Décision de radiodiffusion CRTC 2016-110

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Référence : 2016-22

Ottawa, le 23 mars 2016

Shaw Communications Inc., au nom de Shaw Media Inc. et ses filiales autorisées
L'ensemble du Canada

Demande 2016-0055-2, reçue le 15 janvier 2016

Divers services et stations de télévision - Réorganisation intrasociété (transfert d'actions)

Le Conseil approuve une demande présentée par Shaw Communications Inc. (Shaw Communications), au nom de Shaw Media Inc. et ses filiales autorisées (Shaw Media), afin d'obtenir l'autorisation d'effectuer une réorganisation intrasociété à étapes multiples, par le transfert de toutes les actions de Shaw Communications Inc. dans Shaw Media à Corus Entertainment Inc. ou à l'une de ses filiales (Corus).

Conformément à la politique de longue date du Conseil sur les avantages tangibles et étant donné qu'il n'y a aucun changement du contrôle effectif des titulaires ou des entreprises, la présente transaction n'exige pas le versement d'avantages tangibles. Depuis la création de Corus en 1999, le Conseil considère que le contrôle effectif de Shaw Communications et de Corus est exercé par la même personne, soit M. JR Shaw. La réorganisation proposée ne change pas qui exercera le contrôle effectif de ces entreprises et leurs services. Au point de vue de la réglementation, le Conseil a toujours considéré Shaw Communications et Corus comme une seule et même voix dans le cadre de la politique du Conseil sur la diversité des voix, et rien ne change à cet égard dans le cadre de la présente réorganisation.

La présente réorganisation intrasociété contribuera à rendre le système canadien de radiodiffusion durable, sain et concurrentiel, conformément à l'intérêt public et aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. En particulier, l'approbation de la demande contribuera à la création d'une entreprise de plus grande taille, solide, bien financée et axée sur le contenu, et composée d'un bon mélange de propriétés médiatiques et de marques de commerce complémentaires qui sont en bonne position pour évoluer dans les environnements de radiodiffusion hautement concurrentiels à l'échelle nationale et internationale. Puisqu'il s'agit d'une réorganisation intrasociété, les téléspectateurs canadiens n'en ressentiront pas les effets.

Demande

  1. Shaw Communications Inc. (Shaw Communications), au nom de Shaw Media Inc. et ses filiales autorisées (Shaw Media), a déposé une demande afin d'obtenir l'autorisation d'effectuer une réorganisation intrasociété en plusieurs étapes, par le transfert de toutes les actions de Shaw Communications dans Shaw Media à Corus Entertainment Inc. ou à l'une de ses filiales (Corus).
  2. Corus est une société cotée en bourse dont le contrôle effectif est exercé par M. JR Shaw conformément à une entente avec la fiducie Shaw Family Living Trust. Shaw Media est une filiale à part entière de Shaw Communications, laquelle est également une société cotée en bourse dont le contrôle effectif est exercé par M. JR Shaw conformément à une entente avec la fiducie Shaw Family Living Trust. Shaw Media et Corus sont toutes deux contrôlées par M. JR Shaw, mais gérées par des équipes de gestions séparées sous la supervision de deux conseils d'administration séparés. Avant 2001, le Conseil avait pour politique d'empêcher les câblodistributeurs de détenir une participation dans des services facultatifs ou d'augmenter celle qu'ils avaient déjà. La séparation structurelle de Corus-Shaw Communications était une réponse à cette politique. Dans l'avis public 2001-66-1, le Conseil a modifié sa politique en permettant aux câblodistributeurs et à leurs entités liées d'acheter et même de contrôler des intérêts dans les services facultatifs canadiens. Dans la décision de radiodiffusion 2010-782, le Conseil a approuvé une demande présentée par Shaw Communications afin d'obtenir l'autorisation de modifier le contrôle effectif des filiales de radiodiffusion autorisées de Canwest Global, lesquelles comprenaient des stations de télévision traditionnelle ainsi que des services facultatifs.
  3. Selon la convention d'achat d'actions, Corus ferait l'acquisition des actions de Shaw Media pour 2,65 milliards de dollars. Conformément à la politique réglementaire de radiodiffusion 2014-459 (la politique sur les avantages tangibles), le demandeur n'a pas proposé d'avantages tangibles.
  4. La réorganisation intrasociété se réaliserait au moyen d'une des trois séries de transactions proposées ci-dessous :

    Option 1

    Shaw Communications vendrait les actions ordinaires de Shaw Media à Corus en échange d'une somme en espèces et d'actions sans droit de vote de catégorie B nouvellement émises par Corus.

    Option 2

    Par divers transferts, une filiale à part entière de Corus (Holdco1) ferait l'acquisition des actions ordinaires de Shaw Media en échange d'actions privilégiées sans droit de vote de Holdco1. Holdco1 convertirait ensuite ses actions de Shaw Media en actions privilégiées sans droit de vote et Corus souscrirait aux actions avec droit de vote de Shaw Media.

    Option 3

    Par divers transferts, une filiale à part entière de Shaw Communications (Holdco2) ferait l'acquisition des actions ordinaires de Shaw Media. Holdco2 transfèrerait ensuite ses actions à 1507441 Alberta Inc. (Holdco3), autre filiale à part entière de Shaw Communications. Enfin, Corus ferait l'acquisition des actions de Holdco3.

  5. Aucune des options proposées n'entraînerait de modification du contrôle effectif des entreprises, lequel continuerait d'être exercé par M. JR Shaw tout au long des étapes et après la clôture de la transaction.
  6. La transaction proposée implique le transfert de 22 services de télévision facultatifs et de 12 stations de télévision traditionnelle.

Interventions et réplique du demandeur

  1. Le Conseil a reçu des interventions favorables et défavorables à la présente demande, ainsi que des commentaires. La plupart des interventions provenaient de producteurs indépendants, de firmes représentant des producteurs indépendants et des membres du milieu de la création, ainsi que de groupes de protection des citoyens et des consommateurs, et de particuliers canadiens. Des 40 interventions reçues, 8 s'opposaient à la présente demande. Le demandeur a répliqué aux interventions. Le dossier public de la présente demande peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, ou au moyen du numéro de demande indiqué ci-dessus.

Cadre réglementaire

  1. En vertu de l'article 5(1) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en œuvre les nombreux objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion énoncés à l'article 3(1) de la Loi. L'examen de transactions de propriété constitue un élément essentiel du mandat de réglementation et de surveillance que la Loi confère au Conseil.
  2. À cette fin, l'article 14(4) du Règlement de 1987 sur la télédiffusion et l'article 10(4) du Règlement de 1990 sur les services spécialisés (collectivement, les Règlements) exigent tous deux que les titulaires obtiennent l'approbation préalable du Conseil à l'égard de toute mesure, entente ou opération qui aurait pour conséquence directe ou indirecte :

    14(4) a) soit de modifier, par quelque moyen que ce soit, le contrôle effectif de son entreprise;

    b) soit de faire en sorte qu'une personne seule :

    1. qui contrôle moins de 30 pour cent des intérêts avec droit de vote du titulaire contrôlerait ainsi 30 pour cent ou plus de ces intérêts,
    2. qui contrôle moins de 30 pour cent des intérêts avec droit de vote d'une personne qui détient, directement ou indirectement, le contrôle effectif du titulaire, contrôlerait ainsi 30 pour cent ou plus de ces intérêts [...]
  3. Lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire d'approuver une transaction de propriété proposée, le Conseil tient également compte des politiques réglementaires et des bulletins d'information.
  4. Dans sa prise de décision, le Conseil doit être convaincu que, dans l'ensemble, la transaction proposée profite au système canadien de radiodiffusion et est dans l'intérêt public.

Analyse et décisions du Conseil

  1. Après examen du dossier public de la présente demande compte tenu des politiques et règlements applicables, le Conseil estime qu'il doit se pencher sur les questions suivantes :
    • La transaction proposée entraîne-t-elle une modification du contrôle effectif?
    • La transaction proposée entraîne-t-elle le versement d'avantages tangibles?
    • La transaction proposée est-elle dans l'intérêt public?

Modification du contrôle effectif

  1. Lorsqu'il évalue une transaction de propriété, le Conseil doit d'abord déterminer si la transaction implique ou non la modification du contrôle effectif d'une entreprise de radiodiffusion. Une modification du contrôle effectif donne généralement lieu à un examen visant à déterminer si le détenteur de la licence est admissible, l'inadmissibilité des non-Canadiens, et s'il y a lieu d'imposer le versement d'avantages tangibles.
  2. L'article 3(1)a) de la Loi exige que le système canadien de radiodiffusion demeure effectivement la propriété des Canadiens et sous leur contrôle. Les Règlements précisent qu'il y a contrôle effectif du titulaire ou de son entreprise notamment dans les situations suivantes :
    1. il y a contrôle, direct ou indirect, autrement que par voie de valeurs mobilières seulement, de la majorité des intérêts avec droit de vote du titulaire;
    2. une personne est en mesure d'amener le titulaire ou son conseil d'administration à adopter une ligne de conduite;
    3. le Conseil détermine, après la tenue d'une audience publique à l'égard d'une demande de licence ou d'une licence existante, qu'il y a contrôle effectif, laquelle détermination est consignée dans un avis de décision ou un avis public.
  3. Certains intervenants se sont demandé si la séparation structurelle (par exemple, une gestion, une composition du conseil d'administration et une comptabilité distinctes) entre les filiales autorisées Shaw Communication et Corus justifiait le fait de les considérer comme deux entités séparées pour en déterminer le contrôle effectif.
  4. Lorsqu'il examine une demande, le Conseil tient compte de l'existence d'un ou plusieurs mécanismes de gouvernance pouvant avoir une incidence importante sur les décisions majeures du titulaire, y compris, sans toutefois s'y limiter, sur celles qui concernent les activités quotidiennes. La structure de gestion d'un titulaire et son incidence sur les décisions en matière de programmation et d'exploitation peuvent être des points à prendre en compte dans l'évaluation du contrôle effectif.
  5. Dans le but d'évaluer et de déterminer le contrôle effectif de Shaw Media et de Corus, le Conseil a examiné les principaux documents au dossier qui portaient sur la structure d'entreprise des deux sociétés et en conclut que :
    • M. JR Shaw contrôle indirectement la majorité des intérêts avec droit de vote des titulaires;
    • M. JR Shaw a le pouvoir d'obliger le titulaire ou son conseil d'administration à adopter une ligne de conduite, puisque toutes les décisions importantes se rapportant aux deux entités sont dictées par les dispositions de la fiducie Shaw Family Living Trust. Cette fiducie est la propriété directe d'une société uniquement détenue et contrôlée par M. JR Shaw.
  6. De plus, la séparation structurelle entre Shaw Communications et Corus existe depuis 1999, moment où Corus est né de Shaw en réponse à l'exigence du Conseil à l'égard de la séparation structurelle entre les fonctions de distribution et de programmation des entités intégrées verticalement. Toutefois, cela n'a entraîné aucun changement du contrôle effectif de Shaw Communications et de Corus, lequel a continué d'être exercé par M. JR Shaw. Depuis, le Conseil a toujours reconnu le contrôle commun dans ses politiques et règlementations concernant la propriété, la diversité de la propriété et la concentration de la propriété.
  7. Ainsi, le Conseil estime que les deux entités sont contrôlées par M. JR Shaw et que la transaction proposée ne constitue pas une modification du contrôle effectif de Shaw Media, lequel a toujours été exercé par M. JR Shaw et continuera de l'être.

Application de la politique sur les avantages tangibles

  1. Puisque le processus concurrentiel pour l'attribution de licences n'intervient pas lorsqu'il y a transfert de propriété ou de contrôle d'un service de radio ou de télévision, l'acheteur est tenu de faire des contributions importantes et non équivoques au système de radiodiffusion dans son ensemble et aux communautés desservies par ce service. Ces contributions, qu'on appelle les avantages tangibles, se définissent comme des contributions financières directement versées au développement du contenu canadien et doivent représenter 10 % de la valeur de la transaction portant sur des services de télévision.
  2. En ce qui concerne la présente transaction, certains intervenants sont d'avis que le Conseil devrait exiger le versement d'avantages tangibles. Selon la Writers Guild of Canada (Writers Guild), le Conseil devrait envisager d'appliquer la politique sur les avantages tangibles dans le cadre de la présente transaction étant donné la nature et l'importance sans précédent de cette dernière, et puisque, à son avis, elle implique une modification de contrôle au niveau de la programmation et de l'exploitation. La Canadian Media Producers Association (CMPA) soutient que le Conseil devrait tenir compte des incidences d'ordre pratique découlant d'une consolidation additionnelle dans le système de radiodiffusion, au lieu de prendre sa décision en considérant uniquement l'enjeu relatif au contrôle effectif.
  3. Conformément à la politique du Conseil sur les avantages tangibles, si des avantages tangibles doivent être versés, la grande partie des avantages doivent être versés au secteur de la production indépendante ainsi qu'aux acteurs, scénaristes et autres créateurs impliqués dans leurs productions.
  4. Dans la décision de radiodiffusion 2013-738, le Conseil a approuvé le transfert des services Historia et Séries+ de Shaw Media à Corus et a reconnu que ces deux entités sont sous le même contrôle lorsqu'il a déterminé qu'aucun bloc d'avantages tangibles ne sera exigé. Précisément, le Conseil a indiqué :

    [...] Corus et Shaw sont tous deux ultimement contrôlés par JR Shaw. Ainsi, le Conseil estime qu'il n'y a pas de modification au contrôle ultime dans le cas de l'acquisition de la participation détenue par Shaw (50 %). L'acquisition de la participation détenue par Bell Média (50 %) est quant à elle assujettie à la politique sur les avantages tangibles.

  5. De plus, lorsque le Conseil a passé en revue sa politique sur les avantages tangibles en 2014, certaines parties ont suggéré d'exiger des avantages tangibles pour toutes les transactions de propriété, y compris celles qui n'entraînait aucune modification du contrôle effectif. Dans la politique, le Conseil a néanmoins maintenu l'approche d'exiger généralement le versement d'avantages tangibles pour les transactions impliquant une modification du contrôle effectif et de ne pas exiger de tels versements pour les transactions de propriété n'impliquant aucune modification du contrôle effectif.
  6. Conformément à la politique sur les avantages tangibles, étant donné que la transaction proposée ne modifiera pas le contrôle effectif des titulaires ou des entreprises, le Conseil n'exige pas d'avantages tangibles. De plus, le Conseil ne voit aucune raison pourquoi il ferait une exception à la politique sur les avantages tangibles dans le cadre de la présente instance.

L'intérêt public

  1. Puisque le Conseil ne sollicite pas de demandes concurrentes pour des modifications à la propriété ou au contrôle effectif d'entreprises de radiodiffusion, il incombe au demandeur de prouver que l'approbation de sa demande est dans l'intérêt public, eu égard aux objectifs généraux de la Loi.
  2. Afin de déterminer si la transaction proposée est dans l'intérêt public, le Conseil tient compte d'une panoplie de critères énoncés dans la Loi, dont certains ont trait à la nature de la programmation et aux services rendus aux communautés desservies, ainsi qu'à des considérations d'ordre régional, social, culturel, économique et financier. Le Conseil doit être convaincu que la transaction proposée profite aux Canadiens et au système de radiodiffusion.
  3. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-86, le Conseil a déclaré qu'un cadre performant à l'égard de la programmation canadienne doit réaliser les objectifs suivants :
    • les Canadiens sont en mesure de profiter et de regarder des émissions canadiennes captivantes qui reflètent une diversité de points de vue sur une variété de plateformes;
    • les radiodiffuseurs sont incités à investir dans du contenu captivant fait par et pour des Canadiens, qui génère des revenus, lesquels sont à leur tour réinvestis dans la création de contenu;
    • les radiodiffuseurs sont davantage en mesure de répondre aux consommateurs et d'adopter des stratégies créatives de programmation.
  4. Dans cette politique, le Conseil a également indiqué que la demande domestique ne suffit plus à assurer le succès continu de l'industrie de la production, qui fait face à des offres de contenu provenant du monde entier. C'est pourquoi la présentation d'une programmation captivante capable d'attirer aussi un auditoire international est un facteur clé du succès.
  5. Pour déterminer si la transaction est dans l'intérêt public, le Conseil a tenu compte de la déclaration du demandeur, qui affirme que la taille de l'entreprise est un facteur important pour affronter la concurrence à l'échelle mondiale, ainsi que des arguments soulevés par certains intervenants par rapport à la consolidation de la propriété et la diversité des voix.
  6. Shaw Communications indique qu'en raison de leur taille réduite, Shaw Media et Corus perdent les occasions de publicité au profit de concurrents de plus grande taille et que, pour l'achat de droits sur du contenu de haute qualité, il se fait surenchérir par des concurrents, autorisés ou non, au pays ou dans le monde. C'est l'une des raisons pour lesquelles Corus a décidé de se retirer du domaine de la télévision régionale payante.
  7. Selon Shaw Communications, la transaction proposée est conforme à la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-86 et contribuera à l'atteinte des objectifs de la Loi en créant une entreprise de plus grande taille, solide, bien financée et axée sur le contenu, et composée d'un bon mélange de propriétés médiatiques et de marques de commerce complémentaires qui sont en bonne position pour évoluer dans les environnements de radiodiffusion hautement concurrentiels à l'échelle nationale et internationale. La transaction proposée protégera également la télévision et la radio locales contre l'érosion de la publicité et offrira les moyens financiers de commander de nouvelles émissions canadiennes auprès des producteurs indépendants.
  8. Bon nombre d'intervenants du milieu de la production indépendante favorisent l'idée d'élargir la taille de l'entreprise comme le propose la transaction. Entertainment One mentionne que la transaction [traduction] « générera d'importantes occasions d'affaire et de l'investissement durable pour les artistes, les producteurs et les distributeurs indépendants canadiens afin qu'ils continuent à produire de la programmation originale pour les auditoires du pays et du monde entier ». D'autres, comme 9 Story Media Group et Productions Pixcom Inc., se sont montrés favorables à la transaction en raison des relations positives qu'ils entretiennent déjà avec Corus.
  9. Dans son intervention en opposition, la CMPA a reconnu que la transaction comporterait des avantages pour Corus, en ce qu'elle en ferait [traduction] « un radiodiffuseur encore plus fort et plus prospère », et que « des radiodiffuseurs forts sont essentiels à la fois pour assurer la santé et la pérennité du secteur de la production indépendante et pour que le système canadien de radiodiffusion desserve mieux les auditoires canadiens ».
  10. Quelques intervenants de l'industrie de la création craignent que Corus ne se serve de sa taille et sa force accrues pour imposer des conditions déraisonnables aux producteurs indépendants. À cet égard, la CMPA suggère que si le Conseil décidait d'approuver la demande, il devrait imposer une condition de licence exigeant que Corus négocie des mécanismes de protection faisant l'objet d'un accord avec la CMPA.
  11. La CMPA et la Writers Guild, parmi d'autres intervenants, sont d'avis que la transaction entraînerait des changements dans la prise de décision au niveau de l'exploitation, signifiant « une porte en moins à laquelle cogner » pour les producteurs, et une équipe de programmeurs en moins occupée à différencier ses choix de programmation de manière à attirer et satisfaire les auditoires.
  12. Selon le Conseil, éliminer la séparation structurelle entre les filiales autorisées de Shaw Communications et Corus permettra une plus grande envergure et contribuera à la cohésion dans la prise de décisions. De plus, cela éliminera un obstacle qui a fait perdre des occasions aux deux entreprises en termes de revenus et d'achats de contenu et les a empêchées d'affronter la concurrence dans l'environnement hautement concurrentiel de la radiodiffusion mondiale. Shaw Media et Corus seront en meilleure position pour prendre des risques sur le plan créatif et financier, et pour s'allier à des joueurs solides au pays ou ailleurs, y compris des producteurs indépendants.
  13. Nonobstant ce qui précède, la séparation structurelle qui existe présentement entre Shaw Media et Corus a sans doute parfois donné aux producteurs indépendants l'occasion de tester leurs idées chez Shaw Media et chez Corus séparément. Cette séparation a pu s'avérer avantageuse pour certains producteurs indépendants qui ont développé et noué des relations avec chaque entité. L'élimination de la séparation structurelle pourrait entraîner la perte d'une part des débouchés pour certains producteurs indépendants, même si la séparation structurelle de Corus et Shaw Communications en 1999 n'avait pas comme but d'avantager ou de protéger les intérêts des producteurs indépendantsRetour à la référence de la note de bas de page 1.
  14. Toutefois, comme le déclare le Conseil dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-86 :

    L'industrie de la production devra se transformer pour faire en sorte que les sociétés de production soient viables et mieux capitalisées, capables de rentabiliser l'exploitation de leur contenu sur une plus longue période, en collaboration avec des services de radiodiffusion qui bénéficieront d'incitatifs pour investir dans la promotion de contenu [...] [U]n secteur de production canadien solide est essentiel à l'exploitation à long terme des revenus de contenu [...] [C]ela suppose des associations entre des sociétés de production indépendantes bien capitalisées et des radiodiffuseurs qui possèdent des intérêts dans le contenu et les droits de propriété intellectuelle.

  15. Peu importe le nombre de « portes » à franchir, le Conseil estime qu'un producteur indépendant bien financé et en mesure de se distinguer par des propositions de contenu attrayantes, sera en bonne position pour saisir les occasions et connaître le succès. De plus, le demandeur ne propose de fermer aucun service et les services continueront d'être exploités selon les mêmes modalités et conditions que celles présentement en vigueur.
  16. Les conditions de licence qui portent sur les dépenses en émissions canadiennes et sur le pourcentage des dépenses à consacrer aux émissions d'intérêt national et aux sociétés de production indépendantes demeurent les mêmes. Ainsi, le niveau de financement disponible pour les producteurs indépendants en raison des exigences de dépenses demeure inchangé et fera l'objet d'un examen à l'échelle de l'industrie lors de la prochaine instance de renouvellement de licences par groupe.
  17. De plus, le Conseil a toujours reconnu la séparation structurelle qui existe entre les filiales autorisées Shaw Communications et Corus. Le Conseil les a toutefois toujours considérées comme des entités affiliées sous le contrôle effectif commun de M. JR Shaw lorsqu'il appliquait une réglementation, des politiques ou des mesures de protection liées à la concentration de la propriété (comme la politique sur la diversité des voix (avis public de radiodiffusion 2008-4), le cadre relatif à l'intégration verticale (politique réglementaire de radiodiffusion 2011-601) et le Code sur la vente en gros (politique réglementaire de radiodiffusion 2015-438)).
  18. Par conséquent, et compte tenu qu'il n'y a aucune modification du contrôle effectif, les protections actuelles continueront de s'appliquer à la combinaison Shaw Media et Corus, et ces deux entités devront se conformer aux mêmes politiques que d'autres entités intégrées verticalement.
  19. Le Conseil estime également que l'imposition de mesures de protection additionnelles aux filiales autorisées Shaw Media et Corus dans le contexte de la présente transaction créerait un risque d'injustice et un fardeau inutile. L'ajout de telles mesures irait à l'encontre de l'objectif du Conseil énoncé dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-86, à savoir qu'un cadre performant à l'égard de la programmation de télévision canadienne doit viser la suppression des obstacles à l'entrée dans le marché, à l'adaptation de la programmation et à la concurrence intérieure, et faire en sorte que la diversité de la programmation soit, dans la mesure du possible, contrôlée par les forces du marché.
  20. En outre, la politique sur la diversité des voix s'applique uniquement lorsqu'il y a modification du contrôle effectif. Dans la politique sur la diversité des voix, le Conseil déclare :

    De façon générale, le Conseil n'approuvera pas les demandes de transfert de contrôle effectif qui feraient en sorte qu'une seule et même personne occupe une position dominante dans la livraison des services de télévision aux Canadiens, ce qui nuirait à la diversité de la programmation offerte aux auditoires canadiens. Plus précisément :

    • de façon générale, le Conseil n'approuvera pas toute transaction donnant à une seule personne le contrôle de plus de 45 % de l'ensemble de l'écoute de la télévision, y compris les auditoires tant des services en direct que des services facultatifs;
    • le Conseil examinera attentivement toute transaction donnant à une seule personne le contrôle d'entre 35 % et 45 % de l'ensemble de l'écoute de la télévision, y compris les auditoires tant des services en direct que des services facultatifs;
    • sous réserve d'autres questions de politique, le Conseil traitera sans délai toute transaction donnant à une seule personne le contrôle de moins de 35 % de l'ensemble de l'écoute de la télévision, y compris les auditoires tant des services en direct que des services facultatifs.
  21. Puisque la transaction proposée ne constitue pas un changement de contrôle effectif, il n'y a aucune raison de l'examiner à la lumière de la politique sur la diversité des voix. De plus, Corus et Shaw ont toujours été vus par le Conseil comme représentant une seule et même voix aux fins de la politique sur la diversité des voix. Par exemple, dans la décision de radiodiffusion 2010-782, le Conseil a considéré Shaw Communications et Corus comme représentant une seule et même voix au moment d'approuver l'acquisition des filiales radiodiffusion autorisées de Canwest Global par Shaw Communications.
  22. Dans le même ordre d'idées, dans la décision de radiodiffusion 2013-738, le Conseil a déclaré qu'à des fins de mise en œuvre du cadre relatif à l'intégration vertical, Shaw et Corus se définissent comme une unique entité intégrée verticalementRetour à la référence de la note de bas de page 2. En vertu des nouvelles règles de distributions énoncées dans les politiques découlant de Parlons télé, Corus et Shaw Communications sont toujours considérées comme une seule entité.
  23. Par conséquent, la part d'écoute de la télévision que détient actuellement M. JR Shaw, tout comme la consolidation du système canadien de radiodiffusion dans son ensemble, demeurera inchangée à la suite de la présente transaction proposée.
  24. L'industrie canadienne de la radiodiffusion est petite : tous ses membres sont interdépendants et la santé financière de l'un a des répercussions directes sur l'autre. Les producteurs indépendants ont besoin de radiodiffuseurs qui ont du succès, tout comme les radiodiffuseurs ont besoin de producteurs indépendants qui ont du succès. La présente transaction contribue à la durabilité, à la santé et à la compétitivité du système canadien de radiodiffusion, ce qui ne peut faire autrement que profiter aux producteurs indépendants.
  25. Par conséquent, le Conseil détermine que la transaction proposée est conforme aux objectifs de politique énoncés dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-86 et dans d'autres politiques pertinentes et, du fait même, à l'atteinte des objectifs de la Loi. Bien que le Conseil reconnaisse que la réorganisation proposée risque d'avoir une incidence négative sur certaines parties, cette incidence n'est pas indue et elle est compensée par les avantages que présente la transaction en contribuant à rendre le système canadien de radiodiffusion sain, durable et concurrentiel. C'est pourquoi le Conseil estime qu'en définitive, la transaction est dans l'intérêt public.
  26. Dans l'avis de consultation de radiodiffusion 2016-44, le Conseil a sollicité le dépôt des demandes de renouvellement de licences de télévision détenues par des grands groupes de propriété. Dans le cadre de l'instance de renouvellement des licences, le Conseil convoquera une audience publique avec comparution au cours de laquelle il compte réévaluer l'ensemble de son approche à l'attribution des licences par groupe, notamment les exigences relatives aux dépenses au titre des émissions canadiennes et des émissions d'intérêt national, dans le but d'appliquer certaines décisions de politique énoncées dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2015-86. Certaines des préoccupations soulevées par les intervenants pourront être examinées dans le contexte plus large de cet examen.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil approuve la demande de Shaw Communications Inc., au nom de Shaw Media Inc. et ses filiales autorisées, afin d'obtenir l'autorisation d'effectuer une réorganisation intrasociété en plusieurs étapes, par le transfert de toutes les actions de Shaw Communications Inc. dans Shaw Media Inc. à Corus Entertainment Inc. ou à l'une de ses filiales.
  2. À la clôture de la transaction, les services continueront d'être exploités selon les mêmes modalités et conditions en vigueur dans les licences actuelles.
  3. Shaw Communications doit informer le Conseil chaque fois qu'une étape de la transaction est complétée.
  4. De plus, le Conseil ordonne au demandeur de déposer, au plus tard le 22 avril 2016, une copie signée de tous les documents constitutifs (y compris, entre autres, les ententes de formation de sociétés en nom collectif, les enregistrements ou immatriculations de sociétés, les certificats et statuts de constitution, les règlements généraux, les certificats et statuts de dissolution, les certificats et statuts de fusion).

La nécessité d'une audience publique avec comparution

  1. Quelques intervenants ont demandé la tenue d'une audience publique avec comparution pour examiner la présente demande, soulignant l'envergure de la transaction et ses répercussions sur le système canadien de radiodiffusion. Ils allèguent qu'il serait dans l'intérêt public d'offrir aux parties l'occasion de discuter davantage de leurs préoccupations dans le contexte d'une audience publique avec comparution.
  2. Tel qu'indiqué dans le bulletin d'information de radiodiffusion 2008-8-2, les demandes visant la modification du contrôle effectif ou certains transferts d'actions des entreprises de radiodiffusion (les demandes de transfert d'actions) peuvent être traitées selon l'une des trois façons suivantes :
    • par voie administrative (l'examen non public de transferts de routine);
    • la publication d'un avis de consultation (sollicitant des observations par écrit);
    • la publication d'un avis de consultation (avis d'audience) où les parties comparaissent devant le Conseil et présentent des observations écrites et orales.
  3. Les demandes de transfert d'actions peuvent être traitées par voie administrative si la transaction consiste en une réorganisation intrasociété et n'entraîne aucune modification du contrôle effectif.
  4. Depuis 2007, le Conseil a traité environ 50 transactions de propriété chaque année, dont plusieurs ont été traitées par voie administrative et impliquaient la réorganisation intrasociété de titulaires de radiodiffusion parmi les plus importants au Canada.
  5. Le Conseil publie un avis de consultation sollicitant les observations écrites quand :
    • la demande ne satisfait pas aux critères d'un examen par voie administrative;
    • la transaction est suffisamment importante, selon le Conseil, pour justifier la tenue d'une instance publique sous forme d'avis de consultation.
  6. Si, en réponse à un avis de consultation, le Conseil reçoit des interventions écrites qui soulèvent des préoccupations qu'il juge assez importantes pour justifier des présentations orales et une discussion plus approfondie, il peut alors décider de tenir une audience publique avec comparution.
  7. Le Conseil peut aussi procéder directement à une audience publique avec comparution s'il juge que la demande porte sur une transaction d'une telle importance qu'elle mérite une discussion plus approfondie.
  8. La décision quant à la meilleure façon d'évaluer les mérites d'une transaction particulière est évidemment à la discrétion du Conseil et est basée sur divers critères, y compris la transparence du processus au profit de tous les Canadiens, l'importance de la transaction pour le système de radiodiffusion, et les avantages à recueillir les commentaires du public et de l'industrie et à rassembler des données suffisamment probantes pour prendre une décision informée.
  9. Le Conseil examine la plus grande partie des demandes reçues au moyen d'une instance publique écrite, lancée en vertu des divers pouvoirs qui lui sont conférés. Les audiences publiques avec comparution, parce qu'elles exigent énormément de ressources, entraînent de longs délais et créent de l'incertitude sur le marché et dans la réglementation, sont réservées aux cas pour lesquels le Conseil estime qu'elles sont nécessaires pour étoffer le dossier de la preuve, dans une mesure qui ne serait pas possible par l'entreprise d'un simple processus écrit.
  10. Dans le présent cas, et conformément au bulletin d'information de radiodiffusion 2008-8-2, le Conseil aurait pu examiner la présente transaction par voie administrative. Il a néanmoins jugé qu'il était dans l'intérêt public de publier un avis de consultation afin de donner à tous les intéressés l'occasion de commenter la transaction proposée, compte tenu de sa portée financière et du nombre de services touchés.
  11. Après avoir envisagé la tenue d'une audience publique avec comparution pour examiner la présente transaction, le Conseil a conclu ce qui suit :
    • la transaction, telle que proposée, représente une simple réorganisation intrasociété qui consiste à transférer divers éléments d'actif de radiodiffusion entre deux sociétés relevant d'un même contrôle, au moyen d'un transfert d'actions;
    • les personnes intéressées ont eu l'occasion de soumettre leurs observations complètes par écrit sur la transaction;
    • il détient toute l'information nécessaire pour évaluer les enjeux soulevés par la transaction et les parties;
    • la demande est conforme aux politiques et aux règlements applicables.
  1. Par conséquent, la tenue d'une audience publique avec comparution ne serait pas dans l'intérêt public, car elle retarderait le traitement de la demande et n'apporterait au Conseil que très peu d'avantages, voire aucun, dans son examen de la demande. De plus, un tel processus additionnel concernant deux sociétés cotées en bourse créerait d'inutiles incertitudes sur le marché et dans la réglementation.

Équité en matière d'emploi

  1. Comme le titulaire est assujetti à la Loi sur l'équité en matière d'emploi et dépose des rapports au ministère de l'Emploi et du Développement social, ses pratiques à l'égard de l'équité en matière d'emploi ne sont pas évaluées par le Conseil.

Secrétaire générale

Documents connexes

*La présente décision doit être annexée à chaque licence.

Opinion minoritaire du conseiller Raj Shoan portant sur une question procédurale

Avec l'approbation de cette transaction, le Canada aura l'une des industries médiatiques les plus consolidées du monde parmi les pays développésRetour à la référence de la note de bas de page 3. Cela pourrait être ou ne pas être la bonne direction à suivre pour le pays, compte tenu de son immense superficie, de sa population relativement modeste et de sa proximité aux titans que sont les entreprises de production et de médias puissantes de nos voisins du Sud. Cela dit, je ne formule aucune opinion quant aux mérites de la demande Shaw-Corus et me suis abstenu de voter pour ou contre. J'estime qu'en l'absence d'une audience publique en bonne et due forme pour évaluer une transaction de cette envergure, il est impossible que le Conseil détienne suffisamment d'information et de compréhension des incidences à prévoir sur le marché pour être en mesure d'approuver la demande telle que déposée.

Pour être plus précis, la décision d'aujourd'hui fait en sorte que Corus Entertainment Inc. (Corus), Bell Média inc. (Bell) et Rogers Media Inc. (Rogers) contrôleront plus de 80 % des parts d'écoute de la télévision dans le marché de langue anglaise au Canada. Corus détiendra le contrôle sur plus d'un tiers de cette écoute et la combinaison Corus-Bell contrôlera plus de 70 % de l'écoute télévisuelle dans le marché canadien de langue anglaise. Enfin, grâce à cette transaction, Corus devient le joueur dominant pour l'achat et la production de programmation dans les genres de la programmation pour enfants, de la programmation sur les styles de vie et de la programmation s'adressant aux femmes sur le marché de la télévision de langue anglaise au Canada. À mon avis, les problèmes de politique à prévoir en présence d'une telle domination du marché et d'une telle consolidation de l'industrie justifiaient une audience publique.

Certains intervenants ont soulevé les préoccupations politiques suivantes qui, selon moi, auraient mérité d'être examinées plus en détails au cours d'une audience publique :

Politiques et articles de loi pertinents

La Loi sur la radiodiffusion comporte un nombre d'objectifs de politique qui peuvent s'appliquer dans le contexte de la présente instance, dont les suivants :

3(1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion :

e) tous les éléments du système doivent contribuer, de la manière qui convient, à la création et la présentation d'une programmation canadienne;

i) la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois :

  1. puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales;
  2. faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants;

s) les réseaux et les entreprises de programmation privés devraient, dans la mesure où leurs ressources financières et autres le leur permettent,

  1. contribuer de façon notable à la création et à la présentation d'une programmation canadienne;

En outre, dans Diversité des voix - politique réglementaire, avis public de radiodiffusion CRTC 2008-4, 15 janvier 2008 (la politique sur la diversité des voix), le Conseil a déclaré au paragraphe 37, au sujet de la domination du marché, que « la question de la dominance dans un marché comporte des aspects sociaux et culturels même s'il s'agit surtout d'un enjeu économique associé à des problèmes de concurrence. Les pouvoirs liés au contrôle d'accès que peut entraîner une dominance dans un marché risquent d'influer sur la diversité de la programmation au sein du système canadien de radiodiffusion. Quels sont les produits distribués, commandés et diffusés - voilà des questions qui recoupent celle de la dominance dans un marché ».

Au paragraphe 87 de la politique sur la diversité des voix, le Conseil a conclu que, sous réserve d'autres questions de politique, il traitera sans délai toute transaction donnant à une seule personne le contrôle de moins de 35 % de l'ensemble de l'écoute de la télévision, y compris les auditoires tant des services en direct que des services facultatifs » (c'est moi qui souligne). Comme le note Corus, cette transaction a pour effet que JR Shaw contrôlera une part de 34,5 % sur l'ensemble de l'écoute de la télévision.

Analyse

Avant d'approfondir les enjeux politiques soulevés par les intervenants, j'estime important de souligner la diversité des interventions provenant du secteur de la production indépendante dans le cadre de la présente instance. Des interventions ont été déposées par :

J'ai été impressionné de constater qu'une instance abrégée avait suscité une telle grande gamme d'interventions à l'échelle nationale, provinciale et territoriale au sein du secteur. Pratiquement tous ces intervenants réclamaient à l'unisson la tenue d'une audience publique.

À ces interventions se sont ajoutés les mémoires soigneusement rédigés par divers syndicats et organisations corporatives, ainsi que des groupes et des organismes de politique parlant au nom de la programmation de créneau. 

Bien que toutes ces interventions n'aient pas réussi à convaincre mes collègues qu'une audience publique était justifiée, ils n'en ont pas moins démontré l'extrême vitalité du secteur de l'industrie de la radiodiffusion et je remercie ces intervenants de leurs efforts et de leurs mémoires très instructifs.

Domination du marché et propriété intellectuelle

La domination éventuelle du marché par Corus après approbation de la transaction, à l'égard de son incidence sur les droits mondiaux de propriété intellectuelle, a été un thème récurrent parmi les interventions. Plusieurs producteurs et cabinets d'avocats représentant des producteurs ont fait état de cette dynamique, en rapportant qu'ils se retrouvaient de plus en plus aux premières lignes d'une bataille difficile pour protéger et préserver les droits des producteurs indépendants sur la propriété intellectuelle et sur les revenus associés.

Documentaristes du Canada (DOC) a noté que [traduction] « les producteurs, tout comme les radiodiffuseurs et leurs actionnaires, exploitent une entreprise. Cela signifie qu'ils doivent demeurer propriétaires du droit d'auteur sur leur propre programmation pour pouvoir vendre leur produit sur le marché, au pays comme à l'étranger. Conserver ces droits constitue pour ces petites entreprises la base de leur viabilitéRetour à la référence de la note de bas de page 13 ».

La protection des droits n'est cependant pas un enjeu réservé aux petites entreprises : Entertainment One, l'un des plus grands producteurs au pays, partage la même préoccupation. Bien qu'Entertainment One se soit dite en faveur de la transaction, son appui repose sur [traduction] « la présomption que les créateurs et les producteurs indépendants canadiens, ainsi que les studios et les distributeurs indépendants, continueront d'avoir le contrôle, la propriété et une participation significatifs dans le contenu que leur commandera [Corus-Shaw]Retour à la référence de la note de bas de page 14 ».

Ce qui est à craindre, c'est qu'un Corus-Shaw fusionné ne se serve de sa taille et de son pouvoir pour imposer aux producteurs indépendants des modalités déraisonnables et inéquitables pour l'achat de licences et que la stratégie de succès envisagée par Corus ne fonctionne aux dépens du secteur de la production indépendante et de sa capacité à faire une importante contribution au système canadien de radiodiffusionRetour à la référence de la note de bas de page 15.

Selon la CMPA, [traduction] « il incombe au Conseil de répondre en détail aux préoccupations justifiées que soulève cette transaction à l'égard d'enjeux comme la diversité de la programmation, la concurrence, la concentration de la propriété et l'exercice indu du pouvoir sur le marchéRetour à la référence de la note de bas de page 16 ».

Au centre de tous ces arguments, selon ma propre lecture des interventions, on retrouve le souci de préserver l'indépendance du secteur canadien de la production. La CMPA fait valoir que, si Corus se fait donner le champ libre pour implanter sa stratégie de « détenir et contrôler », il convertira de plus en plus les émissions produites par des indépendants en « travail au service de Corus » et que ces émissions n'auront de « productions indépendantes » que le nom. Selon la CMPA, cette tactique [traduction] « va à l'encontre de l'objectif visé par le Conseil en exigeant que les radiodiffuseurs fassent affaire avec des producteurs indépendants en premier lieuRetour à la référence de la note de bas de page 17 ».

D'autres intervenants reprennent les mêmes préoccupations. DOC soutient qu'une approbation laisserait ses producteurs [traduction] « aux prises avec la crainte, sinon la certitude, que cette consolidation entraînera une situation où le radiodiffuseur exige tout - tous les droits, toute la propriété, toute la distribution. Bref, les producteurs indépendants deviendront des producteurs à louer ou des producteurs de convenanceRetour à la référence de la note de bas de page 18 ». Plus loin, DOC cite clairement l'enjeu de politique à débattre au cours d'une éventuelle audience publique [traduction] : « nous devons protéger nos producteurs contre ce genre de pratique qui sape leur capacité à garder leurs entreprisesRetour à la référence de la note de bas de page 19 ».

Le Centre pour la défense de l'intérêt public (CDIP) suggère que cette transaction réduira aussi la diversité de la programmation dans le système canadien de radiodiffusion, puisqu'il y aura moins d'entreprises gérées et exploitées séparément pour servir de « gardiens » dans l'industrie de la radiodiffusion privéeRetour à la référence de la note de bas de page 20. Cette dynamique est également évoquée par d'autres intervenants qui la perçoivent comme un effet possible de la stratégie de « une porte en moins à laquelle cogner » pour les producteurs à la recherche d'une commande à l'intérieur d'une industrie de radiodiffusion de plus en plus consolidée. Le Conseil a lui-même reconnu ce revers potentiel des fusions dans sa politique sur la diversité des voix.

M. Ian Cooper, de Cooper Media Law, a conclu que dans les faits, les producteurs en viendront à être [traduction] « traités comme des employés lorsqu'ils auront la chance d'avoir un projet en production, sinon comme des propriétaires d'entreprises indépendantes lorsqu'ils n'ont pas une telle chance ». Selon M. Cooper, un tel modèle serait insoutenable pour la vaste majorité des membres de l'industrie de la production indépendante (7 milliards de dollars) et s'accompagnerait d'un déclin à la fois de la qualité et de la quantité d'émissions télévisées produites par des Canadiens pour des auditoires canadiens.

À mon avis, l'effet potentiel d'une domination du marché sur la capacité des producteurs indépendants à véritablement conserver leur droit d'auteur a été fortement dénoncé par un large échantillon d'intervenants à la présente instance, ce qui justifiait pleinement qu'on en débatte plus en détail au cours d'une audience publique. Si cette transaction révélait une tendance croissante au détriment des producteurs indépendants canadiens, une audience publique aurait donné l'occasion au Conseil de mettre en place des mécanismes de protection qui auraient pu former la base d'une solution à l'échelle de l'industrie susceptible d'être discutée et possiblement implantée lors des renouvellements de licence en 2017 et 2018. En refusant d'approfondir dès maintenant cet enjeu de politique au moyen d'une audience publique, le Conseil est peut-être en train d'exacerber une menace qui pèse sur le secteur de la production indépendante au Canada.

Domination du marché et genres d'émissions

En ce qui a trait à l'incidence de la transaction sur la création d'émissions dans des genres spécifiques, les intervenants ont fait valoir que certains secteurs de genres seraient touchés de façon disproportionnée.

La CMPA affirme que [traduction] « tandis qu'une concurrence réduite chez les acheteurs de programmation aurait des répercussions négatives sur tous les producteurs indépendants, les producteurs de programmation sur les styles de vie et de programmation s'adressant aux femmes s'en ressentiraient encore plus que les autres puisqu'ils iraient rejoindre les producteurs de programmation pour enfants qui n'ont plus qu'une poignée d'acheteurs potentiels pour leurs produits ». Selon la CMPA, Corus serait alors en mesure d'exploiter sa dominance du marché en dictant à son propre avantage commercial les modalités pour l'achat d'émissions et finirait ainsi par centraliser la production, les droits et les revenus dans ses immeubles de Corus Quay à TorontoRetour à la référence de la note de bas de page 21.

L'Alliance Médias Jeunesse reprend ces préoccupations, notant que les revenus de Corus pour le premier trimestre confirment sa domination sur les services de programmation pour enfants de langue anglaise. Cet intervenant estime qu'en combinant son actif avec celui de Shaw Media, l'entité fusionnée contrôlerait aussi les plus importantes chaînes pour femmes et sur les styles de vie.

Cette question soulevée par les intervenants - à savoir qu'un radiodiffuseur dominant qui contrôle au départ une série de services de programmation dans un même genre d'émissions a tout le loisir de choisir quels producteurs indépendants recevront des droits de licence ou des subventions à la production et, donc, modifier le nombre de producteurs qui exploitent ce genre - est une question nuancée qui découle d'une série de décisions de politique prises par le Conseil dans le contexte de son examen du cadre de la télévision Parlons télé. Cette question ne se serait vraisemblablement pas posée avant l'élimination de la politique du Conseil relative à l'exclusivité des genres.

Selon moi, étant donné la nouveauté de cet enjeu politique, la forte probabilité de le voir surgir à nouveau et les répercussions de ce type spécifique de domination du marché sur l'avenir de l'indépendance du secteur de la production canadienne par rapport aux objectifs de politique de la Loi sur la radiodiffusion, il aurait été nécessaire d'avoir une discussion plus approfondie lors d'une audience publique.

Gains d'efficacité opérationnelle

Pour terminer, la question des gains d'efficacité, assez peu abordée par les intervenants, comporte pourtant de graves lacunes, à mon avis, dans la demande telle que déposée. Dans Les entreprises de radiodiffusion d'Astral - Modification du contrôle effectif, décision de radiodiffusion CRTC 2013-310, 27 juin 2013, le Conseil a réussi à arracher à BCE un engagement à conserver le même nombre d'émissions locales sur ses stations de télévision traditionnelle et celles qu'il achetait d'Astral pendant une période de quatre ans à partir de la date de la transaction. Si cette concession a été demandée, c'est que le Conseil était conscient des défis auxquels fait face l'industrie de la télévision traditionnelle au Canada.

Dans la présente transaction, Corus achète un réseau national de 15 stations de télévision traditionnelle - beaucoup plus que le nombre de stations qu'achetait BCE dans sa transaction avec Astral. De plus, l'environnement dans lequel opère la télévision en direct au Canada est encore bien plus précaire aujourd'hui qu'il ne l'était il y a trois ans, lors de la transaction Bell-Astral. Pourtant, Corus propose très peu en termes de protections pour la qualité et la quantité de programmation future de ces services.

Dans son intervention, le Forum for Research and Policy in Communications (FRPC) soulève des questions légitimes concernant les sources potentielles de « gains d'efficacité opérationnelle » recherchés par CorusRetour à la référence de la note de bas de page 22. Le FRPC note que Corus a déjà prévenu ses actionnaires qu'il doit réaliser « de 40 à 50 millions de dollars en synergies de coûts annuelles » au cours des prochaines années et qu'il espère les trouver dans des [traduction] « gains d'efficacité opérationnelle, la consolidation des équipements et des immeubles, les systèmes, les dépenses en programmation et d'autres économies ».

À mon avis, le maintien de la viabilité du réseau Global Television, compte tenu des récents problèmes dans l'industrie de la télévision en direct, aurait mérité d'être étudié plus en détail par le Conseil lors d'une audience publique. Dans Transmission en direct des signaux de télévision et programmation locale, politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-24, 29 janvier 2015, le Conseil a estimé que la transmission en direct des signaux de télévision continuait de jouer un rôle important dans le système canadien de la radiodiffusion, en ce moment, en particulier pour la programmation locale. Un engagement de la part de Corus à conserver cette programmation locale est un enjeu de politique important qui justifiait une audience publique.

Conclusion

Tel que susmentionné, dans la politique sur la diversité des voix, le Conseil a conclu que, sous réserve d'autres questions de politique, il traitera sans délai toute transaction donnant à une seule personne le contrôle de moins de 35 % de l'ensemble de l'écoute de la télévision, y compris les auditoires des services en direct et des services facultatifs.

À mon avis, les intervenants ont soulevé d'importantes questions de politique qui justifiaient la tenue d'une audience publique. En particulier, les préoccupations des intervenants liées à la domination du marché et aux gains d'efficacité opérationnelle étaient suffisamment pressantes pour justifier une audience publique au cours de laquelle elles pouvaient être étudiées plus en détail.

Les consolidations ont souvent lieu dans des industries stables et matures - comme celle du secteur canadien des communications - lorsque des entités sont à la recherche de plus d'« envergure ». Une telle démarche, toutefois, ne devrait pas se faire aux dépens des objectifs de politique publique ou d'un secteur vulnérable au sein de l'industrie dans son ensemble. À l'issue de cette transaction, trois sociétés contrôleront plus de 80 % des parts d'écoute sur le marché canadien de la télévision de langue anglaise au Canada. Il est difficile d'imaginer un marché plus consolidé.

À mon humble avis, en présence d'un tel niveau de consolidation, le Conseil aurait dû, à l'occasion d'une audience publique, examiner minutieusement si les éléments de la domination de marché risquent de désavantager, ou possiblement paralyser, certains segments de l'industrie et freiner une véritable concurrence dans les secteurs de la radiodiffusion et de la production canadiennes. Un tel examen aurait été parfaitement conforme aux objectifs de la Loi sur la radiodiffusion et au service de ces derniers.

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Voir paragraphe 2.

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Note de bas de page 2

Voir la note dans la section 4.2 h) Groupes de propriété du Rapport de surveillance des communications 2015.

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Note de bas de page 3

Bien que le contrôle effectif sera toujours exercé par JR Shaw, deux sociétés dont la structure est séparée et ayant des conseils d'administration et des équipes de programmations séparés ne feront qu'une seule société. Les intervenants font allusion à ce changement comme « une porte en moins à laquelle cogner ». C'est dans ce sens que je fais référence à la consolidation.

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Note de bas de page 4

http://www.cmpa.ca/about-cmpa/overview (en anglais seulement)

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Note de bas de page 5

http://ampia.org/about-ampia/about-ampia/ (en anglais seulement)

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Note de bas de page 6

http://www.filmontario.ca/ (en anglais seulement)

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Note de bas de page 7

mbfilmmusic.ca

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Note de bas de page 8

http://onscreenmanitoba.com/fr/what-we-do/about-us/

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Note de bas de page 9

http://www.nlfdc.ca/default.aspx (en anglais seulement)

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Note de bas de page 10

Dans cette intervention, l'association est nommée « Saskatchewan Motion Picture Industry Association ».

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Note de bas de page 11

http://www.smpia.sk.ca/about-us.htm (en anglais seulement)

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Note de bas de page 12

http://www.nunavutfilm.ca/about (en anglais seulement)

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Note de bas de page 13

Intervention de DOC, paragraphe 7

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Note de bas de page 14

Intervention d'Entertainment One, paragraphe 5

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Note de bas de page 15

Intervention de la CMPA, paragraphe E1

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Note de bas de page 16

Intervention de la CMPA, paragraphe E17

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Note de bas de page 17

Intervention de la CMPA, paragraphe E24

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Note de bas de page 18

Intervention de DOC, paragraphe 6

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Note de bas de page 19

Intervention de DOC, paragraphe 9

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Note de bas de page 20

Intervention du CDIP, paragraphe 23

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Note de bas de page 21

Intervention de la CMPA, paragraphe E23

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Note de bas de page 22

Intervention du FRPC, paragraphe 31

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