ARCHIVÉ - Décision de télécom CRTC 2004-20

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Décision de télécom CRTC 2004-20

  Ottawa, le 23 mars 2004
 

Contrats de service de fibre optique

  Référence : Avis de modification tarifaire 6734, 6740, 6740A, 6757, 6761, 6762 et 8622-C73-200314469
  Dans la présente décision, le Conseil expose les raisons qui sous-tendent les dispositions qu'il a incluses dans les ordonnances Contrats de service de fibre optique, Ordonnances de télécom CRTC 2003-482, 2003-483 et 2003-484, publiées le 28 novembre 2003, et il se prononce sur une demande présentée en vertu de la partie VII par Câble-Axion Digitel inc. c. Bell Canada. Les opinions minoritaires des conseillers Cram et Langford sont jointes à la présente.

1.

Le 14 mars 2003, le Conseil a reçu une demande présentée par Bell Canada en vue d'ajouter à son Tarif des montages spéciaux (TMS) l'article N2(a)(1), Contrats de service de fibre optique, visé par l'avis de modification tarifaire 6734. Bell Canada a déclaré avoir déposé sa demande conformément à la décision Mesures de protection à l'égard des affiliées des titulaires, groupements effectués par Bell Canada et questions connexes, Décision de télécom CRTC 2002-76, 12 décembre 2002 (la décision 2002-76).

2.

Les 1er avril 2003 et 14 avril 2003 ainsi que le 23 juillet 2003, le Conseil a reçu des demandes de Bell Canada proposant d'ajouter à son TMS les articles N2(a)(1)a.5, N4(a)(1)a. et N3(a)(1)a., Contrats de service de fibre optique, visés par les avis de modification tarifaire 6740, 6761 et 6762.

3.

Le 4 juillet 2003, le Conseil a reçu une demande de Bell Canada proposant d'ajouter à son TMS les articles N4(a)(1)a.1, N4(a)(1)a.2. et N4(a)(1)a.3, visés par l'avis de modification tarifaire 6757.

4.

Dans les demandes susmentionnées, Bell Canada a demandé au Conseil d'approuver divers arrangements personnalisés (AP) pour les solutions réseau de fibres optiques (ci-après appelés fibres optiques ou fibres inutilisées). Tous les AP sauf un avaient trait aux arrangements de réseau associés au programme « Villages branchés du Québec » (le Programme), initiative du gouvernement du Québec visant à soutenir la construction de réseaux à large bande pour les municipalités, les commissions scolaires et autres institutions publiques. L'autre arrangement avait trait à un arrangement de réseau de fibres optiques en Ontario.

5.

Des observations ont été reçues à l'égard d'un ou de plusieurs des avis de modification tarifaire susmentionnés de la part de 4089316 Canada Inc., exploitant sous le nom de Xit télécom (Xit), de Vidéotron Télécom ltée (Vidéotron) et d'Allstream Corp. (Allstream), anciennement AT&T Canada Corp. Des observations en réplique ont été reçues de Bell Canada.

6.

La Commission scolaire des Découvreurs, la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord, le Conseil régional de concertation et de développement du Bas-Saint-Laurent, la Commission scolaire de la Riveraine, la Commission scolaire des Hauts-Cantons et la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay (collectivement, les Commissions scolaires) ont également fait parvenir des observations.

7.

Le 16 avril 2003, le Conseil a adressé des demandes de renseignements à Bell Canada au sujet des avis de modification tarifaire 6734 et 6740. Bell Canada a déposé des réponses le 14 mai 2003.

8.

Le 9 septembre 2003, le Conseil a adressé à Bell Canada des demandes de renseignements supplémentaires concernant les avis de modification tarifaire susmentionnés et Bell Canada y a répondu le 30 septembre 2003.

9.

Le 24 septembre 2003, Câble-Axion Digitel inc. (Câble-Axion) a déposé une demande en vertu de la partie VII des Règles de procédure du CRTC en matière de télécommunications (les Règles) réclamant du Conseil qu'il rejette l'avis de modification tarifaire 6761. Dans sa demande, Câble-Axion a demandé un redressement additionnel, y compris que Bell Canada :(a) compense Câble-Axion pour les coûts engagés pour élaborer sa réponse à la demande de proposition (DDP) de même que la perte de revenus découlant de son incapacité de mettre en ouvre son plan d'entreprise dans ce territoire; et (b) soit assujettie à diverses conditions en vertu de l'article 24 de la Loi sur les télécommunications (la Loi), comme l'obligation de faire approuver le tarif avant de déposer des soumissions en réponse à des DDP.

10.

Dans sa réponse à la demande de Câble-Axion, Bell Canada a fait valoir que le redressement demandé devrait être rejeté, soutenant notamment que la demande est basée sur des allégations lacunaires ou non pertinentes. Dans sa réplique, Câble-Axion a réitéré ses arguments et le redressement réclamé.

11.

Le 24 octobre 2003, le cabinet d'avocats Langlois Kronstrom Desjardins a déposé au nom de la Fédération des commissions scolaires du Québec, de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, de la Société de gestion du réseau informatique des commissions scolaires, du Conseil régional de concertation et de développement du Bas-St-Laurent, de la Commission scolaire du Pays-des-Bleuets et de la Commission scolaire de la Riveraine (collectivement, la Fédération), une demande voulant qu'en vertu de l'article 62 de la Loi et de la partie VII des Règles, le Conseil révise et modifie la décision Xit Télécom c. TELUS Québec - Dimensionnement de réseaux privés de fibres optiques, Décision de télécom CRTC 2003-58, 22 août 2003 (la décision 2003-58) et la décision Xit Télécom c. Bell Canada - Dimensionnement de réseaux privés de fibres optiques, Décision de télécom CRTC 2003-59, 22 août 2003 (la décision 2003-59).

12.

Dans l'instance amorcée par la demande de révision et de modification de la Fédération, des observations ont été reçues de Xit, de TELUS Communications (Québec) Inc. (TELUS Québec), d'Allstream, de Bell Canada, ainsi que de diverses commissions scolaires et organisations municipales et régionales et d'autres organisations publiques.

13.

Dans l'ordonnance Contrats de service de fibre optique, Ordonnance de télécom CRTC 2003-482, 28 novembre 2003 (l'ordonnance 2003-482), le Conseil a approuvé provisoirement la demande de Bell Canada, datée du 14 mars 2003, visant à ajouter au TMS l'article N2(a)(1), Contrats de service de fibre optique. Dans l'ordonnance Contrats de service de fibre optique, Ordonnance de télécom CRTC 2003-484, 28 novembre 2003 (l'ordonnance 2003-484), le Conseil a également approuvé provisoirement la demande de Bell Canada, datée du 4 juillet 2003, visant à ajouter au TMS les articles N4(a)(1)a.1. et N4(a)(1)a.2.

14.

Dans l'ordonnance Contrats de service de fibre optique, Ordonnance de télécom CRTC 2003-483, 28 novembre 2003 (l'ordonnance 2003-483), le Conseil a rejeté les demandes de Bell Canada, datées du 1er avril 2003 et modifiées le 14 avril 2003 et le 23 juillet 2003 respectivement, visant à ajouter au TMS les articles N2(a)(1)a.5, N4(a)(1)a. et N3(a)(1)a. Dans l'ordonnance 2003-484, le Conseil a également rejeté la demande de Bell Canada visant à ajouter au TMS l'article N4(a)(1)a.3.

15.

Dans les ordonnances susmentionnées (les Ordonnances), le Conseil a indiqué qu'il publierait les raisons à une date ultérieure. Dans la présente décision, le Conseil énonce les raisons et il se prononce sur la demande susmentionnée de Câble-Axion.
 

Conclusions pertinentes du Conseil

16.

Dans la décision Examen du cadre de réglementation, Décision Télécom CRTC 94-19, 16 septembre 1994 (la décision 94-19), le Conseil a notamment fait remarquer qu'il existe deux catégories générales de tarifs propres aux abonnés :
 
  • les tarifs qui prévoient la fourniture, par un TMS, d'un service qui comprend des fonctions ou une technologie différentes de ce que prévoit le Tarif général;
 
  • les tarifs qui prévoient la fourniture d'un groupe de services adaptés aux besoins d'un abonné particulier et comprenant principalement des éléments offerts en vertu du Tarif général, quand l'objectif consiste à adapter le service, du point de vue de la structure ou des niveaux tarifaires (par exemple, la sensibilité ou l'insensibilité à la distance ou à l'utilisation, des frais uniques, etc.).

17.

Le Conseil a déclaré qu'un contrat pour le premier type (AP de type 1) continuerait d'être autorisé, sous réserve de certaines conditions, dont la fourniture d'une étude prouvant que le test d'imputation est satisfait et que dans sa demande tarifaire, la compagnie de téléphone prouve que la demande ne justifie pas que le service soit offert dans le cadre du Tarif général. Le Conseil a déclaré qu'il autoriserait le deuxième type de contrat (AP de type 2) sous réserve, notamment, (1) que la compagnie de téléphone prouve dans sa demande tarifaire que la demande n'est pas suffisante pour offrir des éléments personnalisés du service dans le cadre du Tarif général; et (2) qu'elle fournisse une étude prouvant que la valeur actuelle des revenus dans le cadre du contrat personnalisé égale ou excède la somme de : (a) la valeur actuelle des revenus dans le cadre des taux du Tarif général pour les composantes de services disponibles dans le Tarif général; et (b) la valeur actuelle des coûts causals pour les composantes non couvertes par les taux du Tarif général.

18.

Dans la décision Dépôts tarifaires relatifs à l'installation de fibres optiques, Décision Télécom CRTC 97-7, 23 avril 1997 (la décision 97-7), le Conseil a établi un cadre réglementaire applicable aux fibres optiques intracirconscriptions. Le Conseil a déclaré que les fibres optiques devraient généralement être fournies dans le cadre de Tarifs généraux. Toutefois, le Conseil a dit estimer également que des TMS pour les fibres optiques seraient indiqués lorsqu'il est nécessaire de réaliser des travaux de construction pour fournir des installations à un abonné en particulier et lorsque les installations pourraient avoir une faible valeur de réutilisation économique. Le Conseil a conclu que dans le cas où des TMS conviendraient, les taux des fibres optiques ne doivent pas être inférieurs aux taux du Tarif général pour la même distance d'installations. Le Conseil a ordonné aux compagnies de justifier dans leurs demandes relatives à des TMS pourquoi pareil tarif est nécessaire, de fournir les distances des installations ainsi que les détails des coûts extraordinaires. Le Conseil est également d'avis que, dans le cas des tarifs personnalisés qui incluent l'utilisation de fibres optiques, le coût devrait refléter les taux du Tarif général applicables à la fibre optique et que si aucun taux du Tarif général n'est disponible, ces taux devraient être déposés en même temps que le tarif personnalisé proposé.

19.

Dans la décision 2002-76, le Conseil a ordonné à Bell Canada de déposer des projets de tarif et de lui soumettre les renseignements concernant tous les arrangements de source unique et combinés comprenant des éléments de services tarifés de Bell Canada, qu'ils soient offerts directement par Bell Canada ou par l'entremise de Bell Nexxia Inc. (Bell Nexxia) ou d'une autre affiliée de Bell Canada sous contrôle commun de Bell Canada.

20.

Dans la décision TELUS Communications Inc. − Entente de gestion et d'utilisation des fibres, Décision de télécom CRTC 2003-4, 31 janvier 2003 (la décision 2003-4), le Conseil a approuvé provisoirement une entente de gestion et d'utilisation des fibres entre TELUS Communications Inc. (TELUS) et Axia SuperNet Ltd., qui avait trait à la fourniture de fibres inutilisées intercirconscriptions par TELUS, à titre d'arrangement de montage spécial, et ce conformément à l'article 25 de la Loi. Dans la décision Fibres inutilisées intercirconscriptions en Alberta, Décision de télécom CRTC 2003-22, 7 avril 2003 (la décision 2003-22), le Conseil a approuvé, de façon définitive, l'article tarifaire 447 du TMS de TELUS se rapportant à la fourniture de fibres inutilisées intercirconscriptions pour fins d'utilisation dans le projet Alberta SuperNet.

21.

Dans la décision 2003-58, le Conseil a ordonné à TELUS Québec de déposer des tarifs proposés à l'égard des fibres inutilisées intracirconscriptions et intercirconscriptions et d'appliquer les modalités et les conditions du Tarif général dans ses TMS personnalisés pour les projets de fibres inutilisées.

22.

Dans la décision 2003-59, le Conseil a ordonné à Bell Canada de déposer un projet de Tarif général à l'égard des fibres inutilisées intercirconscriptions et d'appliquer les modalités et les conditions du tarif pour la fourniture d'installations de fibres inutilisées en place, dans les TMS personnalisés pour les projets de fibres inutilisées. Le Conseil a également ordonné que dans le cas où les installations ne sont pas disponibles et qu'il faut entreprendre des travaux de construction pour fournir le service à un client particulier, les tarifs applicables aux fibres inutilisées ne devraient pas être inférieurs aux taux du Tarif général.

23.

Dans la décision Examen des arrangements personnalisés de Bell Canada déposés conformément à la Décision de télécom 2002-76, Décision de télécom CRTC 2003-63, 23 septembre 2003 (la décision 2003-63), le Conseil a ordonné à Bell Canada de verser au dossier public des modifications à certains tarifs proposés mentionnés dans sa décision, dont les avis de modification tarifaire 6734 et 6740, conformément aux directives particulières énoncées dans la décision 2003-63.
 

Positions des parties

24.

Bell Canada a notamment déclaré qu'elle n'était pas disposée à offrir les types d'arrangement de service visés par les avis de modification tarifaire susmentionnés aux termes d'un tarif général parce qu'une fois le Programme terminé, la compagnie s'attendait à ne plus recevoir de demande importante pour des fibres inutilisées. La compagnie a ajouté qu'il s'agissait de projets ponctuels, qu'ils ciblaient un segment particulier du marché pour une période limitée et qu'ils comprenaient généralement une nouvelle construction, et que chaque réseau avait été mis en place projet par projet.

25.

En ce qui concerne les études de coûts utilisées à l'appui des avis de modification tarifaire susmentionnés, Bell Canada a fait valoir qu'il ne conviendrait pas d'appliquer l'article 960 du Tarif général de la compagnie se rapportant à la fourniture de fibres inutilisées intracirconscriptions parce que les réseaux en question sont fournis aux clients dans le cadre d'une vente inconditionnelle, l'entretien continu étant fourni par la compagnie pendant une période contractuelle fixe. La compagnie a fait valoir que les coûts des ventes inconditionnelles associés à ces installations ont été imputés intégralement au moment de l'installation et qu'aucun revenu continu n'était associé aux coûts en capital de ces installations, parce que le client avait acheté l'installation immédiatement et qu'il en détenait le titre de propriété.

26.

Bell Canada a ajouté que l'établissement du coût appliqué à ces projets était basé sur les coûts causals associés à la configuration particulière de chaque client. À titre de comparaison, Bell Canada a déclaré que l'article 960 de son Tarif général prévoit la location, distincte de la vente, d'un service de fibre optique pour une période contractuelle fixe, et qui inclut des paiements de location mensuels et des frais de service.

27.

Bell Canada a déclaré que l'AP à l'égard d'installations situées en Ontario visait principalement la location et la revente d'installations fournies par un autre fournisseur d'installations de fibre. Bell Canada a déclaré que le client avait acquis un droit d'usage indéfectible et offrait un paiement forfaitaire unique pour le droit d'utiliser l'installation au cours de sa vie utile. Bell Canada a soutenu que l'application des taux du Tarif général ne serait pas indiquée, étant donné que ces taux sont établis pour les clients qui doivent utiliser les fibres inutilisées pour une période pouvant aller jusqu'à cinq ans. Bell Canada a soutenu qu'à titre de comparaison, le client dans l'AP proposé applicable à l'Ontario versait un paiement forfaitaire unique pour le droit d'utiliser l'installation au cours de sa vie utile, et qu'elle avait donc convenu d'assumer la majorité du risque dans cet investissement.

28.

Les Commissions scolaires ont fait valoir que parce que le Programme avait un budget prédéterminé et qu'il s'agissait d'un projet unique, d'une durée limitée, le Conseil devrait s'empresser d'approuver les avis de modification tarifaire susmentionnés afin : (a) de permettre aux entreprises de services locaux titulaires (ESLT) de continuer de participer au processus d'appel d'offres et, par conséquent, de veiller à ce que les bénéficiaires du Programme profitent pleinement d'un processus d'appel d'offres entièrement concurrentiel; et (b) d'éviter des retards dans le déploiement des services à large bande dans la région.

29.

En ce qui concerne les avis de modification tarifaire 6734 et 6740, Xit, Vidéotron et Allstream (les concurrentes) ont demandé au Conseil de rejeter les avis de modification tarifaire ou encore d'en retarder l'approbation jusqu'à ce qu'il ait réglé d'autres questions soulevées par les concurrents. Entre autres choses, Vidéotron et Allstream ont fait valoir qu'il devrait être ordonné à Bell Canada de déposer de nouveau les avis de modification tarifaire accompagnés de descriptions distinctes et détaillées des tarifs, modalités et conditions de chaque service fournis dans chaque AP. Allstream a également fait valoir que Bell Canada n'avait pas justifié le traitement confidentiel des tarifs, modalités et conditions des AP visés par les avis de modification tarifaire 6734 et 6740. Allstream a fait valoir qu'en ce qui concerne les avis de modification tarifaire portant sur des AP semblables, Bell Canada avait fourni une description complète des tarifs, modalités et conditions, y compris les engagements de facturation annuels minimums, les tarifs mensuels et les frais de service non récurrents. À titre de comparaison avec les avis de modification tarifaire 6734 et 6740, Xit a fait valoir que Bell Canada avait fourni des renseignements plus détaillés dans les pages de tarif proposées associées aux avis de modification tarifaire 6761 et 6762, et que cela prouvait que Bell Canada avait convenu que les pages de tarif proposées associées aux avis de modification tarifaire 6734, 6740 et 6757 comportaient des lacunes.

30.

Xit ne s'accorde pas avec Bell Canada pour dire que la demande relative à la fourniture des installations visées par les avis de modification tarifaire susmentionnés était limitée et elle a fait valoir que Bell Canada devrait être tenue d'élaborer un tarif général applicable à la fourniture d'installations de fibres optiques prévue par les avis de modification tarifaire susmentionnés. Xit a ajouté que les tarifs proposés par Bell Canada n'étaient pas conformes aux exigences réglementaires du Conseil en matière d'arrangements de ce genre. Xit a fait valoir qu'il faudrait obliger Bell Canada à offrir chaque AP dans le cadre de Tarifs généraux, c'est-à-dire en fonction d'un nouveau tarif général pour le service de fibres inutilisées intercirconscriptions et en révisant son Tarif général existant applicable aux fibres inutilisées intracirconscriptions en incluant une option de vente inconditionnelle ou une option pour un terme de 20 ans.

31.

Xit a demandé au Conseil de suspendre l'approbation des AP relatifs aux fibres inutilisées jusqu'à ce que l'équité concurrentielle soit établie, et que si le Conseil déterminait qu'il était logique que Bell Canada fournisse le service dans le cadre d'un TMS, que chaque arrangement proposé soit traité comme un AP de type 2, et que les taux du Tarif général applicables aux fibres inutilisées intercirconscriptions et intracirconscriptions soient imputés comme coûts dans le test d'imputation.

32.

Dans sa demande, Câble-Axion a réclamé du Conseil qu'il rejette l'avis de modification tarifaire 6761 parce qu'aux termes de l'application d'un AP de type 2, les taux du Tarif général applicables aux fibres inutilisées devraient être imputés dans le test d'imputation.

33.

En réplique aux observations des intervenantes, Bell Canada a notamment fait valoir que les avis de modification tarifaire 6734 et 6740 satisfont aux exigences réglementaires applicables et elle a demandé au Conseil de s'empresser de les approuver. Bell Canada a fait valoir que l'inclusion de plus d'un AP sur la même page de tarif ne change rien au fait que chaque sous-article tarifaire est spécifique à un arrangement avec un client. Bell Canada a ajouté que les tarifs, modalités et conditions avaient été spécifiés pour chaque arrangement et qu'un sous-article tarifaire distinct avait été appliqué à chaque AP. Bell Canada a également déclaré que le Conseil est saisi de la question générique du niveau approprié de détail pour les AP déposés conformément à la décision 2002-76 et que pour régler la question des avis de modification tarifaire susmentionnés, le Conseil peut devoir examiner les conclusions génériques qu'il a tirées en ce qui concerne les détails qu'il faudrait inclure dans les pages tarifaires applicables aux AP en général.

34.

En réponse à la demande de Xit voulant que le Conseil retarde sa décision concernant les avis de modification tarifaire 6734 et 6740 jusqu'à ce qu'il se prononce dans d'autres instances relatives aux arrangements de fibres inutilisées intercirconscriptions, Bell Canada a fait remarquer qu'un seul de ses arrangements personnalisés visés par les avis de modification tarifaire 6734 et 6740 visait des installations intercirconscriptions. Bell Canada a fait valoir que le lien entre ces autres instances, comprenant les détails tarifaires appropriés associés à des arrangements de fibres inutilisées intercirconscriptions, et les AP de la compagnie, qui comprenaient principalement des installations intracirconscriptions, était ténu. À son avis, il n'était pas raisonnable de lier le règlement de cette instance à celui de ces autres instances.

35.

Dans sa demande de révision et de modification, la Fédération, appuyée par les interventions déposées par les Commissions scolaires, les municipalités régionales, Bell Canada et TELUS Québec, a notamment demandé au Conseil : (a) de considérer les AP associés au Programme comme des AP de type 1 tels que définis dans la décision 94-19; et (b) de s'empresser d'approuver les avis de modification tarifaire susmentionnés. La Fédération a fait valoir qu'il existait un doute réel quant à la rectitude des décisions 2003-58 et 2003-59, en raison des erreurs de droit et de fait concernant ce que la Fédération avait déclaré être l'obligation faite par le Conseil de traiter les AP de fibres inutilisées déposés par Bell Canada, la Société en commandite Télébec (Télébec) et TELUS Québec comme des AP de type 2.

36.

La Fédération a fait valoir que les AP visés par les avis de modification tarifaire susmentionnés sont tout à fait conformes aux définitions que le Conseil a données d'un AP de type 1, étant donné qu'ils sont uniques et qu'ils sont spécifiquement adaptés aux exigences particulières du client en question. La Fédération a ajouté que le fait qu'il devait s'agir d'un paiement forfaitaire unique pour le réseau de chaque client était un autre élément qui rendait les arrangements associés au Programme différents de ceux visés par le Tarif général. À l'appui de sa position, la Fédération s'est basée notamment sur les dispositions incluses par le Conseil dans les décisions 2003-4 et 2003-22, soulignant que dans la décision 2003-22, le Conseil devait considérer la fourniture de fibres inutilisées dans le cadre du projet Alberta SuperNet comme un AP de type 1.

37.

De plus, la Fédération a fait valoir que l'application des principes énoncés dans la décision 2003-59 serait incompatible avec les objectifs énoncés à l'article 7 de la Loi, étant donné notamment qu'elle empêcherait les titulaires de répondre à l'appel d'offres se rapportant au Programme. De l'avis de la Fédération, si l'on retirait les titulaires du processus d'appel d'offres, il y aurait très peu ou pas de soumissionnaires. La Fédération a soutenu qu'un processus d'appel d'offres sensiblement moins concurrentiel saperait les objectifs du Programme, en particulier dans les régions éloignées ou rurales.

38.

La Fédération a déclaré que certains des arrangements avaient été négociés entre les Commissions scolaires et Bell Nexxia et que la construction des réseaux était maintenant terminée et qu'ils étaient opérationnels.

39.

Allstream et Xit ont déposé des observations défavorables à la demande de révision et de modification présentée par la Fédération. Xit a fait valoir notamment qu'il est facile de distinguer les circonstances dans cette instance de celles dont il est question dans l'instance qui a mené à la décision 2003-22. Xit a déclaré que d'après l'argument de la Fédération, tous les arrangements personnalisés seraient traités comme des AP de type 1. Contrairement à ce que la Fédération affirme, rejeter les avis de modification tarifaire susmentionnés, selon Xit, rendrait tout autre processus d'appel d'offres plus concurrentiel puisqu'il attirerait davantage de soumissionnaires.
 

Analyse et conclusion du Conseil

 

Demandes de la Fédération et de Câble-Axion

40.

Le Conseil fait remarquer que dans sa demande, la Fédération réclamait que le Conseil révise et modifie les décisions 2003-58 et 2003-59 et qu'il s'empresse d'approuver les avis de modification tarifaire concernant les arrangements du Programme déposés par Bell Canada, TELUS Québec, Télébec et par d'autres compagnies de téléphone titulaires visées par le Programme. Tel que noté précédemment, la décision 2003-58 se rapportait à la fourniture par TELUS Québec de réseaux privés de fibres optiques, tandis que la décision 2003-59 portait sur les règles relatives au dimensionnement de réseaux de fibres inutilisées par Bell Canada. Comme les dispositions du Conseil dans les ordonnances 2003-482, 2003-483 et 2003-484 se limitaient aux avis de modification tarifaire de Bell Canada, le Conseil a fait remarquer que le redressement réclamé par la Fédération à l'égard de la disposition des avis de modification tarifaire déposés par les compagnies autres que Bell Canada relativement au Programme sera examiné et traité séparément.

41.

Le Conseil estime en outre qu'à la lumière du redressement particulier réclamé par la Fédération dans sa demande concernant la disposition des avis de modification tarifaire susmentionnés, les arguments de la Fédération portant sur les avis de modification tarifaire susmentionnés sont à juste titre des observations des intervenantes et ont été traitées comme telles dans l'instance qui a mené aux Ordonnances.

42.

Pour ce qui est de la demande de Câble-Axion, le Conseil fait remarquer que l'avis de modification tarifaire 6761 a été rejeté dans l'ordonnance 2003-483. Dans la présente décision, le Conseil rejette le redressement additionnel réclamé par Câble-Axion. À cet égard, le Conseil souligne qu'il n'est pas habilité à accorder des dommages-intérêts. De plus, le Conseil n'est pas convaincu qu'il convient d'imposer les conditions réclamées, en vertu de l'article 24 de la Loi, relativement à l'offre d'un service par Bell Canada en réponse à des DDP.
 

Les arrangements proposés − AP de type 1

43.

Le Conseil fait remarquer que lorsqu'elle a déposé les avis de modification tarifaire susmentionnés, Bell Canada n'a pas qualifié les arrangements proposés d'AP de type 1. Toutefois, le Conseil fait remarquer que dans cette instance, Bell Canada a fait valoir que le test d'imputation pour les arrangements proposés devrait reposer sur l'application des coûts causals associés à la configuration de chaque client, de façon distincte des taux du Tarif général, parce que les arrangements ont trait à un programme ponctuel, qu'ils sont uniques, qu'ils visent à répondre aux besoins particuliers des localités pertinentes et qu'ils comprennent la vente inconditionnelle d'installations imputées intégralement.

44.

Le Conseil prend note des arguments avancés ultérieurement par Bell Canada et la Fédération dans le cadre de la demande de révision et de modification de la Fédération et selon laquelle les arrangements proposés devraient être traités comme des AP de type 1 parce qu'ils sont uniques et qu'ils sont conçus pour répondre aux besoins particuliers des localités pertinentes. Même si ces caractéristiques peuvent entrer en ligne de compte dans le classement d'un arrangement proposé comme un AP de type 1, le Conseil estime qu'elles ne constituent pas des facteurs déterminants.

45.

Dans la décision 94-19, un AP de type 1 est décrit comme un AP qui prévoit, dans le cadre d'un TMS, un service comprenant des fonctions ou une technologie qui diffère de ceux couverts par le Tarif général. Le Conseil estime que la façon dont le coût d'un service particulier est recouvré, que ce soit par voie de tarifs mensuels non contractuels, de contrat de location ou de vente inconditionnelle, ne constitue pas une « fonction » de service différente de celles qui caractérisent les services fournis aux termes d'un Tarif général. De plus, le Conseil estime que si l'interprétation de Bell Canada est adoptée, il deviendrait inutile de faire la distinction entre un AP de type 1 et d'autres arrangements personnalisés.

46.

Le Conseil estime que les arrangements TMS proposés comprennent, soit exclusivement soit principalement, la fourniture de fibres inutilisées intracirconscriptions, et que ce service inclut la fourniture de services d'entretien connexes et l'utilisation de structures de soutènement. Le Conseil estime que le service de fibres inutilisées intracirconscriptions proposé par Bell Canada dans ces TMS comprend les mêmes fonctions et la même technologie que le service décrit à l'article 960, Fibre optique, du Tarif général de Bell Canada sur les frais de distance intracirconscriptions, qui inclut également la fourniture de fibres inutilisées, l'entretien connexe de même que l'utilisation de structures de soutènement.

47.

Le Conseil fait remarquer que la Fédération et Bell Canada se sont fondées sur la conclusion du Conseil dans la décision 2003-22 pour affirmer qu'il faudrait traiter les arrangements proposés comme des AP de type 1. Dans la décision 2003-22, le Conseil a conclu entre autres choses que la fourniture de fibres inutilisées par TELUS relativement au projet Alberta SuperNet était un AP de type 1.

48.

Le Conseil est d'avis que l'AP considéré dans la décision 2003-22 différait sensiblement des AP proposés par Bell Canada dans les instances qui ont mené aux Ordonnances. Contrairement aux AP que Bell Canada propose, l'AP examiné dans l'instance qui a mené à la décision 2003-22 consistait exclusivement en des fibres inutilisées intercirconscriptions à l'égard desquelles aucun Tarif général n'était en place. À titre de comparaison, dans cette instance, la fourniture intracirconscription d'un service de fibres inutilisées fait l'objet d'un tarif en vigueur.

49.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut qu'il n'y aurait pas lieu de traiter les AP proposés par Bell Canada comme des AP de type 1.
 

Critères de tarification appropriés

50.

Tel que noté précédemment, les AP proposés par Bell Canada consistent principalement ou exclusivement en des fibres inutilisées intracirconscriptions. Le cadre de réglementation à l'égard de la fourniture des fibres inutilisées intracirconscriptions a été établi dans la décision 97-7.

51.

Dans la décision 97-7, le Conseil a ordonné que, lorsque des TMS pour des fibres optiques intracirconscriptions sont indiqués, les tarifs applicables aux fibres inutilisées ne devraient pas être inférieurs au taux du Tarif général pour la même distance d'installations. Le Conseil ajoute que dans la décision 97-7, il a établi que si aucun taux du Tarif général n'était disponible, ces taux doivent être déposés en même temps que les tarifs proposés pour le tarif personnalisé.

52.

Le Conseil fait en outre remarquer que d'après la lettre du personnel du Conseil datée du 9 septembre 2003, Bell Canada s'est notamment vu donner l'option de déposer les taux du Tarif général qu'elle proposait pour les fibres inutilisées intracirconscriptions et intercirconscriptions dans le cas des arrangements de plus de cinq ans. La compagnie a répondu qu'elle étudierait la possibilité de demander l'approbation de ces tarifs. Le Conseil fait remarquer, cependant, que Bell Canada a décidé de ne pas déposer ces tarifs à l'égard des arrangements de plus de cinq ans.

53.

Le Conseil fait remarquer que les comparaisons tarifaires que Bell Canada a soumises à titre confidentiel en réponse à la lettre du personnel du Conseil du 9 septembre 2003 prouvent que pour chaque AP, le taux mensuel en vigueur par mètre était inférieur à la moyenne pondérée du taux du Tarif général correspondant de l'article 960, Service de fibre optique intracirconscription, et du projet d'article 3780, Service de fibre optique intercirconscription, du Tarif général. De plus, le Conseil fait remarquer que si les coûts causals étaient imputés à la composante intercirconscription, comme la Fédération et Bell Canada l'ont proposé, le taux mensuel en vigueur par mètre dans le cas de chaque AP serait encore inférieur à la moyenne pondérée correspondante du taux du Tarif général pour la composante intracirconscription et les coûts causals pour la composante intercirconscription.

54.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que les AP proposés ne remplissent pas les critères de tarification énoncés dans la décision 97-7.

55.

Le Conseil fait remarquer qu'une application rigoureuse des conclusions ci-dessus aurait entraîné le rejet de chacun des avis de modification tarifaire susmentionnés proposés par Bell Canada. Toutefois, le Conseil estime que certains arrangements relèvent de circonstances exceptionnelles, de sorte que ce traitement général serait inapproprié.

56.

Le Conseil fait remarquer que l'avis de modification tarifaire 6734 se rapporte aux AP à l'égard desquels les négociations contractuelles et presque toute la fourniture du service étaient terminées avant le 12 décembre 2002, date de publication de la décision 2002-76 conformément à laquelle Bell Canada avait soumis à son approbation les arrangements en question. Le Conseil prend note également de la déclaration de la Fédération selon laquelle certains des arrangements ont été négociés entre les Commissions scolaires et Bell Nexxia et que la construction de certains réseaux visés par l'avis de modification tarifaire 6734 était maintenant terminée et que les réseaux étaient opérationnels. Le Conseil estime que le rejet des AP visés par l'avis de modification tarifaire 6734 perturberait sensiblement le service en place, disloquerait les configurations complexes de l'équipement et des installations, ce qui non seulement coûterait cher, mais désavantagerait les Commissions scolaires et les municipalités dans les régions pertinentes. Dans les circonstances, le Conseil estime qu'il ne conviendrait pas d'appliquer les conclusions énoncées dans la présente décision aux arrangements proposés dans le cadre de l'avis de modification tarifaire 6734.

57.

De plus, le Conseil fait remarquer que pour deux des trois AP contenus dans l'avis de modification tarifaire 6757, Bell Canada était la seule soumissionnaire qualifiée. Dans ces cas particuliers, le Conseil estime que l'application des conclusions énoncées ci-dessus risquerait probablement de laisser les localités pertinentes sans service de réseaux de fibres inutilisées. À son avis, pareille conséquence ne servirait pas l'intérêt public. Par conséquent, le Conseil conclut qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les conclusions énoncées dans cette décision aux deux AP visés par les articles N4(a)(1)a.1. et N4(a)(1)a.2 proposés du TMS.

58.

Le Conseil souligne le caractère exceptionnel du traitement qu'il a accordé aux TMS approuvés provisoirement dans les Ordonnances.
 

Contenu des pages de tarif

59.

Le Conseil fait remarquer que, dans la décision 2003-63, il a notamment ordonné à Bell Canada, au paragraphe 66, de verser au dossier public des modifications à certains tarifs proposés mentionnés dans cette décision, qui incluent les avis de modification tarifaire 6734 et 6740, conformément aux directives spécifiques énoncées au paragraphe 66. Ces modifications auraient permis de rendre plus significatives les pages de tarif proposées par la compagnie. Le Conseil fait en outre remarquer que le 21 novembre 2003, la Cour d'appel fédérale a rendu une décision sursoyant à la mise en ouvre de la directive donnée par le Conseil dans la décision 2003-63 jusqu'à ce que la décision concernant la demande de Bell Canada en autorisation d'interjeter appel soit rendue, et que si l'appel est autorisé, elle examinera le bien-fondé de l'appel. Le 18 décembre 2003, la Cour d'appel fédérale a autorisé l'appel interjeté de la décision 2003-63. De plus, le Conseil fait remarquer que Bell Canada lui a demandé de réviser et de modifier la directive qu'il a donnée au paragraphe 66 de la décision 2003-63 ainsi que de surseoir à la mise en ouvre de cette directive jusqu'à ce qu'il ait statué sur le bien-fondé de la demande de révision et de modification de la compagnie.

60.

À la lumière du sursis accordé par la Cour d'appel fédérale, le Conseil fait remarquer que Bell Canada n'est pas tenue pour le moment de se conformer à la directive donnée par le Conseil au paragraphe 66 de la décision 2003-63.

61.

Les opinions minoritaires des conseillers Cram et Langford sont jointes à la présente.
  Secrétaire général
  Ce document est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consulté sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca 

 

Opinion minoritaire de la conseillère Barbara Cram

  En vertu de la Loi sur les télécommunications (la Loi), le Conseil a pour mandat de favoriser la concurrence dans le domaine des télécommunications au Canada tout en garantissant aux Canadiens un accès à des services téléphoniques abordables et universels. Pour qu'il y ait concurrence, les prix des services téléphoniques doivent se rapprocher le plus possible des coûts, dans la mesure où un juste équilibre est atteint pour que les compagnies puissent offrir des services téléphoniques abordables et universels dans les zones de desserte à coût élevé.
  Je suis d'accord avec la majorité pour dire que ces demandes tarifaires ne visent pas un arrangement personnalisé (AP) de type 1 (paragraphe 49), que les tarifs demandés sont inférieurs à ceux du Tarif général et qu'ils ne sont pas conformes aux critères de tarification établis dans la décision Télécom CRTC 97-7 (paragraphes 53 et 54). Dans les faits, il s'agit véritablement de demandes visant à faire approuver des prix à la fois inférieurs au montant qui, selon une affirmation antérieure de Bell Canada, reflétait les coûts de la fibre inutilisée, et inférieurs au tarif que Bell exige des concurrents pour qu'ils aient accès à la fibre inutilisée. Cela signifie en outre que Bell a déposé des critères d'établissement de coûts qui ne sont pas conformes à une décision en application depuis sept ans.
  Je désapprouve que le Conseil accorde une exception, et ce, par principe, mais aussi à cause des circonstances.
  Avec l'avènement de la concurrence, le Conseil s'est battu pendant 12 ans pour éliminer l'interfinancement entre les différents groupes de contribuables. Cela s'est traduit par une augmentation des tarifs, en particulier pour les utilisateurs du service de résidence, et une réduction des coûts pour les compagnies de téléphone. Pour certains, le processus a été difficile. Toutefois, l'objectif ultime de favoriser la concurrence, et la réduction des prix qui en a découlé, justifiaient les moyens qui ont été pris. Revenir à un interfinancement déguisé et laisser tomber la tarification basée sur les coûts, ce que sous-tend cette décision, est rétrograde et déplorable.
  Même en ce qui concerne les tarifs téléphoniques des services publics, le Conseil a toujours insisté pour qu'ils ne soient pas inférieurs aux coûts. Aux termes de la décision Télécom CRTC 96-9, il est interdit que des taux préférentiels inférieurs aux taux du Tarif général ou aux coûts soient accordés aux établissements d'enseignement et de santé (y compris les bibliothèques, les hôpitaux et les écoles). Tel qu'il est déclaré dans la décision :
 

. le Conseil continue d'affirmer qu'il ne conviendrait pas d'exiger des abonnés qu'ils paient davantage pour d'autres services afin de financer les taux préférentiels des secteurs en question. Il estime donc qu'une réduction uniforme obligatoire par rapport aux taux du tarif général ne conviendrait pas.

  Plus récemment, le Conseil a refusé que TELUS Québec offre des tarifs réduits aux universités et aux hôpitaux.
  Mes collègues dont l'opinion est majoritaire invoquent trois raisons pour justifier cette exception. En premier lieu, ils affirment que les négociations contractuelles ont eu lieu avant la date de publication de la décision de télécom CRTC 2002-76 (la décision 2002-76) et que les services en cause ont « presque » tous été fournis également avant cette date. Il est difficile de croire qu'une affiliée d'une titulaire, dont les activités ont lieu entièrement dans le territoire de la titulaire, ne pensait pas qu'elle devait se conformer aux règles tarifaires, en particulier lorsque les pratiques de cette affiliée ont fait l'objet d'un examen détaillé dans le cadre de l'instance relative au plafonnement des prix. Cet examen a été mené en septembre 2001, soit 14 mois avant la publication de la décision 2002-76.
  En deuxième lieu, mes collègues déclarent que ces cas sont rares puisqu'il portent sur une situation passée. Autrement dit, il est préférable de demander pardon que de demander la permission. Je ne peux tout simplement pas accepter une telle attitude.
  Mes collègues craignent qu'un refus ne provoque une importante interruption de services, dont des écoles et des municipalités seraient les victimes. Comme les projets semblent être terminés depuis longtemps, il faut en déduire que l'infrastructure est déjà en place. Selon moi, il est impensable que quelqu'un dépense de l'argent pour retirer cette infrastructure. Le problème en est donc un d'argent, à savoir qui devrait payer et pour quoi. Si l'on se fie à l'affirmation faite par Bell et contenue dans le paragraphe 25 de la décision majoritaire, il faut également en déduire que l'infrastructure a été vendue purement et simplement, que le titre de propriété de l'installation a été acquis et que si tel n'était pas le cas, des contrats reconnaissent pourtant ce titre. Si l'on en croit les affirmations des différents groupes et commissions scolaires, il semblerait aussi que la proposition et le contrat concernant précisément l'avis de modification tarifaire en cause ne mentionnaient aucune condition préalable à l'approbation des tarifs par le Conseil, si les documents sont semblables à ceux d'autres propositions et contrats (voir Le Quotidien, 11 mars 2004, « Contrats avec les commissions scolaires »). Autrement, dans ces conditions, il semblerait que les victimes seraient les actionnaires de Bell Canada.
  En troisième lieu, mes collègues dont l'opinion est majoritaire déclarent que Bell Canada était la seule compagnie soumissionnaire qualifiée pour deux de ces AP et qu'un refus signifierait vraisemblablement que les collectivités concernées ne pourraient profiter des avantages liés à l'accès aux services d'un réseau de fibres inutilisées. Il faut d'abord souligner que cet avis de modification tarifaire a été parmi les derniers à être déposés, le 4 juillet 2003. Il est clair que Bell Nexxia avait, dans l'ensemble, proposé moins que tous les autres soumissionnaires dans les contrats précédents. Pourquoi alors un concurrent voudrait-il soumissionner? Fait plus important encore, s'il y avait une bonne raison à cela, ce serait comme inviter toutes les titulaires du pays à faire exactement ce que Bell Canada a fait.
  Le mandat du Conseil est de s'assurer que la concurrence existe et que les Canadiens ont accès à des services téléphoniques universels et abordables. Je salue et j'approuve le programme de connectivité mais, lorsqu'il entre en conflit avec le mandat qui nous est conféré par la Loi, j'estime que nous devons nous en tenir à notre mandat.
  Les contribuables, tant au niveau provincial que fédéral, ont déboursé des sommes importantes qui ont été allouées à la promotion de la connectivité. En prenant cette décision, mes collègues ont accepté qu'un autre groupe paie aussi, soit les citoyens ontariens et québécois abonnés à un service téléphonique. Dire que n'importe qui, à part les abonnés, doit payer la différence entre le taux établi dans le Tarif général (c'est-à-dire le coût) et le prix, revient à dire que ce sont les actionnaires de Bell Canada qui paieront ou subventionneront les installations de fibres inutilisées. Je ne crois pas que les actionnaires aient l'intention de payer.
  Compte tenu des contraintes associées au plafonnement des prix, la situation pourrait bien entraîner des hausses des tarifs d'affaires dans les tranches de tarification supérieures, où la concurrence est improbable (par hasard, ce sont les mêmes zones que celles qui sont dotées de la fibre inutilisée, sauf pour quelques zones semblables qui ne le seront pas), ainsi que des augmentations tarifaires dans le cas des services optionnels d'affaires et possiblement des services visés par une abstention. Cela pourrait bien aller à l'encontre de notre mandat, qui est d'assurer des services abordables, et compromettre l'accès universel. La situation ne serait pas mauvaise en soi si, au bout du compte, la décision favorisait la concurrence.
  Mais cette décision, au contraire, nuira à la concurrence. Si le Conseil accepte de faire une « exception » dans les circonstances, quel concurrent voudra faire une soumission lorsque la titulaire peut faire une offre inférieure aux taux de son propre Tarif général, donc inférieure à ses coûts, tout en ayant l'assentiment d'un organisme de réglementation?
  Si j'étais encline à revenir à un système d'interfinancement déguisé, j'approuverais les demandes des titulaires pour des réductions de tarifs destinées aux bénéficiaires de l'aide sociale dans les provinces où les gouvernements ne paient pas pour le service téléphonique de ces citoyens. Au moins, en aidant les contribuables, les abonnés paieraient pour la promotion de services téléphoniques abordables et universels, ce qui est un des objectifs du mandat du Conseil, tels que définis dans la Loi.
  En prenant cette décision, mes collègues dont l'opinion est majoritaire ont fait un recul important et sont entrés dans le monde trouble de l'interfinancement déguisé, où le milieu de la réglementation est soumis aux jugements de valeur et non aux prix basés sur les coûts. En créant une exception, pour des raisons qui ne sont pas exceptionnelles et qui posent peut-être même des risques, ils ont créé le chaos là où la certitude sur le plan de la réglementation devrait régner.
  Je refuserais ces demandes.

 

Opinion minoritaire du conseiller Stuart Langford

  Je désapprouve les énoncés contenus dans les paragraphes 55, 56, 57 et 58 de la décision majoritaire et, par conséquent, j'aurais refusé tous les arrangements personnalisés (AP) de Bell Canada dont il est ici question. Les accepter, c'est faire peu de cas des décisions que le Conseil a prises depuis dix ans pour éliminer le type de comportement non concurrentiel auquel la majorité donne aujourd'hui son assentiment.
 

En dépit de tout

  Pendant dix ans, et en dépit de difficultés extrêmement tenaces, le Conseil, mandaté à ce titre par le Parlement, s'est battu pour transformer une industrie des télécommunications monopolistique fortement réglementée en une industrie dans laquelle les intérêts des consommateurs seraient protégés par un marché dont les forces pourraient se déployer librement dans un milieu vraiment concurrentiel. Cette lutte a porté ses fruits - les tarifs interurbains ont chuté et ne sont plus contrôlés par le Conseil, mais, dans l'ensemble, les résultats sont décourageants. Bien que des progrès aient été réalisés dans le marché de l'interurbain, les « anciens » monopoles dominent toujours les marchés des services filaires locaux du secteur d'affaires (91,9 % du total des revenus) et du secteur de résidence (98,9 % des revenus)1.
  Au fil des ans, c'est avec frustration que les éventuels fournisseurs de services se sont vus empêchés d'obtenir un accès immédiat à l'infrastructure nécessaire pour exploiter une compagnie de téléphone à prix abordables (centraux, conduites pour immeubles à logements multiples, lignes locales). C'est avec le même sentiment qu'ils soupçonnaient les anciens monopoles de ne pas se conformer aux règles établies en matière de tarification lorsqu'ils soumissionnaient pour des contrats importants. Dans le but de résoudre ces problèmes liés à l'accès et aux prix, les entreprises de services locaux concurrentes (ESLC) ont déposé de nombreuses demandes au cours des dernières années. Les ESLC allèguent que les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) n'ont pas respecté les directives précises du Conseil. Dans le cas de bon nombre des demandes, le Conseil a établi que les ESLT avaient enfreint les règles conçues pour favoriser la concurrence.
 

La route de l'enfer

  Le dossier sous-jacent à la décision majoritaire d'aujourd'hui et à mon opinion minoritaire est instructif. Malgré une série de décisions claires prises depuis 1994 (décision Télécom CRTC 94-19), Bell Canada a continué de maintenir dans cette instance qu'elle s'était conformée aux règles régissant la tarification des AP. Mais le dossier prouve le contraire : les soumissions retenues pour la fourniture de services à différentes commissions scolaires et municipalités en Ontario et au Québec révèlent clairement des situations de non-conformité.
  Bell Canada a enfreint les règles. Pour ses concurrents, elle a établi des tarifs de fourniture de services plus élevés que les prix qu'elle avait proposés lorsqu'elle a soumissionné pour vendre les mêmes services à d'éventuels clients. Les chiffres réels ne peuvent être divulgués car ils sont confidentiels mais qu'il suffise de dire qu'il y avait deux listes de prix, une pour les concurrents de Bell Canada et une autre pour ses clients de détail. Devant ce désavantage injuste, la concurrence n'a jamais eu la moindre chance.
  Malgré cela, la majorité a décidé de permettre à Bell Canada de tirer profit de son refus d'observer les règles clairement établies par le Conseil. Hors contexte, nous pouvons peut-être comprendre les intentions du Conseil - refuser les arrangements spécifiques pourrait mener à une « importante interruption du service courant ». Toutefois, dans le contexte des efforts que le Conseil déploie depuis une dizaine d'années pour faire observer les règles relatives à la tarification, les bonnes intentions semblent mal remplacer les limites claires et la certitude sur le plan de la réglementation. Comme le dit la maxime : « La route de l'enfer est pavée de bonnes intentions. »
  S'il est vraiment dans le meilleur intérêt des utilisateurs canadiens de services de télécommunication que le milieu soit concurrentiel, il s'agit alors d'un jour sombre pour les consommateurs. Quelques commissions scolaires et municipalités ont profité à court terme de services à prix réduits. À long terme, l'avenir du marché concurrentiel a pris un dur coup et les ESLT ont compris qu'il était payant de ne pas se conformer aux règles.

Note:

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1 CRTC, Rapport à la gouverneure en conseil, novembre 2003.

Mise à jour : 2004-03-23

Date de modification :