Décision de radiodiffusion CRTC 2021-52

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Références : Demande de renouvellement de licence en vertu de la Partie 1 et demande en vertu de la Partie 1 affichées le 5 juin 2020

Ottawa, le 5 février 2021

7590474 Canada Inc.
Laval (Québec)

Dossier public des présentes demandes : 2019-0785-9 et 2019-0878-2

CJLV Laval – Renouvellement de licence et modification de licence

Le Conseil renouvelle la licence de radiodiffusion de la station de radio commerciale de langue française CJLV Laval du 1er mars 2021 au 31 août 2027.

Le Conseil refuse une demande du titulaire en vue de modifier la licence de radiodiffusion de CJLV afin de permettre à la station de consacrer jusqu’à 40 % de sa semaine de radiodiffusion à des émissions de langues tierces.

Renouvellement de licence

  1. Le Conseil a l’autorité, en vertu de l’article 9(1) de la Loi sur la radiodiffusion (la Loi), d’attribuer et de renouveler des licences pour des périodes maximales de sept ans et aux conditions liées à la situation du titulaire qu’il estime indiquées pour la mise en œuvre de la politique de radiodiffusion visée à l’article 3(1) de la Loi, ainsi que de modifier ces conditions à la demande du titulaire.
  2. Le 3 juin 2019, le Conseil a publié l’avis de consultation de radiodiffusion 2019-194, qui énumérait les stations de radio dont les licences de radiodiffusion expirent le 31 août 2020 et devaient être renouvelées afin d’en poursuivre l’exploitation. Dans cet avis de consultation, le Conseil a demandé que les titulaires de ces services déposent leurs demandes de renouvellement pour leurs licences de radiodiffusion.
  3. En réponse à cet avis, 7590474 Canada Inc. (7590474) a déposé une demande en vue de renouveler la licence de radiodiffusion de la station de radio commerciale de langue française CJLV Laval (Québec)Note de bas de page 1.
  4. Étant donné que la station est en conformité à l’égard de ses exigences réglementaires, le Conseil conclut qu’il est approprié de renouveler la licence de radiodiffusion pour une période complète de sept ans.

Modification de licence

  1. En vertu de l’article 10(1)c) de la Loi, dans l’exécution de sa mission, le Conseil peut, par règlement, fixer les normes des émissions et l’attribution du temps d’antenne pour mettre en œuvre la politique canadienne de radiodiffusion. L’article 7(3) du Règlement de 1986 sur la radio (le Règlement) énonce que sauf condition de sa licence l’autorisant à consacrer jusqu’à 40 % de toute semaine de radiodiffusion à des émissions dans une troisième langue, le titulaire M.A., le titulaire M.F. ou le titulaire radio numérique autorisé à exploiter une station autre qu’une station à caractère ethnique ne peut consacrer plus de 15 % de toute semaine de radiodiffusion à des émissions dans une troisième langue.
  2. Le titulaire a déposé une demande afin de modifier sa licence de radiodiffusion afin de permettre à CJLV de consacrer jusqu’à 40 % de la semaine de radiodiffusion à des émissions de langues tierces. Précisément, il propose de diffuser de la programmation en espagnol, arabe, grec et mandarin.
  3. Le titulaire indique que la station fait face à une concurrence redoutable pour la programmation de langue française de la part d’acteurs importants et dominants. Il ajoute que l’écoute sur la radio AM, particulièrement en français, est en déclin constant, ce qui fait en sorte qu’il est difficile de demeurer viable.
  4. Dans la décision de radiodiffusion 2012-147, le Conseil a refusé une demande du titulaire pour la même modification de licence que celle dans sa demande actuelle. Le Conseil a indiqué que bien que le titulaire ait démontré un besoin économique pour la modification proposée, il n’avait pas démontré comment l’approbation de sa demande lui permettrait d’assurer la viabilité financière de CJLV. Dans cette décision, le Conseil a aussi noté que la station ne diffusait aucune programmation en langues tierces, malgré la disposition réglementaire lui permettant de diffuser jusqu’à 15 % de ce type de programmation.

Interventions

  1. Le Conseil a reçu plusieurs interventions en appui à la demande de modification de licence. Il a aussi reçu quatre interventions en opposition de la part de Groupe Radio Evanov inc. (Evanov), 9015-2018 Québec inc. (9015-2018), Télé Grecque de Montréal et Groupe CHCR inc. (Groupe CHCR), auxquelles le demandeur a répliqué.
  2. Les intervenants qui s’opposent à la demande affirment que la modification proposée aurait une incidence négative sur les stations à caractère ethnique titulaires dans le marché. Ils ajoutent que le marché de la radio à caractère ethnique à Montréal éprouve déjà des difficultés. Evanov et Groupe CHCR indiquent que la pandémie de COVID-19 a exacerbé cette situation difficile.
  3. Evanov, titulaire de la station à caractère ethnique CFMB Montréal, affirme que 7590474 n’a pas réussi à établir pourquoi elle avait besoin de plus que les 15 % de programmation en langues tierces permis. Selon Evanov, si le Conseil approuve la demande, les propriétaires de CJLV et CHRN exploiteraient effectivement deux stations de radio à caractère ethnique dans le marché de Montréal, puisque CJLV a une « station sœur » à caractère ethnique, CHRN MontréalNote de bas de page 2. Evanov indique que ceci changerait considérablement l’équilibre du marché de la radio à caractère ethnique.
  4. 9015-2018 et Télé Grecque de Montréal affirment que la programmation proposée par le titulaire ciblerait des communautés qui sont déjà bien desservies par des stations à caractère ethnique dans le marché.
  5. En outre, Groupe CHCR, titulaire de la station à caractère ethnique CKDG-FM Montréal, soutient que CJLV prévoit cibler des groupes ethniques et de langues tierces qui font déjà partie de l’auditoire principal d’autres stations dans le marché, y compris CKDG-FM. Il ajoute que ces auditoires permettent aux stations à caractère ethnique d’offrir des services à une variété de communautés ethniques dans plusieurs langues puisque les plus grands auditoires supportent les plus petits, conformément à l’avis public 1999-117 (la politique relative à la radiodiffusion à caractère ethnique).
  6. Groupe CHCR indique aussi que le Conseil n’autorise généralement pas les stations de radio commerciale à offrir plus de programmation ethnique que le seuil normalisé de 15 % permis selon le Règlement. Il affirme que l’exemple mentionné par le demandeur, CFMS-FM Markham, démontre à quel point l’autorisation est exceptionnelle. Groupe CHCR et Télé Grecque de Montréal déclarent tous deux que le titulaire ne peut comparer sa situation à celle de CFMS-FM.

Réplique

  1. En réplique aux interventions en opposition, le titulaire affirme que CJLV a trouvé un auditoire de créneau en fournissant du contenu axé sur les communautés ethniques de Laval. Il soutient que la modification proposée est non seulement une tentative d’empêcher la station de fermer ses portes, mais aussi de mieux desservir les groupes ethniques dont la taille a augmenté. En ce qui concerne les préoccupations partagées par certains intervenants à propos de la saturation possible du marché à caractère ethnique, le titulaire précise qu’il prévoit augmenter la programmation en arabe maghrébin de seulement 4,25 heures par semaine et la programmation en grec, de 3,1 heures par semaine. Enfin, le titulaire indique que la communauté maghrébine n’est pas desservie par la radio commerciale en ce moment.

Analyse et décision du Conseil

  1. Après avoir examiné le dossier public de la présente demande de modification compte tenu des politiques et règlements pertinents, le Conseil estime que les questions sur lesquelles il doit se pencher sont les suivantes :
    • Le titulaire a-t-il démontré un besoin économique justifiant la modification proposée?
    • L’approbation de la demande aurait-elle une incidence économique indue sur les stations titulaires?
    • La condition de licence permettant de diffuser jusqu’à 40 % de programmation en langues tierces serait-elle appropriée?
Le titulaire a-t-il démontré un besoin économique justifiant la modification proposée?
  1. Le titulaire soutient que la modification proposée est nécessaire pour la viabilité financière de CJLV. Il affirme que le rendement de la station est entravé par son signal AM plus faible et que la concurrence des stations de la ville voisine, Montréal, qui peuvent joindre des auditoires à Laval, causent un déclin constant des revenus.
  2. Le titulaire indique qu’il a expérimenté différentes formules de programmation depuis qu’il a acquis la station en 2011, mais qu’il n’a pas été en mesure d’inverser la tendance à la baisse des revenus. Il précise toutefois que la décision de consacrer 15 % de sa programmation hebdomadaire à la programmation ethnique en 2016 a réduit les pertes et a permis à la station de poursuivre ses activités. Selon le titulaire, l’approbation de la présente demande lui permettrait de tirer parti de ce succès et d’utiliser son expertise établie dans le domaine de la radio multiethnique grâce à son exploitation de CHRN à Montréal.
  3. Dans la décision de radiodiffusion 2012-147, le Conseil a refusé une demande du titulaire en vue de modifier la licence de radiodiffusion de la station afin de consacrer, au cours de chaque semaine de radiodiffusion, jusqu’à 40 % de sa programmation à la programmation de langues tierces. Bien que le Conseil ait reconnu que CJLV éprouvait des difficultés entre 2006 et 2010, il estimait que le titulaire n’avait pas démontré comment la modification proposée, si approuvée, lui permettrait de rentabiliser sa station.
  4. En se fondant sur le rendement financier de la station de 2012 à 2019, le Conseil reconnaît que bien qu’elle consacre une partie de sa programmation hebdomadaire à la programmation ethnique depuis 2016, CJLV n’a été rentable à aucun moment.
  5. Le titulaire a déposé des projections de revenus pour la station si le Conseil approuvait sa demande de modification de licence. Le Conseil note que bien que ces projections soient optimistes, le titulaire possède de l’expérience dans le domaine de la radio en langues tierces puisqu’il exploite CHRN Montréal. De plus, CJLV pourrait bénéficier de synergies avec CHRN, ce qui pourrait aider la station à réduire ses dépenses. Enfin, la population de langues tierces de Laval est un segment de la population qui croît rapidement et, avec la modification proposée, CJLV aurait la possibilité d’atteindre un auditoire différent.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que le titulaire a démontré un besoin économique justifiant la modification proposée.
L’approbation de la demande aurait-elle une incidence économique indue sur les stations titulaires?
  1. Il y a actuellement huit stations de radio à caractère ethnique dans le marché de Montréal. Dans la décision de radiodiffusion 2012-147, le Conseil a noté qu’accorder à CJLV l’autorisation de diffuser du contenu à caractère ethnique supplémentaire sur ses ondes pourrait avoir une incidence négative sur les stations ethniques de Montréal, qui offrent déjà de la programmation aux communautés ethniques ciblées par cette demande.
  2. Depuis cette conclusion, les revenus de publicité et les revenus totaux des stations à caractère ethnique de Montréal ont diminué. Deux stations de radio à caractère ethnique supplémentaires ont aussi obtenu une licence afin de desservir le marché de Montréal.
  3. L’approbation de la modification proposée donnerait au titulaire une deuxième présence multilingue dans le marché de Montréal, lui donnant ainsi un avantage concurrentiel sur les autres groupes de propriété qui exploitent chacun une seule station.
  4. De plus, la pandémie de COVID-19 a créé une pression supplémentaire sur l’industrie de la radiodiffusion et a augmenté la vulnérabilité des stations titulaires à l’égard de l’incidence négative indue. Selon les données de Trans-Canada Radio Advertising by Market, les revenus de publicité entre avril et octobre 2020 dans le marché de Montréal étaient plus bas que les revenus de publicité de la même période en 2019.
  5. Bien qu’il ne puisse pas confirmer pour le moment si les stations à caractère ethnique ont été plus touchées par la pandémie que les stations de langue française ou de langue anglaise, le Conseil note que les services à caractère ethnique dépendent en général fortement de la publicité locale, et la pandémie a une incidence plus grande sur la publicité locale que sur la publicité nationale. Par conséquent, accorder l’autorisation de diffuser plus de contenu à caractère ethnique sur les ondes de CJLV aurait une incidence sur les stations titulaires dans le marché.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil conclut que la modification proposée risquerait d’avoir une incidence négative indue sur les stations titulaires dans le marché.
La condition de licence permettant de diffuser jusqu’à 40 % de programmation en langues tierces serait-elle appropriée?
  1. En vertu de l’article 7(3) du Règlement, sauf condition de sa licence l’autorisant à consacrer jusqu’à 40 % de toute semaine de radiodiffusion à des émissions dans une troisième langue, un titulaire autorisé à exploiter une station autre qu’une station à caractère ethnique ne peut consacrer plus de 15 % de toute semaine de radiodiffusion à des émissions dans une troisième langue. Tel qu’énoncé dans la politique relative à la radiodiffusion à caractère ethnique, cette exigence d’obtenir l’approbation du Conseil vise à garantir de les stations autres que les stations à caractère ethnique ont la souplesse maximale pour refléter les communautés qu’elles desservent tout en offrant aux stations à caractère ethnique une certaine protection en ce qui concerne leurs obligations de servir un vaste éventail de groupes ethniques.
  2. Dans la décision de radiodiffusion 2012-487, le Conseil a approuvé une demande pour une nouvelle station commerciale FM afin de desservir Markham (Ontario). Le demandeur proposait de diffuser un maximum de 36,9 % de programmation en langues tierces au cours de chaque semaine de radiodiffusion et de se conformer à une condition de licence exigeant qu’il offre de la programmation visant au moins cinq groupes ethniques en au moins neuf langues différentes. Dans cette décision, le Conseil a indiqué que le caractère général de la formule proposée, la nature locale de la programmation de la station et la petite taille de sa zone de desserte limiteraient sans doute toute incidence financière sur les stations de radio de musique et les stations à caractère ethnique existantes du marché et que toute incidence serait répartie entre plusieurs stations. 7590474 fait référence à cette décision pour appuyer sa demande de modification.
  3. Dans sa demande, le titulaire propose de diffuser de la programmation dans seulement quatre langues autres que le français et ne propose pas de condition de licence exigeant qu’il diffuse dans un nombre minimum de langues. Sans une telle condition de licence, le titulaire aurait une plus grande liberté de cibler des groupes ethniques dans des langues clés qu’une station à caractère ethnique. Ceci pourrait avoir une incidence sur les stations à caractère ethnique dans le marché qui desservent déjà ces groupes et qui doivent aussi desservir des groupes ethniques de plus petite taille.
  4. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime qu’il n’y a pas de mesures de protection adéquates pour limiter l’incidence de la modification de licence proposée sur les stations à caractère ethnique titulaires. Le Conseil conclut que bien qu’accorder l’exception serait une manière de promouvoir les objectifs de politique énoncés ci-dessus, ceci ne devrait pas être au détriment des stations à caractère ethnique qui desservent actuellement le marché.
  5. 7590474 indique qu’elle consacre actuellement 11 heures, ou 9 %, de sa programmation à des émissions en langues tierces, et 7,75 heures, ou 6 %, à des émissions à caractère ethnique de langue française. Le Conseil rappelle au titulaire qu’il n’y a aucune limite à la quantité de programmation ethnique en français et en anglais que les stations autres que celles à caractère ethnique peuvent diffuser et que les émissions à caractère ethnique de langue française et de langue anglaise ne comptent pas dans le seuil maximal de 15 % d’émissions en langues tierces en vertu du Règlement.

Conclusion

  1. Compte tenu de tout ce qui précède, et conformément à l’autorité énoncée à l’article 9(1) de la Loi, le Conseil renouvelle la licence de radiodiffusion de l’entreprise de programmation de radio commerciale de langue française CJLV Laval du 1er mars 2021 au 31 août 2027. Le titulaire doit se conformer aux conditions de licence énoncées dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2009-62 ainsi qu’aux conditions énoncées dans la licence de radiodiffusion de l’entreprise.
  2. En outre, le Conseil refuse la demande de 7590474 Canada Inc. en vue de modifier la licence de radiodiffusion de CJLV afin de permettre à la station de consacrer jusqu’à 40 % de sa semaine de radiodiffusion à des émissions de langues tierces.

Rappel

  1. En vertu de l’article 22 de la Loi, les licences de radiodiffusion renouvelées dans la présente décision deviendront nulles et sans effet advenant l’expiration du certificat de radiodiffusion émis par le ministère de l’Industrie.

Attente

  1. Le Conseil s’attend à ce que les pratiques du titulaire en matière de programmation et d’embauche reflètent la diversité culturelle du Canada.

Encouragement

  1. Conformément à l’avis public 1992-59, le Conseil encourage le titulaire à tenir compte des questions d’équité en matière d’emploi dans ses pratiques d’embauche et dans tous les autres aspects de sa gestion des ressources humaines.

Secrétaire général

Documents connexes

La présente décision doit être annexée à la licence.

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