Résultats de la collecte de renseignements sur les services de programmation par contournement

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CRTC – Politique sur la convergence, Élaboration de politiques et Recherche
Octobre 2011

Historique

Le 25 mai 2011, le Conseil a publié l’avis de consultation de radiodiffusion et de télécom CRTC 2011-344, lequel porte sur une collecte d’informations sur les services de programmation par contournement dans le système canadien de radiodiffusion. Dans cet avis, le Conseil a indiqué qu’il surveillait l’évolution de la radiodiffusion par les nouveaux médias depuis la publication de la politique réglementaire de radiodiffusion 2009-329 (la politique réglementaire)[1]. Il a également précisé que « la programmation par contournement »[2] offerte sur Internet est de plus en plus disponible à des prix attrayants.

Dans cet avis, le Conseil a décrit en outre plusieurs tendances[3] qui, à première vue, semblent se dessiner depuis la publication de la politique réglementaire et il a sollicité des observations sur la nature et les conséquences de ces tendances. Afin de mieux comprendre ces tendances et leurs conséquences et de bien cerner le rôle en évolution des services par contournement, le Conseil a demandé aux parties de commenter les sujets énumérés ci-dessous et de fournir en même temps toute information à l'appui de leurs constatations ou affirmations, en portant une attention particulière aux marchés de langue anglaise et de langue française lorsqu'il y a lieu :

Le Conseil fait remarquer que divers intervenants et les membres du Comité permanent du patrimoine canadien ont pressé le Conseil d’examiner les questions que soulèvent les activités des entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias qui offrent des services de programmation par contournement.

Le Conseil a reçu des observations provenant de consommateurs canadiens, de groupes de défense des intérêts publics, de représentants du secteur culturel, de radiodiffuseurs et de distributeurs, d’exploitants de réseau, d’entreprises de communication verticalement intégrées et de fournisseurs canadiens et étrangers de services par contournement. Le dossier complet de cette instance peut être consulté sur le site web du Conseil à www.crtc.gc.ca, sous « Instances publiques ».

Changements au sein de l’industrie canadienne des télécommunications

Le Conseil estime que les résultats de la collecte d’informations révèlent que des changements importants sont en cours dans le domaine des communications. Les nouvelles technologies, les fournisseurs de services et le comportement des consommateurs corroborent une transformation caractérisée par un choix accru de services, un marché mondial et de nouvelles possibilités pour les créateurs canadiens. Cependant, un changement de cet ordre crée de l’incertitude à l’égard des modèles d’affaires établis et de l’appui qu’ils procurent au chapitre de la création et de la présentation de contenu canadien. Cette incertitude se vit également face aux  investissements dans l’infrastructure des télécommunications de pointe.

Les parties ont présenté divers documents à l’appui des informations recueillies, dont des rapports de renseignements commerciaux, des rapports d’analystes et des recherches sur l’opinion publique. Les données fournies par les parties en ce qui a trait à l'environnement actuel démontrent les faits suivants :

Des parties ont indiqué qu’il pourrait y avoir une diminution des revenus dans le système réglementé en raison des désabonnements, complets ou partiels, ou d’une baisse des recettes publicitaires attribuables à l’exploitation des services par contournement au Canada. Shaw et RNC media ont présenté des données indiquant que les recettes publicitaires de la télévision privée traditionnelle avaient baissé légèrement de 2006 à 2009 et rebondi en 2010. Elles n'ont cependant pas démontré que la consommation de contenu par contournement était la cause de cette baisse. Shaw et l’ONF ont présenté des données indiquant que les revenus des services de télévision spécialisée et payante avaient continué d’augmenter au cours de cette même période.

En revanche, d’autres parties, dont Netflix, Teksavvy, Apple et la CIPPIC, ont indiqué que les services par contournement étaient complémentaires à ceux offerts par les entreprises réglementées et qu’une vaste majorité de téléspectateurs utilisaient les services offerts par les EDR. Elles ont également fait remarquer que rien ne prouvait que les téléspectateurs avaient abandonné la radiodiffusion traditionnelle en faveur des services par contournement.[6]

Conséquences possibles de ces changements

Une majorité des parties, dont les EDR intégrées verticalement, les groupes de créateurs et les radiodiffuseurs privés, estiment que l’exploitation des services par contournement au Canada, et plus particulièrement les services par contournement étrangers, se traduira, avec le temps, par une réduction des ressources versées au fonds de soutien au contenu canadien. Plus particulièrement, les parties ont affirmé que la tendance de la consommation de contenu proposé par des sources non réglementées se traduira par une baisse des revenus d’abonnement liés aux services payants, spécialisés et de vidéo sur demande et, potentiellement, de ceux des EDR. Ces parties ont également indiqué que dans un contexte de fragmentation de la programmation, les recettes publicitaires pourraient également diminuer, causant ainsi une pression à la baisse des revenus qui constituent la base financière des exigences en matière de diffusion et de dépenses au titre de la programmation canadienne.

lles ont suggéré en outre que les entités étrangères bien financées acquerront de plus en plus de droits de diffusion achetés traditionnellement par des entités canadiennes.

D’autres parties, dont Netflix, Teksavvy, Apple et la CIPPIC, ont affirmé que les services par contournement étaient complémentaires au système de radiodiffusion canadien et qu’en fait les entreprises réglementées réagissaient à cette situation en lançant leurs propres services par contournement. Plusieurs parties, y compris les entreprises de services par contournement étrangères, les consommateurs et l’ONF, ont affirmé que ce contexte offrait de nouvelles possibilités au système réglementé de radiodiffusion, et qu’il n’y avait pas de problème systémique pour préserver le contenu canadien tout en favorisant l'innovation et un éventail de choix aux consommateurs. De l’avis de la SRC, les services par contournement de plateforme constituent une autre plateforme permettant aux Canadiens d’accéder à un large éventail d’émissions canadiennes.

Des parties ont ajouté que les tendances actuelles et les développements du marché n’avaient aucune conséquence en matière de réglementation. D’autres parties ont soutenu qu’en l’absence d'outils de mesure rigoureux, il était encore trop tôt pour déterminer l’impact des services par contournement.

Des parties ont indiqué qu’il faudra innover et investir davantage dans le secteur de l’infrastructure des réseaux pour traiter le volume croissant de trafic que généreront les services par contournement.

Les groupes de défense des personnes handicapées ont souligné que la plupart des émissions diffusées en ligne n’avaient pas de sous-titrage ni de vidéodescription. Cette situation présente des obstacles pour leurs membres. L’Association des sourds du Canada a indiqué que les plateformes de diffusion par les nouveaux médias permettaient aux radiodiffuseurs canadiens d’offrir des émissions complètement accessibles en ligne et de rejoindre des auditoires de personnes handicapées des quatre coins du globe.

Politiques proposées par les intervenants

De nombreux intervenants ont proposé des politiques visant à résoudre les problèmes associés à la consommation croissante de contenu par contournement. En règle générale, ces intervenants appartiennent à trois grandes catégories, selon qu’ils proposent des solutions réglementaires ou des solutions commerciales, à savoir a) la réduction des obligations pour les entités réglementées, b) la création d’obligations réglementaires pour les fournisseurs de services par contournement, et c) le maintien du statu quo.

Un premier groupe, composé principalement d’entités canadiennes intégrées verticalement,  estime que le paysage concurrentiel comportait des asymétries en faveur des entreprises non canadiennes exemptées, et que les entités réglementées étaient désavantagéespar rapport aux fournisseurs de services par contournement exemptés. Selon cette opinion, les entités de services par contournement, qui ne sont pas assujetties à des restrictions réglementaires significatives, ont plus facilement accès au marché de capitaux mondiaux pour financer leurs activités ettirer entièrement profit des modèles d’affairesaxés sur les demandes des consommateurs sans aucune restriction réglementaire en matière d’assemblage, de tarification et de choix des services. Ce groupe s’est penché de façon générale sur les solutions réglementaires, demandant au Conseil de réduire les exigences réglementaires actuelles imposées aux entités réglementées, afin de corriger les asymétries du marché. Rogers et Shaw ont expressément demandé une réduction des exigences réglementaires imposées aux services de vidéo sur demande fournis par les EDR étant donné que les services par contournement font directement concurrence à ces services.

Le deuxième groupe, composé en grande partie de représentants du secteur culturel et de groupes de créateurs, a fait valoir que le principal enjeu dans cet environnement serait de maintenir l’appui à la programmation canadienne alors que les auditoires se tournent de plus en plus vers des sources qui ne sont pas tenues de contribuer à la création et à la présentation de contenu canadien. Ce groupe a proposé l’adoption d’une solution réglementaire qui obligerait le Conseil à corriger  cette asymétrie en imposant des obligations (c.-à-d., des contributions à un fonds de soutien au contenu et des exigences de présentation et de dépenses) aux entreprises exemptées.

 Bell a suggéré que la réglementation devrait s’appliquer aux « principales » activités d’une entreprise de communications. Par exemple, dans le cas d’une EDR ou d’un radiodiffuseur réglementé, la réglementation devrait s’appliquer à ces activités, alors que les fournisseurs affiliés de services par contournement en demeureraient exemptés. Par contre, les entreprises dont l’activité principale est la fourniture de programmation par contournement se verraient imposer des obligations de soutien à la création et à la présentation d’émissions canadiennes.

Les parties constituant le troisième groupe estiment qu’aucune mesure de réglementation à l’appui des objectifs législatifs ne doit être prise pour le moment. Les membres de ce groupe, formé principalement de fournisseurs de services par contournement et de Canadiens ainsi que de la SRC, de TekSavvy et de la CIPPIC, ont proposé que le Conseil maintienne une approche non interventionniste visant à encourager l’innovation et l’expérimentation ainsi que les réactions concurrentielles de la part d’entreprises réglementées. L’ONF a mentionné qu’il était envisageable de créer un autre service canadien de programmation par contournement qui ne ferait pas concurrence au secteur commercial actuel, mais qui offrirait d’uniques possibilités à l’industrie canadienne de la production privée et aux Canadiens. Certaines parties ont fait remarquer que l’exemption s’appliquait tant aux entreprises canadiennes qu’aux entreprises étrangères et que les fournisseurs canadiens de services par contournement avaient l’occasion de rivaliser selon des règles équitables. D’autres parties étaient en faveur du statu quo, pour le moment, étant donné que le contexte des services par contournement n’était pas parfaitement compris. 

Conclusion

Le Conseil estime que les résultats de la collecte d’informations démontrent que d’importants  changements sont en cours dans le domaine des communications et que d’autres encore pourraient survenir. Les nouvelles technologies, les fournisseurs de services et le comportement des consommateurs corroborent une transformation caractérisée par un choix accru de services, un marché mondial et de nouvelles possibilités pour les créateurs canadiens. Cependant, un changement de cet ordre crée de l’incertitude à l’égard des modèles d’affaires établis et de l’appui qu’ils procurent au chapitre de la création et de la présentation de contenu canadien. Cette incertitude se vit également face aux  investissements dans l’infrastructure des communications de pointe.

Cependant, les données n’indiquent pas que la présence de fournisseurs de services par contournement au Canada et une consommation accrue de contenu par contournement aient des effets négatifs sur la capacité du système de radiodiffusion à atteindre les objectifs de politique de la Loi sur la radiodiffusion ou que des obstacles structurels empêchent les entreprises réglementées à réagir de façon concurrentielle aux activités des fournisseurs de services par contournement.

Le système canadien de radiodiffusion a réussi à encourager une vaste gamme de producteurs et de radiodiffuseurs indépendants à produire diverses émissions mettant en valeur les réalités canadiennes. Non seulement les Canadiens ont-ils accès à une vaste gamme d’émissions canadiennes de grande qualité, mais ont-ils aussi accès à du contenu provenant de tous les pays du monde. L’assouplissement proposé des règles qui imposent des restrictions quant à la façon dont les entités réglementées regroupent les services et contribuent au système pourrait entraîner une réduction du niveau de contenu canadien et une perte de diversité au sein du système canadien de radiodiffusion, ce qui va à l’encontre des principaux objectifs de politique de la Loi sur la radiodiffusion.


Les intervenants qui préconisent l’imposition d’obligations réglementaires aux fournisseurs de services par contournement ont démontré que l’adoption de ces services par les consommateurs était réelle et en pleine croissance. Ils n’ont cependant pas fourni de données indiquant que cette pratique nuisait au système traditionnel de radiodiffusion. C’est cohérent avec les recherches actuelles du Conseil sur les tendances des nouveaux médias.

Le Conseil estime qu’étendre aux entreprises exemptées les obligations réglementaires normalement imposées lors de l’octroi d’une licence pourrait entraîner des conséquences imprévues dans un environnement mondial et numérique. Par exemple, Google, l’ONF et Shaw ont dit craindre que les obligations réglementaires nuisent à l’innovation. Shaw a ajouté que des obligations réglementaires pouvaient entraver la capacité concurrentielle des entreprises médiatiques canadiennes à l’échelle mondiale. La CIPPIC a fait remarquer que les obligations régissant l’exclusivité de l’accès ne s’appliquaient pas à Internet, étant donné que ce réseau a été conçu pour offrir l’accès à tous les types de contenu à tous les usagers, peu importe où ils se trouvent dans le monde.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil n’envisage pas pour le moment de revoir  l’ordonnance d’exemption des nouveaux médias, ni d’examiner d’éventuelles modifications de politique visant à accroître la souplesse nécessaire aux radiodiffuseurs réglementés pour réagir aux activités des fournisseurs de services par contournement. Néanmoins, le Conseil estime que les résultats de la collecte de données montrent qu’en peu de temps, les activités des fournisseurs de services par contournement ont redessiné l’industrie de la radiodiffusion en présentant des solutions de rechange viables, tant étrangères que nationales, aux services traditionnels. Les répercussions d’ordre financier de ces services pourraient être appelées à prendre de l’ampleur étant donné que les services par contournement sont devenus une caractéristique importante de l’environnement de la radiodiffusion au Canada.

Les prochaines étapes

Le Conseil estime qu’actuellement, il est préférable de laisser évoluer le marché des services par contournement, d’attendre l’apparition de meilleurs outils de mesure et de laisser les entités contribuant aux objectifs de politique de la Loi profiter des nombreuses possibilités qu’offre ce nouvel environnement.

Compte tenu de l’évolution rapide dans cet environnement, le Conseil entend garder un œil vigilant sur les fournisseurs de services par contournement et compte réaliser une collecte de données financières et recueillir d’autres d’informations en mai 2012 afin de vérifier si les scénarios présentés par les parties relativement aux possibilités et aux répercussions éventuelles sur la réglementation se sont concrétisés. Le Conseil s’attend à ce que les intervenants, à ce moment-là, soient en mesure de fournir des données rigoureusement colligées, notamment des recherches sur l’opinion des consommateurs, des sondages internes auprès de la clientèle, des historiques des revenus et des dépenses associés aux services par contournement, des données sur les marchés, des données qualitatives et quantitatives concernant la situation du sous-titrage et de la vidéodescription dans la programmation par contournement ainsi que d’autres chiffres du genre qui aideront le Conseil à mieux évaluer les incidences et les possibilités offertes par cet environnement. En plus, dans le cadre de sa mission de surveillance, le Conseil mettra l’accent principalement sur les services par contournement lors de sa consultation annuelle auprès de l’industrie.


[1] L'ordonnance de radiodiffusion 2009-329 a modifié, clarifié et confirmé la pertinence de l'ordonnance d'exemption relative aux nouveaux médias pour les entreprises de radiodiffusion par les nouveaux médias.

[2] Le Conseil estime que l'accès Internet à la programmation indépendant de toute structure ou de tout réseau dédié à sa distribution (par câble ou par satellite, par exemple) est la principale caractéristique de ce que l’on appelle les « services par contournement ».

[3] Ces tendances sont décrites dans l’avis consultation de radiodiffusion et de télécom CRTC 2011-344.

[4] Le 4 août 2011, Netflix a annoncé qu’elle avait atteint son millionième abonné au Canada.

[5]Bell a cité Akamai qui a indiqué qu’en 2010, 88 % des adresses IP uniques au Canada offraient une vitesse moyenne de téléchargement supérieure à 2 Mbps.

[6] Netflix a cité une étude américaine récente effectuée par ESPN et basée sur les données de Nielsen, qui révèle qu'entre le quatrième trimestre de 2010 et le premier trimestre de 2011 seulement 0,18 % des ménages américains se sont désabonnés à un service offert par une EDR – et cette statistique s’annule complètement du fait que 0,18 des ménages américains se sont abonnés à des services offerts par une EDR au cours de cette même période après avoir été dépendants d’un service de radiodiffusion en direct.

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