Décision de télécom CRTC 2019-423

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Ottawa, le 16 décembre 2019

Dossier public : 8622-V3-201905465 et 8622-V3-201905499

Vidéotron ltée – Demandes concernant i) le refus de Cablevision du Nord de Québec inc. (Cablevision) de signer une entente de service d’Accès Internet aux tierces parties (AITP) et ii) l’accès au service AITP de Cablevision à des prix et à des modalités justes et raisonnables

Le Conseil approuve en partie les deux demandes de Vidéotron ltée (Vidéotron). Le Conseil encourage Cablevision du Nord de Québec inc. (Cablevision) et Vidéotron à poursuivre leurs négociations pour arriver à une entente de service d’Accès Internet aux tierces parties (AITP). Le Conseil ordonne à Cablevision de déposer auprès du Conseil un avis de modification tarifaire lié à son service AITP au plus tard le 3 février 2020, et d’être prête à mettre en œuvre les interconnexions aux points d’interconnexion de Val-d’Or et de Rouyn-Noranda au plus tard le 3 avril 2020.

Contexte

  1. Acquise en 2001 par Télébec, Société en commandite (Télébec), Cablevision du Nord de Québec inc. (Cablevision) est une filiale à part entière de Bell Canada. Par conséquent, dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue, les fournisseurs titulaires des services de téléphonie et de câblodistribution appartiennent à la même famille corporative.
  2. Le Conseil a approuvé le service Accès Internet aux tierces parties (AITP) de Cablevision dans l’ordonnance de télécom 2005-93. Le 16 octobre 2018, Vidéotron ltée (Vidéotron) a communiqué avec Cablevision indiquant son intérêt pour devenir un client du service AITP de cette dernière. 
  3. Malgré des négociations entre les parties de janvier à mai 2019, Cablevision a déposé auprès du Conseil, le 15 mai 2019, un avis de modification tarifaire (AMT) dans lequel Cablevision a demandé l’autorisation de retirer son service AITP à compter du 1er janvier 2020, pour coïncider avec la date de l’amalgamation prévue de Cablevision et de Télébec.
  4. Dans l’ordonnance de télécom 2019-422, le Conseil a rejeté la demande de Cablevision de retirer son service AITP de son Tarif général. Le Conseil a estimé qu’il existe un doute réel quant à l’intention de Cablevision de procéder au retrait du service AITP, à la lumière de l’intérêt de Vidéotron pour ce service ainsi que les discussions et progrès déjà réalisés entre les deux parties pour en arriver à une entente de service.

Demandes

  1. Le Conseil a reçu deux demandes de Vidéotron datées du 10 juillet 2019. La première demande concerne le refus de Cablevision de signer une entente de service AITP (ci-après la première demande).
  2. Vidéotron a également demandé que le Conseil traite la première demande de manière expéditive. À la lumière des enjeux soulevés, le Conseil a traité la première demande selon une procédure accélérée et a fait parvenir aux deux parties une lettre à cet effet le 18 juillet 2019.
  3. La deuxième demande de Vidéotron concerne l’accès des concurrents au service AITP de Cablevision à des prix et à des modalités justes et raisonnables (ci-après la deuxième demande).

Questions

  1. Le Conseil a établi qu’il devait se prononcer sur les questions suivantes dans la présente décision :
    • En réponse à la première demande, le Conseil devrait-il exiger que Cablevision offre son service AITP à Vidéotron? 
    • Si oui, en réponse à la deuxième demande, selon quelles conditions Cablevision devra-t-elle offrir son service AITP à Vidéotron?

Le Conseil devrait-il exiger que Cablevision offre son service AITP à Vidéotron? 

Positions des parties

  1. Vidéotron a signalé qu’elle a communiqué avec Cablevision le 16 octobre 2018 pour indiquer son intérêt de devenir client du service AITP de cette dernière. Des négociations formelles ont eu lieu entre les deux entreprises durant lesquelles Cablevision a, entre autres, fourni à Vidéotron un projet d’entente-cadre de services de gros et un projet d’annexe de service AITP. Le 12 mars 2019, Cablevision a également fourni à Vidéotron une ébauche du rapport sur la conception et les coûts pour ses points d’interconnexion à Val-d’Or et à Rouyn-Noranda.
  2. Le 4 juin 2019, Vidéotron a indiqué à Cablevision qu’elle était prête à signer l’entente-cadre de services de gros et l’annexe de service AITP. Vidéotron a produit des versions finales de l’entente-cadre de services de gros et de l’annexe de service AITP, les a signées et les a envoyées le 8 juillet 2019 à Cablevision pour signature. Vidéotron a également produit elle-même une version du rapport sur la conception et les coûts, l’a signée et l’a envoyée à Cablevision le 9 juillet 2019. Dans les deux cas, Cablevision n’a pas répondu aux demandes de Vidéotron.
  3. Vidéotron a soutenu que le refus de Cablevision de signer les documents constitue un abus flagrant de la part d’un fournisseur titulaire qui cherche à bloquer la concurrence dans son marché.
  4. Cablevision a soutenu que si le Conseil approuve sa demande de retirer son service AITP, il lui apparaît peu opportun d’entamer un processus d’interconnexion avec Vidéotron puisque ce processus deviendrait caduc peu après.
  5. Cablevision a noté que même si elle devait permettre à Vidéotron de s’abonner à son service AITP, il resterait plusieurs détails à finaliser avant d’aller de l’avant.
  6. De plus, Cablevision a affirmé que son service AITP n’est pas un service que le Conseil a ordonné d’offrir dans le cadre de la décision 2001-45, mais plutôt un service qu’elle a volontairement introduit en 2005Note de bas de page 1 et qu’elle propose maintenant, tout simplement, de retirer.
  7. SSi Micro Ltd. (SSi) a appuyé la première demande de Vidéotron en rappelant que d’offrir un service AITP était une manière pour Télébec de respecter son engagement, pris au moment de son acquisition de Cablevision, d’adopter une politique de réseau ouvert permettant aux tierces parties d’y avoir accèsNote de bas de page 2.
  8. Vidéotron s’est également opposée à l’argument de Cablevision selon lequel son engagement d’adopter une politique de réseau ouvert, permettant à des tiers d’y avoir accès, a une durée de vie limitée. Vidéotron a aussi argumenté que rien, ni dans la Loi sur les télécommunications (Loi) ni dans la décision 2001-45, ne permet à Cablevision de se soustraire à ses obligations simplement parce qu’elle croit que le moment est propice.
  9. SSi a soutenu que le refus de Cablevision de fournir son service AITP à Vidéotron constitue une discrimination injuste à l’égard de Vidéotron et une préférence indue accordée à Cablevision, contrevenant ainsi au paragraphe 27(2) de la Loi.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil n’a pas ordonné la mise en place du service AITP de Cablevision. Toutefois, Télébec s’est engagée auprès du Conseil, lors de son acquisition de Cablevision en 2001, d’adopter une politique de réseau ouvert, permettant à des tiers d’y avoir accès et d’offrir leurs propres services de distribution de programmation, d’application Internet ou de téléphonie, en concurrence ou en coopération avec Cablevision et Télébec. Cablevision n’a eu aucun problème à tenir cet engagement jusqu’au moment où un compétiteur s’est intéressé à son service AITP.
  2. Le Conseil rappelle que tant et aussi longtemps que le tarif de service AITP de Cablevision reste en vigueur, Cablevision a l’obligation d’offrir le service à ses concurrents démontrant un intérêt réel pour ce service. Cette obligation découle du paragraphe 27(2) de la Loi concernant la discrimination injuste. C’est seulement advenant une décision du Conseil d’approuver le retrait de ce service que Cablevision pourrait refuser de l’offrir à un concurrent.
  3. Malgré les négociations en cours entre les deux parties, Cablevision a déposé auprès du Conseil un AMT visant le retrait de son service AITP dans laquelle elle a indiqué qu’aucun fournisseur concurrent n’avait manifesté d’intérêt réel pour ce service. Même si Cablevision n’avait pas l’obligation d’offrir le service, compte tenu des négociations en cours, le Conseil estime que le fait de ne pas avoir informé Vidéotron de sa démarche auprès du Conseil de retirer son service AITP démontre que Cablevision ne négociait pas de bonne foi avec son concurrent potentiel. Le Conseil note qu’il a rejeté l’AMT dans l’ordonnance de télécom 2019-422 également publiée aujourd’hui.
  4. Le Conseil est convaincu que les négociations amorcées par Vidéotron avec Cablevision démontrent un intérêt réel de Vidéotron pour le service AITP de Cablevision.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil ordonne à Cablevision de fournir son service AITP à tout concurrent ayant un intérêt réel pour ce dernier, comme l’a démontré Vidéotron dans ce cas-ci, aussi longtemps que le tarif de ce service demeure en vigueur.

Selon quelles conditions Cablevision devra-t-elle offrir son service AITP à Vidéotron?

Positions des parties

  1. Selon Vidéotron, il n’est pas crédible que les modalités du service AITP de Cablevision doivent se conformer uniquement aux règles applicables aux petites entreprises de câblodistribution. Étant une filiale de Bell Canada, il n’apparaît également pas crédible à Vidéotron que Cablevision soit incapable, entres autres, d’appliquer des frais et des conditions de test qui soient comparables à ceux des autres entreprises de câblodistribution.
  2. De plus, Vidéotron a soutenu qu’il existe des indicateurs importants voulant que les taux tarifaires de Cablevision ne sont plus justes et raisonnables. Vidéotron a fait remarquer que les taux tarifaires des grandes entreprises de câblodistribution, sur lesquels Cablevision s’est basée historiquement pour fixer ses propres taux, ont depuis été modifiés de façon substantielle par le Conseil.
  3. Cablevision a souligné que les taux et les termes de son Tarif général ont tous reçu l’approbation du Conseil et qu’ils sont conformes au régime établi par le Conseil quant au service AITP offert par les petites entreprises de câblodistribution, le régime n’étant pas identique pour les petites entreprises et les grandes entreprises.
  4. Cablevision a indiqué que considérant les changements substantiels que Vidéotron a proposé à son service AITP, il n’est pas clair pour Cablevision que Vidéotron ait un intérêt réel à s’abonner au service AITP dans sa forme actuelle.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil trouve raisonnable la demande de Vidéotron d’ordonner des modifications au Tarif général de Cablevision afin que celui-ci soit conforme aux diverses décisions et ordonnances du Conseil en matière du service AITP.
  2. Le Tarif général de Cablevision n’a fait l’objet d’aucune révision par le Conseil depuis mars 2014. Cablevision n’a pas demandé de réviser ses taux tarifaires lorsque le Conseil a révisé les taux tarifaires des grandes entreprises de câblodistribution sur lesquels Cablevision s’est calquéeNote de bas de page 3. Toutefois, afin de procéder de façon efficace et de ne pas retarder indûment ce processus et l’offre de service AITP à un taux juste et raisonnable, le Conseil ordonne à Cablevision de réviser et de mettre à jour ses pages tarifaires liées au service AITP et de les soumettre auprès du Conseil pour approbation, au plus tard le 3 février 2020. Le taux déposé devra être basé soit sur une étude de coûts récente, soit sur les taux des câblodistributeurs pour les services groupés déjà approuvés par le Conseil.
  3. Cela dit, les négociations entre les parties pour établir une entente hors tarif sont permises et encouragées, et le Conseil estime que des négociations de bonne foi pour arriver à une entente de service AITP est le meilleur mécanisme pour résoudre les différends entre les deux parties. Cependant, en l’absence d’une entente hors tarif entre Cablevision et un concurrent (incluant Vidéotron), le tarif révisé sera applicable à toute entente de service AITP entre Cablevision et ce concurrent.

Conclusion

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil approuve en partie les deux demandes de Vidéotron. Le Conseil :
    1. encourage les deux parties à poursuivre les négociations, entamées avant le dépôt de l’AMT de Cablevision, afin d’arriver, si possible, à une entente de service hors tarif.
    2. ordonne à Cablevision de fournir son service AITP à tout concurrent ayant un intérêt réel pour ce dernier, aussi longtemps que le tarif de ce service demeure en vigueur.
    3. ordonne à Cablevision de déposer auprès du Conseil un avis de modification tarifaire lié à son service AITP au plus tard le 3 février 2020. Le taux déposé devra être basé soit sur une étude de coûts récente, soit sur les taux des câblodistributeurs pour les services groupés déjà approuvés par le Conseil.
    4. ordonne à Cablevision d’être prête à mettre en œuvre les interconnexions aux points d’interconnexion de Val-d’Or et de Rouyn-Noranda au plus tard le 3 avril 2020. Les prix et les modalités de ces interconnexions seront dictés soit par une entente de service hors tarif (voir la conclusion a) ci-dessus) soit par le tarif révisé de Cablevision, tel qu’approuvé par le Conseil (voir la conclusion c) ci-dessus) en l’absence d’une entente hors tarif.

Instructions de 2019

  1. Le Conseil estime que le fait que Cablevision fournisse son service AITP à Vidéotron est conforme aux Instructions de 2019Note de bas de page 4 ainsi qu’aux objectifs de la politique canadienne de télécommunication décrits aux alinéas 7 a), b), f) et h) de la LoiNote de bas de page 5. Plus particulièrement, les conclusions du Conseil visent à encourager toutes formes de concurrence et à différencier les offres de services (respectivement sous-alinéa 1a)(i) et 1a)(vi) des Instructions de 2019). En effet, les conclusions du Conseil permettront à d’autres fournisseurs de services de télécommunication de mettre en œuvre une réelle concurrence en Abitibi-Témiscamingue et d’offrir ainsi des services différenciés.

Secrétaire général

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