Décision de radiodiffusion CRTC 2016-409

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 21 avril 2016

Ottawa, le 14 octobre 2016

Radio Moyen Orient
Montréal (Québec)

Demande 2016-0388-7

Plainte de 9015-2018 Québec inc. à l'égard des engagements pris par 9427899 Canada Inc. en ce qui concerne la programmation de CKIN-FM Montréal

Le Conseil rejette la plainte de 9015-2018 Québec inc. (Radio Moyen Orient) à l'effet que 9427899 Canada Inc. (Neeti P. Ray) n'a pas respecté ses engagements en matière de programmation pris lors de l'acquisition de la station de radio commerciale à caractère ethnique CKIN-FM Montréal (Québec).

Le Conseil conclut que CKIN-FM ne contrevient pas à ses conditions de licence. De plus, le Conseil estime que l'intégrité du processus de transfert de licence a été respectée lors de la transaction de propriété en 2015.

Le Conseil rappelle que la programmation de CKIN-FM sera examinée dans le cadre du prochain renouvellement de la licence de la station, qui doit avoir lieu dans l'année à venir lors d'un processus public.

Les parties

  1. 9427899 Canada Inc. (Neeti P. Ray) est titulaire de la station de radio à caractère ethnique CKIN-FM Montréal (Québec).
  2. 9015-2018 Québec inc. (Radio Moyen Orient) est titulaire de la station de radio AM à caractère ethnique CHOU Montréal.

Historique

  1. Dans la décision de radiodiffusion 2007-217, le Conseil a approuvé une demande présentée par Hellenic canadien câble radio ltée (Hellenic radio) en vue d'obtenir une licence de radiodiffusion afin d'exploiter une nouvelle station de radio commerciale spécialisée à caractère ethnique pour desservir Montréal (Québec), laquelle allait devenir CKIN-FM Montréal. Dans sa demande, Hellenic radio indiquait que la station ciblerait une variété de communautés ethniques. La licence a été renouvelée jusqu'au 31 août 2017 dans la décision de radiodiffusion 2013-691.
  2. Dans la décision de radiodiffusion 2015-397, le Conseil a approuvé une demande de Neeti P. Ray, au nom d'une société devant être constituée, en vue d'acquérir de Groupe CHCR inc.Retour à la référence de la note de bas de page 1 l'actif de CKIN-FM et d'obtenir une nouvelle licence afin d'en poursuivre l'exploitation selon les mêmes modalités et conditions de licence que celles en vigueur. Neeti P. Ray mentionnait également qu'il continuerait à desservir les diverses communautés ciblées par CKIN-FM, particulièrement les communautés sud-asiatiques.

Plaintes passées

  1. Entre les 13 et 26 novembre 2015, le Conseil a reçu quatre plaintes, de CHOU Montréal, CJWI Montréal, CJRS Montréal et Médias Maghreb, alléguant que la programmation de CKIN-FM, qui se voulait, avant le changement de propriété, multilingue et multiculturelle avec un accent mis sur les communautés sud-asiatiques, s'était trouvée modifiée depuis la transaction. Ils étaient d'avis que la programmation était maintenant fortement axée sur la communauté arabophone de Montréal et, par conséquent, que la station se trouvait en situation de non-conformité à l'égard de ses conditions de licence et envers l'exigence de la Politique relative à la radiodiffusion à caractère ethniqueRetour à la référence de la note de bas de page 2 (la Politique) de desservir plusieurs groupes culturels.
  2. Neeti P. Ray a alors réfuté les allégations de non-conformité, indiquant que la station diffusait de la programmation en au moins huit langues et ciblait au moins six communautés ethnoculturelles, tel que prévu par les conditions de licence de la station. Il admettait toutefois qu'une erreur ponctuelle s'était produite au cours de la semaine du 1er novembre 2015, alors que la station ajustait sa programmation.
  3. Alors que Neeti P. Ray reconnaissait l'augmentation de la quantité de programmation en langue arabe diffusée, il soutenait que cette augmentation était tout à fait justifiée considérant l'ampleur et la croissance constante de la communauté arabe de Montréal. Selon le titulaire, la décision d'augmenter ce type de programmation venait appuyer la stabilisation des assises financières de la station, tout en desservant un marché dont la diversité des voix laissait à désirer en ce qui a trait à l'offre de programmation en langue arabe.
  4. Finalement, Neeti P. Ray affirmait que presque toute la programmation diffusée sur la station était à des fins locales, pour le marché montréalais, incluant nouvelles, météo, résultats sportifs et informations variées portant sur des événements communautaires locaux.
  5. Après analyse des renseignements déposés par les parties en cause, le personnel du Conseil a fait parvenir une lettre aux plaignants et au titulaire. Dans cette lettre, il notait que la décision rendue dans la décision de radiodiffusion 2015-397, en indiquant que CKIN-FM disposait de la souplesse nécessaire pour offrir de la programmation aux groupes et dans les langues de son choix, pourvu qu'elle respecte ses conditions de licence, reflétait l'esprit de la Politique, et indiquait qu'il ne serait pas approprié de limiter à certaines communautés l'orientation de la programmation à caractère ethnique de CKIN-FM.
  6. La lettre concluait en indiquant qu'aucune action additionnelle du Conseil n'était nécessaire à l'égard de CKIN-FM et que la conformité de la station serait examinée dans le cadre de son prochain renouvellement de licence, en 2017.

Plainte actuelle

  1. Le 14 avril 2016, Radio Moyen Orient a de nouveau déposé une plainte, mais, cette fois, en vertu de la Partie 1 des Règles de pratique et de procédure du CRTCRetour à la référence de la note de bas de page 3. Radio Moyen Orient affirme que la diffusion d'une programmation principalement axée sur la communauté arabophone de Montréal, et ce, peu de temps après le transfert de propriété en 2015, place CKIN-FM en situation de non-conformité quant à ses engagements en la matière. Il demande au Conseil d'intervenir afin de redresser la situation et d'ordonner à CKIN-FM de limiter la programmation en langue arabe à 8 % de la semaine de radiodiffusion, tel que proposé dans la demande originale d'attribution de licenceRetour à la référence de la note de bas de page 4.
  2. Dans sa plainte, Radio Moyen Orient explique qu'il a surveillé la programmation de CKIN-FM durant la semaine du 1er au 7 novembre 2015. Il avance que cette surveillance lui a permis d'observer ce qui suit :
    • la diversité ethnique et linguistique de la programmation de CKIN-FM a grandement diminué et la station est devenue majoritairement arabophone, avec 68 % de sa programmation dévouée à cette communauté, alors que dans la demande afin d'obtenir une licence de radiodiffusion, Hellenic radio, ancien propriétaire de la station, s'engageait à n'en diffuser que 8 %;
    • au plus quatre groupes ethnoculturels différents étaient représentés en six langues distinctes, contrevenant ainsi à la condition de licence 5 de CKIN-FM, laquelle prévoit qu'elle desserve six groupes dans huit langues distinctes;
    • la programmation ne serait plus équilibrée de manière à diffuser dans plusieurs langues et à desservir plusieurs communautés culturelles, allant ainsi à l'encontre des engagements pris lors du changement de propriété en 2015;
    • la programmation, dans les faits, ressemble à celle de la station CINA-FM Windsor (Ontario), laquelle est détenue par une société entièrement contrôlée, tout comme CKIN-FM, par M. RayRetour à la référence de la note de bas de page 5.
  3. Radio Moyen Orient estime que ces changements de programmation auraient dû faire partie de la demande d'acquisition d'actif, de façon à être débattus publiquement dans le cadre du processus ayant mené à la décision de radiodiffusion 2015-397. Il ajoute qu'il s'était abstenu de déposer une intervention en opposition parce que Neeti P. Ray avait dit vouloir poursuivre l'exploitation de la station selon les conditions de licence alors en vigueur. Ainsi, Radio Moyen Orient est d'avis que CKIN-FM porte atteinte à l'intégrité du processus public du Conseil et aux règles d'équité applicables à tous les intervenants potentiels puisque l'information publique disponible au dossier d'acquisition d'actif était, selon lui, incomplète.
  4. Radio Moyen Orient dit servir les citoyens arabophones de Montréal depuis presque 20 ans, avec sa station de radio AM CHOU, et est d'avis que la transformation de CKIN-FM ne peut être justifiée sous le prétexte qu'elle comblerait un besoin du marché. De surcroit, comme CHOU est exploitée sur une fréquence AM à Montréal, Radio Moyen Orient note, compte tenu des caractéristiques de propagation et de qualité audio de la bande FM par rapport à la bande AM, que CKIN-FM dispose d'un avantage concurrentiel inéquitable à l'endroit de CHOU.
  5. Le Conseil n'a reçu aucune intervention à l'égard de la plainte de Radio Moyen Orient, mais a reçu une réponse de Neeti P. Ray à celle-ci. Le dossier public de la présente demande peut être consulté sur le site web du Conseil, www.crtc.gc.ca, ou en utilisant le numéro de demande énoncé ci-dessus.
  6. Neeti P. Ray indique que la plainte déposée par Radio Moyen Orient est sensiblement la même que celle déposée en novembre 2015. Le titulaire a à nouveau déposé la réponse qu'il avait fournie aux premières plaintes, en décembre 2015, et ajouté les éléments de réponse suivants.
  7. Premièrement, il exprime son désaccord en ce qui a trait aux allégations à l'effet que les procédures de l'instance publique ayant mené au changement de propriété auraient été inéquitables et indique que l'instance s'est déroulée selon les pratiques et cadres réglementaires du Conseil.
  8. Deuxièmement, il décrit le marché radiophonique de Montréal comme étant important et diversifié, et souligne que la communauté arabe en est l'une des plus populeuses. Il poursuit en avançant que Radio Moyen Orient cherche à établir un monopole sur ce marché, et que cela va à l'encontre de l'intérêt public et de l'objectif d'offrir une certaine diversité de programmation à cette importante communauté.
  9. Finalement, il souligne que les 20 années d'expérience de Radio Moyen Orient à desservir la communauté arabe, combinées à la récente approbation du Conseil d'ajouter un émetteur de rediffusion FM de faible puissance dans l'arrondissement de Saint-LéonardRetour à la référence de la note de bas de page 6, devraient suffire à assurer que la station demeure compétitive dans le marché, et ce, malgré le changement de programmation de CKIN-FM.

Analyse et décisions du Conseil

  1. Après avoir étudié la plainte compte tenu de la réglementation pertinente, ainsi que la réponse du titulaire, le Conseil, dans le cadre de sa prise de décision, doit déterminer :
    • si CKIN-FM est en situation de non-conformité à l'égard de ses conditions de licence;
    • si les modifications apportées à la programmation de CKIN-FM portent atteinte à l'intégrité du processus de transfert de licence du Conseil.

Conformité de CKIN-FM à l'égard de ses conditions de licence

  1. Dans la Politique,le Conseil précise qu'étant donné la rareté des fréquences et les ressources limitées de certains groupes ethnoculturels, l'obligation de desservir divers groupes ethnoculturels demeure un élément important du cadre pour la radiodiffusion à caractère ethnique. Il estime cependant qu'un équilibre peut être établi entre les deux priorités que sont la desserte d'autant de groupes que possible et l'offre d'émissions de qualité aux groupes desservis.
  2. Ainsi, lorsqu'il établit les conditions de licence d'une station de radio commerciale à caractère ethnique, le Conseil indique le nombre minimum de groupes culturels à desservir et le nombre de langues distinctes dans lesquelles ils seront desservis. De plus, pour les licences octroyées dans le cadre d'un processus concurrentiel, le Conseil impose parfois une condition de licence en ce qui a trait au niveau de service minimal requis dans la langue tierce prédominante proposée.
  3. Le Conseil n'a pas imposé à Hellenic Radio, pas plus qu'à Neeti P. Ray lors du transfert de propriété, une condition de licence obligeant CKIN-FM à diffuser un minimum de programmation dans une langue tierce donnée. La condition de licence en vigueur stipule uniquement que la station doit diffuser, au cours de la semaine de radiodiffusion, une programmation visant au moins six groupes culturels différents dans un minimum de huit langues distinctes, de façon à lui allouer la souplesse nécessaire pour offrir de la programmation aux groupes et dans les langues de son choix.
  4. Dans sa plainte, Radio Moyen Orient soulève que la surveillance de la programmation de CKIN-FM, effectuée du 1er au 7 novembre 2015, révèle que la programmation diffusée n'a ciblé que six langues distinctes pour quatre groupes différents au cours de cette période. Or, selon la grille horaire de la station CKIN-FM, telle qu'affichée sur son site web, le nombre d'heures de programmation en langue tierce est conforme aux conditions de licence de la station, particulièrement à la condition de licence 5. La station a choisi d'offrir de la programmation aux groupes et dans les langues de son choix.
  5. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil maintient la position exprimée dans la lettre du personnel suivant les quatre plaintes précédentes, à savoir qu'à l'exception de l'écart admis par le titulaire lors du changement de programmation, ce dernier exploite sa station conformément aux conditions de sa licence, et ce, malgré le changement des groupes et langues ciblés par sa programmation à caractère ethnique.
  6. En ce qui a trait à la proposition de Radio Moyen Orient d'imposer une condition de licence limitant la programmation de langue arabe à 8 % de la semaine de radiodiffusion, l'article 9(1)c) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) ne permet pas au Conseil de modifier de sa propre initiative les conditions de licence d'un titulaire avant la cinquième année d'une période de licence donnée. Ainsi, il ne peut imposer une nouvelle condition de licence à CKIN-FM pour le moment.

Intégrité du processus de transfert de licence

  1. Dans sa demande afin d'acquérir CKIN-FM et d'obtenir une licence pour en poursuivre l'exploitation, en 2015, Neeti P. Ray précisait qu'il était au fait des conditions de licence régissant l'exploitation de la station et qu'il ne voyait aucune raison de vouloir les modifier. Ainsi, il a demandé que sa nouvelle licence soit assujettie aux mêmes modalités et conditions que celles en vigueur dans la licence en date de la demande, y compris l'exigence de diffuser, au cours de la semaine de radiodiffusion, une programmation visant au moins six groupes culturels différents dans un minimum de huit langues distinctes, sans pour autant préciser la proportion de programmation qui serait vouée à une communauté donnée.
  2. Neeti P. Ray proposait de verser des avantages tangibles afin d'assurer le respect de l'intérêt public dans le cadre de ce processus non-concurrentiel et, en ce qui a trait à la production de matériel de programmation, soulignait son désir de produire davantage de programmation à l'échelle locale, particulièrement celle vouée aux communautés d'origine sud-asiatique.
  3. Dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2014-459, le Conseil énonce son point de vue sur la manière d'assurer l'intérêt public lors de transactions de propriété en l'absence de processus concurrentiel. D'entrée de jeu, il précise que puisqu'il ne sollicite pas de demandes concurrentes lors de modifications à la propriété ou au contrôle effectif d'entreprises de radiodiffusion, il incombe au demandeur de prouver que sa demande constitue la meilleure proposition possible et que son approbation sert l'intérêt public, conformément aux objectifs généraux de la Loi. Une façon de voir à ce que l'intérêt public soit servi consiste à s'attendre à ce que le demandeur propose une contribution financière (connues sous le nom « avantages tangibles ») proportionnelle à la taille et à la nature de la transaction, dans le but d'apporter des améliorations quantifiables aux collectivités desservies par l'entreprise de radiodiffusion dont il se porte acquéreur, ainsi qu'à l'ensemble du système canadien de radiodiffusion.
  4. Le Conseil estime avoir traité la demande de transfert de propriété conformément aux procédures établies, ainsi qu'au cadre règlementaire pour les stations à caractère ethnique, au cadre régissant l'imposition du versement d'avantages tangibles, et aux conditions de licence spécifiques à la station, lesquelles n'identifient aucun groupe ethnoculturel particulier à desservir. De plus, en indiquant qu'il ne serait pas approprié de limiter à certaines communautés l'orientation de la programmation à caractère ethnique de la station, le Conseil a, dans le cadre du transfert de propriété, répondu à la préoccupation selon laquelle CKIN-FM devrait être contrainte à limiter sa programmation à des communautés précises.
  5. Ainsi, le Conseil conclut que puisque la programmation offerte demeure dans les limites permises par les conditions de licence et que Neeti P. Ray a proposé le versement d'avantages tangibles, l'intégrité du processus de transfert de propriété n'a pas été minée.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, le Conseil rejette la plainte de 9015-2018 Québec inc. à l'effet que 9427899 Canada Inc. n'a pas respecté les engagements en matière de programmation qu'il a pris lors de son acquisition de la station de radio commerciale à caractère ethnique CKIN-FM Montréal.
  2. Le Conseil rappelle à Neeti P. Ray que la programmation de CKIN-FM et sa conformité à ses conditions de licence seront examinées lors de son prochain renouvellement de licence, en 2017. Toutes les informations déposées dans le cadre du présent processus feront également partie du dossier public de ce renouvellement de licence.

Secrétaire générale

Documents connexes

La présente décision doit être annexée à la licence.

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Hellenic canadien câble radio ltée a changé son nom pour Groupe CHCR inc. en 2014.

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Note de bas de page 2

Voir l'avis public 1999-117.

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Note de bas de page 3

Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (DORS/2010-277).

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Note de bas de page 4

Voir la décision de radiodiffusion 2007-217.

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Note de bas de page 5

2345771 Ontario Inc. est le titulaire de CINA-FM Windsor et est détenu à part entière par The Neeti P. Ray Family Trust, dont l'unique fiduciaire est Neeti P. Ray.

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Note de bas de page 6

Voir la décision de radiodiffusion 2016-72.

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