Décision de télécom CRTC 2016-79

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Ottawa, le 2 mars 2016

Numéros de dossiers : 8662-P8-201505033 et 4754-488

L’Association des consommateurs du Canada et le Centre pour la défense de l’intérêt public - Demande de révision et de modification de l’ordonnance de télécom 2015-194

Le Conseil rejette une demande de révision et de modification de lAssociation des consommateurs du Canada et du Centre pour la défense de lintérêt public de lordonnance de télécom 2015-194.

Contexte

  1. Dans l’ordonnance de télécom 2015-194, le Conseil a approuvé en partie la demande d’attribution de frais de l’Association des consommateurs du Canada (ACC) et du Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC) [collectivement ACC/PIAC] pour leur participation à l’instance ayant mené à la décision de télécom 2015-70Retour à la référence de la note de bas de page 1. La demande d’attribution de frais a été approuvée en partie puisque le Conseil estimait que le temps réclamé par l’ACC/PIAC était excessif en raison de la nature de l’instance et du degré de la participation des demandeurs à cette instance. Par conséquent, le Conseil a réduit le temps réclamé par les demandeurs de 40 %, et il a attribué des frais de 6 402,29 $ au lieu de la somme réclamée de 10 670,48 $Retour à la référence de la note de bas de page 2.

  2. Dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, le Conseil a établi les critères qu’il utilise pour évaluer les demandes de révision et de modification déposées en vertu de l’article 62 de la Loi sur les télécommunications (Loi).

5. Pour que le Conseil puisse exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 62 de la Loi, les demandeurs doivent démontrer qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de la décision initiale, résultant, par exemple :

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de l’ACC/PIAC, datée du 26 mai 2015, dans laquelle ils ont demandé que le Conseil révise et modifie l’ordonnance de télécom 2015-194.

  2. L’ACC/PIAC ont soutenu qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé des conclusions du Conseil dans l’ordonnance de télécom 2015-194 résultant d’erreurs de droit et de fait et de l’incidence négative de la décision sur la participation des groupes de consommateurs aux instances du Conseil. Ainsi, l’ACC/PIAC ont demandé au Conseil qu’il modifie sa conclusion et ordonne le paiement du montant total des coûts réclamés.

Interventions

  1. Le Conseil a reçu des interventions concernant la demande de l’ACC/PIAC du Forum for Research and Policy in Communications (FRPC) et de la Société TELUS Communications (STC).

  2. Le FRPC a indiqué que l’instance était complexe et que les demandeurs avaient clairement besoin du temps indiqué dans leur demande d’application de frais pour effectuer le travail requis. Cette situation exigeait aussi une connaissance des questions complexes en matière de télécommunication. Le FRPC a aussi précisé que la concision de l’intervention ne signifiait pas qu’il fallait moins de temps pour étudier, rédiger, revoir, réviser et finaliser le mémoire. Un avocat moins expérimenté aurait bien pu présenter une ébauche plus longue, exigeant des demandeurs et du Conseil qu’ils y consacrent plus de temps. En outre, il a fait valoir qu’un avocat spécialiste pouvait faire économiser du temps dans le cadre d’instances complexes.

  3. La STC a soutenu que l’ACC/PIAC n’ont pas pris en compte le fait que le Conseil dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire relativement aux demandes d’application de frais. Elle a noté que les Lignes directrices pour l’évaluation des demandes d’attribution de frais (Lignes directrices), telles qu’elles sont énoncées dans la politique réglementaire de télécom 2010-963, précisent que les facteurs considérés pour évaluer si le temps est excessif sont entièrement à la discrétion du Conseil, selon les circonstances. Elle a aussi cité la décision de télécom 2015-131, dans laquelle le Conseil a déterminé que les critères d’attribution de frais établis dans l’article 68 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes sont subjectifs et qu’il revient au Conseil de déterminer si, dans un cas précis, le demandeur satisfait à ces critèresRetour à la référence de la note de bas de page 3.

Réplique

  1. En réplique, l’ACC/PIAC ont soutenu que le Conseil dispose également d’un vaste pouvoir pour revoir et modifier ses conclusions, et ont fait valoir que la STC n’a pas contesté les arguments portant sur les erreurs de fait et de droit relevées dans leur demande de révision et de modification.

Questions

  1. Le Conseil a établi qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :

    • Le Conseil a-t-il commis des erreurs de fait dans l’ordonnance de télécom 2015-194 démontrant qu’il existe un doute réel quant à son bien-fondé?

    • Le Conseil a-t-il commis des erreurs de droit dans l’ordonnance de télécom 2015-194 démontrant qu’il existe un doute réel quant à son bien-fondé?

Le Conseil a-t-il commis des erreurs de fait dans l’ordonnance de télécom 
2015-194 démontrant qu’il existe un doute réel quant à son bien-fondé?

  1. L’ACC/PIAC ont indiqué que le Conseil a commis deux erreurs de fait en tirant ses conclusions établies dans l’ordonnance de télécom 2015-194. Ils ont argué que le Conseil a commis une erreur en concluant que la demande « avait un objectif très précis et n’était pas indûment complexe, » notant que la demande de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, de Bell Canada et de Télébec, Société en commandite (collectivement Bell Canada et autres) comprenait plus de 90 pages, incluant cinq annexes techniques et six demandes tarifaires connexes, et portait sur les plafonds de prix établis antérieurement et les restrictions imposées à des ensembles.

  2. L’ACC/PIAC ont aussi argué que le Conseil a commis une erreur en déterminant qu’un avocat moins expérimenté aurait pu gérer le dossier de façon plus rentable. Il fallait un avocat qui comprenait le régime de plafonnement des prix, la notion de facteur exogène et qui connaissait l’historique et l’existence des comptes de report. Cela dit, seul un avocat principal pouvait prendre connaissance de la demande et y répondre de manière efficace, sans consacrer trop de temps pour faire les recherches pertinentes et comprendre les conditions, règles et décisions sous-jacentes nécessaires pour formuler une réponse dans le délai alloué par le Conseil.

Résultats de lanalyse du Conseil
  1. Le Conseil n’est pas convaincu qu’il a commis des erreurs de fait. Il est vrai que la demande de Bell Canada et autres était raisonnablement longue et comportait de nombreuses pièces jointes. Cependant, l’instance elle-même était simple, ne comportant qu’une série d’interventions et aucun interrogatoire. En outre, le Conseil demeure d’avis que les questions soulevées dans la demande avaient une portée restreinte, ce qui signifie nécessairement que l’intervention soulevait un nombre limité de problèmes. L’intervention de l’ACC/PIAC était très brève, ne contenant que cinq pages, dont deux présentant des renseignements préliminaires qui résumaient la demande.

  2. De plus, l’argument de l’ACC/PIAC ne convainc pas le Conseil qu’il a commis une erreur de fait en déterminant que, même si l’instance était complexe, elle ne l’était pas de manière indue. En tirant cette conclusion, le Conseil évaluait le contexte en regard du fait qu’un avocat principal expérimenté dans le domaine des télécommunications travaillait au dossier. Étant donné cette expérience, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un avocat principal soit familier avec le régime de plafonnement des prix et l’incidence des facteurs exogènes.

  3. De la même façon, l’argument de l’ACC/PIAC selon lequel le Conseil a commis une erreur de fait en concluant qu’un avocat moins expérimenté aurait pu gérer le dossier est déplacé. En faisant référence aux services d’un avocat moins expérimenté, le Conseil parlait des Lignes directrices dans lesquelles il est indiqué que les « les demandeurs sont incités à faire appel autant que possible aux services d’avocats adjoints et à ceux de stagiaires en droit ». Le Conseil estime que l’ACC/PIAC ont tiré une conclusion erronée en affirmant que le Conseil estime que ce dossier aurait pu être exclusivement traité par un avocat adjoint. En faisant référence aux Lignes directrices, le Conseil rappelait à l’ACC/PIAC que les demandeurs ne doivent épargner aucun effort pour maintenir les coûts au minimum. En l’espèce, le Conseil croit que l’équivalent d’une semaine complète de travail dans ce dossier est excessif pour un avocat principal dans les circonstances. Par conséquent, le Conseil estime que l’ACC/PIAC n’ont pas établi l’existence de l’erreur de fait alléguée.

  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis des erreurs de fait démontrant qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2015-194.

Le Conseil a-t-il commis des erreurs de droit dans lordonnance de télécom 
2015-194 démontrant qu’il existe un doute réel quant à son bien-fondé?

  1. L’ACC/PIAC ont indiqué que le Conseil a commis une erreur de droit en supposant que le temps consacré par un avocat principal ou le temps total consacré étaient contestés. Ils ont déclaré qu’aucune des parties n’a mis en doute la quantité de temps consacré par l’avocat principal au dossier, ni la qualité du travail. Cela dit, l’ACC/PIAC ont soutenu que le Conseil, de sa propre initiative, a revu les coûts réclamés sur un autre fondement, et doit avoir décidé que l’ACC/PIAC n’ont pas « aidé le Conseil à mieux comprendre les questions à examiner ». L’ACC/PIAC ont fait valoir que leur intervention était utile et qu’ils ont aidé le Conseil et que, par conséquent, il était erroné de conclure que leurs efforts n’ont pas permis d’aider le Conseil.

  2. L’ACC/PIAC ont également indiqué que le Conseil avait commis une erreur de droit parce qu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, ne fondant pas sa conclusion sur la raison pour laquelle le temps consacré était excessif sur les facteurs énoncés dans la section « Temps excessif » dans les Lignes directrices. Ils ont aussi soutenu que si le Conseil avait fondé sa conclusion sur d’autres facteurs, c’est au Conseil que revenait le fardeau de corroborer ses conclusions dans l’ordonnance de frais.

  3. En outre, l’ACC/PIAC ont fait valoir que le Conseil a commis une erreur de droit parce qu’il n’a pas donné i) d’avis indiquant que le temps réclamé pour les services de l’avocat principal était problématique, ni ii) d’occasion d’expliquer le recours aux services d’un avocat principal, contrairement au paragraphe 23 des Lignes directricesRetour à la référence de la note de bas de page 4. Ils ont argué que les demandeurs auraient dû avoir l’occasion d’être entendus avant que le Conseil donne sa conclusion relativement à la complexité des procédures et au recours aux services d’un avocat principal.

Résultats de lanalyse du Conseil
  1. En ce qui concerne l’argument présenté par l’ACC/PIAC, selon lequel le Conseil a commis une erreur de droit, parce que le fondement de sa préoccupation a dû porter sur le non-respect du deuxième critère d’attribution des frais en « n’aidant pas le Conseil à mieux comprendre les questions à examiner », l’hypothèse de l’ACC/PIAC est erronée, puisque rien n’indique dans l’ordonnance de télécom 2015-194 que les demandeurs n’ont pas satisfait à ce critère. En effet, le Conseil a précisément conclu que l’ACC/PIAC avaient « soulevé des préoccupations suffisantes concernant la demande de Bell Canada et autres, y compris, particulièrement, la question de savoir si les rabais doivent inclure un intérêt composé ». Le Conseil estime qu’il n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard.

  2. La deuxième erreur de droit soulevée par l’ACC/PIAC est la suivante : le Conseil a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, ne fondant pas sa conclusion sur la raison pour laquelle le temps consacré était excessif sur les facteurs énoncés dans la section « Temps excessif » dans les Lignes directrices. Les sections pertinentes des Lignes directrices indiquent ceci :

    Temps excessif

18. Pour évaluer si le temps consacré par un réclamant est excessif dans les circonstances, le Conseil tient normalement compte des facteurs suivants :

  1. la portée de la participation du demandeur, le degré de complexité des questions auxquelles sa participation se rapportait et le volume de documents en cause dans l’instance;
  2. le degré de responsabilité que le réclamant a assumé;
  3. le chevauchement des observations substantielles parmi les réclamants;
  4. l’expérience et l’expertise du réclamant;
  5. le temps réclamé et attribué dans le cadre de l’instance ou dans le cadre d’instances similaires.

19. La liste des facteurs ci-dessus n’est pas exhaustive, et les éléments considérés sont laissés entièrement à la discrétion du Conseil, selon les circonstances.

  1. Le Conseil détient un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer si des frais doivent être autorisés ou non et, dans l’affirmative, en tout ou en partie. Ce pouvoir est confirmé dans la section 19 des Lignes directrices. Par conséquent, le Conseil n’est pas d’accord avec la prémisse qui sous-tend l’argument de l’ACC/PIAC, à savoir que le Conseil est en quelque sorte limité aux questions explicitement énoncées dans la section 18 des Lignes directrices. Non seulement cette prémisse
    est-elle incompatible avec la section 19 des Lignes directrices, elle est aussi contraire à la section 18 elle-même, dans laquelle sont énumérés les facteurs comme exemples de questions que le Conseil pourrait étudier. Quoi qu’il en soit, le Conseil a clairement considéré les facteurs a) et d) énoncés à la section 18 des Lignes directrices en formulant ses conclusions dans l’ordonnance de télécom 2015-194. Le fait que l’ACC/PIAC ne sont pas d’accord avec l’application de ces facteurs par le Conseil aux faits de l’espèce, ne constitue pas une preuve d’erreur de droit. Par conséquent, le Conseil estime qu’il n’a pas commis d’erreur de droit.

  2. En ce qui concerne les observations de l’ACC/PIAC concernant la justice naturelle, l’ACC/PIAC devaient raisonnablement savoir, à la lumière des Lignes directrices, qu’ils doivent, comme tous les demandeurs de frais, s’acquitter du fardeau de démontrer que le temps réclamé est justifié. Par conséquent, le Conseil estime que le temps réclamé pour les services de leur avocat principal était clairement en cause dans le cadre de l’instance. En outre, dans l’instance amorcée par leur demande de révision et de modification, l’ACC/PIAC ont eu amplement d’occasions d’arguer pourquoi le temps réclamé pour les services de leur avocat principal était justifié.

  3. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis des erreurs de droit démontrant qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2015-194.

Conclusion

  1. À la lumière de ce qui précède, le Conseil conclut que l’ACC/PIAC n’ont pas démontré qu’il existe un doute réel quant au bien-fondé de l’ordonnance de télécom 2015-194. Le Conseil rejette donc la demande de l’ACC/PIAC.

Secrétaire générale

Documents connexes

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

L’instance, ayant mené à la publication de la décision de télécom 2015-70, a été amorcée par une demande de Bell Aliant Communications régionales, société en commandite; de Bell Canada et de Télébec, Société en commandite (collectivement Bell Canada et autres) concernant une proposition de réductions tarifaires et de rabais aux clients découlant de l’expiration de certains facteurs exogènes temporaires.

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Note de bas de page 2

Voir les paragraphes 8 et 9 de l’ordonnance de télécom 2015-194.

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Note de bas de page 3

Voir le paragraphe 16 de la décision de télécom 2015-131.

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Note de bas de page 4

Le paragraphe 23 des Lignes directrices énonce que « si les demandeurs font appel aux services d’un avocat principal, ils doivent prouver, avec justification à l’appui, pourquoi ils ont dû agir ainsi. »

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