ARCHIVÉ - Décision CRTC 2001-757

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Décision CRTC 2001-757

Ottawa, le 14 décembre 2001
World Television Network/Le Réseau Télémonde inc. (RTM)
L'ensemble du Canada 2000-2155-1
Audience publique du 19 juin 2001
Région de la Capitale nationale

Attribution d'une licence à RTM pour un nouveau service spécialisé national de télévision de catégorie 2 avec distribution numérique; refus de la demande de garantie d'accès à la distribution analogique par câble

Le Conseil accorde à RTM une licence de service spécialisé national de catégorie 2 avec distribution numérique. Tel que proposé par la requérante, ce service, qui s'adressera au grand public canadien, proposera une variété d'émissions venant du Canada et d'autres pays du monde et comprenant des émissions de nouvelles étrangères, d'affaires publiques et de divertissement ainsi que des films actuellement non offerts aux Canadiens par les services en place. Selon RTM, le but de cette programmation est de promouvoir la compréhension, l'entente et l'intégration en proposant des fenêtres directes sur le peuple canadien et sur le monde. Les émissions non canadiennes, collectivement décrites par RTM comme « programmation mondiale », seront diffusées dans leur langue d'origine. Le service sera acheminé sur trois signaux distincts offrant la même programmation. Le premier, qui sera reçu partout au Canada, bénéficiera de sous-titres français; les deux autres - l'un pour l'est du Canada, l'autre en version décalée pour l'ouest du Canada - bénéficieront de sous-titres anglais.
La requérante a proposé une formule lui garantissant virtuellement une distribution en mode analogique à un volet de forte pénétration de tous les systèmes de distribution, sauf des plus petits. L'hypothèse de base de la demande de RTM est que ce service contribuera de façon exceptionnelle à la réalisation des objectifs multiculturels décrits à l'article3(1)d)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion.
Le Conseil n'est pas majoritairement convaincu de l'importance exceptionnelle de cette proposition pour justifier le mode de distribution demandé dans le cas présent. En conséquence, il refuse la demande de distribution de la requérante. Toutefois, reconnaissant que le service proposé compléterait les services grand public en place ainsi que les services multilingues et dans une troisième langue, le Conseil accorde à RTM une licence de service de catégorie 2 devant être distribué à titre facultatif, uniquement en mode numérique; les conditions de distribution seront négociées entre la titulaire et les distributeurs.

Approche du Conseil en matière de diversité culturelle au Canada

1.

L'article 3(1)d)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion exprime les objectifs du Parlement en matière de multiculturalisme pour le système canadien de radiodiffusion. En vertu de cet article, le système devrait:

.par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d'emploi, répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l'égalité sur le plan des droits, la dualité linguistique et le caractère multiculturel et multiracial de la société canadienne ainsi que la place particulière qu'y occupent les peuples autochtones.

2.

Le Conseil a pris de nombreuses mesures pour atteindre les objectifs multiculturels de la Loi, y compris celles visant la diffusion d'émissions à caractère ethnique, autochtone et grand public qui reflètent la diversité culturelle du Canada.

3.

En 1999, à l'issue de consultations pancanadiennes, il a finalisé l'exercice de révision de sa Politique relative à la radiodiffusion à caractère ethnique (avis public CRTC 1999-117).

4.

À l'heure actuelle, les stations de télévision ethniques de Montréal et de Toronto et les 14 stations de radio ethniques à travers le Canada offrent ce type de programmation. Par ailleurs, les groupes ethniques sont desservis par le système d'exploitation multiplex de communications secondaires (EMCS) de plusieurs stations FM et par la programmation de nombreuses stations de radio communautaires et de campus. De plus, le Conseil a accordé des licences à cinq services ethniques spécialisés analogiques et à 42 services ethniques spécialisés numériques de catégorie 2. Les services de radio et de télévision traditionnels proposent également des émissions multiculturelles. Le 15 octobre 2001, le Conseil a étudié deux demandes visant l'exploitation de nouvelles stations de télévision ethniques à Vancouver; des décisions à ce sujet seront publiées l'an prochain.

5.

Le Réseau de télévision des peuples autochtones, entreprise de programmation du satellite au câble d'intérêt général, propose une grande variété d'émissions autochtones qui s'ajoutent à la programmation de plusieurs stations exploitées en vertu de la Politique relative à la radiodiffusion autochtone du Conseil, surtout dans les communautés du nord du Canada. Les services des stations de radio de Toronto, d'Ottawa, de Calgary et de Vancouver qui seront exploitées en tant que composantes du réseau Aboriginal Voices Radio Network viendront bientôt compléter cette programmation.

6.

Un peu plus tôt cette année, le Conseil a lancé un appel de demandes de nouveaux services radiophoniques en direct pouvant refléter les diverses langues et cultures de la population du Grand Toronto. Il a également enclenché un processus portant sur un projet de cadre stratégique pour les services sonores spécialisés pouvant éventuellement rejoindre les auditoires mal desservis de la région de Toronto et d'autres régions du Canada.

7.

Les services canadiens de radiodiffusion énumérés ci-dessus favorisent grandement la poursuite des objectifs de l'article 3(1)d)(iii) de la Loi, mais d'autres mesures peuvent être prises. Le Conseil considère que la responsabilité de refléter le caractère multiculturel de la société canadienne revient également, en définitive, à tous les radiodiffuseurs. Tel que stipulé dans la Politique télévisuelle au Canada (avis public CRTC 1999-97):

Le Conseil désire que, lors de l'obtention ou du renouvellement de leurs licences, les télédiffuseurs traditionnels s'engagent à contribuer, par des projets précis, à un système qui reflète plus fidèlement la présence des minorités culturelles et raciales et des autochtones, dans les collectivités qu'ils desservent. Les titulaires devront s'assurer que la représentation en ondes des groupes minoritaires est fidèle, juste et non stéréotypée.

8.

Par conséquent, CTV, TVA et CanWest Global, en réponse aux décisions résultant des audiences de renouvellement groupé des stations de télévision menées plus tôt cette année, ont soumis des plans d'entreprises précisant leurs engagements pour s'assurer que leur programmation reflète plus fidèlement la diversité culturelle du Canada. Dans ses récentes décisions de renouvellement de licence de divers services spécialisés, le Conseil a demandé aux titulaires de lui soumettre des plans analogues. Enfin, il a chargé l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) de créer un groupe de travail pour commanditer la recherche, définir les « pratiques exemplaires », aider à définir les questions et présenter des solutions pratiques pour s'assurer que le système canadien de radiodiffusion reflète la place de tous les Canadiens. L'ACR devrait soumettre son plan d'action en janvier 2002.

Politique de distribution analogique du Conseil

9.

Dans l'avis public CRTC 1996-120 du 4 septembre 1996, le Conseil a fait part de décisions approuvant plus de 20 demandes de licence d'exploitation de nouveaux services spécialisés. Huit de ces services (quatre de langue française et quatre de langue anglaise) ont été autorisés selon des modalités leur donnant droit à une distribution analogique au moment de leur lancement, sous réserve de la capacité de transmission disponible. Le Conseil a néanmoins décidé que les autres services autorisés ne bénéficieraient pas d'un droit d'accès aux entreprises de distribution avant que le distributeur ait mis en place une technologie numérique ou le 1er septembre 1999, selon la plus rapprochée des deux éventualités.

10.

Dans l'avis public CRTC 1997-33 du 27 mars 1997, le Conseil a annoncé son calendrier d'examen des autres demandes de nouveaux services spécialisés et de télévision payante, soulignant notamment ce qui suit:

.De plus, les demandes proposant de nouveaux services de langues anglaise et française qui reposent sur la distribution au service de base ou à un volet facultatif de forte pénétration doivent justifier une telle distribution sur la base d'ententes avec des distributeurs ou d'une preuve établissant l'importance exceptionnelle du service proposé aux fins d'atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.

11.

Par la suite, le Conseil a annoncé dans l'avis public CRTC 2000-6 du 13 janvier 2000, et à la suite d'un examen public complet, son cadre d'attribution de licence à de nouveaux services spécialisés et de télévision payante. Il a insisté sur les limites de la capacité de transmission analogique disponible, sur les nombreux avantages de la distribution numérique par rapport à la distribution analogique, et sur l'importance de hâter la mise en place de la nouvelle technologie, ajoutant:

Pour inciter les téléspectateurs canadiens à passer à la distribution numérique, et vu les limitations de la capacité analogique, le Conseil autorisera dorénavant la distribution d'un éventail de nouveaux services de télévision spécialisée et payante en mode numérique seulement (soulignement ajouté).

12.

Depuis septembre 1996 et pendant les cinq années suivantes, le Conseil n'a autorisé qu'un seul service spécialisé analogique de langue anglaise. Dans la décision CRTC 2000-217 du 4 juillet 2000, le Conseil a attribué une licence à Food Network Canada (FNC) pour créer un service canadien en remplacement du service américain TV Food Network, sous réserve que seuls les câblodistributeurs ayant distribué le service américain à un canal analogique en clair soient tenus de distribuer le nouveau service canadien au même volet analogique en clair. Cela n'a pas affecté la capacité de transmission et à assuré l'introduction sans interruption d'un nouveau service canadien au système.

13.

Pendant cette même période de cinq ans, le Conseil a autorisé cinq services spécialisés analogiques de langue française, dont quatre en mai 1999. Dans leur cas, le Conseil a jugé que la plus grande capacité de transmission propre aux marchés francophones, ainsi que le plus petit nombre de services autorisés de langue française, justifiaient sa décision. Le cinquième était La Télé des Arts, maintenant appelée ArTV (décision CRTC 2000-386 du 14 septembre 2000). Dans ce dernier cas, le Conseil a approuvé la demande un an après son rapport au gouvernement concernant la création d'un service de télévision national de langue française consacré aux arts (avis public CRTC 1999-187), dans lequel il avait précisé qu'un tel service pourrait contribuer de façon importante à la réalisation des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.

14.

Depuis 1996, exception faite des décisions ci-dessus, le Conseil n'a ni examiné, ni approuvé de demande de nouveau service spécialisé avec distribution analogique à un volet de forte pénétration. Tel que noté, le but de l'approche du Conseil était d'éviter les inconvénients à la fois pour le système et pour les abonnés compte tenu du contexte actuel de distribution et de faciliter la transition de la distribution analogique à la distribution numérique.

15.

Dans la décision CRTC 2000-393 du 21 septembre 2000, le Conseil a refusé par vote majoritaire une précédente proposition de RTM de nouveau service spécialisé. Très semblable à celui proposé dans la présente demande, ce service reposait sur une demande de double statut de distribution pancanadienne par les entreprises de câblodistribution. Le double statut signifiait que tous les câblodistributeurs de classe 1 ainsi que les câblodistributeurs de classe 2 ayant accepté de fournir le service devaient le distribuer sur un canal analogique au service de base. Par ailleurs, le service pouvait aussi être distribué sur un canal analogique à un volet facultatif après entente entre le distributeur et le fournisseur. Pour expliquer son refus, le Conseil a entre autres déclaré :

.La majorité des câblodistributeurs subissent actuellement des pressions à l'égard de leur capacité de distribution analogique et les consommateurs s'attendent de plus en plus à pouvoir choisir les services spécialisés qu'ils reçoivent. Le Conseil n'est donc pas convaincu qu'il est dans l'intérêt public d'approuver le statut de distribution que la requérante demande.

Proposition de modèle analogique de RTM et incompatibilité de cette formule avec la politique du Conseil

16.

Tel que mentionné ci-dessus, RTM propose dans sa demande actuelle de rendre son service accessible aux abonnés de toutes les entreprises de distribution du Canada, sauf des plus petites. Dans le cas des systèmes de câblodistribution des classes 1 et 2, RTM demande un double statut modifié quant à la distribution du signal sous-titré dans la langue officielle de la majorité, statut qui obligerait tous les distributeurs de classe 1 ainsi que les distributeurs de classe 2 ayant accepté de fournir le service à distribuer celui-ci sur un canal analogique, à titre facultatif. Par ailleurs, l'attribution d'un double statut modifié signifie que le service peut, après entente entre le distributeur et le fournisseur, être intégré au service de base et distribué sur un canal analogique. La requérante a aussi proposé qu'à titre de service facultatif, RTM soit distribué au volet facultatif avec la plus forte pénétration, soit à un volet facultatif ayant un taux minimum de pénétration de 60 %. Enfin, RTM a proposé que les plus gros câblodistributeurs fournissent l'autre signal - celui avec les sous-titres dans la langue officielle de la minorité - aux abonnés en mode numérique et sur demande.

17.

À l'audience, RTM a envisagé plusieurs possibilités de distribution par les titulaires d'entreprises de distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD) et de système de distribution multipoint (SDM), et par les titulaires de systèmes de câblodistribution de classe 3. Pour les câblodistributeurs de classe 3 (qui comptent généralement moins de 2 000 abonnés), RTM a proposé que la fourniture du service soit laissée à la discrétion des titulaires. Dans sa demande, RTM a demandé au Conseil d'obliger les entreprises SRD et SDM à distribuer le signal du service avec les sous-titres dans la langue de la majorité. Pour les systèmes SRD, elle a demandé d'intégrer ce signal au bloc de services offrant le plus grand nombre de services dans la langue de la majorité. En outre, RTM a proposé que les SDM ajoutent le service soit à un bloc ayant un taux minimum de pénétration de 60 %, soit qu'ils le fournissent à tous les abonnés dont le bloc actuel de services comporte au moins trois services dans la même langue.

18.

Le Conseil note que la formule de distribution proposée par RTM lui donnerait des droits de distribution plus importants qu'à tout autre service analogique, à l'exception de ceux ayant un double statut. Dans le cas des services ethniques et de langue anglaise, le Conseil n'a pas approuvé la distribution d'un service spécialisé à un volet précis du câble ou à un bloc SRD précis. Étant donné la très faible disponibilité des canaux analogiques, le statut demandé par la requérante obligerait la plupart des câblodistributeurs à retirer ou à déplacer un service existant, entraînant une hausse du coût du volet si RTM coûtait plus cher que le service remplacé*. L'attribution d'un double statut modifié permettait aussi à RTM de négocier la distribution du service au service de base des câblodistributeurs et soulevait d'autres préoccupations, dont le caractère abordable du service de base et le droit de l'abonné au choix des services.

19.

Il incombait donc clairement à RTM de convaincre le Conseil que sa proposition contribuait de façon si exceptionnelle à la réalisation des objectifs multiculturels de la Loi sur la radiodiffusion que le service devait être distribué en mode analogique. Dans le contexte actuel de distribution, il serait extrêmement difficile de faire la preuve qu'un service est si exceptionnel qu'il contribue de façon essentielle à la réalisation des objectifs de multiculturalisme de la Loi, à moins que sa programmation ne soit entièrement consacrée aux besoins, intérêts, particularités et aspirations des Canadiens, principalement et avant tout.

Plans de programmation de RTM

Programmation non canadienne

20.

La proposition de programmation non canadienne de RTM, qu'elle appelle son volet « programmation mondiale », accordera une importance particulière aux films, aux émissions dramatiques et aux émissions de variété et à la « sensibilisation aux cultures du monde ». Selon la proposition de RTM, le contenu non canadien représentera jusqu'à 60 % de toute l'année de radiodiffusion la première année, puis diminuera de 5 % par an pour atteindre un maximum de 50 % la troisième année et de 40 % la cinquième année. Le pourcentage maximum de programmation non canadienne se maintiendra à 50 % pour la période de radiodiffusion en soirée, de 18 h à minuit, pendant toute la durée de la licence.

21.

Le Conseil admet que les émissions étrangères renseignent sur d'autres cultures et proposent des divertissements propres à ces cultures. La présence à juste titre de ce type de programmation dans les grilles-horaires des radiodiffuseurs canadiens est en partie confirmée dans l'article 3(1)i)(ii) de la Loi sur la radiodiffusion, qui stipule que : «. la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait [.] puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales ». La question est néanmoins de savoir si la programmation non canadienne favorise les objectifs multiculturels de l'article 3(1)d)(iii) cité ci-dessus, étant donné l'importance accordée par la Loi à la juste présentation de la nature multiculturelle et multiraciale de la société canadienne. Selon le Conseil, cette programmation d'émissions étrangères ne peut en soi servir cette cause, surtout si celle-ci est déterminée en fonction de son importance dans d'autres pays plutôt qu'en relation avec son importance pour le Canada.

Contenu canadien

22.

Tel que mentionné ci-dessus, le contenu canadien n'atteindrait pas un pourcentage global minimum de 50 % avant la troisième année d'exploitation même si RTM a prévu de l'augmenter à 55 % et 60 % pour les quatrième et cinquième années. En outre, malgré la proposition de maintenir la proportion de contenu canadien à 50 % au cours de la période de radiodiffusion en soirée pendant la durée de la licence, la grille-horaire ne prévoit aucun contenu canadien pour les heures de grande écoute de 20 h à 23 h - cette tranche étant plutôt réservée à des « émissions dramatiques du monde » et au « cinéma du monde ».

23.

Le Conseil considère que le pourcentage maximum proposé de 50 % de contenu canadien pour la période de radiodiffusion en soirée ainsi que l'absence de contenu canadien aux heures de grande écoute et la prédominance d'émissions étrangères, du moins les premières années d'exploitation, limitent considérablement la capacité du service de refléter la réalité multiculturelle du Canada.

24.

Selon le Conseil, l'étude du contenu de la programmation canadienne de la requérante contredit l'argument selon lequel le service proposé contribuerait de façon exceptionnelle à la réalisation des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Selon RTM, plusieurs de ses émissions canadiennes [traduction] « refléteront la dynamique de création générée par l'interface culturelle au sein même du Canada » (soulignement ajouté). Toutefois, la description de la plupart de ces émissions n'étaye pas cette conclusion. Par exemple, bien que l'émission Cabaret doive être réalisée à Toronto et que RTM ait déclaré à l'audience que celle-ci mettrait en vedette de nouveaux interprètes, la requérante précise dans sa demande, avec force détails, que Cabaret est destinée « à présenter les arts de la scène du monde entier ». Autres exemples : l'émission Books in Print, qui doit présenter « les meilleurs ouvrages littéraires internationaux autres que ceux écrits en anglais ou en français venant des festivals du livre en Europe et en Amérique du Sud », et World of Art qui, comme son nom l'indique, doit être « une exploration de l'art dans le monde ».

25.

D'autres propositions de productions canadiennes, dont les émissions d'actualités Canada and the World, World Regional Sport, World Journal International Business et World Sport, reprendront essentiellement des séquences de nouvelles et d'émissions d'affaires publiques étrangères. Des invités en studio proposeront un point de vue analytique canadien sur les événements à l'étranger. Il semble que ces émissions utiliseront largement des événements internationaux pour interpréter la réalité multiculturelle canadienne, mais qu'elles ne se concentreront que fort peu sur la réalité multiculturelle du Canada. Le Conseil n'est pas persuadé que cette programmation contribuera de façon importante ou marquée à la compréhension du paysage multiculturel du Canada.

26.

Se fondant sur les descriptions de RTM, le Conseil pense que le reflet du multiculturalisme canadien sera le thème essentiel de trois émissions : Original Voices, qui proposera « des perspectives des premières nations par des producteurs autochtones », Intercom Community Magazines, qui offrira à diverses collectivés canadiennes « une tribune nationale de discussion et de présentation d'idées précises venant de leur milieu »; et Day and Night, qui sera « une chronique de la vie quotidienne et des lieux de rencontre dans des centres urbains et ruraux présentant une nouvelle compréhension de la diversité culturelle du Canada ». Toutefois, aucune de ces trois émissions ne fait partie de la proposition de grille-horaire de RTM aux heures de grande écoute en soirée. En fait, RTM prévoit diffuser la majorité des émissions originales et des reprises de ces émissions soit avant 9 h le matin, soit après 23 h.

27.

Pour toutes ces raisons, le Conseil n'est pas majoritairement convaincu que l'importance du service proposé par RTM est si exceptionnelle pour la réalisation des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion qu'elle justifie une distribution obligatoire sur un canal analogique, tel que proposé. En revanche, le Conseil estime que la proposition compléterait les services existants. En conséquence, il accorde à RTM une licence de service de catégorie 2 devant être distribué sur une base facultative, uniquement en mode numérique et sous réserve des modalités et conditions énoncées ci-dessous.

Modalités et conditions de licence

28.

Le Conseil approuve par vote majoritaire l'exploitation d'un service spécialisé de télévision de catégorie 2 nommé World Television Network/Le Réseau Télémonde inc. La licence sera attribuée et entrera en vigueur au moment où la requérante aura confirmé par écrit qu'elle est prête à mettre l'entreprise en exploitation. Cette confirmation devra se faire au plus tard trois ans après la date de la présente décision. Toute demande de prorogation de ce délai doit être soumise par écrit avant cette date et recevoir l'approbation du Conseil.

29.

La licence, lorsqu'elle sera attribuée, expirera le 31 août 2008 et sera assujettie à la condition ci-dessous concernant la nature du service, aux conditions énoncées dans la licence qui sera attribuée ainsi qu'aux modalités et conditions applicables à tous les services de catégorie 2, tel qu'énoncé dans l'avis public CRTC 2000-171-1.

30.

Tel qu'expliqué dans cet avis, et conformément aux exigences imposées aux autres services spécialisés de catégorie 2, des conditions n'ont pas été imposées ou sont généralement beaucoup moins rigides que les propres engagements de la requérante en ce qui concerne le contenu canadien, les dépenses au titre de la programmation canadienne et le sous-titrage codé pour malentendants,.

Condition de licence relative à la nature du service

31.

Le Conseil estime nécessaire de préciser davantage la nature du service fournie dans la demande écrite de RTM, aux fins de s'en servir comme fondement à une condition de licence. À l'audience, la requérante a indiqué qu'elle accepterait et respecterait toute description abrégée semblable à celle établie au point a) ci-dessous. En conséquence, la titulaire devra respecter ce qui suit par condition de licence :

a) La titulaire fournira un service national sur des signaux à la fois en langue anglaise et française. Consacré à la présentation de nouvelles, d'affaires publiques, de films et d'émissions de divertissement du Canada et d'autres pays du monde diffusés dans la langue d'origine de production et reflétant la diversité culturelle à l'échelle canadienne et mondiale, ce service sera largement accessible aux Canadiens grâce à l'utilisation systématique de sous-titrages en anglais et en français.

b) La programmation doit appartenir exclusivement aux catégories suivantes énoncées à l'annexe 1 du Règlement de 1990 sur les services spécialisés: 1, 2a, 2b, 3, 4, 5b, 6a, 6b, 7a, 7b, 7c, 7d, 7e, 7f, 7g, 8a, 8b, 8c, 9, 10, 11, 12, 13 et 14.

c) La titulaire ne peut consacrer plus de 10 % de la semaine de radiodiffusion à la catégorie 6 (sports).

d) La titulaire ne peut consacrer plus de 20 % de la semaine de radiodiffusion à la catégorie 7c (émissions spéciales, mini-séries et longs métrages pour la télévision).

e) La titulaire ne peut consacrer plus de 35 % de la semaine de radiodiffusion à la catégorie 7d (longs métrages pour salles de cinéma diffusés à la télévision).

f) La titulaire ne peut consacrer plus de 20 % de sa programmation non canadienne à chaque trimestre de l'année de radiodiffusion à des émissions dans l'une ou l'autre langue.

g) Les émissions produites en Grande-Bretagne ou aux États-Unis peuvent, dans chaque cas, représenter un maximum de 5 % de la programmation non canadienne diffusée à chaque trimestre de l'année de radiodiffusion.

h) Un maximum de 10 % de la programmation non canadienne diffusée à chaque trimestre de l'année à compter du 1er septembre, du 1er décembre, du 1er mars et du 1er juin de l'année de radiodiffusion peut venir de tout pays autre que la Grande-Bretagne ou les États-Unis.

Secrétaire général
La présente décision doit être annexée à la licence. Elle est disponible, sur demande, en média substitut et peut également être consultée sur le site Internet suivant : www.crtc.gc.ca

 

Opinion minoritaire de la conseillère Martha Wilson

1.

Je suis en désaccord avec la décision de la majorité. J'aurais accordé à World Television Network/Le Réseau Télémonde inc. (RTM) une licence pour exploiter un service à double statut modifié. Ainsi, RTM serait distribué sur un canal analogique à titre de service facultatif, à moins d'entente avec un distributeur acceptant de l'intégrer à son service de base. Je n'aurais accordé à RTM aucun droit d'accès additionnel; le service de langue anglaise se serait prévalu du double statut modifié dans le marché de langue anglaise et le service de langue française aurait bénéficié des mêmes avantages dans le marché de langue française. En conséquence, le service aurait été distribué par toutes les entreprises de distribution par câble de classe 1 et par les entreprises de câblodistribution de classe 2 ayant choisi de le distribuer. Je n'aurais ni stipulé à quel volet ce service devait d'être offert, ni accordé de droits d'accès additionnels pour le service de langue anglaise dans les marchés de langue française et inversement, ni exigé la fourniture du service par un système de distribution multipoint (SDM). Je crois qu'ainsi, j'aurais pu atteindre un compromis acceptable permettant la viabilité du service, tout en tenant compte tant du manque de canaux analogiques à l'usage des entreprises de câblodistribution que du spectre restreint à l'usage des SDM.

2.

Ce qui m'amène à cette prise de position, c'est le constat des mutations profondes survenues au sein de la population canadienne depuis une dizaine d'années mais aussi mon intime conviction de la nécessité d'intégrer des « émissions de rapprochement » dans le système canadien de radiodiffusion. Reprenant les mots mêmes de la requérante, ces « émissions de rapprochement » diffusées avec sous-titres, commentaires et analyses seraient destinées à des auditoires grand public de langue française et de langue anglaise et [traduction] « contribueraient à la connaissance, à la compréhension mutuelle et à l'intégration en offrant aux téléspectateurs des vitrines ouvertes sur les populations du Canada et du monde entier ». Dans le cas présent, RTM offrirait des émissions qui aideraient les francophones et les anglophones à mieux comprendre les divers groupes ethnoculturels qui constituent désormais une part grandissante de la population du pays. Cet objectif pourrait être atteint grâce à l'augmentation significative d'émissions à caractère international non disponibles actuellement sur le système canadien de radiodiffusion et qui côtoieraient des émissions canadiennes ayant comme objectif premier d'offrir un environnement propice à la compréhension des diverses réalités culturelles du Canada. Cet éventail serait composé à la fois d'émissions produites dans les pays d'origine des diverses communautés culturelles et d'émissions canadiennes offrant les éléments d'information et d'analyse nécessaires à la compréhension et au rapprochement des cultures.

3.

Les paragraphes 2, 3 et 4 de la décision majoritaire décrivent la démarche adoptée par le Conseil pour atteindre les objectifs liés au multiculturalisme énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) grâce à des émissions en d'autres langues que le français et l'anglais. Aussi, au paragraphe 7, les Conseillers concèdent que « d'autres mesures peuvent être prises » y compris celle d'atteindre une meilleure représentation de la réalité multiculturelle du Canada dans les grilles horaires des radiodiffuseurs traditionnels. J'oserais dire, cependant, que cet argument ne touche pas l'essence de la problématique contenue dans la demande de RTM. Bien que le système de radiodiffusion offre un nombre appréciable d'émissions en d'autres langues que le français et l'anglais, et malgré toute l'attention que portent les radiodiffuseurs traditionnels à une juste représentation des groupes distincts de la population canadienne dans la composition de leurs bulletins de nouvelles et des autres émissions canadiennes, il me semble qu'il reste un vide évident à combler. D'une part, nous avons les chaînes conventionnelles qui reflètent bien les populations de langue française et de langue anglaise qu'elles desservent; d'autre part, nous avons des émissions en d'autres langues que le français et l'anglais qui desservent les diverses communautés ethnoculturelles ayant choisi le Canada comme nouvelle patrie. Le vide se situe donc là où les émissions dans ces autres langues ne sont pas accessibles aux groupes s'exprimant dans l'une des deux langues officielles du Canada, les privant ainsi de la connaissance et de la compréhension des réalités des communautés multiculturelles du pays. Donc, quels types de service et d'émission devrions-nous mettre à la disposition d'un large auditoire canadien pour favoriser notre compréhension mutuelle? Je répondrais que le service de programmation décrit dans la demande de RTM est exactement de cette nature. Ce service ne serait probablement pas le seul à combler ce vide, mais à tout le moins, ce serait un début. 

4.

Le tableau à la page suivante illustre ma pensée:

 

Télévision
conventionnelle

Émissions de rapprochement

Diffuseurs en d'autres langues que le français et l'anglais

Certaines composantes du système canadien de radiodiffusion CBC, CTV, Global, SRC, TVA, TQS, services spécialisés canadiens - analogiques et numériques CFMT - quelques émissions en langue anglaise traitant des réalités multiculturelles au Canada CFMT, CJNT, Telelatino, Fairchild, Asian Television Network, Odyssey, Talentvision, Services spécialisés numériques de catégorie 2
Ce qu'elles diffusent ou devraient diffuser Miroir des populations de langue française et de langue anglaise Miroir réfléchissant de part et d'autre les populations de langue française, de langue anglaise et les communautés multiculturelles Miroir réfléchissant pour elles-mêmes les communautés ethnoculturelles
  Un aperçu des réalités multiculturelles du Canada En français ou en anglais, elles offrent une lecture canadienne, des analyses, un regard sur les origines, les intérêts et le cheminement des communautés multiculturelles canadiennes Miroir réfléchissant au bénéfice des groupes ethnoculturels les populations de langues française ou anglaise
  Miroir réfléchissant les populations de langue française et de langue anglaise au bénéfice des groupes ethnoculturels qui s'expriment dans une ou l'autre langue officielle Grâce à des émissions du monde entier, permettent de connaître et de comprendre les origines, les intérêts et le cheminement des communautés multiculturelles du Canada  
    Rapprochent la génération des canadiens de souche ethniculturelle qui ne parlent ni le français ni l'anglais avec la génération de ceux qui s'expriment dans une/ou l'autre langue officielle.  

 

Distribution analogique et argument de « l'importance exceptionnelle »

5.

Les limites de la capacité de transmission analogique suscitent peu de controverse dans le milieu actuel de la distribution bien que cette réalité n'existe que dans le monde des entreprises de câblodistribution et non pas dans celui des entreprises de distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD). (Le SDM quant à lui est un cas à part à cause de l'espace limité du spectre qui lui est dévolu pour la distribution de services de programmation). Les entreprises de câblodistribution ont déjà ou sont en voie de procéder à la mise à nivau de leurs installations afin d'offrir des services de programmation en mode numérique, apportant ainsi deux contributions d'importance au système canadien de radiodiffusion : le contrôle du contenu et de l'horaire par le consommateur ainsi que la capacité pour le système de radiodiffusion d'offrir un bien plus large éventail d'émissions. Le Conseil a largement favorisé la réalisation de ces deux objectifs majeurs afin de faciliter la pénétration de la technologie numérique dans les foyers canadiens. Si une entreprise de câblodistribution choisit de déployer la technologie numérique sans mettre complètement à niveau ses installations à 750 MHz, elle doit dans ce cas utiliser des canaux analogiques afin de libérer de l'espace pour le numérique. Cet état de fait - combiné à la fourniture sur un canal analogique des services existants dont la suppression porterait préjudice aux consommateurs - explique la capacité restreinte de transmission analogique.

6.

Comme le signale la décision majoritaire, bien avant que la distribution numérique ne devienne une réalité tant pour les câblodistributeurs que pour les consommateurs, le Conseil avait défini en 1997 (avis public CRTC 1997-33) sa vision de toute distribution future de services spécialisés sur des canaux analogiques. Le Conseil avait pris en compte toute l'information concernant l'évolution vers la technologie numérique fournie par l'industrie des câblodistributeurs et d'autres avant d'établir, à l'égard des services spécialisés de télévision de langue française ou de langue anglaise préconisant la distribution sur un canal analogique, l'exigence de devoir justifier une telle distribution « sur la base d'ententes avec des distributeurs ou d'une preuve établissant l'importance exceptionnelle du service proposé aux fins d'atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion ». (le souligné est de l'auteure)

7.

En y regardant de plus près, cet exercice est plutôt inusité.

8.

D'une part, si le distributeur accepte de fournir le service, l'argument de « l'importance exceptionnelle » ne semble gêner personne et il semble que seule compte la décision de l'exploitant de fournir le service sur un canal analogique.

9.

D'autre part, si le distributeur ne consent pas à fournir le service, le Conseil fait appel à un critère beaucoup plus sévère pour établir si le service se conforme aux objectifs de la Loi. À quoi rime cet exercice? Si le distributeur consent à une distribution analogique, alors tout est parfait? Dans le cas contraire, le Conseil doit être plus exigeant que le distributeur, et peut être moins disposé à autoriser une programmation qui joue un rôle important, à cause d'un critère qui laisse place à beaucoup de subjectivité et qui peut être difficile à respecter par tout service éventuel?

10.

À mon avis, cette façon de faire ne tient pas la route. Le pays et le système de radiodiffusion ont connu de grands changements depuis 1997 et le Conseil doit s'ajuster à ces changements en faisant montre d'une certaine souplesse. Dans les faits, et même après que le Conseil eut fait connaître sa vision concernant la distribution future de services en mode analogique, nombre de services spécialisés en provenance des États-Unis furent lancés sur des volets facultatifs analogiques alors que des services spécialisés canadiens demeuraient en attente d'une distribution « dès que le distributeur aura déployé la technologie numérique ou le 1er septembre 1999 » (avis public CRTC 1996-120). Je ne suggère pas ici que les entreprises de câblodistribution ne disposent pas de la latitude nécessaire pour composer des blocs de de programmation attrayants pour les consommateurs. Pas plus que je ne suggère qu'ils soient privés de souplesse en regard des services américains qui offrent aux services canadiens « une impulsion » pour la pénétration des marchés (bien que les données sur les habitudes d'écoute indiquent clairement et constamment que les services canadiens recueillent de bien meilleures cotes d'écoute que les services américains lancés en même temps en 1997). Je soumets donc que, malgré le cadre réglementaire mis en vigueur par le Conseil et correspondant à l'évolution de la technologie dans le domaine de la distribution, on constate parfois l'existence de « vides » au sein même du système de radiodiffusion et, dans le cas qui nous occupe, ces vides sont apparus avec les importantes transformations du paysage démographique du pays. Le Conseil doit être apte à « combler ces vides » sans être tenu pour autant à plus de vertu que les instances qu'il réglemente.

 

Perturbation pour les abonnés et maintien d'un prix abordable du service de base

11.

La décision majoritaire fonde sa décision à l'encontre de la distribution de RTM en mode analogique en partie sur la perturbation probable pour les abonnés, incluant l'atteinte à leur droit de choisir et au maintien d'un tarif abordable du service de base. Ces questions sont fort importantes et je ne les traite pas à la légère. Toutefois, je soutiendrais que, dans le monde de plus en plus concurrentiel de la distribution, si le Conseil est d'avis qu'un service doit être distribué en mode analogique pour combler un besoin précis du système de radiodiffusion, ne va-t-il pas de soi que les personnes les plus aptes à mettre en oeuvre cette décision sont les distributeurs eux-mêmes? Le nombre d'abonnées aux SRD est en croissance accélérée. Par exemple, Bell Expressvu a annoncé au cours de la semaine dernière qu'elle avait atteint le cap du million d'abonnés et Star Choice, pour sa part, rejoint 670 000 abonnés, ce qui résulte au total en une pénétration des SRD talonnant de plus en plus celle des deux plus importants câblodistributeurs au Canada : Shaw (2,1 millions d'abonnés) et Rogers (2,3 millions d'abonnés). Parallèlement, la pénétration de la câblodistribution est demeurée à peu près stable au cours de la dernière année et, de fait, certains câblodistributeurs sont en train de déposer des demandes de déréglementation de leurs tarifs de base invoquant avoir perdu 5 % de leurs abonnés aux mains des SRD ou des SDM. Il semblerait donc que les forces du marché soient suffisamment actives pour que les câblodistributeurs minimisent tout ce qui risque de conduire leurs abonnés vers la concurrence, sans que le Conseil n'intervienne.

12.

Par conséquent, malgré l'importance de ces questions, que le Conseil doit évaluer lors de l'attribution de licences à de nouveaux services en mode analogique, j'estime qu'elles devraient être mises en balance avec le besoin de retrouver certains types d'émissions dans le système. Le Conseil est effectivement arrivé à cette même conclusion lorsqu'il a décidé qu'APTN devait se voir attribuer une licence et être distribué au service de base en vertu de l'article 9(1)(h) de la Loi, et réclamer un tarif mensuel d'abonnement de 0,15 $. De plus, le Conseil a suivi cette même ligne de pensée en regard de la distribution nationale de TVA et de l'attribution de la licence de ArTV. Je n'insinue absolument pas que le Conseil devrait faire des manières lorsque vient le temps d'autoriser des services analogiques - et nous n'en avons certes pas fait depuis 1997 - mais il se trouve et se trouvera des occasions, avant que la câblodistribution ne passe entièrement au numérique, où le Conseil pourrait souhaiter intégrer dans le système un certain type ou genre d'émissions dans le but de servir les objectifs de la Loi, et ces occasions pourraient passer par le mode analogique.

 

Les émissions de RTM servent-elles les objectifs de la Loi?

13.

La décision majoritaire soutient que les émissions de RTM n'offrent pas une image suffisamment canadienne pour être qualifier « d'importance exceptionnelle » en vue de la réalisation des objectifs d'ordre multiculturel énoncés dans la Loi. Le paragraphe 19 de la décision majoritaire stipule que « Dans le contexte actuel de distribution, il serait extrêmement difficile de faire la preuve qu'un service est si exceptionnel qu'il contribue de façon essentielle à la réalisation des objectifs de multiculturalisme de la Loi, à moins que sa programmation ne soit entièrement consacrée aux besoins, intérêts, particularités et aspirationsdes Canadiens, principalement et avant tout » (le souligné est ajouté dans la décision de la majorité)

14.

Il est intéressant de noter que dans sa vision d'ensemble du système canadien de radiodiffusion, la Loi elle-même ne précise pas d'exigence de nature « principalement et avant tout canadienne » et visant spécifiquement chacun des services de programmation qui sont offerts. De fait, les mots « principalement et avant tout », ensemble et liés, n'apparaissent nulle part dans le corps du texte de la Loi. Alors que les mots « répondre aux besoins et aux intérêts » et « refléter la condition et les aspirations » sont extraits de l'article 3(d) (qui se trouve être le même article qui expose les objectifs d'ordre multiculturel de la Loi), la notion de « prédominance » est inscrite dans l'article 3(f). Mais dans cette « manière prédominante » est inscrite une notion d'exception évidente en regard des services qui offrent des contenus ou des formats spécialisés ou qui utilisent des langues autres que le français ou l'anglais.

15.

L'article 3(f) stipule :
 

f) toutes les entreprises de radiodiffusion sont tenues de faire appel au maximum, et dans tous les cas au moins de manière prédominante, aux ressources - créatrices et autres - canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation à moins qu'une telle pratique ne s'avère difficilement réalisable en raison de la nature du service - notamment, son contenu ou format spécialisé ou l'utilisation qui y est faite de langues autres que le français ou l'anglais - qu'elles fournissent,auquel cas elles devront faire appel aux ressources en question dans toute la mesure du possible; (le souligné est de l'auteure)

16.

Il semble donc que la décision de la majorité soit de celles qui ne reflètent apparemment pas l'intention de la Loi. Et si la conclusion de la majorité reflétait l'esprit de la Loi, alors il se trouverait de nombreux services de programmation canadiens qui ne seraient pas à la hauteur quant à la représentation des réalités canadiennes, ethniques ou autres, et tous ces services sont offerts en mode analogique.

17.

La décision majoritaire traite également des pourcentages de contenu canadien proposés par RTM et indique que les pourcentages proposés « limitent considérablement la capacité du service de refléter la réalité multiculturelle du Canada ». Examinons de plus près cette assertion en comparant les pourcentages de contenu canadien exigés de quelques services spécialisés analogiques avec ceux de RTM :

Services

Exigences pour l'ensemble des émissions (%)

Exigences en soirée (%)

Bravo 40 % en 1994/95
50 % en 1996/97
60 % en 1998/99
40 % en 1994/95
45 % en 1996/97
50 % en 1998/99
History Television Minimum de 30 %
40 % si 4 millions abonnés
50 % si 5 millions abonnés
33 %
Outdoor Life 30 % 30 %
Space: The Imagination Station 25 % en 1997/98
30 % en 1999/00
35 % en 2001/02
40 % en 2002/03
25 % en 1997/98
30 % en 1999/00
35 % en 2002/03
Canal D 30 % en 1995/96
32 % en 1997/98 et par la suite
30 % en 1995/96
32 % en 1997/98 et par la suite
Historia 35 % 1ère année jusqu'à 45 % la 6e année 35 % 1ère année jusqu'à 45 % la 6e année
RTM (la proposition) 40 % 1ère année
50 % 3e année
55 % 4e année
60 % 5e année
50 % pour la durée de la période de licence

18.

Il apparaît clairement que le Conseil a fait preuve de grande souplesse à l'égard des exigences de contenu canadien dans l'optique d'intégrer certains genres particuliers d'émissions dans le système - et précisément en accord avec l'esprit de la Loi et tel que l'article 3(f) nous y incitait. En diverses occasions, nous avons permis des pourcentages de contenu canadien plus faibles que ceux atteints par les télédiffuseurs traditionnels ou par des services spécialisés dont la nature même commandait de plus hauts pourcentages (telles les émissions de nouvelles et de modes de vie) parce que nous estimions que cette pratique renforcerait l'ensemble du système de radiodiffusion, pour des raisons d'ordre culturel ou économique.

19.

Et assurément, personne n'osera affirmer que des services spécialisés tels Bravo et History, qui affichent en début de période de licence 30 % ou 40 % de contenu canadien pour atteindre en cours de durée de licence 50 % ou 60 %, ne sont pas en mesure de représenter à l'écran les réalités canadiennes. Pas plus qu'on ne contesterait l'importance de jouir du genre d'émissions offertes par Bravo et History. Mais est-ce plus important que de donner accès à des émissions qui participent des véritables principes définissant la nature même de ce pays - égalité, coexistence de deux langues officielles, importance de la population aborigène et multiculturalisme? De plus, en quoi les pourcentages de contenu canadien proposés par RTM limitent-ils sa capacité d'offrir une image de la réalité multiculturelle du Canada quand une part importante de cette réalité relève justement de la connaissance des origines de nos communautés multiculturelles, de leur pays natal et de quelle manière ces pays et ces cultures ont façonné ces nouveaux Canadiens? À juste titre, ces pourcentages de diffusion en eux-mêmes ne sont pas les seuls indicateurs pour déterminer si oui ou non un service reflète une certaine réalité. Et pourquoi donc le Conseil imposerait-il des exigences plus élevées à un service de programmation qui apporterait une contribution d'importance en « émissions de rapprochement » à une époque où le besoin est évident et qui desservirait autant les communautés multiculturelles que celles des deux langues officielles du pays?

20.

Je crois qu'en notre pays, et en ce moment précis, nous avons besoin de ce genre « d'émissions de rapprochement » tel que proposé par RTM. La composition de la population du pays a connu des mutations profondes au cours des 10 dernières années et l'on ne retrouve que peu d'émissions, destinées à un large auditoire, qui proposent une lecture à l'échelle internationale pour assimiler ces changements ou qui s'attachent aux questions soulevées par ce type de changements. Est-ce que RTM, à l'intérieur du système de radiodiffusion, est le seul service apte à proposer cette ouverture? Non. Est-ce que quelqu'un d'autre a proposé pareil modèle au cours des 10 dernières années? Non. Est-ce que RTM doit combler à lui seul le vide présent dans le système à l'heure actuelle? Non. Mais attribuer une licence à RTM pour lui permettre de combler en partie ce vide, à l'instant de tout autre service spécialisé canadien, et lui offrir la possibilité de tirer son épingle du jeu en lui accordant une distribution analogique serait un pas dans la bonne direction, et c'est la décision que j'aurais souhaité que nous eussions prise.

Mise à jour : 2001-12-14

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