Décision de radiodiffusion CRTC 2018-476
Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 13 octobre 2017
Ottawa, le 17 décembre 2018
Bell Média inc.
L’ensemble du Canada
Dossier public de la présente demande : 2017-0943-7
Admissibilité des dépenses liées aux avantages tangibles engagées par Bell Média inc. pour l’année de radiodiffusion 2013-2014
Après avoir examiné les renseignements fournis par Bell Média inc. (Bell) dans sa demande en vue d’infirmer, en partie, la décision énoncée dans une lettre de décision datée du 15 mai 2017 concernant les exigences en matière d’avantages tangibles, le Conseil refuse la demande de Bell et confirme cette décision dans son intégralité.
Le Conseil ordonne à Bell de payer le manque à gagner total de 433 120 $ à l’égard des avantages tangibles en allouant cette somme aux projets indiqués dans la présente décision et de déposer une preuve de paiement au plus tard le 16 janvier 2019.
Contexte
- Dans une lettre de décision datée du 15 mai 2017, le Conseil a informé Bell Média inc. (Bell) qu’une vérification a révélé que plusieurs des dépenses déclarées comme ayant été engagées pour remplir ses exigences au titre des avantages tangibles pour l’année de radiodiffusion 2013-2014 posaient problème. Ces exigences ont été imposées à Bell à la suite des décisions de radiodiffusion 2007-165, 2007-368, 2011-163 et 2013-310. Plus précisément, il a été déterminé que les dépenses suivantes ne respectaient pas les critères d’admissibilité énoncés dans l’avis public de radiodiffusion 2006-158 (la politique sur la radio commerciale) :
Projet Motif Montant Aboriginal Voices Radio (AVR) Les contributions en nature ne respectent pas les exigences liées aux contributions au titre du développement du contenu canadien (DCC). 97 398 $ Semaine de la musique canadienne Les fonds versés pour le paiement du cachet et des frais de voyage d’une artiste non canadienne ne respectent pas les exigences liées au DCC.
Les documents appuyant l’admissibilité de la contribution ne sont pas suffisants, particulièrement en ce qui a trait à la distribution des billets.493 893 $ Total 591 291 $ - Dans la lettre, le Conseil ordonnait à Bell de régler le solde associé aux dépenses non admissibles au plus tard le 14 août 2017 et de déposer une preuve de paiement au plus tard le 12 septembre 2017.
Demande
- Bell a déposé une demande afin de demander au Conseil d’infirmer une partie de sa décision concernant l’inadmissibilité des dépenses liées à la Semaine de la musique canadienne qui avaient été consacrées au festival Fanfest.
- Bell ne conteste pas les conclusions tirées à l’égard de l’inadmissibilité des dépenses consacrées à AVR (97 398 $) et accepte également, en partie, la décision du Conseil concernant le versement de fonds à une artiste non canadienne, Ellie Goulding, qui était la tête d’affiche du festival Fanfest.
- Cependant, Bell déclare qu’il a fourni suffisamment de renseignements pour répondre aux questions soulevées pendant la vérification. Bell ajoute que ce n’est qu’après que le Conseil a déterminé qu’il était en situation de non-conformité qu’il a été informé que le Conseil s’est appuyé sur le communiqué de presse qu’il a publié le 28 mars 2014 pendant sa vérification pour remettre en question la véracité des renseignements fournis.
- Bell a soutient que si on lui avait fourni ce communiqué pendant la vérification, il aurait été en mesure de répondre à toutes les préoccupations du Conseil. N’ayant pas eu cette occasion, Bell fait valoir qu’un processus adéquat n’a pas été suivi.
- Bell exprime également des préoccupations relativement à la conclusion du Conseil selon laquelle les documents fournis, particulièrement au sujet de la distribution des billets, n’étaient pas suffisants pour appuyer l’admissibilité des contributions versées au festival Fanfest. Bell affirme que le Conseil lui a demandé de fournir des détails sur la façon dont les billets ont été distribués et que c’est ce qu’il a fait. Cependant, Bell déclare que le Conseil ne lui a pas demandé de fournir des documents sur la distribution des billets, mais plutôt de fournir seulement les reçus et les contrats relativement à certains coûts énumérés. Selon Bell, les revenus tirés de la vente de billets ne constituaient pas un coût et c’est pourquoi il n’a fourni aucun document à cet effet. Bell fait remarquer qu’il a été déterminé qu’un autre projet d’avantages tangibles (la série de spectacles de la relève canadienne), pour lequel des billets avaient aussi été vendus, était entièrement conforme à la politique du Conseil en dépit du fait que Bell n’a fourni aucun document concernant la distribution des billets pour ce projet.
Interventions
- Rogers Media Inc. (Rogers) et Corus Entertainment Inc. (Corus) ont déposé des interventions à l’appui de la demande de Bell.
- Rogers affirme qu’il est déraisonnable de s’attendre à ce que Bell prouve qu’il respectait ses obligations réglementaires alors que les préoccupations ou les preuves à l’égard de sa présumée non-conformité ne lui ont pas été communiquées avant qu’une décision définitive soit rendue. Rogers fait remarquer que, dans ce contexte, il est important de suivre un processus adéquat, alléguant que les titulaires doivent avoir l’occasion de répondre aux éléments de preuve sur lesquels le Conseil s’appuie pendant une évaluation de la conformité.
- De même, Corus fait remarquer que tous les titulaires doivent légitimement s’attendre à avoir une véritable chance de s’exprimer sur les questions qui pourraient constituer le fondement d’une décision défavorable et que les principes de justice naturelle sont des principes directeurs qui déterminent comment des tribunaux administratifs comme le Conseil doivent se conduire. Corus soutient également soutenu qu’il y a eu déni de justice naturelle lorsque Bell n’a pas eu la possibilité explicite d’expliquer comment le communiqué de presse qu’il a publié au sujet du festival Fanfest était entièrement conforme aux politiques et aux règlements du Conseil.
Analyse et décisions du Conseil
Prise en compte du communiqué de presse
- L’article 31(1) de la Loi sur la radiodiffusion stipule que les décisions et ordonnances du Conseil sont définitives et sans appel. Le Conseil doit néanmoins s’assurer que ses processus sont menés de manière équitable et transparente, y compris de donner aux parties la possibilité de prendre connaissance des éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour rendre ses décisions et de formuler des commentaires à cet égard. Dans le cas présent, Bell a démontré qu’il n’a pas eu la possibilité de formuler des commentaires à l’égard de certains des éléments de preuve sur lesquels le Conseil s’est fondé pour rendre sa décision, plus particulièrement le communiqué de presse du 28 mars 2014. En conséquence, le Conseil conclut qu’il est approprié de faire exception à l’article 31(1) afin d’étudier la présente demande de Bell.
- Dans le cadre de la présente demande, Bell a pleinement profité de l’occasion de présenter des observations supplémentaires sur le communiqué de presse du 28 mars 2014, ainsi que d’expliquer pourquoi sa distribution de billets pendant le festival Fanfest était acceptable. Par conséquent, toutes les préoccupations relatives à l’exécution d’un processus adéquat soulevées par Bell en ce qui a trait à la possibilité de formuler des commentaires sur le communiqué de presse du 28 mars 2014 sont maintenant résolues.
Transparence
- Avant que le Conseil décide s’il doit infirmer sa décision antérieure, il estime qu’il est important de souligner les préoccupations relatives à la transparence démontrée par Bell au cours du processus de vérification.
- Le bulletin d’information de radiodiffusion 2011-795 indique aux titulaires quels renseignements doivent être inclus dans les formulaires de contribution au DCC qui doivent être déposés en même temps que leurs rapports annuels. En ce qui concerne les versements aux festivals de musique, il indique que la documentation devrait comprendre les pièces à l’appui suivantes : le programme de l’événement comme preuve qu’il a eu lieu, une lettre de l’organisation récipiendaire confirmant les fins du financement, ainsi qu’un résumé expliquant comment l’événement correspond aux critères d’un projet admissible. De plus, la documentation à l’appui doit toujours indiquer les revenus générés par l’événement, le nom de l’organisation qui a bénéficié de ces revenus, la façon dont les billets d’entrée ont été distribués au public, le nom des artistes qui ont été commandités par le financement, ainsi qu’une preuve que le titulaire est indépendant du récipiendaire.
- Dans son rapport annuel de 2013-2014, Bell n’a pas fourni de détails sur la façon dont les billets d’entrée au festival Fanfest, qui a été déclaré comme une contribution au titre du DCC, ont été distribués et le traitement des revenus associés. De plus, dans son rapport annuel, Bell n’a ni souligné ni justifié le parrainage de l’artiste non canadienne. Enfin, même si Bell a répondu aux demandes subséquentes de précisions formulées pendant le processus de vérification, sa réponse ne contenait pas suffisamment de détails quant à la façon dont l’initiative respecte les paramètres de la politique sur la radio commerciale et les lignes directrices à l’intention des titulaires concernant les initiatives admissibles au titre du DCC, que l’on peut consulter sur le site web du Conseil, à la page intitulée « Contributions au titre du développement du contenu canadien et initiatives admissibles » (les lignes directrices) et à la façon dont le festival Fanfest a offert une exposition optimale aux artistes canadiens.
- Le Conseil estime que Bell n’a pas fait preuve d’ouverture pendant le processus de vérification qui a mené à la décision du 15 mai 2017 et n’a pas fourni des renseignements à l’appui complets, particulièrement au sujet de la distribution des billets, ce qui a empêché le Conseil de déterminer si cette initiative était admissible.
- Dans sa présente demande, Bell a fourni des renseignements qu’il n’avait pas fournis dans son rapport annuel de 2013-2014 et dans les mémoires qu’il a déposés durant le processus de vérification initiale, alors qu’il avait eu l’occasion de les fournir.
- Par conséquent, le Conseil rappelle à Bell qu’il incombe aux titulaires de fournir des documents suffisants pour démontrer l’admissibilité de leurs contributions. Les titulaires qui ne respectent pas cette exigence s’exposent à ce que leurs contributions soient jugées non admissibles et exposent, par voie de conséquence, leurs stations à un risque de non-conformité à leurs obligations réglementaires.
- Le Conseil s’attend à ce que les titulaires fassent preuve d’ouverture pendant le processus de vérification en lui fournissant les renseignements dont il a besoin pour surveiller et réglementer de façon appropriée le système de radiodiffusion canadien.
- Un titulaire qui ne dépose pas toute la documentation à l’appui relativement à ses contributions au titre du DCC et des avantages tangibles nuit à la capacité du Conseil de confirmer de façon indépendante la conformité du titulaire en cause à l’égard des exigences liées à la réglementation ou à sa licence. Ces dépôts sont des indicateurs importants qui permettent d’établir si le titulaire a la volonté, la capacité et les connaissances nécessaires pour atteindre la conformité et la maintenir.
La décision devrait-elle être infirmée?
- Le Conseil estime que le principal problème associé à l’admissibilité du festival Fanfest en tant que projet au titre des avantages tangibles est la mise en vedette d’une artiste non canadienne comme tête d’affiche du festival. Selon le Conseil, une telle approche en matière de DCC va à l’encontre de sa politique sur la radio commerciale. Plus particulièrement, le Conseil a clairement établi que les sommes versées au titre du DCC doivent être utilisées pour soutenir, former, développer ou promouvoir les talents canadiens dans les domaines de la musique et de la création orale, y compris les journalistes.
- Le cachet versé à une artiste non canadienne dans le cadre de ce projet représentait le coût le plus élevé des dépenses totales liées au DCC de 493 893 $ déclarées par Bell. Le Conseil demeure d’avis que cette dépense n’est pas admissible en raison de sa proportion par rapport aux dépenses totales liées au DCC qui ont été déclarées. Le Conseil est également d’avis que la nature de cette dépense ne concorde pas avec l’esprit de la politique sur la radio commerciale et qu’elle doit donc être refusée.
- Dans le cadre de la demande de la Partie 1, le Conseil a aussi examiné de nouveau la question de la distribution des billets en tenant compte des éléments de preuve supplémentaires fournis par Bell et est d’avis que la manière dont les billets ont été distribués, bien qu’elle ne soit pas un critère déterminant, constitue un motif additionnel pour déterminer que l’ensemble du projet n’est pas admissible. Plus précisément, dans le cadre de ce processus, Bell a fourni un compte rendu complet de la façon dont les billets ont été distribués pendant le festival Fanfest. En tout, 2 703 personnes ont pris part au festival Fanfest. Sur la totalité des billets d’entrée distribués, 400 étaient offerts seulement à des « gagnants d’un concours » organisé par CHUM‑FM, une station de radio de Bell, dans le cadre duquel les auditeurs devaient appeler la station à des moments précis lorsqu’ils entendaient une pièce des artistes participant à l’événement afin de gagner des billets. De plus, 275 billets ont été remis à des invités de l’industrie. Par conséquent, 675 billets pour l’événement n’avaient pas été mis à la disposition du grand public.
- Dans la décision de radiodiffusion 2007-359, le Conseil a fait remarquer que sa politique de longue date relative aux avantages tangibles insiste sur le fait que les sommes doivent être confiées à des tierces parties et qu’elles ne doivent pas avantager les parties intéressées ni représenter des paiements supplémentaires (c.-à-d. des paiements qui s’ajoutent au cours normal des affaires). À cet égard, les lignes directrices permettent de mieux comprendre comment les sommes et les avantages tangibles versés au titre du DCC doivent être utilisés pour soutenir, développer ou promouvoir les talents canadiens dans les domaines de la musique et de la création orale et respecter la condition suivante :
Les concerts présentant des artistes canadiens doivent offrir aux artistes une exposition optimale en étant ouverts au grand public et en ne se limitant pas aux gagnants de concours présentés par la station, ni aux « fidèles auditeurs » ou aux clients de celle-ci. Les aspects promotionnels ne doivent être qu’un volet mineur de l’événement public.
- Dans le cas présent, la distribution de 400 billets à des auditeurs posait problème. Même si aucune limite ou valeur précise n’a été établie en ce qui concerne les billets d’entrée qui avantagent les parties intéressées, dans le contexte d’une tête d’affiche non canadienne, l’utilisation des billets devient un facteur lorsque les sommes admissibles totales versées au titre des avantages tangibles sont prises en compte et renforce la conclusion selon laquelle cette dépense n’est pas admissible. Dans le présent cas, Bell avait possiblement la possibilité de négocier la tête d’affiche non canadienne à des fins de promotion et de marketing.
- En outre, même si Bell fait valoir qu’il a été déterminé qu’un autre projet, à savoir la série de spectacles de la relève canadienne, était admissible, les faits de ce cas diffèrent et ne s’appliquent pas à l’évaluation du présent projet. Premièrement, la série de spectacles de la relève canadienne mettait en vedette des artistes canadiens. Deuxièmement, ce n’est qu’après avoir demandé des renseignements supplémentaires dans le cadre de ce processus que le Conseil a appris qu’environ 25 % des billets disponibles étaient réservés à des gagnants d’un concours ou à des employés de la station. Si Bell avait fourni cette information dans ses rapports annuels ou pendant la période de vérification, le Conseil en serait peut-être venu à une conclusion différente à l’égard de ce projet. De plus, ceci soulève également une préoccupation distincte à savoir si la documentation à l’appui relativement à ses contributions au titre du DCC et des avantages tangibles fournie par Bell au Conseil pour son examen réglementaire est complète, tel que discuté ci-dessus.
- Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que le projet en question n’est pas un projet admissible qui permet au titulaire de respecter ses exigences relativement aux avantages tangibles.
Conclusion
- Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil refuse la demande de Bell qui lui demandait d’infirmer sa décision énoncée dans la lettre de décision du 15 mai 2017 et confirme cette décision dans son intégralité.
- En tenant compte des avantages tangibles admissibles déjà payés par BellNote de bas de page 1, le Conseil ordonne à Bell de payer le manque à gagner total de 433 120 $ à l’égard de ses contributions au titre des avantages tangibles en allouant cette somme aux projets suivants et de déposer une preuve de paiement au plus tard le 16 janvier 2019 :
- 99 730 $ à la FACTOR;
- 73 517 $ à MUSICACTION;
- 43 312 $ au Fonds canadien de la radio communautaire;
- 124 664 $ au Radio Starmaker Fund;
- 91 897 $ au Fonds Radiostar.
Secrétaire général
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