Décision de radiodiffusion CRTC 2020-222

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Référence : Demande de la Partie 1 affichée le 9 décembre 2019

Ottawa, le 13 juillet 2020

St. Andrews Community Channel Inc.
Divers emplacements au Nouveau-Brunswick

Dossier public de la présente demande : 2019-1114-9

Plainte déposée par St. Andrews Community Channel Inc. alléguant une préférence indue à l’encontre de Rogers Communications Canada Inc. concernant la distribution de CHCO-TV

Le Conseil estime qu’en distribuant ses services connexes OMNI Regional, Citytv et Rogers TV dans toute la province du Nouveau-Brunswick, et CHCO-TV uniquement dans une partie du Nouveau-Brunswick, soit le comté de Charlotte, Rogers Communications Canada Inc. (Rogers) ne s’accorde pas de préférence indue. Par conséquent, le Conseil rejette la plainte de préférence indue de St. Andrews Community Channel Inc. – CHCO-TV (CHCO-TV) concernant la distribution de son service par Rogers au Nouveau-Brunswick.

Le Conseil rejette également la plainte selon laquelle Rogers est en non-conformité à l’égard de l’obligation de fournir un avis de réalignement des canaux prévue à l’article 15.3 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion, comme le prétend CHCO-TV.

Enfin, le Conseil rappelle à Rogers qu’il est interdit de modifier ou de supprimer le contenu d’un service de programmation. Le Conseil pourrait donc prendre des mesures réglementaires à l’avenir, si on lui fournissait des preuves d’autres cas de modification et de suppression inappropriées de contenu.

Parties

  1. CHCO-TV est une station de télévision communautaire de faible puissance provenant de St. Andrews (Nouveau-Brunswick). En tant que station de faible puissance, elle est considérée comme une station de télévision locale dans les régions où elle est disponible en direct, et bénéficie donc d’une distribution obligatoire dans ces zones de desserteNote de bas de page 1.
  2. Rogers Communications Canada Inc. (Rogers) exploite plusieurs entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) au Nouveau-Brunswick, exemptéesNote de bas de page 2 ou autorisées. Rogers offre des services de télévision sur deux plateformes différentes :
    • son service de câble numérique traditionnel;
    • un service de télévision sur protocole Internet (IPTV) commercialisé sous le nom d’Ignite TV (lancé le 21 août 2019 au Nouveau-Brunswick).
  3. Rogers exploite également six canaux communautaires, toutes sous le nom Rogers TV, selon une approche par secteursNote de bas de page 3 au Nouveau-Brunswick.

Plainte

Préférence indue

  1. Le 31 octobre 2019, St. Andrews Community Channel Inc. – CHCO-TV (CHCO-TV) a déposé une demande alléguant que Rogers s’accorde une préférence indue en distribuant son propre canal communautaire, Rogers TV, et ses stations traditionnelles connexes, Citytv et OMNI Regional, dans l’ensemble du Nouveau-Brunswick, tout en limitant la distribution de CHCO-TV au comté de Charlotte.
  2. CHCO-TV soutient que, en tant que seule station de télévision détenue et exploitée localement au Nouveau-Brunswick, les émissions de nouvelles, d’affaires publiques et de divertissement qu’elle produit sont tout aussi importantes que les émissions communautaires produites par Rogers (et diffusées sur Rogers TV), et plus pertinentes pour le Nouveau-Brunswick que le contenu non local présenté sur Citytv ou OMNI Regional, qui n’ont pas d’émetteurs dans la province. De façon plus générale, CHCO-TV estime que Rogers a rendu inutilement difficile la gestion de sa station communautaire en limitant la programmation de CHCO-TV à St. Andrews, tout en créant une situation de concurrence avec Rogers TV pour ce qui est des parrainages et du bingo à la télévision.
  3. CHCO-TV demande donc que sa station soit distribuée dans toute la province du Nouveau-Brunswick par Rogers.

Réalignement des canaux

  1. CHCO-TV allègue également que, lorsque Rogers a lancé sa nouvelle plateforme IPTV, Ignite TV, en août 2019, elle a attribué le canal 133 à CHCO-TV, alors que le service est distribué sur le canal 126 de la plateforme de câble numérique existante de Rogers. Selon CHCO-TV, le fait que Rogers a attribué un canal différent à son service sur la nouvelle plateforme IPTV sans préavis va à l’encontre de l’article 15.3 du Règlement sur la distribution de radiodiffusion (le Règlement).
  2. CHCO-TV soutient que le placement sur le canal 126 a été mutuellement convenu par les deux parties en 2017 dans le cadre de l’instance de renouvellement de licence de Rogers. De plus, elle affirme que le fait que sa station soit maintenant distribuée sur différents canaux selon la plateforme crée des difficultés concernant l’image de marque de CHCO-TV. Par exemple, CHCO-TV explique que, depuis plus d’un an, ses émissions de nouvelles se nomment « CHCO-TV NewsBreak26 » et « News26 », ce qui reflète sa distribution sur UHF (canal 26), Bell Fibe (canal 26) et la plateforme de câble traditionnelle de Rogers (canal 126).
  3. CHCO-TV ajoute qu’un changement de nom de marque suppose de modifier les cartes professionnelles, les médias imprimés, les affiches aux points de vente du bingo à la télévision ainsi que les renseignements sur le placement des canaux figurant sur son site Web, ce qui représente des coûts financiers importants. CHCO-TV indique qu’elle n’a pas encore procédé à de telles modifications et qu’elle espérait que l’issue de cette plainte lui permettrait d’être placée sur le canal 126 de la plateforme Ignite TV de Rogers.
  4. Compte tenu de ce qui précède, CHCO-TV demande que Rogers soit tenue de distribuer CHCO-TV sur le canal 126 de la plateforme Ignite TV de Rogers.

Interruptions de service

  1. CHCO-TV allègue que Rogers a fait subir à CHCO-TV et à ses téléspectateurs des interruptions de service le 30 septembre 2019 et le 8 décembre 2019Note de bas de page 4. Elle soutient que, lors de l’incident du 30 septembre 2019, les abonnés de Rogers Ignite TV qui essayaient de regarder CHCO-TV ont reçu un message où on leur demandait de patienter et où on précisait que le diffuseur éprouvait des difficultés techniques. CHCO-TV indique que son signal était en réalité fourni à Rogers (comme l’illustre le fait qu’il n’y a pas eu d’interruption de service pour CHCO-TV sur la plateforme de câble numérique existante de Rogers), mais que Rogers connaissait des difficultés techniques avec sa plateforme Ignite TV.
  2. CHCO-TV ajoute que le 8 décembre 2019, lors de la diffusion d’un téléthon sur CHCO-TV, Rogers a substitué le signal de son propre canal communautaire, Rogers TV, au signal de CHCO-TV sur le canal 133 de sa plateforme Ignite TV. Selon CHCO-TV, le problème a persisté pendant 45 minutes après que Rogers a été informé de la situation, et cela a pu nuire à sa capacité à recueillir des fonds. CHCO-TV estime qu’en modifiant le contenu de son service, Rogers a contrevenu à l’article 7 du Règlement.
  3. CHCO-TV fait valoir que les deux cas d’interruption de service susmentionnés prouvaient que Rogers ne peut pas surveiller CHCO-TV depuis Toronto. Elle ajoute que les problèmes ont été signalés par les téléspectateurs, elle-même n’ayant pas les moyens de payer plusieurs abonnements au câble afin de surveiller les différents fournisseurs qui distribuent son service.

Réponse de Rogers

Préférence indue

  1. Rogers soutient qu’il n’y a aucune preuve que sa distribution de Rogers TV et des canaux de télévision traditionnelle Citytv et OMNI Regional au Nouveau-Brunswick constitue une préférence indue.
  2. Rogers explique que son obligation de distribuer CHCO-TV est limitée à son EDR desservant St. Andrews. Cela s’explique par le fait qu’en tant qu’EDR exemptée qui dessert moins de 2 000 abonnés, l’EDR n’est tenue de distribuer que des stations en direct locales, et que CHCO-TV est une station de télévision communautaire en direct de faible puissance qui, compte tenu de son périmètre de rayonnement, n’est locale qu’à St. Andrews. Rogers ajoute que, bien que CHCO-TV soit considérée comme éloignée des systèmes de St. Stephen et de St. George, Rogers s’est engagée volontairement, lors de l’instance de renouvellement de sa licence en 2017, à étendre la distribution de CHCO-TV afin que soient incluses ces deux EDR dans le comté de Charlotte. Rogers fait remarquer que le Conseil avait reconnu à l’époque que cette distribution était effectuée volontairement et qu’elle ne constituait pas une obligation réglementaire.
  3. Rogers soutient qu’elle offre son canal communautaire, Rogers TV, au Nouveau-Brunswick, conformément à une approche par secteurs que le Conseil a approuvé initialement en 2006 et renouvelé récemment, en 2018. Selon l’approche par secteurs, Rogers distribue la programmation communautaire par l’intermédiaire de canaux communautaires distincts desservant six régions (ou secteurs) différentes dans la province. Rogers indique que le canal communautaire desservant le secteur de Saint John est celui qui est distribué dans les systèmes du comté de Charlotte, et que sa distribution du canal de Saint John est limitée aux EDR qui composent la région de Saint John. La même approche est adoptée pour les autres canaux communautaires de Rogers distribués au Nouveau-Brunswick, qui sont chacun distribués uniquement dans la région qu’ils desservent.
  4. En ce qui concerne la distribution d’OMNI Regional, Rogers explique qu’elle distribue OMNI Regional dans le cadre du service de base au Nouveau-Brunswick conformément à l’ordonnance de distribution obligatoire rendue par le Conseil.
  5. En ce qui concerne Citytv, Rogers fait remarquer qu’elle l’inclut dans son service de base au Nouveau-Brunswick pour donner aux téléspectateurs l’accès à une station traditionnelle qui acquiert des droits nationaux sur des émissions populaires présentant un intérêt général pour les téléspectateurs du Nouveau-Brunswick et du reste du Canada. Elle ajoute que cette distribution est conforme au Règlement, qui autorise les EDR à distribuer jusqu’à dix stations de télévision autorisées dans le cadre du service de base, y compris les stations traditionnelles qui peuvent être éloignées d’une EDR donnée.

Réalignement des canaux

  1. Rogers note que ses systèmes dans le comté de Charlotte sont exemptés et ne sont donc pas assujettis à l’article 15.3 du Règlement, qui exige que les EDR donnent un avis aux personnes concernées avant un réalignement des canaux.
  2. En outre, Rogers argue que le lancement au Nouveau-Brunswick de sa nouvelle plateforme IPTV, Ignite TV, le 21 août 2019 ne constituait pas un réalignement des canaux, comme en témoigne le fait que CHCO-TV continue d’être disponible aux mêmes canaux sur la plateforme de câble numérique de Rogers dans les systèmes du comté de CharlotteNote de bas de page 5, en plus d’être offerte au canal 133 de la plateforme Ignite TV.
  3. Rogers explique que le canal 133 devait être attribué à CHCO-TV puisque la plateforme Ignite TV a une grille de canaux harmonisée au-delà du canal 100, ce qui signifie qu’un service de programmation est distribué sur le même canal dans toutes les zones de desserte de Rogers en Ontario, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve. De plus, Rogers soutient que l’importance du placement des canaux diminue dans un environnement numérique et que, par conséquent, l’allégation selon laquelle l’attribution de CHCO-TV au canal 133 sur Ignite TV a une incidence négative sur les cotes d’écoute est fortement exagérée. Pour étayer cette affirmation, Rogers fait remarquer que les abonnés d’Ignite TV qui ne connaissent pas le numéro de canal d’un service en particulier ont accès à diverses méthodes pour le trouver, notamment le guide des canaux traditionnel à l’écran, où les clients voient que CHCO-TV est au canal 133, seulement quelques emplacements sous le canal 126, ainsi qu’une télécommande dotée de capacités de recherche activée par la voix, conçue pour qu’il soit très facile de rechercher et de syntoniser un service de programmation particulier.
  4. Enfin, Rogers note que CHCO-TV n’a pas encore mis à jour son site Web pour informer ses téléspectateurs que son service est disponible sur le canal 133 de la plateforme Ignite TV, choisissant ainsi d’exclure de sa page d’accueil toute information sur le numéro de son canal d’Ignite TV, malgré l’inscription de l’emplacement de son canal sur les grilles d’autres fournisseurs de services de télévision. Rogers estime donc que CHCO-TV est plus intéressée à utiliser cette question pour justifier sa demande de distribution plus large par Rogers.
  5. Néanmoins, Rogers reconnaît que le fait de ne pas avoir informé CHCO-TV de son emplacement sur la plateforme Ignite TV était un oubli, et qu’elle avait supposé à tort qu’elle avait avisé tous les services qui seraient offerts sur un canal différent d’Ignite TV lors d’une campagne de sensibilisation qu’elle avait menée en 2018 (avant le lancement de la plateforme en Ontario).

Interruptions de service

  1. En ce qui concerne l’incident du 30 septembre 2019, Rogers indique qu’un message faisant état de « difficultés techniques » avait remplacé le signal de CHCO-TV alors qu’une enquête interne était menée pour déterminer le problème (qui n’a touché que la plateforme Ignite TV et a finalement été résolu).
  2. Pour ce qui est de l’incident du 8 décembre 2019, Rogers admet qu’après avoir constaté qu’il y avait un problème de signal quant à CHCO-TV, un employé de Rogers a décidé d’attribuer un signal de Rogers TV au canal 133 entre-temps. Rogers indique que son employé a supposé à tort que, puisque le canal 133 est utilisé pour distribuer la programmation communautaire, Rogers TV devait être placée sur ce canal en tant que signal de remplacement. Rogers affirme que cette décision n’a pas été prise conformément à son processus de dépannage interne. En outre, Rogers reconnaît que, dès qu’elle a eu connaissance de cet incident, elle a réalisé un examen complet de la procédure à suivre pour remédier à une perte ou à une dégradation du signal, procédure qui consiste à communiquer avec le télédiffuseur touché et à inscrire un message faisant état de « difficultés techniques » sur le canal concerné si le problème n’est pas résolu dans un délai raisonnable.
  3. Enfin, pour ce qui est de l’argument de CHCO-TV selon lequel Rogers ne peut pas réellement surveiller CHCO-TV depuis Toronto, Rogers indique que son centre d’exploitation du réseau surveille de manière proactive tous les signaux de diffusion, 24 heures sur 24. Elle explique qu’une perte ou une dégradation du signal déclenche une alarme, ce qui conduit à une enquête et à la prise de mesures pour rétablir le signal. Pour démontrer ce qui précède, Rogers a énuméré plusieurs cas (sept au total), survenus en 2019, où Rogers a traité directement avec CHCO-TV pour régler des problèmes de perte et de dégradation du signal, problèmes qui semblaient tous provenir de CHCO-TV.

Interventions

  1. Le Conseil a reçu 18 interventions de particuliers et d’organisations locales du Nouveau-Brunswick en appui à la plainte de CHCO-TV contre Rogers, la plupart d’entre eux faisant valoir que CHCO-TV assure une couverture importante des événements locaux qui n’est pas offerte par les autres diffuseurs.
  2. Certains intervenants qualifient les pratiques de Rogers de « tactiques d’intimidation » et sont d’avis qu’au lieu de chercher à limiter la disponibilité et le nombre de téléspectateurs de CHCO-TV, Rogers devrait distribuer la programmation de CHCO-TV dans tout le Nouveau-Brunswick, voire à l’échelle nationale.
  3. Une intervenante souligne le fait que, bien qu’elle réside dans un secteur adjacent au comté de Charlotte, elle ne reçoit pas CHCO-TV par l’intermédiaire de son abonnement à Rogers.

Analyse et décisions du Conseil

Test de la préférence indue

  1. Le Conseil est tenu par la Loi sur la radiodiffusion (la Loi) de réglementer et de superviser tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en œuvre la politique de radiodiffusion énoncée à l’article 3(1) de la Loi, tout en tenant compte de la politique réglementaire énoncée à l’article 3(2). En vertu de l’article 10(1) de la Loi, le Conseil a le pouvoir d’établir des règlements dans l’exécution de sa mission.
  2. Plus précisément, le Conseil peut notamment, par règlement, régir la fourniture de services de programmation par les entreprises de distribution, pourvoir au règlement de différends concernant la fourniture de programmation et survenant entre les entreprises de programmation qui la transmettent et les entreprises de distribution, de même que prendre toute autre mesure qu’il estime nécessaire à l’exécution de sa mission, en application des articles 10(1)g), 10(1)h) et 10(1)k) respectivement.
  3. Conformément à ces pouvoirs, le Conseil a établi l’article 9 du Règlement, qui prévoit ce qui suit :
    1. Il est interdit au titulaire d’accorder à quiconque, y compris lui-même, une préférence indue ou d’assujettir quiconque à un désavantage indu.
    2. [...] il incombe au titulaire qui a accordé une préférence ou fait subir un désavantage d’établir que la préférence ou le désavantage n’est pas indu.
  4. Lorsque le Conseil examine une plainte alléguant une préférence indue ou un désavantage indu, il doit d’abord déterminer s’il y a préférence ou désavantage. La préférence ou le désavantage sont généralement définis comme le traitement différent d’entités comparables.
  5. Si le Conseil conclut qu’une préférence a été accordée ou qu’une personne a été assujettie à un désavantage, il doit déterminer si la préférence ou le désavantage est indu. Plus précisément, le Conseil évalue si cette préférence ou ce désavantage a causé ou pourrait causer un préjudice important au plaignant ou à une autre personne. Il examine également l’incidence que la préférence ou le désavantage exerce, ou risque d’exercer, sur l’atteinte des objectifs énoncés dans la Loi.
  6. En vertu de l’article 17(1)c) du Règlement et conformément à la politique sur la télévision communautaireNote de bas de page 6, les EDR sont tenues de distribuer le service de programmation d’une station de télévision communautaire de faible puissance, comme CHCO-TV, aux abonnés de l’entreprise de distribution dont la résidence ou les autres installations sont situées dans la zone de desserte de cette station. Rogers distribue actuellement le service de programmation de CHCO-TV à ses abonnés qui se trouvent dans la zone de desserte de la station, à savoir St. Andrews. Rogers indique également dans sa réponse qu’elle a volontairement étendu la distribution de CHCO-TV afin qu’elle comprenne deux autres EDR du comté de Charlotte, soit les systèmes de St. Stephen et de St. George, bien que CHCO-TV se trouve à l’extérieur de ces zones de desserte. Par conséquent, le Conseil estime que la distribution actuelle de CHCO-TV par Rogers est conforme à cette exigence.
  7. Toutefois, dans le cas présent, CHCO-TV soutient que Rogers s’accorde une préférence indue en distribuant ses stations traditionnelles, Citytv et OMNI Regional, ainsi que son propre canal communautaire, Rogers TV, dans toute la province du Nouveau-Brunswick, tout en limitant la distribution de CHCO-TV aux abonnés de Rogers dont la résidence est située dans le comté de Charlotte.
Préférence indue – Distribution de Citytv et d’OMNI Regional
  1. En ce qui concerne Citytv, le Conseil note que sa distribution n’est pas obligatoire au Nouveau-Brunswick, puisque Rogers n’exploite aucune station locale dans le Canada atlantique. Toutefois, sa distribution dans le cadre du service de base est autorisée en vertu de l’article 17(6) du Règlement, qui permet aux EDR terrestres d’inclure d’autres stations en direct canadiennes non locales – jusqu’à un maximum de 10 stations en direct – dans les zones comptant moins de 10 stations locales et régionales. Il est important de noter que bien que cette disposition permette à Rogers de distribuer d’autres stations en direct canadiennes non locales, il ne s’agit pas d’une obligation.
  2. Pour établir qu’il existe une préférence indue, des entités comparables doivent faire l’objet d’un traitement différent. Selon le Conseil, une station de télévision communautaire de faible puissance telle que CHCO-TV ne peut être considérée comme comparable à une station commerciale traditionnelle telle que Citytv. La politique sur la télévision communautaire établit que les entreprises de télévision communautaire de faible puissance devraient fournir un fort pourcentage de programmation produite localement et reflétant la réalité locale « qui complétera celle des stations de télévision traditionnelle » et qu’elles « ne devraient pas reproduire la programmation de services de télévision existants »Note de bas de page 7.
  3. Une programmation hyperlocale comme celle qu’offre CHCO-TV, malgré l’importance qu’elle revêt pour les communautés desservies par cette entreprise, n’est pas comparable à la télévision traditionnelle, qui cible généralement un auditoire plus vaste en produisant une programmation d’intérêt général et en se procurant les droits relatifs au contenu populaire. Par conséquent, et conformément aux interprétations qu’il a données antérieurement à l’égard de la préférence indueNote de bas de page 8, le Conseil estime que le fait que Rogers ne distribue pas CHCO-TV de la manière qu’il distribue Citytv ne constitue pas une préférence, puisque ces deux entités ne sont pas comparables.
  4. Le Conseil estime que ces conclusions sont également valables pour OMNI Regional, un service national multilingue à caractère multiethnique, lorsqu’on le compare avec CHCO-TV. En raison de la nature très précise de ses services, OMNI Regional ne peut être considérée comme comparable à CHCO-TV. En outre, OMNI Regional doit être distribuée par des EDR, en vertu de la décision de radiodiffusion 2017-152 et de l’ordonnance de radiodiffusion 2017-153. Ainsi, si Rogers n’en assurait pas la distribution, elle serait en situation de non-conformité. Par conséquent, le Conseil estime qu’en distribuant OMNI Regional à tous ses abonnés au Nouveau-Brunswick, Rogers ne s’accorde pas une préférence indue, mais se conforme plutôt aux exigences réglementaires.
Préférence indue – Distribution de Rogers TV
  1. En ce qui concerne l’allégation de CHCO-TV selon laquelle le fait que Rogers distribue sa propre chaîne communautaire, Rogers TV, dans toute la province du Nouveau-Brunswick constitue une préférence indue, le Conseil estime que bien que les canaux communautaires exploités par une EDR (comme Rogers TV) et les stations de télévision communautaire de faible puissance (comme CHCO-TV) soient exploités en vertu de différentes règles et obligations, il s’agit d’entités comparables, puisqu’elles doivent toutes deux atteindre les objectifs généraux de la politique sur la télévision communautaire, qui consistent à :
    • assurer la création et la présentation d’une plus grande quantité de programmation communautaire produite localement et reflétant la réalité locale;
    • encourager la diversité des voix et des solutions de remplacement en encadrant les nouveaux venus à l’échelle locale.
  2. Par conséquent, ces deux entités produisent un type de programmation locale que n’offrent pas nécessairement les stations traditionnelles, tout en permettant à de nouvelles voix de participer au système de radiodiffusion canadien.
  3. Toutefois, en ce qui concerne l’affirmation de CHCO-TV selon laquelle Rogers distribue son propre canal communautaire (Rogers TV) dans l’ensemble de la province, le Conseil estime qu’elle ne reflète pas la situation exacte, puisqu’en réalité, Rogers distribue des canaux communautaires distincts (tous exploités sous le nom de Rogers TV) dans différentes parties du Nouveau-Brunswick.
  4. Comme l’a indiqué Rogers dans sa réponse, elle distribue de la programmation communautaire par l’intermédiaire de canaux communautaires distincts desservant six régions (ou secteurs) différentes dans la province, ce qui cadre avec l’approche par secteurs autorisée par le Conseil concernant pour la programmation communautaire. En vertu de cette approche, la programmation qui est produite dans une municipalité située dans un secteur est considérée comme de la programmation locale dans toutes les régions que comprend ce secteur.
  5. Ainsi, bien qu’il puisse sembler que Rogers distribue Rogers TV dans toute la province, la distribution de chacun des six canaux précis de Rogers TV se limite au secteur dans lequel le canal est considéré comme un canal local. Par conséquent, le Conseil estime que Rogers distribue CHCO-TV et Rogers TV de manière comparable, c’est-à-dire dans des secteurs où le service est considéré comme un service local, et que cette distribution ne peut être considérée comme un traitement différent.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la plainte de CHCO-TV pour préférence indue concernant la distribution de son service au Nouveau-Brunswick.

Réalignement des canaux

  1. Conformément aux pouvoirs de créer un règlement concernant le réalignement des canaux qui lui sont conférés en vertu des articles 10(1)g), 10(1)h) et 10(1)k) de la Loi, le Conseil a également créé l’article 15.3 du Règlement, qui établit l’obligation d’envoyer un avis aux EDR titulaires avant de procéder à tout réalignement d’un canal : Le titulaire ne peut réaligner le canal sur lequel un service de programmation canadien est distribué que si, au moins soixante jours avant la date prévue pour le réalignement, il envoie, à chacun des exploitants des services de programmation qui seront touchés par le réalignement, un avis écrit précisant la date en question et le canal sur lequel le service de programmation sera distribué.
  2. En tant qu’EDR exemptée à St. Andrews, St. Stephen et St. George, Rogers n’est pas assujettie au Règlement dans ces régions et, par conséquent, n’est pas assujettie à l’obligation d’envoyer un avis de réalignement de canaux prévu à l’article 15.3 du Règlement. L’ordonnance d’exemption des EDR ne comprend aucune disposition équivalente obligeant l’EDR à envoyer un avis.
  3. Par conséquent, le Conseil ne peut pas conclure que Rogers ne s’est pas conformée à l’article 15.3 du Règlement du fait qu’elle a omis d’envoyer à CHCO-TV, située à St. Andrews, un avis au sujet du réalignement d’un canal.
  4. En outre, le Conseil estime que la distribution d’un service de programmation sur un autre canal d’une nouvelle plateforme ne constitue pas un « réalignement de canal ». Tandis que l’envoi d’un avis de réalignement pourrait aider à réduire au minimum les  perturbations ou la confusion pour les abonnés qui n’apportent aucun changement au service auquel ils s’abonnent (en permettant au service de programmation d’avoir assez de temps pour informer ses téléspectateurs du changement imminent), les abonnés qui passent à une nouvelle plateforme s’attendront probablement à une certaine forme de changement ou de perturbation. Ainsi, même si l’article 15.3 du Règlement s’appliquait dans le contexte actuel, le service de programmation offert par CHCO-TV serait toujours distribué sur le canal 126 de la plateforme de câble numérique de Rogers.
  5. Même si l’article 15.3 du Règlement ou une disposition équivalente de l’ordonnance d’exemption des EDR s’appliquait, le Conseil estime que la mesure corrective proposée par CHCO-TV, c’est-à-dire exiger que la station soit offerte sur le canal 126 de la plateforme Ignite TV de Rogers, va au-delà de l’obligation voulant que l’EDR envoie un avis avant de procéder au réalignement d’un canal. Plus précisément, cette disposition exige seulement qu’un avis soit envoyé et ne donne au service de programmation aucune possibilité de refuser ou de négocier le réalignement prévu. Le fait d’obliger Rogers à distribuer CHCO-TV sur un canal précis (canal 126) de sa plateforme Ignite TV ne cadrerait pas avec l’approche générale du ConseilNote de bas de page 9 selon laquelle les questions relatives à l’emplacement des canaux devraient être négociées par les parties en cause et qu’en règle générale, le Conseil ne se préparerait pas à exercer ses pouvoirs en matière de règlement des différends en ce qui concerne les différends qui sont essentiellement de nature commerciale.
  6. Conformément à cette approche, le Conseil s’est généralement abstenu de réglementer l’emplacement des canaux. Dans les différends concernant l’emplacement de canaux où il est intervenu, le Conseil a examiné la question sous l’angle d’un « quartier de canaux », c’est-à-dire du regroupement de canaux semblables à proximité les uns des autresNote de bas de page 10 plutôt que d’imposer l’emplacement précis d’un canal.
  7. Dans le cas présent, en étant placé à un canal situé à proximité de son emplacement original (de 126 à 133), CHCO-TV demeure dans le même quartier général de canaux.
  8. L’approche générale qu’adopte le Conseil de s’abstenir de réglementer l’emplacement des canaux est encore plus valide de nos jours compte tenu des divers outils dont disposent les abonnés pour trouver un canal en particulier – y compris la télécommande d’Ignite TV dotée de capacités de recherche activée par la voix – et des divers moyens de communication mis à la disposition des services de programmation pour communiquer avec les téléspectateurs.
  9. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil rejette la plainte selon laquelle Rogers ne respecte pas l’obligation prévue à l’article 15.3 du Règlement.
  10. Toutefois, le Conseil encourage toutes les parties qui entretiennent des relations commerciales à communiquer efficacement les renseignements qui risquent d’avoir une incidence sur l’une des parties, même en l’absence d’une obligation d’envoyer un avis concernant les changements à venir.

Interruptions de service

  1. Aux termes de l’article 9(4) de la Loi, le Conseil peut, aux conditions qu’il juge indiquées, soustraire les exploitants d’entreprise de radiodiffusion de la catégorie qu’il précise à toute obligation découlant soit de la partie II de la Loi, soit de ses règlements d’application, dont il estime l’exécution sans conséquence majeure sur la mise en œuvre de la politique canadienne de radiodiffusion.
  2. En vertu de ce pouvoir, le Conseil a créé l’ordonnance d’exemption des EDR, qui permet aux EDR desservant moins de 20 000 abonnés d’exercer leurs activités conformément aux conditions spécifiques énoncées dans la politique réglementaire de radiodiffusion 2017-319 et l’ordonnance de radiodiffusion 2017-320.
  3. Conformément à l’article 11 de l’ordonnance d’exemption des EDR, une EDR n’a pas le droit de modifier le contenu ou le format d’un service de programmation ni de retirer un tel service au cours de sa distribution dans une zone de desserte autorisée, sauf dans certaines circonstances précisesNote de bas de page 11. L’article 7 du Règlement, qui a été établi en application des articles 10(1)g) et 10(1)k) de la Loi, prévoit également cette interdiction.
  4. CHCO-TV indique que sa station a subi des interruptions de service à deux occasions distinctes (le 30 septembre et le 8 décembre 2019) et que ces incidents constituaient la preuve que Rogers ne peut pas surveiller CHCO-TV depuis Toronto.
  5. Même s’il est compréhensible que deux interruptions subies au cours d’une période d’un peu plus de deux mois puissent s’avérer frustrantes pour un service de programmation, CHCO-TV n’a pas démontré qu’il existe un problème systémique quant à la fourniture de son service par Rogers. Au contraire, le Conseil conclut qu’en fournissant une liste de sept cas survenus en 2019 où elle a directement traité avec CHCO-TV pour remédier à la perte du signal, Rogers a démontré qu’elle participe à la surveillance du service et à la recherche de solutions au besoin. Pour ce qui est des sept cas de perte du signal mentionnés par Rogers dans sa réponse, CHCO-TV n’a pas nié le fait que ces interruptions de service se sont produites ni l’affirmation de Rogers selon laquelle elles semblaient provenir de CHCO-TV.
  6. Le Conseil note que, bien que l’insertion d’un message indiquant de « patienter » et faisant état de « difficultés techniques » puisse être une pratique acceptable, l’incident du 8 décembre 2019, au cours duquel Rogers a intégré un service de programmation différent (son propre canal communautaire, Rogers TV) au signal de la station d’origine (CHCO-TV), constitue une modification d’un service de programmation, ce qui est interdit par l’article 7 du Règlement et par l’article 11 de l’ordonnance d’exemption des EDR, pour lesquels une exception valable ne s’appliquait pas.
  7. Toutefois, le Conseil reconnaît que l’insertion du 8 décembre 2019 semble être un incident isolé qui a été corrigé plutôt rapidement par Rogers, et que cette dernière a pris des mesures pour garantir qu’un tel incident ne se reproduirait pas. Par conséquent, le Conseil rappelle à Rogers qu’il est interdit de modifier ou de supprimer le contenu d’un service de programmation. Si le Conseil recevait la preuve d’autres cas de modification et de suppression non autorisées de contenu, il pourrait prendre des mesures réglementaires supplémentaires.

Secrétaire général

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