ARCHIVÉ - Décision de radiodiffusion CRTC 2007-388

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Décision de radiodiffusion CRTC 2007-388

  Ottawa, le 23 octobre 2007
  Société Radio-Canada
L'ensemble du Canada
 

Plainte concernant la diffusion de l'émission Fric show par le réseau français de la Société Radio-Canada avant l'heure critique

  Dans la présente décision, le Conseil statue sur une plainte relative à la diffusion, à 19 h 30, par le réseau français de la Société Radio-Canada (SRC), d'une émission dont le contenu sexuellement explicite était destiné à un auditoire adulte. Le Conseil conclut qu'en diffusant l'émission Fric show du 26 avril 2007 avant 21 h, la SRC n'a pas respecté l'objectif de la politique canadienne de radiodiffusion énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion et selon lequel la programmation devrait être de haute qualité.
 

La plainte

1.

Le 26 avril 2007, le Conseil a été saisi d'une plainte au sujet de la diffusion par la Société Radio-Canada (SRC) de l'émission Fric show. Compte tenu du fait que la plainte est très succincte, le Conseil a choisi de la reproduire intégralement ci-bas :
 

Contenu pornographique lors de cette émission, alors que la plupart des enfants, même très jeunes, n'étaient pas couchés. Déjà que nous devons éteindre la télévision dès 20 h 00 pour éviter de tomber sur un film américain où tous s'entretuent. Un peu de respect pour les enfants serait apprécié. Merci!

 

L'émission

2.

L'émission Fric show est produite par la SRC et animée par Marc Labrèche. Cette émission n'est pas une émission d'affaires publiques ou journalistique. Il s'agit plutôt d'une émission « hybride » mêlant la fiction, l'information, des faits vérifiés ainsi que des sketches, le tout sur un ton humoristique, sarcastique, décapant et divertissant. Elle traite de la surconsommation dans diverses sphères de la vie en société (la gestion des déchets, le tourisme de masse, la mort, les bébés, les régimes amaigrissants, etc.). Dans cette émission, les personnages utilisent l'humour et l'ironie pour débattre des phénomènes sociaux dont il est question chaque semaine.

3.

L'émission du 26 avril 2007 portait sur l'industrie de la pornographie. Le « dossier » de l'émission est présenté en ces termes sur le site Internet de la SRC1 :  
 

L'industrie du porno : On dit que l'argent et le sexe mènent le monde. Une chose est sûre : le sexe rapporte. beaucoup! Dans la rue, sur pellicule, sur vidéo, sur le Web. le sexe est partout. Les icônes de la pornographie se retrouvent même un peu partout dans les médias. Et l'on assiste à une dérive des secteurs dits « traditionnels » vers celui de la pornographie. En direction d'une hypersexualité du monde?

4.

Durant sa première saison (automne 2006-hiver 2007), l'émission Fric show était diffusée les jeudis soirs de 19 h 30 à 20 h. Elle fut rediffusée du 12 juillet au 30 août 2007 le même jour, à la même heure.
 

La réponse de la SRC

5.

La SRC a répondu à la plaignante le 16 mai 2007. Dans sa réponse, la titulaire décrit le concept et l'objectif du Fric show en s'attardant sur l'édition du 26 avril.
 

Celle [l'émission] que vous citez traitait de la pornographie, une industrie qui a pris une importance considérable depuis les années 80, surtout sur Internet, et qui apparaît maintenant dans la publicité et les arts, devenant omniprésente. C'est ce phénomène de consommation à outrance qu'a voulu dénoncer l'édition du « Fric show » du 26 avril dernier, images, vidéos et mises en scènes à l'appui, caricaturant le propos et illustrant les entrevues de sexologues, sociologues, vedettes ou producteurs invités à se prononcer sur la question.

6.

La SRC reconnaît cependant que le contenu diffusé « pouvait ne pas convenir aux jeunes enfants ». Elle soumet que :
 

C'est pour cette raison qu'une image d'avertissement vidéo, lue en même temps par un annonceur en hors champ, a prévenu ainsi les téléspectateurs, dès le début de l'émission et au retour des deux blocs publicitaires : Avertissement - Cette émission traite de pornographie et contient des scènes de nudité. Nous préférons vous en avertir.

7.

La titulaire soutient également qu'elle a le plus grand respect de son auditoire de tout âge et qu'elle est consciente de la sensibilité des enfants.
 

Le cadre réglementaire

8.

La Loi sur la radiodiffusion (la Loi) énonce, à l'article 3(1) g), que « la programmation offerte par les entreprises de radiodiffusion devrait être de haute qualité ».

9.

Afin de définir en quoi consiste une programmation de haute qualité au sens de la Loi, le Conseil s'appuie, entre autres, sur les normes en vigueur dans la communauté des radiodiffuseurs.

10.

Le Conseil est d'avis que les codes de l'industrie, comme le Code de déontologie de l'Association canadienne des radiodiffuseurs (l'ACR) (le Code), constituent en général de bons points de référence pour déterminer les normes d'éthique courantes applicables en radiodiffusion, dont la norme de la haute qualité.

11.

Afin d'évaluer si la titulaire s'est conformée aux exigences prescrites à l'article 3(1)g) de la Loi, et plus particulièrement à l'objectif de haute qualité de la programmation, le Conseil a examiné le contenu de diffusion du Fric show à la lumière des articles 10 et 11 du Code.

12.

L'article 10 du Code précise que les émissions à l'intention des auditoires adultes ayant du contenu sexuellement explicite ou comportant du langage grossier ou injurieux ne doivent pas être diffusées avant le début de la plage des heures tardives de la soirée, soit la plage comprise entre 21 h et 6 h. Cette disposition reflète le principe de « l'heure critique ».

13.

L'article 11 du Code précise que les télédiffuseurs doivent présenter des mises en garde à l'auditoire pour aider les téléspectateurs à faire leurs choix d'émissions, lorsque la programmation renferme des sujets délicats ou, du contenu montrant des scènes de nudité, des scènes sexuellement explicites, du langage grossier ou injurieux ou, d'autres contenu susceptible d'offenser les téléspectateurs. Ces mises en garde sont requises lors de la diffusion d'émissions qui renferment ce genre de contenu tant pendant la période des heures tardives que lors de la diffusion hors de la plage des heures tardives d'émissions dont le contenu ne convient pas aux enfants.

14.

Le Conseil souligne que la SRC n'est pas assujettie à une condition de licence l'obligeant à se conformer au Code. Le Code est administré par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR) pour les télédiffuseurs privés membres du CCNR. À titre de télédiffuseur public, la SRC n'est pas membre du CCNR. Néanmoins, en vertu de son statut de radiodiffuseur public et des objectifs de la Loi, la SRC est tenue d'adhérer aux mêmes normes de radiodiffusion que l'ensemble de l'industrie. Les téléspectateurs canadiens sont en droit de s'attendre à ce que le radiodiffuseur public, au même titre que les radiodiffuseurs privés, respecte les normes de responsabilisation sociale en vigueur en vue de protéger les plus jeunes téléspectateurs.
 

Analyse et décision du Conseil

15.

Suite à l'écoute de l'émission, le Conseil atteste que les images de nudité y sont fréquentes tout au long de la demi-heure de diffusion : femmes nues de face et de dos, rapports sexuels explicites, couvertures de magazines pornographiques, images sur Internet de nudité, de sexualité explicite (ex. : fellation), tournage en direct d'un film pornographique (rapports sexuels explicites, scènes de masturbation clitoridienne, cunnilingus, etc.). Dans ces dernières images, bien que les parties vaginales ou rectales soient censurées au moyen d'une image de masque, la sexualité demeure explicite.

16.

L'émission Fric show du 26 avril 2007 contenait des scènes de nudité et des scènes sexuellement explicites. Le Conseil est donc d'avis que le contenu de l'émission s'adressait à un public adulte averti.

17.

Dans sa réponse à la plaignante, la SRC explique que c'est justement parce que le contenu de l'émission pouvait ne pas convenir aux jeunes enfants que des messages d'avertissement furent diffusés au début de l'émission et au retour des deux blocs publicitaires. Le Conseil confirme qu'une mise en garde fut effectivement diffusée à trois reprises.

18.

Or, la diffusion de mises en garde n'annule pas la responsabilité de diffuser un contenu de programmation destiné à un auditoire adulte après 21 h. Ces exigences sont cumulatives : les normes industrielles en vigueur exigent que les mises en garde accompagnent la diffusion après 21 h. Le Conseil s'est récemment prononcé à ce sujet dans Plaintes concernant la diffusion de Sex Traffic et de Old School par le réseau anglais de la Société Radio-Canada avant l'heure critique, décision de radiodiffusion CRTC 2006-668, 11 décembre 2006 :
 

Bien que les mises en garde faites par la SRC furent de précieux outils pour informer les téléspectateurs éventuels des risques liés au contenu de l'émission en question, le Conseil est d'avis que les mises en garde n'excusent pas le dommage que peut causer la diffusion, avant l'heure critique, d'un contenu clairement réservé à un public averti.

19.

Dans cette même décision, le Conseil expose que :
 

L'article 10 (Télédiffusion) du Code de déontologie de l'ACR précise que les émissions à l'intention des auditoires adultes ayant du contenu sexuellement explicite ou comportant du langage grossier ou injurieux ne doivent pas être diffusées avant le début de la plage des heures tardives de la soirée, plage comprise entre 21 h et 6 h. Cette disposition reflète le principe de « l'heure critique » qui a d'abord été établi dans le Code sur la violence de l'ACR pour s'assurer que les émissions renfermant des scènes de violence et réservées à un public averti ne seraient pas diffusées à des heures où de jeunes enfants risquent de se trouver devant l'écran. Même si la SRC n'est pas tenue, par condition de licence, de se conformer au Code de déontologie, le Conseil estime qu'aux fins de définir en quoi consiste une émission de haute qualité au sens de la Loi, la notion d'heure critique reflète une norme sociale applicable à l'éthique autant du radiodiffuseur public que des radiodiffuseurs privés.

20.

Selon le Conseil, cette analyse s'applique de façon similaire à l'évaluation de la plainte contre la SRC pour la diffusion du Fric show du 26 avril 2007.

21.

Le Conseil conclut donc qu'en diffusant l'émission Fric show du 26 avril 2007 avant l'heure critique, la SRC n'a pas atteint l'objectif de haute qualité de la politique canadienne de radiodiffusion énoncé à l'article 3(1) g) de la Loi.
 

Conclusion

22.

Le Conseil s'attend à ce que la SRC s'assure que l'inscription à l'horaire d'une émission comportant des scènes de sexualité explicite, ou traitant de sujets réservés à un public averti, se conforme à la norme de l'industrie selon laquelle ce type d'émissions doit être diffusé après 21 h. Le Conseil examinera, lors du renouvellement de la licence, la conformité de la SRC avec cette obligation.
  Secrétaire général
  La présente décision devra être annexée à la licence. Elle est disponible, sur demande, en média substitut, et peut également être consultée en version PDF ou en HTML sur le site Internet suivant : http://www.crtc.gc.ca
  Note de bas de page:

1 http://www.radio-canada.ca/television/fric_show

Mise à jour : 2007-10-23

Date de modification :