ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2007-423

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Décision de radiodiffusion CRTC 2007-423

  Ottawa, le 12 décembre 2007
 

Plaintes relatives à la diffusion, sur les ondes de Radio-Canada, des émissions Pourquoi pas dimanche et Samedi et rien d'autre

  Dans la présente décision, le Conseil examine les plaintes concernant la diffusion en diverses circonstances de propos présumés offensants par le réseau de langue française de la Société Radio-Canada (SRC) au cours des émissions Pourquoi pas dimanche et Samedi et rien d'autre. Après analyse des passages contestés, le Conseil juge que la SRC n'a pas enfreint la disposition du Règlement de 1986 sur la radio qui interdit la diffusion de propos offensants, mais qu'elle a omis de respecter, dans le cas de certains propos, une exigence de la Loi sur la radiodiffusion portant sur la qualité de la programmation.
 

Introduction

1.

Par lettres datées respectivement des 5 et 31 octobre 2006, le Conseil a reçu deux plaintes d'une même personne (le plaignant) concernant la diffusion au réseau français de la Société Radio-Canada (SRC) de deux émissions intitulées Pourquoi pas dimanche et Samedi et rien d'autre. Le plaignant demandait au Conseil de faire enquête sur divers propos présumés offensants de l'animateur M. Joël Le Bigot pendant la diffusion de huit épisodes des deux émissions de variétés et d'émissions débats précitées diffusées les fins de semaine, entre le 4 décembre 2005 et le 28 octobre 2006. Le plaignant allègue que les propos, qui font allusion aux juifs et aux musulmans, étaient extrêmement offensants pour lui-même et pour la communauté juive. Dans une autre lettre datée du 12 décembre 2006, le plaignant demande au Conseil, au moment d'étudier sa plainte, de se référer à l'article 3(1)(d)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) et à l'article 27 de la Charte des droits et libertés (la Charte).

2.

Le Conseil commencera par citer les articles du règlement qui s'appliquent à toute allégation de propos offensants ou mettant en cause la qualité de la programmation. Le Conseil énoncera ensuite son analyse et ses conclusions à l'égard de chacune des plaintes à l'étude.
 

Cadre réglementaire

 

Propos offensants

3.

L'article 3(b) du Règlement de 1986 sur la radio (le règlement) interdit au titulaire de diffuser des émissions qui renferment :
 

des propos offensants qui, pris dans leur contexte, risquent d'exposer une personne ou un groupe ou une classe de personnes à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge ou la déficience physique ou mentale;

4.

Comme le mentionne le Conseil dans plusieurs décisions,1 l'objectif du règlement interdisant les propos offensants est de prévenir les préjudices très réels que de tels propos peuvent causer et qui sapent les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion. Les commentaires qui risquent d'exposer un groupe à la haine ou au mépris entraînent des préjudices émotionnels qui peuvent occasionner de graves problèmes d'ordre psychologique et social aux membres du groupe visé. La dérision, l'hostilité et la violence encouragées par de tels propos peuvent avoir, pour les membres de ce groupe, un impact très négatif sur l'estime de soi, la dignité humaine et leur acceptation par la société. Ce préjudice mine l'égalité des droits des personnes visées, droits que la programmation du système canadien de radiodiffusion devrait, conformément à la politique canadienne de radiodiffusion, respecter et refléter. En plus d'éviter le préjudice aux personnes visées par de tels propos, la disposition du règlement interdisant les propos offensants vise à garantir à tous les Canadiens le reflet et le respect des attitudes et des valeurs canadiennes. La diffusion de propos incitant à la haine et au mépris mine également le tissu culturel et social du Canada que le système canadien de radiodiffusion doit sauvegarder, enrichir et renforcer.

5.

L'article 3b) du règlement reflète un juste équilibre entre la liberté d'expression, d'une part, et les valeurs d'égalité et de multiculturalisme enchâssées dans la Loi et dans la Charte, d'autre part. L'article 3b) protège largement la liberté d'expression tout en interdisant la diffusion de propos offensants susceptibles d'avoir des effets très néfastes sur les valeurs d'égalité et de multiculturalisme.

6.

Les commentaires entendus en ondes enfreignent l'article 3b) du règlement lorsqu'ils remplissent les trois critères ci-dessous :
 
  • ils sont offensants,
 
  • ces propos offensants, pris en contexte, risquent d'exposer une personne, un groupe ou une classe de personnes à la haine ou au mépris,
 
  • ces propos offensants se fondent sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge ou la déficience physique ou mentale d'une personne ou d'un groupe

7.

Le Conseil estime crucial de tenir compte du contexte de la diffusion du matériel examiné avant d'analyser des allégations de propos offensants. La plupart du temps, le contexte élargi dans lequel le contenu de programmation est décrit ou les propos sont exprimés a une influence clé sur la façon dont un auditeur raisonnable comprend le contenu d'une émission, surtout lorsque le matériel ou les commentaires peuvent être considérés comme controversés, inappropriés ou offensants en soi et pour soi.
 

Qualité de la programmation

8.

L'article 3(1)(g) de la Loi précise que la programmation diffusée par une entreprise de radiodiffusion doit être de haute qualité. Dans la décision de radiodiffusion 2006-293, le Conseil affirme que « le critère de haute qualité, comme dans le cas du règlement, doit être évalué dans le contexte de la diffusion et selon l'impact que les émissions peuvent avoir sur le téléspectateur raisonnable »; or il s'agit bien, en l'occurrence, de l'impact sur un auditeur raisonnable. Le Conseil ajoute que « l'intention sous-jacente au critère de haute qualité de la programmation n'est pas d'empêcher la controverse sur les sujets d'opinion publique. »
 

Analyse et décision du Conseil

9.

Le Conseil estime que les plaintes déposées concernent quatre sujets distincts : les écoles juives de Montréal; les méthodes d'abattage casher et halal; un joueur juif dans l'équipe de hockey des Remparts de Québec; et le port du voile par les musulmanes. Dans chaque instance, le Conseil commencera par citer l'information entourant les plaintes, puis la réponse de la SRC et, pour finir, rendra sa décision concernant les allégations de propos offensants. En terminant, le Conseil fera part de son jugement concernant les propos quant à la norme de qualité exigée par la Loi.
 

Propos offensants

 

Les écoles juives de Montréal

10.

Dans sa lettre du 5 octobre 2006, le plaignant allègue que les propos tenus par M. LeBigot concernant les écoles juives de Montréal constituent une infraction au règlement sur les propos offensants. Plus précisément, le plaignant allègue que :
 
  • le 4 décembre 2005, l'animateur de radio a insinué qu'on enseignait, dans les écoles juives, que la terre est plate;
 
  • le 9 septembre 2006, l'animateur a affirmé qu'on enseigne dans les écoles juives que le soleil tourne autour de la terre, a ridiculisé (avec son invité journaliste) l'incendie criminel perpétré la semaine précédente dans une école juive orthodoxe, et a déclaré que les parents juifs qui inscrivent leurs enfants au programme de la Yeshiva dans les écoles juives orthodoxes de Montréal faussent leur jugement et agissent illégalement;
 
  • le 17 septembre 2006, l'animateur a réitéré les mêmes propos, à savoir qu'on enseigne, dans les écoles juives, que la terre est plate et que le soleil tourne autour de la terre.

11.

Concernant les propos tenus le 4 décembre 2005, la SRC répond que l'animateur rapportait des faits reliés à de récents événements, et note qu'il y a eu des rapports démontrant que certaines écoles juives religieuses privées enseignent bel et bien que la terre est plate, parce que les textes sacrés le disent. Selon la SRC, les paroles de l'animateur, prises dans leur contexte, ne constituent pas des propos offensants.

12.

Le Conseil constate que l'animateur faisait allusion à des renseignements documentés, directement liés à l'actualité, sur l'enseignement dispensé dans certaines écoles juives religieuses privées. En outre, le Conseil remarque qu'il s'agit d'un commentaire très bref, au cours d'une émission pendant laquelle M. LeBigot et son invité discutaient de diverses questions abordées à la conférence de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. On pourrait débattre à savoir si, compte tenu de cette conversation, certains auditeurs peuvent avoir conclu que toutes les écoles juives enseignent que la terre est plate; en conséquence, certains auditeurs peuvent avoir perçu les propos de M. Le Bigot comme une généralisation excessive. Le Conseil ne voit pas en quoi les propos de l'animateur, pris dans leur contexte, auraient exposé la communauté juive à la haine ou au mépris. Dans les circonstances, le Conseil juge qu'il n'y a pas eu propos offensants au sens de l'article 3(b) du règlement.

13.

Concernant les propos du 9 septembre 2006, la SRC répète que l'animateur rapportait des données précises reliées aux actualités, et que les institutions auxquelles il faisait allusion dispensent un programme d'études religieuse très rigoureux qui enseigne aux enfants, notamment, que la terre est plate et se situe au centre de l'univers. La SRC ajoute que les propos sur l'incendie criminel de l'école juive orthodoxe n'avaient pas pour but de se moquer, mais reflétaient une opinion personnelle sur la façon dont certains lobbies juifs ont réagi à cet incident malheureux. Enfin, pour ce qui est des commentaires sur le programme de la Yeshiva qu'on enseigne dans certaines écoles juives orthodoxes de Montréal, le SRC explique qu'ils faisaient allusion au géocentrisme, un enseignement traditionnel religieux hassidique qui contredit les notions d'astronomie modernes, c'est-à-dire l'héliocentrisme qui fait partie du programme d'études du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport du Québec. La SRC rappelle que le sujet était abordé dans le contexte plus vaste et non moins digne d'attention du financement public des écoles privées, notamment les écoles privées à caractère confessionnel. La SRC maintient que les commentaires évoqués, pris dans leur contexte, ne constituent pas des propos offensants.

14.

Le Conseil constate qu'il s'agit ici de propos tenus dans le contexte d'une question importante dans l'actualité du moment, celle d'institutions hassidiques associées au réseau parallèle des yeshivas qui ne cadrent pas avec la Loi sur l'éducation, dispensent uniquement une instruction religieuse et ne se servent pas du programme d'études du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Le Conseil remarque que les commentaires de M. LeBigot ne visaient pas le programme de la Yeshiva en particulier, mais les écoles privées et religieuses en général. Le Conseil juge que les propos de son invité constituaient l'expression d'une opinion légitime sur une question d'intérêt public et, bien qu'ils puissent être perçus comme un reproche à la limite offensant par des parents ayant fait ce choix pour leurs enfants, cette opinion était livrée sans haine ou mépris conformément au règlement. Dans les circonstances, le Conseil juge que les propos de l'animateur et de ses invités n'étaient pas offensants au sens de l'article 3(b) du règlement et que, pris dans leur contexte, ils n'exposaient pas la communauté juive à la haine ou au mépris.

15.

Enfin, concernant les propos du 17 septembre 2006, la SRC répond que l'invité faisait allusion à des croyances auxquelles adhèrent certains groupes religieux, chrétiens ou autres, sans les nommer. Elle fait aussi remarquer qu'on peut ne pas être d'accord sur le sujet, mais qu'une personne n'enfreint pas la loi en exprimant son point de vue sur la question.

16.

Le Conseil constate qu'il s'agit d'un commentaire très bref, au cours d'une discussion portant sur une question d'intérêt public, soit les croyances et la position de divers groupes religieux par rapport à l'environnement. Le Conseil juge que les propos n'étaient pas offensants au sens de l'article 3(b) du règlement et que, pris dans leur contexte, ils n'ont exposé ni la communauté juive, ni quelque autre groupe, à la haine ou au mépris.
 

Méthodes d'abattage casher et halal

17.

Dans sa lettre en date du 5 octobre 2006, le plaignant allègue que, des commentaires diffusés le 7 janvier 2006 concernant des méthodes d'abattage animal casher et halal constituaient une infraction au règlement sur les propos offensants. Selon le plaignant, les propos insinuaient que les juifs et les musulmans, à cause de leurs superstitions, maltraitent les animaux avec leurs méthodes d'abattage, qu'ils n'ont pas évolué et qu'ils se comportent de façon illégale et non civilisée.

18.

La SRC répond à cela que M. LeBigot n'a pas condamné la méthode d'abattage qui consiste à trancher la gorge de l'animal, mais qu'il a soulevé la discussion à propos d'un acte qui lui semblait objectivement violent, et à propos de la souffrance, ou de l'absence de souffrance, chez l'animal quand on lui tranche la gorge. La SRC fait également valoir que la question posée par l'animateur était tout à fait légitime : a-t-on le droit de se soustraire à la loi pour des motifs religieux ?

19.

Selon le Conseil, l'émission ne contient aucune preuve qui suggère que les propos de l'animateur et son invité condamnaient ou ridiculisaient un groupe en particulier. Ni que les parties suggèrent que les juifs et les musulmans n'ont pas évolué ou qu'ils agissent de façon illégale. Le Conseil estime plutôt que l'animateur et son invité remettaient en question une pratique qui, comme l'a souligné l'invité de M. LeBigot, continue d'avoir cours, notamment pour l'abattage rituel prescrit par les religions juive et musulmane, afin de livrer une viande étiquetée casher ou halal. Dans les circonstances, le Conseil juge que la discussion qui s'est déroulée entre les deux interlocuteurs ne comportait pas de propos offensants au sens de l'article 3(b) du règlement et n'a pas exposé les communautés juive ou musulmane à la haine ou au mépris.
 

Joueur juif dans l'équipe de hockey des Remparts de Québec

20.

Dans sa lettre du 5 octobre 2006, le plaignant allègue que les propos concernant la présence d'un joueur juif dans l'équipe de hockey des Remparts de Québec constituent une infraction au règlement sur les propos offensants. Le plaignant allègue en particulier que :
 
  • le 9 septembre 2006, l'animateur à la radio s'est moqué de la présence d'un joueur de religion juive orthodoxe au sein de l'équipe de hockey des Remparts de Québec;
 
  • le 23 septembre 2006, l'animateur s'est moqué du fait que ce joueur de hockey n'avait pas joué la veille;
 
  • le 30 septembre 2006, l'animateur a déclaré que les équipes sportives ne devraient pas employer ou recruter des juifs orthodoxes qui ne joueront pas le jour du sabbat.

21.

Concernant les propos diffusés le 9 septembre 2006, la SRC répond que la décision du gérant de l'équipe d'autoriser un joueur à concilier ses convictions religieuses avec les exigences d'un sport de haut niveau a fait couler beaucoup d'encre et suscité suffisamment d'attention pour mériter qu'on l'aborde dans les médias. La SRC est d'avis qu'un bref échange en ondes sur le sujet ne constitue pas une infraction à l'article 3(b) du règlement.

22.

Le Conseil note que les propos ont été tenus au cours d'un bref échange entre l'animateur et son invité, au cours duquel l'animateur, en apprenant qu'aucun match de hockey n'avait été disputé le jour précédent, a demandé si l'absence de match était attribuée à un joueur qui ne jouait pas les vendredi soirs pour des motifs religieux. Le Conseil est en accord avec la SRC que la décision de l'équipe de hockey de permettre à un joueur de se conformer à ses convictions religieuses est un sujet de notoriété publique qui, à l'époque, a été suffisamment rapportée par les médias pour donner lieu à des discussions. Par ailleurs, le Conseil ne décèle rien dans l'émission qui donnerait à penser qu'on s'est moqué du joueur de hockey juif. Dans les circonstances, le Conseil juge que l'échange auquel le plaignant fait allusion ne renferme aucun propos offensant et que, pris en contexte, il n'expose pas la communauté juive à la haine ou au mépris.

23.

Concernant les propos du 23 septembre 2006, la SRC répond que discuter le fait qu'un joueur n'ait pas joué le soir du 22 septembre 2006 se justifie étant donné que l'équipe de hockey a essuyé une défaite ce soir-là ; elle ajoute que les échanges entre l'animateur et ses invités n'ont pas enfreint l'article 3(b) du règlement. Notant que l'animateur a utilisé le terme « votre hassidique » pour désigner le joueur de hockey, la SRC reconnaît que l'expression est regrettable et que le choix de mots n'était pas du meilleur goût.

24.

Le Conseil juge que les propos diffusés le 23 septembre 2006 ne sont pas offensants au sens de l'article 3(b) du règlement. Concernant l'expression « votre hassidique » utilisée par M. LeBigot, le Conseil remarque la brièveté du propos et que le ton utilisé n'était pas sérieux ou condescendant. Le Conseil est d'avis que ces propos, pris dans leur contexte, n'ont pas exposé la communauté juive à la haine ou au mépris.

25.

Enfin, concernant le commentaire du 30 septembre 2006 à l'effet qu'une équipe sportive ne devrait pas embaucher ou recruter un juif orthodoxe s'il ne peut pas jouer le jour du sabbat, la SRC explique que l'animateur venait d'apprendre que Radio-Canada diffuserait les parties de soccer surtout le vendredi soir, et espérait que l'équipe ne soit pas composée majoritairement de joueurs juifs, ce qui l'empêcherait de se produire. Dans ce cas en particulier, la SRC conclut qu'il n'y a pas infraction à l'article 3(b) du règlement, mais s'excuse néanmoins du malaise causé par la remarque de l'animateur.

26.

Le Conseil note que la remarque a été faite par M. LeBigot alors qu'il commentait les principales nouvelles sportives avec son invité, pour enchaîner aussitôt avec un autre invité sur la lecture des commentaires dans les journaux. Le Conseil constate la brièveté du propos et que le ton n'était pas sérieux ou condescendant. Dans les circonstances, le Conseil juge que les propos n'étaient pas offensants au sens de l'article 3(b) du règlement et que, pris dans leur contexte, ils n'exposaient pas la communauté juive à la haine ou au mépris.

27.

Dans sa lettre du 31 octobre 2006, le plaignant allègue que d'autres propos qui ont été tenus concernant ce même joueur de hockey constituent une infraction au règlement sur les propos offensants. Le plaignant allègue notamment que :
 
  • le 21 octobre 2006, l'animateur a fait référence à ce joueur de hockey en l'appelant « notre ami, le hassidique » et, en réponse à un commentaire de son invité à l'effet que le joueur avait établi un record en recevant deux pénalités, se demandait s'il avait établi un record en coupant son toupet devant tout le monde;
 
  • également le 21 octobre 2006, l'animateur a suggéré que les gens de la rue Hutchison à Montréal (où résident de nombreux juifs hassidiques) devraient être consultés au sujet des pénalités, au cas où celles-ci ne seraient pas casher, ou conformes à la Torah;
 
  • le 28 octobre 2006, l'animateur a demandé si la partie des Remparts de Québec avait bel et bien été « casher », c'est-à-dire si le joueur en question (qu'il appelle cette fois « Monsieur ») s'était abstenu de jouer la veille, jour du sabbat.

28.

Concernant les propos du 21 octobre 2006, la SRC concède que les propos de l'animateur, y compris de référer à lui comme « notre ami, le hassidique », sont de mauvais goût, peu polis et injustifiés. La SRC s'est excusée des propos et en a discuté avec l'animateur pour lui faire comprendre que, même si son intention n'était pas malicieuse, des remarques comme celles-là n'ont pas leur place à la radio.

29.

Dans l'esprit du Conseil, les propos - tenus par l'animateur pendant qu'il discutait des résultats sportifs avec son invité - étaient échangés au cours d'une conversation qu'on ne peut certes pas qualifier de sérieuse. Le Conseil estime qu'un auditeur raisonnable, en écoutant la conversation entre les deux interlocuteurs, aurait pu juger les remarques déplacées, mais ne les aurait pas, dans le contexte, jugées offensantes ou susceptibles d'inciter la haine ou le mépris.

30.

Concernant le commentaire du 28 octobre 2006, la SRC rappelle que le mot « casher » s'utilise familièrement, en français comme en anglais, pour signifier « conforme » ou « comme il faut ». L'animateur, en posant sa question, demandait donc si tout s'était passé conformément à l'entente entre les Remparts de Québec et le joueur en question. La SRC déplore qu'on aille chercher un sens caché dans des mots inoffensifs.

31.

Le Conseil constate que la brève discussion entre l'animateur et son invité s'est déroulée sur un ton badin, dans un contexte qui n'avait rien de sérieux. Dans ces circonstances, le Conseil juge qu'il ne s'agit pas de propos offensants dans le sens de l'article 3(b) du règlement et que, pris dans leur contexte, ils n'exposaient pas la communauté juive, ou tout autre groupe, à la haine ou au mépris.
 

Le port du voile par des musulmanes

32.

Dans sa lettre du 5 octobre 2006, le plaignant allègue que les propos concernant le port de la burqa2 contreviennent au règlement sur les propos offensants. Le plaignant allègue spécifiquement que le 23 septembre 2006, l'animateur radiophonique a suggéré qu'une musulmane pouvait se servir de la burqa pour dissimuler un engin explosif.

33.

La SRC répond que ce jour-là, la question faisait les manchettes aux actualités et que l'animateur n'est pas à blâmer pour avoir choisi de soulever la question. La SRC qualifie toutefois de regrettable le commentaire de l'animateur sur le danger que la burqa serve à camoufler une attaque suicide, et elle affirme l'avoir laissé savoir à l'animateur.

34.

Le Conseil a écouté un enregistrement de ce segment d'émission et constate que le propos prend place au cours de la revue quotidienne des journaux, à propos d'un article intitulé « Le voile dans tous ses états »3 qui mentionne que le voile a commencé à faire son apparition dans les écoles de la région montréalaise. En signalant le cas d'une enseignante à Ville St-Laurent qui s'est présentée voilée devant les enfants, l'animateur a demandé si la personne qui portait le voile était bel et bien une femme ou si ça aurait pu être quelqu'un qui cachait de la dynamite sous ses vêtements.

35.

Le Conseil souligne que le sujet soulevé par l'animateur occupait le devant de la scène dans tous les médias. Bien que la remarque ait été en elle-même injustifiée, ou insultante pour la communauté musulmane, le Conseil juge peu probable, pour les raisons qu'il expose ci-après, que les propos de l'animateur, pris dans leur contexte, aient exposé les musulmans à la haine ou au mépris dans le sens où l'entend l'article 3(b) du règlement.

36.

Dans la décision de radiodiffusion 2005-348, le Conseil qualifie le terme « gangs de nègres » d'offensant parce qu'il constitue une expression historiquement utilisée de manière discriminatoire, dénigrante et offensante envers les personnes de race noire. Pour rendre sa décision, le Conseil tient compte de ce qui suit :
 

[.] ce même contexte (la teneur professionnelle du reportage et l'emploi isolé du terme « gangs de nègres ») peut atténuer l'impact de l'expression sur l'auditoire. En d'autres mots, l'auditoire a pu percevoir comme un dérapage, un dérapage inapproprié il est vrai, mais une forme d'incident isolé le fait que l'animateur formule ce propos dans le cadre de son enquête. Dans ce contexte, il est probable que le mot « nègres » fut perçu comme très mal choisi, mais non comme méprisant ou haineux.

37.

Le Conseil juge que le même raisonnement s'applique aux commentaires de l'animateur dans le cas présent; en d'autres mots, il s'agit d'un commentaire isolé au cours d'une discussion par ailleurs en tous points convenable. Par conséquent, le Conseil juge que la remarque en question ne constitue pas un propos offensant au sens de l'article 3(b) du règlement et que, pris dans le contexte, elle n'a pas exposé les musulmans à la haine ou au mépris.
 

Qualité de la programmation

38.

Tout en jugeant que la SRC, en diffusant les propos susmentionnés de l'animateur radiophonique, n'a pas enfreint l'article 3(b) du règlement sur la diffusion de propos offensants, le Conseil n'en estime pas moins qu'en diffusant certains des propos de M. LeBigot, la SRC a négligé de se conformer au critère de haute qualité imposé par la Loi.

39.

Le Conseil est d'avis que la SRC, en diffusant les remarques répétées de l'animateur à propos du joueur de hockey juif, n'a pas respecté la norme de qualité que réclame la Loi. Bien que le sujet d'une équipe de hockey qui permet à un joueur de manquer les matches du vendredi soir à cause des ses convictions religieuses, comme le rappelle la SRC, ait été au centre des discussions dans les médias, et bien que les remarques faites les 23 septembre, 30 septembre et 21 octobre 2006 aient été voulues comme des plaisanteries, le Conseil juge qu'elles étaient oiseuses et insistantes, et que la façon dont l'animateur s'y est pris pour commenter le sujet, et notamment son choix de mots, étaient déplacés et malavisés. Le Conseil se demande pourquoi M. Le Bigot a senti le besoin de commenter cinq fois la question entre le 9 septembre 2006 et le 28 octobre 2006.

40.

Le Conseil est d'avis en outre que la SRC, en diffusant les propos sur le port du voile par les musulmanes, ne s'est pas conformée à la norme de qualité exigée par la Loi parce que les propos sous-entendent que les musulmanes, simplement par ce qu'elles adhèrent à des normes religieuses ou culturelles de porter le voile, sont susceptibles ou capables d'être des terroristes. Tout en jugeant que la diffusion, le 23 septembre 2006, d'un propos sur la question n'enfreignait pas l'article 3(b) du règlement, le Conseil estime que ce commentaire était oiseux, malavisé et insultant pour la communauté musulmane. Le Conseil souligne que la SRC elle-même a reconnu que ce propos était regrettable.
 

Conclusion

41.

À la lumière de ce qui précède, le Conseil juge que la Société Radio-Canada n'a pas enfreint l'article 3(b) du règlement sur la diffusion de propos offensants en diffusant les propos tenus par M. Joël Le Bigot au cours des émissions Pourquoi pas dimanche et Samedi et rien d'autre, au cours des huits émissions rapportées, entre le 4 décembre 2005 et le 28 octobre 2006. Cependant, le Conseil juge que la SRC, en diffusant les propos concernant le joueur de hockey juif de l'équipe des Remparts de Québec et concernant le port du voile par les musulmanes, ne s'est pas conformée à l'objectif de la Loi qui exige une programmation de haute qualité. Le Conseil estime que la SRC doit être plus vigilante en ce qui a trait à cet objectif de la Loi, compte tenu de cette décision et d'autres décisions récentes du Conseil concernant le défaut de la SRC à respecter celle‑ci.4 En conséquence, le Conseil a l'intention de revoir la question avec la SRC lors de son prochain renouvellement de licence.
  Secrétaire général
 

Documents connexes

 
  • Révision d'une décision antérieure prise par le personnel du Conseil relativement à la diffusion d'une chanson sur les ondes de CKUT-FM Montréal pendant l'émission Space Bop, décision de radiodiffusion CRTC 2007-135, 14 mai 2007
 
  • Plainte concernant la diffusion de l'émission Fric Show par le réseau français de la Société Radio-Canada avant l'heure critique, décision de radiodiffusion CRTC 2007-388, 23 octobre 2007
 
  • Plaintes relatives à la diffusion sur les ondes de Radio One du réseau anglais de la Société Radio-Canada, des épisodes Whiskeyjack Blues et Room Available, de la série A Literary Atlas of Canada, décision de radiodiffusion CRTC 2007-87, 16 mars 2007
 
  • Plaintes concernant la diffusion de Sex Traffic et de Old School par le réseau anglais de la Société Radio-Canada avant l'heure critique, décision de radiodiffusion CRTC 2006-668, 11 décembre 2006
 
 
  • Plaintes concernant la diffusion d'episodes de l'emission Les Francs-tireurs sur les ondes de Télé-Québec, décision de radiodiffusion CRTC 2006-293, 14 juillet 2006
  La présente décision doit être annexée à la licence. Elle est disponible sur demande en média substitut et peut également être consultée en version PDF ou en HTML sur le site Internet www.crtc.gc.ca

Note de la bas de la page :
1Tout récemment, dans la décision de radiodiffusion 2007‑135

2 Le Conseil note que le plaignant et la SRC dans sa réponse au plaignant ont utilisé l'expression « burqa » pour faire référence au vêtement en question. Cependant, l'animateur et son invité ont utilisé l'expression « voile » dans les épisodes visés.

3 Article signé par Michèle Ouimet et paru dans La Presse du 23 septembre 2006.

4 Voir les décisions de radiodiffusion 2007-388, 2007-87, 2006-668 et 2006-565.
 

Mise à jour : 2007-12-12
Date de modification :