Télécom - Lettre du secrétaire général adressée à Philippe Gauvin (Bell Canada)

Ottawa, le 18 avril 2023

Notre référence: 8662-B2-202209973

PAR COURRIEL

Philippe Gauvin
Avocat général adjoint
Bell Canada
160, rue Elgin, étage 19
Ottawa (Ontario)  K2P 2C4
bell.regulatory@bell.ca

Objet: Demande de suspendre la décision de télécom CRTC 2022-341

Bonjour Philippe:

Contexte

Le 21 décembre 2022, Bell Canada (Bell) a déposé une demande en vertu de la partie 1 en vue de réviser et de modifier la politique réglementaire de télécom 2018-377 ainsi que la décision 2022-341 en vertu de l’article 62 de la Loi sur les télécommunications (la Loi) et de la partie 1 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. En outre, Bell a demandé de suspendre la décision de télécom 2022-341. Le Conseil a traité la demande de suspension et le présent document contient la décision. La décision concernant la demande de révision et de modification des décisions susmentionnées sera publiée à une date ultérieure.

Le test applicable

Les critères que le Conseil a généralement décidé d’appliquer pour l’évaluation des demandes de suspension sont ceux qui ont été établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) [1994] 1 RCS 311 (RJR-MacDonald). Ces critères (les critères RJR-MacDonald) sont les suivants : a) il existe une question sérieuse à juger; b) la partie qui sollicite le redressement provisoire subira un préjudice irréparable si le redressement n’est pas accordé; et c) la prépondérance des inconvénients, compte tenu de l’intérêt public, penche en faveur de la suspension. Pour se voir accorder une suspension, un demandeur doit démontrer que sa demande respecte les trois critères.

Demande

Bell a indiqué qu’une suspension devrait être accordée puisque sa demande respecte chaque élément des critères RJR-Macdonald. Pour le premier critère, Bell a déclaré qu'il s’agit d'un seuil facile à franchir et qu’elle y a répondu, car le Fonds de contribution national (le Fonds) a 148 millions de dollars en contributions non réclamées qui n’ont pas encore été attribués. Elle soutient également que le fait de percevoir des sommes supplémentaires en 2023 exacerberait le problème perçu dans la demande de fond. Pour le deuxième critère, Bell a affirmé que les sommes qui seront perçues en 2023 par le Fonds pourraient servir à améliorer ses réseaux et que l’incapacité de financer ces initiatives causerait des dommages irréparables, car ce financement pourrait générer des revenus ou des profits supplémentaires, en plus d’améliorer sa position concurrentielle. Enfin, Bell soutient que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’octroi de la suspension. Elle indique que, selon elle, le total des fonds recueillis dépasse largement le montant qui a été attribué par le Fonds jusqu’à maintenant et qu’aucune autre subvention n’est prévue au cours de la prochaine année ou des deux prochaines années. Par conséquent, l’inconvénient relatif de refuser la suspension est plus important pour Bell à titre d’entreprise payeuse de contributions qu’il l’est pour les autres parties intéressées et l’intérêt public.

Interventions

Huit interventions ont été déposées en lien avec la demande. La plupart des interventions ne mentionnent pas la demande de suspension explicitement; elles sont plutôt axées sur les aspects de fond de la demande. Six intervenants étaient, de façon générale, en faveur d’une partie ou de l’ensemble de la demande, mais aucun d’eux n’a formulé d’argument précis appuyant la demande de suspension, sauf pour confirmer leur soutien à une cessation immédiate de la collecte de fonds supplémentaires dans le cadre du Fonds pour la large bande. SSi Canada (SSi) et PIAC se sont opposés à la demande en général, mais SSi a été le seul intervenant à présenter une position approfondie opposée à la demande de sursis. SSi a présenté plusieurs arguments en opposition, notamment l'absence de contraintes concernant tout retour de fonds et la proportionnalité des revenus du Fonds apportés par chaque payeur.

Résultats de l'analyse du Conseil

Existe-t-il une question sérieuse à juger?

Dans le cadre de son évaluation à savoir si Bell a satisfait à la première partie du test, le Conseil estime que Bell a soulevé de sérieuses questions à juger, qu’elle a, par conséquent, satisfait à ce premier critère et que la demande de suspension n’est ni vexatoire ni frivole.

Bell subira-t-elle un préjudice irréparable si la suspension n’est pas accordée?

Dans l’arrêt RJR-MacDonald, la Cour suprême du Canada a précisé que, lors de l’évaluation du préjudice irréparable, on doit tenir compte de la nature du préjudice et non de sa gravité. La question de la gravité sera toutefois pertinente au moment d’évaluer la question de la prépondérance des inconvénients. En tenant compte des dépenses en immobilisations de 13,4 milliards de dollars effectuées par les FST en 2022 et qui sont citées dans la demande, le montant total des fonds recueillis par le Fonds pour la large bande dans une année donnée représente moins de 1 % des dépenses en immobilisations totales et, par conséquent, n’est pas susceptible de causer un préjudice irréparable. De plus, le Fonds pour la large bande est un coût d’entreprise connu et les montants en question sont connus du public depuis 2016. Le Conseil estime que Bell n’a pas démontré de préjudice irréparable et qu’elle n’a donc pas satisfait au deuxième critère.

Est-ce que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’octroi de la suspension?

Pour répondre au dernier critère, le demandeur doit démontrer que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’octroi du redressement demandé, en tenant compte de l’intérêt public, jusqu’à ce que le Conseil ait réglé les questions. Chaque partie doit démontrer qu’elle subira le préjudice le plus important si le Conseil accorde ou refuse le redressement demandé. Dans l’arrêt RJR-MacDonald, la Cour suprême du Canada a déclaré que les facteurs qui doivent être pris en compte lors de l'évaluation de cette partie du test sont nombreux et qu’ils changeront selon le cas traité. Le fait de suspendre la collecte puis de la reprendre serait fastidieux pour le Fonds de contribution national et les payeurs de droits. Ultimement, cela pourrait être encore moins pratique pour les payeurs de droits (et les autres parties) si on le compare au simple fait d’attendre que la décision relative à la révision et à la modification soit publiée plus tard en 2023. De plus, le taux imposé dans la décision 2022-341 est provisoire pour l’année 2023. Le Conseil estime que, même si Bell avait prouvé un préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients penche en faveur du refus de la demande de suspension.

Le Conseil a déterminé que Bell n’a pas satisfait aux critères de l’arrêt RJR-MacDonald en matière d’octroi de suspension. Par conséquent, le Conseil refuse la demande de suspension de Bell concernant la redevance en pourcentage des revenus relative au Fonds pour la large bande pour 2023 en attendant d’obtenir les résultats liés à la demande en vertu de la partie 1.

Veuillez agréer mes salutations distinguées.

Original signé par

Claude Doucet
Secrétaire général

c.c. : Dean Proctor, SSi Canada, regulatory@ssicanada.com
W.N. (Bill) Beckman, Saskatchewan Telecommunications, document.control@sasktel.com
Julia Kennedy, Canadian Telecommunications Contribution Consortium Inc., jkennedy@fasken.com
Marielle Wilson, Bragg Communications Inc., regulatory.matters@corp.eastlink.ca
Jonathan Holmes, Independent Telecommunications Providers Association, regulatory@itpa.ca
Yuka Sai, Public Interest Advocacy Centre, ysai@piac.ca
Leonard Eichel, Cogeco Communications Inc., telecom.regulatory@cogeco.com
Alan Hamilton, TELUS Communications Inc., regulatory.affairs@telus.com

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