Ordonnance de télécom CRTC 2021-188

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Ottawa, le 1 juin 2021

Dossier public : Avis de modification tarifaires 12 et 12A

Câblevision du nord de Québec inc. – Mise à jour du service d’accès Internet aux tierces parties

Le Conseil refuse la demande de dénormalisation de Câblevision du nord de Québec inc. parce qu’il estime que cette demande est prématurée.

Contexte

  1. Dans l’ordonnance de télécom 2019-422, le Conseil a refusé la demande de Câblevision du nord de Québec inc. (Câblevision) de retirer son service d’accès Internet aux tierces parties (AITP), à la lumière de l’intervention et des demandes connexes déposées.
  2. Dans la décision de télécom 2019-423, le Conseil a ordonné à Câblevision de fournir son service AITP à tout concurrent ayant un intérêt réel pour ce dernier et de déposer auprès du Conseil un avis de modification tarifaire (AMT) lié à son service AITP.
  3. Dans l’ordonnance de télécom 2020-223, le Conseil a approuvé la mise à jour du service AITP de Câblevision. Dans le cadre de celle-ci, l’entreprise offrait des profils de vitesse de 15 mégabits par seconde (Mbps) en aval et 1,5 Mbps en amont (profil 15/1,5), 50 Mbps en aval et 5 Mbps en amont (profil 50/5) et 125 Mbps en aval et 20 Mbps en amont (profil 125/20).

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande de Câblevision, datée du 28 septembre 2020 et modifiée le 14 octobre 2020, dans laquelle l’entreprise demandait au Conseil l’autorisation de dénormaliser son profil 50/5 pour les clients de son service AITP.
  2. Le Conseil a reçu des interventions de la part d’EBOX inc. (EBOX), des Opérateurs des réseaux concurrentiels canadiens (ORCC) et de Québecor Média inc., au nom de Vidéotron ltée (Vidéotron). EBOX a également demandé au Conseil d’imposer une sanction administrative pécuniaire (SAP) à Câblevision pour violation de la Loi sur les télécommunications (Loi).

Questions

  1. Le Conseil a établi qu’il devait examiner les questions suivantes dans le cadre de la présente ordonnance :
    • La demande de dénormalisation du profil 50/5 par Câblevision est-elle appuyée par un motif raisonnable?
    • Le Conseil devrait-il imposer une SAP en vertu de l’article 72.001 de la LoiNote de bas de page 1?

La demande de dénormalisation du profil 50/5 par Câblevision est-elle appuyée par un motif raisonnable?

Positions des parties

  1. Câblevision a fait valoir qu’elle n’avait plus à offrir le profil 50/5 pour les clients de son service AITP, puisqu’elle ne l’offre plus à ses propres clients des services de détail. Ainsi, ce profil de vitesse ne serait maintenu que pour les utilisateurs finals existants et ne serait plus disponible pour de nouveaux utilisateurs finals ou lorsqu’un utilisateur final souhaiterait changer de profil.
  2. Câblevision a soutenu que la modification tarifaire faisant l’objet de sa demande était conforme à la définition énoncée dans le bulletin d’information de télécom 2010-455-1 portant sur les demandes de dénormalisation.
  3. Câblevision a précisé que son service AITP demeurait bonifié dans son ensemble, puisqu’il s’accompagne d’un nouveau profil de 250 Mbps en aval et 20 Mbps en amont (profil 250/20) dans l’AMT11Note de bas de page 2 au même prix que son profil de vitesse inférieur, soit le profil 125/20.
  4. EBOX et Vidéotron, appuyées par les ORCC, ont soutenu que Câblevision n’avait fourni aucune information concernant les motifs de la dénormalisation du profil 50/5.
  5. EBOX a déclaré que la dénormalisation du profil 50/5 contrevenait aux objectifs des Instructions de 2019Note de bas de page 3 puisqu’elle nuirait à l’implantation de la concurrence, en permettant à Câblevision de conserver son monopole, et à l’abordabilité du service AITP dans la région.
  6. Vidéotron a indiqué s’inquiéter que la tentative de dénormalisation du profil 50/5 par Câblevision soit une tentative de limiter l’entrée de Vidéotron sur le marché de l’Abitibi-Témiscamingue (Québec). En effet, ce profil de vitesse est suffisamment élevé pour supporter Hélix, le nouveau service de télévision par protocole Internet de Vidéotron, à un prix compétitif. Vidéotron a fait valoir que la dénormalisation du profil 50/5 nuirait aux clients de Câblevision et de Vidéotron, mais que l’impact serait plus important sur les clients de cette dernière.
  7. EBOX a également exprimé ses préoccupations concernant la tentative de dénormalisation du profil 50/5 comme stratagème pour limiter son entrée sur le marché de l’Abitibi-Témiscamingue, étant donné la part de ses ventes que représentent les abonnements au profil 50/5.
  8. Vidéotron a précisé que Câblevision se distingue par le peu de choix qu’elle offre aux consommateurs en matière de forfaits Internet lorsqu’on compare ses offres à celles d’autres entreprises de câblodistribution. Cette offre limitée obligerait les consommateurs à choisir entre des vitesses de 15 Mbps en aval et 125 Mbps en aval. Vidéotron a précisé que le profil 250/20 offert par Câblevision vise un tout autre segment du marché que le profil 50/5, à un prix de gros proposé de plus de 100 % supérieur à celui du profil 50/5, et que le profil 250/20 ne répondrait aucunement au besoin entraîné par la dénormalisation du profil 50/5.
  9. EBOX a ajouté que la nouvelle grille tarifaire proposée par Câblevision représente un écart de 246 % entre les tarifs du profil 15/1,5 et du profil 125/20.
  10. Les ORCC ont appuyé les interventions d'EBOX et de Vidéotron, et ont demandé au Conseil de refuser la demande de dénormalisation de Câblevision. Les ORCC ont fait savoir que le défaut de fournir une explication pour cette demande de retrait constitue, à lui seul, une raison suffisante pour que le Conseil la refuse. En plus, les ORCC ont ajouté que le Conseil ne devrait pas permettre à Câblevision de créer un vide au niveau de l’offre de service dans son territoire en retirant un profil de vitesse intermédiaire. Les ORCC ont qualifié la demande de dénormalisation de Câblevision d’anticoncurrentielle et ont souligné qu'elle illustre une échappatoire potentielle à l’exigence du Conseil relative à une vitesse équivalente.
  11. Câblevision a répliqué qu’elle estime que la dénormalisation du profil 50/5 pour ses clients des services de détail est le seul motif nécessaire pour justifier sa demande de dénormalisation, et que le Conseil n’a pas de motif valable pour la rejeter.
  12. Câblevision a également indiqué qu’en date de la plus récente facturation, le profil 50/5 n’est pas le plus populaire parmi ses clients du service AITP.

Autres enjeux soumis par EBOX

  1. EBOX a demandé au Conseil de forcer Câblevision à offrir une configuration groupée similaire à celle offerte sur les autres marchés, ou que le Conseil reconnaisse le type de configuration en place comme étant de nature dégroupée en raison de son nombre de points d'interconnexion. EBOX a demandé à Câblevision d’adapter ses tarifs de facturation en fonction de la capacité et d’accès à un niveau correspondant à cette réalité.
  2. EBOX a aussi soumis que Câblevision devrait traiter un plus grand nombre de demandes de connexion à son service AITP conformément aux prévisions qui ont été communiquées à Câblevision pour éviter que EBOX ait des frais de capacité qu’elle ne pourra pas recouvrer en l’absence de nouveaux consommateurs connectés.
  3. Enfin, EBOX a soumis que Câblevision a exploité le délai du Conseil pour approuver l’AMT11 afin de retarder le traitement des demandes de connexion à son service AITP pour le profil 250/20 alors que EBOX estime que cette pratique n’était pas nécessaire et que la majorité de ses fournisseurs de gros ne se prévalent pas de cette option règlementaire.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Conformément à l’exigence relative à une vitesse équivalente énoncée dans la politique réglementaire de télécom 2010-632, les entreprises de services locaux titulaires et les entreprises de câblodistribution doivent fournir des services de gros aux mêmes vitesses que celles offertes à leurs clients des services de détail. Câblevision a dénormalisé le profil 50/5 pour ce qui est de ses propres clients des services de détail.
  2. Cependant, le Conseil estime que Câblevision n’a pas fourni de motifs suffisants pour expliquer la nécessité de dénormaliser le profil 50/5, autre que le fait que l’entreprise a dénormalisé le profil 50/5 pour ses propres clients des services de détail, alors que des profils inférieur et supérieur sont toujours disponibles et que des profils de vitesse semblables demeurent disponibles chez d’autres entreprises de câblodistribution au Québec. Le Conseil estime que les motifs fournis par Câblevision ne sont pas suffisants pour satisfaire à la demande de dénormalisation.
  3. Le Conseil fait remarquer qu’actuellement, Câblevision est le seul fournisseur doté d’installations pour offrir un service AITP dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Par ailleurs, le Conseil fait remarquer qu’il a fixé l’objectif du service universel dans la politique réglementaire de télécom 2016-496, dans laquelle il a énoncé que les clients canadiens des services d’accès Internet à large bande fixes de résidence et d’affaires doivent être en mesure d’accéder à des vitesses d’au moins 50 Mbps en aval et 10 Mbps en amont. En établissant ce seuil, le Conseil a tenu compte, entre autres, des vitesses qui ont été mises à la disposition de la grande majorité des Canadiens et de celles qui pourraient s’avérer nécessaires pour eux. Grâce au service AITP de Câblevision, en maintenant le profil 50/5, les consommateurs de la région de l’Abitibi-Témiscamingue auront le choix de s’abonner au service d’accès Internet de Câblevision ou à celui offert par un de ses concurrents.
  4. En plus, le Conseil estime que les profils de vitesse supérieurs offerts par Câblevision, soit ceux de 125/20 et 250/20, ne représentent pas une alternative comparable au profil 50/5 qui était offert aux consommateurs, compte tenu qu’en date de la demande de Câblevision déposée dans le cadre de la présente instance, les frais mensuels associés à ces profils sont deux fois plus élevés (51,25 $ au lieu de 24,98 $). Le Conseil fait aussi remarquer que Câblevision n’a pas offert d’ajouter un profil ressemblant davantage au profil 50/5 qu’aux autres profils déjà en place, ce qui rend la demande de dénormalisation du profil 50/5 prématurée selon le Conseil. En pratique, la dénormalisation du profil 50/5 par Câblevision voudrait dire que de nouveaux clients souhaitant s’abonner à un profil intermédiaire comparable à l’ancienne offre de vitesse seraient obligés de choisir un profil grandement inférieur (profil 15/1,5) ou grandement supérieur (profils 125/20 ou 250/20) à leurs besoins.
  5. Compte tenu des renseignements fournis par Câblevision au sujet des abonnements au profil 125/20 en octobre 2020Note de bas de page 4 et en se fondant sur les chiffres disponibles à cette date, le Conseil estime qu’un certain pourcentage des nouveaux clients du service AITP de Câblevision pourrait être désavantagé par la dénormalisation du profil 50/5 s’il souhaitait s’abonner à un profil supérieur au profil 15/1,5.
  6. La demande de dénormalisation du profil 50/5 de Câblevision pourrait avoir un impact négatif pour les entreprises concurrentes dans les cas où ce profil pourrait représenter la majorité de leurs ventes. Le Conseil fait remarquer que les arguments présentés dans les interventions d’EBOX et de Vidéotron allèguent que le profil 50/5 pourrait attirer une part plus importante de leurs clients. Par conséquent, la dénormalisation du profil 50/5 pourrait limiter considérablement le choix des consommateurs, particulièrement si ce profil était considéré idéal par les consommateurs en termes de prix et de capacité de téléversement et de téléchargement. Le Conseil estime donc que la demande de dénormalisation du profil 50/5 de Câblevision est prématurée compte tenu de l’offre actuelle de service AITP dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue.
  7. Compte tenu de ce qui précède et dans les circonstances, le Conseil refuse la demande de Câblevision de dénormaliser le profil 50/5 dans son service AITP.
  8. Le Conseil estime que les enjeux soulevés par EBOX qui ne sont pas reliés à la demande de dénormalisation du profil 50/5 dépassent la portée de la présente instance.

Le Conseil devrait-il imposer une SAP en vertu de l’article 72.001 de la Loi?

Positions des parties

  1. EBOX a fait valoir que Câblevision n’agit pas de bonne foi, et a demandé au Conseil de lui imposer une SAP en vertu de l’article 72.001 de la Loi étant donné le caractère anticoncurrentiel et répétitif de ces agissements.
  2. Les ORCC ont signalé leur appui à la demande d’EBOX pour ce qui est de l’imposition par le Conseil d’une SAP en vertu de l’article 72.001 de la Loi, compte tenu d’un historique croissant de non-conformité avec les exigences du Conseil, la nature et la portée des règles en question, et les avantages dont Câblevision aurait profité suite aux délais causés par sa non-conformité.
  3. Les ORCC soutiennent aussi que les changements arbitraires de Câblevision, les configurations de capacité de Câblevision et son nombre élevé de points d’interconnexion justifient également l’intervention du Conseil.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Une SAP est un outil à la disposition du Conseil pour favoriser le respect de la Loi, des règlements ou des décisions prises par le Conseil.
  2. Dans le cadre de la présente instance, le Conseil estime qu’une demande de dénormalisation d’un profil de vitesse pour le service AITP ne représente pas en soi une violation au tarif AITP en vigueur ou une violation de la Loi, des règlements ou des décisions prises par le Conseil. Le Conseil n’estime pas que Câblevision ait contrevenu à son tarif AITP ou ait agi de mauvaise foi, puisque le profil de vitesse qui fait l’objet d’une demande de dénormalisation a continué d’être offert aux clients du service AITP.
  3. De plus, le Conseil estime que les enjeux soulevés par EBOX et les ORCC qui ne sont pas reliés à la demande de dénormalisation du profil 50/5 dépassent la portée de la présente instance.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil refuse la demande d’EBOX et des ORCC pour l’imposition d’une SAP à Câblevision.

Instructions

  1. Pour parvenir à ses conclusions, le Conseil a tenu compte des Instructions de 2019 et des objectifs de la politique canadienne de télécommunication décrits aux alinéas 7a), 7b), 7f) et 7h) de la LoiNote de bas de page 5. Le Conseil estime que la dénormalisation du profil 50/5 irait à l’encontre des objectifs énoncés aux alinéas 7b), 7f) et 7h) de la Loi, soit de permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité; de favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication; et de satisfaire aux exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication.
  2. Les Instructions de 2006Note de bas de page 6 exigent que le Conseil s’appuie sur le libre jeu du marché dans toute la mesure du possible et qu’il réglemente, là où il est encore nécessaire de le faire, de façon à ne faire obstacle au libre jeu du marché que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs de la politique de la Loi. Elles exigent également que le Conseil précise, lorsqu’il a recours à des mesures réglementaires, l’objectif de ces mesures. Les conclusions ci-dessus favorisent la réalisation des objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7a), 7b), 7f) et 7h) de la Loi.
  3. Plus exactement, le maintien du profil 50/5 pour le service AITP permettra à des Canadiens d’avoir un plus grand accès à des services de télécommunication de qualité, encouragera la concurrence sur le marché des services de télécommunication et satisfera les exigences en matière de consommation de services de télécommunication par les utilisateurs en Abitibi-Témiscamingue. De plus, cette mesure favorise l’objectif de répondre aux besoins de la population de cette région qui souhaite bénéficier de la concurrence sur le marché des services de télécommunication.
  4. Quant à elles, les Instructions de 2019 précisent que dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi, le Conseil devrait examiner comment ses décisions peuvent promouvoir la concurrence, l’abordabilité, les intérêts des consommateurs et l’innovation. Le Conseil estime que les attentes émises dans la présente ordonnance sont conformes à ces Instructions, notamment en ce qui concerne les sous-alinéas 1a)(i), 1a)(iii), 1a)(iv) et 1a)(v). Plus précisément, les conclusions ci-dessus visent à permettre aux consommateurs de la région de l’Abitibi-Témiscamingue de bénéficier des avantages d’une saine concurrence entre les fournisseurs et font en sorte qu’un accès à des services concurrentiels, abordables et de haute qualité ne soit pas restreint par un fournisseur bénéficiant d’un pouvoir de marché dans les régions de Val d’Or et de Rouyn-Noranda. Au contraire, cette ordonnance vise la réduction des obstacles à l’entrée sur le marché pour les nouveaux joueurs, ce qui favorisera l’abordabilité et encouragera la concurrence dans le marché des services de télécommunication en Abitibi-Témiscamingue.

Secrétaire général

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