Politique réglementaire de télécom CRTC 2013-708

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Référence au processus : Avis de consultation de télécom 2013-338, modifié

Ottawa, le 17 décembre 2013

Retrait du dernier téléphone payant dans une collectivité

Numéro de dossier : 8650-C12-201310078

Dans la présente décision, le Conseil interdit à toutes les entreprises de services locaux titulaires de retirer le dernier téléphone payant dans une collectivité jusqu’à ce que l’issue de la procédure d’établissement des faits amorcée dans l’avis de consultation de télécom 2013-337 et, le cas échéant, de tout processus de suivi connexe, soit connue. Le Conseil examinera au cas par cas les demandes d’exemption concernant cette mesure.

Contexte

1. Dans la décision de télécom 2004-47, le Conseil a déterminé que les téléphones payants constituent un service public important, en particulier pour les Canadiens à faible revenu et ceux qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées. Dans le but de répondre aux préoccupations relatives aux répercussions que pourrait avoir le retrait du dernier téléphone payant dans une collectivité sur ces Canadiens, le Conseil a établi le processus de notification décrit ci-après.

2. Certaines entreprises de services locaux titulaires (ESLT) sont tenues d’aviser le public dans le cas où il est prévu de retirer le dernier téléphone payant dans une collectivité[1]. Ce processus de notification exige i) de fournir un avis écrit de 60 jours au fournisseur d’emplacement ainsi qu’à l’administration locale, ii) d’afficher un avis sur le téléphone payant dont le retrait est prévu au moins 60 jours avant le retrait et iii) de faire paraître un avis dans le journal local au moins 60 jours avant le retrait. Le processus de notification s’applique aux entreprises suivantes : Bell Aliant Communications régionales, société en commandite (Bell Aliant); Bell Canada; MTS Inc. (MTS); Saskatchewan Telecommunications (SaskTel); la Société TELUS Communications (STC) et Télébec, Société en commandite (Télébec).

3. Dans la décision de télécom 2013-336, le Conseil a rejeté une demande présentée par Bell Aliant, Bell Canada et Télébec visant à augmenter le prix plafond des appels locaux faits à partir de téléphones payants. Toutefois, le Conseil a reconnu dans sa décision que l’industrie des télécommunications avait connu d’importants changements depuis la dernière fois où il a recueilli des données et des renseignements détaillés sur l’utilisation des téléphones payants, soit il y a près de dix ans. Par conséquent, le Conseil a publié l’avis de consultation de télécom 2013-337 en vue d’amorcer une procédure d’établissement des faits afin d’enquêter au sujet de l’utilisation actuelle des téléphones payants et les effets, le cas échéant, que les retraits de téléphones payants ou les hausses de tarifs proposées pourraient avoir sur les Canadiens.

4. Parallèlement, le Conseil a publié l’avis de consultation de télécom 2013-338, dans lequel il a invité les parties à déposer des observations, avec justification à l’appui, à savoir si le Conseil devrait interdire à toutes les ESLT[2] de retirer le dernier téléphone payant dans une collectivité jusqu’à ce que l’issue de la procédure d’établissement des faits amorcée par le Conseil et, le cas échéant, de tout processus de suivi connexe, soit connue.

Avis de consultation de télécom 2013-338

5. Le Conseil a reçu plus de 170 interventions liées à l’avis de consultation de télécom 2013-338 de la part de citoyens, de municipalités, de groupes de consommateurs et d’organisations communautaires, d’un gouvernement territorial et de toutes les ESLT énumérées à l’annexe A de l’avis de consultation de télécom 2013-338.

6. On peut consulter sur le site Web du Conseil le dossier public de l’instance, lequel a été fermé le 6 septembre 2013. On peut y accéder à l’adresse www.crtc.gc.ca, sous l’onglet Instances publiques ou au moyen du numéro de dossier indiqué ci-dessus.

Positions des parties

7. Bell Aliant, Bell Canada, Dryden Municipal Telephone System (DMTS), KMTS, Norouestel Inc., NorthernTel, Limited Partnership (NorthernTel) et Télébec (collectivement Bell Canada et autres); MTS; SaskTel et la STC ont fait valoir que le mécanisme de notification actuel, tel qu’il est décrit dans la décision de télécom 2004-47, offre un mécanisme approprié et équilibré pour les retraits de téléphones payants – lequel permet aux compagnies de s’adapter aux changements tout en veillant à ce que la collectivité participe au processus. Bell Canada et autres ont suggéré d’étendre l’obligation de notification aux petites ESLT, ce qui constituerait, selon elles, une mesure plus équilibrée.

8. De nombreuses ESLT ont exprimé des préoccupations au sujet de la faisabilité d’une mesure provisoire, car les téléphones payants sont souvent installés sur une propriété privée (par exemple, la propriété d’entreprises, d’établissements d’enseignement et d’hôpitaux) et ne peuvent demeurer à cet endroit qu’avec l’accord du propriétaire des lieux. Souvent, les téléphones payants sont retirés à la demande du propriétaire des lieux ou de la collectivité.

9. Dans les observations déposées au nom de la majorité des petites ESLT[3], le Canadian Independent Telephone Company Joint Task Force (JTF) a fait valoir que l’imposition d’une nouvelle mesure réglementaire avant que le Conseil n’ait conclu sa procédure d’établissement des faits est prématurée et rendrait impossible de garantir que la mesure s’avère conforme aux Instructions[4]. Le JTF a indiqué que les petites ESLT qu’il représente desservent exclusivement des circonscriptions à coûts élevés dotées de quelques emplacements seulement pour l’installation de téléphones payants et qu’elles ont donc besoin d’une certaine latitude pour prendre des décisions d’affaires éclairées quant aux retraits. À cet égard, le JTF a indiqué que, dans le but d’offrir aux collectivités l’accès continu au service de téléphones payants, certaines petites ESLT mettent à leur disposition, par courtoisie, certains téléphones publics permettant d’effectuer des appels locaux, reconnaissant que le service de téléphone public est un élément important pour certaines collectivités.

10. La STC a indiqué qu’elle n’avait pas retiré le dernier téléphone payant dans une collectivité depuis la publication de la décision de télécom 2004-47 et qu’elle ne prévoyait pas le faire à l’avenir, car le maintien en service des téléphones payants, y compris des téléphones sous-utilisés, ne représente pas une tâche particulièrement lourde. MTS a indiqué qu’elle n’avait jamais retiré le dernier téléphone payant dans une collectivité, mais s’est opposée à la mesure proposée, car en ce moment elle met à niveau ses téléphones payants et est incapable d’évaluer l’incidence que cela pourrait avoir sur le dernier téléphone payant dans une collectivité.

11. Amtelecom Limited Partnership, People’s Tel Limited Partnership, exerçant ses activités sous le nom d’EastLink[5], ainsi que SaskTel ne se sont pas opposées à la mesure provisoire proposée. Toutefois, SaskTel a indiqué que des exceptions concernant la mesure provisoire pourraient être nécessaires afin de tenir compte des cas uniques.

12. La partie à l’instance représentant les groupes de consommateurs a appuyé la mesure provisoire proposée. Le Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC)[6] et deux autres groupes de consommateurs ont fait valoir, dans un mémoire conjoint, qu’une telle mesure devrait s’étendre à l’ensemble des grandes et des petites ESLT. Le Conseil des consommateurs du Canada a soutenu que les téléphones payants sont requis pour des raisons financières et géographiques, en particulier dans les collectivités rurales et éloignées où les services sans fil ne sont pas omniprésents. La DiversityCanada Foundation (DiversityCanada)[7] et Vaxination Informatique ont soutenu que les téléphones payants devraient être considérés comme faisant partie de l’infrastructure de sécurité publique d’une collectivité. La position de DiversityCanada a reçu l’appui de plusieurs collectivités sondées dans le Nord de l’Ontario.

13. L’Union des consommateurs (Union) a soutenu que des facteurs additionnels, tels que la géographie et la population, devraient être pris en compte dans la définition d’une collectivité dans le but de maintenir l’accès au service de téléphones payants. L’Union a affirmé que la mesure provisoire devrait s’étendre à un nombre accru de téléphones payants et exiger que ces téléphones soient accessibles au public en tout temps. De plus, elle a prié le Conseil d’obtenir un moratoire permanent sur le retrait du dernier téléphone payant dans une collectivité.

14. Plusieurs citoyens, municipalités et organisations communautaires ont indiqué que, pour diverses raisons, le maintien de l’accès au dernier téléphone payant dans une collectivité est important. Cependant, certaines personnes étaient d’avis que l’accès aux téléphones payants n’était plus pertinent en raison de l’accessibilité des technologies de télécommunication évoluées.

Résultats de l’analyse du Conseil

15. Le Conseil fait remarquer qu’aucune ESLT n’a déposé d’éléments de preuve de nature financière ou économique pour appuyer les arguments selon lesquels la mesure est excessive ou disproportionnée par rapport à son objectif. De plus, le Conseil fait remarquer que plus d’une ESLT a affirmé qu’elle n’a pas jamais retiré le dernier téléphone payant dans une collectivité, du moins depuis la publication de la décision de télécom 2004-47, et que certaines petites ESLT mettent à la disposition des collectivités, par courtoisie, des téléphones publics permettant d’effectuer des appels locaux, au lieu de retirer les téléphones payants non rentables. À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime que l’interdiction de retirer le dernier téléphone payant dans une collectivité n’imposerait qu’un fardeau minime aux ESLT pendant qu’il effectue une enquête sur le rôle des téléphones payants au sein du système canadien des communications. Cette mesure provisoire permettra au Conseil d’examiner le rôle élargi que jouent les téléphones payants au sein du système canadien des communications tout en maintenant un niveau de service minimal durant la procédure d’établissement des faits susmentionnée.

16. Toutefois, le Conseil reconnaît que, dans les collectivités ayant des options limitées pour l’installation de téléphones payants, certaines ESLT, en particulier les petites ESLT qui offrent généralement un nombre moindre de téléphones payants, peuvent avoir très peu de contrôle sur l’emplacement des téléphones payants en raison d’ententes conclues avec les propriétaires des lieux. Par conséquent, le Conseil estime qu’il convient de prévoir des exceptions uniquement dans de rares cas où il s’avère impossible de maintenir l’accès au service de téléphones payants. Par conséquent, le Conseil examinera les demandes d’exemption concernant la mesure dans les cas suivants :

Le Conseil examinera au cas par cas les demandes visant le retrait du dernier téléphone payant dans une collectivité, lorsqu’il aura été démontré que les deux critères susmentionnés sont respectés.

17. Le Conseil fait remarquer que certains groupes de consommateurs, notamment l’Union, ont remis en question la définition de collectivité telle qu’elle est énoncée dans la décision de télécom 2004-47. Le Conseil estime que la question de la définition d’une collectivité ne relève pas de la portée de la présente instance.

Instructions

18. Selon les Instructions, le Conseil, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions que lui confère la Loi sur les télécommunications (Loi), doit mettre en œuvre les objectifs de la politique énoncés à l’article 7 de la Loi, conformément aux alinéas 1a), b) et c) des Instructions.

19. Conformément au sous-alinéa 1a)(ii) des Instructions, le Conseil estime que la mesure est efficace et proportionnelle à son but, puisqu’elle vise à protéger les intérêts des consommateurs, qu’elle n’impose aucun fardeau économique aux ESLT, qu’elle s’appliquera lorsqu’il n’existe aucun marché concurrentiel efficace pour le service de téléphones payants et qu’elle promeut par conséquent les objectifs de la politique énoncés aux alinéas 7a), b) et h) de la Loi[8]. En outre, en imposant la mesure provisoire à l’ensemble des ESLT, le Conseil estime qu’il met en œuvre la mesure de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence, conformément au sous-alinéa 1strong)(iii) des Instructions[9].

Secrétaire général

Documents connexes

Notes de bas de page

[1] Dans la décision de télécom 2004-47, le Conseil a fait remarquer que les ESLT ont établi des régions administratives géographiques dans leurs territoires pour définir les circonscriptions locales, nommées centres de commutation. Par conséquent, le Conseil a estimé qu’une collectivité devrait au minimum être définie comme une région desservie par un centre de commutation.

[2] Voir l’annexe A de l’avis de consultation de télécom 2013-338 pour la liste de toutes les ESLT

[3] Les petites ESLT ci-après ont déposé des observations distinctes de celles déposées par le JTF, soit Amtelecom Limited Partnership, DMTS, KMTS, NorthernTel, Peoples’s Tel Limited Partnership et TBayTel.

[4] Décret donnant au CRTC des instructions relativement à la mise en œuvre de la politique canadienne de télécommunication, C. P. 2006-1534, 14 décembre 2006

[5] EastLink a indiqué qu’elle met volontairement en pratique l’obligation de notification actuelle lorsque le retrait du dernier téléphone payant est prévu dans une collectivité.

[6] Le Centre pour la défense de l’intérêt public, l’Association des consommateurs du Canada et le Council of Senior Citizens Organizations of British Columbia ont déposé un mémoire conjoint; dans la présente décision, ces groupes de consommateurs sont représentés collectivement par le PIAC.

[7] DiversityCanada et la Fédération nationale des retraités et des citoyens âgés ont déposé une intervention conjointe.

[8] Les objectifs de la politique énoncés dans la Loi et cités dans la présente politique sont les suivants :

7a) favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions;

7b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions – rurales ou urbaines – du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

7h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication.

[9] Les dispositions des Instructions citées sont les suivantes :

1a)(ii) lorsqu’il a recours à la réglementation, [le Conseil doit] prendre des mesures qui sont efficaces et proportionnelles aux buts visés et qui ne font obstacle au libre jeu d’un marché concurrentiel que dans la mesure minimale nécessaire pour atteindre les objectifs;

1b)(iii) lorsqu’elles sont de nature non économique, [les mesures doivent] être mises en œuvre, dans toute la mesure du possible, de manière symétrique et neutre sur le plan de la concurrence.

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