gros qui est demeurée en vigueur pour toute la période qui a mené à la publication de la décision de télécom 2017-56. Le texte précis de la définition de Bell Mobilité (qui se trouvait à l’article 100.1(a)(20) - disponible uniquement en anglais) se lisait comme suit :

    [Traduction] « " L’itinérance permanente " désigne une situation au cours de laquelle plus de cinquante pour cent (50 %) de l’utilisation des données ou des services de voix d’un client des services d’itinérance, mesurée en fonction de l’identité des abonnés au service mobile international (IMSI), est générée au cours de chacun des trois (3) mois civils consécutifs dans le réseau mobile public (RMP) disponible de l’entreprise, lorsqu’elle est mesurée par rapport à l’utilisation des données regroupées ou des services de voix de ce client dans le RMP de l’exploitant et dans le RMP disponible de l’entreprise. »

  2. Vidéotron a noté que dans la décision de télécom 2017-56, le Conseil a expressément choisi de ne pas adopter une définition de l’itinérance permanente.
  3. Cependant, Vidéotron a noté que, pendant une période de près de deux ans entre la publication de la politique réglementaire de télécom 2015-177 et celle de la décision de télécom 2017-56, le tarif provisoire d’itinérance de gros de Bell Mobilité contenait la définition de l’itinérance permanente citée au paragraphe 20 ci-dessus. Afin de pouvoir se prévaloir de ce tarif, Vidéotron a mis en place les systèmes nécessaires pour surveiller les volumes d’utilisation en itinérance de ses utilisateurs finals, conformément à la définition de Bell Mobilité citée au paragraphe 20 ci-dessus. Vidéotron a maintenu ces systèmes en place après la publication de la décision de télécom 2017-56.
  4. Vidéotron a fait remarquer qu’elle consulte ses systèmes une fois par mois et que des mesures sont prises afin de s’assurer que les utilisateurs finals n’abusent pas de leur accès aux services d’itinérance. Plus précisément, Vidéotron contacte un utilisateur final lorsque ce dernier utilise pendant chacun de deux mois consécutifs plus de 50 % de ses données ou de son service de voix sur un réseau hôte, lorsque comparé à son utilisation globale de ses données ou de son service de voix tant sur le réseau hôte que sur le réseau d’origine. L’utilisateur final est avisé que son accès à l’itinérance pourrait être interrompu advenant que cette tendance de consommation persiste (test de Vidéotron).
  5. Vidéotron était d’avis qu’il s’agit d’une approche beaucoup plus raisonnable et fiable pour contrôler l’itinérance permanente que celle mise de l’avant par Bell dans sa lettre à Vidéotron datée du 7 juin 2019, à savoir le volume de branchements fourni par Syniverse. Vidéotron a fait remarquer que le Conseil a affirmé dans la décision de télécom 2017-56 que le simple fait de se connecter fréquemment en itinérance à un réseau hôte ne constitue pas une preuve que l’utilisation de ce réseau n’est pas temporaire.
Réponse de Bell
  1. Dans sa réponse, Bell a affirmé que, dans sa lettre du 7 juin 2019, elle avait donné à Vidéotron les détails suivants :
    • Entre mai 2018 et mai 2019, un nombre d’utilisateurs finals de Vidéotron se seraient branchés en itinérance au réseau de Bell Mobilité. Ce faisant, un nombre de ces utilisateurs auraient encouru sur le réseau de Bell Mobilité une utilisation de données mensuelle moyenne égale ou supérieure à l’utilisation de données mensuelles qui serait raisonnablement attendue desdits utilisateurs sur les réseaux de Vidéotron et de ses autres fournisseurs de services d’itinérance.

    Bell a également fourni à Vidéotron un échantillon de 10 de ces utilisateurs finals de Vidéotron, désignés par leurs IMSI.

  2. Bell a affirmé qu’elle ne s’opposait pas à la définition d’itinérance sur une base non occasionnelle et permanente que Vidéotron dit appliquer à ses clients qui utilisent le service d’itinérance de Bell Mobilité. Bell a indiqué qu’il s’agissait là de l’un des nombreux moyens raisonnables d’assurer le respect de la définition du service d’itinérance indiquée dans le tarif. Bell a affirmé que le test de Vidéotron se rapprochait de près de l’analyse sous-jacente appliquée la première fois, lorsque, dans sa lettre du 24 mai 2019, Bell avait déterminé qu’il y avait des motifs raisonnables et probables de suspendre ou de mettre fin aux services.
  3. Bell a ensuite donné au Conseil et à Vidéotron quatre listes confidentielles contenant les IMSI des utilisateurs finals de Vidéotron qui avaient accédé en mode itinérance au réseau de Bell du 30 juin 2018 au 31 mai 2019, et qui auraient dû être repérés par le test de Vidéotron en raison de leur itinérance non occasionnelle et permanente pendant deux ou trois mois consécutifs.
Réplique de Vidéotron
  1. Dans sa réplique du 15 juillet 2019, Vidéotron a fourni les résultats de l’analyse des quatre listes de Bell.
  2. Vidéotron a fait remarquer que :
    • Ce ne sont pas toutes les IMSI identifiées par Bell qui ont satisfait au test du 50 % d’utilisation pendant deux mois consécutifs justifiant l’envoi d’un avis ou au test du 50 % d’utilisation pendant trois mois consécutifs justifiant l’imposition d’une suspension. Cela n’a rien de surprenant, car Bell n’a aucun moyen de connaître le niveau d’utilisation des abonnés de Vidéotron sur le réseau de cette dernière.
    • Il s’avère que Bell et Vidéotron n’utilisent pas les mêmes seuils à partir desquels une analyse de l’utilisation de l’itinérance est déclenchée. Bien qu’ils ne soient pas identiques, les seuils d’utilisation de Bell et de Vidéotron sont tout de même très similaires.
    • Pour donner une idée de l’impact de cette différence en termes de nombre d’avis envoyés et de suspensions imposées, Vidéotron a procédé à une nouvelle analyse des données pour la période à l’étude en ayant recours aux seuils d’utilisation de Bell.
    • Le nombre d’abonnés dont les services ont été suspendus pour ensuite être débloqués en vertu de circonstances atténuantes est extrêmement faible. Selon Vidéotron, c’est la preuve qu’elle a appliqué cette exception avec modération et de manière responsable.
    • Les tableaux incluent également le nombre d’IMSI attribuées à Fizz, la marque complémentaire de Vidéotron dont les services ont été lancés à la fin de 2018. En compilant les données relatives aux activités d’itinérance de ses utilisateurs finals, Vidéotron s’est rendu compte que ses analyses de suivi n’ont pas été appliquées aux abonnés de Fizz. Cette situation a maintenant été corrigée. En tout état de cause, Vidéotron a affirmé que le nombre d’abonnés concernés était extrêmement faible.
Demandes de renseignements supplémentaires
  1. Le personnel du Conseil a demandé à Vidéotron de vérifier des renseignements sur le nombre d’abonnésNote de bas de page 4 découlant des quatre listes d’IMSI suspectées d’itinérance permanente fournies par Bell. En réponse aux demandes du personnel du Conseil, Vidéotron a fourni des explications complémentaires concernant les raisons pour lesquelles certains utilisateurs finals n’ont pas reçu d’avis.
  2. Vidéotron a décrit le processus au moyen duquel elle permet à ses utilisateurs finals ayant reçu la lettre des deux mois et la lettre des trois mois de présenter leurs circonstances atténuantes à Vidéotron, le processus observé pour étudier ces circonstances, et le processus observé pour déterminer si un utilisateur final devrait ou non être en mesure de conserver ses privilèges d’itinérance.
    • Puisqu’il est impossible de prévoir toutes les circonstances pouvant justifier le retrait d’une suspension de privilèges d’itinérance d’un utilisateur final, Vidéotron n’a pas recours à une liste exhaustive de justifications. Cela dit, voici quelques exemples de justifications que Vidéotron considère comme acceptables : i) en raison du décès ou de la longue maladie d’un proche, un client doit se relocaliser pour une période prolongée; ii) un client travaille temporairement à l’extérieur de la zone de couverture de Vidéotron; et iii) un client déménage sans se rendre compte qu’il est maintenant à l’extérieur de la zone de couverture de Vidéotron. Dans ce dernier cas, le contact avec le client permet à Vidéotron de lui expliquer qu’il doit se trouver rapidement un nouveau fournisseur de services sans fil.
    • Vidéotron a souligné également que sa politique est de permettre le retrait d’une suspension de privilèges d’itinérance d’un utilisateur final qu’une seule fois pendant la durée de la relation commerciale liant Vidéotron à l’utilisateur final en question. Pour toutes ces raisons, Vidéotron a réitéré que le nombre de cas de retrait de suspension est extrêmement faible. Vidéotron a affirmé que c’est la preuve qu’elle a appliqué cette exception avec modération et de manière responsable.
  3. Dans sa réponse aux demandes de renseignements présentées le 19 août 2019 et dans sa réponse définitive du 26 septembre 2019, Bell a fait remarquer que Vidéotron a révélé deux séries de données concernant les quatre listes d’IMSI :
    • Le premier ensemble de données porte sur les listes d’IMSI des utilisateurs finals de Vidéotron qui ont été remises le 8 juillet 2019 et les réponses de Vidéotron aux demandes de renseignements du Conseil du 12 août 2019, fondées sur ces échantillons d’IMSI.
    • Le deuxième ensemble de données indique les numéros antérieurement confidentiels que Vidéotron a fournis dans sa réplique du 15 juillet 2019.
  4. Bell a précisé que les deux ensembles de données de Vidéotron démontraient des manquements aux mesures de protection contre l’itinérance permanente déployées par Vidéotron. Bell a affirmé que l’aspect déraisonnable de ces mesures devient plus clair lorsque l’on examine jusqu’à quel point le système de Vidéotron échoue au moment de recenser et d’aviser tous les abonnés itinérants permanents de deux et de trois mois qui auraient dû être repérés et avisés (et empêchés d’utiliser les services d’itinérance), mais qui ne l’ont pas été.
  5. Bell a précisé que deux éléments étayaient l’aspect déraisonnable des mesures de protection de Vidéotron contre l’itinérance permanente, à savoir, la non-inclusion des abonnés de Fizz ainsi qu’un « problème technique ».
  6. Bell s’est déclarée préoccupée par les références de Vidéotron concernant l’utilisation de ses propres seuils d’itinérance interne. Bell a fait remarquer que Vidéotron avait une colonne dans le tableau intitulé « Nombre d’IMSI additionnelles qui auraient reçu un avis si Vidéotron avait utilisé les seuils d’utilisation de Bell ».
  7. Bell a signalé trois préoccupations concernant la demande de Vidéotron pour un « seuil d’utilisation » :
    • L’interdiction du tarif contre l’itinérance sur une base non occasionnelle et permanente est absolue et n’est liée à aucun seuil minimal d’itinérance pour l’utilisation des services de voix et de données.
    • La tentative de Vidéotron de citer les seuils d’utilisation que Bell avait appliqués au moment d’élaborer son modèle (et la proximité entre les seuils de Bell et ceux de Vidéotron) comme justification prétendue pour ses propres seuils d’utilisation interne était tout à fait inappropriée. Bell a affirmé qu’elle avait appliqué des seuils d’utilisation à la conception de son modèle pour accroître son niveau d’assurance au moment de générer les listes des IMSI qu’elle soupçonnait de s’être placées en situation d’itinérance non occasionnelle et permanente pour des services de voix et de données pendant des périodes de deux et de trois mois consécutifs. Bell a fait remarquer que son modèle avait été à la fois utile et exact puisqu’il avait permis de repérer six des 10 IMSI dans son échantillon initial du 7 juin 2019, soit en tant qu’abonnés itinérants permanents actuels, soit présentant un risque élevé de le devenir.
    • L’utilisation des seuils d’itinérance de la part de Vidéotron signifie que le taux d’insuccès réel des mesures de protection contre l’itinérance permanente dépasse fort probablement les taux que Bell avait détectés dans son premier ensemble de données puisque i) les taux d’insuccès globaux de Vidéotron sont peu élevés, seulement pour les échantillons d’IMSI tirés du modèle de Bell, le modèle n’indiquant que les grands utilisateurs mensuels des services d’itinérance échantillonnés et ii) Vidéotron avait appliqué de façon inappropriée des seuils d’utilisation plus élevés pour les services d’itinérance au moment d’appliquer ses propres mesures de sécurité internes contre l’itinérance.
  8. De plus, Bell a affirmé qu’en raison de la politique de Vidéotron, qui consiste à mettre fin une seule fois aux privilèges d’un utilisateur final en matière d’itinérance au cours de la « relation commerciale » de ce dernier avec l’entreprise, les abonnés itinérants récurrents et réguliers sont effectivement exemptés de suspensions supplémentaires à la suite de leur première suspension. Bell a soutenu que ce fait indique que les mesures de protection actuelles de Vidéotron contre l’itinérance permanente ne constituent absolument pas des mesures de protection raisonnables qui serviraient à empêcher l’utilisation sur une base non occasionnelle et permanente des services d’itinérance sur le réseau hôte de Bell Mobilité, conformément au tarif.
  9. Pour toutes les raisons susmentionnées, Bell a demandé au Conseil de rejeter le reste de la demande de Vidéotron, soit une injonction permanente interdisant à Bell Mobilité de faire appliquer son tarif. De plus, Bell a demandé au Conseil de publier un certain nombre d’ordonnances en vertu de l’article 24 de la Loi sur les télécommunications (Loi) afin de corriger l’inefficacité des mesures de protection de Vidéotron contre l’itinérance permanente ou d’y remédier, assurant ainsi l’utilisation du service d’itinérance par l’entreprise de façon conforme au tarif.
Réplique finale de Vidéotron
  1. Le 7 octobre 2019, Vidéotron a déposé sa réplique finale aux préoccupations de Bell. En ce qui concerne le fait que Vidéotron n’ait pas appliqué ses mesures de protection contre l’itinérance permanente aux abonnés de Fizz dans les mois qui ont immédiatement suivi le lancement de Fizz, Vidéotron a affirmé qu’il s’agissait simplement d’un oubli qui a été corrigé. Les abonnés de Fizz sont maintenant soumis aux mêmes mesures de protection contre l’itinérance permanente que les abonnés de Vidéotron.
  2. En ce qui concerne le problème technique rencontré par Vidéotron lors de l’envoi d’avis à une partie de ses utilisateurs finals qui se sont placés en situation d’itinérance permanente, Vidéotron a indiqué dans sa réponse à la demande de renseignements du Conseil que ce problème est attribuable à une défaillance de communication entre les systèmes de surveillance et de notification SMS de Vidéotron. Ce problème a été détecté en préparant les réponses aux demandes de renseignements du Conseil et la cause de l’anomalie a depuis été identifiée comme étant des incohérences dans les scripts de création de tâches entre les systèmes de tarification, de calcul d’utilisation relative, d’envoi de SMS et de médiation. Un plan pour remédier à ce problème a été défini et Vidéotron prévoyait le mettre en place au plus tard le 1er décembre 2019.
  3. Vidéotron a reconnu que l’omission liée à Fizz et le problème technique lié à l’envoi d’avis sont regrettables. Toutefois, Vidéotron a argué que, considérées ensemble, ces erreurs n’ont jamais impliqué plus du quart du nombre total d’utilisateurs finals de Vidéotron s’étant placés en situation d’itinérance permanente. Plus important encore, selon Vidéotron, ces erreurs se sont produites dans un contexte où Vidéotron n’a jamais, à aucun moment ni de quelque manière que ce soit, encouragé ses utilisateurs finals à se placer en situation d’itinérance permanente, comme le démontre le fait que Bell n’a même pas tenté de soulever des allégations contre Vidéotron en lien avec les quatre premiers indicateurs du cadre utilisé par le Conseil afin d’évaluer les allégations d’itinérance permanente.
  4. En ce qui concerne l’existence de seuils d’utilisation dans le système de détection des situations d’itinérance permanente de Vidéotron, Vidéotron a affirmé être d’avis que l’opposition soudaine de Bell à ce concept est tout simplement déraisonnable. Selon la nouvelle position adoptée par Bell et l’exemple qu’elle utilise à l’appui, un utilisateur final de Vidéotron qui effectuerait des appels d’une durée totale de 60 secondes sur le réseau de Bell Mobilité et des appels d’une durée totale de 45 secondes sur le réseau de Vidéotron chaque mois pendant trois mois consécutifs devrait être privé d’itinérance. Vidéotron a argué qu’elle ne voit aucune politique d’intérêt public qui pourrait être servie par une interprétation aussi draconienne de la notion d’itinérance permanente.
  5. En ce qui concerne le fait que Vidéotron ne suspend pas de façon permanente les utilisateurs finals qui se sont placés en situation d’itinérance permanente, Vidéotron a noté que, dans le dernier paragraphe de sa réponse à cette demande de renseignements, Bell aurait compris que Vidéotron faisait référence à la politique en vertu de laquelle Vidéotron retire une suspension des services en itinérance en raison de circonstances atténuantes. Vidéotron a affirmé ne le faire qu’une seule fois au cours de la relation commerciale d’un client avec Vidéotron. Quant à la suspension en tant que telle des services en itinérance, Vidéotron le fait plusieurs fois si les activités d’utilisation du client le justifient.
  6. Enfin, Vidéotron s’est opposée aux nouvelles mesures correctives proposées par Bell. Vidéotron a soumis que si Bell a des suggestions à faire quant au cadre du Conseil pour l’évaluation des allégations d’itinérance permanente, ou encore si Bell Mobilité souhaite modifier son tarif afin d’y ajouter le pouvoir d’exiger des rapports périodiques concernant les activités d’itinérance des utilisateurs finals, elle demeure libre de déposer sa propre demande auprès du Conseil.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le tarifNote de bas de page 5 de Bell Mobilité stipule que l’itinérance doit être occasionnelle et non permanente et qu’il incombe au client des services d’itinérance de gros de s’assurer que ses utilisateurs finals se conforment à cette obligation.
  2. Tel qu’il est indiqué au paragraphe 23 ci-dessus, Vidéotron a mis en place un système qui lui permet de déterminer si ses utilisateurs finals se servent du réseau de Bell Mobilité en mode itinérance de façon permanente et non occasionnelle. Aux fins de ce différend, Bell a initialement convenu que le test de Vidéotron était raisonnable. Bell était toutefois en désaccord avec la façon dont Vidéotron applique ce test et avec les questions connexes susmentionnées, à savoir la suspension unique du service, le problème technique, les abonnés de Fizz et le seuil.
Suspension unique du service
  1. Vidéotron a précisé dans sa réplique qu’elle ne retirerait une suspension (rétablissant ainsi les privilèges d’itinérance) qu’une seule fois au cours de la relation commerciale avec l’utilisateur final. Autrement dit, si Vidéotron suspend les droits d’itinérance d’un utilisateur final en raison d’une itinérance permanente, que ces droits sont rétablis plus tard et que l’utilisateur s’en sert de nouveau de façon permanente, Vidéotron les suspendra et ne les rétablira plus au cours de sa relation commerciale avec l’utilisateur final. Compte tenu de cette précision, le Conseil est convaincu que la démarche de Vidéotron est appropriée.
Problème technique
  1. Quant aux utilisateurs finals de Vidéotron qui auraient dû recevoir un avis de deux ou de trois mois, mais qui ne l’ont pas reçu en raison d’un problème technique, Vidéotron a déclaré que la raison était une défaillance de communication entre les systèmes de surveillance et de notification SMS de Vidéotron, mais sans donner plus de détails. Le Conseil est préoccupé par le fait que Vidéotron n’a pas fourni d’éléments de preuve convaincants afin de démontrer qu’elle avait pris des mesures pour s’assurer que les IMSI qui dépassaient les limites d’utilisation des services d’itinérance reçoivent les lettres d’avis que les utilisateurs finals auraient dû recevoir et que leurs services sont suspendus conformément au processus prévu de Vidéotron. Bien que Vidéotron ait considéré que les avis non envoyés en raison de ce problème technique représentent moins de 18 % des avis totaux, il n’en demeure pas moins que l’itinérance permanente est interdite, peu importe le pourcentage.
  2. Bien que Vidéotron ait un plan pour remédier à ce problème, le Conseil est d’avis que Vidéotron a, par l’existence de ce problème, manqué à ses obligations en vertu du tarif. Le Conseil fait toutefois remarquer qu’au moment où une décision sera rendue concernant le présent dossier, le problème technique devrait être réglé (au plus tard le 1er décembre 2019). De plus, en raison du temps passé depuis la sélection de l’échantillon de Bell le 8 juillet 2019 (c.-à-d. du 30 juin 2018 au 31 mai 2019), le Conseil est d’avis qu’il ne serait pas approprié d’exiger que Vidéotron envoie des avis de suspension aux utilisateurs finals pour cette période de temps, puisque dans certains cas, plus d’un an se serait écoulé depuis la date de l’itinérance permanente présumée. De tels avis ne serviraient pas l’intérêt des utilisateurs finals, car ils pourraient causer de la confusion chez les utilisateurs finals de Vidéotron, particulièrement si la pratique a cessé.
  3. Le Conseil estime qu’il serait plus pertinent d’exiger que Vidéotron confirme auprès de Bell et du Conseil – dans les 10 jours suivant la date de la présente décision – que le problème technique a été réglé et qu’elle peut désormais envoyer des avis à tous ces utilisateurs finals s’étant placés en situation d’itinérance permanente. Si Vidéotron n’a toujours pas réglé le problème technique, comme elle s’était engagée à le faire au plus tard le 1er décembre 2019, elle est tenue d’installer un système manuel en vue de délivrer les lettres d’avis concernant l’itinérance excessive de deux et de trois mois, puisque l’entreprise a été en mesure de confirmer que des abonnés itinérants permanents n’avaient pas reçu ces lettres en raison de ce problème technique. Vidéotron devrait être tenue de conserver ce système manuel jusqu’à ce que le problème technique soit réglé et d’aviser le Conseil dès qu’il le sera.
Abonnés de Fizz
  1. Bien que Vidéotron n’ait pas appliqué les mesures de protection contre l’itinérance permanente aux abonnés de Fizz dans les mois qui ont immédiatement suivi le lancement de FizzNote de bas de page 6, le Conseil fait remarquer que les abonnés de Fizz sont maintenant soumis aux mêmes mesures de protection contre l’itinérance permanente que les abonnés de Vidéotron. Le Conseil est d’avis que Vidéotron a manqué à ses obligations en vertu du tarif. Le Conseil estime donc qu’il y a lieu de rappeler à Vidéotron que le tarif de Bell Mobilité s’applique, sans exception, à tous les utilisateurs finals de Vidéotron, que le service porte la marque Fizz ou une autre. Le Conseil estime qu’en raison du temps qui s’est écoulé depuis la présentation de l’échantillon par Bell le 8 juillet 2019 (c.-à-d. du 30 juin 2018 au 31 mai 2019), il ne serait pas approprié d’exiger de remettre des avis de suspension à ces utilisateurs finals. Le Conseil est convaincu que Vidéotron applique désormais correctement ses mesures de protection contre l’itinérance permanente à tous les utilisateurs finals de Fizz.
Seuil
  1. Comme indiqué dans les paragraphes 73 à 75 de la décision de télécom 2017-56, le Conseil a estimé qu’il serait inefficace d’adopter une approche ex ante visant l’établissement d’un seuil précis dans les tarifs et que l’établissement par le Conseil de seuils qui permettraient un certain volume d’itinérance permanente pourrait soulever certains problèmes.
  2. Dans la décision de télécom 2017-56, bien que le Conseil ait déclaré qu’il n’inclurait pas de seuil précis dans les tarifs, il n’a pas empêché les parties de s’entendre sur un seuil à utiliser entre elles. Dans les circonstances de la présente demande, le Conseil est d’avis que l’utilisation d’un certain seuil, par Bell et Vidéotron, en-dessous duquel aucune analyse n’est réalisée, serait appropriée pour assurer un usage efficient des ressources. Or, le Conseil estime que le dossier de la présente instance est insuffisant pour lui permettre de déterminer si le seuil utilisé par Vidéotron est approprié. Le Conseil est d’avis que les parties devraient s’entendre sur un seuil qui permettrait d’équilibrer le fardeau que représente une utilisation abusive de l’itinérance sur le réseau de Bell Mobilité et le fardeau imposé à Vidéotron quant à la surveillance de l’utilisation de chacun de ses utilisateurs finals. D’ici à ce que les parties conviennent d’un seuil, le Conseil est d’avis que Vidéotron devrait pouvoir continuer d’utiliser son seuil actuel. Si les parties ne réussissent pas à s’entendre, elles pourront notamment faire appel aux mécanismes de règlement des différends assisté par le personnel du Conseil, tel que décrits dans le bulletin d’information de radiodiffusion et de télécommunication 2019-184.
Circonstances pour l’itinérance permanente légitime
  1. Concernant les utilisateurs qui ont obtenu une exemption en raison de circonstances spéciales, le Conseil fait remarquer que dans le paragraphe 70 de la décision de télécom 2017-56, le Conseil a prévu la possibilité d’une certaine itinérance permanente légitimeNote de bas de page 7.
  2. Le Conseil est d’avis que Vidéotron a fourni des raisons légitimes, énumérées au paragraphe 31 de la présente décision, pour lesquelles elle a permis à certains de ses utilisateurs finals de se servir temporairement des services d’itinérance permanente, tel que cela est envisagé au paragraphe 70 de la décision de télécom 2017-56. Le Conseil estime qu’il est dans l’intérêt public de permettre aux utilisateurs finals d’utiliser temporairement l’itinérance à l’extérieur de la zone de couverture du réseau d’origine de façon prolongée, pour des motifs légitimes (p. ex. études, travail, urgence familiale).

Conclusions

  1. Le Conseil conclut que :
    1. Vidéotron n’a pas respecté le tarif de Bell Mobilité concernant l’itinérance permanente en ce qui concerne l’existence du problème technique qui a fait en sorte que certains abonnés n’ont pas reçu d’avis alors qu’ils auraient dû en recevoir;
    2. Vidéotron n’a pas respecté le tarif de Bell Mobilité concernant l’itinérance permanente en ce qui concerne la non-application de son test aux abonnés de Fizz.
  2. Par ailleurs, Vidéotron a démontré avoir effectivement appliqué certaines mesures raisonnables afin de s’assurer que ses utilisateurs finals ne se placent pas en situation d’itinérance permanente. Aucune preuve n’a été déposée indiquant que Vidéotron est engagée dans des activités de revente de services sans fil par l’entremise de l’itinérance sur le réseau de Bell Mobilité. Enfin, considérant le temps qui s’est écoulé depuis la période visée par l’avis de suspension de Bell (soit du 30 juin 2018 au 31 mai 2019), le Conseil est d’avis qu’il ne serait pas approprié d’ordonner à Vidéotron d’émettre des avis de suspension pour des violations ayant eu lieu il y a plus d’un an.
  3. Pour ces raisons, le Conseil ordonne que :
    1. Vidéotron utilise son seuil minimal actuel, à partir duquel il applique son test, jusqu’à ce que Vidéotron et Bell aient convenu d’un seuil acceptable;
    2. Vidéotron confirme auprès de Bell et du Conseil d’ici le 17 février 2020 que le problème technique a été réglé et que l’utilisation de tous les utilisateurs finals, qu’il s’agisse des abonnés de Vidéotron ou de Fizz, fasse l’objet d’une surveillance appropriée;
    3. Dans l’éventualité où Vidéotron n’a pas réglé le problème technique, elle doit mettre en place un système manuel lui permettant d’émettre les lettres d’avis au sujet de l’itinérance excessive de deux et de trois mois respectivement et de le maintenir jusqu’à ce que le problème technique soit réglé et que le Conseil en ait été avisé;
    4. Pendant une période de six mois commençant le 15 avril 2020, Vidéotron doit présenter dans un rapport destiné à Bell et au Conseil une liste des IMSI des utilisateurs finals de Vidéotron auxquels elle aura fait parvenir les avis de deux et de trois mois.
  4. Compte tenu des corrections apportées par Vidéotron et de l’assurance que fourniront les rapports mensuels, le Conseil approuve la demande de redressement définitif de Vidéotron et ordonne à Bell de ne pas suspendre les services d’itinérance de gros fournis à Vidéotron, ni à y mettre fin, en fonction de l’avis de Bell à cet effet daté du 24 mai 2019.
  5. Quant aux ordonnances demandées par Bell contre Vidéotron, le Conseil estime que sous réserve des questions examinées ci-dessus, Vidéotron a, en général, pris des mesures raisonnables pour veiller à ce que le service d’itinérance ne fasse pas l’objet d’une utilisation inappropriée. Il devrait désormais y avoir une amélioration de la surveillance de Vidéotron à l’égard de l’utilisation de ses utilisateurs finals. Ainsi, cette dernière fournira des mesures de protection raisonnables contre l’itinérance sur une base non occasionnelle et permanente sur le réseau hôte de Bell Mobilité, comme l’exige le tarif. De plus, le Conseil estime qu’à la suite des conclusions qu’il a formulées concernant l’imposition d’exigences en matière de rapports – appliquées pendant six mois à la suite de la publication de la décision – il n’est pas nécessaire d’imposer les ordonnances demandées par Bell pour le moment.
  6. Enfin, le Conseil estime qu’il aurait été plus productif si Bell et Vidéotron avaient examiné ensemble les questions suivantes : i) un niveau acceptable d’itinérance occasionnelle et ii) la pertinence des mesures de Vidéotron pour veiller à ce que ses utilisateurs finals ne se placent pas en situation d’itinérance permanente, et ce, avant que Bell n’émette l’avis de suspension ou de cessation le 24 mai 2019. De cette façon, Bell et Vidéotron auraient permis au Conseil et à elles-mêmes d’éviter une perte de temps précieux et de ressources significatives, étant donné la quantité de renseignements échangés dans le cadre de la présente instance. Le Conseil s’attend à ce que Bell et Vidéotron échangent des renseignements à cet effet sur une base régulière et discutent des problèmes affectant la fourniture de services prévus par les tarifs avant d’émettre des avis de suspension ou de déposer des demandes auprès du Conseil.

Instructions

  1. Le Conseil est tenu, dans l’exercice de ses pouvoirs et fonctions aux termes de la Loi, de mettre en œuvre les objectifs de la politique exposés à l’article 7 de la Loi, conformément aux Instructions de 2006Note de bas de page 8 et aux Instructions de 2019Note de bas de page 9. Le Conseil estime que ses conclusions énoncées dans la présente décision sont conformes aux Instructions de 2006 et de 2019 pour les raisons mentionnées ci-dessous.
  2. Conformément aux sous-alinéas 1a)(ii) et 1a)(iii) des Instructions de 2019, le Conseil estime que la mesure réglementaire énoncée ci-dessus – plus précisément, l’ordonnance forçant Bell à ne pas suspendre les services d’itinérance de gros fournis à Vidéotron, ni à y mettre fin, en fonction de l’avis de Bell à cet effet daté du 24 mai 2019 – favorise le développement ordonné des télécommunications partout au Canada et fait en sorte qu’un accès abordable à des services de télécommunication de haute qualité soit disponible dans toutes les régions du Canada, notamment les régions rurales, pour satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services en favorisant l’atteinte des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7a), 7b) et 7h) de la LoiNote de bas de page 10.
  3. Conformément au sous-alinéa 1a)(i) des Instructions de 2019, le Conseil estime que la mesure réglementaire énoncée ci-dessus – plus précisément, l’ordonnance stipulant que Vidéotron peut utiliser son seuil minimal actuel jusqu’à ce que Vidéotron et Bell aient convenu d’un autre seuil – assure l’efficacité de la réglementation en favorisant l’objectif de la politique énoncé à l’alinéa 7f)Note de bas de page 11 de la Loi. Cette mesure réglementaire favorise de plus les intérêts des consommateurs qui ne risqueront pas de voir leur service sans fil suspendu alors qu’ils sont temporairement et légitimement à l’extérieur de la zone de couverture de leur réseau d’origine.
  4. De plus, le Conseil estime que l’ordonnance exigeant que Vidéotron confirme que le problème technique a été réglé et que l’utilisation de tous les utilisateurs finals, qu’il s’agisse des abonnés de Vidéotron ou de Fizz, fait l’objet d’une surveillance, est conforme aux Instructions de 2006, plus précisément au sous-alinéa 1a)(ii), qui exige que lorsqu’il a recours à la réglementation, le Conseil prenne des mesures qui sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et qui ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs; et au sous-alinéa 1b)(iii), qui exige que les mesures réglementaires lorsqu’elles sont de nature non économique, soient mises en œuvre, dans toute la mesure du possible, de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence.

Secrétaire général

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