Décision de télécom CRTC 2017-459

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Ottawa, le 20 décembre 2017

Numéros de dossiers : 8662-B2-201612391 et avis de modification tarifaire 7524 de Bell Canada

Bell Canada – Demande de révision et de modification de la décision de télécom 2016-379 concernant la mise en œuvre d’un point de branchement externe pour le service d’accès haute vitesse de gros dégroupé

Le Conseil rejette la demande présentée par Bell Canada en vue de faire réviser et modifier l’exigence énoncée dans la décision de télécom 2016-379 selon laquelle la compagnie est tenue de fournir un accès à un point de branchement externe pour aider l’interconnexion des concurrents au service d’accès haute vitesse de gros dégroupé. Le Conseil conclut qu’il n’a pas commis d’erreur de fait ou de droit.

Introduction

  1. Dans la politique réglementaire de télécom 2015-326, le Conseil a obligé les grandes entreprises titulaires à offrir un service d’accès haute vitesse (AHV) de gros dégroupé, notamment au moyen d’installations d’accès par fibre jusqu’aux locaux des abonnés. La mise en œuvre du service AHV de gros dégroupé devait se faire graduellement, en commençant par les provinces de l’Ontario et du Québec, et s’applique à Cogeco Connexion Inc.Note de bas de page 1, à Rogers Communications Canada Inc.Note de bas de page 2 et à Vidéotron s.e.n.c. (collectivement les câblodistributeurs) ainsi qu’à Bell Canada. Cette décision a été prise dans le but de fournir aux Canadiens davantage de choix de services, comme l’accès Internet à large bande, et un tel choix accru est censé favoriser la concurrence et, par conséquent, entraîner d’autres investissements dans les installations de télécommunication.
  2. Dans la décision de télécom 2016-379, le Conseil a examiné les configurations proposées par Bell Canada et les câblodistributeurs pour la mise en œuvre de leurs services AHV de gros dégroupés respectifs. Dans le cadre de ses diverses décisions, le Conseil a estimé qu’un point de branchement externeNote de bas de page 3 était l’endroit approprié pour raccorder les installations de transport des concurrents au service des câblodistributeurs, qui correspond à la méthode d’interconnexion qu’ils utilisent actuellement pour leur service AHV de gros groupé. Quant à Bell Canada, bien que sa méthode d’interconnexion actuelle soit la co-implantation dans ses centraux, le Conseil a jugé que la compagnie devrait fournir un point de branchement externe semblable à celui des câblodistributeurs.
  3. Par conséquent, le Conseil a ordonné à Bell Canada de fournir un point de branchement externe pour l’interconnexion de ses concurrents en plus de son option existante de co-implantation tariféeNote de bas de page 4.
  4. Dans l’avis de modification tarifaire 7524 daté du 31 janvier 2017 et modifié le 14 février 2017, Bell Canada a proposé des tarifs pour son point de branchement externe. Le 29 août 2017, le Conseil a établi provisoirement ces tarifs proposés dans l’ordonnance de télécom 2017-312.

Demande

  1. Le Conseil a reçu une demande présentée par Bell Canada datée du 2 décembre 2016 et modifiée le 9 décembre 2016 et le 19 mai 2017, dans laquelle la compagnie demandait au Conseil de réviser, de modifier et de suspendre certaines conclusions tirées dans la décision de télécom 2016-379. Plus précisément, Bell Canada a demandé que le Conseil élimine son exigence de mettre en œuvre un point de branchement externe en plus de son service existant de co-implantation pour le service AHV de gros dégroupé. Bell Canada a également demandé un arrêt des procédures concernant cette exigence, laquelle demande a été refusée par le Conseil dans une lettre datée du 22 décembre 2016.
  2. Bell Canada a fait valoir que le Conseil a commis une erreur de fait dans la décision de télécom 2016-379 en l’obligeant à offrir un point de branchement externe pour son service AHV de gros dégroupé parce que les coûts élevés de la co-implantation pourraient restreindre la capacité des concurrents à être compétitifs sur les marchés en aval.
  3. Bell Canada a soutenu que le Conseil a commis deux erreurs de droit dans la décision de télécom 2016-379. Plus précisément, Bell Canada a indiqué que la décision du Conseil de lui imposer la mise en œuvre d’un point de branchement externe va à l’encontre des exigences des InstructionsNote de bas de page 5, selon lesquelles les mesures réglementaires du Conseil doivent :
    • être appliquées de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence;
    • être efficaces et proportionnelles aux buts visés et se fier, dans la plus grande mesure du possible, au libre jeu du marché.
  4. Le Conseil a reçu des interventions à l’égard de la demande de Bell Canada de la part de la British Columbia Broadband Association (BCBA), du Consortium des Opérateurs de Réseaux Canadiens Inc. (CORC), de TELUS Communications Inc. (TCI)Note de bas de page 6, de Vaxination Informatique (Vaxination) et de Zayo Canada Inc. (Zayo, anciennement Allstream Inc.). On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 12 juin 2017. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca ou au moyen des numéros de dossiers indiqués ci-dessus.

Critères de révision et de modification

  1. Le Conseil a précisé, dans le bulletin d’information de télécom 2011-214, les critères qu’il utilisera pour évaluer les demandes de révision et de modification présentées en vertu de l’article 62 de la Loi sur les télécommunications. En particulier, le Conseil a déclaré que les demandeurs doivent faire la preuve qu’il existe un doute réel quant à la justesse de la décision initiale, par exemple en raison : i) d’une erreur de droit ou de fait; ii) d’un changement fondamental dans les circonstances ou les faits depuis la décision; iii) du défaut de considérer un principe de base qui avait été soulevé dans l’instance initiale; iv) d’un nouveau principe découlant de la décision.

Questions

  1. Le Conseil a déterminé que les questions ci-après devraient être examinées dans la présente décision :
    • Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait en décidant dans la décision de télécom 2016-379 d’obliger Bell Canada à fournir un point de branchement externe au motif que cette solution serait plus abordable que la co-implantation?
    • La conclusion tirée par le Conseil dans la décision de télécom 2016-379, qui oblige Bell Canada à fournir un point de branchement externe, va-t-elle à l’encontre de l’exigence des Instructions selon laquelle les mesures réglementaires doivent être appliquées de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence?
    • La conclusion tirée par le Conseil dans la décision de télécom 2016-379, qui oblige Bell Canada à fournir un point de branchement externe, va-t-elle à l’encontre des exigences des Instructions selon lesquelles les mesures réglementaires doivent être efficaces et proportionnelles aux buts visés et ne faire obstacle au libre jeu du marché que dans la mesure minimale nécessaire?

Le Conseil a-t-il commis une erreur de fait en décidant dans la décision de télécom 2016-379 d’obliger Bell Canada à fournir un point de branchement externe au motif que cette solution est plus abordable que la co-implantation?

Positions des parties

  1. Bell Canada a fourni des éléments de preuve concernant les coûts associés aux quatre différents types d’options de co-implantation qu’elle offre, dont la co-implantation de Type 2 et la co-implantation virtuelle, car des frais moins élevés sont souvent associés à ces options. Bell Canada a ajouté que les concurrents n’ont pas besoin d’avoir recours à la co-implantation et ont l’option de prendre des dispositions avec une partie co-implantée au central où ils offriraient le service AHV de gros dégroupé.
  2. Bell Canada a indiqué qu’à la lumière d’un examen de tous ses frais de co-implantation compilés depuis 2009, les frais initiaux moyens et les frais récurrents mensuels pour la co-implantation étaient respectivement de 54 455 $ et de 1 603 $ et que les frais initiaux et les frais récurrents mensuels les moins élevés étaient respectivement de 25 281,56 $ et de 762 $, ce qui est bien moins que les centaines de milliers de dollars allégués par Zayo dans les observations qu’elle a formulées dans le cadre de l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-379.
  3. TCI a fourni des exemples récents de ses frais de co-implantation facturés à ses clients de gros qui, à son avis, démontraient que les allégations au sujet des frais de co-implantation élevés formulées par le CORC et Zayo dans le cadre de cette instance n’étaient pas raisonnables.
  4. Bell Canada a ajouté qu’étant donné que, selon un exemple à Toronto, les coûts de la co-implantation ne représentent qu’une petite partie des coûts de transport, la nécessité de mettre en œuvre un point de branchement externe, qui représente une cinquième option d’interconnexion, n’est pas justifiée.
  5. Bell Canada a indiqué que, dans la plupart des cas, les coûts initiaux de la co-implantation relativement à la prise en charge du service AHV de gros dégroupé devaient varier entre 8 356 $ et 24 943 $ et que les frais mensuels devaient varier entre 505 $ et 1 050 $, selon l’équipement requis. Bell Canada a présenté les hypothèses qu’elle a utilisées pour établir des estimations. Bell Canada a ajouté que ces estimations comprenaient des frais de gestion des projets, mais pas l’installation du câble de l’entreprise interconnectée puisque les fournisseurs de services paient, depuis 2009, des entrepreneurs pour faire entrer leur fibre optique dans les centraux de Bell Canada.
  6. Bell Canada, appuyée par TCI, a indiqué que les frais de co-implantation pour le service AHV de gros dégroupé étaient, dans la plupart des cas, susceptibles d’être plus bas que les frais de co-implantation historiques en raison des exigences minimes en matière d’espace et d’alimentation et des liaisons d’interconnexion simplifiées qui n’ont pas de frais récurrents mensuels. Bell Canada a ajouté qu’une comparaison de ses frais de co-implantation pour le service AHV de gros dégroupé par rapport aux frais associés au point de branchement externe proposés dans l’avis de modification tarifaire 7524 démontre que ces frais sont semblables et ne justifieraient pas l’exigence d’une option supplémentaire de point de branchement externe.
  7. Le CORC a indiqué que, si la co-implantation était la seule option d’interconnexion de Bell Canada pour le service AHV de gros dégroupé, son coût connexe élevé aurait une incidence sur la capacité d’un concurrent à mettre en œuvre des services concurrentiels par fibre optique et entraînerait un fardeau financier supplémentaire en raison de l’interconnexion requise à plusieurs endroits pour obtenir la zone de rayonnement désirée pour le service.
  8. Le CORC a signalé qu’en fonction des frais de co-implantation actuels que ses membres paient à Bell Canada, les frais minimaux liés à la « gestion de projets » et à la « préparation de l’espace » s’élevaient à environ 20 000 $. De plus, le CORC a indiqué que le coût requis pour aller de la fibre optique dans le trou d’homme et la transférer dans l’équipement de transmission du central dépendait de plusieurs facteurs et s’élevait habituellement à environ 10 000 $. Le CORC a ajouté que, dans la grande majorité des cas, les coûts d’entrée associés à toutes les options de co-implantation peuvent être supérieurs à 50 000 $ et excéder parfois 100 000 $ et que les coûts récurrents mensuels varient entre 1 000 $ et 2 500 $.
  9. Le CORC a fait valoir que, selon l’expérience de ses membres par rapport aux frais de co-implantation, les frais estimatifs de Bell Canada pour le service AHV de gros dégroupé n’étaient pas raisonnables. Le CORC a demandé au Conseil de comparer les frais estimatifs de Bell Canada pour le service AHV de gros dégroupé aux frais de co-implantation réels fournis par la compagnie dans le cadre de la présente instance. En outre, le CORC s’est opposé à la comparaison des frais associés au point de branchement externe proposés dans l’avis de modification tarifaire 7524 de Bell Canada aux frais de co-implantation de la compagnie pour le service AHV de gros dégroupé, car ces derniers font actuellement l’objet d’un examen distinct par le Conseil et n’ont pas encore été jugés justes et raisonnables.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Le Conseil a comparé les dépenses que devraient engager les concurrents lorsqu’ils se branchent au service AHV de gros dégroupé en utilisant l’option de co-implantation et la solution de point de branchement. En ce qui a trait à l’option de co-implantation, le Conseil a estimé les frais à facturer aux concurrents en fonction des frais de co-implantation minimum et maximum pour le branchement au service AHV de gros dégroupé que Bell Canada a versés au dossier de la présente instance, tel qu’il est mentionné au paragraphe 15. Le Conseil estime que les frais estimés par Bell Canada sont acceptables aux fins de comparaison puisqu’ils traduisent les exigences moindres en matière d’espace, d’alimentation et de liens d’interconnexion pour la prise en charge du service AHV de gros dégroupé. Le Conseil estime également qu’il est raisonnable d’utiliser les frais estimés exigés par l’entrepreneur chargé d’installer le câble de l’entreprise interconnectée que le CORC a versés au dossier de la présente instance, tel qu’il est mentionné au paragraphe 18. En ce qui a trait à la solution de point de branchement externe, le Conseil a présumé qu’un concurrent paierait les frais ponctuels proposés par Bell Canada dans l’avis de modification tarifaire 7524Note de bas de page 7.
  2. En particulier, le Conseil a examiné les dépenses que devraient engager les concurrents pour obtenir la co-implantation et un point de branchement externe après un an, trois ans et cinq ansNote de bas de page 8, puisque l’interconnexion avec Bell Canada au service AHV de gros dégroupé à un central précis par un concurrent serait un engagement à long terme. En plus des frais de co-implantation ou des frais associés à un point de branchement externe, les concurrents engageraient des dépenses distinctes pour construire ou louer des installations de transport.
  3. La comparaison dans le temps indique que le point de branchement externe est une solution plus abordable pour les concurrents que la co-implantation sur une période d’un an, de trois ans ou de cinq ans, même si on fonde les calculs sur les frais minimum fournis par Bell Canada. L’écart au chapitre des frais totaux augmente au fil du temps puisque l’option de co-implantation comporte des frais ponctuels et mensuels alors que la solution de point de branchement externe ne comporte que des frais ponctuels. La comparaison indique aussi que la longueur de la période d’interconnexion est proportionnelle aux économies découlant de la solution de point de branchement externe. De plus, les dépenses que devront engager les concurrents augmenteront en fonction du nombre de centraux auxquels ils sont branchés.
  4. Par conséquent, le Conseil estime que les éléments de preuve déposés par Bell Canada et le CORC dans le cadre de la présente instance, de même que les tarifs proposés dans l’avis de modification tarifaire 7524 en ce qui concerne la solution de point de branchement externe de Bell Canada, appuient la conclusion tirée par le Conseil dans la décision de télécom 2016-379 selon laquelle les coûts de co-implantation sont plus élevés que ceux du point de branchement.
  5. Par conséquent, le Conseil conclut qu’il n’a pas commis d’erreur de fait en décidant dans la décision de télécom 2016-379 d’obliger Bell Canada à fournir un point de branchement externe au motif que cette solution est plus abordable que la co-implantation.

La conclusion tirée par le Conseil dans la décision de télécom 2016-379, qui oblige Bell Canada à mettre en œuvre un point de branchement externe, va-t-elle à l’encontre de l’exigence des Instructions selon laquelle les mesures réglementaires doivent être appliquées de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence?

Positions des parties

  1. Bell Canada, appuyée par TCI, a fait valoir qu’en exigeant des entreprises de services locaux titulaires (ESLT) qu’elles fournissent une cinquième option d’interconnexion pour le service AHV de gros dégroupé sans exiger des câblodistributeurs qu’ils offrent de nouvelles options d’interconnexion est incompatible avec les Instructions, au titre desquelles le Conseil doit garantir que ses décisions de nature non économique soient mises en œuvre de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence. Bell Canada a également ajouté que cette approche favorise les câblodistributeurs par rapport aux ESLT et pourrait perturber le marché concurrentiel entre les deux groupes.
  2. TCI, appuyée par Bell Canada, a fait valoir qu’en dépit des défis techniques intrinsèques, le Conseil a imposé le point de branchement externe aux câblodistributeurs puisqu’il s’agissait de la seule solution de rechange à la co-implantation étant donné les contraintes en matière d’espace. TCI a soutenu qu’en imposant cette exigence, le Conseil a respecté l’architecture de réseau des câblodistributeurs et qu’il devrait en faire de même pour l’architecture de réseau des ESLT, à laquelle on a intégré l’interconnexion par la co-implantation.
  3. Le CORC a fait valoir que, en vertu des Instructions, le Conseil a le pouvoir d’exiger aux ESLT de mettre en place de nouveaux moyens d’interconnexion si les moyens existants ne sont pas suffisants pour le service AHV de gros dégroupé. Le CORC a ajouté que les objectifs énoncés dans les Instructions en ce qui concerne la symétrie et la neutralité sur le plan de la concurrence des mesures réglementaires ne sont pas absolus. Cependant, selon le CORC, le fait que le Conseil exige aux ESLT de fournir une solution d’interconnexion fonctionnellement équivalente au point de branchement externe que fournissent déjà les câblodistributeurs oriente les ESLT et les câblodistributeurs vers une symétrie et une neutralité sur le plan de la concurrence accrues pour ce qui est de la prestation du service AHV de gros dégroupé.
  4. Le CORC a indiqué que les options d’interconnexion externe des câblodistributeurs satisfont aux besoins de ses membres sur le plan des coûts et de l’opportunité. De même, une solution de point de branchement externe par Bell Canada satisferait aussi à leurs besoins.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Selon les Instructions, le Conseil devrait prendre des mesures qui sont appliquées, dans toute la mesure du possible, de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence. La symétrie et la neutralité sur le plan de la concurrence ne sont donc pas absolues; il s’agit plutôt d’objectifs que le Conseil devrait tenter d’atteindre, dans toute la mesure du possible, afin de remplir le mandat que lui confère la loi.
  2. Dans la décision de télécom 2016-379, le Conseil a exigé de Bell Canada qu’elle fournisse un point de branchement externe afin de faire progresser ses objectifs relatifs à la mise en œuvre rapide du service AHV de gros dégroupé. Le Conseil estimait que les options d’interconnexion par co-implantation comme des obstacles à l’utilisation du service AHV de gros dégroupé par les concurrents en raison de leurs coûts. Bien que l’exigence de fournir un point de branchement externe n’ait pas entraîné de symétrie entre les ESLT et les câblodistributeurs en ce qui concerne le nombre de méthodes d’interconnexion, elle a rendu des options essentiellement équivalentes accessibles aux concurrents dans la plus grande mesure permise par la technologie et les architectures de réseau en place.
  3. Par ailleurs, une symétrie aurait pu être atteinte entre les ESLT et les câblodistributeurs en exigeant de ces derniers qu’ils offrent la co-implantation de même qu’un point de branchement externe. Par contre, comme l’ont indiqué Bell Canada et TCI, les câblodistributeurs n’ont pu offrir la co-implantation jusqu’à présent en raison de contraintes d’espace à leurs têtes de ligne.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que sa décision d’imposer à Bell Canada la mise en œuvre d’un point de branchement externe dans la décision de télécom 2016-379 est conforme à l’exigence des Instructions selon laquelle les mesures réglementaires doivent être appliquées, dans toute la mesure du possible, de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence.

La conclusion tirée par le Conseil dans la décision de télécom 2016-379, qui oblige Bell Canada à fournir un point de branchement externe, va-t-elle à l’encontre des exigences des Instructions selon lesquelles les mesures réglementaires doivent être efficaces et proportionnelles aux buts visés et faire obstacle au libre jeu du marché que dans la mesure minimale nécessaire?

Positions des parties

  1. Bell Canada a fait valoir que la décision de l’obliger à mettre en place un moyen supplémentaire d’interconnexion (point de branchement externe) n’est pas conforme aux Instructions, lesquelles exigent que le Conseil prenne des mesures réglementaires qui sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et qu’il se fie dans la plus grande mesure du possible au libre jeu du marché.
  2. Bell Canada, appuyée par TCI, a argué que l’imposition du point de branchement externe n’est pas l’option la moins intrusive, puisque cette solution complique ses activités et serait coûteuse à établir et à gérer. Qui plus est, Bell Canada a indiqué que contrairement au service de co-implantation, le point de branchement externe entraîne des difficultés au chapitre de l’assurance du service qui toucheraient directement les utilisateurs finals. Par conséquent, la compagnie ne considérait pas l’imposition du point de branchement externe comme une mesure réglementaire efficace et proportionnelle aux buts visés.
  3. Bell Canada a ajouté que i) le libre jeu du marché est déjà en cours puisque quatre options de co-implantation permettant une interconnexion par divers moyens à des prix variés sont accessibles aux concurrents et que ii) toute réglementation supplémentaire dans ce secteur est une violation des Instructions.
  4. Le CORC a manifesté son désaccord avec la position de Bell Canada selon laquelle l’utilisation d’une interconnexion par point de branchement externe crée des problèmes au chapitre de la qualité. De plus, des membres du CORC ont indiqué que ce type d’interconnexion est simple, rapide à établir et économique et qu’il s’est avéré efficace pour les services AHV de gros des câblodistributeurs. Ainsi, le CORC a soutenu que l’exigence imposée à Bell Canada d’offrir une telle solution représente une mesure réglementaire qui est efficace et proportionnelle au but visé de faire progresser l’objectif de la politique en ce qui concerne l’intensification de la concurrence dans le domaine des services à large bande de détail.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Comme il s’agit d’une nouvelle exigence, la mise en œuvre d’un point de branchement externe nécessitera des modifications aux activités de Bell Canada. Cependant, Bell Canada a la capacité technique de fournir des services qui comprennent l’interconnexion avec les concurrents et l’expérience en la matière pour respecter cette exigence. De plus, les tarifs imposés aux concurrents pour l’interconnexion permettront à Bell Canada de recouvrer les coûts associés à la mise en œuvre du point de branchement externe.
  2. Bien que Bell Canada ait signalé l’existence de difficultés sur le plan de l’assurance du service de point de branchement externe des câblodistributeurs, les membres du CORC ont indiqué que l’interconnexion par point de branchement externe offerte par les câblodistributeurs est simple, rapide à mettre en place et peu coûteuse. Comme la fonctionnalité du point de branchement externe de Bell Canada sera essentiellement la même que celle des câblodistributeurs, son rendement devrait, d’après l’expérience vécue par les concurrents, être acceptable.
  3. Par conséquent, le Conseil estime que l’obligation de Bell Canada d’offrir un point de branchement externe n’est pas un fardeau excessif et que cette solution est une option d’interconnexion abordable pour les concurrents. Ainsi, il s’agit d’une mesure réglementaire efficace qui est proportionnelle au but visé consistant à atteindre les objectifs stratégiques du Conseil.
  4. En ce qui concerne l’affirmation de Bell Canada selon laquelle le libre jeu du marché est en cours étant donné ses quatre options de co-implantation, le Conseil a examiné chacune de ces options. Il a conclu que l’option de co-implantation comportant des exigences minimales en matière d’espace et d’alimentation ainsi que des liaisons d’interconnexion simplifiées qui a été proposée par Bell Canada pour le service AHV de gros dégroupé est probablement la seule solution d’interconnexion que les concurrents utiliseraient puisqu’elle est la plus abordable. Comme le libre jeu du marché exige que des fournisseurs multiples offrent des produits ou des services fondés sur les conditions du marché, l’offre de quatre options de co-implantation par Bell Canada en fonction d’une obligation (c.-à-d. que le Conseil a conclu que Bell Canada a une emprise sur le marché), dont une seule est un choix réaliste pour les concurrents, ne correspond pas au libre jeu du marché. Ainsi, le Conseil n’a pas omis de faire obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire, tel qu’il est indiqué dans la décision de télécom 2016-379, puisqu’il n’y a aucun libre jeu sur lequel se fier.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que la conclusion qu’il a tirée dans la décision de télécom 2016-379, qui oblige Bell Canada à fournir un point de branchement externe, est conforme aux exigences des Instructions selon lesquelles les mesures réglementaires doivent être efficaces et proportionnelles aux buts visés et ne faire obstacle au libre jeu du marché que dans la mesure minimale nécessaire.

Autres questions

Le Conseil devrait-il examiner l’erreur de droit supplémentaire alléguée par TCI dans le cadre de la présente instance?

Positions des parties

  1. TCI a fait valoir que dans l’instance ayant mené à la décision de télécom 2016-379, ni le CORC ni Zayo n’ont fourni des éléments de preuve pour appuyer leurs allégations concernant les coûts de la co-implantation. TCI a indiqué que le Conseil n’a pas demandé de renseignements supplémentaires aux parties et qu’il n’a pas demandé d’information à Bell Canada afin de confirmer l’exactitude des allégations. La compagnie a allégué que le Conseil a donc commis une erreur de droit en acceptant des arguments non étayés par des preuves dans le cadre de cette instance.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. L’erreur de droit supplémentaire alléguée par TCI ne figurait pas dans la demande de Bell Canada. Les autres parties n’ont donc pas eu l’occasion de commenter cette allégation qui dépasse en principe la portée de l’instance. Toutefois, même si cette allégation s’inscrivait dans la portée de l’instance, tout vice de procédure relevé par TCI pourrait être réglé par le fait que des éléments de preuve à cet égard ont été déposés et examinés en profondeur au cours de la présente instance, dans le cadre de laquelle Bell Canada et le CORC ont fourni des hypothèses et des éléments de preuve pour étayer les frais de co-implantation rattachés au service AHV de gros dégroupé.
  2. Par conséquent, le Conseil conclut que l’erreur de droit supplémentaire alléguée par TCI dépasse la portée de la présente instance. En revanche, tout vice de procédure relevé par TCI aurait été réglé dans le cadre de la présente instance.

Le Conseil devrait-il examiner les modèles d’interconnexion de rechange proposés par la BCBA et Vaxination dans le cadre de la présente instance?

Positions des parties

  1. La BCBA a proposé (pour les petits centraux) que les fournisseurs de services Internet intéressés mettent en place des points de branchement à leurs installations dotées de la fibre optique et que la connexion des concurrents des ESLT aux centraux soit achetée auprès de l’ESLT. Vaxination a proposé une méthode selon laquelle l’ESLT serait responsable de mettre en place la fibre optique d’un concurrent dans le central de l’ESLT et de la brancher à l’interface de service AHV de gros dégroupé.

Résultats de l’analyse du Conseil

  1. Bien que les modèles d’interconnexion proposés puissent avoir de la valeur aux yeux des concurrents, le Conseil conclut qu’ils dépassent la portée de la présente instance.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil rejette la demande de révision et de modification de la décision de télécom 2016-379 déposée par Bell Canada reposant sur des allégations d’erreurs de droit et de fait que le Conseil aurait commises en exigeant que Bell Canada mette en place un point de branchement externe pour le service AHV de gros dégroupé.

Documents connexes

Annexe à la Décision de télécom CRTC 2017-459

Comparaison des frais de co-implantation et des frais d’interconnexion associés au point de branchement externe

Frais imposés à un concurrent pour une nouvelle demande Frais minimum de co-implantation pour le service AHV de gros dégroupé par central   Frais maximum de co-implantation pour le service AHV de gros dégroupé par central   Frais associés au point de branchement externe proposés dans l’avis de modification tarifaire 7524 (tarifs provisoires)
a) Frais ponctuels imposés par Bell Canada 8 356 $ 24 943 $ 16 660 $
b) Frais ponctuels imposés par les tierces parties pour l’installation du câble de l’entreprise interconnectée 10 000 $ 10 000 $ 0 $
c) Valeur actualiséeNote de bas de page 9 des frais mensuels imposés par Bell Canada : Interconnexion durant un an 5 848 $ 12 160 $ 0 $
d) Valeur actualisée des frais mensuels imposés par Bell Canada : Interconnexion durant trois ans 16 361 $ 34 017 $ 0 $
e) Valeur actualisée des frais mensuels imposés par Bell Canada : Interconnexion durant cinq ans 25 471 $ 52 959 $ 0 $
f) Total cumulatif des frais imposés par Bell Canada : Interconnexion durant un an (a + c) 14 204 $ 37 103 $ 16 660 $
g) Total cumulatif des frais imposés par Bell Canada : Interconnexion durant trois ans (a + d) 24 717 $ 58 960 $ 16 660 $
h) Total cumulatif des frais imposés par Bell Canada : Interconnexion durant cinq ans (a + e) 33 827 $ 77 902 $ 16 660 $
i) Total des frais imposés au concurrent : Interconnexion durant un an (b + f) 24 204 $ 47 103 $ 16 660 $
j) Total des frais imposés au concurrent : Interconnexion durant trois ans (b + g) 34 717 $ 68 960 $ 16 660 $
k) Total des frais imposés au concurrent : Interconnexion durant cinq ans (b + h) 43 827 $ 87 902 $ 16 660 $
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