Résultats de la collecte de renseignements sur les services de programmation par contournement
CRTC – Politique sur la convergence, Élaboration de politiques et Recherche
Octobre 2011
Historique
Le 25 mai 2011, le Conseil a publié l’avis de consultation de radiodiffusion et de télécom CRTC 2011-344, lequel porte sur une collecte d’informations sur les services de programmation par contournement dans le système canadien de radiodiffusion. Dans cet avis, le Conseil a indiqué qu’il surveillait l’évolution de la radiodiffusion par les nouveaux médias depuis la publication de la politique réglementaire de radiodiffusion 2009-329 (la politique réglementaire)[1]. Il a également précisé que « la programmation par contournement »[2] offerte sur Internet est de plus en plus disponible à des prix attrayants.
Dans cet avis, le Conseil a décrit en outre plusieurs tendances[3] qui, à première vue, semblent se dessiner depuis la publication de la politique réglementaire et il a sollicité des observations sur la nature et les conséquences de ces tendances. Afin de mieux comprendre ces tendances et leurs conséquences et de bien cerner le rôle en évolution des services par contournement, le Conseil a demandé aux parties de commenter les sujets énumérés ci-dessous et de fournir en même temps toute information à l'appui de leurs constatations ou affirmations, en portant une attention particulière aux marchés de langue anglaise et de langue française lorsqu'il y a lieu :
- les possibilités qu’offrent les outils de mesure et d'analyse pour mieux comprendre les tendances des services de programmation par contournement au fil du temps;
- les tendances quant aux habitudes des consommateurs, y compris la consommation actuelle et prévue pour les cinq prochaines années, incluant la programmation canadienne et étrangère;
- les tendances technologiques, tant dans le secteur des appareils grand public que celui des capacités de réseaux, qui influeront sur l'évolution de la programmation par contournement;
- la possibilité que, dans un avenir rapproché, les services par contournement remplacent ou réduisent les abonnements aux EDR;
- les possibilités et les défis que représentent les services par contournement pour l'industrie canadienne de la création;
- l'incidence des services par contournement sur l'acquisition et la diffusion des émissions offertes aux Canadiens;
- l'incidence sur les consommateurs de l'augmentation des services par contournement;
- toute autre question ou données appuyant la contribution des services par contournement à la réalisation des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion.
Le Conseil fait remarquer que divers intervenants et les membres du Comité permanent du patrimoine canadien ont pressé le Conseil d’examiner les questions que soulèvent les activités des entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias qui offrent des services de programmation par contournement.
Le Conseil a reçu des observations provenant de consommateurs canadiens, de groupes de défense des intérêts publics, de représentants du secteur culturel, de radiodiffuseurs et de distributeurs, d’exploitants de réseau, d’entreprises de communication verticalement intégrées et de fournisseurs canadiens et étrangers de services par contournement. Le dossier complet de cette instance peut être consulté sur le site web du Conseil à www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».
Changements au sein de l’industrie canadienne des télécommunications
Le Conseil estime que les résultats de la collecte d’informations révèlent que des changements importants sont en cours dans le domaine des communications. Les nouvelles technologies, les fournisseurs de services et le comportement des consommateurs corroborent une transformation caractérisée par un choix accru de services, un marché mondial et de nouvelles possibilités pour les créateurs canadiens. Cependant, un changement de cet ordre crée de l’incertitude à l’égard des modèles d’affaires établis et de l’appui qu’ils procurent au chapitre de la création et de la présentation de contenu canadien. Cette incertitude se vit également face aux investissements dans l’infrastructure des télécommunications de pointe.
Les parties ont présenté divers documents à l’appui des informations recueillies, dont des rapports de renseignements commerciaux, des rapports d’analystes et des recherches sur l’opinion publique. Les données fournies par les parties en ce qui a trait à l'environnement actuel démontrent les faits suivants :
- Les outils servant à mesurer la programmation par contournement ne permettent pas encore de comprendre parfaitement les tendances de consommation de contenu. Il n’existe pas encore de normes pour rendre compte de la consommation de programmation par contournement. Les parties ont présenté des données qui ont été mesurées à l’aide de divers outils disponibles dans le monde des médias numériques, mais aucun d’entre eux n’a donné un tableau complet. La Société Radio‑Canada (SRC) et Netflix Inc. (Netflix) ont signalé les lacunes des sondages menés auprès des consommateurs.
- La SRC a indiqué que ce n’est que tout récemment que le nombre de spectateurs de vidéos en ligne était assez important pour être mesuré par les systèmes de mesure standard et que le développement d’une méthode permettant de mesurer l’écoute des émissions diffusées en ligne commence à peine à voir le jour.
- Les parties ont présenté une grande variété de données reposant sur diverses méthodes de collecte pour montrer que la consommation de la programmation sonore et audiovisuelle jadis offerte par les titulaires de licences de radiodiffusion traditionnelles et maintenant offerte par des fournisseurs de services par contournement étrangers et canadiens constitue une caractéristique importante du système de radiodiffusion actuel, et que ce phénomène devrait continuer à prendre de l’ampleur.
- Bien qu’il n’existe encore aucune norme permettant de mesurer la consommation de la programmation par contournement, comme il l’a déjà été mentionné, toutes les méthodes utilisées (p. ex., sondages, mesure de la programmation encodée et mesure d’utilisation de la bande passante) indiquent une hausse de la consommation de contenu par contournement.
- Nombre de parties, dont les EDR intégrées verticalement, Cogeco Câble Canada inc. (Cogeco), Saskatchewan Telecommunications (Sasktel), MTS Allstream Inc. (MTS Allstream), Teksavvy Solutions Inc. (Teksavvy), les groupes de créateurs, et certains diffuseurs ont indiqué que Netflix avait atteint 800 000 abonnés au Canada en moins d’un an et s’attendait à atteindre 1 000 000 d’abonnés d’ici le troisième trimestre de 2011[4] .
- Astral Media Inc. (Astral), Bell Aliant Communications régionales, société en commandite, et Bell Canada (Bell), Quebecor Media inc. (Quebecor), Rogers Cable Communications (Rogers), Sasktel et Shaw Cablesystem Ltd. (Shaw) ont cité les études de trafic du réseau effectuées par Sandvine, lesquelles révèlent que le contenu vidéo en ligne représente la plus grande partie du trafic Internet.
- Astral a fait référence à un rapport de ComScore qui indique qu’entre septembre et mars 2011, les Canadiens ont visionné 388 millions d’heures de vidéo en ligne (ce qui équivaut à 17,2 heures par téléspectateur) chaque mois. De plus, un groupe de parties du secteur culturel a indiqué que, selon les résultats du rapport TV Trends and Quality Survey, en 2010 près de 31 % de la population anglophone avait regardé des émissions de télévision en ligne, pour une moyenne de 4,5 heures par utilisateur par semaine. Enfin, bon nombre de parties ont indiqué que les Canadiens étaient les plus grands consommateurs de vidéo en ligne au monde. La SRC reconnaît que les récents changements dans la consommation de services par contournement ont créé des remous et qu’un prolongement de l’accès Internet depuis le téléviseur pourrait se produire très prochainement. La SRC a cependant ajouté que la consommation de services par contournement était actuellement modeste pour ce qui est du temps total d'écoute de la télévision, selon les données fournies par MTM.
- En ce qui a trait à la programmation sonore, RNC Média inc. (RNC Média) a cité les données de Statistiques Canada indiquant qu’en 2009, 32 % des Canadiens écoutaient la radio sur le Web. RNC Média a également indiqué que selon les résultats d'un sondage effectué par la firme IPSOS, qui ont été présentés par substance stratégies, le nombre d’heures d’écoute de musique au moyen d’appareils numériques (ordinateur, lecteur MP3, etc.) dépasse de près de 50 % le nombre d’heures d’écoute de musique au moyen de la radio traditionnelle (AM/FM) au Québec.
- Les EDR, les radiodiffuseurs, les groupes de créateurs et Teksavvy font remarquer que la majorité des ménages canadiens possèdent une connexion à haute vitesse et à large bande, ce qui est nécessaire pour utiliser des services par contournement[5].
- Les EDR, les radiodiffuseurs, les groupes de créateurs et Teksavvy ont également indiqué que la plupart des Canadiens avaient désormais la possibilité de consommer du contenu au moment, à l'endroit et de la façon dont ils le désirent. Les Canadiens utilisent des appareils tels que des ordinateurs, des tablettes électroniques, des consoles de jeux, des boîtiers décodeurs à accès Internet et/ou des téléphones intelligents pour accéder à leur programmation sonore et audiovisuelle d’une façon qui leur procure une expérience de plus en plus semblable à celle que leur offrait la télévision et la radio traditionnelles.
- Les réseaux de télécommunication pourraient être appelés à soutenir une consommation accrue de contenu audiovisuel diffusé par les services de contournement.
- Astral, Bell, Quebecor, Rogers, Sasktel et Shaw ont fait remarquer que les consommateurs canadiens consommaient de plus en plus de contenu vidéo en ligne qui demande une grande capacité de bande passante, mentionnant les rapports publiés par Sandvine.
- L’Office national du film (ONF) et la SRC ont tous deux indiqué que les limites de largeur de bande pourraient nuire à l’adoption des services par contournement.
- MTS Allstream a indiqué qu’elle avait dû continuer d’investir des sommes importantes pour augmenter la capacité de son réseau et répondre à la demande croissante en bande passante, bien qu’elle ne puisse pas attribuer directement la croissance de cette demande à l’adoption de services par contournement.
- Certains Canadiens décident de réduire ou d’abandonner totalement leur abonnement de services fournis par leurs EDR, mais on ne cerne pas pleinement l’ampleur de cette réalité ni les motifs de ce comportement.
- Bell a cité un rapport de Parks Associates qui fournit des indications quantitatives sur la réduction ou l’annulation d’abonnements, mais n’a pas indiqué si elle avait vécu cette situation.
- Shaw et Rogers ont cité des rapports qui fournissent des prévisions sur le nombre de clients qui délaisseront complètement leurs services en 2011-2012.
- Quebecor, Pelmorex Communications Inc. (Pelmorex), Bell et Allarco Entertainment 2008 Inc. ont présenté diverses perspectives concernant les abonnements aux EDR qui, selon elles, indiquaient une diminution de la croissance du nombre d’abonnements.
- Sasktel a fait remarquer que certains de ses clients avaient délaissé partiellement leurs services sans toutefois fournir de chiffres.
- MTS Allstream et Corus Entertainment Inc. ont toutefois indiqué qu’elles n’avaient pas connu de diminutions d’abonnements.
- Des créateurs canadiens se sont prévalus des possibilités qu’offrent les nouveaux médias pour rejoindre des auditoires canadiens et étrangers.
- Google Inc. (Google), Netflix, Apple Canada Inc et Apple Inc. (Apple), la SRC, l’ONF, Teksavvy, Pelmorex et la Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada (CIPPIC) ont précisé que les services par contournement favorisaient une distribution élargie du contenu canadien. L’ONF a indiqué que les plateformes de contournement permettaient d’accéder à un contenu innovateur. Teksavvy a ajouté que les services par contournement rendaient le contenu spécialisé accessible. Cependant, Pelmorex et les groupes de créateurs ont précisé que le contenu canadien pourrait se perdre dans l’abondance de contenu.
- Les groupes de créateurs ont fait remarquer que, pour les petits producteurs, la distribution par des services par contournement payants ou des services par contournement qui offrent des abonnements n’avait pas été un succès.
- Certains fournisseurs par contournement semblent avoir établi des modèles d’affaires viables engendrant des sources de revenus, et ils se font concurrence sur le marché canadien pour gagner des téléspectateurs et obtenir les droits de diffusion.
- On screen Manitoba a cité Netflix comme étant un exemple de modèle d’affaires viable.
- Les radiodiffuseurs privés et les EDR intégrées verticalement ont exprimé leurs inquiétudes quant au fait que des fournisseurs de services par contournement mieux nantis, dont les coûts de structures sont peu élevés, pourraient offrir plus pour les droits de diffusion que les entreprises canadiennes. Cogeco a cependant indiqué qu’elle s’attendait à ce que les grandes EDR intégrées verticalement continuent d’être avantagées par rapport aux fournisseurs de services par contournement en acquérant des droits de diffusion des émissions canadiennes sur toutes les plateformes.
Des parties ont indiqué qu’il pourrait y avoir une diminution des revenus dans le système réglementé en raison des désabonnements, complets ou partiels, ou d’une baisse des recettes publicitaires attribuables à l’exploitation des services par contournement au Canada. Shaw et RNC media ont présenté des données indiquant que les recettes publicitaires de la télévision privée traditionnelle avaient baissé légèrement de 2006 à 2009 et rebondi en 2010. Elles n'ont cependant pas démontré que la consommation de contenu par contournement était la cause de cette baisse. Shaw et l’ONF ont présenté des données indiquant que les revenus des services de télévision spécialisée et payante avaient continué d’augmenter au cours de cette même période.
En revanche, d’autres parties, dont Netflix, Teksavvy, Apple et la CIPPIC, ont indiqué que les services par contournement étaient complémentaires à ceux offerts par les entreprises réglementées et qu’une vaste majorité de téléspectateurs utilisaient les services offerts par les EDR. Elles ont également fait remarquer que rien ne prouvait que les téléspectateurs avaient abandonné la radiodiffusion traditionnelle en faveur des services par contournement.[6]
Conséquences possibles de ces changements
Une majorité des parties, dont les EDR intégrées verticalement, les groupes de créateurs et les radiodiffuseurs privés, estiment que l’exploitation des services par contournement au Canada, et plus particulièrement les services par contournement étrangers, se traduira, avec le temps, par une réduction des ressources versées au fonds de soutien au contenu canadien. Plus particulièrement, les parties ont affirmé que la tendance de la consommation de contenu proposé par des sources non réglementées se traduira par une baisse des revenus d’abonnement liés aux services payants, spécialisés et de vidéo sur demande et, potentiellement, de ceux des EDR. Ces parties ont également indiqué que dans un contexte de fragmentation de la programmation, les recettes publicitaires pourraient également diminuer, causant ainsi une pression à la baisse des revenus qui constituent la base financière des exigences en matière de diffusion et de dépenses au titre de la programmation canadienne.
lles ont suggéré en outre que les entités étrangères bien financées acquerront de plus en plus de droits de diffusion achetés traditionnellement par des entités canadiennes.
D’autres parties, dont Netflix, Teksavvy, Apple et la CIPPIC, ont affirmé que les services par contournement étaient complémentaires au système de radiodiffusion canadien et qu’en fait les entreprises réglementées réagissaient à cette situation en lançant leurs propres services par contournement. Plusieurs parties, y compris les entreprises de services par contournement étrangères, les consommateurs et l’ONF, ont affirmé que ce contexte offrait de nouvelles possibilités au système réglementé de radiodiffusion, et qu’il n’y avait pas de problème systémique pour préserver le contenu canadien tout en favorisant l'innovation et un éventail de choix aux consommateurs. De l’avis de la SRC, les services par contournement de plateforme constituent une autre plateforme permettant aux Canadiens d’accéder à un large éventail d’émissions canadiennes.
Des parties ont ajouté que les tendances actuelles et les développements du marché n’avaient aucune conséquence en matière de réglementation. D’autres parties ont soutenu qu’en l’absence d'outils de mesure rigoureux, il était encore trop tôt pour déterminer l’impact des services par contournement.
Des parties ont indiqué qu’il faudra innover et investir davantage dans le secteur de l’infrastructure des réseaux pour traiter le volume croissant de trafic que généreront les services par contournement.
Les groupes de défense des personnes handicapées ont souligné que la plupart des émissions diffusées en ligne n’avaient pas de sous-titrage ni de vidéodescription. Cette situation présente des obstacles pour leurs membres. L’Association des sourds du Canada a indiqué que les plateformes de diffusion par les nouveaux médias permettaient aux radiodiffuseurs canadiens d’offrir des émissions complètement accessibles en ligne et de rejoindre des auditoires de personnes handicapées des quatre coins du globe.
Politiques proposées par les intervenants
De nombreux intervenants ont proposé des politiques visant à résoudre les problèmes associés à la consommation croissante de contenu par contournement. En règle générale, ces intervenants appartiennent à trois grandes catégories, selon qu’ils proposent des solutions réglementaires ou des solutions commerciales, à savoir a) la réduction des obligations pour les entités réglementées, b) la création d’obligations réglementaires pour les fournisseurs de services par contournement, et c) le maintien du statu quo.
Un premier groupe, composé principalement d’entités canadiennes intégrées verticalement, estime que le paysage concurrentiel comportait des asymétries en faveur des entreprises non canadiennes exemptées, et que les entités réglementées étaient désavantagéespar rapport aux fournisseurs de services par contournement exemptés. Selon cette opinion, les entités de services par contournement, qui ne sont pas assujetties à des restrictions réglementaires significatives, ont plus facilement accès au marché de capitaux mondiaux pour financer leurs activités ettirer entièrement profit des modèles d’affairesaxés sur les demandes des consommateurs sans aucune restriction réglementaire en matière d’assemblage, de tarification et de choix des services. Ce groupe s’est penché de façon générale sur les solutions réglementaires, demandant au Conseil de réduire les exigences réglementaires actuelles imposées aux entités réglementées, afin de corriger les asymétries du marché. Rogers et Shaw ont expressément demandé une réduction des exigences réglementaires imposées aux services de vidéo sur demande fournis par les EDR étant donné que les services par contournement font directement concurrence à ces services.
Le deuxième groupe, composé en grande partie de représentants du secteur culturel et de groupes de créateurs, a fait valoir que le principal enjeu dans cet environnement serait de maintenir l’appui à la programmation canadienne alors que les auditoires se tournent de plus en plus vers des sources qui ne sont pas tenues de contribuer à la création et à la présentation de contenu canadien. Ce groupe a proposé l’adoption d’une solution réglementaire qui obligerait le Conseil à corriger cette asymétrie en imposant des obligations (c.-à-d., des contributions à un fonds de soutien au contenu et des exigences de présentation et de dépenses) aux entreprises exemptées.
Bell a suggéré que la réglementation devrait s’appliquer aux « principales » activités d’une entreprise de communications. Par exemple, dans le cas d’une EDR ou d’un radiodiffuseur réglementé, la réglementation devrait s’appliquer à ces activités, alors que les fournisseurs affiliés de services par contournement en demeureraient exemptés. Par contre, les entreprises dont l’activité principale est la fourniture de programmation par contournement se verraient imposer des obligations de soutien à la création et à la présentation d’émissions canadiennes.
Les parties constituant le troisième groupe estiment qu’aucune mesure de réglementation à l’appui des objectifs législatifs ne doit être prise pour le moment. Les membres de ce groupe, formé principalement de fournisseurs de services par contournement et de Canadiens ainsi que de la SRC, de TekSavvy et de la CIPPIC, ont proposé que le Conseil maintienne une approche non interventionniste visant à encourager l’innovation et l’expérimentation ainsi que les réactions concurrentielles de la part d’entreprises réglementées. L’ONF a mentionné qu’il était envisageable de créer un autre service canadien de programmation par contournement qui ne ferait pas concurrence au secteur commercial actuel, mais qui offrirait d’uniques possibilités à l’industrie canadienne de la production privée et aux Canadiens. Certaines parties ont fait remarquer que l’exemption s’appliquait tant aux entreprises canadiennes qu’aux entreprises étrangères et que les fournisseurs canadiens de services par contournement avaient l’occasion de rivaliser selon des règles équitables. D’autres parties étaient en faveur du statu quo, pour le moment, étant donné que le contexte des services par contournement n’était pas parfaitement compris.
Conclusion
Le Conseil estime que les résultats de la collecte d’informations démontrent que d’importants changements sont en cours dans le domaine des communications et que d’autres encore pourraient survenir. Les nouvelles technologies, les fournisseurs de services et le comportement des consommateurs corroborent une transformation caractérisée par un choix accru de services, un marché mondial et de nouvelles possibilités pour les créateurs canadiens. Cependant, un changement de cet ordre crée de l’incertitude à l’égard des modèles d’affaires établis et de l’appui qu’ils procurent au chapitre de la création et de la présentation de contenu canadien. Cette incertitude se vit également face aux investissements dans l’infrastructure des communications de pointe.
Cependant, les données n’indiquent pas que la présence de fournisseurs de services par contournement au Canada et une consommation accrue de contenu par contournement aient des effets négatifs sur la capacité du système de radiodiffusion à atteindre les objectifs de politique de la Loi sur la radiodiffusion ou que des obstacles structurels empêchent les entreprises réglementées à réagir de façon concurrentielle aux activités des fournisseurs de services par contournement.
Le système canadien de radiodiffusion a réussi à encourager une vaste gamme de producteurs et de radiodiffuseurs indépendants à produire diverses émissions mettant en valeur les réalités canadiennes. Non seulement les Canadiens ont-ils accès à une vaste gamme d’émissions canadiennes de grande qualité, mais ont-ils aussi accès à du contenu provenant de tous les pays du monde. L’assouplissement proposé des règles qui imposent des restrictions quant à la façon dont les entités réglementées regroupent les services et contribuent au système pourrait entraîner une réduction du niveau de contenu canadien et une perte de diversité au sein du système canadien de radiodiffusion, ce qui va à l’encontre des principaux objectifs de politique de la Loi sur la radiodiffusion.
Les intervenants qui préconisent l’imposition d’obligations réglementaires aux fournisseurs de services par contournement ont démontré que l’adoption de ces services par les consommateurs était réelle et en pleine croissance. Ils n’ont cependant pas fourni de données indiquant que cette pratique nuisait au système traditionnel de radiodiffusion. C’est cohérent avec les recherches actuelles du Conseil sur les tendances des nouveaux médias.
Le Conseil estime qu’étendre aux entreprises exemptées les obligations réglementaires normalement imposées lors de l’octroi d’une licence pourrait entraîner des conséquences imprévues dans un environnement mondial et numérique. Par exemple, Google, l’ONF et Shaw ont dit craindre que les obligations réglementaires nuisent à l’innovation. Shaw a ajouté que des obligations réglementaires pouvaient entraver la capacité concurrentielle des entreprises médiatiques canadiennes à l’échelle mondiale. La CIPPIC a fait remarquer que les obligations régissant l’exclusivité de l’accès ne s’appliquaient pas à Internet, étant donné que ce réseau a été conçu pour offrir l’accès à tous les types de contenu à tous les usagers, peu importe où ils se trouvent dans le monde.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil n’envisage pas pour le moment de revoir l’ordonnance d’exemption des nouveaux médias, ni d’examiner d’éventuelles modifications de politique visant à accroître la souplesse nécessaire aux radiodiffuseurs réglementés pour réagir aux activités des fournisseurs de services par contournement. Néanmoins, le Conseil estime que les résultats de la collecte de données montrent qu’en peu de temps, les activités des fournisseurs de services par contournement ont redessiné l’industrie de la radiodiffusion en présentant des solutions de rechange viables, tant étrangères que nationales, aux services traditionnels. Les répercussions d’ordre financier de ces services pourraient être appelées à prendre de l’ampleur étant donné que les services par contournement sont devenus une caractéristique importante de l’environnement de la radiodiffusion au Canada.
Les prochaines étapes
Le Conseil estime qu’actuellement, il est préférable de laisser évoluer le marché des services par contournement, d’attendre l’apparition de meilleurs outils de mesure et de laisser les entités contribuant aux objectifs de politique de la Loi profiter des nombreuses possibilités qu’offre ce nouvel environnement.
Compte tenu de l’évolution rapide dans cet environnement, le Conseil entend garder un œil vigilant sur les fournisseurs de services par contournement et compte réaliser une collecte de données financières et recueillir d’autres d’informations en mai 2012 afin de vérifier si les scénarios présentés par les parties relativement aux possibilités et aux répercussions éventuelles sur la réglementation se sont concrétisés. Le Conseil s’attend à ce que les intervenants, à ce moment-là, soient en mesure de fournir des données rigoureusement colligées, notamment des recherches sur l’opinion des consommateurs, des sondages internes auprès de la clientèle, des historiques des revenus et des dépenses associés aux services par contournement, des données sur les marchés, des données qualitatives et quantitatives concernant la situation du sous-titrage et de la vidéodescription dans la programmation par contournement ainsi que d’autres chiffres du genre qui aideront le Conseil à mieux évaluer les incidences et les possibilités offertes par cet environnement. En plus, dans le cadre de sa mission de surveillance, le Conseil mettra l’accent principalement sur les services par contournement lors de sa consultation annuelle auprès de l’industrie.
[1] L'ordonnance de radiodiffusion 2009-329 a modifié, clarifié et confirmé la pertinence de l'ordonnance d'exemption relative aux nouveaux médias pour les entreprises de radiodiffusion par les nouveaux médias.
[2] Le Conseil estime que l'accès Internet à la programmation indépendant de toute structure ou de tout réseau dédié à sa distribution (par câble ou par satellite, par exemple) est la principale caractéristique de ce que l’on appelle les « services par contournement ».
[3] Ces tendances sont décrites dans l’avis consultation de radiodiffusion et de télécom CRTC 2011-344.
[4] Le 4 août 2011, Netflix a annoncé qu’elle avait atteint son millionième abonné au Canada.
[5]Bell a cité Akamai qui a indiqué qu’en 2010, 88 % des adresses IP uniques au Canada offraient une vitesse moyenne de téléchargement supérieure à 2 Mbps.
[6] Netflix a cité une étude américaine récente effectuée par ESPN et basée sur les données de Nielsen, qui révèle qu'entre le quatrième trimestre de 2010 et le premier trimestre de 2011 seulement 0,18 % des ménages américains se sont désabonnés à un service offert par une EDR – et cette statistique s’annule complètement du fait que 0,18 des ménages américains se sont abonnés à des services offerts par une EDR au cours de cette même période après avoir été dépendants d’un service de radiodiffusion en direct.
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