Décision de télécom CRTC 2020-106

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Ottawa, le 26 mars 2020

Dossier public :8622-C282-201901942

Cloudwifi Inc. – Demande d’ordonnance visant l’exécution des démarches relatives à l’inscription de la compagnie à titre d’entreprise de services locaux concurrente ou enjoignant à Bell Canada de signer l’entente spéciale du cadre d’interconnexion locale

Le Conseil ordonne à Bell Canada de signer une entente spéciale du cadre d’interconnexion locale, y compris l’annexe C, avec Cloudwifi Inc. (Cloudwifi). Cela permettra à Cloudwifi de procéder à son inscription à titre d’entreprise de services locaux concurrente (ESLC). De plus, le Conseil rejette la demande de Bell Canada en vue de soumettre le statut d’ESLC de Cloudwifi à deux conditions supplémentaires.

Introduction

  1. Le 8 août 2018, Cloudwifi Inc. (Cloudwifi) a présenté une demande au Conseil en vue de s’inscrire à titre d’entreprise de services locaux concurrente (ESLC)Note de bas de page 1. Le 15 août 2018, le personnel du Conseil a informé Cloudwifi qu’elle satisfaisait aux exigences établies pour devenir une ESLC proposée, ce qui constitue la première étape pour être inscrite à titre d’ESLC. L’entreprise a donc été autorisée à conclure les arrangements nécessaires afin d’offrir des services commutés à titre d’ESLC. Cloudwifi a également été ajoutée à la Liste de tous les fournisseurs de services de télécommunication enregistrés en tant qu’ESLC proposée.
  2. Cloudwifi a ensuite déposé une demande auprès du Conseil, datée du 18 mars 2019, dans laquelle elle indiquait que Bell Canada refusait de signer une entente spéciale du cadre d’interconnexion locale (ECIL spéciale) ainsi que l’annexe C, ce qui empêchait Cloudwifi de remplir ses obligations en tant qu’ESLCNote de bas de page 2. En conséquence, Cloudwifi a demandé au Conseil de rendre une ordonnance i) visant l’exécution des démarches relatives à l’inscription de l’entreprise à titre d’ESLC une fois qu’elle aura soumis sa lettre dans laquelle elle indique avoir satisfait aux exigences imposées aux ESLC, ou ii) enjoignant à Bell Canada de signer une ECIL spéciale avec Cloudwifi, y compris l’annexe C (collectivement appelés ECIL spéciale proposée), qui avait été négociée entre les parties. Des copies de l’ECIL spéciale proposée ont été déposées auprès du Conseil en septembre 2019.
  3. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de Cloudwifi de la part de Bell Canada, d’Iristel Inc. (Iristel), du Consortium des opérateurs de réseaux canadiens Inc. (CORC), et de TELUS Communications Inc. (TCI).

Procédures connexes

  1. Le Conseil a reçu une demande de Cloudwifi, datée du 27 août 2018 (ci-après, la demande déposée en août 2018), dans laquelle Cloudwifi demandait au Conseil d’empêcher Bell Canada de faire obstacle à l’utilisation des clients du câblage d’immeuble de Bell Canada dans les immeubles à logements multiples (ILM).
  2. Dans la décision de télécom et de radiodiffusion 2019-218, le Conseil a rendu ses conclusions concernant la demande déposée en août 2018. Entre autres, le Conseil a fait remarquer qu’une fois que Cloudwifi deviendra une ESLC inscrite, elle pourrait se brancher au câblage d’immeuble de Bell Canada pour fournir des services de télécommunication en vertu des règles existantes d’accès aux ILM, et ce, peu importe le type de technologie qu’elle souhaite employer (cuivre ou fibre). En outre, le Conseil a ordonné à Bell Canada de fournir l’accès à son câblage d’immeuble à tous les fournisseurs de services Internet (FSI)Note de bas de page 3, pas seulement aux ESLC, et de déposer un tarif pour cet accès.
  3. Le Conseil a également énoncé l’avis préliminaire selon lequel i) la condition d’accès aux ILMNote de bas de page 4 et les obligations connexes devraient s’appliquer à toutes les entreprises FSI, et éventuellement à tous les fournisseurs de services de télécommunication (FST); et ii) toutes les entreprises FSI, et éventuellement tous les FST, devraient avoir accès au câblage d’immeuble des entreprises de services locaux (ESL) et des autres FST dans des ILM au même titre que les ESLC inscrites, et ce, peu importe le type de technologie qu’ils souhaitent employer.
  4. À la même date à laquelle il a publié la décision de télécom et de radiodiffusion 2019-218, le Conseil a publié l’avis de consultation de télécom 2019-219, dans lequel il a amorcé une instance à l’intention des FST afin de justifier pourquoi l’avis préliminaire du Conseil concernant l’accès au câblage d’immeuble ne devrait pas s’appliquer à tous les FST.
  5. Le 9 juillet 2019, Bell Canada a déposé une demande dans laquelle elle demandait au Conseil de réviser, de modifier et d’annuler certaines conclusions et directives énoncées dans la décision de télécom et de radiodiffusion 2019-218, et les questions soulevées dans l’avis de consultation de télécom 2019-219.
  6. Dans la décision de télécom 2019-419, le Conseil a, entre autres, confirmé que la connexion du câblage d’immeuble par fibre entre les ESL (ci-après, câblage d’immeuble par fibre) est visée par ses politiques existantes. Cependant, comme le service n’a pas fait l’objet d’une abstention de réglementation, une ESL qui reçoit une demande d’accès au câblage d’immeuble par fibre doit tout de même fournir le service conformément au tarif déposé devant le Conseil et approuvé par celui-ci. Le Conseil a également maintenu le statu quo pour les clients finals de toute ESL ou de toute entreprise FSI, y compris Cloudwifi, qui étaient raccordés conformément à la décision de télécom et de radiodiffusion 2019-218 (c.-à-d. conformément à un tarif provisoire) et qui recevaient des services.
  7. En outre, le Conseil a remplacé l’avis de consultation de télécom 2019-219 par une consultation plus large dans l’avis de consultation de télécom 2019-420, dans lequel il sollicitait des observations, entre autres, sur l’accès au câblage d’immeuble dans les ILM ainsi que sur les tarifs appropriés et les modalités requises pour les raccordements au câblage d’immeuble par fibre.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé qu’il devait examiner les questions suivantes dans la présente décision :
    • Le Conseil devrait-il combiner la demande actuelle de Cloudwifi avec la demande déposée en août 2018?
    • Le Conseil devrait-il refuser de se prononcer sur la portée et la signification du cadre d’accès au câblage d’immeubleNote de bas de page 5 et du cadre régissant les ESLCNote de bas de page 6 dans la présente instance?
    • Le Conseil devrait-il i) rendre une ordonnance visant l’exécution des démarches relatives à l’inscription de Cloudwifi à titre d’ESLC sans ECIL spéciale signée, ou ii) rendre une ordonnance enjoignant à Bell Canada de signer l’ECIL spéciale proposée?
    • Si le Conseil rend une ordonnance enjoignant à Bell Canada de signer l’ECIL spéciale proposée, devrait-il imposer des conditions supplémentaires?

Le Conseil devrait-il combiner la demande actuelle de Cloudwifi avec la demande déposée en août 2018?

Positions des parties

  1. Dans son intervention, Bell Canada a demandé au Conseil de combiner la demande actuelle de Cloudwifi avec la demande déposée en août 2018.
  2. Bell Canada a fait valoir que le Conseil ne peut pas examiner la demande d’ordonnance de Cloudwifi en vue de lui accorder le statut d’ESLC sans tenir compte des questions en suspens soulevées dans la demande déposée en août 2018.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Étant donné que le Conseil a rendu ses conclusions concernant la demande déposée en août 2018, y compris la demande de révision et de modification ultérieure, la demande de Bell Canada en vue de combiner les deux demandes est désormais sans objet.
  2. Toutefois, le Conseil fait remarquer que certaines questions générales concernant le câblage d’immeuble ont été abordées dans la décision de télécom 2019-419, et elles seront traitées plus en détail dans l’instance amorcée par l’avis de consultation de télécom 2019-420. Les parties ont la possibilité de présenter leur point de vue sur les questions relatives au câblage d’immeuble dans le cadre de cette instance.

Le Conseil devrait-il refuser de se prononcer sur la portée et la signification du cadre d’accès au câblage d’immeuble et du cadre régissant les ESLC dans la présente instance?

Positions des parties

  1. Dans une lettre datée du 10 mai 2019, TCI a indiqué que des questions ont été soulevées, lesquelles pourraient avoir une incidence plus large sur l’industrie, si elles étaient abordées dans les conclusions du Conseil sur la demande actuelle de Cloudwifi. Ces questions comprennent la signification et la portée des obligations d’accès des ESL concernant le câblage d’immeuble, ainsi que les droits et les obligations des ESLC. TCI a fait valoir que ces questions générales ne devraient pas être abordées dans le cadre de la présente instance. TCI a suggéré que le Conseil
    i) refuse de se prononcer (directement ou indirectement) sur la portée et la signification du cadre d’accès au câblage d’immeuble et le cadre régissant les ESLC dans la présente instance, ou ii) établisse un processus distinct pour permettre une participation plus vaste des parties intéressées.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Comme il est indiqué ci-dessus, certaines questions générales concernant le câblage d’immeuble ont été abordées dans la décision de télécom 2019-419, et elles seront traitées plus en détail dans la procédure amorcée par l’avis de consultation de télécom 2019-420. En outre, les conclusions énoncées ci-dessous portent sur le différend entre Cloudwifi et Bell Canada lié au cadre existant régissant les ESLC et ne présentent pas de nouvelles décisions de politique concernant l’ensemble des droits et des obligations des ESLC.
  2. Par conséquent, le Conseil n’aborde pas la portée et la signification du cadre d’accès au câblage d’immeuble et du cadre régissant les ESLC dans la présente instance.

Le Conseil devrait-il i) rendre une ordonnance visant l’exécution des démarches relatives à l’inscription de Cloudwifi à titre d’ESLC sans ECIL spéciale signée, ou ii) rendre une ordonnance enjoignant à Bell Canada de signer l’ECIL spéciale proposée?

Positions des parties

  1. Le 1er octobre 2018, Cloudwifi a envoyé une lettre au Conseil ainsi qu’à toutes les ESLC et à toutes les ESLC proposées dans les circonscriptions où elle prévoit offrir des services téléphoniques locaux, indiquant son intention d’offrir des services dans ces circonscriptions et d’exercer ses activités en tant qu’ESLC de type IIINote de bas de page 7.
  2. Cloudwifi a précisé que, entre octobre et décembre 2018, elle a eu de nombreux échanges avec Bell Canada concernant la signature de l’ECIL spéciale proposée, notamment en ce qui concerne les prévisions du trafic.
  3. Cloudwifi a fait valoir qu’il n’existe aucune base juridique permettant à une ESL de demander une prévision du trafic à une ESLC de type III proposée avant de signer une ECIL, et qu’il n’y a aucune raison juridique permettant à une ESL de refuser de signer une ECIL. Cloudwifi a en outre fait valoir qu’elle assure la concurrence et fait baisser les prix des services. Selon l’entreprise, Bell Canada refusait de signer l’ECIL spéciale proposée afin d’utiliser le processus réglementaire pour réduire la concurrence.
  4. En réponse, Bell Canada a indiqué qu’elle ne s’est pas prononcée sur la demande de Cloudwifi de devenir une ESLC. Bell Canada a fait valoir que l’objectif de la demande des prévisions du trafic était d’obtenir les renseignements les plus pertinents possibles dans le but de gérer ses ressources et de planifier la capacité future du réseau. Elle a également fait valoir qu’elle craignait que Cloudwifi dévie des règles régissant les ESLC et que Cloudwifi puisse continuer à s’interconnecter au câblage d’immeuble par fibre appartenant à Bell Canada et à l’utiliser, ainsi qu’à utiliser d’autre équipement dans les ILM appartenant à Bell Canada. Par conséquent, Bell Canada a fait valoir que l’approbation du statut de Cloudwifi à titre d’ESLC devrait être assujettie à deux conditions (qui sont examinées plus en détail dans la section suivante).
  5. TCI a fait valoir que l’approbation de Cloudwifi en tant qu’ESLC sans que l’entreprise remplisse toutes ses obligations ne serait pas conforme aux exigences de neutralité en matière de concurrence énoncées dans les Instructions de 2006Note de bas de page 8, puisque les autres ESLC sont tenues de satisfaire à toutes les exigences. Elle a précisé que le fait de dispenser arbitrairement un fournisseur, ou une catégorie de fournisseurs, des obligations des ESLC le favorise artificiellement par rapport aux autres fournisseurs et pourrait décourager d’autres formes de concurrence et d’investissement.
  6. Iristel et le CORC ont soutenu les demandes de redressement de Cloudwifi.
  7. Iristel a indiqué que le refus de Bell Canada de signer une ECIL spéciale avec Cloudwifi est une tentative d’obstruction à l’inscription de Cloudwifi à titre d’ESLC. Le CORC a fait valoir que les mesures prises par Bell Canada ont entravé le développement de la concurrence des services téléphoniques dans les circonscriptions en question.
  8. En réponse, Cloudwifi a indiqué que, selon le cadre des ESLC du Conseil, Cloudwifi remplit ou non aux obligations des ESLC. L’entreprise a fait valoir qu’elle avait rempli toutes les obligations d’une ESLC potentielle, sauf une : elle n’a pas signé d’ECIL spéciale avec Bell Canada, car cette dernière refuse de la signer et n’a pas déposé l’annexe C auprès du Conseil.

Résultats de l’analyse du Conseil

Ordonnance visant l’exécution des démarches relatives à l’inscription de Cloudwifi à titre d’ESLC sans ECIL spéciale signée
  1. Le Conseil estime que Cloudwifi ne devrait pas se voir accorder le statut d’ESLC sans avoir rempli toutes les obligations imposées aux ESLC énoncées dans la décision Télécom 97-8 et dans les décisions ultérieures, y compris l’obligation d’avoir signé des ECIL avec toutes les ESL qui sont exploitées dans les circonscriptions où elle souhaite exercer ses activités. Ces obligations ont été énoncées à l’issue d’instances publiques approfondies. Or, le fait d’accorder à Cloudwifi le statut d’ESLC sans qu’elle ait rempli toutes ses obligations représenterait un manque de symétrie réglementaire avec d’autres entités. Par conséquent, le Conseil rejette la demande de Cloudwifi d’obtenir une ordonnance visant l’exécution des démarches relatives à son inscription en tant qu’ESLC sans une ECIL spéciale signée.
Ordonnance enjoignant à Bell Canada de signer l’ECIL spéciale proposée
  1. Le cadre régissant les ESLC est en place depuis l’établissement de la concurrence locale dans la décision Télécom 97-8, et a été appliqué de manière uniforme à toutes les ESLC proposées. À l’instar de toutes les autres ESL, Cloudwifi et Bell Canada sont tenues de remplir leurs obligations respectives en vertu de ce cadre, ce qui comprend la signature d’une ECIL spéciale et de l’annexe C.
  2. Le Conseil estime que le refus de Bell Canada de signer l’ECIL spéciale proposée est principalement fondé sur des préoccupations concernant l’interconnexion continue de Cloudwifi au câblage d’immeuble par fibre de Bell Canada et l’utilisation de ce câblage. Le Conseil est d’avis que ces préoccupations ont été traitées, en grande partie, dans la décision de télécom 2019-419 et qu’elles seront examinées de façon plus approfondie dans l’avis de consultation de télécom 2019-420.
  3. Dans la décision de télécom 2019-419, le Conseil a décidé de maintenir le statu quo pour les clients finals de toute ESL ou entreprise FSI qui étaient raccordés au câblage d’immeuble de Bell Canada conformément à la décision de télécom et de radiodiffusion 2019-218 et qui recevaient des services. Par conséquent, Cloudwifi peut continuer à desservir ses clients finals qui sont actuellement raccordés au câblage d’immeuble de Bell Canada. Toutefois, un accès accru et meilleur à la fibre dans les ILM ne sera possible que si le Conseil approuve les tarifs et les modalités de cet accès. Le statut d’ESLC ne donnera pas nécessairement à Cloudwifi l’accès à un câblage d’immeuble par fibre supplémentaire de Bell Canada dans d’autres ILM, car un tarif approuvé est toujours nécessaire pour que Cloudwifi puisse se raccorder à cette fibre. En conséquence, le Conseil est d’avis que la signature de l’ECIL spéciale proposée ne devrait en aucun cas nuire au statu quo à cet égard, que ce soit pour Bell Canada ou pour Cloudwifi.
  4. Le Conseil estime que le refus de Bell Canada de signer l’ECIL spéciale proposée n’est pas justifié et est contraire au cadre régissant les ESLC du Conseil. Le Conseil estime également que le refus persistant de Bell Canada nuit inutilement à la concurrence et au choix des consommateurs.
  5. Par conséquent, le Conseil ordonne à Bell Canada :
    • i) de signer l’ECIL spéciale proposée, y compris l’annexe C (dont des copies identiques ont été déposées par les deux parties auprès du Conseil en septembre 2019), en indiquant une date d’entrée en vigueur modifiée, ou ii) d’exécuter une autre ECIL spéciale et une autre annexe C auxquelles conviennent Bell Canada et Cloudwifi;
    • de déposer l’ECIL spéciale exécutée, y compris l’annexe C, auprès du Conseil avant le 27 avril 2020.
  6. Le Conseil s’attend à ce que ces ententes entre les ESL et les ESLC proposées soient signées en temps opportun.

Si le Conseil rend une ordonnance enjoignant à Bell Canada de signer l’ECIL spéciale proposée, devrait-il imposer des conditions supplémentaires?

Positions des parties

  1. Bell Canada ne s’est pas opposée à la formulation spécifique employée dans l’ECIL spéciale ou l’annexe C. Les objections de l’entreprise étaient plutôt fondées, en grande partie, sur l’absence de conditions liées au câblage d’immeuble par fibre et à la prestation continue de services de télécommunication locaux par Cloudwifi. Bell Canada a fait valoir que l’approbation du statut d’ESLC de Cloudwifi devrait être assujettie à deux conditions. Elle a appelé ces conditions : i) condition d’absence de fibre et ii) condition d’absence de déviation.
  2. Bell Canada a défini ces conditions comme suit :
    • Condition d’absence de fibre : Cloudwifi ne devrait pas être autorisée à fournir des services de télécommunication en raccordant ses installations à tout nouveau câblage d’immeuble par fibre appartenant à Bell Canada dans, sur ou autour des ILM, à l’exception des ILM que Cloudwifi dessert déjà, comme il est indiqué dans la réponse de Bell Canada à la demande déposée en août 2018. Si Cloudwifi ne respectait pas cette condition, son statut d’ESLC serait révoqué par le Conseil.
    • Condition d’absence de déviation : Afin d’empêcher Cloudwifi de continuer à dévier des règles du Conseil liées à la signature de l’ECIL et à la certification des ESLC, le statut d’ESLC de Cloudwifi devrait être subordonné à la prestation continue de services locaux par Cloudwifi dans les régions d’interconnexion locale (RIL) dans lesquelles elle propose d’offrir des services téléphoniques locaux. Le Conseil révoquerait le statut d’ESLC de Cloudwifi si elle cessait de fournir au public des services de télécommunication locaux pendant 90 jours consécutifs (ou trois mois civils consécutifs) dans ces RIL.
  3. À l’appui de la condition d’absence de fibre, Bell Canada a indiqué que Cloudwifi avait déjà adopté la position selon laquelle le statut d’ESLC lui conférerait le droit absolu de reprendre subrepticement et illégalement l’interconnexion au câblage d’immeuble par fibre de Bell Canada et de l’utiliser sans le consentement de cette dernière. Bell Canada a fait valoir que, en l’absence de contraintes, on peut s’attendre à ce que Cloudwifi recommence à utiliser le même équipement n’ayant pas été mis à l’essai, à faire appel aux mêmes techniciens non certifiés et à employer les mêmes techniques d’interconnexion non normalisées qu’en 2018, mais désormais avec le statut d’ESLC.
  4. Bell Canada a demandé au Conseil de modifier l’ECIL spéciale proposée pour y ajouter les deux conditions ou les imposer en tant que conditions en vertu de l’article 24 de la Loi sur les télécommunications (Loi). Elle a fait valoir que ces conditions devraient s’appliquer au moins jusqu’à ce que le Conseil rende ses conclusions concernant la demande déposée en août 2018 ou qu’il résolve entièrement les questions réglementaires et de politiques sous-jacentes qui y sont soulevées.
  5. Cloudwifi a fait valoir que les conditions équivalaient à une réécriture complète des règles du Conseil régissant les ESLC et la concurrence fondée sur les installations, et que la demande de Bell Canada est une tentative transparente d’utiliser le processus réglementaire pour empêcher la concurrence.
  6. Dans une réponse supplémentaire, Bell Canada a indiqué qu’elle ne proposait pas de modifications intégrales aux règles relatives aux ESLC.
  7. Cloudwifi a répondu que bien que les conditions proposées par Bell Canada ne semblent pas importantes pour les entreprises auxquelles elles ne s’appliquent pas, Bell Canada propose des changements qui auraient une incidence importante sur Cloudwifi, l’entreprise à laquelle on propose de les appliquer.
  8. Le CORC, Iristel et TCI étaient principalement préoccupés quant aux dérogations proposées au cadre réglementaire. Par exemple, Iristel a exprimé des préoccupations relatives aux suggestions selon lesquelles une ESLC devrait fournir une analyse de rentabilité à l’ESLT en ce qui concerne son service téléphonique comme condition préalable à l’exécution d’une ECIL.
  9. TCI a fait valoir que si le Conseil confirme l’allégation de Bell Canada selon laquelle le seul intérêt de Cloudwifi dans le statut d’ESLC est d’avoir accès au câblage d’immeuble par fibre de Bell Canada, le statut d’ESLC ne devrait pas lui être accordé.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Dans la décision de télécom 2019-419, le Conseil a confirmé qu’il existe une politique en matière de raccordement au câblage d’immeuble par fibre entre ESL. En outre, le Conseil a maintenu le statu quo tel qu’il s’applique aux clients finals des ESL ou des entreprises FSI, y compris Cloudwifi, qui étaient déjà branchés au câblage d’immeuble de Bell Canada conformément à la décision de télécom et de radiodiffusion 2019-218, de sorte que ces clients puissent continuer à recevoir le service.
  2. Néanmoins, le Conseil fait remarquer qu’il n’y a pas encore de tarif en place pour mettre en œuvre la politique énoncée dans la décision de télécom 2019-419. Par conséquent, même si Cloudwifi devenait une ESLC, elle ne pourrait pas se raccorder au câblage d’immeuble par fibre supplémentaire de Bell Canada du seul fait qu’elle a le statut d’ESLC. L’accès au câblage d’immeuble par fibre supplémentaire ne sera possible que si un tarif approuvé est mis en place et lorsqu’il sera mis en place. À cet égard, le Conseil fait remarquer qu’il examinera cette question, entre autres, dans le cadre de l’avis de consultation de télécom 2019-420. Par conséquent, le Conseil n’est pas d’avis que la condition d’absence de fibre proposée par Bell Canada soit appropriée ou nécessaire.
  3. De plus, le Conseil estime que la condition d’absence de déviation proposée par Bell Canada n’est pas requise. À cet égard, le Conseil estime que le cadre régissant les ESLC n’exige pas qu’une ESLC commence immédiatement à fournir un service téléphonique local ou qu’elle fournisse un tel service pendant une période de temps précise. Le statut d’ESLC signifie plutôt que l’entreprise a l’autorisation d’offrir un service téléphonique local à un moment donné.
  4. D’après le Conseil, le fait de subordonner l’inscription de Cloudwifi à titre d’ESLC à la nature et à l’échéancier des services qu’elle fournit actuellement constituerait une dérogation au cadre établi et aurait pour conséquence le traitement d’une entité différemment des autres ESLC d’une manière qui serait non conforme à l’article 1b)(iii) des Instructions de 2006, qui stipule que les mesures qui ne sont pas de nature économique, dans la mesure du possible, sont mises en œuvre de manière symétrique et neutre du point de vue de la concurrence.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la demande de Bell Canada d’imposer des conditions supplémentaires à Cloudwifi.

Instructions

  1. Le Conseil est tenu d’exercer ses pouvoirs et fonctions aux termes de la Loi dans le but de mettre en œuvre les objectifs de la politique exposés à l’article 7 de la Loi (les objectifs de la politique), conformément aux Instructions de 2006 et aux Instructions de 2019Note de bas de page 9 (collectivement les Instructions).
  2. Les Instructions de 2006 exigent, entre autres, que le Conseil s’appuie sur le libre jeu du marché dans la mesure du possible et qu’il réglemente, là où il est encore nécessaire de le faire, d’une manière qui gêne le moins possible le libre jeu du marché pour atteindre ces objectifs stratégiques. Les Instructions de 2006 exigent également que le Conseil précise l’objectif que ces mesures visent, lorsqu’il a recours à des mesures réglementaires. En ce qui concerne les mesures réglementaires de nature non économique, les Instructions de 2006 indiquent que le Conseil devrait, dans la mesure du possible, mettre en œuvre les mesures de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence.
  3. Les Instructions de 2019 guident le Conseil sur la manière dont les Instructions de 2006 doivent être mises en œuvre. Elles prévoient que le Conseil, dans l’exercice de ses pouvoirs et de ses fonctions en vertu de la Loi, doit mettre en œuvre les objectifs de la politique, conformément aux dispositions suivantes : 1a) le Conseil devrait tenir compte de la manière dont ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation; et b) dans ses décisions, le Conseil devrait démontrer sa conformité avec les Instructions de 2019 et préciser comment ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation.
  4. Le Conseil estime que ses conclusions énoncées dans la présente décision sont conformes aux Instructions pour les raisons mentionnées ci-dessous.
  5. Le Conseil estime que les conclusions énoncées dans la présente décision contribuent à l’atteinte des objectifs de la politique établis Note de bas de page 10ux alinéas 7a), 7b), 7c) et 7f) de la Loi.
  6. Conformément à l’article 1a)(ii) des Instructions de 2006, le Conseil estime que les conclusions qu’il a rendues dans le cadre de la présente décision – en particulier, i) la directive qu’il a donnée à Bell Canada de signer l’ECIL spéciale proposée et ii) le refus de la demande de Bell Canada d’imposer des conditions à l’inscription de Cloudwifi à titre d’ESLC – constituent des mesures qui sont efficaces et proportionnelles à leurs buts et qui font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs de la politique. Plus précisément, Cloudwifi sera en mesure de remplir les obligations requises pour entreprendre ses activités en tant qu’ESLC selon les mêmes conditions imposées aux autres ESLC et sans l’imposition de conditions supplémentaires inutiles.
  7. Conformément aux articles 1b)(iii) et (iv) des Instructions de 2006, le Conseil estime que ses conclusions dans la présente décision sont, dans la mesure du possible, mises en œuvre de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence et qu’elles garantissent la neutralité sur le plan de la technologie et de la concurrence en ce qui a trait aux ententes d’interconnexion de réseaux ou aux régimes d’accès aux réseaux, aux immeubles, au câblage dans les immeubles, pour permettre aux nouvelles technologies de faire concurrence et pour ne pas favoriser artificiellement les entreprises canadiennes ou les revendeurs. Plus précisément, les conclusions permettront à Cloudwifi de se conformer au même ensemble d’obligations et de conclure les mêmes types d’ententes d’interconnexion que celles qui s’appliquent aux autres ESLC proposées.
  8. Conformément aux articles 1a)(i), (ii) et (v) des Instructions de 2019, le Conseil estime que les conclusions de la présente décision encourageront la concurrence et l’investissement, favoriseront l’abordabilité et des prix plus bas, et réduiront les obstacles à l’entrée sur le marché et à la concurrence. Plus précisément, en ordonnant à Bell Canada de signer l’ECIL spéciale proposée, le Conseil éliminera l’obstacle qui empêche toujours Cloudwifi de devenir une ESLC et permettra à un nouveau concurrent d’entrer sur le marché et d’entreprendre ses activités en tant qu’ESLC. Un concurrent supplémentaire accroîtra la concurrence et le choix offert aux consommateurs, ce qui peut entraîner une baisse des prix pour ces derniers.

Secrétaire général

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